Language of document : ECLI:EU:C:2013:21

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

Mme Juliane Kokott

présentées le 17 janvier 2013 (1)

Affaire C‑583/11 P

Inuit Tapiriit Kanatami e.a.

contre

Parlement européen

et

Conseil de l’Union européenne

«Pourvoi – Règlement (CE) no 1007/2009 – Commerce des produits dérivés du phoque – Dérogation pour les communautés inuites – Qualité pour agir des personnes physiques et morales au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE – Notion d’‘acte réglementaire’ et délimitation par rapport à l’‘acte législatif’ – Absence d’intérêt direct ou individuel»






I –    Introduction

1.        Les voies de recours que les particuliers peuvent emprunter à l’encontre des actes juridiques de l’Union européenne à portée générale font, de longue date, partie des questions les plus controversées du droit européen. Depuis l’arrêt Plaumann/Commission (2), la Cour a toujours interprété le droit de recours direct des personnes physiques et morales de manière comparativement stricte, d’abord à propos de l’article 173 CE(E), puis de l’article 230 CE. En dépit des critiques dont elle a fait l’objet, la Cour s’est tenue à cette jurisprudence jusqu’à ce jour et l’a notamment confirmée dans l’arrêt Unión de Pequeños Agricultores/Conseil (3) et dans l’arrêt Commission/Jégo-Quéré (4).

2.        Cette jurisprudence n’est pas étrangère au nouveau régime du droit de recours des particuliers qui a été inscrit dans le traité de Lisbonne, entré en vigueur le 1er décembre 2009. Depuis cette date, l’article 263, quatrième alinéa, TFUE permet à toute personne physique ou morale de former un recours en annulation «contre les actes réglementaires qui la concernent directement et qui ne comportent pas de mesures d’exécution».

3.        Aucun apaisement n’est encore en vue à ce jour dans la vive controverse qui entoure le point de savoir dans quelle mesure ce nouveau régime a élargi le droit de recours des particuliers. C’est précisément sur ce point que la Cour est appelée à se prononcer dans le présent pourvoi, son jugement étant attendu en particulier sur l’interprétation de la notion d’«acte réglementaire» (5). Il lui faudra principalement déterminer si les actes législatifs de l’Union européenne peuvent eux aussi être classés dans la catégorie des actes réglementaires.

4.        Le présent litige a été déclenché par le règlement (CE) no 1007/2009, sur le commerce des produits dérivés du phoque, que le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne ont adopté conjointement le 16 septembre 2009 (6). Ce règlement a mis en place sur le marché intérieur européen une interdiction de commercialisation des produits dérivés du phoque contre laquelle l’Inuit Tapiriit Kanatami, qui représente les intérêts des Inuits canadiens (7), ainsi qu’un certain nombre d’autres parties intéressées, notamment des fabricants et des commerçants de produits dérivés du phoque, ont sollicité la protection des juridictions de l’Union.

5.        En première instance, le recours en annulation engagé par l’Inuit Tapiriit Kanatami et ses co-requérants n’a pas recueilli le succès escompté, puisque, par ordonnance du 6 septembre 2011 (8) (ci‑après l’«ordonnance entreprise»), le Tribunal les a déboutés après avoir jugé ce recours irrecevable. À l’appui de son ordonnance, le Tribunal a notamment expliqué que le règlement no 1007/2009 est un acte législatif qui ne saurait être considéré comme un acte réglementaire au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE. C’est contre cette ordonnance du Tribunal que l’Inuit Tapiriit Kanatami et ses co‑requérants (ci-après, également, les «parties au pourvoi»), à l’exception d’un seul d’entre eux (9), ont engagé le présent pourvoi.

II – Les dispositions de droit de l’Union relatives à la mise sur le marché de produits dérivés du phoque

6.        Les dispositions de droit de l’Union concernant la mise sur le marché des produits dérivés du phoque figurent, d’une part, dans le règlement de base (règlement no 1007/2009) que le Parlement et le Conseil ont adopté en 2009 et, d’autre part, dans un règlement de mise en œuvre que la Commission européenne a adopté en 2010 [règlement (UE) no 737/2010, du 10 août 2010, portant modalités d’application du règlement no 1007/2009 (JO L 216, p. 1), ci-après le «règlement de mise en œuvre»]. Le seul point en litige ici est la qualité de l’Inuit Tapiriit Kanatami et de ses co-requérants pour agir contre le règlement de base, le règlement de mise en œuvre faisant l’objet d’un recours distinct que ces parties ont engagé devant le Tribunal et qui est toujours pendant devant lui (10).

A –    Le règlement de base (règlement no 1007/2009)

7.        L’objet du règlement no 1007/2009 est défini à son article 1er dans les termes suivants:

«Le présent règlement établit des règles harmonisées concernant la mise sur le marché des produits dérivés du phoque.»

8.        L’article 3 du règlement no 1007/2009 définit les «conditions de mise sur le marché» des produits dérivés du phoque:

«1. La mise sur le marché de produits dérivés du phoque est autorisée uniquement pour les produits dérivés du phoque provenant de formes de chasse traditionnellement pratiquées par les communautés inuites et d’autres communautés indigènes à des fins de subsistance. Ces conditions s’appliquent au moment ou au point d’importation pour les produits importés.

2. Par dérogation au paragraphe 1:

a)      l’importation de produits dérivés du phoque est autorisée lorsqu’elle présente un caractère occasionnel et concerne exclusivement des marchandises destinées à l’usage personnel des voyageurs ou des membres de leur famille. La nature et la quantité de ces marchandises ne peuvent pas pouvoir laisser penser qu’elles sont importées à des fins commerciales;

b)      la mise sur le marché de produits dérivés du phoque est également autorisée lorsqu’ils résultent d’une chasse réglementée par la législation nationale et pratiquée dans le seul objectif d’une gestion durable des ressources marines. Cette mise sur le marché est uniquement autorisée dans un but non lucratif. La nature et la quantité de ces marchandises ne peuvent pas pouvoir laisser penser qu’elles sont mises sur le marché à des fins commerciales.

L’application du présent paragraphe ne compromet pas la réalisation de l’objectif du présent règlement.

3. La Commission publie, conformément à la procédure de gestion visée à l’article 5, paragraphe 2, des notes techniques explicatives établissant une liste indicative des codes de la nomenclature combinée susceptibles de concerner les produits dérivés du phoque soumis au présent article.

4. Sans préjudice du paragraphe 3, les mesures relatives à la mise en œuvre du présent article, qui visent à modifier des éléments non essentiels du présent règlement en le complétant, sont arrêtées en conformité avec la procédure de réglementation avec contrôle […]»

9.        La notion d’«Inuit» est définie comme suit à l’article 2, point 4, du règlement no 1007/2009:

«les membres indigènes du territoire inuit, à savoir les régions arctiques et subarctiques dans lesquelles les Inuits possèdent actuellement ou traditionnellement des droits et des intérêts aborigènes, reconnus comme faisant partie de la population inuite et comprenant les groupes suivants: Inupiat, Yupik (Alaska), Inuit, Inuvialuit (Canada), Kalaallit (Groenland) et Yupik (Russie)».

B –    Le règlement de mise en œuvre (règlement no 737/2010)

10.      Le 10 août 2010, la Commission a adopté des dispositions de mise en œuvre sur le commerce des produits dérivés du phoque, comme l’article 3, paragraphe 4, du règlement no 1007/2009 lui permettait de le faire. Il s’agit du règlement de mise en œuvre (11).

11.      L’article 1er du règlement de mise en œuvre dispose ce qui suit:

«Le présent règlement fixe les modalités de mise sur le marché de produits dérivés du phoque, en application de l’article 3 du règlement (CE) no 1007/2009.»

12.      L’article 3 du règlement de mise en œuvre fixe les conditions auxquelles des produits dérivés du phoque provenant de formes de chasse pratiquées par les communautés inuites et d’autres communautés indigènes peuvent être mis sur le marché.

13.      L’article 4 du règlement de mise en œuvre précise à quelles conditions des produits dérivés du phoque destinés à l’usage personnel des voyageurs ou des membres de leur famille peuvent être importés.

14.      Enfin, l’article 5 du règlement de mise en œuvre énonce les conditions auxquelles les produits dérivés du phoque issus de la gestion des ressources marines peuvent être mis sur le marché.

III – Procédure devant la Cour

15.      L’Inuit Tapiriit Kanatami et ses co-requérants ont introduit le présent pourvoi par requête du 21 novembre 2011. Ils ont conclu à ce qu’il plaise à la Cour:

–        annuler l’ordonnance entreprise du Tribunal et déclarer la requête en annulation recevable si la Cour de justice estime que tous les éléments nécessaires à une appréciation de la recevabilité du recours en annulation du règlement attaqué sont réunis;

–        à défaut, annuler l’ordonnance entreprise et renvoyer l’affaire devant le Tribunal;

–        condamner le Parlement et le Conseil à payer les dépens des requérants;

–        condamner la Commission et le Royaume des Pays‑Bas à payer leurs propres dépens.

16.      Le Parlement a conclu à ce qu’il plaise à la Cour:

–        rejeter le pourvoi et

–        condamner les parties requérantes aux dépens.

17.      Le Conseil a conclu à ce qu’il plaise à la Cour:

–        rejeter le pourvoi et

–        condamner solidairement les parties requérantes aux dépens.

18.      La Commission, qui était déjà intervenue en première instance à l’appui des conclusions du Parlement et du Conseil, conclut à son tour à ce qu’il plaise à la Cour rejeter le pourvoi et condamner les parties requérantes aux dépens.

19.      Le Royaume des Pays-Bas, qui était, lui aussi, intervenu en première instance à l’appui des conclusions du Parlement et du Conseil, n’a pas participé à la procédure devant la Cour.

20.      Au terme de la procédure écrite, la Cour a tenu audience sur le pourvoi le 20 novembre 2012.

IV – Appréciation

21.      Il est essentiel d’interpréter l’article 263, quatrième alinéa, TFUE et de préciser le droit de recours qu’il ouvre aux personnes physiques et morales si l’on veut garantir la protection juridictionnelle effective de celles‑ci. Cette interprétation a également des effets considérables sur la répartition des compétences et des missions entre les juridictions de l’Union et les juridictions des États membres. D’une manière générale, il ne faut pas sous-estimer son importance pour l’ensemble du système de protection juridictionnelle mis en place par les traités européens.

22.      Toutes les parties au pourvoi s’accordent à reconnaître que l’article 263, quatrième alinéa, TFUE a élargi le droit de recours des personnes physiques et morales. En revanche, elles sont extrêmement divisées sur la mesure de cet élargissement. Leurs interprétations de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE divergent donc considérablement.

23.      Alors que Parlement, Conseil et Commission font unanimement l’apologie de l’ordonnance entreprise et articulent des arguments qui coïncident largement, les parties au pourvoi prennent une position diamétralement opposée: elles estiment que le Tribunal a interprété l’article 263, quatrième alinéa, TFUE de manière trop restrictive au détriment des exigences d’une protection juridictionnelle effective.

24.      Elles soulèvent trois moyens, dont le premier est directement déduit de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE (chapitre A, ci-dessous) tandis que le deuxième est pris du droit fondamental à un recours effectif (chapitre B, ci-dessous) et que le troisième est consacré à la question de savoir si le Tribunal a correctement compris les arguments qu’elles avaient exposés en première instance (chapitre C, ci-dessous).

A –    Premier moyen

25.      Le premier moyen concentre l’essentiel du litige. Il oppose les parties à propos de l’interprétation et de l’application correcte de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, dont la version actuelle est celle du traité de Lisbonne, rédigée comme suit:

«Toute personne physique ou morale peut former, dans les conditions prévues aux premier et deuxième alinéas, un recours contre les actes dont elle est le destinataire ou qui la concernent directement et individuellement, ainsi que contre les actes réglementaires qui la concernent directement et qui ne comportent pas de mesures d’exécution.»

1.      L’expression «actes réglementaires» (première branche du premier moyen)

26.      Dans la première branche de leur premier moyen, qui est dirigée contre les points 38 à 56 de l’ordonnance entreprise, les parties requérantes font grief au Tribunal d’avoir mal interprété l’expression «actes réglementaires» qui figure dans le troisième cas de figure visé à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE.

27.      Pour l’Inuit Tapiriit Kanatami et ses co-requérants, l’achoppement résulte du fait que, dans son ordonnance, le Tribunal a considéré que les actes législatifs au sens de l’article 289, paragraphe 3, TFUE (12), dont le règlement no 1007/2009 litigieux fait partie, ne sont pas des actes réglementaires. Voici ce que le Tribunal a déclaré au point 56 de l’ordonnance entreprise, dans lequel il expose l’opinion juridique récusée par les requérants:

«la notion d’‘acte réglementaire’ au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE doit être comprise comme visant tout acte de portée générale à l’exception des actes législatifs. Par conséquent, un acte législatif peut faire l’objet d’un recours en annulation d’une personne physique ou morale uniquement s’il la concerne directement et individuellement.»

Les parties requérantes considèrent que le Tribunal a ainsi interprété de manière excessivement restrictive les possibilités pour une personne physique ou morale d’engager un recours. Elles estiment que la distinction qu’il a faite entre actes législatifs et actes réglementaires est exagérément formaliste. Le Parlement, le Conseil et la Commission jugent au contraire que la solution retenue par le Tribunal est correcte et ils la défendent donc énergiquement.

28.      La doctrine est tout aussi partagée dans la controverse qui entoure l’interprétation de la troisième possibilité nouvellement introduite par l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, puisque les uns jugent qu’il faut inclure les actes législatifs dans la catégorie des actes réglementaires, alors que les autres s’y opposent. Il nous paraît que partisans et opposants sont à peu près à forces égales (13).

29.      Comme nous allons nous employer à le démontrer, l’interprétation que le Tribunal a donnée de l’expression «actes réglementaires» est correcte [voir la section a), ci-dessous] et les arguments que les parties requérantes lui ont opposés ne sont pas de nature à l’infirmer [voir la section b), plus bas].

a)      Sur l’interprétation de l’expression «actes réglementaires» donnée par le Tribunal

30.      L’expression «actes réglementaires» n’est définie nulle part dans les traités. Comme l’indique à bon droit le Tribunal (14), elle vise, sans aucun doute, toujours des actes de droit de l’Union à portée générale, mais cela ne signifie pas forcément que tous les actes de droit de l’Union à portée générale seraient en même temps des actes réglementaires.

31.      Il serait, en particulier, prématuré d’admettre que tous les règlements sont en même temps des actes réglementaires, qu’il s’agisse d’actes législatifs ou non. S’il est vrai que, dans certaines versions linguistiques des traités, il existe une similitude incontestable entre la notion de «règlement» au sens de l’article 288, deuxième alinéa, TFUE et l’expression «acte réglementaire» qui figure à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE (15), assimiler les expressions «règlement» et «acte réglementaire» sur la base sélective de quelques versions linguistiques du traité UE serait perdre de vue que les traités européens sont uniformément obligatoires dans 23 langues différentes désormais (article 55, paragraphe 1, TUE et article 358 TFUE). Dans de nombreuses langues officielles de l’Union, aucune parenté étymologique ne rapproche la notion de «règlement» de celle d’«acte réglementaire» (16).

32.      Il résulte de ce qui précède qu’en droit de l’Union, la notion «acte réglementaire» est une notion sui generis qui doit être interprétée à la lumière de l’objectif de la disposition du traité dans laquelle elle figure, du contexte dans lequel elle se situe (17) ainsi que de sa genèse. Certes, la genèse d’une disposition n’a pas, jusqu’à présent, joué un rôle particulier dans l’interprétation du droit primaire, parce que l’essentiel des travaux préparatoires des traités fondateurs n’était pas accessible, mais la situation a pris une tournure fondamentalement différente depuis que s’est instaurée l’habitude de réunir des conventions en vue de préparer les modifications des traités, ainsi que celle de publier les mandats des conférences gouvernementales. Le surcroît de transparence ainsi créé en amont des modifications des traités ouvre de nouvelles possibilités d’interprétation de ceux-ci qui ne doivent pas demeurer inexploitées en tant que moyens complémentaires d’interprétation lorsque, comme c’est le cas en l’espèce, le texte d’une disposition, son contexte réglementaire et les objectifs qu’elle poursuit ne permettent pas de faire toute la lumière sur sa signification (18).

33.      En remplaçant l’ancien article 230, quatrième alinéa, CE par l’article 263, quatrième alinéa, TFUE actuel, le législateur entendait incontestablement renforcer la protection juridictionnelle individuelle en assouplissant la possibilité pour les personnes physiques et morales d’engager des recours contre les actes de l’Union à portée générale (19). Considéré isolément, cet objectif milite en faveur d’une interprétation large de l’expression «actes réglementaires» (20).

34.      Il ne faut cependant pas perdre de vue que les rédacteurs du traité de Lisbonne, qui souhaitaient renforcer la protection juridique individuelle, n’ont pas réalisé cet objectif uniquement en ajoutant une troisième possibilité de recours dans l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, qui élargit l’accès des personnes physiques et morales aux recours directs devant la Cour, mais également au moyen de l’article 19, paragraphe 1, deuxième alinéa, TUE, qui renforce cette protection juridictionnelle individuelle devant les juridictions nationales dans les domaines couverts par le droit de l’Union.

35.      La coexistence de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE et de l’article 19, paragraphe 1, deuxième alinéa, TUE indique ainsi que la protection juridictionnelle des particuliers ne doit en tout cas pas forcément consister en la possibilité pour eux d’engager des recours contre les actes de l’Union à portée générale directement devant les juridictions de l’Union.

36.      En ce qui concerne particulièrement les conditions de recevabilité des recours en annulation, il résulte de l’économie générale des différents alinéas de l’article 263 TFUE que ces conditions varient en fonction de l’acte contre lequel le recours est dirigé, selon qu’il s’agit d’un acte législatif ou d’un acte réglementaire. Alors que le premier alinéa vise les actes législatifs, le quatrième alinéa, qui est en cause ici, se réfère aux actes réglementaires. Ces différences terminologiques ne doivent rien au hasard, mais expriment bien plutôt que, dès l’origine, l’article 263 TFUE confère aux différentes catégories de requérants qu’il vise des possibilités de recours direct plus ou moins étendues.

37.      Alors que l’article 263, deuxième alinéa, TFUE permet aux requérants privilégiés qu’il désigne d’engager des recours contre toutes les catégories d’actes juridiques de l’Union qui sont énumérées dans le premier alinéa et que l’article 263, troisième alinéa, TFUE permet aux requérants partiellement privilégiés qu’il désigne d’en faire autant, ce droit de recours s’étendant aux actes législatifs également, le droit de recours direct que l’article 263, quatrième alinéa, TFUE confère aux personnes physiques et morales est depuis toujours limité à certaines catégories d’actes juridiques de l’Union. L’article 263, quatrième alinéa, TFUE n’assouplit la possibilité pour eux d’engager des recours que contre les actes réglementaires, mais pas contre les actes législatifs. Comme le Tribunal l’a souligné à bon escient, les particuliers ne peuvent toujours attaquer directement les actes législatifs qu’à titre exceptionnel dans le cadre du deuxième cas de figure visé à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, à savoir lorsque ces actes les concernent directement et individuellement (21).

38.      L’absence d’un accès plus aisé des particuliers aux recours directs contre les actes législatifs s’explique par la légitimité démocratique particulièrement élevée de la législation parlementaire. La distinction entre actes législatifs et actes réglementaires dans la perspective de la protection juridique ne peut donc pas être écartée comme relevant d’un pur formalisme; elle est au contraire fondée sur une différence qualitative. Dans de nombreux systèmes juridiques nationaux, les particuliers ne peuvent pas introduire de recours directs contre les lois parlementaires ou ils ne peuvent le faire que dans des limites très strictes.

39.      La genèse de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE confirme que, dans le système des traités européens également, les particuliers ne doivent toujours pas disposer d’un accès facilité aux recours directs contre les actes législatifs. À l’origine, cette disposition, issue des travaux de la Convention européenne, devait figurer en tant qu’article III‑365, quatrième alinéa, dans le traité établissant une Constitution pour l’Europe (22) (ci-après le «traité constitutionnel»).

40.      Aux termes de ses articles I‑33 à I‑37, le traité constitutionnel était fondé sur une distinction et une hiérarchie claires entre actes législatifs et actes réglementaires, le «règlement européen» relevant en tant qu’«acte non législatif de portée générale» exclusivement de la seconde catégorie (article I‑33, paragraphe 1, quatrième alinéa, première phrase, du traité constitutionnel). Si l’article III‑365, paragraphe 4, du traité constitutionnel ouvrait aux personnes physiques ou morales une voie de recours contre les «actes réglementaires», elles ne pouvaient donc manifestement attaquer que les actes non législatifs, comme le confirment également les travaux de la Convention européenne relatifs à l’article III‑270, paragraphe 4, du projet de traité établissant une Constitution pour l’Europe (23), disposition qui est devenue l’article III‑365, paragraphe 4, du traité constitutionnel. Si la formule «acte de portée générale» a bel et bien été évoquée au sein de la Convention, elle a finalement été rejetée et remplacée par l’expression plus restreinte «acte réglementaire», qui était supposée exprimer la différence entre les actes législatifs et les actes non législatifs (24).

41.      Le fait que pratiquement toutes les versions linguistiques (25) ont repris en termes identiques le contenu de l’article III‑365, paragraphe 4, du traité constitutionnel dans le traité de Lisbonne porte à conclure que l’article 263, quatrième alinéa, TFUE actuel ne vise pas, lui non plus, les actes législatifs lorsqu’il utilise la formule «actes réglementaires», comme le montrent de façon particulièrement claire les nombreuses versions linguistiques du traité UE qui, pour désigner les «actes réglementaires», utilisent des notions qui rappellent davantage les actes du pouvoir exécutif que ceux du pouvoir législatif (26).

42.      Certes, le traité de Lisbonne ne contient aucune systématisation ni hiérarchisation qui seraient comparables à celles qu’opérait le traité constitutionnel. Dans le système du traité UE et du traité FUE, les actes législatifs peuvent eux aussi prendre la forme de règlements au sens de l’article 288, deuxième alinéa, TFUE. Aujourd’hui, la distinction entre actes législatifs et actes non législatifs relève généralement de la technique procédurale, comme c’est le cas, par exemple, dans les articles 290, paragraphe 1, TFUE et 297 TFUE.

43.      Eu égard à ces différences entre le traité constitutionnel et les traités actuellement en vigueur, il serait théoriquement concevable de donner, comme le proposent les parties requérantes, une signification différente à l’expression «actes réglementaires» qui figure à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE et de l’interpréter de façon plus large que ne l’entendaient la Convention européenne et les auteurs du traité constitutionnel, de manière à inclure même les actes législatifs dans les actes réglementaires.

44.      Une telle interprétation large de l’expression «actes réglementaires» serait toutefois difficilement compatible avec le mandat qui avait été donné à la conférence intergouvernementale de 2007 qui a négocié le traité de Lisbonne. Cette conférence avait pour mission d’abandonner le concept constitutionnel sur lequel était fondé le traité du même nom (27) sans toutefois, pour le surplus, remettre en question les acquis du traité constitutionnel (28). Le contenu du «produit fini» de la conférence devait donc, dans toute la mesure du possible, correspondre au traité constitutionnel qui avait échoué, à l’exception de quelques points particulièrement symboliques (29).

45.      On soulignera, en particulier, que le mandat de la conférence intergouvernementale de 2007 donnait aux délégations instruction d’abandonner certaines dénominations «tout en maintenant la distinction entre ce qui est législatif et ce qui ne l’est pas, et les conséquences qui en découlent» (30).

46.      Dans ces conditions, il est tout à fait improbable qu’en rédigeant l’article 263, quatrième alinéa, TFUE en particulier, la conférence intergouvernementale entendait aller au-delà du traité constitutionnel. Il n’existe d’ailleurs aucun élément concret qui permettrait de le penser. Si telle avait été leur intention, les rédacteurs du traité de Lisbonne auraient vraisemblablement attiré l’attention sur un éventuel élargissement des voies de recours ouvertes aux particuliers par rapport à l’article III‑365, paragraphe 4, du traité constitutionnel dans le texte de toutes les versions linguistiques de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE (31) en utilisant, par exemple, l’expression «actes de portée générale» qui avait été discutée au sein de la Convention européenne, mais qui y avait finalement été rejetée (32). Cela est d’autant plus vrai qu’à d’autres endroits du traité UE, cette dernière formulation est parfaitement courante (voir les articles 277 TFUE, 288, paragraphe 2, première phrase, TFUE et 290, paragraphe 1, TFUE).

47.      En résumé, c’est donc tout à fait à raison que le Tribunal a interprété l’expression «actes réglementaires» en ce sens qu’elle comprend tous les actes juridiques de l’Union à portée générale à l’exclusion des actes législatifs.

b)      Sur les arguments opposés par les parties requérantes

48.      Contrairement à ce que pensent les parties requérantes, l’interprétation du troisième cas de figure visé à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE que donne le Tribunal en l’espèce et l’application qu’il en fait n’ont aucunement pour effet de neutraliser la possibilité pour les personnes physiques et morales d’engager des recours directs contre les actes réglementaires et de priver de sa raison d’être la nouveauté introduite par le traité de Lisbonne. Leur argumentation elle-même est émaillée de lacunes graves résultant d’une lecture erronée de l’ordonnance entreprise, d’une part, et d’une profonde méconnaissance des actes juridiques et procédures prévus par les traités, d’autre part.

–       Tous les règlements, directives et décisions ne sont pas des actes législatifs

49.      Les parties requérantes font, en premier lieu, grief à l’interprétation de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE appliquée par le Tribunal qu’elle permet d’inclure dans la notion d’actes réglementaires uniquement les recommandations et avis au sens de l’article 288, cinquième alinéa, TFUE, qui, de toute façon, ne sont pas susceptibles de recours, parce que les règlements, directives et décisions adoptés par le Parlement et le Conseil seraient tous des actes législatifs.

50.      Les parties requérantes s’égarent. Il va de soi que d’autres actes de l’Union que les recommandations et les avis peuvent également être qualifiés d’actes réglementaires. C’est notamment le cas de nombreux règlements au sens de l’article 288, deuxième alinéa, TFUE et de nombreuses décisions au sens de l’article 288, quatrième alinéa, TFUE. Il s’agit même, en pratique, de l’écrasante majorité des cas, comme le Conseil et la Commission l’ont fait observer à bon escient.

51.      Certes, les règlements et les décisions ainsi que les directives font partie des catégories d’actes juridiques qui peuvent être adoptés suivant une procédure législative (article 289, paragraphes 1 et 2, TFUE), mais les parties requérantes oublient que tous les règlements, directives et décisions ne le sont pas, et de loin, selon une telle procédure. Des actes non législatifs peuvent eux aussi être adoptés sous la forme d’un règlement, d’une directive ou d’une décision (article 297, paragraphe 2, TFUE).

52.      Pour ce qui est plus particulièrement des règlements, ils sont, dans de nombreux cas, adoptés par le Conseil ou par la Commission en tant que règlements d’exécution d’actes législatifs ou ils sont adoptés en tant que règlements selon une procédure sui generis (33). En ce qui concerne les décisions, elles sont même normalement prises suivant d’autres procédures que la procédure législative, le plus souvent par le Conseil ou par la Commission, et peuvent alors éventuellement être considérées, elles aussi, comme des actes réglementaires, a fortiori lorsqu’elles ne sont pas adressées à des destinataires déterminés (article 288, quatrième alinéa, deuxième phrase, TFUE a contrario).

–       Tous les actes non législatifs ne sont pas des actes délégués

53.      Les parties requérantes font valoir, en deuxième lieu, que les auteurs du traité de Lisbonne n’auraient pas utilisé la formule «actes réglementaires», mais celle d’«actes délégués» au sens de l’article 290 TFUE s’ils avaient eu l’intention d’établir, à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, une distinction entre actes législatifs et actes non législatifs. Le fait qu’ils ont utilisé l’expression «actes réglementaires» indiquerait que cette disposition vise autre chose que les actes non législatifs.

54.      Cet argument n’est pas convaincant lui non plus. Les parties requérantes ignorent que tous les actes non législatifs ne doivent pas nécessairement être des actes délégués au sens de l’article 290 TFUE. Les actes non législatifs peuvent également prendre la forme d’actes d’exécution au sens de l’article 291 TFUE ou être adoptés suivant une procédure sui generis (34).

–       Les actes d’exécution peuvent eux aussi être des actes réglementaires

55.      Les parties requérantes soutiennent, en troisième lieu, que la distinction que le Tribunal a faite entre actes législatifs et actes non législatifs ne permettrait pas de classer la catégorie des actes d’exécution au sens de l’article 291 TFUE.

56.      Cette affirmation est elle aussi erronée. Comme nous venons de l’indiquer (35), les actes d’exécution au sens de l’article 291 TFUE peuvent, sans aucune difficulté, être classés dans la catégorie des actes non législatifs. Lorsque de tels actes d’exécution ont une portée générale, ce qui sera généralement le cas des règlements d’exécution et souvent le cas des décisions d’exécution, ils doivent être considérés comme des actes réglementaires.

–       Sur les effets de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE dans des affaires telles qu’Unión de Pequeños Agricultores/Conseil et Commission/Jégo-Quéré

57.      Enfin, les parties requérantes affirment que l’interprétation de la qualité pour agir utilisée par le Tribunal et l’application qu’il en fait ne seraient pas de nature à combler les «lacunes dans la protection juridictionnelle» constatées dans les affaires Unión de Pequeños Agricultores/Conseil (36) et Commission/Jégo‑Quéré (37).

58.      Cet argument est lui aussi voué à l’échec.

59.      Dans l’affaire Commission/Jégo-Quéré, le recours en annulation était dirigé contre un règlement d’exécution que la Commission avait pris dans le domaine de la pêche. Aujourd’hui, sous l’empire de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, un tel acte juridique devrait être considéré comme un acte réglementaire qui ne comporte pas de mesures d’exécution.

60.      Le recours formé dans l’affaire Unión de Pequeños Agricultores/Conseil, en revanche, était dirigé contre un règlement portant organisation commune du marché dans le domaine de la politique agricole. Un tel règlement devrait aujourd’hui être adopté suivant la procédure législative ordinaire (article 43, paragraphe 2, TFUE) et serait ainsi un acte législatif (article 289, paragraphe 3, TFUE). Une personne physique ou morale ne pourrait, par conséquent, pas l’attaquer au moyen d’un recours direct devant les juridictions de l’Union, même en se fondant sur l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, à moins qu’elle ne soit directement et, surtout, individuellement concernée par ce règlement (deuxième cas de figure visé à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE). Cela ne signifie évidemment pas que les particuliers ne pourraient obtenir aucune protection juridictionnelle effective contre des dispositions d’un règlement portant organisation commune du marché. Au contraire, il leur est loisible de soulever l’éventuelle illégalité d’une organisation commune du marché à titre incident, à savoir, selon l’affaire, à l’occasion d’un recours en annulation introduit devant les juridictions de l’Union contre des mesures d’exécution adoptées par la Commission ou à la faveur d’un recours formé devant des juridictions nationales contre des mesures d’exécution prises par les autorités nationales (38).

61.      On observera, en passant, que l’interprétation que le Tribunal a donnée à l’expression «actes réglementaires» qui figure dans le troisième cas de figure visé à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE ne prive pas non plus Inuit Tapiriit Kanatami et ses co-requérants de toute protection juridictionnelle. Ils ont, en effet, la possibilité de soulever l’illégalité alléguée du règlement no 1007/2009 à titre incident dans le cadre d’éventuels recours qu’ils engageraient contre des mesures d’exécution de ce règlement. C’est précisément ce qu’ont fait la plupart d’entre eux devant le Tribunal dans le cadre d’un recours, toujours pendant devant lui, qui a été introduit contre le règlement de mise en œuvre (39).

62.      En conclusion, la première branche du premier moyen est donc non fondée.

2.      La question de l’intérêt direct et individuel des parties requérantes (seconde branche du premier moyen)

63.      Dès lors que la première branche du premier moyen n’a aucune chance de prospérer si la Cour suit la solution que nous proposons, il faut à présent aborder la seconde branche de ce moyen, qui a été articulée à titre subsidiaire. Les parties requérantes font grief au Tribunal d’avoir mal interprété et appliqué incorrectement la condition de recevabilité déduite de l’«intérêt direct et individuel».

64.      Le critère de l’intérêt direct et individuel (deuxième cas de figure visé à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE) a pour finalité d’offrir aux personnes physiques et morales une protection juridique effective contre les actes de l’Union qui ne leur sont pas adressés sans toutefois élargir en même temps le champ d’application du recours en annulation d’une façon qui en ferait une sorte d’action populaire (actio popularis).

65.      Le Tribunal a abordé ce critère aux points 68 à 93 de l’ordonnance entreprise après avoir abouti à la conclusion que l’Inuit Tapiriit Kanatami et ses co-requérants ne pouvaient pas attaquer le règlement no 1007/2009, qui est un acte législatif au sens de l’article 289, paragraphe 3, TFUE aux conditions assouplies qui s’appliquent aux actes réglementaires (troisième cas de figure visé à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE).

a)      Sur l’intérêt direct des parties requérantes

66.      Les parties requérantes s’insurgent tout d’abord contre la conviction du Tribunal qui a déclaré que seules quatre d’entre elles seraient directement concernées par le règlement litigieux, à savoir Ta Ma Su Seal Products, NuTan Furs, GC Rieber Skinn et le Canadian Seal Marketing Group (40), qui, comme il l’a constaté, sont trois entreprises et une association d’entreprises qui commercialisent des produits dérivés du phoque sur le marché européen notamment.

67.      Les parties requérantes font grief au Tribunal d’avoir ainsi interprété le critère de l’intérêt direct de façon trop restrictive. Selon elles, celles d’entre elles qui n’opèrent qu’en amont de la commercialisation des produits dérivés du phoque sur le marché européen, à savoir non seulement les chasseurs et les trappeurs ainsi que les associations qui défendent leurs intérêts, mais également la requérante Karliin Aariak, qui dessine et vend des vêtements en peau de phoque, doivent elles aussi être considérées comme directement concernées par le règlement litigieux.

–       Remarques préliminaires

68.      On retiendra d’emblée que, comme les parties requérantes l’ont indiqué à bon droit, le critère de l’intérêt direct énoncé à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE ne peut pas être interprété de manière plus restrictive que le critère identique qui était énoncé aux anciens articles 173, quatrième alinéa, du traité CE (et) 230, quatrième alinéa, CE qui l’ont précédé (41). Les institutions qui ont participé à la procédure n’ont émis aucun doute à ce sujet.

69.      La notion d’intérêt direct est identique dans le deuxième et dans le troisième cas de figure visés à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE. C’est la raison pour laquelle les explications qui vont suivre demeureront tout aussi valables, même si la Cour ne suit pas notre proposition et considère que le règlement litigieux est un acte réglementaire (42).

70.      Pour définir les critères juridiques de l’intérêt direct au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, le Tribunal s’est servi d’une formule fréquemment utilisée dans la jurisprudence récente des juridictions de l’Union (43), formule aux termes de laquelle la condition exigeant qu’une personne physique ou morale soit directement concernée par un acte de l’Union n’est remplie que si l’acte attaqué produit directement des effets sur la situation juridique de cette personne, lorsqu’il ne laisse aucun pouvoir d’appréciation aux destinataires qui sont chargés de sa mise en œuvre, celle-ci ayant un caractère purement automatique et découlant de la seule réglementation de l’Union sans application d’autres règles intermédiaires (44).

71.      Nous ne sommes pas entièrement convaincue que cette formule soit véritablement propre à définir complètement le critère de l’intérêt direct au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE. D’une part, en effet, il n’est pas rare que la jurisprudence, parfaitement à bon droit, accueille comme étant recevables des recours en annulation formés par des particuliers contre des actes de l’Union dont les effets sur les requérants ne sont pas des effets de droit, mais des effets purement matériels en raison du fait, par exemple, qu’ils sont directement concernés en leur qualité d’opérateurs livrés à la concurrence de leurs congénères (45). D’autre part, la jurisprudence contient des cas dans lesquels l’intérêt direct d’une personne a été reconnu même lorsque la mesure incriminée laissait un certain pouvoir d’appréciation aux autorités chargées de la mettre en œuvre dans la mesure où certains éléments permettaient de prévoir avec une probabilité suffisante que ce pouvoir serait exercé d’une manière déterminée (46).

72.      Ces nuances dans la formulation du critère de l’intérêt direct n’ont toutefois aucune incidence en l’espèce. En effet, en admettant même que, dans le cadre du deuxième cas de figure visé à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, il faut tenir compte non seulement des effets d’un acte de l’Union sur la position juridique d’une personne, mais également de ses effets matériels sur elle, de tels effets doivent être plus importants que de simples effets indirects, ce qu’il faudra déterminer dans chaque cas individuel en tenant compte du contenu réglementaire de l’acte juridique de l’Union dont il s’agit.

–       Sur la situation des personnes opérant en amont de la commercialisation

73.      Aux termes de son article 1er, le règlement no 1007/2009 contient des «règles […] concernant la mise sur le marché des produits dérivés du phoque» dans l’Union européenne. En revanche, ce règlement demeure muet sur la chasse aux phoques, la fabrication de produits dérivés ou la recherche qui s’y rapporte (47).

74.      C’est donc à bon droit que le Tribunal a conclu que toutes les parties opérant à un stade antérieur à la commercialisation concrète des produits dérivés du phoque dans l’Union européenne ne sont pas directement concernées par le règlement litigieux. Cela vaut, d’une part, pour les chasseurs et les trappeurs ainsi que pour les associations qui défendent leurs intérêts et, d’autre part, pour toutes les personnes et associations qui, de près ou de loin, ont à faire avec la transformation de produits de la chasse aux phoques.

75.      Comme ils ne commercialisent pas tous eux-mêmes les produits dérivés du phoque dans l’Union européenne, le règlement litigieux n’a d’effets pour eux qu’indirectement, et non pas directement. Il est possible que le régime mis en place par le règlement litigieux produise des effets économiques parfaitement sensibles pour cette catégorie de personnes également, mais, comme les institutions de l’Union qui sont parties à la procédure l’ont fait observer à bon droit, le critère de l’intérêt direct serait privé de sa fonction et de ses limites, et le cercle des requérants potentiels élargi à l’infini si l’on voulait considérer comme étant directement concernées les personnes qui opèrent en amont de la commercialisation.

–       Sur la situation de Mme Karliin Aariak

76.      La situation de la requérante, Mme Karliin Aariak, n’est pas aussi claire. Comme l’a constaté le Tribunal, elle appartient elle-même à la communauté inuite et dessine des vêtements en peau de phoque dont elle assure la commercialisation. Le Tribunal a jugé qu’elle n’était pas directement concernée parce qu’elle ne soutient nullement «être active dans la mise sur le marché de produits autres que ceux relevant de l’exception [inuite] en cause» (48).

77.      On observera tout d’abord à ce propos que les constatations de fait effectuées par le Tribunal ne permettent pas de déterminer si Mme Aariak assure elle-même la mise sur le marché intérieur européen des vêtements en peau de phoque qu’elle dessine et commercialise ou bien si elle se contente de les vendre à des intermédiaires qui les commercialisent dans l’Union européenne en leur propre nom et pour leur propre compte. Dans ce dernier cas, Mme Aariak, à l’instar des chasseurs et des trappeurs évoqués plus haut, n’opérerait qu’en amont de la commercialisation et ne pourrait dès lors pas être considérée comme directement concernée par le règlement no 1007/2009.

78.      Le Tribunal n’ayant pas effectué toutes les constatations nécessaires, son ordonnance est entachée d’une erreur de droit sur ce point.

79.      En revanche, si l’on suppose, comme semble le faire le Tribunal, que Mme Aariak met elle-même des produits dérivés du phoque en libre pratique sur le marché intérieur européen (49), on ne voit guère comment on pourrait contester qu’elle est directement concernée par le règlement litigieux. En effet, son activité commerciale est alors directement soumise aux règles de mise sur le marché des produits dérivés du phoque qui sont énoncées dans le règlement no 1007/2009.

80.      Contrairement à ce que pense le Tribunal (50), le fait que la Commission doit encore préciser les modalités d’application de l’exception inuite dont Mme Aariak est susceptible de bénéficier et d’adopter des dispositions de mise en œuvre (voir l’article 3, paragraphes 3 et 4, du règlement no 1007/2009) n’exclut pas que Mme Aariak soit directement concernée.

81.      En effet, ou bien l’on considère, comme l’a fait le Tribunal, que les mesures de mise en œuvre à prendre par la Commission sont à ce point essentielles que l’exception inuite prévue par le législateur de l’Union ne peut absolument pas être utilisée avant leur adoption. En attendant, l’interdiction générale de mise sur le marché intérieur européen prévue à l’article 3, paragraphe 1, du règlement no 1007/2009 s’applique alors de la même manière à tous les produits dérivés du phoque. Dans ce cas de figure, tous les opérateurs intervenant dans la commercialisation des produits dérivés du phoque seraient directement concernés, y compris Mme Aariak.

82.      Inversement, si l’on considère, contrairement au Tribunal, que les mesures de mise en œuvre à prendre par la Commission sont à ce point secondaires que l’exception inuite prévue par le législateur de l’Union peut être appliquée dès avant leur adoption, la mise sur le marché de produits dérivés du phoque provenant de formes de chasse traditionnellement pratiquées par les communautés inuites et autres communautés indigènes à des fins de subsistance au sens de l’article 3, paragraphe 1, du règlement no 1007/2009 est et demeure d’emblée autorisée sur le marché intérieur européen. Dans ce cas de figure, le régime concernerait directement toutes les personnes impliquées dans la mise sur le marché intérieur européen de produits dérivés du phoque, y compris Mme Aariak.

83.      Dans l’un comme dans l’autre cas, les personnes impliquées dans la commercialisation de produits dérivés du phoque sur le marché intérieur européen sont directement concernées par les règles du droit de l’Union concernant la mise sur le marché de produits dérivés du phoque (51). Une zone floue telle que celle dans laquelle le Tribunal semble situer Mme Aariak ne peut pas se produire.

84.      Il résulte de ce qui précède que les constatations que le Tribunal a effectuées à propos de la question de l’intérêt direct de la requérante Mme Aariak sont entachées d’une erreur de droit. Cette application incorrecte en droit du critère de l’intérêt direct par le Tribunal ne peut cependant pas, à elle seule, entraîner l’annulation de l’ordonnance entreprise. En effet, il est indispensable que les parties requérantes soient également individuellement concernées par le règlement litigieux pour être recevables à agir (52).

b)      Sur l’intérêt individuel des parties requérantes

85.      Indépendamment de la question de savoir si certaines des parties requérantes sont directement concernées par le règlement litigieux et, le cas échéant, pour combien d’entre elles tel est le cas, elles devraient encore être individuellement concernées par lui pour pouvoir engager un recours en annulation recevable sur la base du deuxième cas de figure visé à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE.

86.      Conformément à une jurisprudence constante, qui remonte à l’arrêt Plaumann/Commission, une personne physique ou morale doit être considérée comme étant individuellement concernée par un acte d’une institution de l’Union lorsque l’acte en cause l’atteint en raison de certaines qualités qui lui sont particulières ou d’une situation de fait qui la caractérise par rapport à toute autre personne et, de ce fait, l’individualise d’une manière analogue à la manière dont il individualise un destinataire (53).

87.      Le règlement no 1007/2009 ne sortit pas de tels effets à l’égard d’Inuit Tapiriit Kanatami et de ses co-requérants. Comme le Tribunal l’a souligné à bon escient (54), l’interdiction de mise sur le marché de produits dérivés du phoque qui est énoncée dans le règlement litigieux est formulée en termes généraux et peut s’appliquer indistinctement à tout opérateur économique qui relève de son champ d’application. Le règlement litigieux s’applique à des situations définies de façon objective et produit des effets juridiques à l’égard de catégories de personnes définies de manière générale et abstraite. Aucune des parties requérantes n’est individualisée par ce règlement à la manière du destinataire d’une décision. Au contraire, les parties requérantes sont concernées par le règlement litigieux comme n’importe quel autre opérateur économique qui fabrique des produits dérivés du phoque ou les met sur le marché (55).

88.      Si elles ne le contestent pas, les parties requérantes estiment néanmoins qu’elles devraient être considérées comme étant individuellement concernées. Elles estiment qu’avec l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, l’heure est venue pour la Cour d’abandonner la jurisprudence Plaumann/Commission sur l’intérêt individuel.

89.      Cet argument doit être rejeté. Contrairement à ce que pensent les parties requérantes, l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne n’exige précisément pas des juridictions de l’Union qu’elles revoient leur jurisprudence concernant l’intérêt individuel. Le fait que la condition de recevabilité déduite de l’intérêt (direct et) individuel a été reprise telle quelle dans le second cas de figure visé à l’article 230, quatrième alinéa, CE et incluse dans le deuxième cas de figure visé à l’actuel article 263, quatrième alinéa, TFUE milite, au contraire, en faveur du maintien de la jurisprudence Plaumann/Commission.

90.      Après avoir analysé l’ensemble de la problématique en profondeur dans le cadre de la Convention européenne, en effet, les auteurs des traités ont préféré renforcer la protection juridictionnelle des particuliers contre les actes juridiques de l’Union à portée générale non pas en réformant le critère de l’intérêt individuel, mais en introduisant une troisième voie de recours entièrement neuve dans l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, à savoir la possibilité, commentée plus haut (56), pour les personnes physiques et morales de former des recours contre les actes réglementaires qui les concernent directement et qui ne comportent pas de mesures d’exécution (57).

91.      En conséquence, la seconde branche du premier moyen ne saurait pas davantage prospérer que la première.

3.      Résultat intermédiaire

92.      Le premier moyen doit dès lors être rejeté dans son ensemble.

B –    Deuxième moyen

93.      Par leur deuxième moyen, les parties requérantes font grief au Tribunal, d’une part, d’avoir incorrectement motivé son ordonnance et, d’autre part, d’avoir méconnu les exigences d’une protection juridictionnelle effective.

1.      Sur les conditions que doit remplir l’exposé des motifs de l’ordonnance de première instance (première branche du deuxième moyen)

94.      Dans la première branche du deuxième moyen, les parties requérantes font grief au Tribunal d’avoir insuffisamment motivé l’ordonnance entreprise. Il n’aurait pas suffisamment répondu aux arguments que l’Inuit Tapiriit Kanatami et ses co-requérants ont déduits de l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (58) et des articles 6 et 13 de la CEDH (59). Les parties requérantes insistent en particulier sur le fait que le Tribunal n’a même pas mentionné les articles 6 et 13 de la CEDH.

95.      Il est exact que, si le Tribunal ne répond pas suffisamment aux arguments d’une partie, sa décision peut être entachée d’un défaut de motifs (60).

96.      Conformément à la jurisprudence constante, l’obligation de motivation n’impose pas au Tribunal de fournir un exposé qui suivrait, de manière exhaustive et un par un, tous les raisonnements articulés par les parties au litige; la motivation peut donc être implicite à condition qu’elle permette aux intéressés de connaître les raisons pour lesquelles le Tribunal n’a pas fait droit à leurs arguments et à la Cour de disposer d’éléments suffisants pour exercer son contrôle (61).

97.      Le Tribunal s’est correctement acquitté de ses obligations en l’espèce.

98.      Comme ils l’ont indiqué eux-mêmes, l’argumentation que l’Inuit Tapiriit Kanatami et ses co-requérants ont déduite du droit fondamental à un recours effectif figurait aux points 53 à 57 des observations qu’ils ont présentées sur l’exception d’irrecevabilité soulevée par le Parlement et le Conseil. Il est constant que le Tribunal y a répondu au point 51 de l’ordonnance entreprise. Il a expliqué que le juge de l’Union ne peut pas, sans excéder ses compétences, interpréter les conditions auxquelles un particulier peut former un recours contre un règlement d’une manière qui aboutit à s’écarter de ces conditions, expressément prévues par le traité, et ce même à la lumière du principe d’une protection juridictionnelle effective.

99.      D’aucuns jugeront cette réponse sommaire. Or, la précision avec laquelle le Tribunal doit répondre à l’argumentation d’une partie dans l’exposé des motifs de la décision qui clôture la procédure doit être proportionnelle à celle de cette argumentation et à l’importance que celle‑ci occupe dans l’ensemble de l’exposé présenté par cette partie. Comme, en première instance, les requérants n’ont fourni que des explications sommaires et superficielles à propos du droit à une protection juridictionnelle effective (62), on ne saurait guère reprocher au Tribunal de ne pas avoir analysé cette problématique plus en profondeur dans l’ordonnance entreprise.

100. C’est d’autant plus vrai qu’en l’espèce, le Tribunal a pu se fonder sur une jurisprudence constante des juridictions de l’Union (63). Combinées à la citation de la jurisprudence applicable (64), les explications qu’il expose au point 51 de l’ordonnance entreprise permettent de connaître à suffisance de droit les motifs pour lesquels il n’a pas suivi les arguments que l’Inuit Tapiriit Kanatami et ses co-requérants avaient articulés à propos des exigences d’une protection juridictionnelle effective.

101. Qu’au point 51 de l’ordonnance entreprise, le Tribunal n’ait cité que l’article 47 de la charte des droits fondamentaux sans y ajouter les articles 6 et 13 de la CEDH ne nuit pas à sa démonstration. En effet, c’est en termes généraux qu’il y répond à l’argument que les requérants avaient déduit du droit à une protection juridictionnelle effective, l’article 47 de la charte n’étant mentionné qu’à titre d’exemple («notamment») dans ce contexte (65).

102. Les parties requérantes jugent le raisonnement du Tribunal contradictoire lorsqu’il parle, au point 51 de l’ordonnance entreprise, à propos des limites dans lesquelles les particuliers peuvent engager des recours directs, de conditions «qui sont expressément prévues par le traité», alors qu’il a dû les déterminer auparavant par une interprétation laborieuse.

103. Cet argument n’est pas, lui non plus, de nature à convaincre. L’expression «actes réglementaires» requiert bien évidemment une interprétation, mais cela ne change rien au fait qu’il s’agit bel et bien d’une condition de recevabilité expressément prévue à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE à laquelle les recours en annulation des personnes physiques et morales doivent satisfaire.

104. Globalement, le Tribunal a donc exposé ses réflexions sur la problématique de la protection juridictionnelle effective sans contradiction et avec suffisamment de clarté. Que les parties requérantes ne partagent pas son jugement sur le fond ne signifie pas que son ordonnance serait insuffisamment motivée (66): elle peut, tout au plus, être erronée sur le fond, ce qu’il va nous falloir déterminer à présent dans le cadre de la seconde branche du deuxième moyen.

2.      Sur la violation alléguée du droit à une protection juridictionnelle effective (seconde branche du deuxième moyen)

105. La première branche du deuxième moyen n’ayant aucune chance de succès, il faut à présent aborder la seconde, qui a été invoquée à titre subsidiaire: selon les parties requérantes, l’interprétation de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE sur laquelle le Tribunal s’est fondé pour déclarer le recours irrecevable est incompatible avec les exigences d’une protection juridictionnelle effective, telles qu’elles résultent de l’article 47 de la charte des droits fondamentaux ainsi que des articles 6 et 13 de la CEDH «en tant que principes généraux du droit de l’Union».

106. Le droit à un recours effectif est reconnu au niveau de l’Union en tant que principe général de droit (67) et il jouit aujourd’hui du rang de droit fondamental de l’Union, conformément à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux.

107. Qu’il soit fondé sur la charte ou sur les principes généraux du droit de l’Union, ce droit fondamental doit incontestablement être pris en considération pour l’interprétation et l’application des conditions de recevabilité des recours en annulation formés par des personnes physiques ou morales (68). Il doit en être tenu compte pour chacun des trois cas de figure visés à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE.

108. La Cour a cependant déjà dit pour droit que le droit à un recours effectif n’exige pas que les possibilités ouvertes aux personnes physiques et morales d’engager des recours directs contre les actes de l’Union à portée générale soient élargies. Contrairement à ce que pensent les parties requérantes, en effet, on ne saurait déduire purement et simplement de ce principe fondamental qu’une possibilité de former un recours direct contre les actes législatifs de l’Union européenne doit nécessairement être ouverte aux personnes physiques et morales (69).

109. L’entrée en vigueur du traité de Lisbonne le 1er décembre 2009 n’a rien modifié d’essentiel aux exigences que les règles des droits fondamentaux posent à cet égard. S’il est vrai que ce traité a élevé la charte des droits fondamentaux au rang de droit primaire de l’Union à caractère obligatoire et qu’il dispose que la charte a la même valeur juridique que les traités (article 6, paragraphe 1, premier alinéa, TUE), il n’a cependant aucunement modifié le contenu du droit fondamental à un recours effectif, comme l’indiquent notamment les explications relatives à la charte des droits fondamentaux (70). Ces explications ont été élaborées en vue de guider l’interprétation de la charte et doivent dûment être prises en considération par les juridictions de l’Union et par celles des États membres (article 6, paragraphe 1, troisième alinéa, TUE lu en combinaison avec l’article 52, paragraphe 7, de la charte).

110. Ce constat n’est pas remis en question par le principe d’homogénéité, qui est énoncé à l’article 52, paragraphe 3, première phrase, de la charte et qui, conformément à l’article 6, paragraphe 1, troisième alinéa, TUE, doit être pris en compte pour l’interprétation et l’application du droit fondamental à un recours effectif. Conformément à ce principe, les droits fondamentaux garantis par la charte qui correspondent à des droits garantis par la CEDH ont un sens et une portée identiques à ceux que leur confère celle-ci. C’est la raison pour laquelle le droit fondamental à un recours effectif doit être interprété dans le respect des articles 6 et 13 de la CEDH, sur lesquels est calqué l’article 47 de la charte des droits fondamentaux (71). En l’état actuel de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, les droits fondamentaux consacrés par ces deux articles de la CEDH n’exigent cependant pas, contrairement à ce que pensent les requérants, qu’un recours direct contre les actes législatifs soit impérativement ouvert aux particuliers (72).

111. Certes, l’article 52, paragraphe 3, seconde phrase, de la charte des droits fondamentaux permet au droit de l’Union d’accorder une protection plus étendue que celle qui est garantie par les dispositions de la CEDH. En tout état de cause, il faut dûment tenir compte de la volonté des auteurs des traités, lesquels, après en avoir longuement délibéré au sein de la Convention européenne, ont finalement renoncé, comme nous l’avons expliqué plus haut (73), à élargir les possibilités pour les personnes physiques ou morales d’engager des recours directs contre les actes législatifs.

112. Les auteurs du traité ont en outre précisé (à l’article 6, paragraphe 1, deuxième alinéa, TUE) que les dispositions de la charte n’étendent en aucune manière les compétences de l’Union telles que définies dans les traités. Il serait donc abusif d’invoquer les droits fondamentaux garantis par la charte, notamment le droit à un recours effectif qui est prévu à l’article 47 de celle‑ci, pour inclure des actes législatifs dans la catégorie des actes réglementaires (troisième cas de figure visé à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE) ou pour assouplir les conditions auxquelles les particuliers peuvent être considérés comme étant directement et individuellement concernés par des actes législatifs (deuxième cas de figure visé à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE). En effet, une telle interprétation élargirait les compétences de l’Union d’une manière incompatible avec l’article 6, paragraphe 1, deuxième alinéa, TUE ou, plus précisément, étendrait les compétences juridictionnelles de l’institution qu’est la Cour de justice de l’Union européenne (article 19, paragraphe 1, première phrase, TUE).

113. La même solution se dégage de l’article 51, paragraphe 2, de la charte, qui, conformément à l’article 6, paragraphe 1, troisième alinéa, TUE, doit être pris en considération pour interpréter et appliquer les droits, libertés et principes énoncés dans la charte. Aux termes de l’article 51, paragraphe 2, de la charte, celle-ci n’étend pas le champ d’application du droit de l’Union au-delà des compétences de l’Union ni ne crée aucune compétence ni aucune tâche nouvelles pour l’Union et ne modifie pas les compétences et tâches définies dans les traités. Le fait que les États membres ont repris textuellement cette disposition dans une déclaration commune démontre qu’ils lui accordent une importance fondamentale (74).

114. Il résulte de ce qui précède que le droit de recours conféré aux personnes physiques et morales par le troisième cas de figure visé à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE ne saurait être étendu aux actes législatifs par la voie prétorienne, une telle extension nécessitant l’engagement d’une procédure de modification des traités (75). Cette procédure s’imposerait tout autant pour modifier en profondeur les conditions auxquelles les particuliers peuvent être considérés comme étant directement et individuellement concernés par des actes législatifs, conditions énoncées dans le deuxième cas de figure visé à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE.

115. Les parties requérantes n’ont aucune raison de craindre une faille dans l’arsenal de la protection juridictionnelle des particuliers contre les actes législatifs de l’Union européenne, car les traités ont mis en place un système complet de voies de recours et de procédures qui, en dehors des possibilités de recours direct, leur garantit une protection juridictionnelle effective contre les actes législatifs, puisqu’ils peuvent en contester la légalité de manière incidente (76).

116. Comme l’indique en outre l’article 19, paragraphe 1, TUE, le système de protection juridictionnelle instauré par les traités repose sur deux piliers, à savoir les juridictions de l’Union, d’une part, et les juridictions nationales, d’autre part (77).

117. La légalité d’un acte de l’Union qui doit être mis en œuvre par des organes de celle-ci peut être contrôlée à titre incident par les juridictions de l’Union sur le pied de l’article 277 TFUE à la faveur d’un recours en annulation qui serait introduit contre l’acte de transposition. En revanche, lorsque, comme c’est si souvent le cas, l’acte de l’Union en question doit être transposé par des autorités nationales, sa légalité peut être soumise au contrôle de la Cour au moyen d’une procédure préjudicielle fondée sur l’article 19, paragraphe 3, sous b), TUE lu en combinaison avec l’article 267, paragraphe 1, sous b), TFUE (78). Le cas échéant, le juge saisi sera même tenu d’interroger la Cour (79).

118. D’aucuns objectent sporadiquement qu’un contrôle de la légalité d’un acte législatif effectué à titre purement incident ne remédie pas adéquatement à l’absence de possibilité pour le particulier concerné d’engager un recours direct contre cet acte. Ils observent notamment qu’il est inadmissible que celui-ci doive braver le droit de l’Union et enfreindre une obligation ou une interdiction directement applicables dans le seul but d’amener l’autorité compétente à prendre un acte d’exécution contre lequel il pourra alors se pourvoir devant une juridiction (80).

119. En effet, ce ne serait pas rendre justice au droit fondamental à un recours effectif garanti par le droit de l’Union d’acculer une personne physique ou morale à commettre des actes contraires à la loi et à s’exposer ainsi à une éventuelle sanction dans le seul but de pouvoir s’adresser ensuite aux juridictions compétentes afin qu’elles contrôlent la légalité de l’acte de l’Union qu’elle a enfreint (81). Il n’y a cependant pas lieu de craindre une telle situation dans le système des traités européens en ce qui concerne les actes législatifs.

120. Normalement, comme dans le cas de l’interdiction de la mise sur le marché de produits dérivés du phoque qui nous occupe, ce sont les autorités nationales qui seront compétentes à contrôler le respect d’une obligation ou d’une interdiction directement applicables résultant d’un acte législatif de l’Union. Il est alors loisible au particulier de se tourner vers l’autorité compétente, comme l’administration douanière nationale compétente, en l’espèce, et de lui demander de confirmer que l’obligation ou l’interdiction en question ne s’applique pas à lui (82). La protection juridictionnelle effective exige qu’il puisse alors soumettre une décision négative de cette autorité nationale au contrôle des juridictions nationales, qui, à leur tour, pourront, voire devront, alors soumettre la question de la validité de l’acte de l’Union litigieux à la Cour afin qu’elle statue à titre préjudiciel (83).

121. D’une manière générale, il appartient aux États membres de créer les voies de recours nécessaires à une protection juridictionnelle effective dans les domaines relevant du droit de l’Union (84). Depuis l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, cette obligation est énoncée en toutes lettres à l’article 19, paragraphe 1, deuxième alinéa, TUE. Elle a notamment pour conséquence que les juridictions nationales ne peuvent pas appliquer d’une manière excessivement restrictive les conditions de recevabilité des recours dont elles sont saisies, même lorsqu’il s’agit de recours en constatation ou en cessation formés à titre conservatoire (85).

122. Si le contrôle du respect d’une obligation ou d’une interdiction directement applicables résultant du droit de l’Union devait exceptionnellement relever du domaine de compétence d’une institution, d’un organe ou d’un organisme de l’Union, il serait alors loisible au particulier de s’adresser à celle-ci ou à celui-ci et de lui demander de confirmer que l’obligation ou l’interdiction en question ne s’applique pas à lui. Le principe de bonne administration imposerait alors à l’autorité concernée de statuer sur cette demande (86). Il résulte des exigences de la protection juridictionnelle effective qu’une décision de rejet opposée par cette autorité devrait être considérée comme une décision au sens de l’article 288, quatrième alinéa, TFUE contre laquelle son destinataire pourrait introduire un recours en annulation en se prévalant du premier cas de figure visé à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE. Dans le cadre de ce recours, il lui serait loisible d’invoquer, à titre incident, l’illégalité de l’acte législatif de l’Union litigieux.

123. En cas d’urgence, aussi bien les juridictions de l’Union (articles 278 TFUE et 279 TFUE) que les juridictions nationales (87) peuvent être saisies de demandes de mesures conservatoires, comme le Conseil l’a indiqué à bon escient au cours de l’audience devant la Cour.

124. En conclusion, il y a donc lieu de rejeter l’argumentation que les parties requérantes ont exposée à propos des exigences d’une protection juridictionnelle effective.

3.      Résultat intermédiaire

125. Le deuxième moyen doit ainsi être rejeté en totalité.

C –    Troisième moyen

126. Par leur troisième moyen, les parties requérantes font grief au Tribunal d’avoir dénaturé des preuves; il aurait «présenté de manière erronée et dénaturé» leur argumentation.

127. Elles estiment, d’une part, qu’au point 47 de l’ordonnance entreprise, le Tribunal leur aurait prêté des propos qu’elles n’ont jamais tenus, leur imputant d’avoir déclaré que la distinction entre actes législatifs et actes réglementaires signifierait que la notion d’«actes» utilisée dans les deux premiers cas de figure visés à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE désignerait des «actes législatifs» (88). Le Tribunal aurait ainsi confondu les arguments des requérants avec ceux du Parlement et du Conseil.

128. D’autre part, les parties requérantes reprochent au Tribunal de leur avoir pareillement, au point 48 de l’ordonnance entreprise, prêté une affirmation qu’elles n’ont jamais faite, à savoir que les États membres entendaient limiter le champ d’application du dernier cas de figure visé à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE aux seuls actes délégués au sens de l’article 290 TFUE.

1.      Recevabilité

129. Les institutions de l’Union qui ont participé à la procédure contestent d’emblée la recevabilité de ce moyen et déclarent, en substance, qu’il ne s’agirait pas ici de preuves susceptibles d’être dénaturées, mais d’arguments juridiques.

130. Cette objection est dénuée de fondement. En tant que juge du pourvoi, la Cour est non seulement compétente à contrôler que, dans son ordonnance, le Tribunal n’a pas dénaturé des faits ou des preuves, mais également qu’il n’a pas dénaturé l’argumentation des parties (89).

131. De surcroît, les parties requérantes ont indiqué de manière suffisamment précise à quel endroit de l’ordonnance entreprise elles situent la dénaturation alléguée et en quoi celle-ci consisterait.

132. Le troisième moyen est donc recevable.

2.      Bien-fondé

133. Nous pouvons entamer l’examen du bien-fondé de ce moyen sur la base de la jurisprudence constante de la Cour relative à la dénaturation des preuves aux termes de laquelle il y a dénaturation lorsque, sans avoir recours à de nouveaux éléments, l’appréciation des éléments de preuve existants apparaît manifestement erronée (90).

134. Transposé à l’argumentation des parties en première instance, cela signifie qu’une dénaturation de celle-ci ne peut être retenue que lorsqu’elle a été manifestement mal comprise par le Tribunal ou qu’elle a été exposée en altérant sa teneur (91). Nous allons nous employer à présent à déterminer si tel est le cas aux points 47 et 48 de l’ordonnance entreprise qui sont contestés par les requérants.

a)      Sur le point 47 de l’ordonnance entreprise

135. Le point 47 de l’ordonnance entreprise se situe dans le cadre de l’analyse du point de savoir si un quelconque des cas de figure visés à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE peut permettre à des personnes physiques ou morales d’engager un recours direct contre des actes législatifs, question qui divise les parties. En première instance, le Parlement et le Conseil ont fait valoir que, s’ils ne sont pas permis dans le troisième cas de figure visé à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, de tels recours pourraient l’être dans les premier et deuxième (92). L’Inuit Tapiriit Kanatami et ses co‑requérants leur ont reproché de comprendre la notion d’«actes» qui figure dans les premier et deuxième cas de figure visés à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE comme désignant des «actes législatifs» (93).

136. C’est cette présentation des arguments du Parlement et du Conseil par l’Inuit Tapiriit Kanatami et ses co-requérants que le Tribunal désigne comme étant l’«argument des requérants» au point 47 de l’ordonnance entreprise. Dans ce passage de celle-ci, le Tribunal ne reproche donc pas aux parties requérantes d’interpréter elles‑mêmes la notion d’«actes» comme étant des «actes législatifs», mais il analyse uniquement le point de savoir quelles conséquences les arguments du Parlement et du Conseil auraient selon les parties requérantes. Ce que le Tribunal rejette au point 47 de la décision entreprise, c’est uniquement cette interprétation des arguments de la partie adverse par l’Inuit Tapiriit Kanatami et ses co‑requérants.

137. Dans ces conditions, on ne saurait reprocher au Tribunal d’avoir, au point 47 de l’ordonnance entreprise, compris les arguments des parties requérantes de manière manifestement erronée ou de les avoir reproduits en en altérant la teneur. Ce sont, au contraire, les parties requérantes elles-mêmes qui se fondent sur une lecture manifestement incorrecte du passage litigieux de l’ordonnance entreprise.

b)      Sur le point 48 de l’ordonnance entreprise

138. Toute autre est la situation en ce qui concerne le point 48 de l’ordonnance entreprise, dans lequel le Tribunal explique que, «contrairement à l’affirmation des requérants», les États membres n’avaient pas pour objectif de limiter la portée du dernier membre de phrase de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE aux seuls actes délégués au sens de l’article 290 TFUE.

139. Dans ce passage de son ordonnance, le Tribunal soutient que l’Inuit Tapiriit Kanatami et ses co-requérants auraient déclaré en première instance, ce qu’ils n’ont pas fait, que les États membres entendaient limiter la portée du dernier membre de phrase de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE aux seuls actes délégués au sens de l’article 290 TFUE.

140. En utilisant cette formulation, le Tribunal a reproduit les propos des requérants d’une manière manifestement détournée de leur sens. En réalité, l’Inuit Tapiriit Kanatami et ses co-requérants n’ont, à aucun moment de la procédure, affirmé que les États membres avaient pour objectif d’inclure uniquement les actes délégués au sens de l’article 290 TFUE dans le champ d’application du dernier membre de phrase de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE. Une telle affirmation aurait d’ailleurs été diamétralement opposée aux intérêts qu’ils défendent dans le présent litige.

141. Tant en première instance que dans leur pourvoi, les parties requérantes ont, au contraire, constamment soutenu que, dans le traité de Lisbonne, les États membres auraient dû utiliser la notion d’«acte délégué» au sens de l’article 290 TFUE au lieu de l’expression «actes réglementaires» s’ils avaient eu pour objectif de limiter le champ d’application de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE aux actes non législatifs (94).

142. Au point 48 de la décision entreprise, le Tribunal a donc dénaturé l’argumentation de l’Inuit Tapiriit Kanatami et de ses co‑requérants.

143. Certes, une telle dénaturation ne doit pas obligatoirement, comme le Parlement l’a souligné à bon escient, entraîner l’annulation de l’ordonnance du Tribunal (95).

144. En ce qui concerne plus particulièrement la présente affaire, annuler l’ordonnance entreprise serait inapproprié, parce que, bien qu’elle déforme ponctuellement l’argumentation des parties requérantes, ces divergences n’ont eu aucun effet sur la décision du Tribunal. À l’instar de toutes les parties à la procédure, celui-ci a, au contraire, considéré que la notion d’«actes réglementaires» est plus large que celle d’«acte délégué» au sens de l’article 290 TFUE.

145. Il l’a manifesté notamment au point 48 litigieux de l’ordonnance entreprise, où il souligne à propos du dernier membre de phrase de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE «que l’objectif des États membres n’était pas de limiter la portée de cette disposition aux seuls actes délégués au sens de l’article 290 TFUE, mais plus généralement aux actes réglementaires».

146. Par conséquent, s’il est correct quant au fond, le grief que les parties requérantes font au point 48 de l’ordonnance entreprise est, en définitive, inopérant (96).

3.      Résultat intermédiaire

147. Eu égard à tout ce qui précède, le troisième moyen est lui aussi infondé.

D –    Résumé

148. Aucun des moyens articulés par les parties requérantes ne pouvant prospérer, le recours doit être intégralement rejeté.

V –    Dépens

149. Si la Cour rejette le pourvoi, comme nous lui proposons de le faire, il lui appartiendra de statuer sur les dépens (article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure), les détails de sa décision lui étant dictés par les articles 137 à 146 de ce même règlement lus en combinaison avec l’article 184, paragraphe 1, de celui‑ci (97).

150. Conformément aux dispositions combinées de l’article 138, paragraphes 1 et 2, et de l’article 184, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens s’il est conclu en ce sens. Si plusieurs parties succombent, la Cour décide du partage des dépens. Le Parlement et le Conseil ayant conclu en ce sens et les parties requérantes ayant succombé en leurs conclusions, ce sont ces dernières qui doivent supporter les dépens. Elles doivent être condamnées aux dépens de manière solidaire, parce qu’elles ont introduit le pourvoi conjointement (98).

151. La solution à retenir pour les dépens de la Commission doit s’écarter de ce qui précède. Cette institution, qui était intervenue à la procédure de première instance à l’appui des conclusions du Parlement et du Conseil, a également participé par écrit et oralement à l’instance de pourvoi. Conformément à l’article 184, paragraphe 4, deuxième phrase, du règlement de procédure, la Cour peut condamner une telle partie à supporter ses propres dépens.

152. Il apparaît certes de son libellé («peut») que cette disposition n’exclut aucunement que la Cour statue dans un sens différent lorsqu’elle le juge approprié et qu’elle condamne la partie requérante au pourvoi qui a succombé à supporter également les dépens de la partie intervenante adverse en première instance lorsque celle-ci, comme la Commission en l’espèce, a prospéré en ses conclusions en instance de pourvoi (99). Dans la présente affaire, cependant, il me paraît approprié de nous en tenir à la règle énoncée à l’article 184, paragraphe 4, deuxième phrase, du règlement de procédure, parce que le présent pourvoi a permis de tirer au clair une question de principe qui présente, pour la Commission, un intérêt institutionnel considérable qui va bien au-delà des éléments de l’espèce. Il serait, par conséquent, tout à fait équitable que la Commission supporte ses propres dépens.

153. En ce qui concerne, finalement, le Royaume des Pays-Bas, qui était, lui aussi, intervenu en première instance à l’appui des conclusions du Parlement et du Conseil, il ne saurait être condamné aux dépens comme l’ont demandé les parties requérantes, parce qu’il n’a pas participé à la procédure de pourvoi (article 184, paragraphe 4, première phrase, du règlement de procédure).

VI – Conclusion

154. Eu égard aux considérations qui précèdent, nous proposons à la Cour de statuer comme suit:

1)      Le pourvoi est rejeté.

2)      La Commission européenne supporte ses propres dépens.

3)      Pour le surplus, les parties requérantes au pourvoi supporteront solidairement les dépens de la procédure.


1 – Langue originale: l’allemand.


2 –      Arrêt du 15 juillet 1963 (25/62, Rec. p. 197).


3 – Arrêt du 25 juillet 2002 (C‑50/00 P, Rec. p. I‑6677).


4 – Arrêt du 1er avril 2004 (C‑263/02 P, Rec. p. I‑3425).


5 – Elle sera prochainement amenée à se prononcer sur la notion de «mesures d’exécution», également visée à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, quand elle statuera dans l’affaire Telefónica/Commission (C‑274/12 P).


6 – JO L 286, p. 36.


7 – Les Inuits sont un groupe ethnique habitant principalement les régions arctiques et subarctiques du centre et du nord-est du Canada, l’Alaska, le Groenland et certaines régions de la Russie. Le terme «Esquimau» parfois utilisé dans le langage quotidien désigne non seulement les Inuits, mais également d’autres groupes ethniques habitant l’arctique.


8 – Ordonnance Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil (T‑18/10, Rec. p. II‑5599).


9 – M. Efstathios Andreas Agathos, co-requérant en première instance, ne s’est pas associé au présent pourvoi.


10 –      Affaire Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Commission (T‑526/10, toujours pendante devant le Tribunal).


11 –      Règlement (UE) n° 737/2010 de la Commission, du 10 août 2010, portant modalités d’application du règlement (CE) n° 1007/2009 du Parlement européen et du Conseil sur le commerce des produits dérivés du phoque (JO L 216, p. 1).


12 – L’article 289, paragraphe 3, TFUE définit les actes législatifs comme étant des «actes juridiques adoptés par procédure législative».


13 –      Sur l’état de la question, voir, notamment, Dougan, M., «The Treaty of Lisbon 2007: Winning minds, not hearts», Common Market Law Review 45(2008), p. 617 à 703 (en particulier, 677 et suiv.); Lenaerts, K. «Le traité de Lisbonne et la protection juridictionnelle des particuliers en droit de l’Union», Cahiers de droit européen 2009, p. 711 à 745 (en particulier, 725 et suiv.); Görlitz, N., et Kubicki, P., «Rechtsakte ‘mit schwierigem Charakter’», Europäische Zeitschrift für Wirtschaftsrecht 2011, p. 248 à 254 (en particulier, 250 et suiv.); Hermann, C., «Individualrechtsschutz gegen Rechtsakte der EU ‘mit Verordnungscharakter’ nach dem Vertrag von Lissabon», Neue Zeitschrift für Verwaltungsrecht 2011, p. 1352 à 1357 (en particulier, 1354 et suiv.); Mazák, J., «Locus standi v konani o neplatnost’: Od Plaumannovho testu k regulačným aktom», Právník 150 (2011), p. 219 à 231 (223); Schwarze, J., «Rechtsschutz Privater gegen Rechtsakte mit Verordnungscharakter gemäß Art. 263 Abs. 4 Var. 3 AEUV», dans Müller-Graff, P.‑C., Schmahl, S., et Skouris, V. (éd.), Europäisches Recht zwischen Bewährung und Wandel – Festschrift für Dieter H. Scheuing, Baden-Baden, 2011, p. 190 à 207 (en particulier, 199 et suiv.); Everling, U., «Klagerecht Privater gegen Rechtsakte der EU mit allgemeiner Geltung», Europäische Zeitschrift für Wirtschaftsrecht 2012, p. 376 à 380 (en particulier, 378 et suiv.), ainsi que Wathelet, M., et Wildemeersch, J., «Recours en annulation: une première interprétation restrictive du droit d’action élargi des particuliers?», Journal de droit européen 2012, p. 75 à 79 (79).


14 –      Point 56 de l’ordonnance entreprise; voir à titre complémentaire points 42, 43 et 45 de celle-ci.


15 –      C’est le cas, en particulier, des versions allemande («Verordnung» et «Rechtsakt mit Verordnungscharakter»), anglaise («regulation» et «regulatory act»), française («règlement» et «acte réglementaire»), grecque («κανονισμός» et «κανονιστική πράξη»), irlandaise («rialachán» et «gníomh rialúcháin»), italienne («regolamento» et «atto regolamentare»), lettonne («regula» et «reglamentējošs akts»), lituanienne («reglamentas» et «reglamentuojančio pobūdžio teisės aktas»), maltaise («regolament» et «att regolatorju»), portugaise («regulamento» et «ato regulamentar» ou, dans l’ancienne orthographe, «acto regulamentar»), espagnole («reglamento» et «acto reglamentario») et hongroise («rendelet» et «rendeleti jellegű jogi aktus») de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE.


16 –      Tel est, par exemple, le cas des expressions qui figurent dans les versions bulgare («регламент» et «подзаконов акт»), danoise («forordning» et «regelfastsættende retsakt»), estonienne («määrus» et «üldkohaldatav akt»), finnoise («asetus» et «sääntelytoimi»), néerlandaise («verordening» et «regelgevingshandeling»), polonaise («rozporządzenie» et «akt regulacyjny»), roumaine («regulament» et «act normativ»), slovaque («nariadenie» et «regulačný akt»), slovène («uredba» et «predpis»), suédoise («förordning» et «regleringsakt») et tchèque («nařízení» et «akt s obecnou působností») de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, qui correspondent aux expressions «règlement» et «acte réglementaire».


17 – Jurisprudence constante; voir, notamment, arrêt du 6 octobre 1982, CILFIT e.a. (283/81, Rec. p. 3415, points 18 à 20).


18 –      Dans l’arrêt du 27 novembre 2012, Pringle (C‑370/12, point 135), la Cour se fonde, dans le même sens, sur les travaux préparatoires du traité de Maastricht.


19 – Voir arrêt du 25 octobre 2011, Microban International et Microban (Europe)/Commission (T‑262/10, Rec. p. II‑7697, point 32).


20 – Le point de savoir dans quelle mesure le droit fondamental à une protection juridictionnelle effective impose tout particulièrement de donner une interprétation large à l’expression «actes réglementaires» fait l’objet de la seconde branche du deuxième moyen. Nous l’étudierons lorsque nous analyserons celui-ci (aux points 105 à 124).


21 – Point 56, deuxième phrase, de l’ordonnance entreprise.


22 – Signé à Rome le 29 octobre 2004 (JO 2004, C 310, p. 1).


23 – Adoptée par la Convention européenne le 13 juin 2003 et le 10 juillet 2003, remise au président du Conseil européen à Rome le 18 juillet 2003.


24 – Secrétariat de la Convention européenne, rapport final du Cercle de discussion sur le fonctionnement de la Cour de justice (document CONV 636/03, point 22) et note de transmission du Présidium du 12 mai 2003 (document CONV 734/03, p. 20).


25 – Il semble qu’il n’existe des différences que dans cinq versions linguistiques de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, qui, pour l’expression «actes réglementaires» («üldkohaldatav akt» dans la version estonienne, «reglamentuojančio pobūdžio teisės aktas» dans la version lituanienne, «regulačný akt» dans la version slovaque, «predpis» dans la version slovène et «akt s obecnou působností» dans la version tchèque), utilisent une autre formulation que celle qui figurait dans l’article III‑365, paragraphe 4, du traité constitutionnel («õiguse üldakt» dans la version estonienne, «teisės aktas» dans la version lituanienne, «podzákonný právny akt» dans la version slovaque, «izvršilni akt» dans la version slovène et «podzákonný právní akt» dans la version tchèque).


26 –      Tel est, notamment, le cas des versions bulgare («подзаконов акт»), allemande («Rechtsakt mit Verordnungscharakter»), anglaise («regulatory act»), française («acte réglementaire»), grecque («κανονιστική πράξη»), irlandaise («gníomh rialúcháin»), italienne («atto regolamentare»), portugaise («ato regulamentar» ou, dans l’ancienne orthographe, «acto regulamentar»), slovaque («regulačný akt»), espagnole («acto reglamentario») et hongroise («rendeleti jellegű jogi aktus») de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE et probablement également des versions lettonne («reglamentējošs akts») et lituanienne («reglamentuojančio pobūdžio teisės aktas»). En revanche, les versions danoise («regelfastsættende retsakt»), estonienne («üldkohaldatav akt»), finnoise («sääntelytoimi»), maltaise («att regolatorju»), néerlandaise («regelgevingshandeling»), polonaise («akt regulacyjny»), roumaine («act normativ»), suédoise («regleringsakt»), slovène («predpis») et tchèque («akt s obecnou působností») semblent moins univoques.


27 –      Voir, à ce sujet, le mandat de la conférence intergouvernementale de 2007, mandat qui était fondé sur les directives du Conseil européen des 21 et 22 juin 2007 et dont le texte est reproduit dans le document no 11218/07 du Conseil, du 26 juin 2007. Le point 1 de ce mandat précise que: «le concept constitutionnel […] est abandonné».


28 –      Voir, à ce sujet, une fois encore le mandat de la conférence intergouvernementale de 2007, qui précise que les innovations résultant des travaux de la conférence intergouvernementale de 2004 (relatifs au traité constitutionnel) seront introduites dans les traités existants (points 1 et 4 du mandat). Dans l’alinéa introductif qui précède le point 1 du mandat, il est en outre souligné que celui-ci «constitue la base et le cadre exclusif des travaux de la conférence intergouvernementale».


29 –      Point 3 du mandat de la conférence intergouvernementale de 2007.


30 –      Point 19, sous v), du mandat de la conférence intergouvernementale de 2007 (mis en italique par nous).


31 –      Aucune tendance à assouplir la qualité pour agir des personnes physiques et morales ne peut être déduite des rares versions linguistiques dans lesquelles l’article III‑365, paragraphe 4, du traité constitutionnel et l’article 263, quatrième alinéa, TFUE sont différents (voir note 25 plus haut), parce que, pour l’expression «actes réglementaires» qui figure à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, ces versions utilisent des notions plus larges, pour certaines d’entre elles, ou plus étroites, pour les autres, que le traité constitutionnel.


32 –      Voir, à ce sujet, une fois encore les documents de la Convention européenne qui sont cités à la note 24.


33 –      Une telle procédure sui generis est prévue, par exemple, aux articles 31 TFUE, 43, paragraphe 3, TFUE, 45, paragraphe 3, sous d), TFUE, 66 TFUE, 103 TFUE, 109 TFUE, ainsi qu’à l’article 215, paragraphes 1 et 2, TFUE.


34 –      Voir, à ce sujet, une fois encore les exemples qui viennent d’être cités à la note 33.


35 –      Voir point 54 plus haut.


36 –      Arrêt précité à la note 3.


37 –      Arrêt précité à la note 4.


38 –      Pour plus de détails à ce sujet, voir points 116 à 123 des présentes conclusions.


39 –      Affaire Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Commission (T‑526/10).


40 –      Voir points 85, 86 et, à titre complémentaire, point 79 de l’ordonnance entreprise.


41 –      Voir, dans le même sens, arrêt Microban International et Microban (Europe)/Commission (déjà cité à la note 19, point 32).


42 –      Sur la première branche du premier moyen, voir points 30 à 47 des présentes conclusions.


43 –      Point 71 de l’ordonnance entreprise.


44 –      Arrêts du 5 mai 1998, Glencore Grain/Commission (C‑404/96 P, Rec. p. I‑2435, point 41); du 13 mars 2008, Commission/Infront WM (C‑125/06 P, Rec. p. I‑1451, point 47), et du 2 juillet 2009, Bavaria et Bavaria Italia (C‑343/07, Rec. p. I‑5491, point 43).


45 –      Dans une jurisprudence constante, les juridictions de l’Union ont, par exemple, reconnu que des concurrents étaient recevables à agir contre des décisions de la Commission autorisant des aides d’État (voir arrêts du 28 janvier 1986, Cofaz e.a./Commission, 169/84, Rec. p. 391, et du 22 novembre 2007, Espagne/Lenzing, C‑525/04 P, Rec. p. I‑9947, dans lesquels la Cour a admis comme allant de soi que les requérants étaient directement concernés) ou contre des décisions de la Commission autorisant des concentrations d’entreprises (voir arrêts du Tribunal du 3 avril 2003, BaByliss/Commission, T‑114/02, Rec. p. II‑1279, point 89, et du 30 septembre 2003, ARD/Commission, T‑158/00, Rec. p. II‑3825, point 60).


46 –      Arrêts du 23 novembre 1971, Bock/Commission (62/70, Rec. p. 897, points 6 à 8); du 17 janvier 1985, Piraiki-Patraiki e.a./Commission (11/82, Rec. p. 207, points 8 à 10), et du 5 mai 1998, Dreyfus/Commission (C‑386/96 P, Rec. p. I‑2309, point 44).


47 –      La présente affaire se distingue en cela de l’affaire Microban International et Microban (Europe)/Commission (arrêt précité à la note 19; voir, en particulier, point 28), dans laquelle il s’agissait de restrictions imposées par le droit de l’Union non seulement à la commercialisation d’un additif en tant que telle, mais également à son utilisation dans la fabrication d’autres produits.


48 –      Point 82 de l’ordonnance entreprise.


49 –      Lorsque nous l’avons interrogée à l’audience, Mme Aariak a déclaré qu’elle commercialisait les vêtements sur le marché intérieur européen en partie elle-même et en partie par le truchement d’intermédiaires.


50 –      Point 82 de l’ordonnance entreprise lu en combinaison avec ses points 76 à 79 (voir, en particulier, dernière phrase du point 78).


51 –      L’intérêt direct d’une personne ne dépend pas du point de savoir si elle peut déduire pour elle-même une obligation, une interdiction ou une permission d’un acte juridique de l’Union. Tout au plus, l’intérêt pour agir pourrait faire défaut aux fins d’un recours en annulation dans le cas de la permission si et dans la mesure où la personne concernée ne peut plus obtenir un avantage au moyen de son recours.


52 –      Voir, en ce sens, arrêt du 23 avril 2009, Sahlstedt e.a./Commission (C‑362/06 P, Rec. p. I‑2903, points 22 et 23).


53 –      Arrêts Plaumann/Commission (déjà cité à la note 2, p. 238); Piraiki-Patraiki e.a./Commission (déjà cité à la note 46, point 11); Unión de Pequeños Agricultores/Conseil (déjà cité à la note 3, point 36); Commission/Jégo-Quéré (déjà cité à la note 4, point 45); du 13 décembre 2005, Commission/Aktionsgemeinschaft Recht und Eigentum (C‑78/03 P, Rec. p. I‑10737, point 33); Commission/Infront WM (déjà cité à la note 44, point 70), et du 9 juin 2011, Comitato «Venezia vuole vivere» e.a./Commission (C‑71/09 P, C‑73/09 P et C‑76/09 P, Rec. p. I‑4727, point 52).


54 –      Voir points 89 et 90 de l’ordonnance entreprise.


55 –      Voir, dans le même sens, la jurisprudence constante; voir, notamment, arrêts Plaumann/Commission (déjà cité à la note 2, p. 238); Piraiki-Patraiki e.a./Commission (déjà cité à la note 46, point 14); du 29 janvier 1985, Binderer/Commission (147/83, Rec. p. 257, point 13); du 24 février 1987, Deutz und Geldermann/Conseil (26/86, Rec. p. 941, points 8 et 12); du 15 juin 1993, Abertal e.a./Commission (C‑213/91, Rec. p. I‑3177, points 17, 19 et 20); du 22 novembre 2001, Antillean Rice Mills/Conseil (C‑451/98, Rec. p. I‑8949, point 51), et Commission/Jégo-Quéré (déjà cité à la note 4, points 43 et 46).


56 –      Voir, à ce sujet, les explications que nous avons exposées à propos de la première branche du premier moyen (points 26 à 62 des présentes conclusions).


57 –      Voir à ce sujet, une fois encore, les documents déjà cités à la note 24 CONV 636/03 (points 17 à 23) et CONV 734/03 (p. 20 et suiv.).


58 –      La charte des droits fondamentaux de l’Union européenne a été proclamée solennellement une première fois le 7 décembre 2000 à Nice (JO 2000, C 364, p. 1) et une seconde fois le 12 décembre 2007 à Strasbourg (JO 2007, C 303, p. 1; JO 2010, C 83, p. 389, et JO 2012, C 326, p. 391).


59 –      Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales («CEDH»), signée à Rome le 4 novembre 1950.


60 –      Arrêts du 1er octobre 1991, Vidrányi/Commission (C‑283/90 P, Rec. p. I‑4339, point 29); du 9 décembre 2004, Commission/Greencore (C‑123/03 P, Rec. p. I‑11647, points 40 et 41); du 20 mai 2010, Gogos/Commission (C‑583/08 P, Rec. p. I‑4469, point 29); du 20 janvier 2011, General Química e.a./Commission (C‑90/09 P, Rec. p. I‑1, points 59 à 62), et ordonnances du 25 octobre 2007, Komninou e.a./Commission (C‑167/06 P, points 21 à 28), et du 5 mai 2011, Evropaïki Dynamiki/Commission (C‑200/10 P, points 33 et 43).


61 – Arrêts du 9 septembre 2008, FIAMM e.a./Conseil et Commission (C‑120/06 P et C‑121/06 P, Rec. p. I‑6513, point 96); du 16 juillet 2009, Commission/Schneider Electric (C‑440/07 P, Rec. p. I‑6413, point 135), et du 5 juillet 2011, Edwin/OHMI (C‑263/09 P, Rec. p. I‑5853, point 64).


62 – Dans les observations écrites que les requérants ont présentées en première instance sur l’exception d’irrecevabilité, la problématique du droit fondamental est exposée en cinq points sur 84 que comportait leur mémoire (ce qui représente une page sur 22), alors qu’elle n’était même pas abordée dans la requête.


63 – À ce sujet, voir directement ci-après nos explications sur la seconde branche du deuxième moyen (points 105 à 124 des présentes conclusions).


64 – Au point 51 de l’ordonnance entreprise, le Tribunal cite l’arrêt Commission/Jégo-Quéré (déjà cité à la note 4, point 36) et l’ordonnance du Tribunal du 9 janvier 2007, Lootus Teine Osaühing/Conseil (T‑127/05, point 50).


65 – On observera, à titre accessoire, que, dans le passage concerné du mémoire qu’ils ont présenté en première instance, l’Inuit Tapiriit Kanatami et ses co-requérants ne mentionnent même pas l’article 13 de la CEDH et qu’ils ne sauraient donc guère reprocher au Tribunal d’avoir négligé cette disposition.


66 – Arrêts du 7 juin 2007, Wunenburger/Commission (C‑362/05 P, Rec. p. I‑4333, point 80), et Gogos/Commission (déjà cité à la note 60, point 35).


67 –      Arrêts du 15 mai 1986, Johnston (222/84, Rec. p. 1651, point 18); Unión de Pequeños Agricultores/Conseil (déjà cité à la note 3, point 39); Commission/Jégo‑Quéré (déjà cité à la note 4, point 29); du 13 mars 2007, Unibet (C‑432/05, Rec. p. I‑2271, point 37); du 3 septembre 2008, Kadi et Al Barakaat International Foundation/Conseil et Commission (C‑402/05 P et C‑415/05 P, Rec. p. I‑6351, point 335), et du 22 décembre 2010, DEB (C‑279/09, Rec. p. I‑13849, point 29).


68 –      Arrêts Unión de Pequeños Agricultores/Conseil (déjà cité à la note 3, point 44) et Commission/Jégo-Quéré (déjà cité à la note 4, point 30).


69 –      Voir, à ce sujet, arrêts Unión de Pequeños Agricultores/Conseil (déjà cité à la note 3, en particulier points 37 à 40) et Commission/Jégo-Quéré (déjà cité à la note 4, points 29 et 30).


70 – Dans ces explications (JO 2007, C 303, p. 17, en particulier 29 et suiv.), on peut lire ce qui suit à propos de l’article 47 de la charte: «[…] l’inscription de [la] jurisprudence dans la charte n’avait pas pour objet de modifier le système de contrôle juridictionnel prévu par les traités, et notamment les règles relatives à la recevabilité des recours formés directement devant la Cour de justice de l’Union européenne. La Convention européenne a examiné le système de contrôle juridictionnel de l’Union, y compris les règles relatives à la recevabilité, et l’a confirmé tout en modifiant certains aspects, comme le reflètent les articles [251 TFUE à 281 TFUE], et notamment [l’article 263, quatrième alinéa, TFUE]. […]».


71 –      Les liens de parenté qui unissent l’article 47 de la charte aux articles 6 et 13 de la CEDH apparaissent clairement dans les explications sur la charte (que nous avons évoquées à la note 70). Dans la jurisprudence dans laquelle elle a reconnu que le droit à une protection juridictionnelle effective est un principe général du droit de l’Union, la Cour s’est elle aussi fondée de manière déterminante sur ces deux dispositions de la CEDH (voir, sur ce point, les arrêts cités à la note 67).


72 –      Les parties requérantes elles-mêmes n’ont pas cité un seul arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme qui irait en ce sens et elles ont reconnu n’en connaître aucun lorsqu’on les a interrogées sur ce point.


73 –      Voir points 39 à 46 des présentes conclusions.


74 –      Deuxième alinéa de la déclaration no 1 annexée à l’acte final de la Conférence intergouvernementale qui a adopté le traité de Lisbonne signé le 13 décembre 2007 (JO 2007, C 306, p. 249; JO 2008, C 115, p. 337; JO 2010, C 83, p. 339, et JO 2012, C 326, p. 339).


75 –      Voir, en ce sens, arrêts Unión de Pequeños Agricultores/Conseil (déjà cité à la note 3, point 45) ainsi que du 27 février 2007, Gestoras Pro Amnistía e.a./Conseil (C‑354/04 P, Rec. p. I‑1579, point 50, dernière phrase) et Segi e.a./Conseil (C‑355/04 P, Rec. p. I‑1657, point 50, dernière phrase).


76 –      Voir, en ce sens, arrêts Unión de Pequeños Agricultores/Conseil (déjà cité à la note 3, point 40); Commission/Jégo-Quéré (déjà cité à la note 4, point 30); du 30 mars 2004, Rothley e.a./Parlement (C‑167/02 P, Rec. p. I‑3149, point 46), et du 6 décembre 2005, Gaston Schul Douane-expediteur (C‑461/03, Rec. p. I‑10513, point 22).


77 –      Voir, en ce sens, avis 1/09, du 8 mars 2011 (Rec. p. I‑1137, point 66); voir en outre arrêts du 21 février 1991, Zuckerfabrik Süderdithmarschen et Zuckerfabrik Soest (C‑143/88 et C‑92/89, Rec. p. I‑415, point 16), et du 9 novembre 1995, Atlanta Fruchthandelsgesellschaft e.a. (C‑465/93, Rec. p. I‑3761, point 20), ainsi que la jurisprudence qui vient d’être citée à la note 76.


78 –      Arrêts Unión de Pequeños Agricultores/Conseil (déjà cité à la note 3, point 40); Commission/Jégo-Quéré (déjà cité à la note 4, point 30); du 29 juin 2010, E et F (C‑550/09, Rec. p. I‑6213, point 45), et du 27 novembre 2012, Pringle (C‑370/12, point 39).


79 –      L’obligation de saisir la Cour à titre préjudiciel ne s’impose pas seulement aux juridictions statuant en dernier ressort, mais, lorsque les conditions que la Cour a définies dans sa jurisprudence Foto-Frost (voir arrêts du 22 octobre 1987, Foto‑Frost, 314/85, Rec. p. 4199, points 12 à 19, et Gaston Schul Douane‑expediteur, déjà cité à la note 76, point 22) sont réunies, elle s’impose également aux juridictions dont les décisions sont susceptibles de recours en droit national.


80 –      Voir, par exemple, points 43 et 102 des conclusions que l’avocat général Jacobs a présentées le 21 mars 2002 dans l’affaire Unión de Pequeños Agricultores/Conseil (déjà citée à la note 3).


81 –      La Cour elle-même l’a reconnu dans sa jurisprudence (arrêt Unibet, déjà cité à la note 67, point 64), tout comme l’a fait la Convention européenne (voir les documents cités à la note 24).


82 –      La Cour a déjà évoqué cette possibilité dans l’arrêt Commission/Jégo-Quéré (déjà cité à la note 4, point 35).


83 –      Arrêts Unión de Pequeños Agricultores/Conseil (déjà cité à la note 3, point 40) et Commission/Jégo-Quéré (déjà cité à la note 4, point 30); sur l’obligation pour les juridictions nationales de saisir la Cour à titre préjudiciel en pareille situation, voir la jurisprudence Foto‑Frost précitée à la note 79.


84 –      Pour des exemples tirés de la pratique des juridictions des États membres, voir arrêts du 10 janvier 2006, IATA et ELFAA (C‑344/04, Rec. p. I‑403, point 19); du 8 juin 2010, Vodafone e.a. (C‑58/08, Rec. p. I‑4999, point 29), et du 9 novembre 2010, Volker und Markus Schecke et Eifert (C‑92/09 et C‑93/09, Rec. p. I‑11063, point 28); voir également, à propos de directives et de leur transposition en droit national, arrêts du 10 décembre 2002, British American Tobacco (Investments) et Imperial Tobacco (C‑491/01, Rec. p. I‑11453, point 24); du 6 décembre 2005, ABNA e.a. (C‑453/03, C‑11/04, C‑12/04 et C‑194/04, Rec. p. I‑10423, points 19, 25 et 34); du 8 juillet 2010, Afton Chemical (C‑343/09, Rec. p. I‑7027, point 8), et du 21 décembre 2011, Air Transport Association of America e.a. (C‑366/10, Rec. p. I‑13755, point 43).


85 –      Arrêt Unibet (déjà cité à la note 67, en particulier points 38 à 44); voir également arrêts Unión de Pequeños Agricultores/Conseil (déjà cité à la note 3, point 42) et Commission/Jégo-Quéré (déjà cité à la note 4, point 32).


86 –      Voir article 41, paragraphes 1 et 4, de la charte des droits fondamentaux et, à titre complémentaire, article 24, quatrième alinéa, TFUE.


87 –      Arrêts Zuckerfabrik Süderdithmarschen et Zuckerfabrik Soest (déjà cité à la note 77, points 17, 20 et 23 à 33) et Atlanta Fruchthandelsgesellschaft e.a. (déjà cité à la note 77, points 24, 25 et 32 à 51).


88 –      Dans la langue de procédure: «that the distinction between legislative and regulatory acts […] consists of adding the qualifier ‘legislative’ to the word ‘act’ with reference to the first two possibilities covered by the fourth paragraph of Article 263 TFEU».


89 – Arrêt du 1er juillet 2010, Knauf Gips/Commission (C‑407/08 P, Rec. p. I‑6375, points 30 et 31); voir, dans le même sens, arrêts Commission/Aktionsgemeinschaft Recht und Eigentum (déjà cité à la note 53, points 44 à 50) et du 29 novembre 2007, Stadtwerke Schwäbisch Hall e.a./Commission (C‑176/06 P, point 25).


90 –      Arrêts du 18 janvier 2007, PKK et KNK/Conseil (C‑229/05 P, Rec. p. I‑439, point 37); du 22 novembre 2007, Sniace/Commission (C‑260/05 P, Rec. p. I‑10005, point 37), et du 17 juin 2010, Lafarge/Commission (C‑413/08 P, Rec. p. I‑5361, point 17).


91 –      Voir les conclusions que nous avons présentées le 14 avril 2011 dans les affaires Solvay/Commission (C‑109/10 P, Rec. p. I‑10329, point 94), et Solvay/Commission (C‑110/10 P, Rec. p. I‑10439, points 126 et 131).


92 –      Voir, en particulier, point 17 de l’exception d’irrecevabilité soulevée par le Parlement et point 15 de celle du Conseil.


93 –      Voir, en particulier, point 30 de la réponse de l’Inuit Tapiriit Kanatami et de ses co‑requérants aux exceptions d’irrecevabilité soulevées par le Parlement et le Conseil.


94 –      À propos de l’argumentation que l’Inuit Tapiriit Kanatami et ses co-requérants ont développée en première instance, voir, en particulier, point 49 de leur réponse écrite aux exceptions d’irrecevabilité soulevées par le Parlement et le Conseil; sur l’argumentation identique en substance qu’elles ont articulée dans le cadre du pourvoi, voir point 53 des présentes conclusions.


95 –      Arrêts du 1er juin 2006, P&O European Ferries (Vizcaya) et Diputación Foral de Vizcaya/Commission (C‑442/03 P et C‑471/03 P, Rec. p. I‑4845, points 133 et 134), et du 1er février 2007, Sison/Conseil (C‑266/05 P, Rec. p. I‑1233, points 67 à 72); voir, dans le même sens, arrêt du Tribunal du 9 septembre 2010, Andreasen/Commission (T‑17/08 P, non encore publié au RecFP, point 76).


96 –      Voir, en ce sens, arrêts du 9 juin 1992, Lestelle/Commission (C‑30/91 P, Rec. p. I‑3755, point 28); Kadi et Al Barakaat International Foundation/Conseil et Commission (déjà cité à la note 67, point 233) et FIAMM e.a./Conseil et Commission (déjà cité à la note 61, point 189).


97 –      Conformément au principe général suivant lequel les nouvelles règles de procédure s’appliquent aux litiges pendants au moment de leur entrée en vigueur (jurisprudence constante; voir, notamment, arrêt du 12 novembre 1981, Meridionale Industria Salumi e.a., 212/80 à 217/80, Rec. p. 2735, point 9), la décision sur les dépens devra être rendue en l’espèce suivant les dispositions du règlement de procédure de la Cour du 25 septembre 2012, qui est entré en vigueur le 1er novembre 2012 (voir, en ce sens, arrêt du 6 décembre 2012, Commission/Verhuizingen Coppens, C‑441/11 P, points 83 à 85). Pour ce qui est du fond, le nouveau règlement de procédure ne comporte cependant aucune différence par rapport à l’article 69, paragraphe 2, lu en combinaison avec les articles 118 et 122, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour du 19 juin 1991.


98 –      Arrêt du 14 septembre 2010, Akzo Nobel Chemicals et Akcros Chemicals/Commission (C‑550/07 P, Rec. p. I‑8301, point 123); voir, dans le même sens, arrêt du 31 mai 2001, D et Suède/Conseil (C‑122/99 P et C‑125/99 P, Rec. p. I‑4319, point 65). Dans ce dernier cas, D et le Royaume de Suède avaient même engagé deux pourvois distincts, ce qui n’a pas empêché la Cour de les condamner solidairement aux dépens.


99 –      Voir, en ce sens, par exemple, arrêt du 19 juillet 2012, Conseil/Zhejiang Xinan Chemical Industrial Group (C‑337/09 P, point 112); dans cette affaire-là, le Conseil, qui avait introduit le pourvoi sans succès, avait notamment été condamné à supporter les dépens de l’Association des utilisateurs et distributeurs de l’agrochimie européenne (Audace), qui était intervenue contre lui en première instance et qui avait prospéré en ses moyens dans la procédure de pourvoi.