Language of document : ECLI:EU:C:2006:737

ARRÊT DE LA COUR (sixième chambre)

23 novembre 2006(*)

«Manquement d’État – Directive 91/271/CEE – Pollution et nuisances – Traitement des eaux urbaines résiduaires»

Dans l’affaire C-452/05,

ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 226 CE, introduit le 19 décembre 2005,

Commission des Communautés européennes, représentée par Mmes S. Pardo Quintillán et F. Simonetti, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

Grand-Duché de Luxembourg, représenté par M. S. Schreiner, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

LA COUR (sixième chambre),

composée de M. A. Borg Barthet (rapporteur), faisant fonction de président de la sixième chambre, MM. J. Malenovský et U. Lõhmus, juges,

avocat général: M. P. Léger,

greffier: M. R. Grass,

vu la procédure écrite,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        Par sa requête, la Commission des Communautés européennes demande à la Cour de constater que, en n’étant pas en mesure de prouver que le pourcentage minimal de réduction de la charge globale entrant dans toutes les stations d’épuration atteint au moins 75 % pour la quantité totale de phosphore et au moins 75 % pour la quantité totale d’azote, le Grand-Duché de Luxembourg a manqué aux obligations qui lui incombent en raison d’une mauvaise application de l’article 5, paragraphe 4, de la directive 91/271/CEE du Conseil, du 21 mai 1991, relative au traitement des eaux urbaines résiduaires (JO L 135, p. 40, ci-après la «directive»).

 Le cadre juridique

2        L’article 5 de la directive dispose:

«1.       Aux fins du paragraphe 2, les États membres identifient, pour le 31 décembre 1993, les zones sensibles sur la base des critères définis à l’annexe II.

2.       Les États membres veillent à ce que les eaux urbaines résiduaires qui entrent dans les systèmes de collecte fassent l’objet, avant d’être rejetées dans des zones sensibles, d’un traitement plus rigoureux que celui qui est décrit à l’article 4, et ce au plus tard le 31 décembre 1998 pour tous les rejets provenant d’agglomérations ayant un EH [équivalent habitant] de plus de 10 000.

3.       Les rejets provenant des stations d’épuration des eaux urbaines résiduaires visées au paragraphe 2 répondent aux prescriptions pertinentes de l’annexe I point B. […]

4.       Toutefois, les conditions requises d’une station d’épuration au titre des paragraphes 2 et 3 ne s’appliquent pas nécessairement aux zones sensibles, s’il peut être prouvé que le pourcentage minimal de réduction de la charge globale entrant dans toutes les stations d’épuration des eaux résiduaires urbaines de cette zone atteint au moins 75 % pour la quantité totale de phosphore et au moins 75 % pour la quantité totale d’azote.

[…]

8.       Un État membre n’est pas tenu d’identifier des zones sensibles aux fins de la présente directive s’il applique sur l’ensemble de son territoire le traitement prévu aux paragraphes 2, 3 et 4.»

3        En vertu de l’article 19 de la directive, les États membres devaient mettre en vigueur les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la directive au plus tard le 30 juin 1993.

4        Le Grand-Duché de Luxembourg a transposé la directive par le règlement grand-ducal du 13 mai 1994 relatif au traitement des eaux urbaines résiduaires (Mémorial A 1994, p. 931).

5        Dans un courrier du 21 septembre 1999 adressé à la Commission, le gouvernement luxembourgeois a indiqué que, conformément à l’article 5, paragraphe 8, de la directive, l’ensemble du territoire du Grand-Duché avait été désigné comme zone sensible et que les performances des stations d’épuration devaient répondre aux prescriptions de l’article 5, paragraphe 4, de celle-ci.

 La procédure précontentieuse

6        À la suite d’une communication des autorités luxembourgeoises du 19 décembre 2000, établissant que huit des onze agglomérations ayant un équivalent habitant de plus de 10 000 n’étaient pas en conformité avec l’article 5, paragraphe 4, de la directive, la Commission a engagé la procédure en manquement prévue à l’article 226 CE. Après avoir mis le Grand-Duché de Luxembourg en demeure de présenter ses observations, elle a émis un avis motivé, puis un avis motivé complémentaire, respectivement les 9 juillet et 22 décembre 2004, invitant cet État membre à prendre les mesures nécessaires pour s’y conformer dans un délai de deux mois à compter de leur notification.

7        La réponse des autorités luxembourgeoises à ces avis motivés n’est intervenue que le 14 novembre 2005. Estimant que la situation demeurait insatisfaisante, la Commission a décidé d’introduire le présent recours.

 Les conclusions de la Commission

8        La Commission avait initialement conclu à ce que la Cour:

–        constate que, en n’étant pas en mesure de prouver que le pourcentage minimal de réduction de la charge globale entrant dans toutes les stations d’épuration atteignait au moins 75 % pour la quantité totale de phosphore et au moins 75 % pour la quantité totale d’azote, le Grand-Duché de Luxembourg avait manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 5, paragraphe 4, de la directive;

–        condamne le Grand-Duché de Luxembourg aux dépens.

9        Au cours de la procédure écrite, la Commission a abandonné son grief relatif à la réduction de la quantité totale de phosphore. Dans le dernier état de ses conclusions, elle conclut à ce que la Cour:

–        constate que, en n’étant pas en mesure de prouver que le pourcentage minimal de réduction de la charge globale entrant dans toutes les stations d’épuration atteint au moins 75 % pour la quantité totale d’azote, le Grand-Duché de Luxembourg a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 5, paragraphe 4, de la directive;

–        condamne le Grand-Duché de Luxembourg aux dépens.

 Sur le recours

10      Le gouvernement luxembourgeois fait valoir qu’un programme national d’action visant à moderniser les stations d’épuration communales est actuellement mis en œuvre afin que soient respectées les dispositions nationales transposant la directive. Ainsi, le pourcentage de réduction de la charge globale d’azote augmenterait régulièrement depuis 1994, il se serait élevé à 49 % en 2004 et il devrait atteindre 75 % au plus tard en 2008, après l’achèvement de la modernisation desdites stations d’épuration.

11      À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’existence d’un manquement doit être appréciée en fonction de la situation de l’État membre telle qu’elle se présentait au terme du délai fixé dans l’avis motivé et les changements intervenus par la suite ne sauraient être pris en compte par la Cour (voir, notamment, arrêts du 30 janvier 2002, Commission/Grèce, C-103/00, Rec. p. I-1147, point 23, et du 30 mai 2002, Commission/Italie, C-323/01, Rec. p. I-4711, point 8).

12      L’article 5, paragraphe 4, de la directive établit que, pour que les conditions requises d’une station d’épuration au titre des paragraphes 2 et 3 dudit article ne trouvent pas à s’appliquer, il doit être prouvé que le pourcentage minimal de réduction de la charge globale entrant dans toutes les stations d’épuration des eaux résiduaires urbaines atteigne au moins 75 % pour la quantité totale de phosphore et au moins 75 % pour la quantité totale d’azote.

13      En l’espèce, il est constant que, à l’expiration du délai imparti dans l’avis motivé, ce pourcentage n’avait pas été atteint pour l’azote.

14      Dans ces conditions, il y a lieu de considérer le recours de la Commission comme fondé.

15      Compte tenu des considérations qui précèdent, il convient de constater que, en n’étant pas en mesure de prouver que le pourcentage minimal de réduction de la charge globale entrant dans toutes les stations d’épuration atteint au moins 75 % pour la quantité totale d’azote, le Grand-Duché de Luxembourg a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 5, paragraphe 4, de la directive.

 Sur les dépens

16      Aux termes de l’article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation du Grand-Duché de Luxembourg et ce dernier ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de le condamner aux dépens.

Par ces motifs, la Cour (sixième chambre) déclare et arrête:

1)      En n’étant pas en mesure de prouver que le pourcentage minimal de réduction de la charge globale entrant dans toutes les stations d’épuration atteint au moins 75 % pour la quantité totale d’azote, le Grand-Duché de Luxembourg a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 5, paragraphe 4, de la directive 91/271/CEE du Conseil, du 21 mai 1991, relative au traitement des eaux urbaines résiduaires.

2)      Le Grand-Duché de Luxembourg est condamné aux dépens.

Signatures


* Langue de procédure: le français.