Language of document : ECLI:EU:C:2013:522

ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)

18 juillet 2013 (*)

«Pourvoi – Ententes – Marché de l’installation et de l’entretien des ascenseurs et des escaliers mécaniques – Responsabilité de la société mère pour les infractions au droit des ententes commises par sa filiale – Société holding – Programme de mise en conformité interne à l’entreprise (‘Compliance-Programme’) – Droits fondamentaux – Principes de l’État de droit dans le cadre de la détermination des amendes infligées – Séparation des pouvoirs, principes de légalité, de non-rétroactivité, de protection de la confiance légitime et de la responsabilité pour faute – Règlement (CE) nº 1/2003 – article 23, paragraphe 2 – Validité – Légalité des lignes directrices de la Commission de 1998»

Dans l’affaire C‑501/11 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 27 septembre 2011,

Schindler Holding Ltd, établie à Hergiswil (Suisse),

Schindler Management AG, établie à Ebikon (Suisse),

Schindler SA, établie à Bruxelles (Belgique),

Schindler Sàrl, établie à Luxembourg (Luxembourg),

Schindler Liften BV, établie à La Haye (Pays-Bas),

Schindler Deutschland Holding GmbH, établie à Berlin (Allemagne),

représentées par Mes R. Bechtold et W. Bosch, Rechtsanwälte, ainsi que par M. J. Schwarze, Prozessbevollmächtigter,

parties requérantes,

les autres parties à la procédure étant:

Commission européenne, représentée par MM. R. Sauer et C. Hödlmayr, en qualité d’agents, assistés de Me A. Böhlke, Rechtsanwalt, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse en première instance,

Conseil de l’Union européenne, représenté par M. F. Florindo Gijón et Mme M. Simm, en qualité d’agents,

partie intervenante en première instance,

LA COUR (cinquième chambre),

composée de M. T. von Danwitz, président de chambre, MM. A. Rosas (rapporteur), E. Juhász, D. Šváby et C. Vajda, juges,

avocat général: Mme J. Kokott,

greffier: Mme A. Impellizzeri, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 17 janvier 2013,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 18 avril 2013,

rend le présent

Arrêt

1        Par leur pourvoi, Schindler Holding Ltd (ci-après «Schindler Holding»), Schindler Management AG (ci-après «Schindler Management»), Schindler SA (ci-après «Schindler Belgique»), Schindler Sàrl (ci-après «Schindler Luxembourg»), Schindler Liften BV (ci-après «Schindler Pays-Bas») et Schindler Deutschland Holding GmbH (ci-après «Schindler Allemagne») (ci-après, ensemble, le «groupe Schindler») demandent l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 13 juillet 2011, Schindler Holding e.a./Commission (T‑138/07, Rec. p. II‑4819, ci-après l’«arrêt attaqué»), par lequel celui-ci a rejeté leur demande tendant à l’annulation de la décision C (2007) 512 final de la Commission, du 21 février 2007, relative à une procédure d’application de l’article [81 CE] (affaire COMP/E-1/38.823 – Ascenseurs et escaliers mécaniques, ci-après la «décision litigieuse»), dont une version résumée a été publiée au Journal officiel de l’Union européenne (JO 2008, C 75, p. 19), ou, à titre subsidiaire, à la réduction du montant des amendes qui leur ont été infligées.

 Le cadre juridique

2        L’article 23 du règlement (CE) nº 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles [81 CE] et [82 CE] (JO 2003, L 1, p. 1), qui a remplacé l’article 15, paragraphe 2, du règlement nº 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d’application des articles [81 CE] et [82 CE] (JO 1962, 13, p. 204), prévoit à ses paragraphes 2 à 4:

«2.      La Commission peut, par voie de décision, infliger des amendes aux entreprises et associations d’entreprises lorsque, de propos délibéré ou par négligence:

a)      elles commettent une infraction aux dispositions de l’article 81 [CE] ou 82 [CE], [...]

[...]

Pour chaque entreprise et association d’entreprises participant à l’infraction, l’amende n’excède pas 10 % de son chiffre d’affaires total réalisé au cours de l’exercice social précédent.

[...]

3.      Pour déterminer le montant de l’amende, il y a lieu de prendre en considération, outre la gravité de l’infraction, la durée de celle-ci.

4.      Lorsqu’une amende est infligée à une association d’entreprises en tenant compte du chiffre d’affaires de ses membres et que l’association n’est pas solvable, elle est tenue de lancer à ses membres un appel à contributions pour couvrir le montant de l’amende.

Si ces contributions n’ont pas été versées à l’association dans un délai fixé par la Commission, celle-ci peut exiger le paiement de l’amende directement par toute entreprise dont les représentants étaient membres des organes décisionnels concernés de l’association.

Après avoir exigé le paiement au titre du deuxième alinéa, lorsque cela est nécessaire pour garantir le paiement intégral de l’amende, la Commission peut exiger le paiement du solde par tout membre de l’association qui était actif sur le marché sur lequel l’infraction a été commise.

Cependant, la Commission n’exige pas le paiement visé aux deuxième et troisième alinéas auprès des entreprises qui démontrent qu’elles n’ont pas appliqué la décision incriminée de l’association et qu’elles en ignoraient l’existence ou s’en sont activement désolidarisées avant que la Commission n’entame son enquête.

La responsabilité financière de chaque entreprise en ce qui concerne le paiement de l’amende ne peut excéder 10 % de son chiffre d’affaires total réalisé au cours de l’exercice social précédent.»

3        L’article 31 du règlement nº 1/2003 est libellé comme suit:

«La Cour de justice statue avec compétence de pleine juridiction sur les recours formés contre les décisions par lesquelles la Commission a fixé une amende ou une astreinte. Elle peut supprimer, réduire ou majorer l’amende ou l’astreinte infligée.»

4        La communication de la Commission intitulée «Lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 15 paragraphe 2 du règlement nº 17 et de l’article 65 paragraphe 5 [CECA]» (JO 1998, C 9, p. 3, ci-après les «lignes directrices de 1998»), applicable à la date de l’adoption de la décision litigieuse, énonce dans son préambule:

«Les principes posés par les [...] lignes directrices [de 1998] devraient permettre d’assurer la transparence et le caractère objectif des décisions de la Commission tant à l’égard des entreprises qu’à l’égard de la Cour de justice, tout en affirmant la marge discrétionnaire laissée par le législateur à la Commission pour la fixation des amendes dans la limite de 10 % du chiffre d’affaires global des entreprises. Cette marge devra toutefois s’exprimer dans une ligne politique cohérente et non discriminatoire adaptée aux objectifs poursuivis dans la répression des infractions aux règles de concurrence.

La nouvelle méthodologie applicable pour le montant de l’amende obéira dorénavant au schéma suivant, qui repose sur la fixation d’un montant de base auquel s’appliquent des majorations pour tenir compte des circonstances aggravantes et des diminutions pour tenir compte des circonstances atténuantes.»

5        Aux termes du point 1 des lignes directrices de 1998, «[ce] montant de base est déterminé en fonction de la gravité et de la durée de l’infraction, seuls critères retenus à l’article 15 paragraphe 2 du règlement nº 17».

6        En ce qui concerne la gravité, le point 1, A, des lignes directrices de 1998 prévoit que l’évaluation du critère de gravité de l’infraction doit prendre en considération la nature propre de l’infraction, son impact concret sur le marché lorsqu’il est mesurable et l’étendue du marché géographique concerné. Les infractions sont classées en trois catégories, les infractions peu graves, les infractions graves et les infractions très graves.

7        Selon les lignes directrices de 1998, les infractions très graves sont notamment des restrictions horizontales de type «cartels de prix» et de quotas de répartition des marchés. Le montant de base de l’amende envisageable est «au-delà de 20 millions d’[euros]».

8        En vertu du point 2 des lignes directrices de 1998, le montant de base de l’amende peut être augmenté en cas de circonstances aggravantes telles que, notamment, la récidive de la même entreprise ou des mêmes entreprises pour une infraction de même type. Selon le point 3 desdites lignes, ce montant de base peut être diminué en cas de circonstances atténuantes particulières telles que le rôle exclusivement passif ou suiviste d’une entreprise dans la réalisation de l’infraction, la non-application effective des accords infractionnels ou la collaboration effective de l’entreprise à la procédure, en dehors du champ d’application de la communication de la Commission concernant la non-imposition d’amendes ou la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 1996, C 207, p. 4).

9        La communication de la Commission sur l’immunité d’amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 2002, C 45, p. 3, ci-après la «communication sur la coopération de 2002»), applicable aux faits en cause, définit les conditions dans lesquelles les entreprises coopérant avec la Commission au cours d’une enquête diligentée par celle-ci sur une entente pourront être exemptées d’amendes ou bénéficier d’une réduction de l’amende qu’elles auraient autrement dû acquitter.

 Les antécédents du litige et la décision litigieuse

10      Le groupe Schindler est l’un des premiers groupes mondiaux fournisseurs d’ascenseurs et d’escaliers mécaniques. Sa société mère est Schindler Holding, établie en Suisse. Le groupe Schindler exerce ses activités par l’intermédiaire de filiales nationales. Celles-ci sont notamment, Schindler Belgique, Schindler Luxembourg, Schindler Pays-Bas et Schindler Allemagne.

11      Ayant reçu, au cours de l’été 2003, des informations concernant l’existence possible d’une entente entre les principaux fabricants européens d’ascenseurs et d’escaliers mécaniques exerçant des activités commerciales dans l’Union européenne, à savoir Kone Belgium SA, Kone GmbH, Kone Luxembourg Sàrl, Kone BV Liften en Roltrappen, Kone Oyj, Otis SA, Otis GmbH & Co. OHG, General Technic-Otis Sàrl, General Technic Sàrl, Otis BV, Otis Elevator Company, United Technologies Corporation, le groupe Schindler, ThyssenKrupp Liften Ascenseurs NV, ThyssenKrupp Aufzüge GmbH, ThyssenKrupp Fahrtreppen GmbH, ThyssenKrupp Elevator AG, ThyssenKrupp AG, ThyssenKrupp Ascenseurs Luxembourg Sàrl et ThyssenKrupp Liften BV, la Commission a procédé à des vérifications dans les locaux de ces entreprises au début de l’année 2004. Des demandes au titre de la communication sur la coopération de 2002 ont été formulées par ces entreprises. Entre le mois de septembre et le mois de décembre 2004, la Commission a également envoyé des demandes de renseignements aux entreprises ayant participé à l’infraction en Belgique, à plusieurs clients dans cet État membre et à l’association belge Agoria.

12      Dans la décision litigieuse, la Commission a considéré que lesdites entreprises ainsi que Mitsubishi Elevator Europe BV ont participé à quatre infractions uniques, complexes et continues à l’article 81, paragraphe 1, CE dans quatre États membres, se partageant des marchés en s’accordant ou en se concertant pour l’attribution d’appels d’offres et de contrats liés à la vente, à l’installation, à l’entretien et à la modernisation d’ascenseurs et d’escaliers mécaniques. S’agissant du groupe Schindler, la date la plus ancienne d’un début d’infraction est celle de l’infraction en Allemagne, à savoir le 1er août 1995.

13      À l’article 2 de la décision litigieuse, le groupe Schindler a été condamné comme suit:

«1.      Pour les infractions en Belgique visées à l’article 1er, paragraphe 1, les amendes suivantes sont infligées:

[...]

–      [le groupe] Schindler: Schindler Holding [...] et [Schindler Belgique], solidairement: 69 300 000 [euros]; [...]

[...]

2.      Pour les infractions en Allemagne visées à l’article 1er, paragraphe 2, les amendes suivantes sont infligées:

[...]

–      [le groupe] Schindler: Schindler Holding [...] et [Schindler Allemagne], solidairement: 21 458 250 [euros]; [...]

[...]

3.      Pour les infractions au Luxembourg visées à l’article 1er, paragraphe 3, les amendes suivantes sont infligées:

[...]

–      [le groupe] Schindler: Schindler Holding [...] et [Schindler Luxembourg], solidairement: 17 820 000 [euros]; [...]

[...]

4.      Pour les infractions aux Pays-Bas visées à l’article 1er, paragraphe 4, les amendes suivantes sont infligées:

[...]

–      [le groupe] Schindler: Schindler Holding et [Schindler Pays-Bas], solidairement: 35 169 750 [euros]».

 L’arrêt attaqué

14      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 4 mai 2007, les requérantes ont demandé l’annulation de la décision litigieuse et, à titre subsidiaire, la réduction du montant des amendes infligées.

15      Le Conseil de l’Union européenne a été autorisé à intervenir à l’appui des conclusions de la Commission. Selon le mémoire présenté devant le Tribunal, il est intervenu pour ce qui concerne l’exception d’illégalité de l’article 23, paragraphe 2, du règlement nº 1/2003 soulevée par les requérantes.

16      Par décision du 4 septembre 2007, communiquée au Tribunal le 30 juin 2009, la Commission a rectifié l’article 4 de la décision litigieuse, si bien que celle-ci ne mentionne plus Schindler Management comme destinataire. Le Tribunal a constaté, aux points 43 et 44 de l’arrêt attaqué, la perte d’objet du recours et le non-lieu à statuer pour autant que le recours concernait cette société.

17      À l’appui de leur recours, les requérantes ont présenté treize moyens, que le Tribunal a mentionnés comme suit au point 45 de l’arrêt attaqué:

«[...] Le premier moyen est tiré de la violation du principe de légalité des peines, en raison du fait que l’article 23, paragraphe 2, du règlement nº 1/2003 donnerait à la Commission un pouvoir d’appréciation illimité pour le calcul des amendes. Le deuxième moyen est tiré d’une violation du principe de non-rétroactivité dans l’application des lignes directrices de 1998 et de la communication sur la coopération de 2002. Le troisième moyen est tiré de la violation du principe de légalité des peines et de l’absence de compétence de la Commission pour adopter les lignes directrices de 1998. Le quatrième moyen est tiré de l’illégalité de la communication sur la coopération de 2002, en raison de la violation des principes nemo tenetur se ipsum accusare, nemo tenetur se ipsum prodere [...], in dubio pro reo et de proportionnalité. Le cinquième moyen est tiré de la violation du principe de la séparation des pouvoirs et des exigences d’une procédure fondée sur le respect des principes d’un État de droit. Le sixième moyen est tiré du caractère confiscatoire des amendes infligées aux requérantes. Les septième et huitième moyens sont tirés d’une violation des lignes directrices de 1998 dans la fixation du montant de départ des amendes et dans l’appréciation des circonstances atténuantes. Le neuvième moyen est tiré de la violation des lignes directrices de 1998 et de la communication sur la coopération de 2002 s’agissant de la détermination du montant des amendes pour les infractions en Belgique, en Allemagne et au Luxembourg. Le dixième moyen est tiré du caractère disproportionné du montant des amendes. Le onzième moyen est tiré de l’absence de notification valable de la décision [litigieuse] à Schindler Holding. Le douzième moyen est tiré de l’absence de responsabilité de Schindler Holding. Enfin, le treizième moyen est tiré de la violation de l’article 23, paragraphe 2, du règlement nº 1/2003.»

18      Le Tribunal, aux points 47 et 48 de l’arrêt attaqué, a modifié l’ordre des moyens comme suit:

«47      À cet égard, il y a lieu de considérer que plusieurs griefs des requérantes concernent la légalité de la décision [litigieuse] dans son ensemble et seront dès lors examinés en premier lieu. Il en est ainsi du grief des requérantes formulé dans le cadre de leur cinquième moyen, qui, en substance, est tiré d’une violation de l’article 6, paragraphe 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la ‘CEDH’). Parmi les griefs visant la légalité de la décision [litigieuse] dans son ensemble figurent également ceux qui ont été soulevés dans le cadre des onzième et douzième moyens, tirés respectivement de l’illégalité de la décision [litigieuse] en ce qu’elle est adressée à Schindler Holding en raison de l’absence de notification valable et de l’illégalité de la décision [litigieuse] en ce qu’elle a engagé la responsabilité solidaire de Schindler Holding.

48      Les griefs relatifs à la légalité de l’article 2 de la décision [litigieuse], formulés dans le cadre des autres moyens du recours, seront examinés en second lieu. À cet égard, le Tribunal estime opportun d’examiner les griefs des requérantes comme suit. Tout d’abord, seront analysés les premier, deuxième, troisième et quatrième moyens, dans le cadre desquels les requérantes soulèvent plusieurs exceptions d’illégalité relatives à l’article 23, paragraphe 2, du règlement nº 1/2003, aux lignes directrices de 1998 et à la communication sur la coopération de 2002. Ensuite, le Tribunal examinera le sixième moyen, selon lequel la décision [litigieuse] a un caractère confiscatoire. Enfin, le Tribunal examinera les septième, huitième, neuvième, dixième et treizième moyens, dans le cadre desquels les requérantes ont invoqué plusieurs griefs relatifs à la détermination du montant de leurs amendes.»

19      Le Tribunal a rejeté ces moyens et le recours dans son ensemble.

 Les conclusions des parties

20      Les requérantes demandent, en substance, d’annuler l’arrêt attaqué, d’annuler la décision litigieuse, à titre subsidiaire, d’annuler ou de réduire les amendes, à titre plus subsidiaire, de renvoyer l’affaire devant le Tribunal et, enfin, de condamner la Commission aux dépens.

21      La Commission conclut au rejet du pourvoi et à la condamnation des requérantes aux dépens.

22      Le Conseil conclut au rejet du pourvoi pour ce qui concerne l’exception d’illégalité concernant le règlement nº 1/2003 et demande à la Cour de statuer de manière appropriée sur les dépens.

 Sur le pourvoi

23      À l’appui de leurs conclusions, les requérantes soulèvent treize moyens.

 Sur le premier moyen, tiré d’une violation du principe de la répartition des pouvoirs et des exigences d’une procédure fondée sur le respect des principes d’un État de droit

 Argumentation des parties

24      Par leur premier moyen, les requérantes contestent la réponse du Tribunal au moyen tiré de la violation de l’article 6 de la CEDH, par lequel elles faisaient valoir que la procédure de la Commission viole le principe de la répartition des pouvoirs et ne respecte pas les principes de l’État de droit applicables à des procédures pénales conformément à cette disposition. Elles contestent notamment le point 53 de l’arrêt attaqué, par lequel le Tribunal a jugé que les décisions de la Commission infligeant des amendes pour violation du droit de la concurrence n’ont pas un caractère pénal. Elles estiment que l’argumentation du Tribunal ne tient pas compte de l’importance des amendes infligées ni de l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne qui a radicalement modifié la situation.

25      Les requérantes rappellent les critères de l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme Engel et autres c. Pays-Bas du 8 juin 1976 (série A nº 22, § 80 et suivants) et soutiennent que c’est à tort que le Tribunal a jugé qu’était transposable aux procédures au titre du droit des ententes l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme Jussila c. Finlande du 23 novembre 2006 (Recueil des arrêts et décisions 2006-XIII, § 31), selon lequel, pour certaines catégories d’infractions ne faisant pas partie du noyau dur du droit pénal, il n’est pas nécessaire que la décision soit adoptée par un tribunal pour autant qu’un contrôle complet de la légalité de la décision soit prévu. Selon les requérantes, de telles procédures font partie du «noyau dur du droit pénal», au sens de cet arrêt. Elles citent à cet égard l’arrêt du Tribunal du 15 décembre 2010, E.ON Energie/Commission (T‑141/08, Rec. p. II‑5761), et le point 160 de l’arrêt attaqué.

26      Les requérantes font par ailleurs valoir que la jurisprudence citée par le Tribunal, notamment les arrêts du 29 octobre 1980, van Landewyck e.a./Commission (209/78 à 215/78 et 218/78, Rec. p. 3125, point 81), ainsi que du 7 juin 1983, Musique Diffusion française e.a./Commission (100/80 à 103/80, Rec. p. 1825, point 7), aux termes desquels la Commission ne saurait être qualifiée de tribunal au sens de l’article 6 de la CEDH, est obsolète du fait de l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne et de l’applicabilité directe de la CEDH. Selon les requérantes, la sanction aurait dû être infligée par un tribunal et non par une autorité administrative telle que la Commission. Elles soutiennent à cet égard que, en raison de l’importance des sanctions, il ne saurait être fait application en l’espèce de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme résultant de ses arrêts Öztürk c. Allemagne du 21 février 1984 (série A nº 73) et Bendenoun c. France du 24 février 1994 (série A nº 284) selon laquelle, notamment dans l’hypothèse d’un grand nombre d’infractions, qui constitue une «délinquance de masse» selon les requérantes, ou d’infractions légères qui doivent être poursuivies, une sanction peut être infligée par une autorité administrative si un contrôle juridictionnel complet peut être garanti.

27      La Commission et le Conseil soutiennent que le contrôle exercé par le juge de l’Union sur les décisions de la Commission garantit qu’il est satisfait aux exigences d’un procès équitable tel que consacré par l’article 6, paragraphe 1, de la CEDH et par l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la «Charte»).

28      Dans leur mémoire en réplique, les requérantes font valoir que les principes de l’arrêt de la Cour européenne des droits des l’homme A. Menarini Diagnostics c. Italie du 27 septembre 2011 (requête nº 43509/08), cité par la Commission dans son mémoire en réponse, ne peuvent être transposés en l’espèce, dès lors que, au contraire de l’autorité italienne de concurrence, dont il était question dans cet arrêt, la Commission n’est pas une autorité administrative indépendante. Par ailleurs, le Tribunal n’aurait pas procédé à l’examen illimité des faits exigé par l’article 6 de la CEDH.

29      Dans son mémoire en duplique, la Commission fait valoir que le Tribunal n’a pas à procéder d’office à un examen des faits, mais que c’est aux requérants de soulever des moyens et d’apporter des éléments de preuve (arrêt de la Cour du 8 décembre 2011, Chalkor/Commission, C‑386/10 P, Rec. p. I‑13085, point 62, ainsi que Cour eur. D. H., arrêt A. Menarini Diagnostics c. Italie, précité, § 63).

 Appréciation de la Cour

30      Il y a lieu de constater que le premier moyen est fondé sur la prémisse erronée selon laquelle l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne aurait modifié les règles juridiques applicables en l’espèce, si bien que la décision litigieuse serait contraire à l’article 6 de la CEDH en ce qu’elle aurait été adoptée par la Commission et non par une juridiction.

31      La décision litigieuse a été adoptée le 21 février 2007, soit avant l’adoption du traité de Lisbonne, le 13 décembre 2007 et, a fortiori, avant l’entrée en vigueur de celui-ci, le 1er décembre 2009. Or, il est de jurisprudence constante que, dans le cadre d’un recours en annulation, la légalité de l’acte attaqué doit être appréciée en fonction des éléments de fait et de droit existant à la date où l’acte a été adopté (voir arrêts du 7 février 1979, France/Commission, 15/76 et 16/76, Rec. p. 321, point 7; du 17 mai 2001, IECC/Commission, C‑449/98 P, Rec. p. I‑3875, point 87, ainsi que du 28 juillet 2011, Agrana Zucker, C‑309/10, Rec. p. I‑7333, point 31).

32      En outre, si, comme le confirme l’article 6, paragraphe 3, TUE, les droits fondamentaux reconnus par la CEDH font partie du droit de l’Union en tant que principes généraux et si l’article 52, paragraphe 3, de la Charte impose de donner aux droits contenus dans celle-ci correspondant à des droits garantis par la CEDH le même sens et la même portée que ceux que leur confère ladite convention, cette dernière ne constitue pas, tant que l’Union n’y a pas adhéré, un instrument juridique formellement intégré à l’ordre juridique de l’Union (voir arrêts du 24 avril 2012, Kamberaj, C‑571/10, point 62, et du 26 février 2013, Åkerberg Fransson, C‑617/10, point 44).

33      En tout état de cause, contrairement à ce que font valoir les requérantes, le fait que les décisions infligeant des amendes en matière de concurrence soient adoptées par la Commission n’est pas en soi contraire à l’article 6 de la CEDH tel qu’interprété par la Cour européenne des droits de l’homme. Il y a lieu à cet égard de relever que, dans son arrêt A. Menarini Diagnostics c. Italie, précité, relatif à une sanction infligée par l’autorité italienne de régulation de la concurrence en raison de pratiques anticoncurrentielles analogues à celles qui étaient reprochées aux requérantes, la Cour européenne des droits de l’homme a estimé que, compte tenu du montant élevé de l’amende infligée, la sanction relevait, par sa sévérité, de la matière pénale.

34      Elle a cependant rappelé, au point 58 dudit arrêt, que confier à des autorités administratives la tâche de poursuivre et de réprimer les contraventions aux règles de concurrence n’est pas incompatible avec la CEDH, pour autant que l’intéressé puisse saisir de toute décision ainsi prise à son encontre un tribunal offrant les garanties prévues à l’article 6 de la CEDH.

35      Au point 59 de son arrêt A. Menarini Diagnostics c. Italie, précité, la Cour européenne des droits de l’homme a précisé que le respect de l’article 6 de la CEDH n’exclut pas que, dans une procédure de nature administrative, une «peine» soit imposée d’abord par une autorité administrative. Il suppose cependant que la décision d’une autorité administrative ne remplissant pas elle-même les conditions prévues à l’article 6, paragraphe 1, de la CEDH subisse le contrôle ultérieur d’un organe judiciaire de pleine juridiction. Parmi les caractéristiques d’un tel organe figure le pouvoir de réformer en tous points, en fait comme en droit, la décision entreprise, rendue par l’organe inférieur. L’organe judiciaire doit notamment avoir compétence pour se pencher sur toutes les questions de fait et de droit pertinentes pour le litige dont il se trouve saisi.

36      Or, statuant sur le principe de protection juridictionnelle effective, principe général du droit de l’Union qui est aujourd’hui exprimé à l’article 47 de la Charte et qui correspond, dans le droit de l’Union, à l’article 6, paragraphe 1, de la CEDH, la Cour a jugé que, outre le contrôle de légalité prévu par le traité TFUE, le juge de l’Union dispose d’une compétence de pleine juridiction qui lui est reconnue par l’article 31 du règlement nº 1/2003, conformément à l’article 261 TFUE, et qui l’habilite à substituer son appréciation à celle de la Commission et, en conséquence, à supprimer, à réduire ou à majorer l’amende ou l’astreinte infligée (arrêt Chalkor/Commission, précité, point 63).

37      S’agissant du contrôle de légalité, la Cour a rappelé que le juge de l’Union doit l’effectuer sur la base des éléments apportés par le requérant au soutien des moyens invoqués, et qu’il ne saurait s’appuyer sur la marge d’appréciation dont dispose la Commission ni en ce qui concerne le choix des éléments pris en considération lors de l’application des critères mentionnés dans les lignes directrices de 1998 ni en ce qui concerne l’évaluation de ces éléments pour renoncer à exercer un contrôle approfondi tant de droit que de fait (arrêt Chalkor/Commission, précité, point 62).

38      Le contrôle prévu par les traités impliquant que le juge de l’Union exerce un contrôle tant de droit que de fait et qu’il ait le pouvoir d’apprécier les preuves, d’annuler la décision attaquée et de modifier le montant des amendes, la Cour a conclu qu’il n’apparaît dès lors pas que le contrôle de légalité prévu à l’article 263 TFUE, complété par la compétence de pleine juridiction quant au montant de l’amende, prévu à l’article 31 du règlement nº 1/2003, soit contraire aux exigences du principe de protection juridictionnelle effective qui figure actuellement à l’article 47 de la Charte (arrêt Chalkor/Commission, précité, point 67).

39      Il résulte de ces éléments que le premier moyen n’est pas fondé.

 Sur le deuxième moyen, tiré de la violation du caractère direct des mesures d’instruction

 Argumentation des parties

40      Par leur deuxième moyen, les requérantes se réfèrent au quatrième moyen invoqué à l’appui de leur recours de première instance. Selon elles, le «caractère direct» des mesures d’instruction exige que le Tribunal se fasse une impression directe à partir des personnes se livrant à des déclarations ou apportant d’autres éléments de preuve. Les témoins devraient être entendus sous serment devant un tribunal, en audience publique, et pouvoir être interrogés par les entreprises inculpées.

41      L’enquête matérielle de la Commission et le contrôle par le Tribunal ne satisferaient pas à ces exigences, car ils se fonderaient souvent uniquement sur la présentation écrite des faits par les entreprises coopérant avec la Commission. Or, dans le cas de déclarations faites dans le cadre de la communication sur la coopération de 2002, il existerait un risque important de voir les faits faussés ou exagérés par les entreprises qui coopèrent.

42      La Commission fait valoir que le deuxième moyen est irrecevable.

 Appréciation de la Cour

43      Ainsi qu’il résulte des articles 256 TFUE, 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et 112, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure de la Cour, dans sa version applicable à la date de l’introduction du présent pourvoi, un pourvoi doit indiquer de façon précise les éléments critiqués de l’arrêt dont l’annulation est demandée ainsi que les arguments juridiques qui soutiennent de manière spécifique cette demande (voir, notamment, arrêts du 4 juillet 2000, Bergaderm et Goupil/Commission, C‑352/98 P, Rec. p. I‑5291, point 34, ainsi que du 8 janvier 2002, France/Monsanto et Commission, C‑248/99 P, Rec. p. I‑1, point 68).

44      Or, ainsi que la Commission l’a souligné dans son mémoire en réponse, le deuxième moyen est formulé de manière abstraite et n’indique pas les points critiqués de l’arrêt attaqué. Le seul élément d’identification est la référence au quatrième moyen du recours de première instance, qui était tiré de l’illégalité de la communication sur la coopération de 2002 en raison de la violation des principes nemo tenetur se ipsum accusare, nemo tenetur se ipsum prodere, in dubio pro reo et de proportionnalité. Or, ce moyen apparaît sans rapport avec le deuxième moyen du pourvoi.

45      Il résulte de ces éléments que le deuxième moyen est trop obscur pour recevoir une réponse et doit être déclaré irrecevable.

46      En tout état de cause, pour autant que les requérantes critiquent l’absence d’audition de témoins devant le Tribunal, il suffit de rappeler que, dans un recours dirigé contre une décision de la Commission en matière de concurrence, c’est en principe à la partie requérante qu’il appartient de soulever les moyens à l’encontre de cette décision et d’apporter des éléments de preuve à l’appui de ces moyens (voir arrêt Chalkor/Commission, précité, point 64). Or, ainsi que Mme l’avocat général l’a relevé au point 48 de ses conclusions, les requérantes n’ont ni contesté les faits exposés dans la communication des griefs ni demandé au Tribunal de procéder à l’audition de témoins.

47      Par conséquent, le deuxième moyen est irrecevable.

 Sur le troisième moyen, tiré de l’invalidité de l’article 23 du règlement nº 1/2003 en raison de la violation du principe de légalité

 Argumentation des parties

48      Par leur troisième moyen, les requérantes rappellent le premier moyen invoqué à l’appui du recours de première instance et tiré de l’incompatibilité de l’article 23, paragraphe 2, du règlement nº 1/2003 avec le principe de l’État de droit et de précision de la loi applicable (nulla poena sine lege certa) qui résulte de l’article 7 de la CEDH et de l’article 49 de la Charte.

49      Elles font valoir que c’est le législateur qui doit arrêter lui-même les éléments essentiels des matières devant être réglementées. Depuis le traité de Lisbonne, ce principe serait expressément énoncé à l’article 290, paragraphe 1, second alinéa, dernière phrase, TFUE, selon lequel «[l]es éléments essentiels d’un domaine sont réservés à l’acte législatif et ne peuvent donc pas faire l’objet d’une délégation de pouvoir».

50      Les requérantes soutiennent que la violation du principe de légalité résulte du caractère indéterminé de la notion d’«entreprise» utilisée à l’article 23 du règlement nº 1/2003. La Commission et les juridictions de l’Union étendraient excessivement la portée de cette notion au moyen du concept de l’entité économique totalement détachée de la notion de personne morale qui a certainement inspiré le législateur de l’Union. Selon les requérantes, l’utilisation de la notion d’«entreprise» porte atteinte aux droits de la société mère solidairement responsable en l’absence de tout ancrage réel et détaillé dans une loi formelle.

51      La violation du principe de légalité résulterait également du caractère indéterminé des sanctions infligées en cas de violation des règles de concurrence. Selon les requérantes, la gravité et la durée de l’infraction ne constituent pas des critères suffisamment précis. Les lignes directrices de 1998 et la communication sur la coopération de 2002 ne seraient pas un remède, dès lors qu’elles ne sont pas contraignantes, ce que la Cour aurait constaté dans l’arrêt du 14 juin 2011, Pfleiderer (C‑360/09, Rec. p. I‑5161, point 23). Quant au seuil de 10 % du chiffre d’affaires indiqué comme plafond de l’amende à l’article 23 du règlement nº 1/2003, il serait variable et dépendrait notamment de la pratique décisionnelle de la Commission et des sociétés auxquelles l’infraction est imputée, serait lié non pas à l’acte, mais à l’entreprise, et ne constituerait pas un «plafond chiffrable et absolu», ainsi que l’a indiqué erronément le Tribunal au point 102 de l’arrêt attaqué. Enfin, la compétence de pleine juridiction ne serait pas non plus de nature à remplacer l’absence de précision de la loi, indépendamment du fait que cette compétence n’existe qu’en théorie et n’est généralement pas exercée par le Tribunal.

52      La Commission et le Conseil soutiennent que l’article 290 TFUE n’est pas pertinent pour apprécier la légalité de l’article 23 du règlement nº 1/2003. En ce qui concerne le manque de précision du terme «entreprise» visé à l’article 23 de ce règlement, le Conseil fait valoir qu’il s’agit d’un argument nouveau et dès lors irrecevable. En outre, la Commission et le Conseil font observer que ladite notion d’«entreprise» a été précisée par la jurisprudence des juridictions de l’Union, ce qui serait conforme à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme. Selon eux, l’argument tiré du caractère prétendument indéterminé de la sanction doit également être rejeté eu égard à la jurisprudence relative à l’article 15 du règlement nº 17 et à l’article 23 du règlement nº 1/2003.

 Appréciation de la Cour

53      Par leur troisième moyen, les requérantes visent la réponse donnée par le Tribunal au premier moyen du recours de première instance, sans cependant préciser quels sont les points critiqués de l’arrêt attaqué. Ce moyen du recours ayant été traité par le Tribunal aux points 93 à 116 de l’arrêt attaqué, il convient de se référer à cette partie dudit arrêt.

54      Or, il ressort de l’examen tant de l’arrêt attaqué que du recours de première instance que, ainsi que Mme l’avocat général l’a relevé au point 139 de ses conclusions, l’argument tiré du caractère indéterminé de la notion d’«entreprise» au regard du principe de légalité n’a pas été soulevé par les requérantes devant le Tribunal ni examiné par ce dernier.

55      Il s’ensuit que ledit argument doit être déclaré irrecevable, dès lors que, dans le cadre d’un pourvoi, la compétence de la Cour est, en principe, limitée à l’appréciation de la solution légale qui a été donnée aux moyens débattus devant les juges du fond (arrêt du 13 mars 2012, Melli Bank/Conseil, C‑380/09 P, point 92).

56      S’agissant de l’argument tiré du caractère indéterminé du niveau des amendes au regard du principe de légalité, il y a lieu de rappeler que, ainsi qu’il vient d’être exposé au point 31 du présent arrêt, les dispositions du traité de Lisbonne ne sont pas pertinentes pour l’appréciation d’un moyen relatif à une décision en matière de concurrence adoptée avant même la signature de ce traité. Il s’ensuit que l’argument tiré d’une violation de l’article 290 TFUE est inopérant.

57      Au point 96 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a, sans commettre d’erreur de droit, rappelé que le principe de légalité exige que la loi définisse clairement les infractions et les peines qui les répriment (arrêt du 17 juin 2010, Lafarge/Commission, C‑413/08 P, Rec. p. I‑5361, point 94). Au point 99 dudit arrêt, c’est également sans commettre d’erreur de droit qu’il a rappelé les critères d’appréciation de la clarté de la loi selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, à savoir que la clarté de la loi s’apprécie au regard non seulement du libellé de la disposition pertinente, mais également des précisions apportées par une jurisprudence constante et publiée (voir, en ce sens, Cour eur. D. H., arrêt G. c. France du 27 septembre 1995, série A nº 325-B, § 25), et que le fait qu’une loi confère un pouvoir d’appréciation ne se heurte pas en soi à l’exigence de prévisibilité, à condition que l’étendue et les modalités d’exercice d’un tel pouvoir se trouvent définies avec une netteté suffisante, eu égard au but légitime en jeu, pour fournir à l’individu une protection adéquate contre l’arbitraire (Cour eur. D. H., arrêt Margareta et Roger Andersson c. Suède du 25 février 1992, série A nº 226, § 75).

58      Selon la jurisprudence de la Cour, si l’article 23, paragraphe 2, du règlement nº 1/2003 laisse à la Commission une marge d’appréciation, il en limite néanmoins l’exercice en instaurant des critères objectifs auxquels celle-ci doit se tenir. Ainsi, d’une part, le montant de l’amende susceptible d’être imposée à une entreprise connaît un plafond chiffrable et absolu, de sorte que le montant maximal de l’amende pouvant être infligée à une entreprise donnée est déterminable à l’avance. D’autre part, l’exercice de ce pouvoir d’appréciation est également limité par les règles de conduite que la Commission s’est elle-même imposées dans la communication sur la coopération de 2002 et dans les lignes directrices de 1998. En outre, la pratique administrative connue et accessible de la Commission est soumise à l’entier contrôle du juge de l’Union, dont la jurisprudence constante a permis de préciser les notions que pouvait contenir ledit article 23, paragraphe 2. Un opérateur avisé peut ainsi, en s’entourant au besoin des services d’un conseil juridique, prévoir de manière suffisamment précise la méthode de calcul et l’ordre de grandeur des amendes qu’il encourt pour un comportement donné, et le fait que cet opérateur ne puisse, à l’avance, connaître avec précision le niveau des amendes que la Commission infligera dans chaque espèce ne saurait constituer une violation du principe de légalité des peines (voir également, en ce sens, arrêt du 22 mai 2008, Evonik Degussa/Commission, C‑266/06 P, points 50 à 55).

59      Eu égard à ces éléments, il y a lieu de constater que le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit lorsqu’il a examiné le pouvoir d’appréciation de la Commission à la lumière, notamment, des critères objectifs, des principes généraux du droit et des lignes directrices de 1998 auxquels la Commission doit se tenir et a conclu, au point 116 de l’arrêt attaqué, que l’exception d’illégalité soulevée à l’encontre de l’article 23, paragraphe 2, du règlement nº 1/2003, tirée d’une violation du principe de légalité des peines, devait être rejetée.

60      Il s’ensuit que le troisième moyen est pour partie irrecevable et pour partie non fondé.

 Sur le quatrième moyen, tiré de l’invalidité des lignes directrices de 1998 en raison de l’absence de compétence de la Commission en tant qu’organe législatif

 Argumentation des parties

61      Par leur quatrième moyen, les requérantes contestent l’appréciation du Tribunal selon laquelle les lignes directrices de 1998 ont «seulement contribué à préciser les limites de l’exercice du pouvoir d’appréciation de la Commission». Elles font valoir que ces lignes directrices qui, en pratique, sont déterminantes pour la fixation des amendes, auraient dû être adoptées par le Conseil en sa qualité de législateur. Elles font référence à cet égard à l’article 290, paragraphe 1, TFUE, relatif à la délégation de pouvoir à la Commission par un acte législatif.

62      Les requérantes contestent également le point 136 de l’arrêt attaqué et, notamment, l’argument du Tribunal selon lequel, eu égard à la finalité dissuasive des amendes, c’est à bon droit que leur méthode de calcul et leur ordre de grandeur ont été laissés à l’appréciation de la Commission. En s’exprimant de la sorte, le Tribunal sacrifierait le caractère conforme d’une sanction à l’État de droit aux objectifs de répression et de dissuasion.

63      La Commission fait valoir que les lignes directrices de 1998 ne constituent pas la base légale des amendes infligées, mais ne font que préciser l’application, par la Commission, de l’article 23, paragraphe 2, du règlement nº 1/2003 et garantir une pratique administrative uniforme. Il s’agirait donc de simples dispositions administratives de la Commission qui, en principe, ne lient pas les juridictions de l’Union (arrêt Chalkor/Commission, précité, point 62). C’est ce qu’aurait indiqué le Tribunal au point 133 de l’arrêt attaqué.

64      Les lignes directrices de 1998 ne constitueraient pas une législation déléguée. En tout état de cause, l’article 290, paragraphe 1, TFUE, introduit après l’adoption de la décision litigieuse, réglerait non pas la question de savoir quand un acte nécessite une délégation, mais seulement celle de savoir comment doit se présenter la délégation de pouvoir dans un domaine particulier, non pertinent en l’occurrence. Par ailleurs, la réglementation figurant à l’article 23, paragraphe 2, du règlement nº 1/2003 n’enfreignant pas le principe de précision, la critique serait d’autant moins fondée concernant un manque de précision des lignes directrices de 1998.

 Appréciation de la Cour

65      À nouveau, il y a lieu de rappeler que, ainsi qu’il a été précisé au point 31 du présent arrêt, les dispositions du traité de Lisbonne ne sont pas pertinentes pour l’appréciation d’un moyen relatif à une décision en matière de concurrence adoptée avant même la signature de ce traité.

66      En tout état de cause, les lignes directrices de 1998 ne constituent ni une législation, ni une législation déléguée au sens de l’article 290, paragraphe 1, TFUE, ni la base légale des amendes infligées en matière de concurrence, lesquelles sont adoptées sur le seul fondement de l’article 23 du règlement nº 1/2003.

67      Les lignes directrices de 1998 énoncent une règle de conduite indicative de la pratique à suivre dont l’administration ne peut s’écarter, dans un cas particulier, sans donner des raisons qui soient compatibles avec le principe d’égalité de traitement (voir arrêt du 18 mai 2006, Archer Daniels Midland et Archer Daniels Midland Ingredients/Commission, C‑397/03 P, Rec. p. I‑4429, point 91), et se limitent à décrire la méthode d’examen de l’infraction suivie par la Commission et les critères que celle-ci s’oblige à prendre en considération pour fixer le montant de l’amende (voir arrêt Chalkor/Commission, précité, point 60).

68      Or, aucune disposition des traités n’interdit à une institution d’adopter une telle règle de conduite indicative.

69      Il s’ensuit que la Commission était compétente pour adopter les lignes directrices de 1998, si bien que le quatrième moyen n’est pas fondé.

 Sur le cinquième moyen, tiré d’une violation des principes de non-rétroactivité et de protection de la confiance légitime

 Argumentation des parties

70      Par leur cinquième moyen, les requérantes critiquent les points 117 à 130 de l’arrêt attaqué. Elles font valoir que, même si les lignes directrices de 1998 étaient valables, elles ne pourraient pas trouver à s’appliquer en raison d’une violation du principe de non-rétroactivité.

71      La jurisprudence citée par le Tribunal au point 125 de l’arrêt attaqué, selon laquelle la Commission ne saurait être privée de la possibilité d’élever le niveau des amendes si cela est nécessaire pour l’application efficace des règles de la concurrence, et celle citée au point 126 dudit arrêt, selon laquelle des entreprises ne sauraient acquérir une confiance légitime dans le fait que la Commission ne dépassera pas le niveau des amendes pratiqué antérieurement ni dans une méthode de calcul de ces dernières, seraient incompatibles avec l’article 7, paragraphe 1, de la CEDH, qui interdit un renforcement rétroactif de sanctions qui n’est pas suffisamment prévisible.

72      Selon les requérantes, c’est à tort que le Tribunal a considéré que le fait que la sanction ne puisse pas dépasser les 10 % du chiffre d’affaires constitue une limitation essentielle du pouvoir d’appréciation. Par ailleurs, le Tribunal n’aurait pu, d’une part, invoquer le fait que les lignes directrices de 1998 ont augmenté la prévisibilité de la sanction et, d’autre part, autoriser la Commission à les modifier de manière rétroactive au détriment des entreprises concernées.

73      Les requérantes font valoir enfin que, puisque les lignes directrices de 1998 ne sont pas une «loi» au sens de l’article 7, paragraphe 1, de la CEDH, l’interdiction de la rétroactivité doit a fortiori s’appliquer à la pratique administrative de la Commission.

74      La Commission soutient que c’est conformément à la jurisprudence de la Cour (arrêt du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, C‑189/02 P, C‑202/02 P, C‑205/02 P à C‑208/02 P et C‑213/02 P, Rec. p. I‑5425, point 231) que le Tribunal a conclu, aux points 123 et 125 de l’arrêt attaqué, à l’absence de violation des principes de non-rétroactivité et de protection de la confiance légitime.

 Appréciation de la Cour

75      Ainsi que Mme l’avocat général l’a indiqué aux points 169 et 170 de ses conclusions, le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit lorsqu’il a, aux points 118 à 129 de l’arrêt attaqué, rappelé et appliqué la jurisprudence constante des juridictions de l’Union selon laquelle ni les lignes directrices de 1998 ni la pratique de la Commission en ce qui concerne le niveau des amendes infligées en matière de concurrence ne violent le principe de non-rétroactivité ou le principe de protection de la confiance légitime (voir arrêts Dansk Rørindustri e.a./Commission, précité, points 217, 218 et 227 à 231; Archer Daniels Midland et Archer Daniels Midland Ingredients/Commission, précité, point 25, ainsi que du 8 février 2007, Groupe Danone/Commission, C‑3/06 P, Rec. p. I‑1331, points 87 à 92).

76      Il s’ensuit que le cinquième moyen n’est pas fondé.

 Sur le sixième moyen, tiré d’une violation du principe de la présomption d’innocence

 Argumentation des parties

77      Par leur sixième moyen, les requérantes font référence au douzième moyen du recours de première instance. Elles considèrent que la Commission ne respecte pas les principes élémentaires en matière d’imputation des infractions, mais considère que la responsabilité d’une société est engagée dès le moment où un quelconque collaborateur de l’une de ses filiales s’est comporté de manière contraire au droit des ententes dans le cadre de son emploi.

78      Une telle manière de faire serait contraire à l’article 23, paragraphe 2, du règlement nº 1/2003, qui suppose que l’entreprise ait agi «de propos délibéré ou par négligence», ainsi qu’au principe de la présomption d’innocence prévu à l’article 48, paragraphe 1, de la Charte et à l’article 6, paragraphe 2, de la CEDH.

79      Selon les requérantes, une disposition légale est nécessaire afin d’établir selon quels critères une personne morale peut se voir imputer des comportements de ses représentants légaux ou d’autres collaborateurs. Selon le cas, l’imputation des infractions pourrait exiger une violation du devoir de surveillance. Pourtant, le Tribunal aurait constaté, au point 88 de l’arrêt attaqué, que Schindler Holding a fait tout son possible afin d’empêcher des comportements de ses filiales contraires à l’article 81 CE.

80      La Commission soutient que les requérantes invoquent un moyen qu’elles n’avaient pas invoqué dans leur recours devant le Tribunal et qui, dès lors, doit être déclaré irrecevable. En tout état de cause, l’argument reposerait sur la prémisse erronée selon laquelle aucune infraction n’aurait été constatée à l’égard de la société mère.

 Appréciation de la Cour

81      Il y a lieu de relever que les requérantes font référence au douzième moyen du recours de première instance, sans cependant préciser les points de l’arrêt attaqué qu’elles critiquent, alors qu’il résulte d’une jurisprudence constante, rappelée au point 43 du présent arrêt, qu’un pourvoi doit indiquer de façon précise les éléments critiqués de l’arrêt dont l’annulation est demandée ainsi que les arguments juridiques qui soutiennent de manière spécifique cette demande.

82      En tout état de cause, s’il est fait référence à l’ordre d’examen des moyens exposé par le Tribunal aux points 47 et 48 de l’arrêt attaqué, il peut être supposé que la partie de cet arrêt visé par le sixième moyen est constituée des points 63 à 92 dudit arrêt, dans lesquels le Tribunal a examiné le moyen tiré de l’illégalité de la décision litigieuse, en ce qu’elle a retenu la responsabilité solidaire de Schindler Holding. Or, ces points traitent non pas de la question de l’imputation, à une personne morale, du comportement de ses représentants légaux ou de ses collaborateurs, mais bien de l’imputation, à une société mère, du comportement de ses filiales.

83      Si l’intention des requérantes est de remettre en cause l’imputation, à une personne morale, du comportement de ses représentants légaux ou de ses collaborateurs, il s’agit d’un moyen nouveau, irrecevable dans le cadre d’un pourvoi. En effet, ainsi qu’il résulte de la jurisprudence rappelée au point 55 du présent arrêt, dans le cadre d’un pourvoi, la compétence de la Cour est, en principe, limitée à l’appréciation de la solution légale qui a été donnée aux moyens débattus devant les juges du fond.

84      Il résulte de ces éléments que le sixième moyen ne précise pas à suffisance de droit les points critiqués de l’arrêt attaqué, est trop obscur pour recevoir une réponse et, en tout état de cause, nouveau. Par conséquent, il est irrecevable.

 Sur le septième moyen, tiré d’une erreur de droit dans la reconnaissance de la responsabilité solidaire de Schindler Holding

 Argumentation des parties

85      Par leur septième moyen, les requérantes contestent les points 63 à 92 de l’arrêt attaqué, par lesquels le Tribunal a rejeté le douzième moyen du recours de première instance dans lequel les requérantes faisaient valoir que les conditions de la responsabilité solidaire de Schindler Holding pour les infractions commises par ses filiales n’étaient pas remplies.

86      Elles font valoir que la jurisprudence de la Cour et du Tribunal admettant la responsabilité solidaire de la société mère en raison des infractions commises par ses filiales viole les droits nationaux des sociétés qui, en principe, n’admettent pas une extension de la responsabilité de personnes morales juridiquement distinctes et respectent le principe de la limitation de la responsabilité des actionnaires et des associés pour les dettes de leur société. Notamment, les ordres juridiques des États membres ne connaîtraient pas la responsabilité de la société mère sur la seule base de l’influence présumée exercée par la direction commerciale de celle-ci sur ses filiales.

87      Le principe de la limitation de la responsabilité serait également reconnu dans le droit dérivé de l’Union. Les requérantes citent à cet égard l’article 1er, paragraphe 2, du règlement (CE) nº 2157/2001 du Conseil, du 8 octobre 2001, relatif au statut de la société européenne (SE) (JO L 294, p. 1), qui prévoit que «[l]a SE est une société dont le capital est divisé en actions. Chaque actionnaire ne s’engage qu’à concurrence du capital qu’il a souscrit». Elles citent également l’article 3, paragraphe 1, sous b), de la proposition de règlement du Conseil relatif au statut de la société privée européenne [COM (2008) 396 final], selon lequel «un actionnaire n’est responsable qu’à concurrence du montant qu’il a souscrit ou qu’il a convenu de souscrire», ainsi que la douzième directive 89/667/CEE du Conseil, du 21 décembre 1989, en matière de droit des sociétés concernant les sociétés à responsabilité limitée à un seul associé (JO L 395, p. 40).

88      Selon les requérantes, l’article 3, paragraphe 1, sous b), TFUE ne confère à l’Union de compétence législative que pour l’établissement des règles de concurrence nécessaires au fonctionnement du marché intérieur. Les règles d’imputation dans le cadre de la relation entre la société mère et sa filiale relèveraient toujours de la compétence des États membres. Les requérantes citent à cet égard le point 57 des conclusions de l’avocat général Trstenjak présentées dans le cadre de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 21 octobre 2010, Idryma Typou (C‑81/09, Rec. p. I‑10161), ainsi que l’arrêt du 16 décembre 1997, Rabobank (C‑104/96, Rec. p. I‑7211, points 22 à 28).

89      Les requérantes contestent ainsi le fait que la responsabilité solidaire de la société mère en raison des infractions commises par ses filiales a été développée par la pratique décisionnelle et non par une intervention du législateur, exigée par l’article 290, paragraphe 1, TFUE, ainsi que ce fut le cas, s’agissant de l’article 23, paragraphe 4, du règlement nº 1/2003, qui prévoit la responsabilité solidaire des membres d’une association d’entreprises pour l’amende infligée à cette dernière dans la mesure où ladite association n’est pas solvable.

90      À titre subsidiaire, les requérantes contestent la jurisprudence résultant de l’arrêt du 10 septembre 2009, Akzo Nobel e.a./Commission (C‑97/08 P, Rec. p. I‑8237), telle que le Tribunal la comprend, qui aboutit à une responsabilité sans faute de la société mère. Selon les requérantes, la société mère devrait se voir reprocher une faute propre, qui pourrait résulter de sa participation personnelle à une infraction ou d’une violation de certaines obligations organisationnelles existant au sein du groupe. Schindler Holding n’aurait pas commis une telle faute, car elle aurait fait tout son possible pour éviter des comportements contraires au droit des ententes de ses filiales en mettant en place et en développant un programme de mise en conformité qui serait un modèle du genre.

91      À titre plus subsidiaire encore, les requérantes font valoir que, même en appliquant les principes de responsabilité tels qu’ils ont été fixés dans l’arrêt Akzo Nobel e.a./Commission, précité, de la même manière que le Tribunal, il conviendrait néanmoins de dénier la responsabilité de Schindler Holding, dès lors que les quatre filiales de celle-ci travaillaient de manière autonome dans leur État membre respectif et que Schindler Holding n’exerçait pas d’influence sur leurs activités courantes. Les requérantes contestent le point 86 de l’arrêt attaqué, dans lequel le Tribunal a estimé que les preuves qu’elles avaient apportées étaient insuffisantes sans cependant leur avoir offert la possibilité d’apporter d’autres preuves au cours de la procédure judiciaire. Selon les requérantes, le recours de première instance contenait suffisamment d’éléments et il appartenait à la Commission d’apporter la preuve contraire.

92      Les requérantes contestent également l’interprétation large de la notion de «politique commerciale» retenue par le Tribunal au point 86 de l’arrêt attaqué. Selon la jurisprudence de la Cour, il conviendrait d’apporter la preuve d’un comportement autonome et non d’une politique commerciale au sens large.

93      Les requérantes contestent enfin l’appréciation, qu’elles estiment paradoxale, du Tribunal, qui, au point 88 de l’arrêt attaqué, déduit le contrôle exercé par Schindler Holding sur ses filiales de la circonstance qu’un programme de mise en conformité important avait été mis en place au niveau du groupe et que son respect était contrôlé au moyen d’audits réguliers et d’autres mesures.

94      La Commission soutient que la première partie du septième moyen est irrecevable en ce que les requérantes ne critiquent pas l’arrêt attaqué et invoquent un moyen nouveau, tiré du défaut de compétence de l’Union.

95      En tout état de cause, cette argumentation ferait primer une notion d’entreprise relevant du droit des sociétés sur la notion d’entreprise économique et fonctionnelle en vigueur dans le droit de la concurrence de l’Union et ne serait pas fondée. Contrairement à ce que soutiennent les requérantes, il s’agirait non pas d’un régime de responsabilité du fait d’autrui ni d’une responsabilité récursoire des associés de personnes morales, mais d’un régime de responsabilité du fait que les sociétés concernées constituent une seule entreprise au sens de l’article 81 CE (voir arrêt du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine/Commission, C‑521/09, Rec. p. I‑8947, point 88). Ce régime se distinguerait dès lors de celui visé à l’article 23, paragraphe 4, du règlement nº 1/2003, qui concerne plusieurs entreprises.

96      S’agissant de la présomption selon laquelle la société mère exerce une influence déterminante sur le comportement de sa filiale, la Commission fait valoir qu’elle repose, comme tout commencement de preuve, sur une relation de causalité typique, confirmée par l’expérience. Le fait qu’il soit difficile d’apporter la preuve contraire nécessaire pour renverser une présomption n’impliquerait pas en soi que celle-ci soit en fait irréfragable. Le recours à cette présomption n’entraînerait pas non plus en l’espèce un renversement de la charge de la preuve incompatible avec le principe de la présomption d’innocence. Il s’agirait d’une règle de preuve et non pas d’une règle sur l’imputation de fautes. Il ressortirait par ailleurs de la jurisprudence de la Cour et de la Cour européenne des droits de l’homme qu’une présomption, même difficile à renverser, demeure dans des limites acceptables tant qu’elle est proportionnée au but légitime poursuivi, qu’existe la possibilité d’apporter la preuve contraire et que les droits de la défense sont assurés.

97      La Commission soutient que les requérantes n’ont pas renversé la présomption selon laquelle la société mère exerce une influence déterminante sur le comportement de sa filiale par leurs simples déclarations non étayées par des preuves. Selon elle, les instructions de mise en conformité ainsi que la mise en œuvre des structures organisationnelles qui leur sont liées attestent en l’espèce de l’influence déterminante de Schindler Holding sur ses filiales et ne sont pas de nature à exonérer celle-ci de sa responsabilité.

98      Dans leur mémoire en réplique, les requérantes soutiennent que, ainsi qu’il ressort de l’arrêt Elf Aquitaine/Commission, précité, la question de la légalité, au regard de l’article 6 de la CEDH, de la présomption selon laquelle la société mère exerce une influence déterminante sur le comportement de sa filiale n’est toujours pas tranchée. Elles rappellent que, selon le paragraphe 40 de l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme Klouvi c. France du 30 juin 2011 (requête nº 30754/03), l’article 6, paragraphe 2, de la CEDH doit être interprété de façon à garantir des droits concrets et effectifs, et non théoriques et illusoires. Or, ladite présomption telle que l’interprète le Tribunal serait impossible à renverser. Il s’agirait non pas d’une responsabilité pour sa propre faute, mais d’une responsabilité collective. Les requérantes font à cet égard valoir les éléments de preuve soumis au Tribunal.

99      Les requérantes soutiennent enfin que le Tribunal avait l’obligation de contrôler d’office la motivation de la décision litigieuse. Or, celle-ci, notamment à ses considérants 629, 630 et 631, ne serait motivée que de façon superficielle, ce qui ne satisfait pas le critère dégagé par la Cour dans l’arrêt Elf Aquitaine/Commission, précité.

100    Dans son mémoire en duplique, la Commission conteste cette argumentation des requérantes.

 Appréciation de la Cour

101    Par la première branche du septième moyen, les requérantes font valoir que la jurisprudence des juridictions de l’Union viole le principe de la responsabilité personnelle des personnes morales. Toutefois, ainsi que Mme l’avocat général l’a relevé aux points 65 et 66 de ses conclusions, ce principe, s’il revêt une importance particulière notamment sous l’angle de la responsabilité dans la sphère du droit civil, ne saurait être pertinent pour définir l’auteur d’une infraction au droit de la concurrence, lequel s’attache au comportement concret des entreprises.

102    Le choix des auteurs des traités a été d’utiliser la notion d’entreprise pour désigner l’auteur d’une infraction au droit de la concurrence, susceptible d’être sanctionné en application des articles 81 CE et 82 CE, désormais articles 101 TFUE et 102 TFUE, et non la notion de société ou de personne morale, utilisée à l’article 48 CE, actuellement l’article 54 TFUE. C’est à cette dernière disposition que se rattache le droit dérivé cité par les requérantes et qui n’est, dès lors, pas pertinent pour déterminer l’auteur d’une infraction au droit de la concurrence.

103    La notion d’entreprise a été précisée par le juge de l’Union et désigne une unité économique, même si, du point de vue juridique, cette unité économique est constituée de plusieurs personnes physiques ou morales (voir, en ce sens, arrêts précités Akzo Nobel e.a./Commission, point 55, ainsi que Elf Aquitaine/Commission, point 53 et jurisprudence citée).

104    Il s’ensuit que, après avoir rappelé cette jurisprudence au point 66 de l’arrêt attaqué, le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit en jugeant, au point 67 de cet arrêt, que lorsqu’une entité économique enfreint les règles de la concurrence, il lui incombe de répondre de cette infraction.

105    Par la deuxième branche du septième moyen, les requérantes soutiennent que l’Union n’a pas de compétence législative pour déterminer les règles d’imputation des infractions dans le cadre de la relation entre une société mère et sa filiale et qu’il appartient au législateur et non aux juridictions de l’Union de définir une règle de droit aussi élémentaire que la notion d’auteur d’une infraction aux règles de concurrence.

106    Toutefois, les requérantes n’indiquent pas les éléments qu’elles critiquent dans l’arrêt attaqué et la lecture des points 63 à 92 dudit arrêt ne permet pas de trouver la moindre allusion à un tel argument. Ce dernier doit dès lors être déclaré irrecevable en raison de son caractère nouveau ou, en tout état de cause, de son manque total de précision.

107    Dans leur réplique, les requérantes contestent le fondement de la jurisprudence résultant de l’arrêt Akzo Nobel e.a./Commission, précité, au regard de l’article 6 de la CEDH, faisant valoir que la question de la légalité, au regard de cette disposition, de la présomption d’une influence déterminante exercée sur la filiale par la société mère ne serait toujours pas tranchée. La Cour a cependant rappelé, au point 62 de l’arrêt Elf Aquitaine/Commission, précité, qu’une présomption, même difficile à renverser, demeure dans des limites acceptables tant qu’elle est proportionnée au but légitime poursuivi, qu’existe la possibilité d’apporter la preuve contraire et que les droits de la défense sont assurés (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 23 décembre 2009, Spector Photo Group et Van Raemdonck, C‑45/08, Rec. p. I‑12073, points 43 et 44, ainsi que Cour eur. D. H., arrêt Janosevic c. Suède du 23 juillet 2002, Recueil des arrêts et décisions 2002‑VII, § 101 et suivants).

108    Or, la présomption d’une influence déterminante exercée sur la filiale détenue en totalité ou en quasi-totalité par sa société mère vise notamment à ménager un équilibre entre, d’une part, l’importance de l’objectif consistant à réprimer les comportements contraires aux règles de la concurrence, en particulier à l’article 81 CE, et d’en prévenir le renouvellement et, d’autre part, les exigences de certains principes généraux du droit de l’Union tels que, notamment, les principes de présomption d’innocence, de personnalité des peines et de la sécurité juridique ainsi que les droits de la défense, y compris le principe d’égalité des armes (arrêt Elf Aquitaine/Commission, précité, point 59). Il s’ensuit qu’une telle présomption est proportionnée au but légitime poursuivi.

109    En outre, d’une part, ladite présomption repose sur le constat selon lequel, sauf circonstances tout à fait exceptionnelles, une société détenant la totalité ou la quasi-totalité du capital d’une filiale peut, compte tenu de cette seule détention, exercer une influence déterminante sur le comportement de cette filiale et, d’autre part, l’absence d’exercice effectif de ce pouvoir d’influence peut normalement le plus utilement être recherchée dans la sphère des entités à l’encontre desquelles cette même présomption opère. Elle est cependant réfragable et les entités qui souhaitent renverser la présomption en cause peuvent apporter tout élément relatif aux liens économiques, organisationnels et juridiques unissant la filiale à la société mère et qu’elles considèrent comme étant de nature à démontrer que la filiale et la société mère ne constituent pas une entité économique unique, mais que la filiale se comporte de façon autonome sur le marché (voir arrêts du 16 novembre 2000, Stora Kopparbergs Bergslags/Commission, C‑286/98 P, Rec. p. I‑9925, point 29; Akzo Nobel e.a./Commission, précité, point 61, ainsi que Elf Aquitaine/Commission, précité, points 57 et 65).

110    Enfin, la société mère doit être entendue par la Commission avant que celle-ci adopte une décision à son encontre et cette décision peut être soumise au contrôle du juge de l’Union qui doit statuer dans le respect des droits de la défense.

111    Il s’ensuit que le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit en retenant, au point 71 de l’arrêt attaqué, le principe de la présomption de responsabilité de la société mère pour les agissements de sa filiale dont elle détient 100 % du capital.

112    Par la troisième branche du septième moyen, les requérantes contestent l’application, par le Tribunal, de la jurisprudence résultant de l’arrêt Akzo Nobel e.a./Commission, précité, en faisant valoir que le Tribunal a retenu, au point 86 de l’arrêt attaqué, une interprétation trop large de la notion de politique commerciale. Il convient cependant de rappeler que, afin de déterminer si une filiale détermine de façon autonome son comportement sur le marché, il convient de prendre en considération l’ensemble des éléments pertinents relatifs aux liens économiques, organisationnels et juridiques qui unissent cette filiale à la société mère, lesquels peuvent varier selon les cas et ne sauraient donc faire l’objet d’une énumération exhaustive (voir, en ce sens, arrêts précités Akzo Nobel e.a./Commission, points 73 et 74, ainsi que Elf Aquitaine/Commission, point 58). La politique commerciale n’est dès lors qu’un élément parmi d’autres et, de surcroît, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, elle ne doit pas être interprétée de manière restrictive.

113    Les requérantes font également valoir, en substance, que la responsabilité de Schindler Holding ne saurait être engagée dès lors qu’elle avait mis en place un programme de mise en conformité. Pour autant que cet argument soit considéré comme recevable, car dirigé contre un critère d’appréciation utilisé par le Tribunal, il suffit de constater que ce dernier n’a commis aucune erreur de droit en jugeant, au point 88 de l’arrêt attaqué, que l’adoption par Schindler Holding d’un code de conduite visant à empêcher les violations par ses filiales du droit de la concurrence et des lignes directrices relatives à ce droit, d’une part, ne change rien à la réalité de l’infraction constatée à son égard et, d’autre part, ne permet pas de démontrer que lesdites filiales déterminaient de manière autonome leur politique commerciale.

114    Ainsi que le Tribunal l’a correctement, et au demeurant sans se contredire, considéré au point 88 de l’arrêt attaqué, la mise en œuvre dudit code de conduite suggère plutôt un contrôle effectif par la société mère de la politique commerciale de ses filiales. Le fait que certains des employés de ses filiales ne se sont pas conformés à ce même code de conduite ne suffit pas à démontrer le caractère autonome de la politique commerciale des filiales en cause.

115    Les requérantes contestent enfin l’appréciation du Tribunal, au point 86 de l’arrêt attaqué, selon laquelle elles n’ont pas présenté d’éléments de preuve à l’appui de leurs affirmations et que, en tout état de cause, de telles affirmations ne suffiraient pas à réfuter la présomption d’une influence déterminante exercée sur les filiales par la société mère. Il convient cependant de rappeler que l’appréciation des preuves relève de la compétence du Tribunal et qu’il n’appartient pas à la Cour de la contrôler dans le cadre d’un pourvoi.

116    Il résulte de l’ensemble de ces considérations que le septième moyen doit être rejeté comme étant pour partie irrecevable et pour partie non fondé.

 Sur le huitième moyen, tiré de la violation de la limite supérieure de l’amende prévue à l’article 23, paragraphe 2, du règlement nº 1/2003

 Argumentation des parties

117    Par leur huitième moyen, les requérantes contestent les points 362 à 364 de l’arrêt attaqué. Elles estiment erroné en droit l’argument selon lequel une société mère et ses filiales constituent une entreprise unique et qu’il convient, de ce fait, de se référer au chiffre d’affaires du groupe pour fixer l’ensemble des amendes.

118    La Commission estime que le huitième moyen n’est pas fondé pour les raisons qu’elle a développées dans le cadre du septième moyen.

 Appréciation de la Cour

119    Ainsi qu’il vient d’être jugé en réponse au septième moyen, l’argument selon lequel une société mère et ses filiales sont susceptibles de constituer et constituent en l’occurrence une entreprise unique n’est pas erroné en droit.

120    Le huitième moyen doit dès lors être rejeté.

 Sur le neuvième moyen, tiré d’une violation du droit de propriété

 Argumentation des parties

121    Par leur neuvième moyen, les requérantes contestent les points 185 à 196 de l’arrêt attaqué, par lesquels le Tribunal a rejeté le sixième moyen invoqué dans le recours de première instance. Elles font valoir que la fixation des amendes produit, en violation du droit international, les mêmes effets qu’une expropriation. En statuant comme il l’a fait, le Tribunal aurait violé l’article 17, paragraphe 1, de la Charte et l’article 1er du protocole additionnel à la CEDH. À tort, il n’aurait pas vérifié si l’amende en cause pouvait être considérée comme proportionnée au regard de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, notamment l’arrêt de cette dernière Mamidakis c. Grèce du 11 janvier 2007 (requête nº 35533/04), mais se serait référé uniquement à sa propre jurisprudence et à celle de la Cour alors que, du fait de l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, il aurait été tenu de soumettre sa jurisprudence antérieure à un examen critique à la lumière de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme.

122    Par ailleurs, le raisonnement du Tribunal serait fondé sur une prémisse erronée, à savoir que Schindler Holding et ses filiales forment une entité économique.

123    La Commission fait valoir que, dans le recours de première instance, les requérantes n’avaient pas invoqué le droit de propriété comme droit fondamental. Cela expliquerait que le Tribunal ne se soit pas prononcé sur la Charte ou l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme Mamidakis c. Grèce, précité. En tout état de cause, le contrôle de proportionnalité effectué par le Tribunal aux points 191 à 195 de l’arrêt attaqué serait le même que celui effectué par la Cour européenne des droits de l’homme dans son arrêt Mamidakis c. Grèce, précité.

 Appréciation de la Cour

124    Ainsi que la Cour l’a rappelé au point 32 du présent arrêt, tant que l’Union n’a pas adhéré à la CEDH, celle-ci ne constitue pas un instrument juridique formellement intégré à l’ordre juridique de l’Union. Toutefois, selon une jurisprudence constante, les droits fondamentaux, parmi lesquels figure le droit de propriété, font partie intégrante des principes généraux du droit dont la Cour assure le respect (voir, en ce sens, arrêt du 13 décembre 1979, Hauer, 44/79, Rec. p. 3727, points 15 et 17). La protection du droit de propriété est par ailleurs prévue à l’article 17 de la Charte.

125    En l’espèce, les requérantes reprochent au Tribunal de ne pas avoir effectué le contrôle de proportionnalité au regard de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, notamment son arrêt Mamidakis c. Grèce, précité, mais de s’être référé uniquement à sa propre jurisprudence et à celle de la Cour.

126    À cet égard, il y a lieu de relever au préalable que les requérantes n’ont jamais invoqué la protection du droit de propriété en tant que droit fondamental. Bien au contraire, les requérantes ont précisé, au point 97 de leur recours de première instance, qu’«[i]l importe peu de savoir si et dans quelle mesure la Communauté européenne protège déjà la propriété privée d’entreprises, par exemple, dans le cadre des droits fondamentaux». Elles invoquaient en revanche, au même point 97, «le standard de protection spécifique au droit international en faveur d’opérateurs étrangers investissant dans la Communauté européenne».

127    Il s’ensuit que les requérantes ne sauraient reprocher au Tribunal de ne pas avoir répondu à des moyens qu’elles n’ont pas invoqués. Par ailleurs, elles ne soutiennent pas que le Tribunal aurait été tenu de procéder d’office au contrôle de la proportionnalité au regard de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme.

128    En tout état de cause, dans la mesure où les requérantes invoquent une violation de la Charte, elles ne sauraient établir une erreur de droit dans le contrôle effectué par le Tribunal qu’en démontrant que celui-ci n’a pas donné au droit de propriété le même sens et la même portée que ceux que lui confère la CEDH.

129    S’agissant de la prise en considération de Schindler Holding et de ses filiales en tant qu’entité économique, il suffit de relever qu’il s’agit non pas d’une prémisse erronée du raisonnement du Tribunal, mais d’un principe fondamental du droit de la concurrence qui fait l’objet d’une jurisprudence constante, ainsi qu’il vient d’être rappelé aux points 101 à 103 du présent arrêt en réponse au septième moyen. La définition de l’auteur d’une infraction au droit de la concurrence est en effet effectuée par référence à des entités économiques même si celles-ci sont, d’un point de vue juridique, constituées de plusieurs personnes physiques ou morales.

130    Par conséquent, il y a lieu de rejeter le neuvième moyen.

 Sur le dixième moyen, tiré d’une violation des lignes directrices de 1998, en ce que les montants de départ servant au calcul de l’amende seraient trop élevés

 Argumentation des parties

131    Par leur dixième moyen, les requérantes contestent les points 197 à 270 de l’arrêt attaqué, par lesquels le Tribunal a rejeté le septième moyen du recours de première instance. Elles estiment que le Tribunal a mal appliqué la jurisprudence relative aux lignes directrices de 1998 et a considéré, à tort, que l’impact des infractions n’était pas mesurable. Les requérantes soutiennent, d’une part, qu’elles ont fourni des indices de l’absence d’impact ou de l’impact réduit des accords en cause et, d’autre part, que cet impact aurait pu être déterminé au moyen d’une expertise économétrique. La Commission n’ayant pas produit une telle expertise, le Tribunal aurait dû adopter lui-même des mesures d’instruction et exercer sa compétence de pleine juridiction au sens de l’article 31 du règlement nº 1/2003.

132    La Commission s’oppose à l’argumentation des requérantes.

 Appréciation de la Cour

133    Par leur dixième moyen, les requérantes contestent non pas la classification des infractions parmi les «infractions très graves» sur la seule prise en compte de leur nature et de leur étendue géographique, ainsi qu’il résulte du considérant 671 de la décision litigieuse, rappelé au point 217 de l’arrêt attaqué, mais uniquement l’appréciation du Tribunal selon laquelle l’impact concret de l’entente n’était pas mesurable.

134    Or, ainsi que l’a rappelé Mme l’avocat général au point 178 de ses conclusions, il ressort d’une jurisprudence bien établie que, si l’impact concret d’une infraction sur le marché est un élément à prendre en considération pour évaluer la gravité de l’infraction, il s’agit d’un critère parmi d’autres, tels que la nature propre de l’infraction et l’étendue du marché géographique (voir, en ce sens, arrêt Musique Diffusion française e.a./Commission, précité, point 129). Il s’ensuit que l’effet d’une pratique anticoncurrentielle n’est pas, en soi, un critère déterminant dans l’appréciation du montant adéquat de l’amende. En particulier, des éléments relevant de l’aspect intentionnel peuvent avoir plus d’importance que ceux relatifs auxdits effets, surtout lorsqu’il s’agit d’infractions intrinsèquement graves, telles qu’une répartition des marchés, élément présent en l’espèce (arrêts du 2 octobre 2003, Thyssen Stahl/Commission, C‑194/99 P, Rec. p. I‑10821, point 118; du 3 septembre 2009, Prym et Prym Consumer/Commission, C‑534/07 P, Rec. p. I‑7415, point 96, ainsi que du 12 novembre 2009, Carbone-Lorraine/Commission, C‑554/08 P, point 44).

135    Par ailleurs, il ressort du point 1, A, premier alinéa, des lignes directrices de 1998 que cet impact est à prendre en considération uniquement lorsqu’il est mesurable (arrêts du 9 juillet 2009, Archer Daniels Midland/Commission, C‑511/06 P, Rec. p. I‑5843, point 125, ainsi que Prym et Prym Consumer/Commission, précité, point 74).

136    Par conséquent, si le Tribunal avait tenu compte de l’impact concret de l’infraction en cause sur le marché, à supposer que cet impact ait été effectivement mesurable, il l’aurait fait à titre surabondant (voir, en ce sens, ordonnance du 13 décembre 2012, Transcatab/Commission, C‑654/11 P, point 43, ainsi que arrêt du 13 juin 2013, Versalis/Commission, C‑511/11 P, points 83 et 84).

137    Il s’ensuit que le dixième moyen, à le supposer fondé, ne saurait remettre en cause l’appréciation du Tribunal, au point 232 de l’arrêt attaqué, selon laquelle il convenait de rejeter les arguments contestant la légalité de la qualification de «très graves» des infractions constatées à l’article 1er de la décision litigieuse.

138    Ce moyen est donc inopérant.

 Sur le onzième moyen, tiré d’une violation des lignes directrices de 1998 en raison de trop faibles réductions des amendes pour circonstances atténuantes

 Argumentation des parties

139    Par leur onzième moyen, les requérantes contestent les points 271 à 279 de l’arrêt attaqué, par lesquels le Tribunal a justifié la décision de la Commission de ne pas prendre en considération, en tant que circonstance atténuante, la cessation volontaire de l’infraction par le groupe Schindler en Allemagne en invoquant le fait que, conformément à la jurisprudence de la Cour, une circonstance atténuante ne peut être accordée au titre du point 3, troisième tiret, des lignes directrices de 1998 que dans le cas où il a été mis fin à l’infraction en raison de l’intervention de la Commission. Selon les requérantes, l’appréciation du Tribunal n’est pas conforme à l’arrêt Prym et Prym Consumer/Commission, précité, qui visait une entente à laquelle tous les participants avaient mis fin avant toute intervention de la Commission, alors que, en l’espèce, une seule entreprise s’était retirée de l’entente. Par ailleurs, l’argument selon lequel une cessation volontaire de l’infraction est déjà suffisamment prise en compte dans la durée de celle-ci serait erroné. Enfin, l’appréciation du Tribunal, au point 275 de l’arrêt attaqué, selon laquelle le caractère manifestement illégal des accords s’oppose à la reconnaissance d’une circonstance atténuante ne serait étayée que par des arrêts du Tribunal mais non par des arrêts de la Cour.

140    Les requérantes contestent également le point 282 de l’arrêt attaqué, par lequel le Tribunal a rejeté l’argument selon lequel il conviendrait de tenir compte du programme de mise en conformité adopté par le groupe Schindler en tant que circonstance atténuante. Selon les requérantes, la question de savoir si des mesures de mise en conformité sont de nature «à changer la réalité d’une infraction» n’est pas déterminante. Seul serait déterminant le fait que, en adoptant des mesures internes, le groupe Schindler a voulu éviter des infractions et que Schindler Holding a, notamment, fait tout son possible à cette fin. La réduction d’amende devrait être d’autant plus importante qu’un des effets secondaires du système de mise en conformité adopté par le groupe Schindler est de rendre plus difficile la découverte en interne d’infractions malgré tout commises, puisque les collaborateurs contrevenants sont menacés de sanctions sévères.

141    La Commission fait valoir que les requérantes ne contestent pas les constatations figurant au point 276 de l’arrêt attaqué relatif aux circonstances dans lesquelles les requérantes ont mis fin à l’infraction, à savoir qu’elles ont quitté l’entente en cause uniquement en raison d’un désaccord avec les autres participants au motif que ceux-ci refusaient de lui accorder une part de marché plus importante.

142    S’agissant de la prise en compte du programme de mise en conformité, la Commission soutient que la récompense qui convient à un tel programme est idéalement l’absence de comportements anticoncurrentiels, mais non une réduction d’amende pour une participation à une entente qui a quand même eu lieu.

 Appréciation de la Cour

143    Par une constatation de fait qu’il n’appartient pas à la Cour de contrôler, le Tribunal a jugé, au point 276 de l’arrêt attaqué, que le groupe Schindler a, «au vu du dossier, quitté l’entente uniquement en raison d’un désaccord avec les autres participants résultant du fait que ceux-ci refusaient de lui accorder une part de marché plus importante». Eu égard à la jurisprudence rappelée aux points 274 et 275 de l’arrêt attaqué et à cette appréciation de fait, c’est sans commettre d’erreur de droit que le Tribunal a rejeté l’argument des requérantes relatif à la cessation volontaire de l’infraction.

144    S’agissant du programme de conformité mis en place par le groupe Schindler, ainsi que Mme l’avocat général l’a relevé au point 185 de ses conclusions, il n’a manifestement pas eu d’effet positif et, au contraire, a rendu plus difficile la mise au jour des infractions en cause. Il s’ensuit que le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit en rejetant l’argument des requérantes à cet égard.

145    Par conséquent, le onzième moyen n’est pas fondé.

 Sur le douzième moyen, tiré d’une violation de la communication sur la coopération de 2002 en raison de trop faibles réductions du montant des amendes pour coopération

 Argumentation des parties

146    Par leur douzième moyen, les requérantes contestent les points 287 à 361 de l’arrêt attaqué, par lesquels le Tribunal a rejeté le neuvième moyen du recours de première instance.

147    En premier lieu, elles contestent le caractère trop peu élevé des réductions du montant des amendes et les inégalités de traitement dans l’application de la communication sur la coopération de 2002.

148    Elles contestent notamment le point 296 de l’arrêt attaqué, par lequel le Tribunal a considéré que la Commission dispose d’une marge d’appréciation substantielle, et le point 300 dudit arrêt, par lequel il a jugé que seul un excès manifeste dans l’utilisation de cette marge peut être contesté. Selon les requérantes, une telle marge d’appréciation n’existe pas et le Tribunal avait l’obligation de vérifier dans sa totalité la décision litigieuse en ce qui concerne la détermination du montant de l’amende, exerçant ainsi la compétence de pleine juridiction qui lui est reconnue par l’article 31 du règlement nº 1/2003.

149    Par ailleurs, ce serait à tort que le Tribunal a rejeté, au point 309 de l’arrêt attaqué, la déclaration fournie par les requérantes à la Commission.

150    Enfin, aux points 312 à 319 de l’arrêt attaqué, le Tribunal aurait appliqué de manière erronée le principe de l’égalité de traitement au regard des preuves qui avaient été fournies par les requérantes.

151    En second lieu, les requérantes contestent les points 350 à 361 de l’arrêt attaqué, par lesquels le Tribunal a rejeté la partie du neuvième moyen du recours de première instance dans lequel elles faisaient valoir qu’était trop peu élevée une réduction de l’amende de 1 % pour leur coopération en dehors de la communication sur la coopération de 2002, au motif qu’elles n’avaient pas contesté les constatations de fait figurant dans la communication des griefs. Elles estiment que le raisonnement du Tribunal est erroné et contradictoire par rapport à la jurisprudence antérieure.

152    La Commission considère que le Tribunal a correctement exposé, au point 308 de l’arrêt attaqué, la raison pour laquelle la déclaration des requérantes n’était pas significative, ce qui est une condition nécessaire en vue d’une réduction d’amende conformément au point 21 de la communication sur la coopération de 2002. Il s’agirait d’une appréciation de fait, non susceptible d’un contrôle par la Cour dans le cadre d’un pourvoi.

153    S’agissant de l’argument tiré de la violation du principe d’égalité de traitement, la Commission fait valoir que les requérantes passent sous silence les «explications détaillées du système» fournies par l’une des entreprises participant à l’entente, qui justifient la valeur ajoutée significative de la demande de clémence de cette entreprise.

154    S’agissant des points 350 à 361 de l’arrêt attaqué, la Commission fait valoir que la circonstance atténuante au titre du point 3, sixième tiret, des lignes directrices de 1998 n’a pas pour objet de récompenser malgré tout des demandes de clémence ayant échoué ou ayant été satisfaites de manière insuffisante, car cela remettrait en cause l’effet incitatif de la communication sur la coopération de 2002 et les obligations de coopération résultant de cette communication, étant donné que ce n’est précisément que si une «valeur ajoutée significative» a été apportée et en fonction de la date de la coopération que des réductions échelonnées sont octroyées.

 Appréciation de la Cour

155    Il importe de rappeler que, lorsqu’il exerce le contrôle de légalité d’une décision infligeant des amendes pour violation des règles de concurrence, le juge de l’Union ne saurait s’appuyer sur la marge d’appréciation dont dispose la Commission ni en ce qui concerne le choix des éléments pris en considération lors de l’application des critères mentionnés dans les lignes directrices de 1998 ni en ce qui concerne l’évaluation de ces éléments pour renoncer à exercer un contrôle approfondi tant de droit que de fait (arrêt Chalkor/Commission, précité, point 62). Une telle règle s’applique également lorsque le juge vérifie si la Commission a fait une application correcte de la communication sur la coopération de 2002.

156    Si les principes énoncés par le Tribunal aux points 295 à 300 ne correspondent pas à cette jurisprudence, il importe cependant d’examiner la manière dont le Tribunal a effectué son contrôle dans la présente affaire afin de vérifier s’il a violé ces principes. En effet, ainsi que Mme l’avocat général l’a relevé au point 191 de ses conclusions, ce qui importe est le critère que le Tribunal a effectivement appliqué pour examiner concrètement la valeur ajoutée apportée par la coopération de l’entreprise concernée avec la Commission.

157    Aux points 301 à 349 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a examiné les éléments de preuve invoqués par les requérantes afin de déterminer s’ils avaient apporté une valeur ajoutée significative au sens du point 21 de la communication sur la coopération de 2002.

158    Même si cet examen comporte des appréciations de fait qu’il n’appartient pas à la Cour de contrôler dans le cadre d’un pourvoi, il y a lieu de constater que le Tribunal a procédé à un contrôle approfondi dans lequel il a lui-même apprécié les éléments de preuve sans se référer à la marge d’appréciation de la Commission et en motivant sa propre décision de manière détaillée.

159    S’agissant des critiques des points 309 et 312 à 319 de l’arrêt attaqué, il y a lieu de constater qu’elles remettent en question des appréciations de fait du Tribunal qu’il n’appartient pas à la Cour de contrôler dans le cadre d’un pourvoi. En tout état de cause, le principe d’égalité de traitement n’empêche pas de ne traiter de manière favorable que l’entreprise qui apporte une valeur ajoutée significative au sens du point 21 de la communication sur la coopération de 2002, dès lors que le but de cette disposition est légitime.

160    Quant à la critique des points 350 à 361 de l’arrêt attaqué, il y a lieu de la déclarer non fondée pour le motif exposé par la Commission et repris au point 154 du présent arrêt.

161    Par conséquent, le douzième moyen n’est pas fondé.

 Sur le treizième moyen, tiré du caractère disproportionné du montant des amendes

 Argumentation des parties

162    Par leur treizième moyen, les requérantes contestent les points 365 à 372 de l’arrêt attaqué, par lesquels le Tribunal a rejeté le dixième moyen invoqué dans le recours de première instance. Elles estiment que la prémisse du raisonnement du Tribunal est erronée, car les infractions ne peuvent être imputées à Schindler Holding. Par ailleurs, une amende ne devrait pas être considérée comme proportionnée du seul fait qu’elle ne dépasse pas le plafond des 10 % du chiffre d’affaires. Il résulterait de l’article 49 de la Charte que l’examen de la proportionnalité de l’amende constitue un aspect distinct qui s’ajoute à la vérification du respect du plafond des 10 % du chiffre d’affaires. Elles citent à cet égard l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme Mamidakis c. Grèce, précité, dans lequel ladite Cour a considéré comme disproportionnée une amende d’un montant total d’environ 8 millions d’euros.

163    La Commission fait valoir que le treizième moyen n’est pas fondé.

 Appréciation de la Cour

164    Il résulte d’une jurisprudence constante qu’il n’appartient pas à la Cour, lorsqu’elle se prononce sur des questions de droit dans le cadre d’un pourvoi, de substituer, pour des motifs d’équité, son appréciation à celle du Tribunal statuant, dans l’exercice de sa pleine juridiction, sur le montant des amendes infligées à des entreprises en raison de la violation, par celles-ci, du droit de l’Union (arrêt Dansk Rørindustri e.a./Commission, précité, point 245).

165    Ce n’est que dans la mesure où la Cour estimerait que le niveau de la sanction est non seulement inapproprié, mais également excessif, au point d’être disproportionné, qu’il y aurait lieu de constater une erreur de droit commise par le Tribunal, en raison du caractère inapproprié du montant d’une amende (arrêt du 22 novembre 2012, E.ON Energie/Commission, C‑89/11 P, point 126).

166    En l’espèce, le Tribunal ne s’est pas limité à vérifier si le montant des amendes ne dépassait pas le plafond des 10 % du chiffre d’affaires visé à l’article 23, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement nº 1/2003, mais a procédé, aux points 368 à 370 de l’arrêt attaqué, à un examen approfondi de la proportionnalité des amendes.

167    S’agissant de la critique de la prise en considération du chiffre d’affaires de Schindler Holding, elle repose sur une prémisse erronée en ce qui concerne la légalité du recours à la notion d’entreprise, ainsi qu’il a été démontré en réponse au septième moyen.

168    En ce qui concerne la référence à l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme Mamidakis c. Grèce, précité, pour autant qu’il soit pertinent dans une affaire de concurrence impliquant une société commerciale et ses filiales et non une personne physique, il y a lieu de souligner que, ainsi que Mme l’avocat général l’a relevé au point 214 de ses conclusions, ce n’est pas au vu de son seul montant nominal qu’il peut être jugé si une amende entraîne une charge disproportionnée pour celui à qui elle est infligée. Cela dépend également, notamment, de la capacité contributive de ce dernier.

169    À cet égard, il y a lieu de souligner que dans l’hypothèse où des amendes sont infligées à une entreprise qui constitue une unité économique et qui ne se compose que formellement de plusieurs personnes morales, la capacité contributive de ces dernières ne saurait être prise en considération de manière individualisée. Dans ce contexte, c’est à juste titre que, tenant compte de la gravité des pratiques concernées, de la taille ainsi que de la puissance économique du groupe Schindler, le Tribunal a constaté, au point 370 de l’arrêt attaqué, que le montant total des amendes imposées aux requérantes représente environ 2 % de leur chiffre d’affaires consolidé en 2005, ce qui ne saurait être considéré comme disproportionné par rapport à la taille du groupe concerné.

170    Il résulte de ces éléments que le treizième moyen n’est pas fondé.

171    Aucun des moyens invoqués par les requérantes n’étant accueilli, le pourvoi doit être rejeté dans son ensemble.

 Sur les dépens

172    En vertu de l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure, lorsque le pourvoi n’est pas fondé, la Cour statue sur les dépens.

173    Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du même règlement, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de celui-ci, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation des requérantes et ces dernières ayant succombé en leurs moyens, il y a lieu de les condamner à supporter, outre leurs propres dépens, ceux exposés par la Commission. Le Conseil n’ayant pas conclu à la condamnation des requérantes, mais ayant demandé à la Cour de statuer de manière appropriée sur les dépens, il supportera ses propres dépens.

Par ces motifs, la Cour (cinquième chambre) déclare et arrête:

1)      Le pourvoi est rejeté.

2)      Schindler Holding Ltd, Schindler Management AG, Schindler SA, Schindler Sàrl, Schindler Liften BV et Schindler Deutschland Holding GmbH sont condamnées à supporter, outre leurs propres dépens, ceux exposés par la Commission européenne.

3)      Le Conseil de l’Union européenne supporte ses propres dépens.

Signatures


* Langue de procédure: l’allemand.