Language of document : ECLI:EU:C:2008:146

ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)

6 mars 2008 (*)

«Manquement d’État – Politique de la concurrence – Concentrations – Non-exécution de certaines obligations imposées par la Commission – E.ON/Endesa»

Dans l’affaire C‑196/07,

ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 226 CE, introduit le 11 avril 2007,

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. V. Di Bucci et E. Gippini Fournier, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

Royaume d’Espagne, représenté par Mme N. Díaz Abad, en qualité d’agent, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

LA COUR (troisième chambre),

composée de M. A. Rosas, président de chambre, MM. J. N. Cunha Rodrigues, J. Klučka, Mme P. Lindh et M. A. Arabadjiev (rapporteur), juges,

avocat général: Mme J. Kokott,

greffier: M. R. Grass,

vu la procédure écrite,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        Par sa requête, la Commission des Communautés européennes demande à la Cour de constater que, en n’ayant pas supprimé:

–        sans délai un certain nombre de conditions posées par la décision de la Commission nationale de l’énergie (ci-après la «décision de la CNE») (conditions nos 1 à 6, ainsi que 8 et 17), qui ont été déclarées incompatibles avec le droit communautaire par l’article 1er de la décision de la Commission du 26 septembre 2006 [affaire n° COMP/M.4197 – E.ON/Endesa – C(2006) 4279 final, ci-après la «première décision de la Commission»], et

–        au plus tard le 19 janvier 2007 un certain nombre de conditions posées par la décision du ministre de l’Industrie, du Tourisme et du Commerce (conditions modifiées nos 1, 10, 11 et 15), qui ont été déclarées incompatibles avec le droit communautaire par l’article 1er de la décision de la Commission du 20 décembre 2006 [affaire n° COMP/M.4197 – E.ON/Endesa – C(2006) 7039 final, ci-après la «seconde décision de la Commission»],

le Royaume d’Espagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 2 de chacune de ces décisions.

 Le cadre juridique

2        L’article 21 du règlement (CE) n° 139/2004 du Conseil, du 20 janvier 2004, relatif au contrôle des concentrations entre entreprises (JO L 24, p. 1, ci-après le «règlement sur les concentrations») prévoit:

«[…]

2.      Sous réserve du contrôle de la Cour de justice, la Commission a compétence exclusive pour arrêter les décisions prévues au présent règlement.

3.      Les États membres n’appliquent pas leur législation nationale sur la concurrence aux concentrations de dimension communautaire.

Le premier alinéa ne préjuge pas du pouvoir des États membres de procéder aux enquêtes nécessaires à l’application de l’article 4, paragraphe 4, de l’article 9, paragraphe 2, et de prendre, après renvoi, conformément à l’article 9, paragraphe 3, premier alinéa, [sous] b), ou paragraphe 5, les mesures strictement nécessaires en application de l’article 9, paragraphe 8.

4.      Nonobstant les paragraphes 2 et 3, les États membres peuvent prendre les mesures appropriées pour assurer la protection d’intérêts légitimes autres que ceux qui sont pris en considération par le présent règlement et compatibles avec les principes généraux et les autres dispositions du droit communautaire.

Sont considérés comme intérêts légitimes, au sens du premier alinéa, la sécurité publique, la pluralité des médias et les règles prudentielles.

Tout autre intérêt public doit être communiqué par l’État membre concerné à la Commission et reconnu par celle-ci après examen de sa compatibilité avec les principes généraux et les autres dispositions du droit communautaire avant que les mesures visées ci-dessus puissent être prises. La Commission notifie sa décision à l’État membre concerné dans un délai de vingt-cinq jours ouvrables à dater de ladite communication.»

 Les faits à l’origine du litige

3        Le 21 février 2006, E.ON AG (ci-après «E.ON»), entreprise exerçant son activité dans le secteur de l’énergie, dont le siège social se trouve à Düsseldorf (Allemagne) a présenté une offre publique d’achat portant sur la totalité des actions d’Endesa SA (ci-après «Endesa»), entreprise intervenant dans ce même secteur d’activité, dont le siège social est situé à Madrid (Espagne).

4        Le 24 février 2006, le Royaume d’Espagne a adopté le décret-loi royal 4/2006, du 24 février 2006, modifiant les compétences de la CNE. Conformément à ce décret-loi, l’offre d’E.ON était subordonnée à l’autorisation de l’autorité de régulation du secteur de l’énergie, à savoir la CNE.

5        Par une lettre du 27 mars 2006, la Commission a fait part au Royaume d’Espagne de ses doutes quant à la possibilité de soumettre l’opération de concentration envisagée à des conditions et lui a rappelé les obligations découlant des articles 21, paragraphe 4, dernier alinéa, du règlement sur les concentrations ainsi que 10 CE.

6        Dans sa réponse du 24 avril 2006, le Royaume d’Espagne a fait valoir que les mesures susceptibles d’être adoptées par la CNE n’étaient pas soumises à l’obligation de communication à la Commission et de contrôle préalable par cette dernière.

7        Le projet de concentration entre E.ON et Endesa constituant une opération de concentration de dimension communautaire, la Commission a adopté, le 25 avril 2006, en vertu de l’article 6, paragraphe 1, sous b), du règlement sur les concentrations, une décision (affaire n° COMP/M.4110 – E.ON/Endesa) autorisant sans conditions l’opération notifiée.

8        Le 27 juillet 2006, la décision de la CNE, subordonnant l’autorisation du projet de concentration entre E.ON et Endesa au respect de 19 conditions, a été adoptée.

9        Le 26 septembre 2006, la Commission a pris sa première décision. L’article 1er de celle-ci dispose que le Royaume d’Espagne a enfreint l’article 21 du règlement sur les concentrations en adoptant, sans communication préalable à la Commission ni autorisation de cette dernière, la décision de la CNE soumettant l’acquisition du contrôle d’Endesa par E.ON à une série de conditions (nos 1 à 17 et 19) incompatibles avec le droit communautaire. L’article 2 de la première décision de la Commission enjoint au Royaume d’Espagne de supprimer «sans délai» les conditions déclarées incompatibles avec le droit communautaire à l’article 1er de celle-ci.

10      N’ayant pas été informée de l’adoption d’une quelconque mesure concrète destinée à supprimer les conditions posées par la décision de la CNE, la Commission a adressé au Royaume d’Espagne, le 18 octobre 2006, une lettre de mise en demeure faisant état d’un manquement de cet État membre à l’article 2 de la première décision de la Commission.

11      Le 25 octobre 2006, en réponse à cette lettre de mise en demeure, le Royaume d’Espagne a fait valoir qu’il n’avait pas enfreint ledit article 2, qui ne fixait pas de délai précis pour le retrait des conditions déclarées incompatibles avec le droit communautaire dont était assortie la décision de la CNE. Cet État membre soulignait que les recours administratifs formés devant le ministre de l’Industrie, du Tourisme et du Commerce (ci-après le «ministre») contre la décision de la CNE constituaient l’instance adéquate pour que soit assurée la conformité de cette décision avec le droit communautaire. Le 7 novembre 2006, le Royaume d’Espagne a adressé à la Commission, en complément à sa réponse à ladite lettre de mise en demeure, une copie de la décision prise par le ministre à la suite du recours administratif formé par E.ON à l’encontre de la décision de la CNE.

12      La décision du ministre a modifié partiellement la décision de la CNE en:

–        supprimant quelques-unes des conditions;

–        réduisant la durée ou le champ d’application de certaines autres conditions;

–        clarifiant le contenu et la portée de certaines conditions, et

–        modifiant d’autres conditions ou en leur substituant des obligations différentes ou supplémentaires en vue de l’autorisation de l’opération (ci-après les «nouvelles obligations»).

La décision de la CNE demeurait ainsi soumise à seize conditions.

13      Le 20 décembre 2006, la Commission a pris sa seconde décision, relative aux nouvelles obligations imposées par la décision du ministre. L’article 1er de la seconde décision de la Commission énonce que le Royaume d’Espagne a enfreint l’article 21 du règlement sur les concentrations en adoptant, sans communication préalable à la Commission ni autorisation de cette dernière, la décision du ministre soumettant l’acquisition du contrôle d’Endesa par E.ON à une série de conditions incompatibles avec le droit communautaire (conditions modifiées nos 1, 10, 11 et 15). L’article 2 de la seconde décision de la Commission enjoint au Royaume d’Espagne de supprimer celles-ci avant le 19 janvier 2007.

14      Le 22 janvier 2007, le Royaume d’Espagne a adressé à la Commission ses observations, dans lesquelles il a fait valoir que les nouvelles obligations étaient, selon lui, compatibles avec le droit communautaire.

15      En l’absence d’information de la part du Royaume d’Espagne relatives aux démarches ou aux mesures adoptées ou prévues par celui-ci en vue de se conformer à la seconde décision de la Commission, cette dernière a adressé audit État membre, le 1er février 2007, une lettre de mise en demeure complémentaire. Dans cette lettre de mise en demeure, la Commission faisait valoir que la décision du ministre ne suffisait pas à assurer la pleine exécution de la première décision de la Commission en ce qui concerne les conditions n° 1 à 6 ainsi que 8 et 17 figurant dans la décision de la CNE et que le Royaume d’Espagne avait enfreint la seconde décision de la Commission, notamment en ne supprimant pas les conditions modifiées nos 1, 10, 11 et 15 de la décision du ministre.

16      Dans sa réponse du 22 février 2007, le Royaume d’Espagne a principalement fait valoir que les conditions posées par les décisions de la CNE et du ministre (ci-après les «mesures nationales en cause»), en particulier celles relatives aux obligations en matière d’investissement et aux exigences d’ordre financier, sont essentielles pour garantir la sécurité de l’approvisionnement en énergie.

17      Considérant que le Royaume d’Espagne avait enfreint l’article 2 de chacune de ses deux décisions, la Commission a adressé, le 7 mars 2007, un avis motivé au Royaume d’Espagne enjoignant à ce dernier de supprimer, dans un délai de sept jours ouvrables à compter de la réception dudit avis, les conditions mentionnées dans les mesures nationales en cause et déclarées incompatibles avec le droit communautaire.

18      Le 16 mars 2007, le Royaume d’Espagne a adressé à la Commission une lettre dans laquelle il a réitéré les arguments développés précédemment.

19      Le 10 avril 2007, la Commission nationale du marché des valeurs a indiqué dans une note officielle que l’offre publique d’achat d’E.ON portant sur Endesa n’avait été acceptée que pour un total de 63 638 451 actions, représentant 6,01 % du capital social d’Endesa. Par conséquent, cette offre est restée sans effet, faute d’avoir atteint une fraction minimale de 50,01 % de ce capital social fixée comme condition de sa validité. L’offrant n’ayant pas renoncé à cette condition, les acceptations présentées en réponse à l’offre sont devenues caduques avec effet immédiat.

 Sur le recours

 Argumentation des parties

20      Le Royaume d’Espagne fait valoir, en premier lieu, que le présent recours est sans objet, puisque l’offre publique d’achat d’E.ON portant sur Endesa est restée sans effet pour les raisons exposées au point 19 du présent arrêt. Les mesures nationales en cause seraient ainsi caduques, car dépourvues d’objet, dès lors qu’elles imposaient une série de conditions au regard d’une opération de concentration d’entreprises qui n’aurait plus lieu. Par conséquent, il ne lui serait plus possible de respecter les première et seconde décisions de la Commission (ci-après ensemble les «décisions de la Commission»).

21      La Commission rétorque que le fait que l’opération de concentration en cause ait été abandonnée postérieurement à la date d’expiration du délai fixé dans l’avis motivé ne fait pas disparaître le manquement reproché, lequel persistait à cette date. Même dans le cas où le manquement serait éliminé postérieurement au délai imparti dans l’avis motivé, la poursuite de l’action engagée conserverait un intérêt.

22      En second lieu, le Royaume d’Espagne estime avoir adopté les mesures nationales en cause en vue de garantir la sécurité de l’approvisionnement en énergie. Il se prévaut, à cet égard, des dispositions de l’article 21, paragraphe 4, du règlement sur les concentrations. La sécurité de cet approvisionnement constituerait une pièce maîtresse de la politique du gouvernement espagnol dans le domaine de l’énergie et devrait être considérée, compte tenu de l’importance prépondérante d’Endesa dans le secteur concerné, comme relevant du concept de sécurité publique.

23      Selon la Commission, cette argumentation revient à soutenir que les conditions posées par la CNE et le ministre n’étaient pas incompatibles avec le droit communautaire. Elle serait, par conséquent, irrecevable dans le cadre d’un recours en manquement, car elle implique une remise en cause de la légalité des décisions de la Commission devenues définitives à l’expiration du délai prévu pour introduire un recours tendant à l’annulation de celles-ci.

 Appréciation de la Cour

24      Il y a lieu de constater, tout d’abord, que le Royaume d’Espagne ne conteste pas ne pas avoir supprimé les conditions nos 1 à 6, 8 et 17 posées par la décision de la CNE, ainsi que les conditions modifiées nos 1, 10, 11 et 15 fixées dans la décision du ministre. Toutefois, cet État membre fait valoir, en premier lieu, que le présent recours est sans objet dès lors que l’offre publique d’achat d’E.ON n’a pas produit d’effets et que, en conséquence, il ne lui est plus possible d’assurer le respect des décisions de la Commission.

25      À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’existence d’un manquement doit être appréciée en fonction de la situation de l’État membre telle qu’elle se présentait au terme du délai fixé dans l’avis motivé et que les changements intervenus par la suite ne sauraient être pris en compte par la Cour (voir, notamment, arrêts du 15 mars 2001, Commission/France, C-147/00, Rec. p. I-2387, point 26, et du 14 juin 2001, Commission/Italie, C-207/00, Rec. p. I-4571, point 27).

26      Or, il ressort du dossier que l’opération de concentration en cause a été abandonnée le 10 avril 2007, alors que le délai fixé dans l’avis motivé avait expiré le 16 mars 2007. Il s’ensuit que le fait que l’offre publique d’achat d’E.ON sur Endesa est restée sans effet ne prive pas d’objet le présent litige.

27      En outre, il convient de rappeler que même dans l’hypothèse où un manquement a été éliminé postérieurement au délai imparti dans l’avis motivé, la poursuite de l’action conserve un intérêt, en vue d’établir la base d’une responsabilité qu’un État membre peut encourir, en conséquence de son manquement, à l’égard, notamment, de ceux qui tirent des droits en conséquence dudit manquement (voir arrêts du 5 juin 1986, Commission/Italie, 103/84, Rec. p. 1759, point 9; du 24 mars 1988, Commission/Grèce, 240/86, Rec. p. 1835, point 14; du 14 juin 2001, Commission/Italie, précité, point 28, et du 20 juin 2002, Commission/Luxembourg, C‑299/01, Rec. p. I‑5899, point 11). Cette conclusion s’impose a fortiori dans le cas où l’Etat membre n’a pris aucune mesure pour se conformer à l’avis motivé dans le délai imparti, comme en l’espèce.

28      La procédure en manquement permet en effet de déterminer la portée exacte des obligations des États membres en cas de divergences d’interprétation (voir arrêt du 14 décembre 1971, Commission/France, 7/71, Rec. p. 1003, point 49) et repose sur la constatation objective du non-respect par un État membre des obligations que lui imposent le traité CE ou un acte de droit dérivé (voir arrêts du 18 janvier 2001, Commission/Espagne, C-83/99, Rec. p. I-445, point 23, et du 14 septembre 2004, Commission/Italie, C-385/02, Rec. p. I-8121, point 40). Elle constitue comme telle l’ultima ratio d’imposer le respect du droit communautaire en faisant prévaloir les intérêts communautaires consacrés par le traité en dépit de la résistance des États membres (voir, en ce sens, arrêt du 15 juillet 1960, Pays-Bas/Haute Autorité, 25/59, Rec. p. 723, 761). Pour cette raison, le présent recours conserve également un intérêt.

29      Il s’ensuit que le présent recours n’est dépourvu ni d’objet ni d’intérêt et que la fin de non recevoir soulevée par le Royaume d’Espagne doit être écartée.

30      En ce qui concerne la prétendue impossibilité d’appliquer les décisions de la Commission, le Royaume d’Espagne n’a pas démontré qu’il se trouve dans une impossibilité absolue d’exécuter ces décisions. En effet, le fait que l’offre publique d’achat d’E.ON n’a pas produit d’effets ne se traduit pas nécessairement par une telle impossibilité absolue d’exécution, l’élimination formelle, par exemple, des dispositions contraires aux décisions de la Commission restant possible. Il importe de rappeler à cet égard que les États membres sont tenus de prendre toutes dispositions pour faciliter la réalisation du plein effet du droit communautaire (voir, notamment, arrêt du 19 janvier 1993, C-101/91, Commission/Italie, Rec. p. I-191, point 24).

31      Par conséquant, cet argument ne saurait être accueilli.

32      Le Royaume d’Espagne soutient, en second lieu, que les mesures nationales en cause ont été prises en application de l’article 21, paragraphe 4, deuxième alinéa, du règlement sur les concentrations, soit en vue de la protection d’un intérêt légitime, à savoir la sécurité publique, dont la sécurité de l’approvisionnement en énergie ferait partie intégrante.

33      Cet argument consiste à soutenir, en substance, que les conditions posées par les mesures nationales en cause ne sont pas incompatibles avec le droit communautaire, contrairement à ce qu’énoncent les décisions de la Commission. Il revient ainsi à contester la validité de celles-ci.

34      Force est de souligner à cet égard que le système des voies de recours établi par le traité distingue les recours visés aux articles 226 CE et 227 CE, qui tendent à faire constater qu’un État membre a manqué aux obligations qui lui incombent, et les recours visés aux articles 230 CE et 232 CE, qui tendent à faire contrôler la légalité des actes ou des abstentions des institutions communautaires. Ces voies de recours poursuivent des objectifs distincts et sont soumises à des modalités différentes. Un État membre ne saurait donc utilement, en l’absence d’une disposition du traité l’y autorisant expressément, invoquer l’illégalité d’une décision dont il est destinataire comme moyen de défense à l’encontre d’un recours en manquement fondé sur l’inexécution de cette décision (voir, notamment, arrêts du 30 juin 1988, Commission/Grèce, 226/87, Rec. p. 3611, point 14; du 27 octobre 1992, Commission/Allemagne, C-74/91, Rec. p. I-5437, point 10, et du 27 juin 2000, Commission/Portugal, C-404/97, Rec. p. I-4897, point 34).

35      Il ne pourrait en être autrement que si l’acte en cause était affecté de vices particulièrement graves et évidents, au point de pouvoir être qualifié d’acte inexistant (arrêts du 30 juin 1988, Commission/Grèce, précité, point 16; Commission/Allemagne, précité, point 11; Commission/Portugal, précité, point 35, ainsi que du 5 octobre 2004, Commission/Grèce, C-475/01, Rec. p. I-8923, points 19 et 20).

36      Tel n’est cependant pas le cas en l’espèce. En effet, aucun élément ne permet de conclure que les décisions de la Commission seraient entachées d’un vice de nature à mettre en cause leur existence même.

37      En effet, dans une situation où l’État membre n’a pas communiqué les intérêts protégés par les mesures nationales qu’il a prises, il est inévitable que la Commission examine si lesdites mesures sont justifiées par l’un des intérêts prévus à l’article 21, paragraphe 4, deuxième alinéa, du règlement sur les concentrations (arrêt du 22 juin 2004, Portugal/Commission, C-42/01, Rec. p. I-6079, point 59).

38      Il y a lieu, dès lors, de constater, sans qu’il soit besoin d’examiner si les mesures nationales en cause ont été prises en vue de la protection d’un intérêt légitime, tel que la sécurité publique au sens de l’article 21, paragraphe 4, deuxième alinéa, du règlement sur les concentrations, que la validité des décisions de la Commission ne saurait être remise en cause dans le cadre du présent recours en manquement.

39      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de constater que, en n’ayant pas supprimé:

–        les conditions nos 1 à 6, 8 et 17 posées par la décision de la CNE, qui ont été déclarées incompatibles avec le droit communautaire par l’article 1er de la première décision de la Commission, et

–        les conditions nos 1, 10, 11 et 15 modifiées, posées par la décision du ministre, qui ont été déclarées incompatibles avec le droit communautaire par l’article 1er de la seconde décision de la Commission, dans les délais impartis,

le Royaume d’Espagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 2 de chacune de ces décisions.

 Sur les dépens

40      Aux termes de l’article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation du Royaume d’Espagne et celui-ci ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de le condamner aux dépens.

Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) déclare et arrête:

1)      En n’ayant pas supprimé:

–        les conditions nos 1 à 6, 8 et 17 posées par la décision de la Commission nationale de l’énergie, qui ont été déclarées incompatibles avec le droit communautaire par l’article 1er de la décision de la Commission du 26 septembre 2006 [affaire n° COMP/M.4197 – E.ON/Endesa – C(2006) 4279 final], et

–        les conditions nos 1, 10, 11 et 15 modifiées, posées par la décision du ministre de l’Industrie, du Tourisme et du Commerce, qui ont été déclarées incompatibles avec le droit communautaire par l’article 1er de la décision de la Commission du 20 décembre 2006 [affaire n° COMP/M.4197 – E.ON/Endesa – C(2006) 7039 final], dans les délais impartis,

le Royaume d’Espagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 2 de chacune de ces décisions.

2)      Le Royaume d’Espagne est condamné aux dépens.

Signatures


* Langue de procédure: l’espagnol.