Language of document : ECLI:EU:C:2003:415

ARRÊT DE LA COUR

24 juillet 2003(1)

«Règlement (CEE) n° 1191/69 - Exploitation de services réguliers de transports urbains, suburbains et régionaux - Subventions publiques - Notion d'aide d'État - Compensation représentant la contrepartie d'obligations de service public»

Dans l'affaire C-280/00,

ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l'article 234 CE, par le Bundesverwaltungsgericht (Allemagne) et tendant à obtenir, dans le litige pendant devant cette juridiction entre

Altmark Trans GmbH,

Regierungspräsidium Magdeburg

et

Nahverkehrsgesellschaft Altmark GmbH,

en présence de:

Oberbundesanwalt beim Bundesverwaltungsgericht,

une décision à titre préjudiciel sur l'interprétation des articles 92 du traité CE (devenu, après modification, article 87 CE) et 77 du traité CE (devenu article 73 CE) ainsi que du règlement (CEE) n° 1191/69 du Conseil, du 26 juin 1969, relatif à l'action des États membres en matière d'obligations inhérentes à la notion de service public dans le domaine des transports par chemin de fer, par route et par voie navigable (JO L 156, p. 1), tel que modifié par le règlement (CEE) n°1893/91 du Conseil, du 20 juin 1991 (JO L 169, p. 1),

LA COUR

composée de M. G. C. Rodríguez Iglesias, président, MM. J.-P. Puissochet, M. Wathelet, R. Schintgen et C. W. A. Timmermans (rapporteur), présidents de chambre, MM. C. Gulmann, D. A. O. Edward, A. La Pergola , P. Jann et V. Skouris, Mmes F. Macken et N. Colneric, MM. S. von Bahr, J. N. Cunha Rodrigues et A. Rosas, juges,

avocat général: M. P. Léger,


greffier: Mme D. Louterman-Hubeau, chef de division, puis M. H. A. Rühl, administrateur principal,

considérant les observations écrites présentées:

-    pour Altmark Trans GmbH, par Me M. Ronellenfitsch, Rechtsanwalt,

-    pour le Regierungspräsidium Magdeburg, par M. L.-H. Rode, en qualité d'agent,

-    pour Nahverkehrsgesellschaft Altmark GmbH, par Me C. Heinze, Rechtsanwalt,

-    pour la Commission des Communautés européennes, par Mme M. Wolfcarius et M. D. Triantafyllou, en qualité d'agents,

vu le rapport d'audience,

ayant entendu les observations orales d'Altmark Trans GmbH, représentée par Me M. Ronellenfitsch, du Regierungspräsidium Magdeburg, représenté par M. L.-H. Rode, de Nahverkehrsgesellschaft Altmark GmbH, représentée par Me C. Heinze, de la Commission, représentée par Mme M. Wolfcarius et M. D. Triantafyllou, à l'audience du 6 novembre 2001,

ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 19 Mars 2002,

vu l'ordonnance de réouverture de la procédure orale du 18 juin 2002,

ayant entendu les observations orales d'Altmark Trans GmbH, représentée par Me M. Ronellenfitsch, du Regierungspräsidium Magdeburg, représenté par M. S. Karnop, en qualité d'agent, de Nahverkehrsgesellschaft Altmark GmbH, représentée par Me C. Heinze, du gouvernement allemand, représenté par M. M. Lumma, en qualité d'agent, du gouvernement danois, représenté par M. J. Molde, en qualité d'agent, du gouvernement espagnol, représenté par Mme R. Silva de Lapuerta, en qualité d'agent, du gouvernement français, représenté par M. F. Million, en qualité d'agent, du gouvernement néerlandais, représenté par M. N. A. J. Bel, en qualité d'agent, du gouvernement du Royaume-Uni, représenté par M. J. E. Collins, en qualité d'agent, assisté de Mme E. Sharpston, QC, et de la Commission, représentée par M. D. Triantafyllou, à l'audience du 15 octobre 2002,

ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 19 mars 2002,

rend le présent

Arrêt

1.
    Par ordonnance du 6 avril 2000, parvenue à la Cour le 14 juillet suivant, le Bundesverwaltungsgericht a posé, en vertu de l'article 234 CE, une question préjudicielle relative à l'interprétation des articles 92 du traité CE (devenu, après modification, article 87 CE) et 77 du traité CE (devenu article 73 CE) ainsi que du règlement (CEE) n°1191/69 du Conseil, du 26 juin 1969, relatif à l'action des États membres en matière d'obligations inhérentes à la notion de service public dans le domaine des transports par chemin de fer, par route et par voie navigable (JO L 156, p. 1), tel que modifié par le règlement (CEE) n° 1893/91 du Conseil, du 20 juin 1991 (JO L 169, p. 1, ci-après le «règlement n° 1191/69»).

2.
    Cette question a été soulevée dans le cadre d'un litige entre Altmark Trans GmbH (ci-après «Altmark Trans») et Nahverkehrsgesellschaft Altmark GmbH (ci-après «Nahverkehrsgesellschaft») concernant l'octroi à la première, par le Regierungspräsidium Magdeburg (le gouvernement de la région de Magdebourg, ci-après le «Regierungspräsidium»), de licences de services réguliers de transport par autocar dans le Landkreis Stendal (Allemagne) et de subventions publiques pour l'exécution desdits services.

Le cadre juridique

Le droit communautaire

3.
    L'article 92, paragraphe 1, du traité dispose:

«Sauf dérogations prévues par le présent traité, sont incompatibles avec le marché commun, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d'État sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions.»

4.
    L'article 74 du traité (devenu article 70 CE), qui figure sous le titre IV de la troisième partie, consacré aux transports, dispose que les objectifs du traité sont poursuivis par les États membres, en ce qui concerne la matière régie par ce titre, dans le cadre d'une politique commune des transports.

5.
    L'article 77 du traité, qui fait partie dudit titre IV, prévoit que les aides qui répondent aux besoins de la coordination des transports ou qui correspondent au remboursement de certaines servitudes inhérentes à la notion de service public sont compatibles avec le traité.

6.
    Le règlement n°1191/69 est divisé en six sections dont la première comporte les dispositions générales (articles 1er et 2), la deuxième est relative aux principes communs pour la suppression ou le maintien des obligations de service public (articles 3 à 8), la troisième traite de l'application aux transports de voyageurs de prix et de conditions de transport imposés dans l'intérêt d'une ou de plusieurs catégories sociales particulières (article 9), la quatrième concerne les méthodes communes de compensation (articles 10 à 13), la cinquième a trait aux contrats de service public (article 14) et la sixième contient les dispositions finales (articles 15 à 20).

7.
    L'article 1er de ce règlement dispose:

«1.    Le présent règlement s'applique aux entreprises de transport qui exploitent des services dans le domaine des transports par chemin de fer, par route et par voie navigable.

Les États membres peuvent exclure du champ d'application du présent règlement les entreprises dont l'activité est limitée exclusivement à l'exploitation de services urbains, suburbains ou régionaux.

2.    Aux fins du présent règlement, on entend par:

-    ‘services urbains et suburbains', les services de transport répondant aux besoins d'un centre urbain ou d'une agglomération, ainsi qu'aux besoins du transport entre ce centre ou cette agglomération et ses banlieues,

-    ‘services régionaux', les services de transport destinés à répondre aux besoins en transports d'une région.

3.    Les autorités compétentes des États membres suppriment les obligations inhérentes à la notion de service public, définies dans le présent règlement, imposées dans le domaine des transports par chemin de fer, par route et par voie navigable.

4.    Pour garantir des services de transport suffisants, compte tenu notamment des facteurs sociaux, environnementaux et d'aménagement du territoire, ou en vue d'offrir des conditions tarifaires déterminées en faveur de certaines catégories de voyageurs, les autorités compétentes des États membres peuvent conclure des contrats de service public avec une entreprise de transport. Les conditions et les modalités de ces contrats sont arrêtées à la section V.

5.    Toutefois, les autorités compétentes des États membres peuvent maintenir ou imposer les obligations de service public visées à l'article 2 pour les services urbains, suburbains et régionaux de transport de voyageurs. Les conditions et les modalités, y compris les méthodes de compensation, sont arrêtées aux sections II, III et IV.

[.]

6.    Par ailleurs, les autorités compétentes d'un État membre peuvent ne pas appliquer les paragraphes 3 et 4, dans le domaine des transports de voyageurs, aux prix et conditions de transport imposés dans l'intérêt d'une ou de plusieurs catégories sociales particulières.»

8.
    L'article 6, paragraphe 2, du règlement n° 1191/69 est libellé comme suit:

«Les décisions de maintien ou de suppression à terme de tout ou partie d'une obligation de service public prévoient, pour les charges qui en découlent, l'octroi d'une compensation déterminée conformément aux méthodes communes prévues aux articles 10 à 13.»

9.
    L'article 9, paragraphe 1, du même règlement prévoit:

«Le montant de la compensation des charges qui découlent, pour les entreprises, de l'application aux transports de voyageurs de prix et conditions de transport imposés dans l'intérêt d'une ou de plusieurs catégories sociales particulières est déterminé conformément aux méthodes communes prévues aux articles 11 à 13.»

10.
    L'article 17, paragraphe 2, du règlement n° 1191/69 énonce:

«Les compensations qui résultent de l'application du présent règlement sont dispensées de la procédure d'information préalable prévue à l'article 93 paragraphe 3 du traité instituant la Communauté économique européenne.

Les États membres communiquent sans délai à la Commission, par catégorie d'obligations, les compensations des charges découlant pour les entreprises de transport du maintien des obligations de service public visées à l'article 2 et de l'application aux transports de voyageurs de prix et conditions de transport imposés dans l'intérêt d'une ou de plusieurs catégories sociales particulières.»

La réglementation nationale

11.
    La Verordnung zur Festlegung des Anwendungsbereiches der Verordnung (EWG) Nr. 1191/69 in der Fassung der Verordnung (EWG) Nr. 1893/91 im Straßenpersonenverkehr (arrêté portant application du règlement n° 1191/69 dans sa version résultant du règlement n° 1893/91 concernant le transport par route de personnes), du ministre fédéral des Transports, du 31 juillet 1992 (BGBl. 1992 I, p. 1442), dans sa version résultant d'une modification du 29 novembre 1994 (BGBl. 1994 I, p. 3630), écarte de manière générale jusqu'au 31 décembre 1995, pour le transport public de voyageurs, l'application du règlement n° 1191/69 quant aux entreprises dont l'activité est limitée exclusivement à l'exploitation de services urbains, suburbains ou régionaux.

12.
    Les dispositions combinées des articles 2, paragraphe 1, et 1er, paragraphe 1, du Personenbeförderungsgesetz (loi relative aux transports terrestres de personnes, ci-après le «PBefG») prévoient que le transport de personnes par véhicules routiers en service régulier est soumis en Allemagne à l'octroi d'une licence. Cette licence oblige le transporteur à ne percevoir que le tarif autorisé par l'autorité délivrant la licence, à respecter l'horaire qui a été approuvé et à se conformer aux obligations d'exploitation et de transport qui lui incombent légalement.

13.
    Jusqu'au 31 décembre 1995, les conditions d'octroi d'une licence relative à un service régulier de transport par autocar étaient déterminées uniquement par l'article 13 du PBefG. Cette disposition impose notamment des conditions quant à la capacité financière ainsi qu'à la fiabilité de l'entreprise de transport et prescrit le rejet de la demande de licence lorsque le service visé serait de nature à affecter les intérêts de la collectivité en matière de transport. Si plusieurs entreprises veulent fournir les mêmes services de transport, l'autorité concernée doit, en vertu du paragraphe 3 du même article, prendre en compte d'une manière appropriée les perspectives d'une prestation adéquate de ces services par l'une desdites entreprises pendant de nombreuses années.

14.
    Par l'article 6, paragraphe 116, de l'Eisenbahnneuordnungsgesetz (loi sur la restructuration du chemin de fer), du 27 décembre 1993 (BGBl. 1993 I, p. 2378), le législateur allemand a introduit, avec effet au 1er janvier 1996, une distinction entre transports exploités sous un régime d'autonomie financière et transports exploités en tant que service public pour l'octroi de licences de services réguliers de transports publics urbains, suburbains et régionaux.

15.
    L'article 8, paragraphe 4, première phrase, du PBefG établit le principe selon lequel les services de transports publics urbains, suburbains et régionaux doivent être fournis sous le régime de l'autonomie financière.

16.
    La deuxième phrase de ce paragraphe définit les services de transport fournis dans le cadre d'un régime d'autonomie financière comme ceux dont les coûts sont couverts par les recettes des transports effectués, par les rentrées perçues en vertu de dispositions réglementaires prévoyant des compensations ou des remboursements en raison de certains tarifs et d'une organisation des transports déterminée ainsi que par les autres produits de l'entreprise au sens du droit commercial. Les conditions d'octroi d'une licence sous le régime de l'autonomie financière sont définies à l'article 13 du PBefG, ainsi qu'il a été exposé au point 13 du présent arrêt.

17.
    L'article 8, paragraphe 4, troisième phrase, du PBefG prévoit que c'est le règlement n° 1191/69, dans sa version en vigueur, qui comporte les règles de référence applicables, dès lors qu'un service de transport suffisant ne peut pas être assuré sous le régime de l'autonomie financière. Les conditions d'octroi des licences portant sur des prestations de transport fournies en tant que service public sous l'empire dudit règlement sont définies à l'article 13 bis du PBefG.

18.
    Aux termes de cette dernière disposition, il convient d'octroyer une licence dans la mesure où celle-ci est indispensable aux fins de la mise en place d'un service de transport sur le fondement d'un acte d'autorité ou d'un contrat au sens du règlement n° 1191/69 et où elle représente la solution entraînant le moindre coût pour la collectivité.

Le litige au principal

19.
    Le litige au principal concerne l'octroi, par le Regierungspräsidium à Altmark Trans, de licences de services réguliers de transport par autocar dans le Landkreis Stendal.

20.
    Des licences avaient été accordées initialement à Altmark Trans pour la période du 25 septembre 1990 au 19 septembre 1994. Par une décision du 27 octobre 1994, de nouvelles licences lui ont été octroyées jusqu'au 31 octobre 1996.

21.
    Il résulte de l'ordonnance de renvoi que le Regierungspräsidium a, dans le même temps, rejeté les demandes d'octroi de licences d'exploitation de ces services introduites par Nahverkehrsgesellschaft. Pour fonder cette décision, le Regierungspräsidium a exposé qu'Altmark Trans remplissait les conditions d'agrément prévues à l'article 13, paragraphe 1, points 1 et 2, du PBefG. En tant qu'ancienne entreprise, Altmark Trans bénéficiait d'une protection de la situation acquise, conformément au paragraphe 3 du même article. Cette protection impliquerait que l'exploitation d'un service régulier de transport par l'entreprise actuellement en charge dudit service est susceptible de représenter une meilleure offre de transport que celle qui émane d'une nouvelle entreprise candidate. Or, une telle offre n'existerait pas. Accusant un déficit de 0,58 DM par kilomètre de réseau, Altmark Trans aurait besoin du financement complémentaire des pouvoirs publics le moins élevé.

22.
    À la suite d'une réclamation d'Altmark Trans, le Regierungspräsidium a prolongé la durée de ces licences jusqu'au 31 octobre 2002, par une décision du 30 juillet 1996.

23.
    Nahverkehrsgesellschaft a introduit une réclamation à l'encontre de la décision du 27 octobre 1994, en soutenant qu'Altmark Trans ne répondait pas aux exigences de l'article 13 du PBefG. En effet, celle-ci ne serait pas une entreprise économiquement saine puisqu'elle n'aurait pas été capable de survivre sans subventions publiques. Dès lors, les licences qui lui avaient été octroyées seraient illégales. Il ne serait pas non plus exact d'affirmer qu'Altmark Trans a le besoin le moins élevé en subventions. Par décision du 29 juin 1995, le Regierungspräsidium a rejeté cette réclamation.

24.
    Nahverkehrsgesellschaft a introduit un recours contre ces décisions des 27 octobre 1994 et 30 juillet 1996 devant le Verwaltungsgericht Magdeburg (tribunal administratif de première instance de Magdebourg) (Allemagne), qui a rejeté ce recours.

25.
    Au stade de l'appel, l'Oberverwaltungsgericht Sachsen-Anhalt (juridiction administrative d'appel de Saxe-Anhalt) (Allemagne) a fait droit au recours de Nahverkehrsgesellschaft et a donc annulé l'octroi des licences à Altmark Trans. Cette juridiction a notamment considéré que, au moment où la décision du 30 juillet 1996 avait été prise, la santé économique d'Altmark Trans n'était plus assurée, car celle-ci avait besoin des subventions du Landkreis Stendal pour l'exécution desdites licences. En outre, elle a jugé que ces subventions n'étaient pas compatibles avec le droit communautaire relatif aux aides d'État tel qu'il résultait notamment du règlement n° 1191/69.

26.
    À cet égard, l'Oberverwaltungsgericht a relevé que la République fédérale d'Allemagne n'avait fait usage que jusqu'au 31 décembre 1995 de la possibilité, offerte par le règlement n° 1191/69, d'exclure de son champ d'application les entreprises dont l'activité est limitée exclusivement à l'exploitation de services de transports urbains, suburbains ou régionaux. Il a donc jugé que, après cette date, les subventions publiques en cause n'étaient autorisées que moyennant le respect des conditions prévues par ledit règlement. Parmi ces conditions figure la nécessité d'imposer des obligations de service public soit par voie de contrat, soit par un acte des autorités compétentes. Le Landkreis Stendal n'ayant pas procédé à la conclusion d'un contrat avec Altmark Trans ni adopté un acte administratif conformément aux dispositions dudit règlement, l'Oberverwaltungsgericht a considéré que, depuis le 1er janvier 1996, le Landkreis n'était plus autorisé à subventionner Altmark Trans pour l'exécution des services couverts par les licences qui lui avaient été octroyées.

27.
    À l'encontre de cette décision de l'Oberverwaltungsgericht, Altmark Trans a formé un recours en «Revision» devant le Bundesverwaltungsgericht. Ce dernier considère que les dispositions de l'article 8, paragraphe 4, du PBefG soulèvent la question de savoir si l'exploitation de services réguliers de transports urbains, suburbains ou régionaux qui ne peut être effectuée de manière rentable grâce aux recettes tirées dudit transport et qui, de ce fait, dépend nécessairement de subventions publiques peut, en vertu du droit national, être considérée comme réalisée sous le régime de l'autonomie financière ou si elle doit nécessairement être considérée comme effectuée sous le régime du service public.

28.
    À cet égard, le Bundesverwaltungsgericht considère que les subventions publiques en cause peuvent relever de la notion d'«autres produits de l'entreprise au sens du droit commercial» visée à l'article 8, paragraphe 4, deuxième phrase, du PBefG. En ayant recours aux méthodes usuelles d'interprétation du droit national, il parvient à la conclusion que la circonstance que des subventions publiques sont nécessaires n'exclut pas que les services de transport soient fournis sous le régime de l'autonomie financière.

29.
    Toutefois, la juridiction de renvoi émet des doutes quant au point de savoir si les articles 77 et 92 du traité ainsi que le règlement n 1191/69 impliquent nécessairement l'interprétation de l'article 8, paragraphe 4, deuxième phrase, du PBefG conforme au droit communautaire préconisée par l'Oberverwaltungsgericht. Eu égard à la complexité du système d'interdictions, d'exceptions et d'exceptions aux exceptions, il estime que cette problématique devrait être clarifiée par la Cour.

La question préjudicielle

30.
    Considérant que, dans l'affaire dont il est saisi, la portée des règles communautaires est incertaine et qu'une décision à titre préjudiciel est nécessaire pour la solution du litige au principal, le Bundesverwaltungsgericht a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:

«Les dispositions combinées des articles [77 et 92 du traité] CE ainsi que du règlement (CEE) n° 1191/69, dans sa version modifiée par le règlement (CEE) n° 1893/91, s'opposent-elles à l'application d'une réglementation nationale qui autorise la concession de licences de services réguliers de transport dans le cadre des transports publics urbains, suburbains ou régionaux, pour des transports dépendant nécessairement de subventions, sans respecter les dispositions des sections II, III et IV dudit règlement?»

31.
    La juridiction de renvoi a précisé que cette question devait être comprise comme comportant les trois branches suivantes:

«1)    Les subventions visant à compenser le déficit d'un service public de transport local de personnes sont-elles en toute hypothèse visées par l'interdiction des aides énoncée à l'article [92], paragraphe 1, [du traité] CE ou, eu égard à leur portée régionale, convient-il de considérer que de telles subventions ne sont, a priori, pas de nature à affecter les échanges entre États membres? La réponse à apporter à cette question est-elle susceptible de dépendre de la situation précise et de l'importance du domaine d'activité des transports urbains, suburbains ou régionaux visés dans chaque cas?

2)    L'article [77 du traité] CE confère-t-il de manière générale au législateur national la faculté d'autoriser les subventions publiques destinées à compenser les déficits dans le domaine du transport public urbain, suburbain ou régional sans faire entrer en ligne de compte le règlement (CEE) n. 1191/69?

3)    Le règlement (CEE) n° 1191/69 permet-il au législateur national d'autoriser l'exploitation d'un service régulier de transport public urbain, suburbain ou régional dépendant obligatoirement de subventions publiques sans respecter les sections II, III et IV dudit règlement, en ne prescrivant l'application de ces dispositions que lorsque, à défaut, la fourniture d'un transport suffisant n'est pas possible? Cette latitude laissée au législateur national découle-t-elle en particulier du droit que lui conférerait l'article 1er, paragraphe 1, second alinéa, du règlement (CEE) n° 1191/69, dans sa version modifiée par le règlement n° 1893/91, d'exclure complètement du champ d'application du règlement les entreprises de transport urbain, suburbain ou régional?»

Observations liminaires

32.
    Dans le litige au principal, l'octroi de licences à Altmark Trans n'est contesté que dans la mesure où celle-ci avait besoin de subventions publiques pour exécuter les obligations de service public découlant desdites licences. Ce litige porte donc essentiellement sur la question de savoir si les subventions publiques qu'Altmark Trans a ainsi reçues ont été accordées licitement.

33.
    Après avoir constaté que le versement de subventions à Altmark Trans pour l'exploitation des licences en cause au principal sous le régime de l'autonomie financière n'était pas contraire au droit national, la juridiction de renvoi s'interroge sur la compatibilité desdites subventions avec le droit communautaire.

34.
    Les dispositions principales du traité régissant les subventions publiques sont celles relatives aux aides d'État, à savoir les articles 92 et suivants du traité. L'article 77 du traité instaure dans le domaine du transport une dérogation aux règles générales applicables aux aides d'État, en prévoyant que les aides qui répondent aux besoins de la coordination des transports ou qui correspondent au remboursement de certaines servitudes inhérentes à la notion de service public sont compatibles avec le traité.

35.
    Or, il convient de constater que le Conseil a adopté le règlement n° 1191/69 sur le fondement des articles 75 du traité CE (devenu, après modification, article 71 CE) et 94 du traité CE (devenu article 89 CE), donc tant sur le fondement des dispositions du traité relatives à la politique commune des transports que sur celles relatives aux aides d'État.

36.
    Le règlement n° 1191/69 établit un régime communautaire applicable aux obligations de service public dans le domaine des transports. Cependant, en vertu de son article 1er, paragraphe 1, second alinéa, les États membres peuvent exclure de son champ d'application les entreprises dont l'activité est limitée exclusivement à l'exploitation de services de transports urbains, suburbains ou régionaux.

37.
    Dans ces conditions, il y a lieu d'examiner d'emblée si le règlement n° 1191/69 est applicable aux services de transport en cause dans l'affaire au principal. C'est uniquement dans la négative qu'il sera nécessaire d'examiner l'application des dispositions générales du traité concernant les aides d'État aux subventions en cause au principal. Dès lors, il convient de répondre en premier lieu à la troisième branche de la question préjudicielle.

Sur la troisième branche de la question préjudicielle

38.
    Par la troisième branche de la question préjudicielle, la juridiction de renvoi demande en substance si le règlement n° 1191/69, et plus particulièrement son article 1er, paragraphe 1, second alinéa, peut être interprété en ce sens qu'il permet à un État membre de ne pas appliquer ce règlement à l'exploitation de services réguliers de transports urbains, suburbains ou régionaux dépendant nécessairement de subventions publiques et d'en limiter l'application aux cas où, à défaut, la fourniture d'un service de transport suffisant n'est pas possible.

Observations soumises à la Cour

39.
    Altmark Trans, le Regierungspräsidium et Nahverkehrsgesellschaft considèrent qu'il n'est pas possible de déduire du règlement n° 1191/69 que des subventions publiques à des entreprises de transport ne sont conformes au droit communautaire que lorsque sont imposées des obligations de service public au sens dudit règlement ou qu'un contrat de service public a été conclu conformément à ce règlement.

40.
    Ils relèvent notamment que le législateur allemand a opéré une distinction entre les services de transport effectués sous le régime de l'autonomie financière et ceux effectués sous celui du service public. En vertu de l'article 8, paragraphe 4, du PBefG, le règlement n° 1191/69 ne s'appliquerait qu'aux transports relevant du régime du service public. Dès lors, les services de transport effectués sous le régime de l'autonomie financière ne relèveraient pas du champ d'application de ce règlement.

41.
    En effet, bien que le législateur allemand ne fasse plus usage de manière générale de la faculté de dérogation prévue à l'article 1er, paragraphe 1, second alinéa, du règlement n° 1191/69 depuis le 1er janvier 1996, il aurait indirectement prévu une exception à l'application de ce règlement en faveur des services de transports urbains, suburbains et régionaux qui sont fournis sous le régime de l'autonomie financière. Dès lors que ledit règlement autoriserait une dérogation de portée générale, ce législateur aurait également la faculté de prévoir une dérogation partielle. En effet, le principe selon lequel «Qui peut le plus peut le moins» s'appliquerait en l'occurrence.

42.
    La Commission fait valoir que, dans la mesure où les services de transports urbains, suburbains ou régionaux n'ont pas été exclus du champ d'application du règlement n° 1191/69 en vertu de l'article 1er, paragraphe 1, second alinéa, de celui-ci, le législateur national doit réglementer l'exploitation d'un service régulier soit en imposant des obligations de service public, conformément aux sections II à IV de ce règlement, soit en vertu de contrats prévoyant ces obligations et respectant les dispositions de la section V dudit règlement.

Réponse de la Cour

43.
    En vue de répondre à cette branche de la question, il convient de déterminer à titre liminaire si le règlement n° 1191/69 impose un régime contraignant que les États membres sont impérativement tenus de respecter lorsqu'ils envisagent d'imposer des obligations de service public dans le secteur des transports terrestres.

44.
    Il résulte clairement tant des considérants dudit règlement que de son dispositif qu'il impose effectivement un régime obligatoire aux États membres.

45.
    En effet, selon le premier considérant du règlement n° 1191/69, un des objectifs de la politique commune des transports est l'élimination des disparités qui résultent des obligations inhérentes à la notion de service public imposées aux entreprises de transport par les États membres et qui sont de nature à fausser substantiellement les conditions de concurrence. Aux termes du deuxième considérant dudit règlement, il est donc nécessaire de supprimer les obligations de service public définies dans celui-ci bien que, toutefois, leur maintien puisse être indispensable dans certains cas pour garantir la fourniture de services de transport suffisants.

46.
    À cet effet, l'article 1er, paragraphe 3, du règlement n° 1191/69 prévoit que les autorités compétentes des États membres suppriment les obligations inhérentes à la notion de service public, telles que définies dans ledit règlement, imposées dans le domaine des transports par chemin de fer, par route et par voie navigable. Aux termes du paragraphe 4 du même article, pour garantir des services de transport suffisants, compte tenu notamment des facteurs sociaux, environnementaux et d'aménagement du territoire, ou en vue d'offrir des conditions tarifaires déterminées en faveur de certaines catégories de voyageurs, ces autorités peuvent conclure des contrats de service public avec une entreprise de transport selon les conditions et les modalités qui sont arrêtées à la section V dudit règlement. Le paragraphe 5 du même article ajoute que, toutefois, lesdites autorités peuvent maintenir ou imposer des obligations de service public pour les services urbains, suburbains et régionaux de transport de voyageurs selon les conditions et les modalités, y compris les méthodes de compensation, arrêtées aux sections II à IV dudit règlement.

47.
    Dès lors, dans la mesure où les licences en cause au principal imposent des obligations de service public et s'accompagnent de subventions contribuant au financement de l'exécution de celles-ci, l'octroi de ces licences et de ces subventions était en principe soumis aux dispositions du règlement n° 1191/69.

48.
    Toutefois, l'article 1er, paragraphe 1, second alinéa, de ce règlement autorise les États membres à exclure du champ d'application de celui-ci les entreprises dont l'activité est limitée exclusivement à l'exploitation de services de transports urbains, suburbains ou régionaux.

49.
    Dans un premier temps, à savoir jusqu'au 31 décembre 1995, la République fédérale d'Allemagne a fait usage de la dérogation prévue à l'article 1er, paragraphe 1, second alinéa, du règlement n° 1191/69 en écartant explicitement dans la réglementation nationale l'application de ce règlement aux entreprises de transport urbain, suburbain ou régional.

50.
    Depuis le 1er janvier 1996, la réglementation allemande ne prévoit plus expressément une telle dérogation. Tout au contraire, ledit règlement a été déclaré applicable à l'octroi de licences de transport par autocar en Allemagne sous le régime du service public par les articles 8, paragraphe 4, troisième phrase, et 13 bis du PBefG. Cependant, la législation allemande ne détermine pas explicitement si ce règlement est également applicable à l'octroi de licences de transport par autocar sous le régime de l'autonomie financière.

51.
    À cet égard, il convient d'examiner si la non-application du règlement n° 1191/69 au régime de l'autonomie financière, à supposer qu'elle soit avérée, est contraire audit règlement.

52.
    Altmark Trans, le Regierungspräsidium et Nahverkehrsgesellschaft font valoir que, l'article 1er, paragraphe 1, second alinéa, du règlement n° 1191/69 permettant d'exclure de l'application de celui-ci une catégorie complète de services de transport, ladite disposition doit, à plus forte raison, permettre de soustraire une partie limitée de ces services à l'application de ce règlement.

53.
    Il y a lieu de rappeler que, comme il a été exposé aux points 44 à 47 du présent arrêt, le règlement n° 1191/69 établit un régime que les États membres sont tenus de respecter lorsqu'ils envisagent d'imposer des obligations de service public aux entreprises de transport terrestre.

54.
    Toutefois, les États membres peuvent, pour des entreprises qui exploitent des services de transports urbains, suburbains ou régionaux, établir une dérogation aux dispositions du règlement n° 1191/69, en vertu de son article 1er, paragraphe 1, second alinéa. Le législateur allemand a fait un usage général de cette dérogation jusqu'au 31 décembre 1995.

55.
    Dans ces circonstances, il y a lieu de considérer que la modification du PBefG, qui a pris effet au 1er janvier 1996, contribue à la réalisation des objectifs poursuivis par le règlement n° 1191/69.

56.
    En effet, par cette modification, le législateur allemand a introduit, pour l'octroi de licences relatives au transport de voyageurs par autocar, une distinction entre le régime de l'autonomie financière et celui du service public. En vertu de l'article 13 bis du PBefG, le règlement n° 1191/69 est devenu applicable à l'octroi de licences sous le régime du service public. Cette modification du PBefG a donc réduit le domaine d'application de la dérogation prévue à l'article 1er, paragraphe 1, second alinéa, dudit règlement. Ainsi, la législation allemande s'est rapprochée des objectifs poursuivis par celui-ci.

57.
    Il résulte de ces considérations qu'un État membre peut légitimement, sur le fondement de la faculté de dérogation prévue à l'article 1er, paragraphe 1, second alinéa, du règlement n° 1191/69, non seulement exclure complètement les services réguliers de transports urbains, suburbains ou régionaux du champ d'application de ce règlement, mais également donner une application plus limitée à cette dérogation. En d'autres termes, cette disposition permet en principe au législateur allemand de prévoir que, pour des services de transport fournis sous le régime de l'autonomie financière, des obligations de service public peuvent être imposées et des subventions accordées sans respecter les conditions et les modalités arrêtées par ledit règlement.

58.
    Toutefois, la législation nationale doit clairement délimiter l'usage fait de cette faculté de dérogation pour qu'il soit possible de déterminer dans quelle situation ladite dérogation s'applique et dans quelle situation le règlement n° 1191/69 est applicable.

59.
    En effet, ainsi qu'il résulte d'une jurisprudence constante, il est particulièrement important, afin que soit satisfaite l'exigence de sécurité juridique, que les particuliers bénéficient d'une situation juridique claire et précise, leur permettant de connaître la plénitude de leurs droits et de s'en prévaloir, le cas échéant, devant les juridictions nationales (voir arrêts du 23 mai 1985, Commission/Allemagne, 29/84, Rec. p. 1661, point 23; du 9 avril 1987, Commission/Italie, 363/85, Rec. p. 1733, point 7; du 30 mai 1991, Commission/Allemagne, C-59/89, Rec. p. I-2607, point 18, et du 19 septembre 1996, Commission/Grèce, C-236/95, Rec. p. I-4459, point 13).

60.
    La décision de renvoi comporte un certain nombre d'indices permettant de douter que ces exigences de clarté aient été respectées en l'occurrence.

61.
    En effet, il découle, d'une part, de l'ordonnance de renvoi que le régime de l'autonomie financière peut s'appliquer également à des entreprises qui ont besoin de subventions publiques pour l'exploitation de licences de services de transport. La juridiction de renvoi a constaté, d'autre part, que, «s'agissant de services réguliers de transport urbain, suburbain ou régional largement déficitaires, cette option offerte à l'opérateur par le législateur est, en pratique, écartée, la nécessité de subventions publiques entraînant automatiquement l'assujettissement au régime du service public».

62.
    Il semble résulter de ce qui précède que les licences de services de transport nécessitant pour leur exploitation des subventions publiques peuvent être soumises tant au régime de l'autonomie financière qu'à celui du service public. Si tel était effectivement le cas, les dispositions de la législation nationale concernée ne détermineraient pas de manière claire et précise dans quelle situation de telles licences relèvent de l'un ou de l'autre de ces régimes. Or, dans la mesure où le règlement n° 1191/69 n'est pas applicable au régime de l'autonomie financière, une éventuelle incertitude sur la délimitation de ce régime par rapport à celui du service public s'étendrait également au domaine d'application dudit règlement en Allemagne.

63.
    Il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier si l'application faite par le législateur allemand de la faculté de dérogation prévue à l'article 1er, paragraphe 1, second alinéa, du règlement n 1191/69 répond aux exigences de clarté et de précision imposées par le respect du principe de sécurité juridique.

64.
    Il convient donc de répondre à la troisième branche de la question préjudicielle que le règlement n° 1191/69, et plus particulièrement son article 1er, paragraphe 1, second alinéa, doit être interprété en ce sens qu'il permet à un État membre de ne pas appliquer ce règlement à l'exploitation de services réguliers de transports urbains, suburbains ou régionaux dépendant nécessairement de subventions publiques et d'en limiter l'application aux cas où, à défaut, la fourniture d'un service de transport suffisant n'est pas possible, à condition toutefois que le principe de sécurité juridique soit dûment respecté.

65.
    Il y a lieu encore de préciser que, dans la mesure où la juridiction de renvoi juge que le principe de sécurité juridique n'a pas été respecté en l'espèce au principal, elle devra considérer que le règlement n° 1191/69 est pleinement applicable en Allemagne et qu'il vaut donc également pour le régime de l'autonomie financière. Dans une telle hypothèse, il conviendra de vérifier que les licences en cause au principal ont été octroyées en conformité avec ce règlement et, dans l'affirmative, de vérifier si les subventions en cause au principal ont été accordées conformément à celui-ci. Dès lors que lesdites licences et subventions ne répondraient pas aux conditions arrêtées par ledit règlement, la juridiction de renvoi devra conclure qu'elles ne sont pas compatibles avec le droit communautaire sans qu'il soit nécessaire de les examiner au regard des dispositions du traité.

66.
    Dès lors, ce n'est que dans la mesure où la juridiction de renvoi parviendrait à la conclusion que le règlement n° 1191/69 ne s'applique pas au régime de l'autonomie financière et que l'usage fait par le législateur allemand de la faculté de dérogation prévue par ledit règlement est conforme au principe de sécurité juridique qu'elle devra examiner si les subventions en cause au principal ont été accordées en conformité avec les dispositions du traité relatives aux aides d'État.

Sur la première branche de la question préjudicielle

67.
    Par la première branche de la question préjudicielle, la juridiction de renvoi demande en substance si des subventions visant à compenser le déficit d'un service public de transport urbain, suburbain ou régional relèvent en toutes circonstances de l'article 92, paragraphe 1, du traité ou si, eu égard à la nature locale ou régionale des services de transport fournis et, le cas échéant, à l'importance du domaine d'activité concerné, de telles subventions ne sont pas de nature à affecter les échanges entre États membres.

Observations soumises à la Cour

68.
    Altmark Trans, le Regierungspräsidium et Nahverkehrsgesellschaft soutiennent que les subventions en cause au principal n'ont aucune incidence sur les échanges entre États membres au sens de l'article 92, paragraphe 1, du traité, car elles ne concerneraient que des services locaux et, en tout état de cause, elles seraient d'un montant tellement faible qu'elles n'affecteraient pas sensiblement ces échanges.

69.
    La Commission, par contre, fait valoir que huit États membres ont, dès 1995, ouvert de leur plein gré certains marchés de transports urbains, suburbains ou régionaux à la concurrence d'entreprises d'autres États membres et qu'il existe différents exemples d'entreprises de transport d'un État membre qui exercent des activités dans un autre État membre. Cette ouverture du marché dans certains États membres montrerait bien que les échanges intracommunautaires sont non seulement possibles et potentiels mais d'ores et déjà réels.

70.
    Il y a lieu de rappeler que la Cour a décidé, par ordonnance du 18 juin 2002, de rouvrir la procédure orale dans la présente affaire pour donner aux parties au principal, aux États membres, à la Commission et au Conseil la possibilité de soumettre leurs observations sur les conséquences éventuelles de l'arrêt du 22 novembre 2001, Ferring (C-53/00, Rec. p. I-9067), quant à la réponse à donner à la question préjudicielle dans cette affaire.

71.
    Lors de la seconde audience, tenue le 15 octobre 2002, Altmark Trans, le Regierungspräsidium, Nahverkehrsgesellschaft ainsi que les gouvernements allemand et espagnol ont proposé, en substance, de confirmer les principes dégagés par la Cour dans l'arrêt Ferring, précité. Ils considèrent donc que le financement étatique de services publics ne constitue pas une aide au sens de l'article 92, paragraphe 1, du traité si les avantages conférés par les autorités publiques n'excèdent pas le coût engendré par la prestation des obligations de service public.

72.
    À cet égard, ils ont fait valoir principalement que la notion d'aide figurant à l'article 92, paragraphe 1, du traité ne s'applique qu'aux mesures qui procurent un avantage financier à une ou certaines entreprises. Or, une subvention publique qui se limite à compenser le coût lié à la prestation de services publics qui ont été imposés ne procurerait aucun avantage effectif à l'entreprise bénéficiaire. En outre, dans un tel cas, la concurrence ne serait pas faussée puisque chaque entreprise pourrait bénéficier de la subvention publique à condition de fournir les services publics de transport imposés par l'État.

73.
    Lors de cette seconde audience, les gouvernements danois, français, néerlandais et du Royaume-Uni ont soutenu, en substance, que la Cour devrait suivre l'approche développée par l'avocat général Jacobs dans ses conclusions présentées le 30 avril 2002 dans l'affaire GEMO (C-126/01), pendante devant la Cour. Selon cette approche, une distinction devrait être faite entre deux catégories de situations. Lorsqu'il existerait un lien direct et manifeste entre un financement étatique et des obligations de service public clairement définies, les sommes versées par les autorités publiques ne constitueraient pas une aide au sens de l'article 92, paragraphe 1, du traité. En revanche, lorsqu'un tel lien ferait défaut ou lorsque les obligations de service public ne seraient pas clairement définies, les sommes versées par ces autorités constitueraient des aides.

Réponse de la Cour

74.
    Pour répondre à la première branche de la question, il y a lieu d'examiner les différents éléments de la notion d'aide étatique figurant à l'article 92, paragraphe 1, du traité. En effet, selon une jurisprudence constante, la qualification d'aide requiert que toutes les conditions visées à cette disposition soient remplies (voir arrêts du 21 mars 1990, Belgique/Commission, dit «Tubemeuse», C-142/87, Rec. p. I-959, point 25; du 14 septembre 1994, Espagne/Commission, C-278/92 à C-280/92, Rec. p. I-4103, point 20, et du 16 mai 2002, France/Commission, C-482/99, Rec. p. I-4397, point 68).

75.
    L'article 92, paragraphe 1, du traité énonce les conditions suivantes. Premièrement, il doit s'agir d'une intervention de l'État ou au moyen de ressources d'État. Deuxièmement, cette intervention doit être susceptible d'affecter les échanges entre États membres. Troisièmement, elle doit accorder un avantage à son bénéficiaire. Quatrièmement, elle doit fausser ou menacer de fausser la concurrence.

76.
    La question posée par la juridiction de renvoi concerne plus particulièrement la deuxième de ces conditions.

77.
    À cet égard, il y a lieu de relever, d'abord, qu'il n'est nullement exclu qu'une subvention publique accordée à une entreprise qui ne fournit que des services de transport local ou régional et ne fournit pas de services de transport en dehors de son État d'origine puisse, néanmoins, avoir une incidence sur les échanges entre États membres.

78.
    En effet, lorsqu'un État membre accorde une subvention publique à une entreprise, la fourniture de services de transport par ladite entreprise peut s'en trouver maintenue ou augmentée, avec cette conséquence que les chances des entreprises établies dans d'autres États membres de fournir leurs services de transport sur le marché de cet État en sont diminuées (voir, en ce sens, arrêts du 13 juillet 1988, France/Commission, 102/87, Rec. p.4067, point 19; du 21 mars 1991, Italie/Commission, C-305/89, Rec. p.I-1603, point 26, et Espagne/Commission, précité, point 40).

79.
    En l'occurrence, cette constatation n'est pas seulement de nature hypothétique, car, ainsi qu'il ressort notamment des observations de la Commission, plusieurs États membres ont commencé dès 1995 à ouvrir certains marchés de transport à la concurrence d'entreprises établies dans d'autres États membres, de sorte que plusieurs entreprises offrent déjà leurs services de transports urbains, suburbains ou régionaux dans des États membres autres que leur État d'origine.

80.
    Ensuite, la communication de la Commission, du 6 mars 1996, relative aux aides de minimis (JO C 68, p. 9), ne vise pas le secteur des transports, ainsi qu'il ressort de son quatrième alinéa. De même, le règlement (CE) n° 69/2001 de la Commission, du 12 janvier 2001, concernant l'application des articles 87 et 88 du traité CE aux aides de minimis (JO L 10, p. 30), ne s'applique pas à ce secteur conformément à son troisième considérant et à son article 1er, sous a).

81.
    Enfin, selon la jurisprudence de la Cour, il n'existe pas de seuil ou de pourcentage en dessous duquel on peut considérer que les échanges entre États membres ne sont pas affectés. En effet, l'importance relativement faible d'une aide ou la taille relativement modeste de l'entreprise bénéficiaire n'excluent pas a priori l'éventualité que les échanges entre États membres soient affectés (voir arrêts précités Tubemeuse, point 43, et Espagne/Commission, point 42).

82.
    Dès lors, la deuxième condition d'application de l'article 92, paragraphe 1, du traité, selon laquelle l'aide doit être de nature à affecter les échanges entre États membres, ne dépend pas de la nature locale ou régionale des services de transport fournis ou de l'importance du domaine d'activité concerné.

83.
    Toutefois, pour qu'une intervention étatique puisse relever de l'article 92, paragraphe 1, du traité, elle doit également, ainsi qu'il a été exposé au point 75 du présent arrêt, pouvoir être considérée comme un avantage consenti à l'entreprise bénéficiaire.

84.
    À cet égard, sont considérées comme des aides les interventions qui, sous quelque forme que ce soit, sont susceptibles de favoriser directement ou indirectement des entreprises (arrêt du 15 juillet 1964, Costa, 6/64, Rec. p. 1141, 1161) ou qui sont à considérer comme un avantage économique que l'entreprise bénéficiaire n'aurait pas obtenu dans des conditions normales de marché (arrêts du 11 juillet 1996, SFEI e.a., C-39/94, Rec. p. I-3547, point 60, et du 29 avril 1999, Espagne/Commission, C-342/96, Rec. p. I-2459, point 41).

85.
    Il convient cependant de rappeler ce que la Cour a décidé à propos d'une indemnité prévue par la directive 75/439/CEE du Conseil, du 16 juin 1975, concernant l'élimination des huiles usagées (JO L 194, p. 23). Cette indemnité pouvait être accordée aux entreprises de collecte et/ou d'élimination d'huiles usagées en contrepartie des obligations de collecte et/ou d'élimination qui leur étaient imposées par l'État membre, à condition de ne pas dépasser les coûts annuels non couverts et réellement constatés des entreprises, compte tenu d'un bénéfice raisonnable. La Cour a jugé qu'un tel type d'indemnité ne constituait pas une aide au sens des articles 92 et suivants du traité, mais un prix représentant la contrepartie des prestations effectuées par les entreprises de ramassage ou d'élimination (voir arrêt du 7 février 1985, ADBHU, 240/83, Rec. p. 531, points 3, dernière phrase, et 18).

86.
    De manière similaire, la Cour a jugé que, pour autant qu'une taxe sur les ventes directes imposée à des laboratoires pharmaceutiques correspond aux surcoûts réellement supportés par les grossistes répartiteurs pour l'accomplissement de leurs obligations de service public, le non-assujettissement de ces derniers à ladite taxe peut être regardé comme la contrepartie des prestations effectuées et, dès lors, comme une mesure ne constituant pas une aide d'État au sens de l'article 92 du traité. La Cour a considéré que, lorsque cette condition d'équivalence entre l'exonération accordée et les surcoûts exposés est remplie, les grossistes répartiteurs ne bénéficient pas, en réalité, d'un avantage au sens de l'article 92, paragraphe 1, du traité, car la mesure concernée aura comme seul effet de mettre ceux-ci et les laboratoires pharmaceutiques dans des conditions de concurrence comparables (arrêt Ferring, précité, point 27).

87.
    Il découle de cette jurisprudence que, dans la mesure où une intervention étatique doit être considérée comme une compensation représentant la contrepartie des prestations effectuées par les entreprises bénéficiaires pour exécuter des obligations de service public, de sorte que ces entreprises ne profitent pas, en réalité, d'un avantage financier et que ladite intervention n'a donc pas pour effet de mettre ces entreprises dans une position concurrentielle plus favorable par rapport aux entreprises qui leur font concurrence, une telle intervention ne tombe pas sous le coup de l'article 92, paragraphe 1, du traité.

88.
    Cependant, pour que, dans un cas concret, une telle compensation puisse échapper à la qualification d'aide d'État, un certain nombre de conditions doivent être réunies.

89.
    Premièrement, l'entreprise bénéficiaire doit effectivement être chargée de l'exécution d'obligations de service public et ces obligations doivent être clairement définies. Dans l'affaire au principal, la juridiction de renvoi devra donc examiner si les obligations de service public qui ont été imposées à Altmark Trans ressortent clairement de la législation nationale et/ou des licences en cause au principal.

90.
    Deuxièmement, les paramètres sur la base desquels est calculée la compensation doivent être préalablement établis de façon objective et transparente, afin d'éviter qu'elle comporte un avantage économique susceptible de favoriser l'entreprise bénéficiaire par rapport à des entreprises concurrentes.

91.
    Aussi, la compensation par un État membre des pertes subies par une entreprise sans que les paramètres d'une telle compensation aient été préalablement établis, lorsqu'il s'avère a posteriori que l'exploitation de certains services dans le cadre de l'exécution d'obligations de service public n'a pas été économiquement viable, constitue une intervention financière qui relève de la notion d'aide d'État au sens de l'article 92, paragraphe 1, du traité.

92.
    Troisièmement, la compensation ne saurait dépasser ce qui est nécessaire pour couvrir tout ou partie des coûts occasionnés par l'exécution des obligations de service public, en tenant compte des recettes y relatives ainsi que d'un bénéfice raisonnable pour l'exécution de ces obligations. Le respect d'une telle condition est indispensable afin de garantir que n'est accordé à l'entreprise bénéficiaire aucun avantage qui fausse ou menace de fausser la concurrence en renforçant la position concurrentielle de cette entreprise.

93.
    Quatrièmement, lorsque le choix de l'entreprise à charger de l'exécution d'obligations de service public, dans un cas concret, n'est pas effectué dans le cadre d'une procédure de marché public permettant de sélectionner le candidat capable de fournir ces services au moindre coût pour la collectivité, le niveau de la compensation nécessaire doit être déterminé sur la base d'une analyse des coûts qu'une entreprise moyenne, bien gérée et adéquatement équipée en moyens de transport afin de pouvoir satisfaire aux exigences de service public requises, aurait encourus pour exécuter ces obligations, en tenant compte des recettes y relatives ainsi que d'un bénéfice raisonnable pour l'exécution de ces obligations.

94.
    Il résulte des considérations qui précèdent que, dans la mesure où des subventions publiques accordées à des entreprises explicitement chargées d'obligations de service public afin de compenser les coûts occasionnés par l'exécution de ces obligations répondent aux conditions indiquées aux points 89 à 93 du présent arrêt, de telles subventions ne tombent pas sous le coup de l'article 92, paragraphe 1, du traité. À l'inverse, l'intervention étatique qui ne répond pas à une ou plusieurs desdites conditions devra être considérée comme une aide d'État au sens de cette disposition.

95.
    Il y a donc lieu de répondre à la première branche de la question préjudicielle que la condition d'application de l'article 92, paragraphe 1, du traité selon laquelle l'aide doit être de nature à affecter les échanges entre États membres ne dépend pas de la nature locale ou régionale des services de transport fournis ou de l'importance du domaine d'activité concerné.

Toutefois, des subventions publiques visant à permettre l'exploitation de services réguliers de transports urbains, suburbains ou régionaux ne tombent pas sous le coup de cette disposition dans la mesure où de telles subventions sont à considérer comme une compensation représentant la contrepartie des prestations effectuées par les entreprises bénéficiaires pour exécuter des obligations de service public. Aux fins de l'application de ce critère, il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier la réunion des conditions suivantes:

-    premièrement, l'entreprise bénéficiaire a effectivement été chargée de l'exécution d'obligations de service public et ces obligations ont été clairement définies;

-    deuxièmement, les paramètres sur la base desquels est calculée la compensation ont été préalablement établis de façon objective et transparente;

-    troisièmement, la compensation ne dépasse pas ce qui est nécessaire pour couvrir tout ou partie des coûts occasionnés par l'exécution des obligations de service publics, en tenant compte des recettes y relatives ainsi que d'un bénéfice raisonnable pour l'exécution de ces obligations;

-    quatrièmement, lorsque le choix de l'entreprise à charger de l'exécution d'obligations de service public n'est pas effectué dans le cadre d'une procédure de marché public, le niveau de la compensation nécessaire a été déterminé sur la base d'une analyse des coûts qu'une entreprise moyenne, bien gérée et adéquatement équipée en moyens de transport afin de pouvoir satisfaire aux exigences de service public requises, aurait encourus pour exécuter ces obligations, en tenant compte des recettes y relatives ainsi que d'un bénéfice raisonnable pour l'exécution de ces obligations.

Sur la deuxième branche de la question préjudicielle

96.
    Par la deuxième branche de la question préjudicielle, la juridiction de renvoi demande en substance si l'article 77 du traité peut être appliqué à des subventions publiques qui compensent les surcoûts exposés pour l'exécution d'obligations de service public sans tenir compte du règlement n° 1191/69.

Observations soumises à la Cour

97.
    Altmark Trans soutient que la faculté dont dispose le législateur national d'autoriser des subventions publiques visant à compenser des déficits résultant de l'exploitation de transports publics urbains, suburbains ou régionaux sans faire entrer en ligne de compte le règlement n° 1191/69 existe indépendamment de l'article 77 du traité.

98.
    Le Regierungspräsidium considère pour sa part que l'article 77 du traité ne confère pas au législateur national la faculté d'autoriser des subventions publiques sans faire entrer en ligne de compte le règlement n° 1191/69.

99.
    Nahverkehrsgesellschaft soutient que, pour autant que les subventions publiques en cause au principal tombent sous le coup de la prohibition énoncée à l'article 92 du traité, l'article 77 de celui-ci exclut cette application, car ces subventions répondraient aux conditions posées par ce dernier article. Cela étant, elle fait valoir que, en ce cas, le règlement n° 1191/69 ne s'opposerait pas à l'octroi de telles subventions.

100.
    La Commission considère que, en vertu de l'article 77 du traité, le législateur national a le pouvoir d'accorder des subventions publiques destinées à compenser les déficits subis dans le domaine du transport public urbain, suburbain ou régional sans faire entrer en ligne de compte le règlement n° 1191/69, mais que lesdites subventions sont alors entièrement soumises à la procédure de notification préalable prévue à l'article 93, paragraphe 3, du traité CE (devenu article 88, paragraphe 3, CE) concernant l'examen des aides d'État.

Réponse de la Cour

101.
    L'article 77 du traité prévoit que les aides qui répondent aux besoins de la coordination des transports ou qui correspondent au remboursement de certaines servitudes inhérentes à la notion de service public sont compatibles avec le traité.

102.
    Au point 37 du présent arrêt, il a été exposé que, dans l'hypothèse où il n'existerait pas de règlement applicable au litige au principal, il conviendrait d'examiner si les subventions en cause au principal tombent sous le coup des dispositions du traité relatives aux aides d'État.

103.
    Or, il ressort des points 65 et 66 du présent arrêt que le règlement n° 1191/69 pourrait être applicable au litige au principal dans la mesure où le législateur allemand n'aurait pas exclu l'application dudit règlement au régime de l'autonomie financière ou qu'il ne l'aurait pas fait dans le respect du principe de sécurité juridique. Si tel s'avère être le cas, les dispositions dudit règlement sont applicables aux subventions en cause au principal et la juridiction de renvoi ne doit pas examiner si celles-ci sont compatibles avec les dispositions du droit primaire.

104.
    Cependant, dans le cas où le règlement n° 1191/69 ne serait pas applicable au litige au principal, il ressort de la réponse à la première branche de la question préjudicielle que, pour autant que les subventions en cause au principal sont à considérer comme une compensation représentant la contrepartie des prestations de transport effectuées pour exécuter des obligations de service public et répondant aux conditions énoncées aux points 89 à 93 du présent arrêt, ces subventions ne tomberaient pas sous le coup de l'article 92 du traité, de sorte qu'il n'y aurait pas lieu d'invoquer la dérogation à cette disposition prévue à l'article 77 du traité.

105.
    Il s'ensuit que les dispositions du droit primaire concernant les aides d'État et la politique commune des transports ne seraient applicables aux subventions en cause au principal que dans la mesure où, d'une part, ces subventions ne relèveraient pas des dispositions du règlement n°1191/69 et où, d'autre part, pour autant que ces subventions ont été accordées afin de compenser les surcoûts exposés pour l'exécution d'obligations de service public, toutes les conditions énoncées aux points 89 à 93 du présent arrêt ne seraient pas réunies.

106.
    Toutefois, même dans le cas où les subventions en cause au principal devraient être examinées à l'aune des dispositions du traité concernant les aides d'État, la dérogation prévue à l'article 77 de celui-ci ne pourrait pas y être appliquée comme telle.

107.
    En effet, le 4 juin 1970, le Conseil a adopté le règlement (CEE) n° 1107/70, relatif aux aides accordées dans le domaine des transports par chemin de fer, par route et par voie navigable (JO L 130, p. 1). L'article 3 de ce règlement dispose que, «[s]ans préjudice des dispositions du règlement (CEE) n. 1192/69 [.] et du règlement (CEE) n. 1191/69 [.], les États membres ne prennent de mesures de coordination ni n'imposent de servitudes inhérentes à la notion de service public comportant l'octroi d'aides au titre de l'article 77 du traité que dans les cas et conditions suivants». Il s'ensuit que les États membres ne sont plus autorisés à invoquer le bénéfice de l'article 77 du traité en dehors des cas visés par le droit communautaire dérivé.

108.
    Ainsi, pour autant que le règlement n° 1191/69 n'est pas applicable en l'occurrence et que les subventions en cause au principal tombent sous le coup de l'article 92, paragraphe 1, du traité, le règlement n° 1107/70 énonce, de manière exhaustive, les conditions dans lesquelles les autorités des États membres peuvent accorder des aides au titre de l'article 77 du traité.

109.
    Dès lors, il convient de répondre à la deuxième branche de la question préjudicielle que l'article 77 du traité ne peut être appliqué à des subventions publiques qui compensent les surcoûts exposés pour l'exécution d'obligations de service public sans tenir compte du règlement n° 1191/69.

Sur les dépens

110.
    Les frais exposés par les gouvernements allemand, danois, espagnol, français, néerlandais et du Royaume Uni, ainsi que par la Commission, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Par ces motifs,

LA COUR,

statuant sur la question à elle soumise par le Bundesverwaltungsgericht, par ordonnance du 6 avril 2000, dit pour droit:

1)    Le règlement (CEE) n° 1191/69 du Conseil, du 26 juin 1969, relatif à l'action des États membres en matière d'obligations inhérentes à la notion de service public dans le domaine des transports par chemin de fer, par route et par voie navigable, tel que modifié par le règlement (CEE) n° 1893/91 du Conseil, du 20 juin 1991, et plus particulièrement son article 1 er , paragraphe 1, second alinéa, doit être interprété en ce sens qu'il permet à un État membre de ne pas appliquer ce règlement à l'exploitation de services réguliers de transports urbains, suburbains ou régionaux dépendant nécessairement de subventions publiques et d'en limiter l'application aux cas où, à défaut, la fourniture d'un service de transport suffisant n'est pas possible, à condition toutefois que le principe de sécurité juridique soit dûment respecté.

2)    La condition d'application de l'article 92, paragraphe 1, du traité CE (devenu, après modification, article 87, paragraphe 1, CE) selon laquelle l'aide doit être de nature à affecter les échanges entre États membres ne dépend pas de la nature locale ou régionale des services de transport fournis ou de l'importance du domaine d'activité concerné.

    Toutefois, des subventions publiques visant à permettre l'exploitation de services réguliers de transports urbains, suburbains ou régionaux ne tombent pas sous le coup de cette disposition dans la mesure où de telles subventions sont à considérer comme une compensation représentant la contrepartie des prestations effectuées par les entreprises bénéficiaires pour exécuter des obligations de service public. Aux fins de l'application de ce critère, il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier la réunion des conditions suivantes:

    -     premièrement, l'entreprise bénéficiaire a effectivement été chargée de l'exécution d'obligations de service public et ces obligations ont été clairement définies;

    -     deuxièmement, les paramètres sur la base desquels est calculée la compensation ont été préalablement établis de façon objective et transparente;

    -     troisièmement, la compensation ne dépasse pas ce qui est nécessaire pour couvrir tout ou partie des coûts occasionnés par l'exécution des obligations de service public, en tenant compte des recettes y relatives ainsi que d'un bénéfice raisonnable pour l'exécution de ces obligations;

        quatrièmement, lorsque le choix de l'entreprise à charger de l'exécution d'obligations de service public n'est pas effectué dans le cadre d'une procédure de marché public, le niveau de la compensation nécessaire a été déterminé sur la base d'une analyse des coûts qu'une entreprise moyenne, bien gérée et adéquatement équipée en moyens de transport afin de pouvoir satisfaire aux exigences de service public requises, aurait encourus pour exécuter ces obligations, en tenant compte des recettes y relatives ainsi que d'un bénéfice raisonnable pour l'exécution de ces obligations.

3)    L'article 77 du traité CE (devenu article 73 CE) ne peut être appliqué à des subventions publiques qui compensent les surcoûts exposés pour l'exécution d'obligations de service public sans tenir compte du règlement n° 1191/69, tel que modifié par le règlement n° 1893/91.

Rodríguez Iglesias
Puissochet

Wathelet

Schintgen

Timmermans

Gulmann

Edward

La Pergola

Jann

Skouris

Macken

Colneric

von Bahr

Cunha Rodrigues

Rosas

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 24 juillet 2003.

Le greffier

Le président

R. Grass

G. C. Rodríguez Iglesias


1: Langue de procédure: l'allemand.