Language of document : ECLI:EU:C:2015:576

ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)

10 septembre 2015 (*)

«Renvoi préjudiciel – Environnement et protection de la santé humaine – Règlement (CE) no 1907/2006 (règlement REACH) – Articles 7, paragraphe 2, et 33 – Substances extrêmement préoccupantes présentes dans des articles – Obligations de notification et d’information – Calcul du seuil de 0,1 % masse/masse»

Dans l’affaire C‑106/14,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Conseil d’État (France), par décision du 26 février 2014, parvenue à la Cour le 6 mars 2014, dans la procédure

Fédération des entreprises du commerce et de la distribution (FCD),

Fédération des magasins de bricolage et de l’aménagement de la maison (FMB)

contre

Ministre de l’Écologie, du Développement durable et de lʼÉnergie,

LA COUR (troisième chambre),

composée de M. M. Ilešič, président de chambre, M. A. Ó Caoimh, Mme C. Toader, MM. E. Jarašiūnas et C. G. Fernlund (rapporteur), juges,

avocat général: Mme J. Kokott,

greffier: M. V. Tourrès, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 8 janvier 2015,

considérant les observations présentées:

–        pour la Fédération des entreprises du commerce et de la distribution (FCD) et la Fédération des magasins de bricolage et de l’aménagement de la maison (FMB), par Mes A. Gossement et A.‑L. Vigneron, avocats,

–        pour le gouvernement français, par MM. D. Colas et S. Menez ainsi que par Mme S. Ghiandoni, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement belge, par Mmes J. Van Holm et C. Pochet ainsi que par M. T. Materne, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement danois, par M. C. Thorning et Mme M. Wolff, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement allemand, par M. T. Henze et Mme K. Petersen, en qualité d’agents,

–        pour l’Irlande, par Mmes E. Creedon et G. Hodge ainsi que par M. T. Joyce, en qualité d’agents, assistés de M. B. Kennedy, SC, et de Mme G. Gilmore, BL,

–        pour le gouvernement grec, par Mmes K. Paraskevopoulou et V. Stroumpouli, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement autrichien, par Mme C. Pesendorfer, en qualité d’agent,

–        pour le gouvernement suédois, par Mmes A. Falk, C. Meyer‑Seitz, U. Persson et N. Otte Widgren ainsi que par MM. L. Swedenborg, E. Karlsson et F. Sjövall, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement norvégien, par M. K. B. Moen et Mme K. E. Bjørndal Kloster, en qualité d’agents,

–        pour la Commission européenne, par M. J.‑P. Keppenne et Mme K. Talabér‑Ritz, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 12 février 2015,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 7, paragraphe 2, et 33 du règlement (CE) no 1907/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 18 décembre 2006, concernant l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances (REACH), instituant une agence européenne des produits chimiques, modifiant la directive 1999/45/CE et abrogeant le règlement (CEE) no 793/93 du Conseil et le règlement (CE) no 1488/94 de la Commission ainsi que la directive 76/769/CEE du Conseil et les directives 91/155/CEE, 93/67/CEE, 93/105/CE et 2000/21/CE de la Commission (JO L 396, p. 1), tel que modifié par le règlement (UE) no 366/2011 de la Commission, du 14 avril 2011 (JO L 101, p. 12, ci‑après le «règlement REACH»).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant la Fédération des entreprises du commerce et de la distribution (FCD) et la Fédération des magasins de bricolage et de l’aménagement de la maison (FMB) au ministre de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie au sujet de la validité de l’avis aux opérateurs économiques sur l’obligation de communiquer des informations sur les substances contenues dans les articles en application des articles 7.2 et 33 du règlement no 1907/2006 (Reach) – Interprétation du seuil de 0,1 % (masse/masse) cité aux articles 7.2 et 33 (JORF du 8 juin 2011, p. 9763, ci‑après l’«avis du 8 juin 2011»).

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

3        Les considérants du règlement REACH énoncent:

«(1)      Le présent règlement devrait assurer un niveau élevé de protection de la santé humaine et de l’environnement ainsi que la libre circulation des substances, telles quelles ou contenues dans des mélanges ou des articles, tout en améliorant la compétitivité et l’innovation. [...]

(2)      Le fonctionnement efficace du marché intérieur des substances ne peut être assuré que s’il n’existe pas, d’un État membre à l’autre, de différences significatives entre les exigences applicables aux substances.

(3)      Un niveau élevé de protection de la santé humaine et de l’environnement devrait être assuré dans le cadre du rapprochement des dispositions législatives relatives aux substances, dans le but de parvenir à un développement durable. Cette législation devrait être appliquée d’une manière non discriminatoire, que les substances fassent l’objet d’échanges dans le marché intérieur ou au niveau international dans le respect des engagements internationaux de la Communauté.

[...]

(12)      Un objectif important du nouveau système établi par le présent règlement est d’inciter et, dans certains cas, de veiller à ce que les substances très préoccupantes soient remplacées à terme par des substances ou des technologies moins dangereuses lorsque des solutions de remplacement appropriées économiquement et techniquement viables existent. [...]

[...]

(21)      Bien que les informations fournies sur les substances grâce à l’évaluation devraient être utilisées en premier lieu par les fabricants et les importateurs pour gérer les risques liés à leurs substances, ces informations peuvent également être exploitées pour lancer les procédures d’autorisation ou de restriction au titre du présent règlement ou des procédures de gestion des risques au titre d’autres actes législatifs communautaires. Il convient, par conséquent, de veiller à ce que ces informations soient à la disposition des autorités compétentes et qu’elles puissent être utilisées par lesdites autorités aux fins de ces procédures.

[...]

(29)      Étant donné que les producteurs et les importateurs d’articles devraient être responsables de leurs articles, il convient d’imposer une obligation d’enregistrement concernant les substances qui sont destinées à être rejetées par des articles et qui n’ont pas été enregistrées à cet effet. Dans le cas de substances extrêmement préoccupantes présentes dans des articles dans des quantités ou des concentrations supérieures aux seuils prévus, si une exposition à la substance ne peut pas être exclue et si personne n’a enregistré la substance pour cette utilisation, il convient d’en informer l’Agence [européenne des produits chimiques (ECHA)]. [...]

[...]

(34)      Les exigences relatives à la production d’informations sur les substances devraient être modulées en fonction des quantités dans lesquelles les substances sont fabriquées ou importées, car ces quantités donnent une indication du risque d’exposition de l’être humain et de l’environnement à ces substances, et devraient faire l’objet d’une description détaillée. Pour réduire les éventuelles répercussions sur les substances présentes en faibles quantités, les informations toxicologiques et écotoxicologiques devraient uniquement être exigées pour les substances prioritaires dont les quantités sont comprises entre une et dix tonnes. Pour les autres substances présentes dans des quantités comprises dans cet intervalle, il conviendrait de prévoir des mesures d’incitation pour encourager les fabricants et les importateurs à fournir ces informations.

[...]

(56)      La responsabilité de la gestion des risques liés aux substances qui incombe aux fabricants ou aux importateurs suppose notamment la communication d’informations sur ces substances à d’autres professionnels, tels que les utilisateurs en aval ou les distributeurs. En outre, les producteurs ou les importateurs d’articles devraient fournir des informations concernant l’utilisation en toute sécurité des articles aux utilisateurs industriels et professionnels, ainsi qu’aux consommateurs à la demande. Cette importante responsabilité devrait s’appliquer également tout au long de la chaîne d’approvisionnement pour permettre à tous les acteurs de s’acquitter de leurs obligations en matière de gestion des risques résultant de l’utilisation de substances.

[...]

(58)      En vue d’établir une chaîne de responsabilités, les utilisateurs en aval devraient être responsables de l’évaluation des risques résultant des utilisations auxquelles ils affectent les substances si ces utilisations ne sont pas couvertes par une fiche de données de sécurité communiquée par leurs fournisseurs, à moins que l’utilisateur en aval concerné ne prenne plus de mesures de protection que son fournisseur n’en recommande ou à moins que son fournisseur ne soit pas tenu d’évaluer ces risques ou de lui fournir des informations sur ces risques. Pour la même raison, les utilisateurs en aval devraient gérer les risques résultant des utilisations auxquelles ils affectent les substances. Il convient, en outre, que tout producteur ou tout importateur d’un article contenant une substance extrêmement préoccupante fournisse des informations suffisantes pour permettre l’utilisation dudit article en toute sécurité.

[...]

(63)      Il est également nécessaire de veiller à ce que la production d’informations soit adaptée aux besoins réels en informations. [...] En coopération avec les États membres, l’Agence devrait donner la priorité à certaines substances, en particulier celles qui peuvent être extrêmement préoccupantes.

[...]

(69)      Pour assurer un niveau suffisamment élevé de protection de la santé humaine, y compris en ce qui concerne les groupes de population humaine concernés et, éventuellement, certaines sous‑populations vulnérables, et de l’environnement, il convient, conformément au principe de précaution, d’accorder une attention particulière aux substances extrêmement préoccupantes. Il convient d’octroyer l’autorisation lorsque les personnes physiques ou morales qui la demandent apportent la preuve à l’autorité octroyant l’autorisation que les risques qu’entraîne l’utilisation de la substance pour la santé humaine ou l’environnement sont valablement maîtrisés. Dans le cas contraire, l’utilisation peut néanmoins être autorisée s’il peut être démontré que les avantages socio‑économiques qu’offre l’utilisation de la substance en cause l’emportent sur les risques liés à son utilisation et qu’il n’existe pas de substances ou de technologies de remplacement appropriées qui soient économiquement et techniquement viables. Eu égard à l’impératif de bon fonctionnement du marché intérieur, il convient que la Commission soit l’autorité octroyant les autorisations.

(70)      Il conviendrait d’éviter les effets néfastes sur la santé humaine et l’environnement des substances très préoccupantes en appliquant des mesures de gestion des risques appropriées pour faire en sorte que tout risque lié à l’utilisation d’une substance soit valablement maîtrisé, le but étant de remplacer progressivement ces substances par des substances plus sûres appropriées. Les mesures de gestion des risques devraient être appliquées pour faire en sorte que, lorsque des substances sont fabriquées, mises sur le marché et utilisées, l’exposition à ces substances, notamment celle liée aux rejets, aux émissions et aux fuites, tout au long de leur cycle de vie, reste inférieure au seuil sous lequel les effets néfastes ne sont pas susceptibles d’avoir lieu. [...]

[...]

(117) Les citoyens de l’Union européenne devraient avoir accès à des informations sur les substances auxquelles ils risquent d’être exposés, afin de pouvoir prendre, en connaissance de cause, des décisions sur l’utilisation qu’ils souhaitent faire de ces substances. Un moyen transparent de réaliser cet objectif consiste à assurer aux citoyens un accès gratuit et aisé aux données de base contenues dans la base de données de l’Agence, y compris des descriptions succinctes de propriétés dangereuses, les exigences en matière d’étiquetage et la législation communautaire pertinente, notamment les utilisations autorisées et les mesures de gestion des risques. [...]

[...]

(130) Étant donné que les objectifs du présent règlement, à savoir d’arrêter des règles applicables aux substances et d’instituer une agence européenne des produits chimiques, ne peuvent pas être réalisés de manière suffisante par les États membres et peuvent donc être mieux réalisés au niveau communautaire, la Communauté peut prendre des mesures, conformément au principe de subsidiarité consacré à l’article 5 du traité. Conformément au principe de proportionnalité tel qu’énoncé audit article, le présent règlement n’excède pas ce qui est nécessaire pour atteindre ces objectifs.»

4        L’article 1er du règlement REACH, intitulé «Objet et champ d’application», prévoit, à son paragraphe 1:

«Le présent règlement vise à assurer un niveau élevé de protection de la santé humaine et de l’environnement, y compris la promotion de méthodes alternatives pour l’évaluation des dangers liés aux substances, ainsi que la libre circulation des substances dans le marché intérieur tout en améliorant la compétitivité et l’innovation.»

5        L’article 2 de ce règlement, intitulé «Application», énonce, à son paragraphe 2:

«Les déchets tels que définis dans la [directive 2006/12/CE du Parlement européen et du Conseil, du 5 avril 2006, relative aux déchets (JO L 114, p. 9),] ne sont pas une substance, un mélange ou un article au sens de l’article 3 du présent règlement.»

6        L’article 3 dudit règlement, intitulé «Définitions», contient les définitions suivantes:

«Aux fins du présent règlement, on entend par:

1)      ‘substance’: un élément chimique et ses composés à l’état naturel ou obtenus par un processus de fabrication, y compris tout additif nécessaire pour en préserver la stabilité et toute impureté résultant du processus mis en œuvre, mais à l’exclusion de tout solvant qui peut être séparé sans affecter la stabilité de la substance ou modifier sa composition;

2)      ‘mélange’: un mélange ou une solution composés de deux substances ou plus;

3)      ‘article’: un objet auquel sont donnés, au cours du processus de fabrication, une forme, une surface ou un dessin particuliers qui sont plus déterminants pour sa fonction que sa composition chimique;

4)      ‘producteur d’un article’: toute personne physique ou morale qui fabrique ou assemble un article dans la Communauté;

[...]

7)      ‘déclarant’: le fabricant ou l’importateur d’une substance ou le producteur d’un article soumettant une demande d’enregistrement pour une substance;

[...]

10)      ‘importation’: l’introduction physique sur le territoire douanier de la Communauté;

11)      ‘importateur’: toute personne physique ou morale établie dans la Communauté qui est responsable de l’importation;

12)      ‘mise sur le marché’: le fait de fournir un produit ou de le mettre à la disposition d’un tiers, à titre onéreux ou non. Toute importation est assimilée à une mise sur le marché;

[...]

33)      ‘fournisseur d’un article’: tout producteur ou tout importateur d’un article, tout distributeur ou tout autre acteur de la chaîne d’approvisionnement qui met un article sur le marché;

[...]

35)      ‘destinataire d’un article’: un utilisateur industriel ou professionnel, ou un distributeur, auquel est fourni un article; cette définition n’inclut pas les consommateurs;

[...]»

7        L’article 6 du règlement REACH, intitulé «Obligation générale d’enregistrement de substances telles quelles ou contenues dans des mélanges», prévoit, à son paragraphe 1:

«Sauf disposition contraire du présent règlement, tout fabricant ou importateur d’une substance, telle quelle ou contenue dans un ou plusieurs mélange(s), en quantités de 1 tonne ou plus par an, soumet une demande d’enregistrement à l’Agence.»

8        L’article 7 de ce règlement, intitulé «Enregistrement et notification des substances contenues dans des articles», est libellé comme suit:

«1.      Tout producteur ou importateur d’articles soumet une demande d’enregistrement à l’Agence pour toute substance contenue dans ces articles, si toutes les conditions suivantes sont remplies:

a)      la substance est présente dans ces articles dans des quantités supérieures au total à 1 tonne par producteur ou importateur par an;

b)      la substance est destinée à être rejetée dans des conditions normales ou raisonnablement prévisibles d’utilisation.

Toute demande d’enregistrement est accompagnée de la redevance exigée conformément au titre IX.

2.      Tout producteur ou importateur d’articles notifie à l’Agence conformément au paragraphe 4 du présent article, si une substance répond aux critères énoncés à l’article 57 et est identifiée conformément à l’article 59, paragraphe 1, si les deux conditions suivantes sont remplies:

a)      la substance est présente dans ces articles dans des quantités supérieures au total à 1 tonne par producteur ou importateur par an;

b)      la substance est présente dans ces articles dans une concentration supérieure à 0,1 % masse/masse (w/w).

3.      Le paragraphe 2 n’est pas applicable lorsque le producteur ou l’importateur peut exclure l’exposition des êtres humains et de l’environnement dans des conditions normales ou raisonnablement prévisibles d’utilisation, y compris l’élimination. Dans de tels cas, le producteur ou l’importateur fournit des instructions appropriées au destinataire de l’article.

[...]

6.      Les paragraphes 1 à 5 ne sont pas applicables aux substances qui ont déjà été enregistrées pour cette utilisation.

[...]»

9        L’article 10 dudit règlement énumère les informations à transmettre à des fins générales d’enregistrement.

10      Aux termes de l’article 33 du règlement REACH, intitulé «Obligation de communiquer des informations sur les substances contenues dans des articles»:

«1.      Tout fournisseur d’un article contenant une substance répondant aux critères énoncés à l’article 57 et identifiée conformément à l’article 59, paragraphe 1, avec une concentration supérieure à 0,1 % masse/masse (w/w), fournit au destinataire de l’article des informations suffisantes dont il dispose pour permettre l’utilisation dudit article en toute sécurité et comprenant, au moins, le nom de la substance.

2.      Sur demande d’un consommateur, tout fournisseur d’un article contenant une substance répondant aux critères énoncés à l’article 57 et identifiée conformément à l’article 59, paragraphe 1, avec une concentration supérieure à 0,1 % masse/masse (w/w), fournit au consommateur des informations suffisantes dont il dispose pour permettre l’utilisation dudit article en toute sécurité et comprenant, au moins, le nom de la substance.

Les informations pertinentes sont fournies, gratuitement, dans les quarante‑cinq jours qui suivent la réception de la demande.»

11      L’article 55 de ce règlement, intitulé «But de l’autorisation et examen des solutions de remplacement», énonce:

«Le but du présent titre est d’assurer le bon fonctionnement du marché intérieur tout en garantissant que les risques résultant de substances extrêmement préoccupantes seront valablement maîtrisés et que ces substances seront progressivement remplacées par d’autres substances ou technologies appropriées, lorsque celles‑ci sont économiquement et techniquement viables. À cette fin, l’ensemble des fabricants, des importateurs et des utilisateurs en aval qui demandent une autorisation analysent la disponibilité de solutions de remplacement et examinent les risques qu’elles comportent ainsi que leur faisabilité technique et économique.»

12      L’article 57 dudit règlement, intitulé «Substances à inclure dans l’annexe XIV», prévoit:

«Les substances suivantes peuvent être incluses dans l’annexe XIV conformément à la procédure prévue à l’article 58:

a)      les substances répondant aux critères de classification comme substances cancérogènes, de catégorie 1A ou 1B, conformément à l’annexe I, section 3.6, du règlement (CE) no 1272/2008 [du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2008, relatif à la classification, à l’étiquetage et à l’emballage des substances et des mélanges, modifiant et abrogeant les directives 67/548/CEE et 1999/45/CE et modifiant le règlement no 1907/2006 (JO L 353, p. 1)];

b)      les substances répondant aux critères de classification comme substances mutagènes sur les cellules germinales, de catégorie 1A ou 1B, conformément à l’annexe I, section 3.5, du règlement [...] no 1272/2008;

c)      les substances répondant aux critères de classification comme substances toxiques pour la reproduction, de catégorie 1A ou 1B, ayant des effets néfastes sur la fonction sexuelle et la fertilité ou sur le développement, conformément à l’annexe I, section 3.7, du règlement [...] no 1272/2008;

d)      les substances qui sont persistantes, bioaccumulables et toxiques conformément aux critères énoncés à l’annexe XIII du présent règlement;

e)      les substances qui sont très persistantes et très bioaccumulables, conformément aux critères énoncés à l’annexe XIII du présent règlement;

f)      les substances, – telles que celles possédant des propriétés perturbant le système endocrinien ou celles possédant des propriétés persistantes, bioaccumulables et toxiques ou très persistantes et très bioaccumulables, qui ne remplissent pas les critères visés aux points d) ou e) – pour lesquelles il est scientifiquement prouvé qu’elles peuvent avoir des effets graves sur la santé humaine ou l’environnement qui suscitent un niveau de préoccupation équivalent à celui suscité par l’utilisation d’autres substances énumérées aux points a) à e) et qui sont identifiées, au cas par cas, conformément à la procédure prévue à l’article 59.»

13      L’article 59 du même règlement prévoit une procédure pour l’identification des substances visées à l’article 57.

14      Aux termes de l’article 77 du règlement REACH, intitulé «Tâches»:

«1.      L’Agence fournit aux États membres et aux institutions de la Communauté les meilleurs conseils scientifiques et/ou techniques possibles sur les questions relatives aux produits chimiques qui relèvent de sa compétence et qui lui sont soumises conformément aux dispositions du présent règlement.

2.      Les tâches du secrétariat sont les suivantes:

[...]

g)      fournir, le cas échéant, des orientations et des outils techniques et scientifiques pour assurer une bonne mise en œuvre du présent règlement, en particulier pour assister l’élaboration des rapports sur la sécurité chimique (conformément à l’article 14, à l’article 31, paragraphe 1, et à l’article 37, paragraphe 4), et l’application de l’article 10, point a), sous viii), de l’article 11, paragraphe 3, et de l’article 19, paragraphe 2, et fournir des orientations techniques et scientifiques aux producteurs et aux importateurs d’articles pour l’application de l’article 7;

h)      fournir aux autorités compétentes des États membres des orientations techniques et scientifiques concernant la mise en œuvre du présent règlement et apporter un soutien aux services d’assistance technique établis par les États membres en application du titre XIII;

i)      fournir des orientations aux parties intéressées ainsi qu’aux autorités compétentes des États membres sur la communication au public d’informations sur les risques et l’utilisation, en toute sécurité, de substances telles quelles ou contenues dans des mélanges ou des articles;

[...]

k)      élaborer des informations explicatives sur le présent règlement à l’intention d’autres parties intéressées;

[...]

m)      tenir un manuel des décisions et des avis fondés sur les conclusions du comité des États membres concernant l’interprétation et la mise en œuvre du présent règlement;

[...]»

 La note de la Commission du 4 février 2011

15      Il ressort d’un document CA/26/2011 des services de la Commission européenne du 4 février 2011, intitulé «Mise à jour de l’avis de la Commission – Substances dans des articles», adressé aux autorités nationales compétentes que «la Commission est parvenue à la conclusion que les objets, qui, à une certaine étape de leur cycle de vie, répondent à la définition d’un article au sens du règlement REACH, cessent d’être des articles individuels et deviennent des composants une fois qu’ils ont été assemblés dans un autre article. C’est la raison pour laquelle les obligations visées aux articles 7, paragraphe 2, et 33 ne s’appliquent qu’à l’égard de tels articles assemblés et non à celui de ses composants individuels».

 Le guide de l’ECHA

16      Le guide des exigences applicables aux substances contenues dans des articles, publié par l’ECHA, du 1er avril 2011 (ci‑après le «guide de l’ECHA»), dans son chapitre 4, traite de la détermination de la concentration d’une substance extrêmement préoccupante inscrite sur la liste des substances candidates, contenue dans des articles avec différents composants.

17      La section 4.4 du guide de l’ECHA, intitulée «Détermination de la concentration d’une substance [extrêmement préoccupante] inscrite sur la liste des substances candidates, contenue dans des articles avec différents composants», est rédigée comme suit:

«Une substance [extrêmement préoccupante] inscrite sur la liste des substances candidates peut être contenue dans différentes concentrations dans divers composants du même article, par [exemple], une concentration dans le châssis d’un ordinateur portable et une autre dans le transformateur. Pour que les obligations conformément à l’article 7, paragraphe 2, et à l’article 33 s’appliquent, la concentration de cette substance [extrêmement préoccupante] doit dépasser 0,1 % (m/m) dans l’article tout entier comme cela a été identifié au chapitre 2. Afin de vérifier cette condition en premier lieu, il convient de connaître pour chaque composant s’il contient ou non la substance [extrêmement préoccupante] dans une concentration supérieure à 0,1 % (m/m) (si cette information n’est pas encore disponible, elle peut être obtenue par différents moyens comme le décrit le chapitre 5).»

 Le droit français

18      Aux termes de l’avis du 8 juin 2011:

«En référence à la publication du 1er avril 2011, sur le site de l’[ECHA] (http://guidance.echa.europa.eu/docs/guidance_document/articles_en.pdf), du guide révisé concernant l’application du [règlement REACH] aux substances contenues dans les articles et plus précisément à la note du directeur exécutif jointe à ce guide signalant qu’il n’a pas fait l’objet d’un consensus parmi tous les États membres de l’Union européenne/Espace économique européen, les autorités françaises informent par le présent avis les opérateurs économiques de l’interprétation adoptée en France en vue de l’application des articles 7.2 et 33 du [règlement REACH].

Elles précisent que la notion d’article s’entend comme chaque objet répondant à la définition d’article au sens de [REACH], c’est‑à‑dire ‘auquel sont donnés, au cours du processus de fabrication, une forme, une surface ou un dessin particuliers qui sont plus déterminants pour sa fonction que sa composition chimique’ (article 3.3). Ainsi, un article peut être composé d’un ou plusieurs objets répondant à la définition d’article, et les dispositions prévues par les articles 7.2 et 33 s’appliquent alors à chacun d’eux.

[...]

C’est sur la base de ces éléments que les autorités françaises appliqueront les dispositions des articles 7.2 et 33. Des contrôles seront progressivement mis en œuvre afin de vérifier le respect de ces dispositions dans une approche pragmatique et proportionnée aux enjeux sanitaires et environnementaux.»

 Le litige au principal et la question préjudicielle

19      Par requête du 5 décembre 2011, FCD et FMB ont saisi le Conseil d’État d’un recours contre l’avis du 8 juin 2011. Elles ont soutenu que cet avis repose sur une interprétation de la notion d’article qui n’est pas conforme à la note de la Commission du 4 février 2011 ni au guide de l’ECHA. Cette juridiction considère que la réponse aux moyens soulevés par FCD et FMB dépend de la question de savoir si, en présence d’un article composé de plusieurs éléments répondant eux‑mêmes à la définition de l’article donnée par le règlement REACH, les obligations résultant des dispositions des articles 7, paragraphe 2, et 33 de ce règlement s’appliquent seulement à l’égard de l’article assemblé ou si elles s’imposent pour chacun de ces éléments.

20      Dans ces conditions, le Conseil d’État a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:

«Les obligations résultant du [paragraphe] 2 de l’article 7 et de l’article 33 du règlement [REACH] s’appliquent‑elles, lorsqu’un ‘article’ au sens de ce règlement est composé de plusieurs éléments répondant eux‑mêmes à la définition de l’‘article’ qu’il donne, seulement à l’égard de l’article assemblé ou à l’égard de chacun des éléments qui répondent à la définition de l’‘article’?»

 Observations liminaires

 Sur l’objet de la présente procédure

21      FCD et FMB soulignent que le litige au principal a pour origine l’interprétation dissidente du règlement REACH adoptée par la République française dans son avis du 8 juin 2011. Après la publication de cet avis, la Commission a examiné l’existence d’un éventuel manquement de la part de cet État membre. Au terme de son analyse, la Commission a adressé à la République française une lettre de mise en demeure le 21 juin 2012 dans le cadre de la procédure 2012/2109.

22      Au mois de juillet 2013, les gouvernements français, belge, danois, allemand, suédois et norvégien ont publié un guide destiné aux fournisseurs d’articles. Il ressort de ce guide qu’une même information quant à la présence de substances inscrites sur la liste des substances candidates à autorisation doit être fournie, que l’article soit vendu séparément ou comme une partie d’un article assemblé à partir de plusieurs articles. Le guide précise (note 3, p. 6) que les États coauteurs, ainsi que la République d’Autriche, n’acceptent pas l’interprétation dudit règlement donnée par l’ECHA dans son guide.

23      FCD et FMB estiment que l’interprétation contenue dans l’avis du 8 juin 2011 est manifestement contraire à celle avancée, dès l’année 2007, par la Commission et l’ECHA. Or, les règles instaurées par le règlement REACH nécessiteraient d’être définies et mises en application au niveau de l’Union. Ce règlement aurait expressément confié à la Commission et à l’ECHA la mission d’agir pour la mise en œuvre effective des dispositions qu’il instaure. À cet égard, FCD et FMB rappellent que l’article 77 dudit règlement prévoit expressément que l’ECHA peut fournir des orientations techniques et scientifiques aux producteurs et aux importateurs d’articles pour l’application de l’article 7 du même règlement et élaborer des informations explicatives sur cet article à l’intention des parties intéressées. L’interprétation dissidente des autorités françaises constituerait un obstacle à la mise en œuvre uniforme du règlement REACH et porterait atteinte à la sécurité juridique ainsi qu’au bon fonctionnement du marché intérieur et à la concurrence loyale entre opérateurs économiques.

24      La Commission fait valoir que les divergences d’interprétation et d’application dudit règlement par la République française et certains autres États membres compromettent l’unicité de l’ordre juridique de l’Union et portent atteinte aux principes de sécurité juridique et de confiance légitime ainsi qu’au bon fonctionnement du marché intérieur. La Commission relève ainsi que l’article 33 du même règlement harmonise de manière exhaustive au niveau de l’Union l’obligation de communiquer des informations sur les substances contenues dans des articles. Afin de pouvoir déroger à cette disposition, il incomberait aux autorités françaises d’apporter la preuve de l’existence de justifications liées à des motifs de protection de la santé publique et/ou de l’environnement, conformément à l’article 114, paragraphes 4 à 9, TFUE.

25      Il ressort de ces observations que FCD et FMB ainsi que la Commission invitent la Cour à statuer sur la conformité de l’avis du 8 juin 2011 avec le droit de l’Union. Or, selon une jurisprudence constante de la Cour, il n’appartient pas à cette dernière de se prononcer, dans le cadre d’une procédure introduite en application de l’article 267 TFUE, sur la compatibilité de normes de droit interne avec le droit de l’Union ni d’interpréter des dispositions législatives ou réglementaires nationales (voir, en ce sens, notamment, arrêt Vueling Airlines, C‑487/12, EU:C:2014:2232, point 26 et jurisprudence citée). La Cour est compétente pour fournir à la juridiction de renvoi tous les éléments d’interprétation relevant du droit de l’Union qui peuvent permettre à celle‑ci d’apprécier une telle compatibilité pour le jugement de l’affaire dont elle est saisie (arrêt Transportes Urbanos y Servicios Generales, C‑118/08, EU:C:2010:39, point 23 et jurisprudence citée).

26      En l’occurrence, la Cour est appelée non pas à statuer sur la compatibilité du droit interne avec le droit de l’Union, mais à fournir à la juridiction de renvoi des éléments d’interprétation du règlement REACH, afin de lui permettre d’apprécier si, en vertu du droit de l’Union, elle est tenue d’écarter l’application de règles nationales relatives à l’interprétation de ce règlement. La Cour n’est donc pas saisie de la question de savoir si, en adoptant l’avis du 8 juin 2011, les autorités françaises ont enfreint leurs obligations au regard du droit de l’Union.

27      Par ailleurs, le fait que l’interprétation dudit règlement donnée par les autorités françaises dans l’avis du 8 juin 2011 soit contraire à celle adoptée par l’ECHA dans son guide ainsi qu’à celle communiquée par la Commission aux États membres une première fois au cours de l’année 2007, puis, une seconde fois, au cours de l’année 2011, n’est pas pertinent aux fins de la présente procédure au titre de l’article 267 TFUE.

28      Il est vrai que l’article 77, paragraphe 2, du règlement REACH confère au secrétariat de l’ECHA la tâche, notamment, «de fournir, le cas échéant, des orientations et des outils techniques et scientifiques pour assurer une bonne mise en œuvre [de ce règlement], en particulier pour [...] fournir des orientations techniques et scientifiques aux producteurs et aux importateurs d’articles pour l’application de l’article 7» et d’«élaborer des informations explicatives sur [ledit règlement] à l’intention d’autres parties intéressées». Compte tenu de cette volonté du législateur, un document tel que le guide de l’ECHA peut faire partie des éléments susceptibles d’être pris en considération aux fins de l’interprétation du même règlement. Toutefois, en dépit du caractère scientifique et technique des aspects relatifs aux substances chimiques qui sont régis par le règlement REACH, un document de cette nature demeure purement explicatif. L’interprétation qu’il donne des dispositions de ce règlement est dépourvue de toute portée normative. En effet, ce document élaboré par l’ECHA ne figure pas parmi les actes juridiques de l’Union mentionnés à l’article 288 TFUE et ne saurait avoir un caractère juridiquement contraignant (voir, par analogie, arrêt Chemische Fabrik Kreussler, C‑308/11, EU:C:2012:548, point 23).

29      Cette absence de caractère juridiquement contraignant ressort d’ailleurs expressément d’un point liminaire du guide de l’ECHA, intitulé «Avis juridique». Ce point précise que «le texte du règlement REACH constitue l’unique référence juridique authentique et que les informations contenues dans le présent document n’ont pas valeur d’avis juridique» et que «[l’ECHA] décline toute responsabilité quant à son contenu». Il ressort en outre d’un «avis au lecteur» que ce guide «n’a pas été soutenu pleinement par les autorités nationales des États membres [...] consultés au stade de sa consultation finale [et que, en] conséquence, les entreprises peuvent rencontrer des pratiques de mise en œuvre divergentes en ce qui concerne certains des aspects de ce document».

30      Dans ces conditions, il incombe à la Cour, dans le cadre de la coopération judiciaire instaurée par l’article 267 TFUE, de répondre à la demande de décision préjudicielle afin d’assurer une interprétation et une application uniformes des dispositions pertinentes dudit règlement.

 Sur le règlement REACH

31      Avant d’examiner les dispositions dont l’interprétation a été sollicitée par la juridiction de renvoi, il convient de rappeler qu’il ressort de l’article 1er, paragraphe 1, du règlement REACH qu’il vise à assurer un niveau élevé de protection de la santé humaine et de l’environnement, y compris la promotion de méthodes alternatives pour l’évaluation des dangers liés aux substances, ainsi que la libre circulation des substances dans le marché intérieur tout en améliorant la compétitivité et l’innovation.

32      À cette fin, ledit règlement instaure un système intégré de contrôle des substances chimiques incluant leur enregistrement, leur évaluation, ainsi que leur autorisation et d’éventuelles restrictions à leur emploi. Les principes cardinaux qui régissent ces éléments ont été présentés par la Commission dans l’introduction de sa proposition de règlement COM(2003) 644 final, du 29 octobre 2003, qui décrit «le système REACH» comme comprenant, tout d’abord, l’enregistrement pour lequel «l’industrie est tenue de se procurer des informations pertinentes sur les substances qu’elle produit et d’exploiter ces informations pour assurer une gestion sûre desdites substances», ensuite, «l’évaluation, qui permet de vérifier que l’industrie respecte ses obligations», et l’autorisation, pour les substances extrêmement préoccupantes dont «les risques liés à l’utilisation [...] sont maitrisés de manière appropriée ou [dont] les avantages socio‑économiques l’emportent sur les risques [s’il] n’existe pas de substances ou de technologies de remplacement comme autre solution convenable». Enfin, «la procédure de restrictions offre un filet de sécurité permettant de gérer les risques qui ne sont pas couverts de manière adéquate par d’autres dispositions du système REACH».

33      Conformément à ces objectifs, le règlement REACH fait reposer la charge de l’analyse des substances chimiques sur l’industrie. Il instaure, à cet effet, divers mécanismes d’information visant à contribuer, tout au long de la chaîne d’approvisionnement, à l’identification de leurs propriétés dangereuses et à la gestion des risques dans le but d’éviter les effets néfastes sur la santé humaine et l’environnement.

34      Il ressort de la proposition de règlement COM(2003) 644 final qu’il existait en 1981 plus de 100 000 substances et que près de 3 000 nouvelles substances ont été, par la suite, mises sur le marché. Parmi toutes ces substances, le règlement REACH accorde une attention particulière à celles considérées comme extrêmement préoccupantes, ainsi qu’il ressort, notamment, des considérants 63, 69 et 70 de ce règlement.

35      Les substances extrêmement préoccupantes sont celles visées, d’une part, à l’article 57, sous a) à e), dudit règlement en raison de leurs propriétés cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction, ou du fait qu’elles sont persistantes, bioaccumulables et toxiques ou très persistantes et très bioaccumulables, et, d’autre part, à l’article 57, sous f), du même règlement, à savoir toutes autres substances «pour lesquelles il est scientifiquement prouvé qu’elles peuvent avoir des effets graves sur la santé humaine ou l’environnement qui suscitent un niveau de préoccupation équivalent à celui suscité par l’utilisation d’autres substances énumérées aux points a) à e)».

36      L’article 59 du règlement REACH instaure une procédure d’identification des substances extrêmement préoccupantes qui donne lieu à l’établissement d’une liste de substances dites «candidates» destinées, à terme, à être incluse dans l’annexe XIV du même règlement comportant la liste des substances soumises à autorisation. Ainsi que l’a constaté Mme l’avocat général au point 22 de ses conclusions, en date du 16 juin 2014, 155 substances étaient inscrites sur cette liste des substances candidates.

37      En vertu de l’article 7, paragraphe 2, du règlement REACH, le producteur ou importateur d’articles notifie à l’ECHA si une substance de la liste candidate est présente dans ces articles dans des quantités supérieures au total à une tonne par producteur ou importateur par an ainsi que dans une concentration supérieure à 0,1 % masse/masse (w/w).

38      En vertu de l’article 7, paragraphe 3, du règlement REACH, l’article 7, paragraphe 2, de ce règlement n’est pas applicable «lorsque le producteur ou l’importateur peut exclure l’exposition des êtres humains et de l’environnement dans des conditions normales ou raisonnablement prévisibles d’utilisation, y compris l’élimination». Cette dernière disposition est également inapplicable, en vertu de l’article 7, paragraphe 6, dudit règlement, «aux substances qui ont déjà été enregistrées pour cette utilisation».

39      Il découle de ces éléments que l’obligation de notification prévue à l’article 7, paragraphe 2, du même règlement requiert la réunion des quatre conditions cumulatives suivantes:

–        l’utilisation de la substance extrêmement préoccupante n’a pas déjà fait l’objet d’un enregistrement;

–        le risque d’exposition des êtres humains et de l’environnement ne peut être exclu;

–        la quantité de la substance en cause excède une tonne par an et par producteur ou importateur, et

–        la concentration de cette substance dépasse le seuil de 0,1 % masse/masse dans l’article en cause.

40      Quant à l’article 33 du règlement REACH, il s’insère dans le titre IV de ce règlement, intitulé «Information à l’intérieur de la chaîne d’approvisionnement». Il instaure une obligation de communiquer des informations sur les substances contenues dans des articles. Il prévoit ainsi, à son paragraphe 1, que «tout fournisseur d’un article contenant [une substance identifiée comme extrêmement préoccupante] avec une concentration supérieure à 0,1 % masse/masse (w/w), fournit au destinataire de l’article des informations suffisantes dont il dispose pour permettre l’utilisation dudit article en toute sécurité et comprenant, au moins, le nom de la substance». Le paragraphe 2 dudit article impose une obligation analogue de communication, sur demande d’un consommateur, à l’égard de tout fournisseur d’un article répondant aux mêmes conditions.

 Sur la question préjudicielle

41      Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si pour un produit composé de plusieurs articles au sens de l’article 3, point 3, du règlement REACH, les articles 7, paragraphe 2, et 33 de ce règlement doivent être interprétés en ce sens que le seuil de concentration de substance extrêmement préoccupante de 0,1 % masse/masse visé par ces dispositions doit être établi par rapport à la masse totale de ce produit.

42      FCD, FMB, l’Irlande, le gouvernement grec ainsi que la Commission estiment qu’il convient de répondre à cette question par l’affirmative. Les gouvernements français, belge, danois, allemand, autrichien, suédois et norvégien considèrent, pour leur part, que cette question appelle une réponse négative.

43      Afin de répondre à la question, il convient d’examiner la notion d’«article» telle que définie à l’article 3, point 3, du règlement REACH, puis les obligations de notification et d’information respectivement prévues aux articles 7, paragraphe 2, et 33 de ce règlement.

 Sur la notion d’«article», au sens de l’article 3, point 3, du règlement REACH

44      FCD et FMB soutiennent que la qualification d’«article», au sens de l’article 3, point 3, du règlement REACH aurait uniquement vocation à s’appliquer au produit final dans la composition duquel entrent des articles. L’interprétation contraire impliquerait de lourdes contraintes, en particulier:

–        l’obligation pour les fournisseurs et les importateurs de déterminer la concentration de substances très préoccupantes contenues dans le produit final fabriqué, importé ou mis sur le marché, au moyen de tests ou sur la base des informations fournies par leurs propres fournisseurs, donnant ainsi lieu à un processus complexe et onéreux, et

–        la grande difficulté, pour les importateurs, d’obtenir des informations détaillées sur les substances très préoccupantes présentes dans tous les composants constitutifs des produits complexes de la part de fabricants établis hors de l’Union.

45      Le gouvernement français estime que l’article 3, point 3, du règlement REACH définit un article comme un objet manufacturé dont la forme prime sur la composition chimique pour en déterminer la fonction. Aucun objet ne serait exclu de cette définition dès lors que celui‑ci s’est vu conférer une forme, une surface ou un dessin particulier au cours de sa fabrication et que ces derniers déterminent plus la fonction de cet objet que sa composition chimique. Les articles 7, paragraphe 2, et 33 de ce règlement ne prévoiraient pas qu’il faille retenir une interprétation de la notion d’article plus restrictive que celle prévue à l’article 3, point 3, dudit règlement.

46      À cet égard, il y a lieu de relever que la notion d’article est définie par cette dernière disposition comme «un objet auquel sont donnés, au cours du processus de fabrication, une forme, une surface ou un dessin particuliers qui sont plus déterminants pour sa fonction que sa composition chimique».

47      Il ressort de cette définition que la qualification d’un objet en tant qu’article au sens du règlement REACH tient à trois éléments. Premièrement, la notion d’article ne vise que des objets ayant subi un «processus de fabrication». Cette notion ne concerne donc que des objets manufacturés, par opposition à ceux existants à l’état naturel. Deuxièmement, ce processus de fabrication doit conférer à l’objet en cause «une forme, une surface ou un dessin particulier», à l’exception d’autres propriétés, notamment physiques ou chimiques. Troisièmement, cette forme, cette surface ou ce dessin, issus du processus de fabrication, doivent être plus déterminants pour la fonction de l’objet en cause que ne l’est sa composition chimique.

48      La situation envisagée par la juridiction de renvoi concerne un produit dit «complexe» en raison du fait qu’il se compose de plusieurs objets manufacturés qui répondent aux critères énoncés à l’article 3, point 3, du règlement REACH. Une telle situation soulève la question de savoir si la qualification d’article doit être appliquée au niveau du produit pris dans son entier ainsi que, concurremment, à chacun des articles qui entrent dans sa composition.

49      À cet égard, il y a lieu de constater que le règlement REACH ne contient aucune disposition régissant de manière spécifique la situation d’un produit complexe contenant plusieurs articles. Ce silence doit être compris à la lumière de l’objectif principal poursuivi par ledit règlement, qui est non pas de régir tous les produits manufacturés, mais de contrôler les substances chimiques, lorsqu’elles se présentent en tant que telles ou en mélange, ainsi que, dans certains cas, notamment ceux limitativement énumérés à l’article 7 du même règlement, lorsqu’elles sont contenues dans des articles.

50      Par conséquent, en l’absence de toute disposition spécifique, il n’y a pas lieu d’opérer une distinction non prévue par le règlement REACH entre la situation des articles incorporés en tant que composant d’un produit complexe et celle des articles qui se présentent de manière isolée. Le point de savoir si un produit complexe peut lui‑même être qualifié d’article dépend donc exclusivement de la vérification des critères énoncés à l’article 3, point 3, de ce règlement.

51      Ce n’est donc que si le processus de fabrication d’un objet à partir d’une combinaison de plusieurs articles conduit à conférer à cet objet une forme, une surface ou un dessin particulier qui sont plus déterminants pour sa fonction que sa composition chimique que cet objet peut être qualifié d’article. À la différence d’un simple assemblage, ce processus de fabrication doit donc aboutir à altérer la forme, la surface ou le dessin des articles utilisés comme composants.

52      Pour autant, cela ne signifie pas que les articles utilisés au cours de ce processus de fabrication perdent, de ce fait, leur qualité d’article. À cet égard, il y a lieu de relever que l’article 2, paragraphe 2, du règlement REACH prévoit que «[l]es déchets tels que définis dans la directive [2006/12] ne sont pas une substance, un mélange ou un article au sens de l’article 3 [dudit règlement]». Il s’ensuit qu’un objet répondant aux critères énoncés à l’article 2, paragraphe 2, du même règlement cesse d’être un «article» aux fins du règlement REACH lorsqu’il devient un déchet, au sens du droit de l’Union (arrêt Commune de Mesquer, C‑188/07, EU:C:2008:359, point 40). Hormis cette disposition, ce règlement ne contient aucune disposition en vertu de laquelle un objet qui répond à la définition d’article au sens de l’article 3, point 3, dudit règlement serait susceptible de perdre ultérieurement cette qualité.

53      Il ressort des éléments qui précèdent, ainsi que Mme l’avocat général l’a relevé au point 31 de ses conclusions, qu’un objet manufacturé qui répond aux critères énoncés à l’article 3, point 3, du règlement REACH ne perd pas sa qualité d’article lorsqu’il est assemblé ou agrégé à d’autres objets afin de composer avec ces derniers un produit complexe. Dans une telle situation, cet objet manufacturé demeure un «article», au sens de cette disposition. Il garde cette qualité aussi longtemps qu’il conserve une forme, une surface ou un dessin particulier qui sont plus déterminants pour sa fonction que sa composition chimique ou qu’il ne devient pas un déchet au sens de la directive 2006/12.

54      Par conséquent, la qualification d’article reste applicable à tout objet répondant aux critères de l’article 3, point 3, du règlement REACH qui entre dans la composition d’un produit complexe, à moins que, à la suite du processus de fabrication, cet objet devienne un déchet ou perde la forme, la surface ou le dessin qui contribue plus à déterminer sa fonction que sa composition chimique.

 Sur l’article 7, paragraphe 2, du règlement REACH

55      L’obligation de notification prévue à l’article 7, paragraphe 2, du règlement REACH s’adresse tant aux importateurs qu’aux producteurs d’articles, ces derniers étant définis à l’article 3, point 4, de ce règlement comme «toute personne physique ou morale qui fabrique ou assemble un article dans [l’Union]». Il découle de cette définition que la notion de producteur d’article vise exclusivement les personnes physiques ou morales qui assurent elles‑mêmes la fabrication ou l’assemblage d’un article sur le territoire de l’Union. Ce n’est donc que si une personne fabrique ou assemble sur le territoire de l’Union un objet qui répond à la définition d’article au sens de l’article 3, point 3, dudit règlement que cette personne sera soumise, en qualité de producteur, aux prescriptions de l’article 7, paragraphe 2, du même règlement. Dès lors, il ressort d’une lecture combinée des articles 3, point 4, et 7, paragraphe 2, du règlement REACH que l’obligation de notification qui incombe au producteur ne concerne que les articles dont il assure lui‑même la fabrication ou l’assemblage.

56      Cette interprétation est corroborée par le considérant 29 dudit règlement, selon lequel «[é]tant donné que les producteurs et les importateurs d’articles devraient être responsables de leurs articles, il convient d’imposer une obligation d’enregistrement concernant les substances qui sont destinées à être rejetées par des articles et qui n’ont pas été enregistrées à cet effet», et qui ajoute que «[d]ans le cas de substances extrêmement préoccupantes présentes dans des articles dans des quantités ou des concentrations supérieures aux seuils prévus, si une exposition à la substance ne peut pas être exclue et si personne n’a enregistré la substance pour cette utilisation, il convient d’en informer [l’ECHA]». En utilisant l’adjectif possessif «leurs», le législateur a ainsi manifesté son intention de limiter le champ d’application des obligations d’enregistrement et de notification respectivement prévues à l’article 7, paragraphe 1, et à l’article 7, paragraphe 2, du même règlement aux seuls articles dont les producteurs assurent personnellement la fabrication ou l’assemblage.

57      Il découle de ces éléments que l’obligation de notification à la charge d’un producteur d’articles au titre de l’article 7, paragraphe 2, du règlement REACH n’est pas applicable à un article qui, bien qu’utilisé par ce producteur comme un intrant, a été fabriqué par un tiers.

58      Cette interprétation littérale de l’article 7, paragraphe 2, du règlement REACH est conforme à l’objectif poursuivi par l’obligation de notification et, plus généralement, à l’économie générale du règlement dans lequel elle s’inscrit. Il convient en effet de rappeler qu’il ressort, en substance, du considérant 21 de ce règlement que l’enregistrement et l’évaluation visent à parfaire l’information sur les substances et, le cas échéant, à «lancer les procédures d’autorisation ou de restriction au titre [dudit règlement] ou des procédures de gestion des risques au titre d’autres actes législatifs communautaires».

59      Conformément à cet objectif général, l’obligation de notification prévue à l’article 7, paragraphe 2, du règlement REACH vise à informer l’ECHA au sujet de certaines substances extrêmement préoccupantes qui n’ont pas été enregistrées. Lorsqu’elles sont contenues dans des articles, de telles substances ne tombent pas sous le coup de l’obligation générale d’enregistrement de substances telles quelles ou contenues dans des mélanges prévue à l’article 6 de ce règlement et de l’obligation corrélative de transmettre à des fins générales d’enregistrement les informations énumérées à l’article 10 dudit règlement.

60      C’est donc afin d’éviter un déficit d’information quant à l’utilisation de substances extrêmement préoccupantes dans des articles que l’article 7, paragraphe 2, du même règlement impose aux producteurs et aux importateurs de ces articles de notifier certaines informations à l’ECHA. En vertu de l’article 7, paragraphe 4, sous e), du règlement REACH, cette notification inclut «une brève description de la ou des utilisations de la ou des substances contenues dans l’article conformément à l’annexe VI, section 3.5, et des utilisations du ou des articles».

61      Dans les hypothèses relevant de l’article 7, paragraphe 2, du règlement REACH, le producteur est donc tenu de notifier à l’ECHA la présence de substances extrêmement préoccupantes dans l’article qu’il fabrique ou assemble. Lorsque, par la suite, cet article est utilisé en aval par un second producteur comme un intrant dans la fabrication d’un produit complexe, ce second producteur n’est pas tenu de notifier à son tour à l’ECHA la présence de la substance en cause dans cet article. En effet, une telle notification ferait double emploi avec celle effectuée par le producteur de cet article. Une telle charge redondante et inutile serait difficilement conciliable avec le principe de proportionnalité dont le respect est pourtant rappelé au considérant 130 dudit règlement.

62      Il s’ensuit que, aux fins de l’application de l’article 7, paragraphe 2, du même règlement, il appartient au producteur, de déterminer si une substance extrêmement préoccupante est présente dans une concentration supérieure à 0,1 % masse/masse de tout article qu’il produit.

63      Les considérations qui précèdent sont transposables, mutatis mutandis, à l’obligation de notification qui incombe aux importateurs en vertu de l’article 7, paragraphe 2, du règlement REACH.

64      La notion d’«importateur» est définie à l’article 3, point 11, dudit règlement comme «toute personne physique ou morale établie dans [l’Union] qui est responsable de l’importation», cette opération étant elle‑même définie à l’article 3, point 10, du même règlement comme «l’introduction physique sur le territoire douanier de [l’Union]».

65      Compte tenu de cette définition, l’importateur d’un produit dans la composition duquel entre un ou des objets répondant à la définition de la notion d’«article», au sens de l’article 3, point 3, du règlement REACH, doit également être considéré comme l’importateur de ce ou de ces articles aux fins de l’application de l’article 7, paragraphe 2, de ce règlement.

66      Il y a lieu de souligner, ainsi qu’il ressort du point 49 des conclusions de Mme l’avocat général, que l’obligation de notification imposée à l’article 7, paragraphe 2, du règlement REACH aux producteurs et aux importateurs vise à garantir la meilleure information possible de l’ECHA quant aux utilisations de substances extrêmement préoccupantes dans des articles. L’obligation de notification à la charge des importateurs permet également d’informer l’ECHA des quantités dans lesquelles des substances extrêmement préoccupantes sont mises sur le marché. Or, ainsi qu’il ressort du considérant 34 de ce règlement, «ces quantités donnent une indication du risque d’exposition de l’être humain et de l’environnement à ces substances».

67      Ainsi que Mme l’avocat général l’a relevé au point 68 de ses conclusions, l’interprétation contraire risquerait de créer une situation dans laquelle l’ECHA ne serait pas informée de l’utilisation et des quantités de substances extrêmement préoccupantes mises sur le marché intérieur. Une telle situation ne serait pas conforme à l’objectif dudit règlement consistant à garantir un niveau élevé de protection de la santé humaine et de l’environnement.

68      Dans ses observations, la Commission a évoqué le fait qu’il peut être difficile, pour les importateurs, d’obtenir de leurs fournisseurs établis dans des pays tiers les informations requises. Toutefois, des difficultés de cette nature ne sont pas de nature à altérer l’interprétation de l’article 7, paragraphe 2, du même règlement.

69      Il s’ensuit que, aux fins de l’application de l’article 7, paragraphe 2, du règlement REACH, il appartient à l’importateur d’un produit composé de plusieurs articles de déterminer pour chaque article si une substance extrêmement préoccupante est présente dans une concentration supérieure à 0,1 % masse/masse de cet article.

 Sur l’article 33 du règlement REACH

70      L’article 33, paragraphe 1, du règlement REACH prévoit que «[t]out fournisseur d’un article contenant une substance [identifiée comme extrêmement préoccupante] avec une concentration supérieure à 0,1 % masse/masse (w/w) fournit au destinataire de l’article des informations suffisantes dont il dispose pour permettre l’utilisation dudit article en toute sécurité et comprenant, au moins, le nom de la substance». L’article 33, paragraphe 2, de ce règlement impose une obligation analogue à tout fournisseur d’un article répondant aux mêmes conditions, sur demande d’un consommateur.

71      La notion de «fournisseur d’un article» est définie à l’article 3, point 33, dudit règlement comme «tout producteur ou tout importateur d’un article, tout distributeur ou tout autre acteur de la chaîne d’approvisionnement qui met un article sur le marché».

72      La notion de mise sur le marché est, quant à elle, définie à l’article 3, point 12, du même règlement dans les termes suivants, à savoir «le fait de fournir un produit ou de le mettre à la disposition d’un tiers, à titre onéreux ou non. Toute importation est assimilée à une mise sur le marché».

73      Il ressort de ces éléments que l’obligation prévue à l’article 33 du règlement REACH est applicable à toute personne appartenant à la chaîne d’approvisionnement dès lors que cette personne met un article à la disposition d’un tiers.

74      Cette obligation se distingue de l’obligation de notification prévue à l’article 7, paragraphe 2, de ce règlement à plusieurs égards.

75      Tout d’abord, son champ d’application personnel est beaucoup plus vaste que celui de l’article 7, paragraphe 2, dudit règlement. Alors que cette dernière disposition ne vise que les producteurs et les importateurs, l’article 33 du même règlement impose une obligation d’information à tous les opérateurs de la chaîne d’approvisionnement. Alors que l’ECHA est le seul bénéficiaire de l’obligation de notification prévue à l’article 7, paragraphe 2, du règlement REACH, il existe une multitude de bénéficiaires de l’obligation d’information prévue à cet article 33. Ainsi, dans le cadre dudit article 33, paragraphe 1, l’information doit être adressée à tout «destinataire d’un article», c’est‑à‑dire, aux termes de l’article 3, point 35, du même règlement, à toute personne qui est «un utilisateur industriel ou professionnel, ou un distributeur, auquel est fourni un article; cette définition n’inclut pas les consommateurs». L’information visée à l’article 33, paragraphe 2, du règlement REACH doit être adressée à tout consommateur qui en fait la demande.

76      Ensuite, l’obligation prévue à l’article 33 du règlement REACH se distingue de celle prévue à l’article 7, paragraphe 2, de ce règlement quant à ses conditions d’applicabilité. Ainsi qu’il a été souligné au point 39 du présent arrêt, l’application de l’obligation de notification requiert la réunion de quatre conditions cumulatives, dont celle relative au seuil de concentration en substance extrêmement préoccupante de 0,1 % masse/masse. En revanche, cette condition est la seule requise à l’article 33 dudit règlement.

77      Enfin, les mécanismes de notification et d’information diffèrent quant à leur finalité. L’obligation de notification vise à informer l’ECHA de l’utilisation de substances extrêmement préoccupantes dans des articles afin de préparer l’adoption, par les autorités compétentes, d’éventuelles mesures de gestion des risques conformément aux procédures d’autorisation et de restriction mises en place par le règlement REACH. L’obligation d’information prévue à l’article 33 de ce règlement, tout en s’inscrivant également dans l’objectif général consistant à éviter les effets néfastes sur la santé humaine et sur l’environnement, vise, ainsi qu’il ressort, en substance, des considérants 56 et 58 dudit règlement, à permettre à l’ensemble des opérateurs de la chaîne d’approvisionnement de prendre, à leur niveau, les mesures de gestion des risques qui découlent de la présence de substances extrêmement préoccupantes dans des articles afin de garantir l’utilisation de ces derniers en toute sécurité.

78      L’obligation d’information vise, indirectement, à permettre à ces opérateurs ainsi qu’aux consommateurs de déterminer leur choix d’approvisionnement en pleine connaissance des caractéristiques des produits, y compris des articles entrant dans leur composition. Il convient, à cet égard, de rappeler qu’il ressort du considérant 12 du règlement REACH qu’un «objectif important du nouveau système établi par [ce] règlement est d’inciter et, dans certains cas, de veiller à ce que les substances très préoccupantes soient remplacées à terme par des substances ou des technologies moins dangereuses lorsque des solutions de remplacement appropriées économiquement et techniquement viables existent», cet objectif étant reflété à l’article 55 dudit règlement, lequel prévoit expressément que les substances extrêmement préoccupantes «seront progressivement remplacées par d’autres substances ou technologies appropriées, lorsque celles‑ci sont économiquement et techniquement viables».

79      La conjonction de ces diverses caractéristiques milite donc en faveur d’une interprétation qui garantisse l’effectivité de l’obligation d’information prévue à l’article 33 du même règlement tout au long de la chaîne d’approvisionnement jusqu’au consommateur final. L’obligation d’information incombant aux opérateurs qui se succèdent tout au long de la chaîne d’approvisionnement est donc destinée à suivre l’article auquel elle se rapporte jusqu’au consommateur final.

80      Il serait incompatible avec une telle obligation de considérer que l’inclusion d’un article comme intrant dans un produit complexe puisse interrompre la transmission de cette obligation d’information à chacun des opérateurs de la chaîne d’approvisionnement, dès lors que ladite obligation se rapporte directement à la présence, dans cet article, d’une substance extrêmement préoccupante.

81      Quant aux craintes évoquées par certaines parties ayant soumis des observations à la Cour quant à la compatibilité d’un tel système avec le principe de proportionnalité, il convient de souligner que l’obligation d’information se nourrit de l’obligation de notification prévue à l’article 7, paragraphe 2, du règlement REACH, tout en la complétant en organisant au bénéfice de l’ensemble des opérateurs de la chaîne d’approvisionnement jusqu’au consommateur final la transmission d’informations essentielles quant à la présence d’une substance extrêmement préoccupante. Toutefois, sa portée est limitée par l’article 33 de ce règlement qui précise que les «informations suffisantes dont [le fournisseur] dispose pour permettre l’utilisation [de l’article en cause] en toute sécurité» doivent, au moins, comprendre le nom de cette substance. Par son caractère minimal, cette exigence ne saurait donc être considérée comme imposant un fardeau excessif.

82      Il s’ensuit que l’article 33 du règlement REACH doit être interprété en ce sens que, aux fins de l’application de cette disposition, il appartient au fournisseur d’un produit, dont l’un ou plusieurs des articles qui le composent, contiennent une substance extrêmement préoccupante identifiée conformément à l’article 59, paragraphe 1, de ce règlement dans une concentration supérieure à 0,1 % masse/masse par article, d’informer le destinataire et, sur demande, le consommateur, sur la présence de cette substance en leur communiquant, à tout le moins, le nom de la substance en cause.

83      Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’il y a lieu de répondre à la question posée de la manière suivante:

–        L’article 7, paragraphe 2, du règlement REACH doit être interprété en ce sens que, aux fins de l’application de cette disposition, il appartient au producteur de déterminer si une substance extrêmement préoccupante identifiée conformément à l’article 59, paragraphe 1, de ce règlement est présente dans une concentration supérieure à 0,1 % masse/masse de tout article qu’il produit et, à l’importateur d’un produit composé de plusieurs articles, de déterminer pour chaque article si une telle substance est présente dans une concentration supérieure à 0,1 % masse/masse de cet article.

–        L’article 33 du règlement REACH doit être interprété en ce sens que, aux fins de l’application de cette disposition, il appartient au fournisseur d’un produit, dont l’un ou plusieurs des articles qui le composent contiennent une substance extrêmement préoccupante identifiée conformément à l’article 59, paragraphe 1, de ce règlement dans une concentration supérieure à 0,1 % masse/masse par article, d’informer le destinataire et, sur demande, le consommateur sur la présence de cette substance en leur communiquant, à tout le moins, le nom de la substance en cause.

 Sur les dépens

84      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle‑ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) dit pour droit:

L’article 7, paragraphe 2, du règlement (CE) no 1907/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 18 décembre 2006, concernant l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances (REACH), instituant une agence européenne des produits chimiques, modifiant la directive 1999/45/CE et abrogeant le règlement (CEE) no 793/93 du Conseil et le règlement (CE) no 1488/94 de la Commission ainsi que la directive 76/769/CEE du Conseil et les directives 91/155/CEE, 93/67/CEE, 93/105/CE et 2000/21/CE de la Commission, tel que modifié par le règlement (UE) no 366/2011 de la Commission, du 14 avril 2011, doit être interprété en ce sens que, aux fins de l’application de cette disposition, il appartient au producteur de déterminer si une substance extrêmement préoccupante identifiée conformément à l’article 59, paragraphe 1, de ce règlement, tel que modifié, est présente dans une concentration supérieure à 0,1 % masse/masse de tout article qu’il produit et, à l’importateur d’un produit composé de plusieurs articles, de déterminer pour chaque article si une telle substance est présente dans une concentration supérieure à 0,1 % masse/masse de cet article.

L’article 33 du règlement no 1907/2006, tel que modifié, doit être interprété en ce sens que, aux fins de l’application de cette disposition, il appartient au fournisseur d’un produit, dont l’un ou plusieurs des articles qui le composent contiennent une substance extrêmement préoccupante identifiée conformément à l’article 59, paragraphe 1, de ce règlement dans une concentration supérieure à 0,1 % masse/masse par article, d’informer le destinataire et, sur demande, le consommateur sur la présence de cette substance en leur communiquant, à tout le moins, le nom de la substance en cause.

Signatures


* Langue de procédure: le français.