Language of document : ECLI:EU:C:2005:333

ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)

31 mai 2005 (*)

«Recevabilité – Notion de juridiction nationale – Abus de position dominante – Refus d’approvisionner les grossistes en produits pharmaceutiques – Commerce parallèle»

Dans l’affaire C-53/03,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par l’Epitropi Antagonismou (Grèce), par décision du 22 janvier 2003, parvenue à la Cour le 5 février 2003, dans la procédure

Synetairismos Farmakopoion Aitolias & Akarnanias (Syfait) e.a.,

Panellinios syllogos farmakapothikarion,

Interfarm – A. Agelakos & Sia OE e.a.,

K. P. Marinopoulos Anonymos Etairia emporias kai dianomis farmakeftikon proïonton e.a.

contre

GlaxoSmithKline plc,

GlaxoSmithKline AEVE, anciennement Glaxowellcome AEVE,

LA COUR (grande chambre),

composée de M. V. Skouris, président, MM. P. Jann, C. W. A. Timmermans, A. Rosas et Mme R. Silva de Lapuerta, présidents de chambre, MM. C. Gulmann (rapporteur), R. Schintgen, Mme N. Colneric et M. S. von Bahr, juges,

avocat général: M. F. G. Jacobs,

greffier: Mme L. Hewlett, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 18 mai 2004,

considérant les observations présentées:

–       pour Synetairismos Farmakopoion Aitolias & Akarnanias (Syfait) e.a., par Mes P. Kaponis et S. Orfanoudakis, dikigoroi,

–       pour Panellinios syllogos farmakapothikarion et K. P. Marinopoulos Anonymos Etairia emporias kai dianomis farmakeftikon proïonton e.a., par Mes L. Roumanias et G. Papaïoannou, dikigoroi, et W. Rehmann, Rechtsanwalt,

–       pour Farmakeftikos Syndesmos Anonymi Emporiki Etairia, par Me D. Chatzinikolis, dikigoros,

–       pour Interfarm A. Agelakos & Sia OE e.a., par Me G. Mastorakos, dikigoros,

–       pour GlaxoSmithKline plc et GlaxoSmithKline AEVE, par M. D. Kyriakis, dikigoros, I. Forrester, QC, et Me A. Schulz, Rechtsanwalt,

–       pour le gouvernement suédois, par M. A. Kruse, en qualité d’agent,

–       pour la Commission des Communautés européennes, par MM. T. Christoforou et F. Castillo de la Torre, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 28 octobre 2004,

rend le présent

Arrêt

1       La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 82 CE.

2       Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant, devant l’Epitropi Antagonismou (commission hellénique de la concurrence), les plaignantes, à savoir les associations Synetairismos Farmakopoion Aitolias & Akarnanias (Syfait) e.a. (ci-après «Syfait e.a.») et Panellinios syllogos farmakapothikarion (ci-après «PSF»), ainsi que les sociétés Interfarm – A. Agelakos & Sia OE e.a. (ci-après «Interfarm e.a.») et K. P. Marinopoulos Anonymos Etairia emporias kai dianomis farmakeftikon proïonton e.a. (ci-après «Marinopoulos e.a.»), à la société de droit britannique GlaxoSmithKline plc (ci-après «GSK plc») et à sa filiale de droit hellénique GlaxoSmithKline AEVE, anciennement Glaxowellcome AEVE (ci-après «GSK AEVE»), au sujet du refus de ces deux dernières sociétés de satisfaire les commandes de certains produits pharmaceutiques sur le marché hellénique.

 Le cadre juridique

 La réglementation communautaire

3       L’article 82 CE dispose:

«Est incompatible avec le marché commun et interdit, dans la mesure où le commerce entre États membres est susceptible d’en être affecté, le fait pour une ou plusieurs entreprises d’exploiter de façon abusive une position dominante sur le marché commun ou dans une partie substantielle de celui-ci.

Ces pratiques abusives peuvent notamment consister à:

a)      imposer de façon directe ou indirecte des prix d’achat ou de vente ou d’autres conditions de transaction non équitables;

b)      limiter la production, les débouchés ou le développement technique au préjudice des consommateurs;

c)      appliquer à l’égard de partenaires commerciaux des conditions inégales à des prestations équivalentes, en leur infligeant de ce fait un désavantage dans la concurrence;

d)      subordonner la conclusion de contrats à l’acceptation, par les partenaires, de prestations supplémentaires qui, par leur nature ou selon les usages commerciaux, n’ont pas de lien avec l’objet de ces contrats.»

 La réglementation nationale

4       L’article 2 de la loi nº 703/1977 relative au contrôle des monopoles et des oligopoles ainsi qu’à la protection de la libre concurrence (FEK A’ 278), telle que modifiée par la loi n° 2941/2001 (FEK A’ 201, ci-après la «loi n° 703/1977»), correspond en substance aux dispositions de l’article 82 CE.

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

5       Syfait e.a. sont des associations de pharmaciens établis sur le territoire hellénique. Leur principale activité est constituée par la gestion et l’entretien d’un entrepôt conjoint de produits pharmaceutiques achetés auprès de différentes sociétés pharmaceutiques, afin d’assurer l’approvisionnement de leurs membres.

6       PSF est une association regroupant des grossistes en produits pharmaceutiques établis sur le territoire hellénique et protège les intérêts de ses membres.

7       Les sociétés Interfarm e.a. sont des grossistes en produits pharmaceutiques établis sur le territoire hellénique. Marinopoulos e.a. sont des sociétés de distribution de produits pharmaceutiques opérant en Grèce.

8       GSK AEVE a son siège en Grèce et est entièrement contrôlée par GSK plc, société de fabrication de produits pharmaceutiques établie au Royaume-Uni, issue de la fusion en l’an 2000 des sociétés Glaxowellcome plc et SmithKline Beecham.

9       GSK AEVE importe et distribue de nombreuses spécialités pharmaceutiques, parmi lesquelles les médicaments Imigran, Lamictal et Serevent. Ceux-ci sont des médicaments originaux, issus de la recherche et de la technologie, qui relèvent de la catégorie des produits soumis à prescription.

10     Les membres de Syfait e.a. et de PSF, ainsi que les sociétés Interfarm e.a. et Marinopoulos e.a., achètent à GSK AEVE notamment lesdits médicaments, sous toutes leurs formes, pour les distribuer ensuite sur le marché national ainsi qu’à l’étranger.

11     Jusqu’en novembre 2000, GSK AEVE a satisfait toutes les commandes qui lui ont été adressées. Une grande partie des livraisons correspondant à ces commandes a été réexportée vers d’autres États membres, en particulier au Royaume-Uni, en raison du prix nettement moins élevé des médicaments Imigran, Lamictal et Serevent en Grèce.

12     À partir du début du mois de novembre 2000, GSK AEVE a invoqué des situations de grave pénurie sur le marché hellénique, causées, selon elle, par la réexportation par des tiers, pour modifier son système de distribution en Grèce et cesser de répondre aux commandes des plaignantes dans l’affaire au principal ainsi qu’à celles de tiers. Elle a déclaré qu’elle approvisionnerait directement les hôpitaux et les pharmacies.

13     En février 2001, estimant que l’approvisionnement en médicaments avait, dans une certaine mesure, été normalisé et que le stock des hôpitaux et des pharmacies avait été reconstitué, GSK AEVE a remplacé la méthode de vente antérieure par un autre système de distribution.

14     Les plaignantes dans l’affaire au principal ont saisi l’Epitropi Antagonismou de la question de la commercialisation par GSK AEVE des médicaments Imigran, Lamictal et Serevent sur le marché hellénique dans le cadre des systèmes de distribution qui se sont succédé depuis novembre 2000. Elles ont reproché à cette société de ne pas satisfaire intégralement les commandes qui lui étaient adressées. Un tel comportement constituerait un abus de position dominante au sens des articles 2 de la loi n° 703/1977 et 82 CE.

15     Le 3 août 2001, l’Epitropi Antagonismou a, par décision n° 193/111, portant mesures provisoires, obligé GSK AEVE, jusqu’à l’adoption d’une décision dans l’affaire au principal, à satisfaire les commandes relatives aux trois médicaments concernés. GSK AEVE a demandé au Dioikitiko Efeteio Athinon (cour administrative d’appel d’Athènes) de suspendre cette décision, mais cette dernière a été confirmée le 10 janvier 2002 et était toujours en vigueur à la date de la décision de renvoi.

16     L’Epitropi Antagonismou indique que GSK AEVE s’est conformée aux mesures provisoires prescrites par la décision n° 193/111, au moins dans la mesure où elle a été approvisionnée par GSK plc. Cet approvisionnement aurait été supérieur aux besoins de consommation du marché national. Les preuves fournies à l’Epitropi Antagonismou par GSK AEVE démontreraient cependant que les commandes ont considérablement dépassé ce niveau, en particulier en septembre 2001, de sorte que toutes n’ont pu être satisfaites.

17     Dans sa décision de renvoi, l’Epitropi Antagonismou précise que GSK AEVE et GSK plc agissent conformément à la circulaire prise le 27 novembre 2001 par l’Ethnikos Organismos Farmakon (office national des produits pharmaceutiques), selon laquelle toutes les parties prenantes à la distribution de médicaments soumis à prescription «doivent approvisionner le marché national en des quantités au moins égales à celles prescrites [...] plus un pourcentage déterminé (25 %) en vue de couvrir les besoins extraordinaires et ceux résultant d’un éventuel changement dans les circonstances».

18     Par ailleurs, GSK AEVE a, le 5 décembre 2001, présenté à l’Epitropi Antagonismou une demande d’attestation négative au titre de l’article 11 de la loi n° 703/1977 concernant son refus de couvrir plus de 125 % des besoins grecs.

19     Saisie à la fois de cette demande d’attestation négative de GSK AEVE et des plaintes émanant de Syfait e.a, de PSF, d’Interfarm e.a. et de Marinopoulos e.a. à l’encontre de GSK AEVE et de GSK plc, l’Epitropi Antagonismou demande dans quelle mesure le refus par ces deux dernières sociétés de satisfaire pleinement les commandes passées par lesdites plaignantes constitue un abus de position dominante au sens de l’article 82 CE. En l’absence d’un tel abus, elle indique pouvoir déterminer dans quelle mesure les conditions d’octroi de l’attestation négative demandée par GSK AEVE sont remplies.

20     Dans ces circonstances, l’Epitropi Antagonismou a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)      Lorsqu’il est dû à la volonté de restreindre l’activité d’exportation de grossistes en produits pharmaceutiques et de limiter ainsi le préjudice causé par le commerce parallèle, le refus d’une entreprise occupant une position dominante de satisfaire intégralement les commandes qui lui sont adressées par lesdits grossistes constitue-t-il ipso facto un comportement abusif au sens de l’article 82 CE? La réponse à cette question est-elle affectée par le fait que les différences de prix résultant au sein de l’Union européenne de l’intervention de l’État ou, autrement dit, la subordination du marché des produits pharmaceutiques à un régime qui n’est pas de concurrence stricte et qui est au contraire marqué par un degré élevé d’interventionnisme étatique rendent le commerce parallèle particulièrement lucratif pour les grossistes? Enfin, une autorité nationale en matière de concurrence est-elle tenue d’appliquer les règles communautaires de concurrence de la même façon aux marchés fonctionnant en régime de concurrence et aux marchés sur lesquels la concurrence est faussée par l’intervention de l’État?

2)      Dans la mesure où la Cour considérerait que la restriction du commerce parallèle, pour les raisons ci-dessus, ne constitue pas toujours une pratique abusive lorsqu’elle est exercée par une entreprise dominante, comment l’éventuel caractère abusif doit-il être apprécié?

En particulier:

a)      Est-il possible de considérer comme des critères appropriés celui du pourcentage de dépassement de la consommation nationale normale et/ou celui du préjudice que l’entreprise en position dominante a subi par rapport à son chiffre d’affaires total et à son bénéfice total? En cas de réponse affirmative, de quelle façon convient-il de fixer le niveau du pourcentage de dépassement et celui du préjudice – ce dernier étant pris comme un pourcentage du chiffre d’affaires et du total des gains – au-delà desquels le comportement en question sera qualifié d’abusif?

b)      Y a-t-il lieu de suivre une approche fondée sur une pondération des intérêts et, dans l’affirmative, quels sont les intérêts qui devront entrer dans cette pondération?

Plus précisément:

i)      La réponse est-elle affectée par le fait que le malade consommateur final tire un avantage financier limité du commerce parallèle?

ii)      Faut-il prendre en compte les intérêts des organismes de sécurité sociale à des médicaments moins chers et, si oui, dans quelle mesure?

c)      Quels autres critères et quelles autres approches peuvent-ils être considérés comme appropriés en l’espèce?»

 Sur la compétence de la Cour

21     À titre liminaire, il convient de vérifier si l’Epitropi Antagonismou est une juridiction au sens de l’article 234 CE et si, par conséquent, la Cour est compétente pour se prononcer sur les questions qui lui sont posées.

 La réglementation nationale relative à l’Epitropi Antagonismou

22     L’article 8, paragraphe 1, de la loi n° 703/1977 dispose:

«Il est institué une Epitropi Antagonismou qui fonctionne comme une autorité indépendante. Ses membres jouissent d’une indépendance personnelle et fonctionnelle et ne sont soumis, dans l’exercice de leurs fonctions, qu’à la loi et à leur conscience. L’Epitropi Antagonismou dispose d’une autonomie administrative et économique. Elle est soumise à la tutelle du ministre du […] [Développement].»

23     L’Epitropi Antagonismou est composée de neuf membres désignés suivant la composition prévue à l’article 8, paragraphe 3, de la loi n° 703/1977. Quatre membres, ainsi que leurs suppléants, sont choisis par le ministre sur des listes de trois candidats présentées, respectivement, par quatre organisations professionnelles. Les autres membres comprennent un membre du Conseil juridique de l’État ou tout autre haut magistrat, deux universitaires, dont un juriste et un économiste, ainsi que deux personnalités reconnues disposant de l’expérience requise en droit économique et en matière de politique de la concurrence. En vertu de l’article 8, paragraphe 5, de la loi n° 703/1977, les membres de l’Epitropi Antagonismou ainsi que leurs suppléants sont nommés par le ministre du Développement pour un mandat de trois ans.

24     Aux termes de l’article 8, paragraphe 6, de la même loi:

«Le président de l’Epitropi Antagonismou et son suppléant sont désignés par le ministre du [Développement], parmi les membres de [l’Epitropi Antagonismou]. […] Le président de l’Epitropi Antagonismou est un fonctionnaire de l’État; il exerce cette fonction de manière exclusive pendant toute la durée de son mandat […]»

25     Selon l’article 8, paragraphe 7, de la loi n° 703/1977:

«Pendant la durée de leur mandat, le président et les membres n’exercent, avec ou sans rémunération, aucune autre fonction publique ou une activité professionnelle privée, qu’elle soit en entreprise ou non, qui sont incompatibles avec la qualité et les devoirs de membre de l’Epitropi Antagonismou».

26     En ce qui concerne les relations entre l’Epitropi Antagonismou et son secrétariat, l’article 8 c, paragraphe 1, sous b), de ladite loi dispose:

«Le président coordonne et dirige le secrétariat de [l’Epitropi Antagonismou]».

27     L’article 8 c, paragraphe 1, sous d), de la même loi prévoit:

«Le président est le chef hiérarchique du personnel du secrétariat de l’Epitropi Antagonismou et exerce le pouvoir disciplinaire sur celui-ci».

28     Selon le paragraphe 3 de ce même article 8 c, le président de l’Epitropi Antagonismou peut autoriser le directeur général ou les directeurs du secrétariat de l’Epitropi Antagonismou à exercer une partie de ses pouvoirs. Le directeur général du secrétariat est nommé pour trois ans renouvelables par décision du ministre du Développement sur avis conforme de l’Epitropi Antagonismou, ainsi qu’il est prévu à l’article 8 d, paragraphe 1, deuxième phrase, de la loi n° 703/1977.

 Appréciation de la Cour

29     Selon une jurisprudence constante, pour apprécier si l’organisme de renvoi possède le caractère d’une juridiction au sens de l’article 234 CE, question qui relève uniquement du droit communautaire, la Cour tient compte d’un ensemble d’éléments, tels l’origine légale de l’organisme, sa permanence, le caractère obligatoire de sa juridiction, la nature contradictoire de la procédure, l’application, par l’organisme, des règles de droit, ainsi que son indépendance (voir, notamment, arrêts du 17 septembre 1997, Dorsch Consult, C-54/96, Rec. p. I-4961, point 23; du 21 mars 2000, Gabalfrisa e.a., C-110/98 à C-147/98, Rec. p. I-1577, point 33; du 30 novembre 2000, Österreichischer Gewerkschaftsbund, C-195/98, Rec. p. I-10497, point 24, et du 30 mai 2002, Schmid, C‑516/99, Rec. p. I-4573, point 34). En outre, les juridictions nationales ne sont habilitées à saisir la Cour que si un litige est pendant devant elles et si elles sont appelées à statuer dans le cadre d’une procédure destinée à aboutir à une décision de caractère juridictionnel (voir, notamment, arrêts du 12 novembre 1998, Victoria Film, C-134/97, Rec. p. I-7023, point 14, et Österreichischer Gewerkschaftsbund, précité, point 25).

30     À cet égard, il convient, d’abord, de relever que l’Epitropi Antagonismou est soumise à la tutelle du ministre du Développement. Or, il apparaît qu’une telle tutelle implique que ce ministre est habilité, dans certaines limites, à contrôler la légalité des décisions de l’Epitropi Antagonismou.

31     Ensuite, s’il est vrai que les membres de l’Epitropi Antagonismou jouissent, selon les termes de la loi n° 703/1977, d’une indépendance personnelle et fonctionnelle et ne sont soumis dans l’exercice de leurs fonctions qu’à la loi et à leur conscience, il n’en demeure pas moins qu’il n’apparaît pas que la révocation ou l’annulation de leur nomination soit soumise à des garanties particulières. Or, un tel système ne semble pas de nature à faire obstacle efficacement aux interventions ou pressions indues du pouvoir exécutif à l’égard des membres de l’Epitropi Antagonismou (voir, en ce sens, arrêt du 4 février 1999, Köllensperger et Atzwanger, C‑103/97, Rec. p. I-551, point 21).

32     Il convient en outre de rappeler que, conformément à l’article 8 c, paragraphe 1, sous b) et d), de la même loi, d’une part, le président dudit organisme est chargé de la coordination et de l’orientation générale du secrétariat; d’autre part, il est le chef hiérarchique du personnel de ce même secrétariat et exerce le pouvoir disciplinaire sur ce personnel.

33     À cet égard, il importe de relever que les Tribunales Económico-Administrativos (Espagne) ont été considérés par la Cour, aux points 39 et 40 de l’arrêt Gabalfrisa e.a., précité, comme des tiers par rapport aux services de l’administration fiscale chargés de la gestion, du recouvrement et de la liquidation de la TVA, notamment en raison de la séparation fonctionnelle existant entre les uns et les autres. Or, l’Epitropi Antagonismou, organe décisionnel, dans la mesure où elle présente un lien fonctionnel avec son secrétariat, organe d’instruction sur proposition duquel elle décide, ne se distingue pas nettement en tant que tiers par rapport à l’organe étatique qui, de par son rôle, peut s’apparenter à une partie dans le cadre d’une procédure en matière de concurrence.

34     Enfin, il importe de rappeler qu’une autorité de la concurrence telle que l’Epitropi Antagonismou est tenue de travailler en étroite collaboration avec la Commission des Communautés européennes et peut, en vertu de l’article 11, paragraphe 6, du règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 et 82 du traité (JO 2003, L 1, p. 1), être dessaisie par une décision de la Commission. Dans ce contexte, il convient au demeurant d’indiquer que cet article 11, paragraphe 6, maintient en substance la règle figurant à l’article 9, paragraphe 3, du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d’application des articles [81] et [82] du traité (JO 1962, 13, p. 204), selon laquelle les autorités de concurrence des États membres sont automatiquement dessaisies lorsque la Commission intente une procédure (voir, à cet égard, le dix-septième considérant du règlement n° 1/2003).

35     Or, la Cour ne peut être saisie que par un organisme appelé à statuer sur un litige pendant devant lui dans le cadre d’une procédure destinée à aboutir à une décision de caractère juridictionnel (voir arrêts précités Victoria Film, point 14, et Österreichischer Gewerkschaftsbund, point 25).

36     Chaque fois que la Commission dessaisira une autorité nationale de la concurrence telle que l’Epitropi Antagonismou, la procédure engagée devant cette dernière autorité n’aboutira pas à une décision de caractère juridictionnel.

37     Il découle des éléments examinés, appréciés globalement, que l’Epitropi Antagonismou présente un caractère non juridictionnel au sens de l’article 234 CE.

38     Dès lors, la Cour n’a pas compétence pour répondre aux questions déférées par l’Epitropi Antagonismou.

 Sur les dépens

39     La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant l'Epitropi Antagonismou, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (grande chambre) dit pour droit:

La Cour de justice des Communautés européennes n’est pas compétente pour répondre aux questions posées par l’Epitropi Antagonismou, par décision du 22 janvier 2003.

Signatures


* Langue de procédure: le grec.