Language of document : ECLI:EU:T:2011:701

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

30 novembre 2011(*)

« Concurrence – Ententes – Marché des méthacrylates – Décision constatant une infraction à l’article 81 CE et à l’article 53 de l’accord EEE – Notion d’infraction unique – Durée de l’infraction – Amendes – Gravité de l’infraction – Circonstances atténuantes » 

Dans l’affaire T‑208/06,

Quinn Barlo Ltd, établie à Cavan (Irlande),

Quinn Plastics NV, établie à Geel (Belgique),

Quinn Plastics GmbH, établie à Mayence (Allemagne),

représentées par Mes W. Blau, F. Wijckmans et F. Tuytschaever, avocats,

parties requérantes,

contre

Commission européenne, représentée initialement par MM. V. Bottka et S. Noë, puis par MM. Bottka et N. Khan, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation des articles 1er et 2 de la décision C (2006) 2098 final de la Commission, du 31 mai 2006, relative à une procédure d’application de l’article 81 CE et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire COMP/F/38.645 – Méthacrylates), en ce qu’ils concernent les requérantes, ainsi que, à titre subsidiaire, une demande d’annulation de l’article 2 de cette décision en ce qu’il inflige une amende aux requérantes ou, à titre encore plus subsidiaire, une demande de réduction du montant de cette amende,

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de M. O. Czúcz, président, Mme I. Labucka (rapporteur) et M. D. Gratsias, juges,

greffier : M. J. Plingers, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 10 mai 2011,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Par décision C (2006) 2098 final de la Commission, du 31 mai 2006, relative à une procédure d’application de l’article 81 CE et de l’article 53 de l’accord EEE (Affaire COMP/F/38.645 – Méthacrylates) (ci-après la « décision attaquée »), la Commission des Communautés européennes a notamment constaté qu’un certain nombre d’entreprises avaient enfreint l’article 81 CE et l’article 53 de l’accord sur l’Espace économique européen (EEE) en participant, au cours de diverses périodes comprises entre le 23 janvier 1997 et le 12 septembre 2002, à un ensemble d’accords et de pratiques concertées anticoncurrentiels dans le secteur des méthacrylates, couvrant l’ensemble du territoire de l’EEE (article 1er de la décision attaquée).

2        Selon la décision attaquée, il s’agissait d’une infraction unique et continue, portant sur les trois produits en polyméthacrylate de méthyle (ci-après le « PMMA ») suivants : les composants de moulage, les plaques massives et les plaques sanitaires. Il ressort de la décision attaquée que ces trois produits en PMMA sont distincts tant sur le plan physique que sur le plan chimique et ont des utilisations différentes, mais peuvent être considérés comme constituant un seul et même groupe de produits homogène du fait de leur matière première commune, le méthacrylate de méthyle (ci-après le « MMA ») (considérants 4 à 8 de la décision attaquée).

3        Selon la décision attaquée, l’infraction en cause a consisté en des discussions sur les prix ainsi qu’en la conclusion, la mise en œuvre et la surveillance d’accords sur les prix prévoyant soit des augmentations, soit, à tout le moins, une stabilisation du niveau de prix existant, en l’examen de la répercussion du coût des services supplémentaires sur les acheteurs, en l’échange d’informations commercialement importantes et confidentielles sur les marchés et/ou les entreprises, de même qu’en la participation à des réunions régulières et d’autres contacts destinés à faciliter l’infraction (article 1er et considérants 1 à 3 de la décision attaquée).

4        La décision attaquée a été adressée à Degussa AG, à Röhm GmbH & Co. KG et à Para-Chemie GmbH (ci-après dénommées ensemble « Degussa »), à Total SA, à Elf Aquitaine SA, à Arkema SA (anciennement Atofina SA), à Altuglas International SA et à Altumax Europe SAS (ci-après dénommées ensemble « Atofina »), à Lucite International Ltd et à Lucite International UK Ltd (ci-après dénommées ensemble « Lucite »), à ICI plc, ainsi qu’aux requérantes, Quinn Barlo Ltd, Quinn Plastics NV et Quinn Plastics GmbH.

5        Les requérantes font partie du conglomérat irlandais Quinn Group Ltd, qui, le 7 mai 2004, après la période infractionnelle concernée, a acquis l’intégralité du capital social de la société mère faîtière du groupe Barlo (Barlo Group plc, rebaptisée ensuite Barlo Group Ltd) (considérant 299 de la décision attaquée). Les requérantes sont issues de l’intégration des activités de trois  anciennes sociétés du groupe Barlo (ci-après dénommées ensemble « Barlo ») dans le groupe Quinn en janvier 2005 :

–        Quinn Plastics GmbH est le successeur de Barlo Plastics GmbH. Selon la décision attaquée, Barlo Plastics GmbH a participé aux comportements collusoires constatés dans le secteur des méthacrylates (considérant 297 de la décision attaquée) ;

–        Quinn Plastics NV est le successeur de Barlo Plastics NV. Cette dernière était la société mère de Barlo Plastics GmbH, détenant indirectement 100 % de son capital (considérants 38, 43 et 301 de la décision attaquée) ;

–        Quinn Barlo est le successeur de Barlo Group Ltd. Il s’agit de la société mère de l’ancien groupe Barlo, qui détient, directement ou indirectement, 100 % du capital des anciennes sociétés Barlo (considérants 300 et 301 de la décision attaquée).

6        Les requérantes sont toutes les trois destinataires de la décision attaquée, la Commission ayant considéré que Quinn Barlo et Quinn Plastics NV étaient responsables des comportements de Quinn Plastics GmbH (anciennement Barlo Plastics GmbH) pendant la durée de l’infraction (considérants 301 et 304 et article 1er de la décision attaquée).

7        L’enquête qui a abouti à l’adoption de la décision attaquée a été engagée à la suite de l’introduction par Degussa, le 20 décembre 2002, d’une demande d’immunité au titre de la communication de la Commission du 19 février 2002 sur l’immunité d’amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO C 45, p. 3, ci-après la « communication sur la coopération »).

8        Les 25 et 26 mars 2003, la Commission a procédé à des inspections dans les locaux d’Atofina, de Barlo, de Degussa et de Lucite (considérant 59 de la décision attaquée). À la suite de ces inspections, Atofina et Lucite ont présenté, respectivement le 3 avril et le 11 juillet 2003, des demandes d’immunité ou de réduction du montant de l’amende au titre de la communication sur la coopération (considérants 60 et 66 de la décision attaquée). Le 18 octobre 2004, ICI a présenté une demande de réduction du montant de l’amende au titre de la communication sur la coopération (considérant 83 de la décision attaquée). Barlo n’a pas introduit de demande au titre de ladite communication.

9        Du 9 avril 2003 au 29 juillet 2004, la Commission a adressé à Barlo plusieurs demandes de renseignements au titre de l’article 11 du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d’application des articles [81 CE] et [82 CE] (JO 1962, 13, p. 204), puis au titre de l’article 18 du règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 [CE] et 82 [CE] (JO 2003, L 1, p. 1) (considérants 62 à 79 de la décision attaquée).

10      Le 17 août 2005, la Commission a adopté une communication des griefs concernant une infraction unique et continue relative au MMA, ainsi qu’aux composants de moulage en PMMA, aux plaques massives en PMMA et aux plaques sanitaires en PMMA et l’a adressé notamment aux requérantes et à Quinn Plastics, SA (considérant 85 de la décision attaquée).

11      Une audition s’est tenue les 15 et 16 décembre 2005.

12      À la lumière des éléments apportés par les entreprises dans leurs réponses à la communication des griefs et lors de l’audition, la Commission a décidé d’abandonner certains griefs, notamment :

–        les griefs retenus à l’encontre de l’ensemble des sociétés destinataires de la communication des griefs en ce qui concerne le volet de l’infraction relatif au MMA ;

–        les griefs retenus à l’encontre des requérantes et de Quinn Plastics, SA en ce qui concerne les composants de moulage en PMMA ;

–        les griefs retenus à l’encontre de Quinn Plastics, SA au sujet des plaques massives en PMMA (considérant 93 de la décision attaquée).

13      Le 31 mai 2006, la Commission a adopté la décision attaquée. En ce qui concerne les requérantes, la Commission a constaté qu’elles avaient participé aux accords et aux pratiques concertées anticoncurrentiels visés aux points 1 à 3 ci-dessus, au cours de la période allant du 30 avril 1998 au 21 août 2000 [article 1er, sous l) à n), de la décision attaquée] et leur a infligé une amende de 9 millions d’euros, pour le paiement de laquelle elles ont été tenues pour solidairement responsables [article 2, sous e), de la décision attaquée].

14      S’agissant du calcul du montant de l’amende, en premier lieu, la Commission a examiné la gravité de l’infraction et a constaté, d’abord, que, au regard de la nature de l’infraction et du fait qu’elle couvrait l’ensemble du territoire de l’EEE, il s’agissait d’une infraction très grave au sens des lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 15, paragraphe 2, du règlement nº 17 et de l’article 65, paragraphe 5, du traité CECA (JO 1998, C 9, p. 3, ci-après les « lignes directrices ») (considérants 319 à 331 de la décision attaquée).

15      Ensuite, elle a estimé que, dans la catégorie des infractions très graves, il était possible d’appliquer aux entreprises un traitement différencié de manière à tenir compte de la capacité économique réelle des contrevenants à porter un préjudice important à la concurrence. À cet effet, elle a constaté qu’en l’espèce les entreprises concernées « [pouvaient] être subdivisées en [trois] catégories en fonction de leur poids relatif dans le chiffre d’affaires réalisé en vendant les produits en PMMA pour lesquelles elles [avaient] participé à l’entente ». La Commission a énoncé que Barlo, avec un chiffre d’affaires au niveau de l’EEE de 66,37 millions d’euros en 2000 pour les plaques massives en PMMA, devait être classée dans la troisième catégorie.

16      Par ailleurs, s’agissant toujours du traitement différencié, la Commission a appliqué une réduction de 25 % au montant de départ de l’amende calculée pour les requérantes, en la motivant de la façon suivante (considérant 335 de la décision attaquée) :

« [L]a Commission prend en compte le fait qu’il n’est pas évident de savoir si Barlo a pris ou non part à des contacts collusoires concernant les PMMA-composants de moulage ou les PMMA-plaques sanitaires. Par conséquent, il semble que Barlo n’avait pas connaissance ou ne pouvait pas avoir eu nécessairement connaissance du projet global d’arrangements anticoncurrentiels […] »

17      Ces considérations ont amené la Commission à fixer le montant de départ de l’amende devant être infligé aux requérantes à 15 millions d’euros (considérant 336 de la décision attaquée).

18      En deuxième lieu, la Commission a examiné la durée de l’infraction et a constaté que, étant donné que les requérantes avaient participé à l’infraction pendant deux ans et trois mois, le montant de départ devait être majoré de 20 % (10 % par année pleine de participation) (considérants 351 à 353 de la décision attaquée). Ainsi, le montant de base de l’amende des requérantes a été fixé à 18 millions d’euros (considérant 354 de la décision attaquée).

19      En troisième lieu, la Commission a examiné les circonstances aggravantes et atténuantes. Elle n’a retenu aucune circonstance aggravante à l’encontre des requérantes. S’agissant des circonstances atténuantes, la Commission a accepté l’argument des requérantes selon lequel celles-ci n’avaient eu qu’un rôle passif et mineur dans l’infraction et, par conséquent, elle leur a accordé une réduction de 50 % du montant de l’amende (considérants 372 à 374 de la décision attaquée).

20      La Commission a rejeté les autres circonstances atténuantes avancées par les requérantes (considérants 375 à 396 de la décision attaquée) et a donc fixé le montant de l’amende à 9 millions d’euros (considérant 397 de la décision attaquée). Étant donné que les requérantes n’ont pas bénéficié de l’application de la communication sur la coopération, il s’agit du montant final de l’amende qui leur a été infligée.

 Procédure et conclusions des parties

21      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 8  août 2006, les requérantes ont introduit le présent recours.

22      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, le juge rapporteur a été affecté à la troisième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

23      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (troisième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure, d’inviter la Commission à répondre à certaines questions et à produire des documents. La Commission a déféré à cette demande dans le délai imparti.

24      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 10 mai 2011. Par ailleurs, la Commission a déposé des documents supplémentaires en réponse à la demande visée au point précédent, lesquels ont été versés au dossier. Les requérantes ayant affirmé qu’elles avaient pu prendre position sur ces documents lors de l’audience, la procédure orale a été close à l’issue de celle-ci.

25      Les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        à titre principal, annuler les articles 1er et 2 de la décision attaquée en ce qui les concerne ;

–        à titre subsidiaire, annuler l’article 2 de la décision attaquée en ce qui les concerne ;

–        à titre encore plus subsidiaire, annuler l’article 2 de la décision attaquée en ce qu’il leur inflige une amende de 9 millions d’euros et réduire le montant de l’amende au regard des arguments avancés à l’appui du présent recours ;

–        condamner la Commission aux dépens.

26      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme non fondé ;

–        condamner les requérantes aux dépens.

 En droit

27      À l’appui du recours, les requérantes soulèvent deux moyens. Le premier moyen est tiré d’une violation de l’article 81 CE. Le deuxième moyen est tiré d’une violation de l’article 23, paragraphe 3, du règlement n° 1/2003, des lignes directrices et du principe de proportionnalité.

 Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 81 CE

28      Dans le cadre du premier moyen, les requérantes font valoir, en substance, que la Commission n’a pas suffisamment établi en quoi le comportement de Barlo avait été constitutif d’une violation de l’article 81 CE. Ce moyen se subdivise, en substance, en trois branches. Dans le cadre de la première branche du premier moyen, les requérantes contestent l’appréciation de la Commission relative à cinq réunions sur lesquelles la décision attaquée est fondée en ce qui les concerne et lui font grief de ne pas avoir tenu compte de l’absence d’autres contacts ou échanges les impliquant. Dans le cadre de la deuxième branche du premier moyen, elles font valoir que la Commission n’a pas établi que Barlo avait participé à un « projet anticoncurrentiel unique et commun ». Dans le cadre de la troisième branche du premier moyen, les requérantes soutiennent que la Commission n’a pas établi que Barlo avait pris part à une infraction continue.

 Sur la première branche du premier moyen, tirée de l’appréciation erronée des réunions et autres contacts ou échanges ayant impliqué Barlo

29      Cette branche du premier moyen repose sur trois griefs.

30      Tout d’abord, tout en admettant la présence de Barlo à quatre des cinq réunions concernées (à savoir aux réunions qui se sont tenues en Allemagne à Dernbach en avril 1998, à Darmstadt le 29 juin 1998, à Heidelberg le 24 février 2000 et à Deidesheim le 21 août 2000), les requérantes font valoir que la Commission n’a pas établi que sa présence à ces réunions avait constitué une restriction significative de la concurrence et une infraction à l’article 81 CE. Ensuite, les requérantes contestent la présence de Barlo à la cinquième réunion concernée, à savoir celle de Barcelone en mai-juin 1999, et estiment que la Commission n’a pas établi qu’une telle réunion avait eu lieu. Enfin, les requérantes font valoir que la Commission n’a pas tenu compte du fait que, en dehors de la présence d’un représentant de Barlo aux quatre réunions susmentionnées, elle n’avait établi aucun autre contact ou échange anticoncurrentiel les impliquant.

–       Sur les quatre réunions pour lesquelles la présence de Barlo est admise

31      Les requérantes contestent avoir enfreint l’article 81 CE au motif qu’un représentant de Barlo a pris part aux quatre réunions concernées. D’une part, elles contestent la description de ces réunions retenue dans la décision attaquée au motif que celle-ci n’est pas suffisamment étayée par des éléments de preuve. D’autre part, les requérantes soutiennent qu’il y avait une « explication légitime » au comportement de Barlo. Elles font observer que les intérêts des participants à l’entente n’étaient pas nécessairement alignés sur ceux de Barlo dans la mesure où cette dernière n’opérait ni dans le domaine du MMA ni dans le domaine de tous les produits en PMMA. Selon les requérantes, étant donné que la politique de prix de Barlo était incompatible avec les objectifs de l’entente et que sa part de marché augmentait, les participants à l’entente ont vraisemblablement voulu tester si Barlo pouvait être intégrée dans l’entente, en l’invitant à des réunions ayant un ordre du jour « innocent » ou à des occasions auxquelles aucune réunion n’était prévue. Les éléments de preuve figurant dans le dossier de la Commission démontreraient que ces tentatives ont échoué et que Barlo a continué à suivre sa propre politique commerciale visant à augmenter sa part de marché.

32      À cet égard, il convient de rappeler, à titre liminaire, que, selon l’article 1er de la décision attaquée, les requérantes ont enfreint l’article 81 CE et l’article 53 de l’accord EEE, et ce « en participant […] à un ensemble d’accords et de pratiques concertées dans le secteur des méthacrylates, couvrant l’ensemble du territoire de l’EEE et consistant en des discussions sur les prix ainsi qu’en la conclusion, la mise en œuvre et la surveillance d’accords sur les prix prévoyant soit des hausses, soit, à tout le moins, une stabilisation du niveau de prix existant, en l’examen de la répercussion du coût de services supplémentaires sur les acheteurs, en l’échange d’informations importantes sous l’angle commercial et d’informations confidentielles sur les marchés et/ou les entreprises, de même qu’en la participation à des réunions régulières et à d’autres contacts pour faciliter l’infraction, y compris le contrôle de la mise en œuvre ».

33      Aux termes de l’article 81, paragraphe 1, CE, sont incompatibles avec le marché commun et interdits tous accords entre entreprises, toutes décisions d’associations d’entreprises et toutes pratiques concertées qui sont susceptibles d’affecter le commerce entre États membres et qui ont pour objet ou pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché commun.

34      Selon une jurisprudence constante, les notions d’accord et de pratique concertée, au sens de l’article 81, paragraphe 1, CE, appréhendent des formes de collusion qui partagent la même nature et ne se distinguent que par leur intensité et par les formes dans lesquelles elles se manifestent (arrêts de la Cour du 8 juillet 1999, Commission/Anic Partecipazioni, C‑49/92 P, Rec. p. I‑4125, points 131 et 132, et du 4 juin 2009, T‑Mobile Netherlands e.a., C‑8/08, Rec. p. I‑4529, point 23).

35      Pour qu’il y ait accord au sens de l’article 81, paragraphe 1, CE, il suffit que les entreprises en cause aient exprimé leur volonté commune de se comporter sur le marché d’une manière déterminée (arrêts du Tribunal du 17 décembre 1991, Hercules Chemicals/Commission, T‑7/89, Rec. p. II‑1711, point 256, et du 20 mars 2002, HFB e.a./Commission, T‑9/99, Rec. p. II‑1487, point 199).

36      La notion de pratique concertée vise une forme de coordination entre entreprises qui, sans avoir été poussée jusqu’à la réalisation d’une convention proprement dite, substitue sciemment une coopération pratique entre elles aux risques de la concurrence (arrêts de la Cour Commission/Anic Partecipazioni, point 34 supra, point 115, et du 8 juillet 1999, Hüls/Commission, C‑199/92 P, Rec. p. I‑4287, point 158).

37      À cet égard, l’article 81, paragraphe 1, CE s’oppose rigoureusement à toute prise de contact directe ou indirecte entre de tels opérateurs de nature soit à influencer le comportement sur le marché d’un concurrent actuel ou potentiel, soit à dévoiler à un tel concurrent le comportement que l’on est décidé à, ou que l’on envisage de, tenir soi-même sur le marché, lorsque ces contacts ont pour objet ou pour effet d’aboutir à des conditions de concurrence qui ne correspondraient pas aux conditions normales du marché en cause (voir, en ce sens, arrêts Commission/Anic Partecipazioni, point 34 supra, points 115 à 117, et T‑Mobile Netherlands e.a., point 34 supra, point 33).

38      Il s’ensuit notamment que l’échange d’informations entre concurrents est susceptible d’être contraire aux règles de la concurrence lorsqu’il atténue ou supprime le degré d’incertitude sur le fonctionnement du marché en cause avec comme conséquence une restriction de la concurrence entre entreprises (arrêt T-Mobile Netherlands e.a., point 34 supra, point 35).

39      Par ailleurs, il convient de souligner que, pour apprécier si une pratique concertée est prohibée par l’article 81, paragraphe 1, CE, la prise en considération de ses effets concrets est superflue lorsqu’il apparaît que celle-ci a pour objet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché commun. Par conséquent, il n’est pas nécessaire d’examiner les effets d’une pratique concertée dès lors que l’objet anticoncurrentiel de cette dernière est établi (voir, en ce sens, arrêt T-Mobile Netherlands e.a., point 34 supra, point 29, et la jurisprudence citée).

40      En outre, même si la notion de pratique concertée implique, outre la concertation entre les entreprises concernées, un comportement sur le marché faisant suite à cette concertation et un lien de cause à effet entre ces deux éléments, il y a lieu de présumer, sous réserve de la preuve contraire qu’il incombe aux opérateurs intéressés de rapporter, que les entreprises participant à la concertation et qui demeurent actives sur le marché tiennent compte des informations échangées avec leurs concurrents pour déterminer leur comportement sur ce marché (voir, en ce sens, arrêt T-Mobile Netherlands e.a., point 34 supra, point 51, et la jurisprudence citée).

41      Dans le cadre d’une infraction complexe, qui a impliqué pendant plusieurs années plusieurs producteurs poursuivant un objectif de régulation en commun du marché, il ne saurait être exigé de la Commission qu’elle qualifie précisément l’infraction, pour chaque entreprise et à chaque instant donné, d’accord ou de pratique concertée, dès lors que, en toute hypothèse, l’une et l’autre de ces formes d’infraction sont visées à l’article 81 CE (voir, en ce sens, arrêt Commission/Anic Partecipazioni, point 34 supra, points 111 à 114, et arrêt du Tribunal du 20 avril 1999, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, T‑305/94 à T‑307/94, T‑313/94 à T‑316/94, T‑318/94, T‑325/94, T‑328/94, T‑329/94 et T‑335/94, Rec. p. II‑931, point 696).

42      Dans ce contexte, la double qualification d’une infraction unique d’« accord et pratique concertée » doit être comprise comme désignant un tout complexe comportant des éléments de fait, dont certains ont été qualifiés d’accords et d’autres de pratiques concertées au sens de l’article 81, paragraphe 1, CE, lequel ne prévoit pas de qualification spécifique pour ce type d’infraction complexe (arrêts Hercules Chemicals/Commission, point 35 supra, point 264, et HFB e.a./Commission, point 35 supra, point 187).

43      S’agissant de l’administration de la preuve de l’infraction, il convient de rappeler que la Commission doit établir les éléments de preuve propres à démontrer, à suffisance de droit, l’existence des faits constitutifs d’une infraction de l’article 81, paragraphe 1, CE (arrêt de la Cour du 17 décembre 1998, Baustahlgewebe/Commission, C‑185/95 P, Rec. p. I‑8417, point 58). À cet égard, elle doit faire état de preuves précises et concordantes pour fonder la ferme conviction que l’infraction a été commise (voir arrêt du Tribunal du 6 juillet 2000, Volkswagen/Commission, T‑62/98, Rec. p. II‑2707, point 43, et la jurisprudence citée ; arrêt du Tribunal du 8 juillet 2008, Lafarge/Commission, T‑54/03, non publié au Recueil, point 55).

44      Toutefois, chacune des preuves apportées par la Commission ne doit pas nécessairement répondre à ces critères en ce qui concerne chaque élément de l’infraction. Il suffit que le faisceau d’indices invoqué par l’institution, apprécié globalement, réponde à cette exigence (voir arrêt du Tribunal du 8 juillet 2004, JFE Engineering e.a./Commission, T‑67/00, T‑68/00, T‑71/00 et T‑78/00, Rec. p. II‑2501, point 180, et la jurisprudence citée).

45      Les indices invoqués par la Commission dans la décision afin de prouver l’existence d’une violation de l’article 81, paragraphe 1, CE par une entreprise doivent être appréciés non pas isolément, mais dans leur ensemble (voir arrêt du Tribunal du 8 juillet 2008, BPB/Commission, T‑53/03, Rec. p. II‑1333, point 185, et la jurisprudence citée).

46      Il convient également de tenir compte du fait que les activités anticoncurrentielles se déroulent de manière clandestine et, partant, dans la plupart des cas, l’existence d’une pratique ou d’un accord anticoncurrentiel doit être inférée d’un certain nombre de coïncidences et d’indices qui, considérés ensemble, peuvent constituer, en l’absence d’une autre explication cohérente, la preuve d’une violation des règles de la concurrence (arrêt de la Cour du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission, C‑204/00 P, C‑205/00 P, C‑211/00 P, C‑213/00 P, C‑217/00 P et C‑219/00 P, Rec. p. I‑123, points 55 à 57).

47      Par ailleurs, il est de jurisprudence constante qu’il suffit que la Commission démontre que l’entreprise concernée a participé à des réunions au cours desquelles des accords de nature anticoncurrentielle ont été conclus, sans s’y être manifestement opposée, pour prouver à suffisance la participation de ladite entreprise à l’entente. Lorsque la participation à de telles réunions a été établie, il incombe à cette entreprise d’avancer des indices de nature à établir que sa participation auxdites réunions était dépourvue de tout esprit anticoncurrentiel, en démontrant qu’elle avait indiqué à ses concurrents qu’elle participait à ces réunions dans une optique différente de la leur (arrêts Hüls/Commission, point 36 supra, point 155 ; Commission/Anic Partecipazioni, point 34 supra, point 96, et Aalborg Portland e.a./Commission, point 46 supra, point 81).

48      La raison qui sous-tend ce principe de droit est que, ayant participé à ladite réunion sans se distancier publiquement de son contenu, l’entreprise a donné à penser aux autres participants qu’elle souscrivait à son résultat et qu’elle s’y conformerait (arrêt Aalborg Portland e.a./Commission, point 46 supra, point 82).

49      De plus, la circonstance qu’une entreprise ne donne pas suite aux résultats d’une réunion ayant un objet anticoncurrentiel n’est pas de nature à écarter sa responsabilité du fait de sa participation à une entente, à moins qu’elle ne se soit distanciée publiquement de son contenu (arrêt Aalborg Portland e.a./Commission, point 46 supra, point 85).

50      Par ailleurs, il a été jugé que la notion de distanciation publique en tant qu’élément d’exonération de la responsabilité doit être interprétée de manière restrictive. En particulier, le silence observé par un opérateur dans une réunion au cours de laquelle une concertation illicite a lieu sur une question précise touchant à la politique des prix ne peut être assimilé à l’expression d’une désapprobation ferme et claire (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 5 décembre 2006, Westfalen Gassen Nederland/Commission, T‑303/02, Rec. p. II‑4567, points 103 et 124).

51      Toutefois, il y a lieu de relever également que la jurisprudence susvisée sur l’approbation tacite repose sur la prémisse que l’entreprise concernée a participé à des réunions au cours desquelles des accords de nature anticoncurrentielle ont été conclus (arrêt Aalborg Portland e.a./Commission, point 46 supra, point 81) ou au caractère manifestement anticoncurrentiel (arrêt Hüls/Commission, point 36 supra, point 155). Par conséquent, dès lors que la nature anticoncurrentielle d’une réunion n’est pas établie de manière indubitable, cette jurisprudence ne saurait s’appliquer (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 12 septembre 2007, Coats Holdings et Coats/Commission, T‑36/05, non publié au Recueil, point 91).

52      S’agissant des arguments des requérantes concernant la valeur des déclarations faites dans le cadre des demandes au titre de la communication sur la coopération, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, aucune disposition, ni aucun principe général du droit de l’Union européenne n’interdit à la Commission de se prévaloir à l’encontre d’une entreprise des déclarations d’autres entreprises incriminées (arrêt Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, point 41 supra, point 512). Les déclarations effectuées dans le cadre de la communication sur la coopération ne sauraient donc être considérées comme dépourvues de valeur probante de ce seul fait (arrêt Lafarge/Commission, point 43 supra, points 57 et 58).

53      Une certaine méfiance à l’égard des dépositions volontaires des principaux participants à une entente illicite est compréhensible, dès lors que ces participants pourraient minimiser l’importance de leur contribution à l’infraction et maximiser celle des autres. Néanmoins, compte tenu de la logique inhérente à la procédure prévue par la communication sur la coopération, le fait de demander le bénéfice de son application en vue d’obtenir une réduction du montant de l’amende ne crée pas nécessairement une incitation à présenter des éléments de preuve déformés quant aux autres participants à l’entente incriminée. En effet, toute tentative d’induire la Commission en erreur pourrait remettre en cause la sincérité ainsi que la complétude de la coopération de l’entreprise et, partant, mettre en danger la possibilité pour celle-ci de tirer pleinement bénéfice de la communication sur la coopération (arrêts du Tribunal du 16 novembre 2006, Peróxidos Orgánicos/Commission, T‑120/04, Rec. p. II‑4441, point 70, et Lafarge/Commission, point 43 supra, point 58).

54      En particulier, il y a lieu de considérer que le fait pour une personne d’avouer qu’elle a commis une infraction et d’admettre ainsi l’existence de faits qui dépassent ceux dont l’existence pouvait être déduite de manière directe des documents en question implique a priori, en l’absence de circonstances particulières de nature à indiquer le contraire, que cette personne a pris la résolution de dire la vérité. Ainsi, les déclarations allant à l’encontre des intérêts du déclarant doivent, en principe, être considérées comme des éléments de preuve particulièrement fiables (arrêts du Tribunal JFE Engineering e.a./Commission, point 44 supra, points 211 et 212 ; du 26 avril 2007, Bolloré e.a./Commission, T‑109/02, T‑118/02, T‑122/02, T‑125/02, T‑126/02, T‑128/02, T‑129/02, T‑132/02 et T‑136/02, Rec. p. II‑947, point 166, et Lafarge/Commission, point 43 supra, point 59).

55      Pour autant, selon une jurisprudence constante, la déclaration d’une entreprise inculpée pour avoir participé à une entente, dont l’exactitude est contestée par plusieurs autres entreprises inculpées, ne peut être considérée comme constituant une preuve suffisante de l’existence d’une infraction commise par ces dernières sans être étayée par d’autres éléments de preuve (arrêts du Tribunal JFE Engineering e.a./Commission, point 44 supra, point 219 ; du 25 octobre 2005, Groupe Danone/Commission, T‑38/02, Rec. p. II‑4407, point 285, et Lafarge/Commission, point 43 supra, point 293).

56      Aux fins d’examiner la valeur probante des déclarations des entreprises ayant formé une demande au titre de la communication sur la coopération, le Tribunal prend en compte notamment l’importance des indices concordants appuyant la pertinence de ces déclarations (voir, en ce sens, arrêts JFE Engineering e.a./Commission, point 44 supra, point 220, et Peróxidos Orgánicos/Commission, point 53 supra, point 70) et l’absence d’indices que celles-ci auraient eu tendance à minimiser l’importance de leur contribution à l’infraction et à maximiser celle des autres entreprises (voir, en ce sens, arrêt Lafarge/Commission, point 43 supra, points 62 et 295).

57      Enfin, s’agissant de la portée du contrôle juridictionnel en l’espèce, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, lorsqu’il est saisi d’un recours en annulation d’une décision d’application de l’article 81, paragraphe 1, CE, le Tribunal doit exercer de manière générale un entier contrôle sur le point de savoir si les conditions d’application de l’article 81, paragraphe 1, CE se trouvent ou non réunies (voir arrêt du Tribunal du 26 octobre 2000, Bayer/Commission, T‑41/96, Rec. p. II‑3383, point 62, et la jurisprudence citée).

58      En outre, l’existence d’un doute dans l’esprit du juge doit profiter à l’entreprise destinataire de la décision constatant une infraction, conformément au principe de la présomption d’innocence, lequel, en tant que principe général du droit de l’Union, s’applique notamment aux procédures relatives à des violations des règles de concurrence applicables aux entreprises susceptibles d’aboutir au prononcé d’amendes ou d’astreintes (arrêt Hüls/Commission, point 36 supra, points 149 et 150).

59      C’est dans le cadre de ces considérations générales qu’il y a lieu d’examiner les arguments des requérantes selon lesquels, en substance, la Commission n’a pas établi que la participation de Barlo aux quatre réunions en question était constitutive d’une violation de l’article 81 CE.

60      En premier lieu, s’agissant de la réunion d’avril 1998 à Dernbach, celle-ci est décrite comme suit au considérant 151 de la décision attaquée :

« En avril 1998, la deuxième des réunions mentionnées ci-dessus au considérant 144 s’est déroulée à l’hôtel […] à Dernbach. Selon Atofina, celle-ci avait également pour objectif la mise en œuvre des nouvelles structures tarifaires en Allemagne et les participants ont pris des mesures pour garantir le bon fonctionnement et le respect de ces structures, en particulier en ce qui concerne l’application de prix plus élevés pour les petites quantités et les réductions de coûts à répercuter sur les clients […] Barlo confirme la tenue de cette réunion et la présence de M. [B.], indique que la réunion visait initialement à examiner les questions relatives à l’évolution du marché, mais que l’ordre du jour s’est en réalité étendu à l’annonce de nouvelles structures tarifaires prenant la forme de l’application aux clients de coûts de services plus élevés. Les participants n’ayant pas réussi à se mettre d’accord sur la facturation des coûts des services aux clients, Barlo n’a fait aucune tentative pour augmenter le prix moyen des PMMA-plaques massives après la réunion […] Même si Degussa considère qu’il est possible que cette réunion soit la même que celle du 16 mars 1998 susmentionnée au considérant 148 […] la Commission conclut, sur la base des déclarations d’Atofina et de Barlo, que la réunion citée dans ce considérant a eu lieu en réalité en avril 1998. »

61      Il ressort du dossier, ainsi que du libellé même du considérant 151 de la décision attaquée, que, afin de déterminer le contenu de la réunion en question, la Commission s’est fondée sur deux éléments, à savoir sur une déclaration d’Atofina faite dans le cadre de sa demande au titre de la communication sur la coopération et sur la réponse des requérantes à la communication des griefs.

62      Or, au vu de ces éléments, premièrement, il y a lieu de constater qu’il a été établi à suffisance de droit que la réunion en question avait un objet manifestement anticoncurrentiel.

63      D’une part, c’est à tort que les requérantes suggèrent que la description donnée par M. B. constitue le seul élément de preuve au sujet du caractère anticoncurrentiel de cette réunion. Il ressort, en effet, de la déclaration d’Atofina que cette réunion avait pour objet de s’assurer du fonctionnement et du respect des nouvelles structures de prix, objet qui doit être qualifié de manifestement anticoncurrentiel. Le seul fait qu’il s’agisse d’une description générale s’appliquant à plusieurs réunions n’est pas de nature à modifier cette conclusion.

64      D’autre part, il convient de souligner que les requérantes ne remettent pas en question l’exactitude de la description donnée par leur propre représentant, M. B. Or, contrairement à ce qu’elles avancent, cette description permet également de constater qu’il s’agissait d’une réunion d’entente. Il en ressort, en effet, qu’il y a eu une annonce des nouvelles structures de prix et que ces nouvelles structures de prix ont été discutées même si, d’après M. B., les participants ne s’étaient pas mis d’accord à cet égard. Le fait que, selon M. B., cette discussion n’ait pas conduit à un accord, n’enlève pas à cette réunion le caractère manifestement anticoncurrentiel, dès lors qu’il s’agissait, à tout le moins, d’un échange d’informations commercialement sensibles.

65      En outre, il convient de souligner que ces deux éléments se corroborent mutuellement, notamment, en ce qui concerne la discussion sur les « nouvelles structures de prix » et la présence de Barlo à celle-ci. Dans ces conditions, le fait qu’Atofina ait indiqué la présence d’autres entreprises à cette réunion, dont la présence n’est plus retenue par la décision attaquée, ne permet pas d’invalider la conclusion de la Commission en ce qui concerne les requérantes.

66      Par ailleurs, les affirmations de Degussa dans sa réponse à la communication des griefs ne permettent pas de remettre en cause la description effectuée par Atofina et par M. B. En effet, Degussa a simplement affirmé qu’elle ne pouvait pas confirmer spécifiquement qu’une réunion avait eu lieu en avril 1998, tout en insistant sur le fait qu’elle ne pouvait pas l’exclure. Elle a indiqué qu’il était possible qu’il s’agisse de la même réunion que celle du 16 mars 1998. Or, il y a lieu de souligner que, ainsi que cela ressort de la note en bas de page n° 92 de la décision attaquée, Degussa mentionnait également la présence d’un représentant de Barlo à cette dernière réunion.

67      Au demeurant, dans une déclaration ultérieure, en réponse à une demande de renseignements de la Commission, Atofina a également situé la réunion en question non plus en avril, mais au 16 mars 1998, tout en confirmant sa description. Toutefois, cette incertitude quant à la date exacte de la réunion concernée n’est pas de nature à exonérer les requérantes, compte tenu de leurs propres déclarations et du fait que la date retenue, à savoir le mois d’avril 1998 au lieu du 16 mars 1998, leur est avantageuse, dès lors que c’est cette date (le dernier jour du mois d’avril) qui a été retenue par la Commission comme début de leur participation à l’infraction.

68      Deuxièmement, s’agissant de l’appréciation du comportement de Barlo lors de la réunion de Dernbach, il y a lieu de rappeler que les requérantes ne nient pas la présence de celle-ci à la réunion en question et ne prétendent pas que celle-ci se soit distanciée publiquement de son contenu (voir point 47 ci-dessus).

69      Dans ces conditions, la seule présence de Barlo à la réunion suffit pour constater que son comportement a été contraire à l’article 81 CE, dès lors que, ainsi qu’il ressort de ce qui précède, celle-ci portait, à tout le moins, sur des discussions sur les prix et doit donc être qualifiée de manifestement anticoncurrentielle (voir points 37 et 38 ci-dessus). Dans cette situation, contrairement à ce que les requérantes soutiennent, M. B. aurait dû se rendre compte qu’il assistait à une réunion d’entente et se distancier publiquement de celle-ci (voir points 47, 48 et 51 ci-dessus).

70      Quant au fait que Barlo n’aurait pas augmenté ses prix à la suite de ladite réunion, même à le supposer établi, il n’est pas suffisant pour remettre en cause la responsabilité des requérantes (voir point 49 ci-dessus). En tout état de cause, les requérantes ne démontrent pas que Barlo n’a pas tenu compte des informations échangées lors de la réunion, dans son comportement sur le marché (voir point 40 ci-dessus).

71      En deuxième lieu, s’agissant de la réunion du 29 juin 1998 à Darmstadt, visée au considérant 155 de la décision attaquée, les requérantes ne contestent pas le caractère anticoncurrentiel de celle-ci. Elles relèvent, cependant, qu’il n’a pas été établi que Barlo ait eu l’intention de contribuer par sa propre conduite aux objectifs communs des autres participants de sorte que la présence de Barlo à cette réunion ne pourrait pas être qualifiée d’infraction à l’article 81 CE.

72      Cependant, cette argumentation ne saurait prospérer.

73      Il suffit de constater que, au regard de la description de cette réunion au considérant 155 de la décision attaquée, non contestée par les requérantes, il s’agissait d’une réunion manifestement anticoncurrentielle. Dans ces conditions, en application de la jurisprudence visée au point 47 ci-dessus, il appartenait à Barlo de se distancier publiquement de son contenu.

74      En particulier, le fait pour Barlo de ne pas avoir laissé entendre qu’elle modifierait sa politique tarifaire (considérant 155, in fine, de la décision attaquée) ne saurait être qualifié de distanciation publique (voir point 50 ci-dessus).

75      De même, l’argument selon lequel les participants à l’entente ont invité Barlo à cette réunion en vue de l’impliquer dans l’entente et que cette tentative a échoué ne saurait prospérer. En effet, en l’absence d’une distanciation publique, il n’est pas démontré que Barlo n’a pas fait accroire aux autres participants qu’elle souscrivait ou se soumettrait à ce qui avait été décidé, comme les requérantes l’allèguent.

76      Dans ces conditions, les arguments des requérantes selon lesquels, d’une part, il s’agissait de la première réunion qui portait sur des négociations relatives aux prix en présence d’un représentant de Barlo et que ce dernier ne s’attendait pas à un tel contenu anticoncurrentiel, d’autre part, que Barlo a nié toute participation active à la réunion et qu’il n’a pas été démontré que Barlo avait modifié sa politique tarifaire à la suite de cette réunion et, enfin, que la décision attaquée ne cite le représentant de Barlo dans aucune des réunions de suivi, ne sont pas pertinents. Par ailleurs, ainsi qu’il ressort de ce qui précède, il ne s’agissait pas de la première réunion à laquelle le représentant de Barlo avait pris part. Les affirmations de Lucite en ce sens sont contredites par celles d’Atofina, de Degussa et des requérantes elles-mêmes, comme il a été exposé ci-dessus.

77      En troisième lieu, s’agissant de la réunion du 24 février 2000 à Heidelberg, les requérantes avancent que la description faite par la Commission au considérant 167 de la décision attaquée n’est pas correcte et qu’il ne s’agissait pas d’une réunion d’entente, mais d’une « tentative », « inattendue », de mettre en place un accord tarifaire et d’impliquer Barlo, et que celle-ci a échoué.

78      À cet égard, il y a lieu de relever, d’une part, que le considérant 167 de la décision attaquée reproduit correctement le contenu de la déclaration faite par les requérantes dans leur réponse à la communication des griefs, dont l’exactitude n’est pas contestée dans le cadre du présent recours. Or, contrairement à ce que les requérantes suggèrent, cette déclaration suffit déjà en elle-même à démontrer que la réunion en question avait un caractère manifestement anticoncurrentiel. En effet, il en ressort sans aucune ambiguïté que Degussa et Atofina ont présenté leurs nouvelles structures tarifaires pour encourager les autres participants à les suivre et qu’il y a eu une « discussion » entre les participants à ce sujet. À supposer même que la circonstance, avancée par les requérantes, que cette « discussion » se soit terminée sans résultat tangible soit établie, celle-ci ne suffirait pas pour enlever à ladite réunion son caractère anticoncurrentiel, dès lors qu’il s’agissait, à tout le moins, d’une discussion sur les prix et d’un échange d’informations importantes sous l’angle commercial. Or, étant donné que Barlo ne s’est pas distanciée publiquement d’un tel contenu de la réunion, la participation à l’entente des requérantes est établie, du seul fait de la présence de Barlo à cette réunion (voir points 37 et 47 à 51 ci-dessus).

79      D’autre part, les affirmations de la Commission selon lesquelles les entreprises « [s’étaient] rencontrées pour vérifier la mise en œuvre des accords sur les hausses de prix », qu’il « avait été constaté au cours des mois précédents que les prix sur certains marchés nationaux n’avaient pas augmenté ou uniquement partiellement » et que les « participants [avaient] aussi échangé des renseignements concernant le marché » sont étayées par le contenu des déclarations faites par Degussa, qui ont été produites par la Commission à la suite de la demande du Tribunal (voir point 23 ci-dessus). Par ailleurs, dans la mesure où la Commission allègue, par référence au considérant 117 de la décision attaquée, que l’échange portait notamment sur les prix sur le marché, cet élément est corroboré par la déclaration des requérantes visée au point précédent, qui mentionne le fait que Degussa et Atofina ont présenté leurs nouvelles structures tarifaires.

80      Dans ces conditions, compte tenu notamment de la propre déclaration des requérantes, non contestée, quant au contenu de la réunion en question, leurs autres arguments ne sauraient prospérer. En particulier, il est sans pertinence que l’entreprise « Repsol » ne soit pas mentionnée dans la décision attaquée parmi les participants de la réunion, alors que sa présence a été mentionnée par Degussa, ou que Lucite ne se souvienne d’aucune réunion à cette date. Il en est de même s’agissant des arguments tirés du fait que, dans sa réponse à la communication des griefs, Degussa a corrigé certains aspects de ses déclarations antérieures. Au demeurant, cette dernière n’a pas remis en cause le caractère anticoncurrentiel des discussions entre les entreprises impliquées. Enfin, quant à l’argument des requérantes selon lequel l’allégation de la Commission que l’échange a porté sur des renseignements « tels que ceux mentionnés […] au considérant 117 » ne serait pas étayée, il y a lieu de rappeler que les requérantes ont elles-mêmes admis que Degussa et Atofina avaient présenté leurs nouvelles structures tarifaires. Partant, à supposer même que l’échange concernant tous les types de renseignements mentionnés au considérant 117 de la décision attaquée n’ait pas été établi, cela ne modifierait pas la conclusion selon laquelle un échange d’informations importantes sous l’angle commercial avait bien eu lieu lors de la réunion concernée.

81      En quatrième lieu, s’agissant de la réunion du 21 août 2000 à Deidesheim, il y a lieu de relever que le considérant 168 de la décision attaquée contient une description détaillée de cette réunion qui se fonde principalement sur des notes manuscrites prises par le représentant de Lucite lors de la réunion, lesquelles ont été trouvées dans les locaux de Lucite lors de l’inspection et mentionnent notamment une augmentation de prix prévue pour Barlo. Cette réunion, y compris son caractère anticoncurrentiel, a ensuite été confirmée par Lucite dans le cadre de sa demande au titre de la communication sur la coopération, ainsi que par Degussa et Atofina. Quant à Barlo, celle-ci a confirmé sa présence à la réunion en question, ainsi que son caractère manifestement anticoncurrentiel, en affirmant ce qui suit :

« Le 21 août 2000, une quatrième réunion a eu lieu à Deidesheim […], l’ordre du jour étant le ‘commerce électronique’, thème qui, à cette époque, faisait également l’objet de nombreuses discussions aux réunions du CEFIC. L’invitation à la réunion émanait à nouveau de Degussa. Au lieu de parler de commerce électronique, Degussa et Atofina ont modifié l’ordre du jour de la réunion afin de proposer une augmentation des prix pour novembre 2000. Degussa et Atofina, après avoir échangé des informations détaillées sur leurs prix, ont annoncé leur intention d’augmenter les prix en novembre 2000. Selon les informations dont disposent [les requérantes], M. Bernard n’a accepté aucune augmentation de prix […] »

82      Au vu de ces éléments, il y a lieu de constater que le caractère manifestement anticoncurrentiel de la réunion ainsi que la présence de Barlo à celle-ci ont été établis à suffisance de droit.

83      Par ailleurs, dans le cadre du présent recours, les requérantes ne remettent pas en question la description effectuée au considérant 168 de la décision attaquée, mais elles soutiennent seulement que la Commission n’a pas prouvé que la présence de Barlo à celle-ci était contraire à l’article 81 CE, au motif que Barlo n’aurait pas donné son accord aux propositions d’Atofina et de Degussa. Ainsi, selon les requérantes, cette réunion était une « tentative », « inattendue » pour Barlo, de l’enrôler dans l’entente. Elles soulignent également qu’il n’y a pas de preuve de ce que Barlo aurait mis en œuvre l’augmentation décidée lors de cette réunion, ce qui serait admis par la Commission, étant donné que la date de cette réunion correspond à la fin de sa participation à l’infraction.

84      Toutefois, cette argumentation ne permet pas de remettre en cause la conclusion de la Commission relative à la violation de l’article 81 CE.

85      D’une part, l’argument selon lequel Barlo n’a pas donné son accord aux augmentations des prix est contredit par le contenu des notes manuscrites du représentant de Lucite, lequel ayant été confirmé ultérieurement par Lucite, Degussa et Atofina.

86      D’autre part, à supposer même que Barlo n’ait pas donné son accord explicite sur une augmentation des prix, elle a néanmoins assisté à une réunion manifestement anticoncurrentielle, au cours de laquelle des augmentations de prix ont été discutées et décidées et des informations commercialement sensibles ont été échangées, sans se distancier publiquement de son contenu. Dans ces conditions, la violation des règles de concurrence est établie, conformément aux principes dégagés par la jurisprudence visée au point 49 ci-dessus. En particulier, le fait que le contenu de la réunion aurait été « inattendu » pour Barlo et que celle-ci n’aurait pas donné suite aux résultats de la réunion est sans pertinence.

87      Au demeurant, la déclaration d’Atofina selon laquelle « la réunion avait pour but d’essayer de rétablir la confiance entre Degussa/Ato[fina]/Lucite/Barlo afin de pouvoir augmenter les prix », loin de démontrer que la réunion n’était pas prévue pour être une réunion d’entente, comme les requérantes le soutiennent, confirme plutôt le caractère manifestement anticoncurrentiel de la réunion, la présence de Barlo à celle-ci, ainsi que le fait que Barlo avait déjà été impliquée dans l’entente antérieurement à cette réunion.

88      Au regard de ce qui précède, il y a lieu de conclure que c’est à bon droit que la Commission a considéré que la participation de Barlo aux quatre réunions susvisées était constitutive d’une violation de l’article 81 CE.

89      Cette conclusion n’est pas remise en cause par les arguments des requérantes selon lesquels il y aurait lieu en l’espèce de porter une « attention particulière » à la charge de la preuve, que la Commission tenterait de renverser, compte tenu de l’acquisition de Barlo par les requérantes quatre années après la cessation de l’infraction et de l’impossibilité pour les requérantes qui en résulterait de produire leurs propres éléments de preuve. En effet, il ressort de ce qui précède que la violation de l’article 81 CE a été établie selon la jurisprudence constante en matière de preuve.

90      De même, étant donné que la conclusion tirée au point 88 ci-dessus est fondée sur les preuves non équivoques réunies par la Commission, les arguments des requérantes visant, en substance, à substituer une autre « explication plausible » des faits à celle retenue par la Commission ne sauraient prospérer (voir, en ce sens, arrêt Coats Holdings et Coats/Commission, point 51 supra, points 72 et 74).

91      Partant, le présent grief doit être rejeté.

–       Sur la réunion de Barcelone (Espagne) contestée de mai-juin 1999 (considérant 164 de la décision attaquée)

92      À la différence des quatre réunions analysées ci-dessus, les requérantes nient la participation de Barlo à une quelconque réunion en mai ou en juin 1999 et soutiennent, de surcroît, que sa tenue même n’a pas été établie par la Commission. Or, cette réunion serait d’une « importance cruciale » en ce qui les concerne, dès lors qu’elle fait le lien entre deux réunions de 1998 et les deux réunions de 2000, auxquelles Barlo était présente.

93      À cet égard, il y a lieu de rappeler que le considérant 164 de la décision attaquée énonce :

« En mai ou juin 1999, une réunion a eu lieu entre des représentants d’Atofina, d’ICI, de Degussa, de Barlo et d’Irpen (un producteur local) dans un hôtel de Barcelone. L’objet de la réunion était d’informer Irpen des accords sur les prix et de les intégrer dans les accords. Les discussions ont également porté sur la définition des prix minimaux, y compris par palette. Les discussions se sont déroulées pays par pays et client par client, le calendrier des hausses de prix étant défini précisément pour chaque pays. »

94      Ainsi que les requérantes le soulignent, il est constant que la Commission n’a disposé d’aucune preuve documentaire relative à cette réunion non seulement en ce qui concerne son caractère anticoncurrentiel, mais également en ce qui concerne sa tenue même et les personnes qui y ont participé. En effet, à l’appui de la description de cette réunion, la Commission a seulement cité, dans la décision attaquée, une déclaration d’Atofina faite dans le cadre de sa demande au titre de la communication sur la coopération et la confirmation de Degussa, donnée dans sa réponse à la communication des griefs.

95      Il y a donc lieu de vérifier si ces déclarations permettaient d’établir la participation de Barlo à la réunion alléguée à suffisance de droit.

96      À cet égard, il convient de rappeler que, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence visée aux points 52 à 54 ci-dessus, les déclarations effectuées dans le cadre de la politique de clémence jouent un rôle important. Ces déclarations effectuées au nom d’entreprises ont une valeur probante non négligeable, dès lors qu’elles induisent des risques juridiques et économiques considérables (voir, également, arrêt du Tribunal du 24 mars 2011, Aalberts Industries e.a./Commission, T‑385/06, non encore publié au Recueil, point 47). Toutefois, il ressort également de la jurisprudence visée aux points 53 et 55 ci-dessus que les déclarations faites par des entreprises inculpées dans le cadre de demandes formées au titre de la communication sur la coopération doivent être appréciées avec prudence et, lorsqu’elles sont contestées, en général, elles ne sauraient être acceptées sans corroboration.

97      Par ailleurs, aux fins d’examiner la valeur probante des déclarations des entreprises ayant formé une demande au titre de la communication sur la coopération, le Tribunal prend en compte notamment l’importance des indices concordants appuyant la pertinence de ces déclarations (arrêts JFE Engineering e.a./Commission, point 44 supra, point 220, et Peróxidos Orgánicos/Commission, point 53 supra, point 70). De même, la pertinence d’une déclaration influence, le cas échéant, le degré de corroboration requis (voir, en ce sens, arrêt JFE Engineering e.a./Commission, point 44 supra, point 220).

98      En l’espèce, s’agissant de la déclaration d’Atofina, formulée dans sa demande déposée au titre de la communication sur la coopération, les requérantes avancent qu’elle manque de valeur probante, parce qu’elle ne serait pas suffisamment précise.

99      À cet égard, il y a lieu de relever qu’Atofina place la réunion concernée dans le contexte d’une série de réunions qui se seraient tenues dans la période allant de l’été 1997 jusqu’à 1999, qui sont décrites sur une page tirée de sa demande au titre de la communication sur la coopération, annexée au mémoire en défense. En haut de ladite page, sous l’intitulé « Acteurs », Atofina a indiqué les entreprises concernées, à savoir Atoglas, Röhm, Degussa, Lucite (ICI), Repsol et Barlo, ainsi que l’identité de leurs représentants, et notamment « W. [B.] + E. [S.] à partir de 99 » en ce qui concerne Barlo. Ensuite, Atofina a décrit plusieurs réunions en Allemagne, dont deux réunions à Darmstadt en été et en automne 1998, en France et en Italie. Enfin, en bas de ladite page, Atofina a indiqué ce qui suit :

« En mai/juin 99

Réunion dans un hôtel du centre de Barcelone : les mêmes plus Irpen (producteur local) et la présence des représentants des réseaux locaux.

Contenu des discussions à Darmstadt et au niveau local :

Les niveaux de prix chez distributeurs (70 % du marché), définition d’objectifs de prix mini pour les transformateurs, fixation prix mini par palette. »

100    Il y a lieu de constater que, contrairement à ce que les requérantes soutiennent, cette déclaration permettait d’identifier tant les participants à la réunion que le contenu anticoncurrentiel de celle-ci. En effet, la mention « les mêmes plus Irpen » doit être lue à la lumière de l’indication des participants aux différentes réunions qui figure en haut de la page de la déclaration d’Atofina, où cette dernière a indiqué notamment « Barlo[ :] W. [B.] + E. [S.] à partir de 99 ». De même, l’indication « contenu des discussions […] au niveau local », dans le contexte de cette page, doit nécessairement être comprise comme visant notamment la réunion en question à Barcelone. Ainsi, selon Atofina, le contenu de cette réunion a consisté en la fixation des « niveaux de prix chez [les] distributeurs », en la « définition d’objectifs de prix mini pour les transformateurs » et en la « fixation [de] prix mini par palette ». Par ailleurs, même si ce document n’est pas cité au considérant 164 de la décision attaquée, il ressort du dossier que, ultérieurement, en réponse à une demande de renseignements de la Commission, Atofina a fourni des commentaires supplémentaires au sujet de la réunion litigieuse, en évoquant explicitement la présence du représentant de Barlo. En outre, Atofina a ajouté une précision supplémentaire quant au contenu anticoncurrentiel de la réunion en affirmant que son « but […] était d’étendre la structure tarifaire à l’Espagne/Portugal et de convaincre les producteurs locaux de s’y associer ».

101    Il en ressort, sans aucune ambiguïté, que, selon Atofina, le représentant de Barlo était parmi les participants à la réunion en question et que cette dernière avait un caractère anticoncurrentiel.

102    Toutefois, il y a également lieu de relever que c’est à juste titre que les requérantes soutiennent que la déclaration d’Atofina ne contient pas beaucoup de précisions sur la réunion de Barcelone alléguée. Ainsi, elle ne permet d’identifier ni la date, ni le lieu exact de la réunion, ni les sujets qui auraient été spécifiquement abordés lors de celle-ci. Des précisions sur ce dernier point n’ont été ajoutées qu’ultérieurement (voir point 100 ci-dessus). Cette description contraste avec celle des autres réunions visées sur la page en question, qui indique les noms des hôtels où ces réunions ont eu lieu, les sujets spécifiques discutés et parfois également d’autres précisions, telles que l’indication de l’entreprise qui a payé les frais de l’hôtel. De même, excepté la mention du représentant de Barlo parmi les participants à la réunion, la déclaration d’Atofina ne contient aucune information spécifique en ce qui la concerne.

103    En outre, il convient de constater que la pertinence de la déclaration d’Atofina peut être relativisée au regard de l’appréciation, par la Commission, des autres réunions qu’elle a mentionnées. Il y a lieu de relever, en effet, que, s’agissant des huit autres réunions faisant partie de la série visée dans la déclaration d’Atofina [réunions de septembre 1997 à Dernbach, d’avril 1998 à Dernbach, de juin 1998 à Idstein (Allemagne), au printemps 1998 à Paris (France), durant l’été 1998 à Darmstadt, à l’automne 1998 à Darmstadt et deux réunions à Milan (Italie) ou près de Milan en 1999], seules deux, pour lesquelles Barlo a admis sa participation, à savoir la réunion de Dernbach en avril 1998 et la réunion de Darmstadt en juin 1998, ont été retenues à l’encontre des requérantes dans la décision attaquée. Or, il est rappelé que, selon Atofina, les « acteurs », dont Barlo, mentionnés en haut de la page de sa déclaration, ont participé à l’ensemble des réunions de la série.

104    Dans ces conditions, en l’absence de toute preuve documentaire au sujet de la réunion litigieuse, il y a lieu d’examiner avec une attention particulière  la confirmation de Degussa, en ce qui concerne la présence de Barlo à la réunion litigieuse.

105    Or, il y a lieu de constater d’emblée que la pertinence de la confirmation de Degussa est limitée, au regard de sa teneur, d’une part, et des circonstances dans lesquelles elle est intervenue, d’autre part.

106    En effet, d’une part, Degussa a confirmé, de façon tout à fait générale, « la tenue, le contenu et les participants » de la réunion et n’a fait état d’aucune information spécifique concernant Barlo. La seule précision contenue dans cette déclaration est relative à l’objet de celle-ci (l’implication d’Irpen dans les accords) et ne concerne pas spécifiquement Barlo. Du reste, Degussa a affirmé explicitement qu’elle ne se souvenait plus des détails et, notamment, qu’elle ne pouvait pas donner la date de la réunion, une attestation de frais de transport de M. F. pour cette période faisant défaut.

107    Il y a donc lieu de constater que le degré de corroboration de cette déclaration, en ce qui concerne la présence de Barlo à la réunion litigieuse, est relativement faible.

108    D’autre part, s’agissant des arguments des requérantes tirés de ce que cette confirmation a été introduite à un stade très avancé de la procédure, à savoir dans la réponse à la communication des griefs, il y a lieu de relever que cette circonstance ne permet pas, en tant que telle, de dénier toute valeur probante à la déclaration de Degussa, qui doit être examinée à la lumière de l’ensemble des circonstances pertinentes de l’espèce.

109    Toutefois, une telle déclaration a une valeur probante moindre que si elle avait été faite spontanément, et ce indépendamment de la déclaration d’Atofina. En particulier, lorsque l’entreprise déposant une demande d’immunité connaît les éléments réunis par la Commission dans le cadre de son enquête, la logique inhérente à la procédure prévue par la communication sur la coopération, selon laquelle toute tentative d’induire la Commission en erreur pourrait remettre en cause la sincérité ainsi que la complétude de la coopération de l’entreprise (voir point 53 ci-dessus), ne s’applique pas dans la même mesure que s’il s’agit d’une déclaration spontanée, sans connaissance des griefs retenus par la Commission. De même, les considérations selon lesquelles les déclarations au titre de la communication sur la coopération vont à l’encontre des intérêts du déclarant et doivent, en principe, être considérées comme des éléments de preuve particulièrement fiables (voir point 54 ci-dessus) peuvent ne pas être pleinement applicables en ce qui concerne la réponse à la communication des griefs d’une entreprise déposant une demande d’immunité, telle que Degussa.

110    Par ailleurs, il ne peut pas être exclu que la portée d’une telle confirmation soit influencée par la teneur de la communication de griefs lorsqu’il s’agit, comme en l’espèce, d’une confirmation tout à fait générale de la « tenue », du « contenu » et des « participants » d’une réunion. Cette considération est illustrée par le traitement de deux réunions à Milan ou près de Milan qui se seraient tenues, selon la déclaration d’Atofina, en 1999. Dans sa réponse à une question du Tribunal, la Commission a expliqué qu’elle « n’a[vait] pas retenu [ces] deux réunions mentionnées par Atofina [dans sa déclaration] contre [les requérantes], dans la mesure où la deuxième demande de clémence, celle de Degussa, ne confirmait pas explicitement la présence de Barlo à ces réunions ». Elle a en outre précisé que, « [a]u point 160 de sa réponse à la communication des griefs, Degussa [s’était] content[ée] de rappeler la présence d’Atofina, Degussa, Lucite, Madreperla et Plastidit, comme indiqué au point 240 de la communication des griefs ». Or, la Commission n’a pas expliqué pourquoi, au point 240 de la communication des griefs, elle avait choisi de ne pas mentionner Barlo parmi les participants à deux réunions à Milan ou près de Milan, alors qu’elle l’avait fait pour la réunion de Barcelone litigieuse, et ce dans une situation où, dans les deux cas, la présence de Barlo avait été évoquée par Atofina dans les mêmes termes (« les mêmes plus […] »). Il ne peut donc pas être exclu que, en ce qui concerne l’identité des participants à des réunions anticoncurrentielles, Degussa se soit fiée, dans une certaine mesure, au libellé de la communication des griefs, au lieu de procéder à la reconstitution objective des faits.

111    Enfin, il y a lieu de rappeler, d’une part, que les requérantes contestent fermement la présence de Barlo à la réunion litigieuse, et ce alors qu’elles admettent explicitement la présence de celle-ci à toutes les autres réunions retenues contre elles dans la décision attaquée, et, d’autre part, que la décision attaquée ne fait état d’aucune autre confirmation de cette réunion qui impliquait, selon Atofina, également ICI (devenue Lucite), ainsi que les entreprises « Repsol » et « Irpen », et ce même si ICI et Lucite ont également introduit des demandes au titre de la communication sur la coopération.

112    Eu égard à l’ensemble des éléments analysés ci-dessus et, en particulier à l’incapacité de la Commission de réunir des preuves documentaires relatives à la réunion en question ou des déclarations plus circonstanciées en ce qui concerne la présence de Barlo à celle-ci, et compte tenu du principe selon lequel un doute dans l’esprit du juge doit profiter à l’entreprise destinataire de la décision (voir point 58 ci-dessus), il y a lieu de constater que la réunion de Barcelone visée au considérant 164 de la décision attaquée ne pouvait pas être retenue à l’encontre des requérantes.

113    À cet égard, il y a certes lieu de relever que c’est à juste titre que la Commission soutient que, si elle doit faire état de preuves précises et concordantes pour fonder la ferme conviction que l’infraction a été commise (voir, en ce sens, arrêts Volkswagen/Commission, point 43 supra, point 43, et la jurisprudence citée, et Lafarge/Commission, point 43 supra, point 55), chacune des preuves apportées par elle ne doit pas nécessairement répondre à ces critères en ce qui concerne chaque élément de l’infraction, mais il suffit que le faisceau d’indices invoqué par l’institution, apprécié globalement, réponde à cette exigence (voir, en ce sens, arrêt JFE Engineering e.a./Commission, point 44 supra, point 180, et la jurisprudence citée). De même, c’est à juste titre que la Commission insiste sur le fait que les preuves doivent être appréciées dans leur ensemble en tenant compte de toutes les circonstances factuelles pertinentes (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 11 mars 1999, Thyssen Stahl/Commission, T‑141/94, Rec. p. II‑347 point 175).

114    Toutefois, pour autant que la Commission allègue que la réunion de Barcelone de mai-juin 1999 doit être appréciée à la lumière de la coopération continue entre les membres de l’entente qui, selon Degussa, a commencé dès 1984-1985, il y a lieu de rappeler que la Commission a admis dans la décision attaquée que « la participation de Barlo à l’entente ne p[ouvait] être comparée à celle de la plupart des autres entreprises », étant donné notamment que « les contacts anticoncurrentiels avérés démontr[aient] plutôt que Barlo assistait de manière sporadique aux réunions qui se limitaient à tenir au courant l’entreprise des accords ou pratiques anticoncurrentiels convenus pour les PMMA-plaques massives » (considérant 373 de la décision attaquée). Par ailleurs, la Commission a également admis que Barlo avait participé à l’infraction pendant une plus courte durée que les autres entreprises, à savoir du 30 avril 1998 au 21 août 2000, alors que l’infraction en tant que telle a été établie pour la période allant du 23 janvier 1997 au 12 septembre 2002. Compte tenu de ces circonstances, il est tout à fait plausible que la participation de Barlo à l’entente se soit limitée aux seules quatre réunions pour lesquelles les requérantes ont admis sa présence. Partant, ni l’appréciation globale du faisceau d’indices réunis par la Commission à l’encontre des requérantes, ni le contexte de l’affaire ne permettent de modifier la conclusion énoncée au point 112 ci-dessus.

115    Il s’ensuit que le présent grief doit être accueilli.

–       Sur l’absence d’autres contacts ou échanges auxquels Barlo aurait participé

116    Les requérantes contestent l’exactitude des affirmations, figurant au considérant 227 de la décision attaquée. D’une part, elles relèvent que la description détaillée des réunions auxquelles Barlo a participé montre que lesdites réunions n’ont pas servi à informer cette dernière du contenu des réunions qu’elle avait manquées. D’autre part, les requérantes soulignent que la décision attaquée n’indique nullement l’existence d’autres contacts ou échanges auxquels Barlo aurait pris part et qu’il n’est fourni aucune preuve à l’appui de l’existence de tels contacts ou échanges.

117    À cet égard, il convient de rappeler que le considérant 227 de la décision attaquée énonce ce qui suit :

« […] le fait que Barlo n’ait peut-être pas participé à toutes les réunions consacrées au produit dans lequel cette entreprise est spécialisée (à savoir les PMMA-plaques massives) est sans incidence aucune sur l’appréciation de sa participation à l’entente, puisqu’elle a participé à des réunions antérieures et postérieures aux réunions qu’elle a manquées et était en mesure d’être informée et de tenir compte des informations échangées avec ses concurrents pour déterminer son comportement commercial sur le marché […] ».

118    Il y a lieu de constater que l’argumentation des requérantes repose sur une lecture erronée de ce considérant. En effet, dans ce dernier, la Commission s’est limitée à rejeter la thèse selon laquelle les requérantes ne pourraient pas être tenues pour responsables de l’infraction unique et continue en raison du nombre limité de réunions auxquelles Barlo avait participé. En revanche, la Commission n’a allégué ni que Barlo avait effectivement été informée du contenu des réunions qu’elle avait manquées, ni l’existence d’autres contacts ou échanges impliquant Barlo. Elle s’est limitée à évoquer la possibilité pour Barlo d’avoir été informée (« était en mesure »), laquelle, au demeurant, n’est pas contestée dans la requête.

119    L’argumentation des requérantes est donc inopérante.

120    Par ailleurs, il est constant entre les parties que les griefs retenus par la Commission à l’encontre des requérantes reposent sur la participation de Barlo à cinq réunions anticoncurrentielles concernant les plaques massives en PMMA, lesquelles ont été examinées ci-dessus.

121    Au demeurant, dans la mesure où les requérantes contestent leur responsabilité pour l’infraction unique, il est renvoyé à l’examen de la deuxième branche du premier moyen, effectué ci-après.

122    Partant, le présent grief doit être rejeté.

–       Conclusion relative à la première branche du premier moyen

123    Au vu de ce qui précède, la première branche du premier moyen, tirée de l’appréciation erronée des réunions et des autres contacts ou échanges impliquant Barlo, doit être accueillie en ce qui concerne l’appréciation de la participation alléguée de Barlo à la réunion de mai ou de juin 1999 à Barcelone et être rejetée pour le surplus. L’incidence éventuelle de cette conclusion sur la légalité de la décision attaquée et la détermination du montant de l’amende sera examinée ci-après.

 Sur la deuxième branche du premier moyen, tirée d’une appréciation erronée de la participation de Barlo à un « projet anticoncurrentiel unique et commun » couvrant trois produits en PMMA

124    Les requérantes font valoir que c’est à tort que, dans la décision attaquée, la Commission a considéré qu’elles avaient enfreint l’article 81 CE du fait de leur adhésion ou de leur contribution à un « projet anticoncurrentiel unique et commun » couvrant trois catégories de produits, à savoir les composants de moulage en PMMA, les plaques massives en PMMA et les plaques sanitaires en PMMA.

125    À cet égard, il y a lieu de rappeler, à titre liminaire, que, eu égard à la nature des infractions aux règles de concurrence ainsi qu’à la nature et au degré de sévérité des sanctions qui s’y rattachent, la responsabilité pour la commission de ces infractions a un caractère personnel (arrêt Commission/Anic Partecipazioni, point 34 supra, point 78).

126    Ensuite, il convient de relever que les accords et les pratiques concertées visés à l’article 81, paragraphe 1, CE résultent nécessairement du concours de plusieurs entreprises, qui sont toutes coauteurs de l’infraction, mais dont la participation peut revêtir des formes différentes, en fonction notamment des caractéristiques du marché concerné et de la position de chaque entreprise sur ce marché, des buts poursuivis et des modalités d’exécution choisies ou envisagées. Toutefois, la simple circonstance que chaque entreprise participe à l’infraction dans des formes qui lui sont propres ne suffit pas pour exclure sa responsabilité pour l’ensemble de l’infraction, y compris pour les comportements qui sont matériellement mis en œuvre par d’autres entreprises participantes, mais qui partagent le même objet ou le même effet anticoncurrentiel (arrêt Commission/Anic Partecipazioni, point 34 supra, points 79 et 80).

127    Une violation de l’article 81, paragraphe 1, CE peut résulter non seulement d’un acte isolé, mais également d’une série d’actes ou bien encore d’un comportement continu. Cette interprétation ne saurait être contestée au motif qu’un ou plusieurs éléments de cette série d’actes ou de ce comportement continu pourraient également constituer en eux-mêmes et pris isolément une violation de ladite disposition (voir, en ce sens, arrêt Commission/Anic Partecipazioni, point 34 supra, point 81). Lorsque les différentes actions s’inscrivent dans un « plan d’ensemble », en raison de leur objet identique faussant le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché commun, la Commission est en droit d’imputer la responsabilité de ces actions en fonction de la participation à l’infraction considérée dans son ensemble (voir arrêt Aalborg Portland e.a./Commission, point 46 supra, point 258, et la jurisprudence citée), même s’il est établi que l’entreprise concernée n’a participé directement qu’à un ou à plusieurs éléments constitutifs de l’infraction (voir arrêt du Tribunal du 12 décembre 2007, BASF et UCB/Commission, T‑101/05 et T‑111/05, Rec. p. II‑4949, point 161, et la jurisprudence citée).

128    D’après la jurisprudence de la Cour, afin d’établir la participation d’une entreprise à un tel accord unique, la Commission doit prouver que ladite entreprise entendait contribuer par son propre comportement aux objectifs communs poursuivis par l’ensemble des participants et qu’elle avait connaissance des comportements matériels envisagés ou mis en œuvre par d’autres entreprises dans la poursuite des mêmes objectifs, ou qu’elle pouvait raisonnablement les prévoir et qu’elle était prête à en accepter le risque (arrêt Commission/Anic Partecipazioni, point 34 supra, point 87, et Aalborg Portland e.a./Commission, point 46 supra, point 83).

129    Enfin, il convient de souligner que le fait qu’une entreprise n’a pas participé à tous les éléments constitutifs d’une entente ou qu’elle a joué un rôle mineur dans les aspects auxquels elle a participé doit être pris en considération lors de l’appréciation de la gravité de l’infraction et, le cas échéant, de la détermination du montant de l’amende (arrêts Commission/Anic Partecipazioni, point 34 supra, point 90, et Aalborg Portland e.a./Commission, point 46 supra, point 86).

130    En l’espèce, en premier lieu, il y a lieu de relever que le dispositif de la décision attaquée ne précise pas l’étendue exacte de l’infraction pour laquelle les destinataires de celle-ci ont été tenus pour responsables, l’article 1er se limitant à évoquer « un ensemble d’accords et de pratiques concertées dans le secteur de méthacrylates », sans mentionner spécifiquement les produits concernés.

131    Cependant, il doit être rappelé qu’il est de jurisprudence constante que le dispositif d’un acte est indissociable de sa motivation et doit être interprété, si besoin est, en tenant compte des motifs qui ont conduit à son adoption (voir arrêt du Tribunal du 17 septembre 2007, Microsoft/Commission, T‑201/04, Rec. p. II‑3601, point 1258, et la jurisprudence citée).

132    Or, le considérant 2 de la décision attaquée énonce clairement que l’infraction unique et continue porte sur trois produits en PMMA, comme suit :

« Les destinataires de la présente décision ont participé à une infraction unique et continue à l’article 81 [CE] et à l’article 53 de l’accord EEE dans le secteur des méthacrylates en ce qui concerne les trois produits suivants :

–        PMMA-composants de moulage ;

–        PMMA-plaques massives, et

–        PMMA-plaques sanitaires. »

133    En outre, aux considérants 222 à 226 de la décision attaquée, la Commission a exposé les raisons pour lesquelles elle avait estimé que l’entente en cause pouvait être qualifiée d’infraction unique et continue portant sur les trois produits susvisés. Dans ce contexte, le cas particulier des requérantes est abordé dans les termes suivants :

« Le fait que les entreprises concernées n’ont pas participé à tous les éléments constitutifs de l’entente globale ne saurait les exonérer de leur responsabilité concernant l’infraction à l’article 81 [CE]. En l’espèce, la circonstance qu[e] Barlo ne produise pas les trois produits en PMMA, contrairement aux autres parties aux arrangements anticoncurrentiels, ne change ni la nature ni l’objet de l’infraction, qui était de fausser l’évolution normale des prix de tous ces produits. Il ressort clairement des faits exposés à la section 3 [de la décision attaquée] que toutes les parties aux accords anticoncurrentiels adhéraient et contribuaient, dans la mesure de leurs possibilités (c’est-à-dire selon qu’elles étaient spécialisées dans un ou plusieurs des produits concernés par ces accords), à ce projet anticoncurrentiel commun. » (considérant 226 de la décision attaquée)

134    Force est donc de constater, au vu de ces motifs de la décision attaquée, que l’article 1er de celle-ci tient les requérantes pour responsables de la participation à une infraction unique et continue en ce qui concerne les composants de moulage en PMMA, les plaques massives en PMMA et les plaques sanitaires en PMMA.

135    En second lieu, il y a lieu de relever que la question soumise à l’appréciation du Tribunal n’est pas celle de l’existence d’une infraction unique portant sur les trois produits en cause, mais celle de la responsabilité des requérantes pour l’intégralité d’une telle infraction. En effet, c’est seulement dans la réplique que les requérantes ont formulé l’argumentation visant à remettre en cause l’existence, en tant que telle, d’une infraction unique. Cette argumentation doit être considérée comme un moyen nouveau et rejetée comme irrecevable en application de l’article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal. Par ailleurs, compte tenu des considérations qui suivent, il n’y aurait pas lieu, en tout état de cause, de l’examiner.

136    Il y a donc lieu d’examiner si la participation des requérantes à l’infraction était, de par le propre comportement de celles-ci, de nature à entraîner leur responsabilité pour l’ensemble de l’infraction commise pendant la durée de leur participation.

137    À cet égard, premièrement, il y a lieu de rejeter l’argument tiré du fait que Barlo n’était pas active dans le secteur de l’une des catégories de produits, à savoir les plaques sanitaires en PMMA. À cet égard, il suffit de constater que, ainsi que le Tribunal l’a déjà jugé, une entreprise est susceptible de violer l’interdiction prévue à l’article 81, paragraphe 1, CE lorsque son comportement, tel qu’il est coordonné avec celui d’autres entreprises, a pour but de restreindre la concurrence sur un marché pertinent particulier à l’intérieur du marché commun, sans que cela présuppose nécessairement qu’elle soit elle-même active sur ledit marché pertinent (arrêts du Tribunal du 8 juillet 2008, AC-Treuhand/Commission, T‑99/04, Rec. p. II‑1501, et du 8 septembre 2010, Deltafina/Commission, T‑29/05, non encore publié au Recueil, point 48). Par conséquent, le seul fait que Barlo n’était pas active dans le secteur des plaques sanitaires en PMMA n’implique pas nécessairement que les requérantes ne pouvaient pas être tenues pour responsables d’une infraction commise en ce qui concerne ce produit.

138    Deuxièmement, le fait que, dans la décision attaquée, la Commission a « abandonn[é] les griefs retenus à l’encontre [des requérantes] en ce qui concerne les PMMA-composants de moulage » (considérant 93 de la décision attaquée) n’implique pas, non plus, que celles-ci ne pouvaient pas être tenues pour responsables de l’infraction unique portant, notamment, sur ce produit.

139    Certes, la formulation employée par la Commission au considérant 93 de la décision attaquée est malheureuse et pourrait paraître contradictoire avec la responsabilité des requérantes pour une telle infraction unique, retenue à l’article 1er de la décision attaquée, tel qu’interprété à la lumière aux considérants 2 et 226 de celle-ci (voir points 130 à 134 ci-dessus). Toutefois, au regard de l’ensemble des motifs de la décision attaquée, le considérant 93 de la décision attaquée doit être nécessairement compris en ce sens, que, selon la Commission, la participation directe de Barlo au volet de l’entente relatif aux composants de moulage en PMMA n’était pas établie. Or, ce seul fait n’exclut pas, en soi, la responsabilité des requérantes pour l’infraction unique portant sur les trois produits concernés (voir point 126 ci-dessus).

140    Troisièmement, le fait que, s’agissant des requérantes, la Commission n’a mentionné, dans la décision attaquée, que cinq réunions, qui se seraient étalées sur une période de plus de deux ans, dont aucune n’aurait en outre constitué une « réunion au sommet » où étaient conclus les « accords de collaboration fondamentaux » (considérant 105 de la décision attaquée), n’est pas non plus suffisant pour exclure leur responsabilité pour une infraction unique.

141    En effet, il ressort de la jurisprudence que le fait que différentes entreprises aient joué des rôles différents dans la poursuite d’un objectif commun n’élimine pas l’identité de l’objet anticoncurrentiel et, partant, de l’infraction, à condition que chaque entreprise ait contribué, à son propre niveau, à la poursuite de l’objectif commun (voir arrêt du Tribunal du 28 avril 2010, BST/Commission, T‑452/05, non encore publié au Recueil, point 32, et la jurisprudence citée). En outre, il a déjà été jugé que, dans le cadre d’un accord global s’étendant sur plusieurs années, un décalage de quelques mois entre les manifestations de l’entente importe peu. Le fait que les différentes actions s’inscrivent dans un plan d’ensemble en raison de leur objet identique est en revanche déterminant (arrêts Aalborg Portland e.a./Commission, point 46 supra, point 260, et Lafarge/Commission, point 43 supra, point 483).

142    Quatrièmement, il reste donc à vérifier, à la lumière des arguments soulevés par les requérantes, si les conditions posées par la jurisprudence visée au point 128 ci-dessus sont remplies.

143    À cet égard, le Tribunal a précisé qu’une entreprise pouvait être tenue pour responsable d’une entente globale même s’il était établi qu’elle n’a participé directement qu’à un ou plusieurs des éléments constitutifs de celle-ci, dès lors, d’une part, qu’elle savait, ou devait nécessairement savoir, que la collusion à laquelle elle participait, en particulier au travers de réunions régulières organisées pendant plusieurs années, s’inscrivait dans un dispositif d’ensemble destiné à fausser le jeu normal de la concurrence et, d’autre part, que ce dispositif recouvrait l’ensemble des éléments constitutifs de l’entente (arrêts du Tribunal du 8 juillet 2004, Corus UK/Commission, T‑48/00, Rec. p. II‑2325, point 176, et BST/Commission, point 141 supra, point 32).

144    Ainsi, la seule identité d’objet entre un accord auquel a participé une entreprise et une entente globale ne suffit pas pour imputer à cette entreprise la participation à l’entente globale. En effet, ce n’est que si l’entreprise, lorsqu’elle participe à cet accord, a su ou aurait dû savoir que, ce faisant, elle s’intégrait dans l’entente globale que sa participation à l’accord concerné pourrait constituer l’expression de son adhésion à cette entente globale (arrêts du Tribunal du 20 mars 2002, Sigma Tecnologie/Commission, T‑28/99, Rec. p. II‑1845, point 45, et Bolloré e.a./Commission, point 54 supra, point 209).

145    À cet égard, il y a lieu de relever d’emblée que la Commission n’a pas établi, ni même prétendu, que Barlo avait su ou aurait dû savoir que, en participant à une entente concernant les plaques massives en PMMA, elle s’intégrait dans une entente globale portant sur trois produits en PMMA.

146    Au contraire, ainsi que les requérantes le soulignent à juste titre, la Commission elle-même a admis dans la décision attaquée que « Barlo n’avait pas connaissance ou ne pouvait pas avoir eu nécessairement connaissance du projet global d’arrangements anticoncurrentiels » (considérant 335 de la décision attaquée).

147    De même, la Commission n’allègue pas que Barlo avait connaissance des comportements matériels envisagés ou mis en œuvre par d’autres entreprises dans la poursuite des mêmes objectifs ou qu’elle pouvait raisonnablement les prévoir et qu’elle était prête à en accepter le risque. Au contraire, elle affirme, dans le mémoire en défense que Barlo était au courant des actions de ses concurrents visant à réaliser cet objectif unique « du moins en ce qui concerne les PMMA-plaques massives ».

148    La thèse défendue par la Commission repose en effet sur la seule allégation que l’infraction que Barlo peut avoir « subjectivement perçue » comme ne couvrant que les plaques massives en PMMA faisait en réalité partie intégrante d’une infraction unique plus vaste couvrant les trois produits en PMMA. Or, il ressort clairement de la jurisprudence visée aux points 128, 143 et 144 ci-dessus que la perception subjective de l’infraction constitue un élément pertinent au regard de l’article 81, paragraphe 1, CE. À cet égard, il y a lieu de rappeler, en effet, que cette disposition ne s’applique pas à moins qu’il n’y ait une concordance de volontés entre les parties concernées (voir arrêt du Tribunal du 19 mai 2010, IMI e.a./Commission, T‑18/05, non encore publié au Recueil, point 88, et la jurisprudence citée).

149    En outre, il convient de souligner que le seul fait que Barlo connaissait et poursuivait les objectifs anticoncurrentiels dans le domaine des plaques massives en PMMA ne permettait pas de conclure à cette connaissance en ce qui concerne l’objectif unique poursuivi par l’entente unique dans le secteur des méthacrylates. En effet, ainsi qu’il a déjà été jugé, la notion d’objectif unique ne saurait être déterminée par la référence générale à la distorsion de la concurrence dans un secteur donné, dès lors que l’affectation de la concurrence constitue, en tant qu’objet ou effet, un élément consubstantiel à tout comportement relevant du champ d’application de l’article 81, paragraphe 1, CE. Une telle définition de la notion d’objectif unique risquerait de priver la notion d’infraction unique et continue d’une partie de son sens dans la mesure où elle aurait comme conséquence que plusieurs comportements concernant un secteur économique, interdits par l’article 81, paragraphe 1, CE, devraient systématiquement être qualifiés d’éléments constitutifs d’une infraction unique (arrêts du Tribunal BASF et UCB/Commission, point 127 supra, point 180, et du 28 avril 2010, Amann & Söhne et Cousin Filterie/Commission, T‑446/05, non encore publié au Recueil, point 92).

150    En effet, la thèse de la Commission permettrait d’imputer à une entreprise une infraction unique, en raison de la seule constatation de liens objectifs entre ladite infraction et l’accord auquel une telle entreprise a participé, tels que l’appartenance au même secteur économique, et ce sans qu’il soit même établi qu’elle était consciente de l’existence d’une telle infraction unique ou qu’elle pouvait raisonnablement la prévoir et qu’elle était prête à en accepter le risque.

151    Il y a donc lieu de constater que la Commission n’a pas établi que la participation de Barlo à l’infraction concernant les plaques massives en PMMA avait entraîné, de par le propre comportement de celle-ci, la responsabilité des requérantes pour l’ensemble de l’infraction unique et que la deuxième branche du premier moyen est donc fondée.

152    Par conséquent, il y a lieu d’annuler l’article 1er de la décision attaquée dans la mesure où il constate que les requérantes ont enfreint l’article 81, paragraphe 1, CE et l’article 53 de l’accord EEE en participant à un ensemble d’accords et de pratiques concertées portant non seulement sur les plaques massives en PMMA, mais également sur les composants de moulage en PMMA et les plaques sanitaires en PMMA.

153    En ce qui concerne l’incidence éventuelle de cette constatation sur le montant de l’amende infligée aux requérantes, celle-ci sera examinée ci-après, dans le cadre de l’analyse de la deuxième branche du deuxième moyen, tirée de l’évaluation erronée de la gravité de l’infraction.

 Sur la troisième branche du premier moyen, tirée d’une appréciation erronée de la participation de Barlo à une infraction continue

154    Les requérantes font valoir que la Commission n’a pas démontré à suffisance de droit qu’elles avaient commis une infraction continue. Elles soulignent que la décision attaquée repose sur la présence de Barlo à cinq réunions qui sont étalées sur une période supérieure à deux ans, ce qui exclurait, d’un point de vue pratique, toute forme de participation continue à l’entente. En outre, les requérantes font remarquer que, sans tenir compte de la prétendue réunion à Barcelone en mai ou en juin 1999, dont elles contestent la tenue, la décision attaquée repose sur quatre réunions dont les deux premières sont censées s’être tenues le premier semestre de 1998, tandis que les deux autres ont eu lieu en 2000, soit un intervalle entre ces réunions qui s’élève à 20 mois.

155    À cet égard, il convient de rappeler que la durée de l’infraction est un élément constitutif de la notion d’infraction au titre de l’article 81, paragraphe 1, CE, élément dont la charge de la preuve incombe, à titre principal, à la Commission. La jurisprudence exige que, en l’absence d’éléments de preuve susceptibles d’établir directement la durée d’une infraction, la Commission se fonde, au moins, sur des éléments de preuve se rapportant à des faits suffisamment rapprochés dans le temps, de façon qu’il puisse être raisonnablement admis que cette infraction s’est poursuivie de façon ininterrompue entre deux dates précises (voir arrêt du Tribunal du 9 juillet 2009, Peugeot et Peugeot Nederland/Commission, T‑450/05, Rec. p. II‑2533, point 220, et la jurisprudence citée).

156    Par ailleurs, il a été jugé que le fait que le cartel a, en tant que tel, été ininterrompu ne permet pas d’exclure qu’un ou plusieurs de ses participants aient interrompu leur participation pendant un certain temps (arrêt IMI e.a./Commission, point 148 supra, point 83).

157    En outre, s’agissant de la thèse de la Commission selon laquelle le caractère continu d’une infraction doit être analysé compte tenu de l’absence de distanciation à l’égard de l’entente et de l’absence de reprise d’une politique véritablement autonome, et non simplement de l’abstention de participer aux activités de l’entente pendant une brève période, celle-ci ne saurait être pertinente que dans l’hypothèse où la Commission aurait satisfait à la charge de la preuve qui lui incombe, à savoir la présentation d’éléments de preuve, qui se rapportent à des faits suffisamment rapprochés dans le temps, de façon à ce qu’il puisse être raisonnablement admis qu’une infraction s’est poursuivie de façon ininterrompue entre deux dates précises (voir arrêt IMI e.a./Commission, point 148 supra, point 86, et la jurisprudence citée). En effet, accepter la thèse de la Commission en l’absence de tels éléments de preuve conduirait à mettre la charge de la preuve en ce qui concerne la durée de l’infraction sur les requérantes, en contradiction avec les principes rappelés aux points 43 et 155 ci-dessus.

158    Par conséquent, il y a lieu d’examiner si, en l’espèce, la Commission a produit, comme elle le soutient, des éléments de preuve qui se rapportent à des faits suffisamment rapprochés dans le temps.

159    À cet égard, il y a lieu encore de relever que, si la période séparant deux manifestations d’un comportement infractionnel est un critère pertinent afin d’établir le caractère continu d’une infraction, il n’en demeure pas moins que la question de savoir si ladite période est ou non suffisamment longue pour constituer une interruption de l’infraction ne saurait être examinée dans l’abstrait. Au contraire, il convient de l’apprécier dans le contexte du fonctionnement de l’entente en question (arrêt IMI e.a./Commission, point 148 supra, point 89), y compris, le cas échéant, les modalités spécifiques de la participation à celle-ci de l’entreprise concernée.

160    Compte tenu de l’appréciation de la première branche du premier moyen, il y a lieu de constater que les griefs de la Commission formulés à l’encontre des requérantes reposent sur la présence de Barlo aux quatre réunions suivantes : la réunion d’avril 1998 à Dernbach (considérant 151 de la décision attaquée), la réunion du 29 juin 1998 à Darmstadt (considérant 155 de la décision attaquée), la réunion du 24 février 2000 à Heidelberg (considérant 167 de la décision attaquée) et la réunion du 21 août 2000 à Deidesheim (considérant 168 de la décision attaquée).

161    En premier lieu, il y a lieu de constater que quelques mois seulement ont séparé la réunion de Dernbach de celle de Darmstadt, d’une part, et la réunion de Heidelberg de celle de Deidesheim, d’autre part. Ces intervalles, appréhendés dans le contexte du fonctionnement de l’entente, ne sont pas suffisamment longs pour constater une interruption de la participation de Barlo à l’entente. Par ailleurs, les requérantes ne prétendent pas le contraire.

162    En second lieu, il convient donc de déterminer si la Commission a établi la participation continue de Barlo à l’entente entre la réunion du 29 juin 1998 à Darmstadt (considérant 155 de la décision attaquée) et la réunion du 24 février 2000 à Heidelberg (considérant 167 de la décision attaquée).

163    À cet égard, il y a lieu de relever, d’une part, qu’il ressort du considérant 155 de la décision attaquée que, lors de la réunion du 29 juin 1998 à Darmstadt, les participants se sont mis d’accord sur une hausse de prix pour le mois d’octobre 1998. Même s’il est indiqué dans ce considérant que Barlo n’a pas laissé entendre qu’elle modifierait sa politique de prix et si Barlo n’est pas mentionnée, au considérant 157 de la décision attaquée, parmi les entreprises qui ont effectivement conclu un accord lors de la réunion du 29 juin 1998 à Darmstadt, il n’en reste pas moins vrai qu’elle pouvait tirer parti des informations relatives à la hausse de prix prévue pour le mois d’octobre 1998 et adapter son comportement commercial en conséquence. Il y a donc lieu de constater que Barlo a participé à l’entente, de façon continue, jusqu’à la fin d’octobre 1998.

164    D’autre part, il y a lieu de constater que la décision attaquée fait état de dix réunions concernant les plaques massives en PMMA dans cette période, qui se sont tenues postérieurement à la réunion de Darmstadt, et ce de façon assez régulière au moins jusqu’à la moitié de l’année 1999 (à savoir les réunions des 18 août, 11 septembre et 10 décembre 1998, les réunions des 20 janvier, 4 et 19 mars et 5 mai 1999, celles de mai ou de juin 1999, ainsi que deux réunions supplémentaires en Italie en 1999, sans date précise ; considérants 157 et suivants de la décision attaquée). D’après la décision attaquée, lors de ces réunions, les participants se sont mis d’accord sur des hausses de prix et sur la répercussion des coûts de services aux clients et ont échangé des renseignements sur le marché. En outre, le considérant 166 de la décision attaquée fait état d’une hausse de prix annoncée le 1er novembre 1999 et mise en œuvre en janvier 2000 (considérant 166 de la décision attaquée).

165    Il ressort de ces considérations, d’une part, que la période d’absence de contacts ou de manifestations collusoires de la part de Barlo s’est élevée à presque seize mois (entre la fin du mois d’octobre 1998 et le 24 février 2000) et, d’autre part, que cette période a largement excédé les intervalles dans lesquels les entreprises membres du cartel avaient manifesté leurs volontés respectives de restreindre la concurrence. Force est donc de constater que la participation continue de Barlo à l’entente n’a pas été établie pour cette période.

166    En outre, même si, selon la décision attaquée, la participation de Barlo à l’entente s’est limitée, en tout état de cause, à une participation « sporadique aux réunions » qui consistait uniquement à se tenir « au courant des accords ou pratiques anticoncurrentiels convenus pour les PMMA-plaques massives » (considérant 373 de la décision attaquée), cette considération ne permet pas d’infirmer le constat quant à l’interruption de sa participation à l’infraction pendant la période susmentionnée. En effet, en l’absence de tout contact anticoncurrentiel établi, Barlo ne saurait être considérée comme pouvant avoir été mise au courant des accords convenus pendant cette période.

167    Il convient donc d’annuler la décision attaquée dans la mesure où elle retient la responsabilité des requérantes pour leur participation au cartel entre le 1er novembre 1998 et le 23 février 2000. L’incidence éventuelle de cette conclusion sur la détermination du montant de l’amende sera examinée ci-après.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation de l’article 23, paragraphe 3, du règlement n° 1/2003, des lignes directrices et du principe de proportionnalité

168    Les requérantes soutiennent que, même à supposer qu’elles soient reconnues coupables d’une infraction à l’article 81 CE, l’amende qui leur a été infligée ne respecte pas les règles énoncées à l’article 23, paragraphe 3, du règlement n° 1/2003 et dans les lignes directrices et enfreint le principe de proportionnalité.

 Sur la première branche du deuxième moyen, tirée d’une appréciation erronée de la durée de l’infraction alléguée

169    Les requérantes font valoir que la durée de leur participation à l’infraction, fixée dans la décision attaquée à deux ans et trois mois, est erronée, puisque la Commission aurait, à tort, retenu les dates du 30 avril 1998 et du 21 août 2000 comme, respectivement, la date de commencement et la date de cessation de leur participation à l’infraction et, surtout, parce que la décision attaquée ne contient pas suffisamment de preuves au soutien de l’affirmation que l’infraction a été continue et ininterrompue pendant cette période.

170    À cet égard, en premier lieu, il y a lieu de rejeter, comme non fondées, les critiques des requérantes à l’égard des dates retenues par la Commission en ce qui concerne le début et la fin de leur participation à l’infraction.

171    D’une part, ainsi qu’il ressort de ce qui précède, la participation de Barlo à la réunion anticoncurrentielle d’avril 1998 à Dernbach a été établie à suffisance de droit. En outre, le fait que la Commission n’a pas pu établir la date exacte de cette réunion est sans pertinence en ce qui concerne le montant de l’amende infligée aux requérantes, dès lors que la date la plus avantageuse pour elles (le 30 avril 1998) a été retenue.

172    D’autre part, concernant la date de cessation de la participation des requérantes à l’infraction (le 21 août 2000), il ressort de ce qui précède que, à cette date, Barlo a participé à une réunion anticoncurrentielle dont elle ne s’est pas distanciée. Dans ces conditions, l’argument tiré de ce que Barlo n’aurait pas donné son accord aux augmentations de prix, même à le supposer établi, est sans pertinence. Il en est de même s’agissant de l’argument tiré de ce que la Commission n’a pas démontré le comportement illicite de Barlo à la suite de cette réunion.

173    En second lieu, il y a lieu de rappeler qu’il a déjà été jugé, dans le cadre de l’examen de la troisième branche du premier moyen, que la participation des requérantes à l’entente entre le 1er novembre 1998 et le 23 février 2000 n’a pas été établie et qu’il y a lieu d’annuler la décision attaquée en ce que la Commission a retenu leur responsabilité pour cette période. Par conséquent, il y a également lieu de conclure que c’est à tort que la Commission a pris en compte une telle période aux fins de la détermination de la durée de leur participation à l’infraction dans le cadre du calcul du montant de l’amende.

174    Quant à la thèse de la Commission selon laquelle une interruption de la participation à l’entente devrait conduire à deux amendes dont le montant total serait même plus élevé, celle-ci doit être rejetée. En effet, ainsi qu’il résulte de ce qui précède, les requérantes ont participé à une seule et même infraction, même si cette participation a été interrompue. C’est donc notamment en fonction de la gravité de cette infraction, et non de deux infractions séparées, que le montant de l’amende doit être déterminé. Au demeurant, la gravité de l’infraction, appréciée notamment en fonction de la nature et de l’étendue géographique de cette dernière, reste inchangée, en dépit de l’interruption de la participation des requérantes à celle-ci.

175    Il y a donc lieu, dans le cadre de la compétence de pleine juridiction du Tribunal, de recalculer le montant de l’amende qui a été infligée aux requérantes en tenant compte de la durée de leur participation effective à l’infraction (voir, en ce sens, arrêt IMI e.a./Commission, point 148 supra, points 96, 97 et 190).

176    Compte tenu de ce qui précède, la durée de cette participation à l’infraction s’est élevée à 11 mois et 28 jours. Par conséquent, selon la méthodologie du calcul du montant de l’amende exposée dans les lignes directrices et appliquée par la Commission dans la décision attaquée, une telle participation constitue une infraction de courte durée, pour laquelle aucune majoration du montant de l’amende n’est en principe prévue (point 1 B des lignes directrices). Toutefois, cette dernière disposition n’énonce pas une règle impérative et, en tout état de cause, celle-ci ne saurait lier le Tribunal dans le cadre de sa compétence de pleine juridiction.

177    Or, au regard des circonstances de l’espèce, et notamment du caractère nécessairement approximatif de la durée visée au point précédent, en ce qu’elle tient compte de la date du 30 octobre 1998 comme fin de la première période de participation des requérantes à l’entente, ainsi que du fait qu’une telle participation a ultérieurement repris, le Tribunal estime qu’une majoration de 10 % du montant de départ de l’amende reflète adéquatement la durée de cette participation à l’infraction.

178    Par conséquent, il y a lieu de réduire le montant de l’amende, en substituant à la majoration du montant de départ de 20 % appliquée par la Commission au considérant 353 de la décision attaquée une majoration de 10 % et de rejeter la première branche du deuxième moyen pour le surplus.

 Sur la deuxième branche du deuxième moyen, tirée de l’évaluation erronée de la gravité de l’infraction alléguée

179    Les requérantes soutiennent que, selon une jurisprudence constante, lorsqu’il s’agit de déterminer la gravité de l’infraction, il importe de déterminer la responsabilité individuelle des entreprises concernées et la gravité relative de la participation de chacune d’elles. À leur avis, dans la décision attaquée, soit la Commission n’a pas procédé à un tel examen individuel, soit elle a procédé à cet examen de façon erronée. En conséquence, le montant de départ de l’amende (15 millions d’euros) ne serait pas justifié.

180    À cet égard, il convient de rappeler, à titre liminaire, que, lorsqu’une infraction a été commise par plusieurs entreprises, il y a lieu d’examiner la gravité relative de la participation à l’infraction de chacune d’entre elles (voir arrêt Commission/Anic Partecipazioni, point 34 supra, point 153, et la jurisprudence citée), afin de déterminer s’il existe, à leur égard, des circonstances aggravantes ou atténuantes (arrêt du Tribunal du 8 octobre 2008, Carbone‑Lorraine/Commission, T‑73/04, Rec. p. II‑2661, point 190).

181    Cette conclusion constitue la conséquence logique du principe d’individualité des peines et des sanctions en vertu duquel une entreprise ne doit être sanctionnée que pour les faits qui lui sont individuellement reprochés, principe qui est applicable dans toute procédure administrative susceptible d’aboutir à des sanctions en vertu des règles de concurrence de l’Union (arrêt du Tribunal du 9 juillet 2003, Archer Daniels Midland et Archer Daniels Midland Ingredients/Commission, T‑224/00, Rec. p. II‑2597, point 261).

182    S’agissant de l’application des lignes directrices, il convient de rappeler que la méthodologie qu’elles exposent pour la détermination du montant de l’amende obéit à un schéma qui repose sur la fixation d’un montant de base, en fonction de la gravité et de la durée de l’infraction, auquel s’appliquent des majorations, pour tenir compte des circonstances aggravantes, et des diminutions, pour tenir compte des circonstances atténuantes.

183    Ainsi, il ressort de la jurisprudence que, dans le cadre de l’application des lignes directrices, il y a lieu de distinguer entre l’appréciation de la gravité de l’infraction, qui sert à déterminer le montant de départ général de l’amende, et l’appréciation de la gravité relative de la participation à l’infraction de chacune des entreprises concernées, qui doit être examinée dans le cadre de l’éventuelle application de circonstances aggravantes ou atténuantes (arrêt Carbone‑Lorraine/Commission, point 180 supra, point 100 ; voir également, en ce sens, arrêts du Tribunal du 9 juillet 2003, Cheil Jedang/Commission, T‑220/00, Rec. p. II‑2473, point 189, et du 30 avril 2009, CD-Contact Data/Commission, T‑18/03, Rec. p. II‑1021, point 95).

184    En effet, il y a lieu de rappeler que les points 2 et 3 des lignes directrices prévoient une modulation du montant de base de l’amende en fonction de certaines circonstances aggravantes et atténuantes, lesquelles sont propres à chaque entreprise concernée. En particulier, le point 3 des lignes directrices établit, sous le titre « Circonstances atténuantes », une liste non exhaustive de circonstances qui peuvent amener à une diminution du montant de base de l’amende. Ainsi, il est fait référence au rôle passif d’une entreprise, à la non-application effective des accords, à la cessation des infractions dès les premières interventions de la Commission, à l’existence d’un doute raisonnable de l’entreprise sur le caractère infractionnel du comportement poursuivi, au fait que l’infraction a été commise par négligence ainsi qu’à la collaboration effective de l’entreprise à la procédure en dehors du champ d’application de la communication sur la coopération.

185    En revanche, dans le contexte de la détermination du montant de départ de l’amende, la Commission n’est pas tenue d’apprécier les effets du comportement d’une entreprise en particulier. En effet, il est de jurisprudence constante que les effets à prendre en considération pour fixer le niveau général des amendes ne sont pas ceux résultant du comportement effectif que prétend avoir adopté une entreprise, mais ceux résultant de l’ensemble de l’infraction à laquelle elle a participé (arrêts de la Cour Commission/Anic Partecipazioni, point 34 supra, point 152, et du 12 novembre 2009, Carbone-Lorraine/Commission, C‑554/08 P, non publié au Recueil, points 21 et 24).

186    En l’espèce, en premier lieu, les requérantes reprochent à la Commission, en substance, de ne pas avoir analysé leur propre comportement dans le cadre de l’appréciation de la gravité de l’infraction. Elles soulignent, en effet, que, dans sa qualification de l’infraction de « très grave » aux considérants 319 à 331 de la décision attaquée, la Commission s’est focalisée sur l’entente en tant que telle, sans s’attacher à la conduite individuelle des différents concurrents, et de Barlo en particulier. Or, selon les requérantes, la conduite de Barlo ne peut pas être qualifiée de « très grave », notamment au regard des principales caractéristiques de l’infraction analysées au considérant 320 de la décision attaquée.

187    À cet égard, il y a lieu de relever que, ainsi qu’il ressort de ce qui précède, dans le cadre de l’application des lignes directrices, de tels éléments relatifs au comportement propre d’une entreprise sont à prendre en compte, le cas échéant, au stade de l’appréciation des circonstances aggravantes et atténuantes (points 2 et 3 des lignes directrices), afin de moduler le niveau du montant de base de l’amende déterminé notamment en fonction de la gravité de l’infraction à laquelle elle a participé. Partant, l’argument selon lequel la Commission aurait dû, à ce stade de la détermination du montant de l’amende, analyser spécifiquement la conduite individuelle des requérantes doit être rejeté.

188    Au demeurant, les requérantes ne contestent pas réellement la gravité de l’infraction en soi, telle qu’elle a été établie par la Commission. En particulier, même si elles allèguent que la Commission n’a fait aucune analyse de la dimension du marché géographique concerné, elles n’avancent aucun élément pour contester le bien-fondé de la conclusion de la Commission selon laquelle ce marché s’étendait à l’ensemble du territoire de l’EEE.

189    En tout état de cause, ainsi que la Cour l’a jugé, il ressort des lignes directrices que les ententes horizontales de prix ou de répartition de marchés peuvent être qualifiées d’infractions très graves sur le seul fondement de leur nature propre, sans que la Commission soit tenue de démontrer un impact concret de l’infraction sur le marché (arrêts de la Cour du 3 septembre 2009, Prym et Prym Consumer/Commission, C‑534/07 P, Rec. p. I‑7415, point 75, et du 24 septembre 2009, Erste Group Bank e.a./Commission, C‑125/07 P, C‑133/07 P, C‑135/07 P et C‑137/07 P, Rec. p. I‑8681, point 103). En effet, de telles ententes méritent, en raison de leur nature propre, les amendes les plus sévères. Leur éventuel impact concret sur le marché, notamment la question de savoir dans quelle mesure la restriction de concurrence a abouti à un prix de marché supérieur à celui qui aurait prévalu dans l’hypothèse de l’absence de cartel, n’est pas un critère déterminant pour la fixation du niveau des amendes (arrêt du Tribunal du 6 mai 2009, KME Germany e.a./Commission, T‑127/04, Rec. p. II‑1167, point 64). Par conséquent, les arguments des requérantes selon lesquels leur conduite n’avait eu aucune répercussion sur le marché ne permettraient pas, en tout état de cause, de remettre en question la qualification de l’infraction de « très grave ».

190    Il y a donc lieu de constater que la Commission était fondée à conclure, au considérant 331 de la décision attaquée, que l’entente en question constituait une infraction « très grave » au regard de sa seule nature et du fait qu’elle couvrait l’ensemble du territoire de l’EEE.

191    En second lieu, les requérantes contestent l’appréciation effectuée par la Commission aux considérants 332 à 336 de la décision attaquée au titre du « traitement différencié », qui l’a amenée à leur accorder une réduction du montant de l’amende de 25 %.

192    D’une part, les requérantes font valoir que le montant de l’amende, avant l’application de la réduction de 25 %, ne reflète aucun traitement différencié, dès lors qu’il serait le résultat de l’application de la même « formule mathématique » à toutes les entreprises concernées. Selon les requérantes, afin de fixer le montant de départ de l’amende, la Commission aurait utilisé un pourcentage d’environ 30 % du chiffre d’affaires réalisé dans l’EEE par les entreprises concernées sur les produits en PMMA (considérant 334 de la décision attaquée).

193    À cet égard, il y a lieu de rappeler que le sixième alinéa du point 1 A des lignes directrices prévoit la possibilité de différencier les montants de départ à appliquer aux entreprises impliquées dans la même infraction « afin de tenir compte du poids spécifique, et donc de l’impact réel, du comportement infractionnel de chaque entreprise sur la concurrence, notamment lorsqu’il existe une disparité considérable dans la dimension des entreprises auteurs d’une infraction de même nature ». C’est ainsi que la Commission a procédé aux considérants 332 et suivants de la décision attaquée. Elle a énoncé que « l’éventail des amendes qu’il est possible d’infliger permet[tait] d’appliquer aux entreprises un traitement différencié de manière à tenir compte de la capacité économique réelle des contrevenants à porter un préjudice important à la concurrence » et que « cela [étai]t approprié lorsqu’il existe, comme en l’espèce, de grandes différences en ce qui concerne les chiffres d’affaires des produits cartellisés des entreprises participant à l’infraction » (considérant 332 de la décision attaquée). Il y a lieu de relever également que, s’il ne ressort pas de la décision attaquée que la Commission a appliqué la « formule mathématique » alléguée par les requérantes, il en ressort néanmoins clairement que, afin de fixer le montant de départ de l’amende, elle a appliqué le même critère à toutes les entreprises concernées, à savoir le critère du « poids relatif dans le chiffre d’affaires réalisé en vendant les produits en PMMA pour lesquels elles ont participé à l’entente » (considérant 333 de la décision attaquée).

194    Toutefois, cette façon de procéder n’est pas critiquable. Au contraire, elle a permis de tenir compte, de façon non discriminatoire, de différences objectives existant entre les participants à l’entente au regard de l’objectif poursuivi, à savoir la détermination des montants de l’amende compte tenu de la capacité économique réelle des contrevenants à porter un préjudice à la concurrence. Dans la mesure où il est résulté de ce traitement des montants de départ différents, force est de constater que la Commission a bel et bien appliqué un véritable « traitement différencié », au sens des lignes directrices, contrairement à ce que les requérantes soutiennent.

195    Par ailleurs, il y a lieu de souligner que le critère retenu par la Commission tient compte également du fait que la participation directe des requérantes à l’entente n’a été établie qu’en ce qui concernait les plaques massives en PMMA. En effet, la Commission a énoncé clairement que, « [s]’agissant de Barlo, seules [étaie]nt concernées les PMMA-plaques massives » (considérant 333 de la décision attaquée) et elle a donc tenu compte du chiffre d’affaires au niveau de l’EEE en 2000 dégagé en ce qui concernait ce produit. Or, ainsi qu’il résulte du dossier, les requérantes étaient également actives dans le secteur des composants de moulage en PMMA. Par conséquent, le bien-fondé de la deuxième branche du premier moyen (voir notamment point 152 ci-dessus) n’affecte pas l’appréciation de la Commission sur ce point.

196    D’autre part, les requérantes soutiennent que la réduction du montant de l’amende de 25 %, appliquée au considérant 335 de la décision attaquée, n’a pas suffisamment été motivée et qu’elle est insuffisante. À leur avis, cette réduction aurait dû tenir compte du fait qu’elles n’étaient pas responsables de l’intégralité de l’entente, et non pas uniquement de leur défaut de connaissance à cet égard, tout en les tenant pour responsables de l’intégralité de l’infraction unique. Elles considèrent, par conséquent, qu’une réduction qui aurait reflété la ventilation du MMA entre les différentes catégories de produits en cause aurait été un « minimum absolu ». Elles rappellent que, selon le considérant 5 de la décision attaquée, cette ventilation était la suivante : 49 % pour les plaques massives, 36 % pour les composants de moulage et 15 % pour les plaques sanitaires.

197    À cet égard, il y a lieu de constater que c’est à juste titre que les requérantes soutiennent que le fait qu’elles n’étaient pas responsables de l’intégralité de l’entente, ainsi que cela ressort de l’examen de la deuxième branche du premier moyen, devait être pris en compte dans le cadre de la détermination du montant de départ de l’amende.

198    En effet, ainsi qu’il ressort de ce qui précède, à la différence des autres destinataires de la décision attaquée, les requérantes pouvaient uniquement se voir imputer un volet de l’entente, à savoir celui relatif aux plaques massives en PMMA. De ce fait, la violation des règles du droit de la concurrence était nécessairement moins grave que celle imputée aux contrevenants ayant participé à l’ensemble des volets de l’infraction, lesquels ayant contribué davantage à l’efficacité et à la gravité de cette entente qu’une contrevenante qui avait uniquement été impliquée dans une seule branche de cette même entente (voir, en ce sens, arrêt IMI e.a./Commission, point 148 supra, points 162 et 164).

199    Or, une entreprise ne peut jamais se voir infliger une amende dont le montant est calculé en fonction d’une participation à une collusion dont elle n’est pas tenue pour responsable (arrêts Sigma Tecnologie/Commission, point 144 supra, points 79 à 82, et IMI e.a./Commission, point 148 supra, point 157).

200    Dans le cadre de l’application des lignes directrices, cette appréciation doit nécessairement se faire au stade de la fixation du montant de départ spécifique, dès lors que la prise en considération de circonstances atténuantes permet seulement de moduler le montant de base de l’amende en fonction des modalités de mise en œuvre par le contrevenant de l’entente. Or, un contrevenant qui n’est pas tenu pour responsable de certains volets de cette entente ne saurait avoir eu de rôle dans la mise en œuvre desdits volets (arrêt IMI e.a./Commission, point 148 supra, point 164).

201    Force est toutefois de constater que, en l’espèce, même si la Commission a commis une erreur s’agissant de la détermination de la responsabilité des requérantes pour l’entente, elle a néanmoins procédé correctement à la détermination du montant de l’amende, conformément aux principes exposés ci-dessus.

202    D’une part, ainsi que cela ressort de ce qui précède (voir point 195 ci-dessus), l’étape de calcul du montant de l’amende consistant dans le classement des entreprises concernées en plusieurs catégories, en fonction de leur poids relatif dans le chiffre d’affaires réalisé par la vente de produits en PMMA, pour lesquels elles ont participé à l’entente, n’est pas affectée par l’erreur commise au niveau de la détermination de la responsabilité pour l’infraction.

203    Par ailleurs, s’agissant de l’argument des requérantes selon lequel le chiffre d’affaires pris en compte devrait exclure le chiffre d’affaires réalisé par Quinn Plastics, SA, dès lors que, dans la décision attaquée, la Commission a abandonné tout grief à l’encontre de cette société, il suffit de constater que les requérantes ne contestent pas l’affirmation de la Commission selon laquelle le fait que cette société n’est pas destinataire de la décision attaquée ne change rien au chiffre d’affaires dégagé pour les plaques massives en PMMA pouvant être attribué à l’entreprise Barlo, qui comprend également la société mère destinataire, à savoir Quinn Barlo, laquelle était propriétaire à 100 % de Quinn Plastics, SA à l’époque de l’infraction.

204    D’autre part, au considérant 335 de la décision attaquée, la Commission a accordé aux requérantes une réduction spécifique de 25 % du montant de départ de l’amende au motif qu’il « n’[était] pas évident de savoir si Barlo a[vait] pris ou non part à des contacts collusoires concernant les PMMA-composants de moulage ou les PMMA-plaques sanitaires » et que, partant, « il sembl[ait] que Barlo n’avait pas connaissance ou ne pouvait pas avoir eu nécessairement connaissance du projet global d’arrangements anticoncurrentiels ».

205    Certes, cette réduction n’a pas été motivée par l’absence de responsabilité des requérantes pour les volets de l’entente relatifs aux composants de moulage en PMMA ou aux plaques sanitaires en PMMA, mais seulement par leur absence d’implication directe dans ces volets ou de connaissance de ces derniers.

206    Cependant, cette seule considération n’est pas de nature à remettre en question la réduction accordée, la Commission ayant pu à bon droit accorder une réduction du montant de l’amende sur un tel fondement.

207    Il reste donc encore à vérifier si ladite réduction ainsi que le montant de départ spécifique qui en est résulté (15 millions d’euros) reflètent adéquatement la gravité de l’infraction commise par les requérantes, appréciée compte tenu de l’annulation partielle de l’article 1er de la décision attaquée (voir point 152 ci-dessus).

208    À cet égard, il convient de relever que, même si ladite infraction portait seulement sur un des trois produits concernés, il n’en reste pas moins vrai qu’il s’agissait toujours d’une infraction très grave par nature (voir point 189 ci-dessus), impliquant, de surcroît, l’ensemble du territoire de l’EEE. En particulier, le fait que l’infraction unique, prise dans son intégralité, ait pu constituer une violation encore plus caractérisée du droit de la concurrence n’implique nullement que l’infraction commise par les requérantes n’est pas, en tant que telle, « très grave » (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 28 avril 2010, Oxley Threads/Commission, T‑448/05, non publié au Recueil, point 37).

209    Cette conclusion n’est pas remise en cause par les arguments des requérantes, selon lesquels il n’aurait pas été établi qu’elles avaient pris part aux caractéristiques principales de l’entente, exposées au considérant 320 de la décision attaquée. En effet, compte tenu des considérations exposées aux points 180 à 187 ci-dessus, la question pertinente au stade de la détermination du montant de départ de l’amende n’était pas celle du propre comportement des requérantes, mais celle des caractéristiques de l’infraction à laquelle elles avaient participé. Or, d’une part, les requérantes n’allèguent pas que les caractéristiques principales de l’entente exposées au considérant 320 de la décision attaquée ne sont pas applicables à l’infraction litigieuse dans la mesure où elle portait sur les seules plaques massives en PMMA. D’autre part, à supposer même que les requérantes n’aient pas pris part directement à tous les types de comportements anticoncurrentiels visés au considérant 320 de la décision attaquée, il y a lieu de relever que les requérantes ont participé aux réunions concernant les plaques massives en PMMA, pendant lesquelles, notamment, les accords sur les prix ont été conclus, les prix ont été discutés et des renseignements concernant le marché ont été échangés (voir points 60 à 78 ci-dessus), et qu’elles ont ainsi eu connaissance desdits comportements anticoncurrentiels, y compris ceux auxquels elles n’ont pas directement participé, ou elles ont pu raisonnablement les prévoir (voir point 128 ci-dessus).

210    Force est donc de constater que l’infraction commise par les requérantes doit être qualifiée de « très grave » au sens des lignes directrices. Or, il est rappelé que ces dernières prévoient 20 millions d’euros comme montant de départ minimal, en principe, pour de telles infractions.

211    Quant à l’argument des requérantes selon lequel, en substance, le montant de départ de l’amende qui leur a été appliqué devrait refléter l’importance des plaques massives en PMMA par rapport à l’ensemble des produits en PMMA ayant fait l’objet de l’infraction unique, il y a lieu de rappeler que le principe de proportionnalité implique que la Commission doit fixer l’amende proportionnellement aux éléments pris en compte pour apprécier la gravité de l’infraction et qu’elle doit à ce sujet appliquer ces éléments de façon cohérente et objectivement justifiée (voir arrêt BST/Commission, point 141 supra, point 60, et la jurisprudence citée).

212    Cependant, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence, la taille du marché concerné n’est en principe pas un élément obligatoire, mais seulement un élément pertinent parmi d’autres pour apprécier la gravité de l’infraction et fixer le montant de l’amende (arrêt Prym et Prym Consumer/Commission, point 189 supra, point 55). De même, selon la méthodologie exposée dans les lignes directrices, il ne s’agit nullement d’un élément déterminant dans le contexte de la détermination du montant de départ de l’amende (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 6 mai 2009, Wieland-Werke/Commission, T‑116/04, Rec. p. II‑1087, points 62 à 64).

213    Il s’ensuit que la réduction du montant de départ de l’amende à laquelle les requérantes pouvaient prétendre du fait de leur participation à l’entente seulement en ce qui concerne les plaques massives en PMMA ne devait pas refléter, de manière proportionnelle, l’importance de ce produit par rapport à l’ensemble des produits en PMMA ayant fait l’objet de l’infraction unique. Au contraire, une telle réduction n’aurait pas été conforme au principe de proportionnalité rappelé au point 211 ci-dessus, dès lors qu’elle n’aurait pas suffisamment tenu compte du fait que, tout comme les autres destinataires de la décision attaquée, les requérantes avaient participé à une entente très grave par nature et portant sur l’ensemble du territoire de l’EEE.

214    Au demeurant, il y a lieu de relever que la demande des requérantes visant, en substance, à une réduction de 51 % du montant de départ de l’amende, au lieu de la réduction de 25 % accordée par la Commission (voir point 196 ci-dessus), est fondée non sur les chiffres d’affaires dégagés par les ventes de chacun des trois produits en PMMA concernés, mais sur la ventilation de la matière première (MMA) entre ces trois produits, sans que les requérantes expliquent en quoi ce critère serait pertinent pour apprécier la gravité de l’infraction qu’elles ont commise. Or, en ce qui concerne la question de savoir quelle part du chiffre d’affaires dégagé par les ventes de l’ensemble des trois produits en PMMA concernés au niveau de l’EEE en 2000 peut être imputée aux seules plaques massives en PMMA, il ressort des documents produits par la Commission en réponse à la demande du Tribunal que la plupart des entreprises concernées, y compris les requérantes, l’estimaient, lors de la procédure administrative, à environ 60 %, voire plus, seule une entreprise l’ayant estimée à environ 50 %.

215    Dans ces conditions, il y a lieu de constater que la réduction de 25 % du montant de départ de l’amende des requérantes, accordée au considérant 335 de la décision attaquée, reflète de façon appropriée la gravité de l’infraction à laquelle celles-ci ont participé. Il s’ensuit, d’une part, que nonobstant l’erreur commise au niveau de la détermination de la responsabilité des requérantes pour l’entente (voir point 152 ci-dessus), la Commission n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation dans la détermination du montant de départ de leur amende et, d’autre part, qu’il n’y a pas lieu de réduire ce montant davantage, dans le cadre de la compétence de pleine juridiction du Tribunal.

216    Partant, la deuxième branche du deuxième moyen doit être rejetée.

 Sur la troisième branche du deuxième moyen, tirée de l’appréciation erronée des circonstances atténuantes

217    Les requérantes font valoir que l’appréciation de la décision attaquée relative aux circonstances atténuantes n’est pas suffisamment motivée et qu’elle enfreint les lignes directrices ainsi que le principe de proportionnalité.

–       Sur le rôle passif et mineur dans la réalisation de l’infraction

218    Les requérantes considèrent que l’appréciation de la Commission, au considérant 373 de la décision attaquée, quant à la réduction de 50 % au titre du rôle passif et mineur est motivée de manière erronée, dès lors que ledit considérant contient des affirmations inexactes et non établies. Par conséquent, cette réduction serait insuffisante.

219    À cet égard, il y a lieu de rappeler, à titre liminaire, qu’il est de jurisprudence constante que, lorsque la Commission adopte des lignes directrices destinées à préciser, dans le respect du traité, les critères qu’elle compte appliquer dans le cadre de l’exercice de son pouvoir d’appréciation, il en résulte une autolimitation de ce pouvoir en ce qu’il lui appartient de se conformer aux règles indicatives qu’elle s’est elle-même imposées (voir arrêt du 8 octobre 2008, Carbone‑Lorraine/Commission, point 180 supra, point 192, et la jurisprudence citée).

220    Pour autant, l’autolimitation du pouvoir d’appréciation de la Commission résultant de l’adoption des lignes directrices n’est pas incompatible avec le maintien à son profit d’une marge d’appréciation substantielle. Les lignes directrices contiennent en effet différents éléments de flexibilité, qui permettent à la Commission d’exercer son pouvoir discrétionnaire en conformité avec les dispositions du règlement n° 1/2003, telles qu’interprétées par la Cour (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal Wieland-Werke/Commission, point 212 supra, point 31, et du 30 septembre 2009, Hoechst/Commission, T‑161/05, Rec. p. II‑3555, point 129).

221    Ainsi, en l’absence d’indication de nature impérative dans les lignes directrices en ce qui concerne les circonstances atténuantes pouvant être prises en compte, il convient de considérer que la Commission a conservé une certaine marge pour apprécier de manière globale l’importance d’une éventuelle réduction du montant des amendes au titre des circonstances atténuantes.

222    S’agissant de la circonstance atténuante relative au rôle exclusivement passif ou suiviste dans la réalisation de l’infraction, prévue au point 3, premier tiret, des lignes directrices, la Commission a énoncé, au considérant 373 de la décision attaquée, ce qui suit :

« […] Il ressort clairement des faits décrits aux considérants 137 et 223 que la participation de Barlo à l’entente ne peut être comparée à celle de la plupart des autres entreprises. Il ne semble pas qu’il y ait beaucoup d’éléments prouvant que Barlo a participé activement à l’établissement d’éventuels accords ou pratiques anticoncurrentiels. Les contacts anticoncurrentiels avérés démontrent plutôt que Barlo assistait de manière sporadique aux réunions qui se limitaient à une mise au courant de l’entreprise des accords ou pratiques anticoncurrentiels convenues pour les PMMA-plaques massives. Il semble aussi que Barlo n’ait pas participé à beaucoup de réunions multilatérales importantes au cours desquelles les aspects clés des accords sur les prix et des pratiques anticoncurrentielles ont été arrêtés. »

223    Compte tenu de ces considérations, la Commission a estimé que les requérantes avait joué un « rôle passif et mineur » et leur a accordé une réduction de 50 % du montant de l’amende qui, sans cela, leur aurait été infligée (considérant 374 de la décision attaquée).

224    Il y a lieu de relever, à cet égard, que, selon la jurisprudence, un rôle passif implique l’adoption par l’entreprise concernée d’un « profil bas », c’est-à-dire une absence de participation active à l’élaboration du ou des accords anticoncurrentiels. Parmi les éléments de nature à révéler le rôle passif d’une entreprise au sein d’une entente, peut être pris en compte le caractère sensiblement plus sporadique de ses participations aux réunions par rapport aux membres ordinaires de l’entente, de même que son entrée tardive sur le marché ayant fait l’objet de l’infraction, indépendamment de la durée de sa participation à celle-ci, ou encore l’existence de déclarations expresses en ce sens émanant de représentants d’entreprises tierces ayant participé à l’infraction (voir arrêt du Tribunal du 28 avril 2010, Gütermann et Zwicky/Commission, T‑456/05 et T‑457/05, non encore publié au Recueil, points 184 et 185, et la jurisprudence citée).

225    Force est donc de constater que c’est de façon correcte que la Commission a apprécié la circonstance atténuante relative au rôle passif des requérantes en l’espèce. En effet, elle a énoncé, en substance, que la participation des requérantes à l’entente ne pouvait être comparée à celle de la plupart des autres entreprises dès lors que les contacts anticoncurrentiels avérés démontraient plutôt que Barlo avait assisté de manière sporadique aux réunions consistant seulement à mettre au courant l’entreprise des accords ou pratiques anticoncurrentiels convenus pour les plaques massives en PMMA.

226    Par ailleurs, il ressort clairement du libellé du considérant 373 de la décision attaquée, que, dans le cadre de son appréciation de la circonstance atténuante en question, la Commission a seulement tenu compte des faits qui sont analysés dans le cadre de l’examen de la première branche du premier moyen. À cet égard, il y a lieu de souligner notamment que le considérant 373 de la décision attaquée renvoie explicitement au considérant 137 de celle-ci, aux termes duquel, « [d]ans [leur] réponse à la communication des griefs, [les requérantes] réfute[nt] la présence de M. [B.] à la plupart des réunions auxquelles il est censé avoir participé », tout en « confirm[ant] la présence de M. [B.] à quatre réunions ». Dans ces conditions, les constatations selon lesquelles il « ne semble pas qu’il y ait beaucoup d’éléments prouvant que Barlo a participé activement à l’établissement d’éventuels accords ou pratiques anticoncurrentiels » ou qu’il « semble aussi que Barlo n’ait pas participé à beaucoup de réunions multilatérales importantes » ne sauraient être interprétées comme mettant à la charge des requérantes une participation active à l’établissement des accords ou pratiques anticoncurrentiels ou une participation à des réunions multilatérales importantes. Les critiques des requérantes à cet égard sont donc inopérantes.

227    Par ailleurs, les requérantes se limitent à contester le libellé du considérant 373 de la décision attaquée sans exposer en quoi les faits de l’espèce justifieraient une réduction encore plus importante au titre de la circonstance atténuante analysée.

228    Partant, le présent grief doit être rejeté.

–       Sur l’absence de mise en œuvre effective des accords ou pratiques infractionnels

229    Les requérantes considèrent que les motifs pour lesquels la Commission a rejeté, dans la décision attaquée, leur argument tiré de l’absence de mise en œuvre effective des accords ou pratiques infractionnels comme circonstance atténuante (considérant 381 de la décision attaquée) sont erronés.

230    Au considérant 381 de la décision attaquée, la Commission a énoncé ce qui suit :

« Si l’on ne dispose d’aucune preuve de ce que Barlo se soit systématiquement abstenue d’appliquer les accords sur les prix ou de répercuter le coût des services supplémentaires sur les clients, il est clair en revanche qu’elle a été en mesure de tirer parti des informations échangées concernant le marché et de modifier en conséquence son comportement commercial (peut-être en facilitant les progressions de parts de marché). En outre, Barlo ne s’est pas explicitement abstenue, pour ce qui concerne les autres entreprises, de poursuivre les objectifs communs proposés et arrêtés par toutes les entreprises (indépendamment du fait de savoir si ces objectifs n’ont parfois été révélés que de manière inopinée au cours d’une réunion). La Commission rejette donc l’argument de Barlo selon lequel sa non mise en œuvre effective des accords ou pratiques infractionnels constituerait une circonstance atténuante. »

231    À cet égard, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, aux fins de l’octroi du bénéfice de la circonstance atténuante relative à la non-application effective des accords ou pratiques infractionnels, visée au point 3, deuxième tiret, des lignes directrices, il convient de vérifier si les circonstances avancées par l’entreprise concernée sont de nature à établir que, pendant la période au cours de laquelle elle a adhéré aux accords infractionnels, elle s’est effectivement soustraite à leur application en adoptant un comportement concurrentiel sur le marché ou, à tout le moins, qu’elle a clairement et de manière considérable enfreint les obligations visant à mettre en œuvre cette entente, au point d’avoir perturbé le fonctionnement même de celle-ci (arrêts du Tribunal du 15 mars 2006, Daiichi Pharmaceutical/Commission, T‑26/02, Rec. p. II‑713, point 113, et du 8 octobre 2008, Carbone‑Lorraine/Commission, point 180 supra, point 196).

232    À cet égard, il y a lieu de constater que, au considérant 381 de la décision attaquée, la Commission a fondé son appréciation sur des critères corrects selon la jurisprudence visée au point précédent.

233    En particulier, les requérantes ne sauraient valablement critiquer la Commission pour avoir tenu compte de l’absence de preuve de ce que Barlo se soit systématiquement abstenue d’appliquer les accords sur les prix ou de répercuter le coût des services supplémentaires sur les clients, dès lors qu’il s’agit d’un élément manifestement pertinent dans le cadre de l’appréciation de la circonstance atténuante en question. Par ailleurs, contrairement à ce que les requérantes semblent suggérer, il ressort clairement du libellé du considérant 381 de la décision attaquée, qu’il s’agissait seulement d’un élément parmi d’autres, dont l’appréciation globale a conduit la Commission à refuser le bénéfice de la circonstance atténuante en question.

234    Or, les arguments des requérantes ne sont pas de nature à remettre en cause cette appréciation globale de la Commission.

235    En premier lieu, les circonstances avancées par les requérantes ne suffisent pas à établir que Barlo s’est effectivement abstenue d’appliquer les accords sur les prix ou de répercuter le coût des services supplémentaires sur les clients.

236    En effet, les requérantes se bornent à avancer, d’une part, les déclarations de M. B. selon lesquelles Barlo n’avait rien mis en œuvre à l’issue des réunions où il était présent et, d’autre part, l’affirmation d’Atofina, visée au considérant 326 de la décision attaquée. Pour le reste, elles admettent explicitement qu’elles n’étaient pas en mesure de fournir des preuves précises sur la politique de prix pour la période 1999-2000.

237    Or, il y a lieu de relever que l’affirmation d’Atofina fait référence à une augmentation de la part de marché de Barlo pour les plaques massives en PMMA au cours de la période allant de 2000 à 2002. Étant donné que la période de participation à l’infraction de Barlo s’est étalée entre le 30 avril 1998 et le 21 août 2000, il ne s’agit pas d’un élément permettant de démontrer l’absence de mise en œuvre des accords sur les prix, et ce d’autant moins de façon systématique. Quant aux déclarations du représentant de Barlo, celles-ci ne peuvent pas être considérées, à elles seules, comme suffisamment probantes, en l’absence d’éléments documentaires objectifs à leur soutien.

238    De même, la circonstance que la décision attaquée ne contienne pas d’éléments prouvant la mise en œuvre, par Barlo, des accords sur les prix, n’est pas en soi déterminante. En effet, il ne saurait être soutenu que, à défaut d’établir la mise en œuvre des accords ou pratiques infractionnels par une entreprise, la Commission était tenue, de ce seul fait, d’octroyer aux requérantes une réduction du montant de l’amende.

239    En deuxième lieu, les requérantes ne remettent pas en cause l’appréciation de la Commission selon laquelle Barlo a été en mesure de tirer parti des informations sur le marché échangées lors des réunions et de modifier en conséquence son comportement commercial. Elles se bornent à soutenir que cette allégation n’a pas été démontrée par la Commission. Or, selon la jurisprudence visée au point 231 ci-dessus, il appartenait aux requérantes d’avancer les circonstances de nature à justifier la reconnaissance de la circonstance atténuante sollicitée et, notamment, celles relatives à la non-application éventuelle du volet de l’infraction relatif à l’échange d’informations commercialement importantes et confidentielles sur les marchés et/ou les entreprises concernées.

240    En troisième lieu, les requérantes contestent l’appréciation de la Commission figurant dans la deuxième phrase du considérant 381 de la décision attaquée, au motif qu’aucun objectif commun n’aurait été arrêté lors des réunions où Barlo était présente. Cependant, ainsi qu’il ressort de l’examen de la première branche du premier moyen, cette allégation n’est pas exacte.

241    Par ailleurs, il y a lieu de relever que les requérantes n’ont pas allégué que Barlo avait, à tout le moins, clairement et de manière considérable enfreint les obligations visant à mettre en œuvre cette entente, au point d’avoir perturbé le fonctionnement même de celle-ci (voir point 231 ci-dessus).

242    Il s’ensuit que les critiques des requérantes à l’égard de l’appréciation de la Commission figurant au considérant 381 de la décision attaquée sont non fondées.

243    À titre surabondant, il y a lieu de souligner que, dans les circonstances de l’espèce, le refus de reconnaître la circonstance atténuante analysée se justifie également par l’économie générale de la décision attaquée.

244    En effet, d’une part, il ressort de celle-ci que, au cours de certaines périodes, l’entente dans son ensemble n’était pas pleinement efficace, les participants, y compris Barlo, s’écartant des accords passés (voir, par exemple, considérant 329 de la décision attaquée). Or, s’agissant d’une caractéristique propre au fonctionnement du cartel en tant que tel, elle ne saurait être prise en compte au titre des circonstances atténuantes, mais, tout au plus, dans le cadre de l’analyse de la gravité de l’infraction. À cet égard, il convient de souligner que, dans le cadre de la détermination du montant de départ de l’amende, la Commission a examiné des arguments ayant trait au caractère inefficace de l’entente (considérants 321 à 329 de la décision attaquée) et, dans ce contexte, notamment la déclaration d’Atofina, invoquée par les requérantes (voir point 236 ci-dessus). Même si elle a estimé que l’infraction pouvait être qualifiée de très grave, elle a néanmoins affirmé explicitement qu’elle ne se fondait « pas spécifiquement sur un impact particulier [de l’infraction sur le marché] » (considérant 321 de la décision attaquée), dans le cadre de la détermination du montant de l’amende.

245    D’autre part, à supposer même que le comportement de Barlo sur le marché ait été substantiellement différent de celui des autres entreprises, destinataires de la décision attaquée, il convient de rappeler qu’il n’est pas indiqué dans les lignes directrices que la Commission doit toujours prendre en compte séparément chacune des circonstances atténuantes énumérées au point 3 de ces lignes directrices (arrêt KME Germany e.a./Commission, point 189 supra, point 114). En application de celles-ci, la Commission dispose d’une marge d’appréciation pour apprécier d’une manière globale l’importance d’une éventuelle réduction du montant des amendes, en tenant compte de l’ensemble des circonstances atténuantes caractérisant le cas de l’espèce (arrêts du Tribunal du 8 juillet 2004, Mannesmannröhren-Werke/Commission, T‑44/00, Rec. p. II‑2223, points 274 et 275, et Dalmine/Commission, T‑50/00, Rec. p. II‑2395, points 325 et 326 ; voir également, en ce sens, arrêt du Tribunal du 12 septembre 2007, Prym et Prym Consumer/Commission, T‑30/05, non publié au Recueil, point 204).

246    Or, au regard des circonstances de l’espèce, c’est la reconnaissance du rôle passif et mineur dans la réalisation de l’infraction, au motif notamment que la participation de Barlo à l’entente ne pouvait être comparée à celle de la plupart des autres entreprises (considérant 373 de la décision attaquée), qui reflète le mieux la gravité relative de la participation de Barlo à celle-ci. En tout état de cause, les éléments avancés par les requérantes et examinés aux points 236 à 241 ci-dessus ne suffisent pas pour justifier une réduction supplémentaire du montant de base de l’amende qui s’ajouterait à celle déjà opérée par la Commission au titre du rôle passif.

247    Partant, le présent grief doit être rejeté.

–       Sur la cessation précoce de l’infraction

248    Les requérantes font valoir qu’il n’est pas contesté que l’infraction imputée à Barlo a pris fin bien avant les premières enquêtes de la Commission. Elles considèrent que le rejet de cette circonstance atténuante par la Commission va manifestement à l’encontre des lignes directrices qui prévoient, comme circonstance atténuante, « [l]a cessation des infractions dès les premières interventions de la Commission (notamment vérifications) » et elles réfutent les motifs avancés par la Commission aux considérants 384 et 385 de la décision attaquée.

249    À cet égard, il y a lieu de relever que la fin de la participation de Barlo à l’infraction est établie comme ayant eu lieu le 21 août 2000. Il est donc constant que Barlo a cessé de participer à l’infraction avant les premières interventions de la Commission en l’espèce, à savoir les vérifications sur place qui datent des 25 et 26 mars 2003 (considérant 59 de la décision attaquée).

250    Cependant, s’agissant de la demande de réduction du montant de l’amende à ce titre, il suffit de constater que, selon la jurisprudence, une circonstance atténuante ne peut être accordée au titre du point 3, troisième tiret, des lignes directrices dans le cas où l’infraction a déjà pris fin avant la date des premières interventions de la Commission et indépendamment de celles-ci (voir, en ce sens, arrêt du 3 septembre 2009, Prym et Prym Consumer/Commission, point 189 supra, points 105 et 106).

251    Par ailleurs, le fait que Barlo a volontairement mis fin à l’infraction avant l’ouverture de l’enquête de la Commission a été suffisamment pris en compte dans le calcul de la durée de la période infractionnelle retenue à l’égard des requérantes, de sorte que celles-ci ne sauraient invoquer le point 3, troisième tiret, des lignes directrices (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal Amann & Söhne et Cousin Filterie/Commission, point 149 supra, point 260, et du 19 mai 2010, Chalkor/Commission, T‑21/05, non encore publié au Recueil, point 152).

252    Partant, les critiques des requérantes formulées à l’égard de l’appréciation de la Commission figurant aux considérants 384 et 385 de la décision attaquée sont non fondées et le présent grief doit être rejeté.

–       Sur l’introduction d’un programme de mise en conformité avec les règles de concurrence

253    Les requérantes soulignent que la décision attaquée est la première décision d’application des règles de la concurrence de l’Union adoptée à l’encontre du groupe Quinn. Elles indiquent que, dès que celui-ci a appris l’existence de l’enquête, il a mis en œuvre un programme de mise en conformité avec les règles de concurrence dont tous les détails ont été donnés à la Commission. Dans ces circonstances particulières, le refus de prendre en compte ce programme comme une circonstance atténuante ne serait pas fondé.

254    Cette argumentation ne saurait prospérer.

255    Premièrement, il y a lieu de relever que le fait que la décision attaquée soit la première décision constatant une violation des règles de concurrence de l’Union à l’encontre des requérantes ne justifie pas une réduction du montant de base de l’amende. Cette circonstance a, en revanche, été prise en compte dans la mesure où la Commission n’a pas retenu la récidive en tant que circonstance aggravante à l’égard des requérantes.

256    Deuxièmement, il y a lieu de souligner que l’adoption de mesures pour empêcher de nouvelles infractions, bien qu’elle soit importante, ne change rien à la réalité de l’infraction constatée.

257    Troisièmement, il a déjà été jugé que la simple adoption, par une entreprise, d’un programme de mise en conformité avec les règles de concurrence ne saurait constituer une garantie valable et certaine du respect futur et durable par celle-ci desdites règles, de sorte qu’un tel programme ne saurait contraindre la Commission à une diminution de l’amende au motif que l’objectif de prévention que cette institution poursuit serait déjà au moins partiellement atteint (arrêt du Tribunal du 5 avril 2006, Degussa/Commission, T‑279/02, Rec. p. II‑897, point 361 ; voir, également, arrêt BASF et UCB/Commission, point 127 supra, point 52).

258    Pour ces motifs, le présent grief doit être rejeté.

–       Sur l’absence de profit, l’absence de nécessité de dissuasion et sur la proportionnalité

259    Les requérantes font observer que les amendes prévues par le droit de la concurrence visent, d’une part, à priver les responsables du profit qu’ils auraient pu tirer de l’infraction et, d’autre part, à produire un effet dissuasif (considérant 388 de la décision attaquée). Or, en l’espèce, l’amende imposée ne serait pas proportionnée à ces objectifs dès lors que, d’une part, les requérantes n’auraient tiré aucun profit de l’infraction alléguée et, d’autre part, ni Barlo ni le groupe Quinn n’auraient jamais été condamnés pour une violation des règles de concurrence.

260    Tout d’abord, il convient de souligner que les circonstances invoquées par les requérantes dans le cadre du présent grief ne sont pas prévues explicitement en tant que circonstances atténuantes au point 3 des lignes directrices.

261    Ensuite, il y a lieu de relever que c’est à juste titre que la Commission a considéré que ces éléments ne justifiaient pas une réduction du montant de l’amende.

262    D’une part, s’agissant de l’allégation relative à l’absence de profit, celle-ci n’est pas établie. Par ailleurs, les requérantes semblent admettre qu’un tel profit ait pu être réalisé, tout en insistant sur le fait que cela aurait bénéficié aux anciens actionnaires de l’entreprise, et non aux actionnaires actuels qui doivent supporter les conséquences financières de l’amende. Or, outre le fait qu’elle n’est pas étayée, cette dernière allégation est également sans pertinence. Il y a lieu de relever, par ailleurs, que les requérantes ne contestent pas être les successeurs légaux de Barlo, ni le fait que c’est à elles que la décision attaquée devait être adressée, dans l’éventualité où l’infraction serait établie (voir point 5 ci-dessus).

263    En tout état de cause, c’est à bon droit que la Commission a relevé, au considérant 388, in fine, de la décision attaquée, qu’une éventuelle absence du profit ne changerait pas la gravité de l’infraction commise, telle qu’elle a été établie par la décision attaquée.

264    D’autre part, s’agissant du fait que ni Barlo ni le groupe Quinn n’ont jamais été condamnés pour une violation des règles de concurrence de l’Union, il y a lieu de renvoyer au point 255 ci-dessus et de constater que l’absence de récidive ne saurait en soi constituer une circonstance atténuante.

265    Quant à l’allégation, non étayée, que, en raison de l’acquisition de Barlo par le biais d’une offre publique d’achat « hostile », les actionnaires actuels n’auraient pas été en mesure de procéder à un audit significatif et auraient ignoré l’existence potentielle de l’infraction, elle n’est pas, non plus, de nature à atténuer la gravité de l’infraction commise ni à influer sur le montant de l’amende, dans la mesure où celui-ci poursuit un objectif de dissuasion.

266    Partant, le présent grief doit être rejeté.

–       Sur la collaboration active à la procédure en dehors du champ d’application de la communication sur la coopération

267    Les requérantes avancent qu’elles ont pleinement coopéré avec la Commission tout au long de la procédure administrative. Elles l’auraient fait en recherchant la confirmation des faits qui ne leur étaient pas immédiatement disponibles et auraient déployé des efforts considérables à cette fin. À leur avis, dans la décision attaquée, la Commission n’était pas fondée à refuser de prendre en compte cet aspect comme circonstance atténuante.

268    À cet égard, il y a lieu de rappeler que, au point 3, sixième tiret, des lignes directrices, la Commission a prévu une circonstance atténuante relative à la collaboration effective de l’entreprise à la procédure, en dehors du champ d’application de la communication sur la coopération.

269    En l’espèce, la Commission a constaté, au considérant 392 de la décision attaquée, qu’elle avait examiné, au titre de la disposition susvisée, si la coopération de l’une des entreprises concernées lui avait permis de constater l’existence de l’infraction avec moins de difficulté. Au considérant 393 de la décision attaquée, elle a considéré, eu égard à l’ampleur et à la valeur très limitée de leur coopération et à leur contestation des faits en dehors de cette coopération limitée, qu’il n’existait aucune autre circonstance qui entraînait une réduction des montants des amendes en dehors du champ d’application de la communication sur la coopération, laquelle, dans les affaires d’ententes secrètes, ne pourrait, en tout état de cause, qu’être de nature exceptionnelle.

270    À cet égard, il y a lieu de constater que c’est à bon droit que la Commission a estimé que l’application du point 3, sixième tiret, des lignes directrices, devrait, dans le cas des ententes secrètes, être exceptionnelle.

271    En effet, l’application de cette disposition ne saurait avoir pour conséquence de priver la communication sur la coopération de son effet utile. Or, il ressort clairement de ladite communication qu’elle définit le cadre permettant de récompenser, pour leur coopération à l’enquête de la Commission, les entreprises qui sont ou ont été parties à des ententes secrètes affectant la Communauté. Il s’ensuit que les entreprises ne peuvent, en principe, obtenir une réduction du montant de l’amende au titre de leur coopération que lorsqu’elles satisfont aux conditions prévues par ladite communication.

272    Ainsi, il a déjà été jugé, par exemple, qu’il était loisible à la Commission de réserver l’application du point 3, sixième tiret, des lignes directrices à l’entreprise qui était la première à lui fournir des informations lui permettant d’élargir son enquête et d’entreprendre les mesures nécessaires afin d’établir une infraction plus grave ou une infraction d’une durée plus longue (arrêt du Tribunal du 19 mai 2010, Wieland-Werke e.a./Commission, T‑11/05, non publié au Recueil, point 232 ; voir également point 234).

273    En l’espèce, d’une part, il y a lieu de relever que les requérantes n’exposent pas de façon suffisamment circonstanciée en quoi et dans quelle mesure leur coopération aurait permis à la Commission d’établir les faits allégués.

274    D’autre part, même s’il ressort de l’analyse de la première branche du premier moyen que la confirmation par les requérantes de certains éléments dans leur réponse à la communication des griefs a aidé la Commission à établir l’implication de Barlo dans plusieurs réunions anticoncurrentielles, il y a lieu néanmoins de souligner que les requérantes continuent à contester précisément le fait que ladite réponse à la communication des griefs a été de nature à établir leur responsabilité pour l’entente.

275    Dans ces conditions, l’existence des circonstances justifiant la reconnaissance de la circonstance atténuante sollicitée n’est pas établie.

276    Partant, le présent grief doit être rejeté.

277    Finalement, pour autant que certains arguments des requérantes avancés dans le cadre du deuxième moyen doivent être compris comme visant une violation de l’obligation de motivation en ce qui concerne la détermination du montant de l’amende, et notamment du niveau des réductions accordées (voir points 196, 217 et 218 ci-dessus), ceux-ci doivent être rejetés. En effet, il résulte de ce qui précède que la Commission a exposé, de façon suffisante, les éléments d’appréciation qui lui ont permis de mesurer la gravité et la durée de l'infraction commise par les requérantes, y compris, aux considérants 335 et 372 à 374, les motifs pour lesquels elle a décidé de leur octroyer les réductions du montant de l’amende. Ainsi, elle a rempli les exigences de la formalité substantielle que constitue l'obligation de motivation (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 16 novembre 2000, KNP BT/Commission, C‑248/98 P, Rec. p. I‑9641, point 42). Il y a lieu de constater, en particulier, qu’il incombe pas à la Commission, à ce titre, d’indiquer dans sa décision les éléments chiffrés relatifs au mode de calcul des amendes (voir arrêt Microsoft/Commission, point 131 supra, point 1361, et la jurisprudence citée) et qu’elle n’était donc pas tenue de motiver davantage les niveaux des réductions accordées.

 Conclusion

278    Il ressort de l’ensemble de ce qui précède qu’il y a lieu d’annuler la décision attaquée, d’une part, dans la mesure où elle retient la responsabilité des requérantes pour leur participation à l’entente entre le 1er novembre 1998 et le 23 février 2000 et, d’autre part, dans la mesure où elle constate qu’elles ont enfreint l’article 81 CE et l’article 53 de l’accord EEE en participant à un ensemble d’accords et de pratiques concertées qui portaient non seulement sur les plaques massives en PMMA, mais également sur les composants de moulage en PMMA et les plaques sanitaires en PMMA. Les conclusions en annulation doivent être rejetées pour le surplus.

279    S’agissant de la détermination du montant de l’amende, il ressort de l’ensemble de ce qui précède que, d’une part, il y a lieu de substituer à la majoration du montant de départ de 20 % appliquée par la Commission au considérant 353 de la décision attaquée une majoration de 10 % et, d’autre part, il y a lieu de rejeter les conclusions visant à la réduction du montant de l’amende pour le surplus.

280    Par conséquent, le montant de l’amende infligée aux requérantes en vertu de l’article 2 de la décision attaquée est fixé à 8 250 000 euros.

 Sur les dépens

281    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Aux termes de l’article 87, paragraphe 3, du règlement de procédure, le Tribunal peut répartir les dépens ou décider que chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs de conclusions, ou pour des motifs exceptionnels.

282    En l’espèce, les conclusions des requérantes ont été partiellement accueillies et la Commission a donc succombé en ses conclusions visant au rejet intégral du recours. Toutefois, les requérantes ont succombé dans la mesure où elles concluaient à l’annulation totale de la décision attaquée en ce qui les concerne. Il sera donc fait une juste appréciation des circonstances de la cause en décidant que les requérantes supporteront 60 % de leurs propres dépens et 60 % des dépens exposés par la Commission, alors que la Commission supportera 40 % de ses propres dépens et 40 % des dépens exposés par les requérantes.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      L’article 1er de la décision C (2006) 2098 final de la Commission, du 31 mai 2006, relative à une procédure d’application de l’article 81 CE et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire COMP/F/38.645 – Méthacrylates), est annulé, d’une part, dans la mesure où il constate que Quinn Barlo Ltd, Quinn Plastics NV et Quinn Plastics GmbH ont enfreint l’article 81 CE et l’article 53 de l’accord sur l’Espace économique européen (EEE) en participant à un ensemble d’accords et de pratiques concertées qui portaient non seulement sur les plaques massives en polyméthacrylate de méthyle, mais également sur les composants de moulage en polyméthacrylate de méthyle et les plaques sanitaires en polyméthacrylate de méthyle et, d’autre part, dans la mesure où il retient la responsabilité de ces sociétés pour leur participation à l’entente entre le 1er novembre 1998 et le 23 février 2000.

2)      Le montant de l’amende au paiement duquel Quinn Barlo, Quinn Plastics NV et Quinn Plastics GmbH sont tenues solidairement pour responsables, en vertu de l’article 2 de la décision C (2006) 2098 final, est fixé à 8 250 000 euros.

3)      Le recours est rejeté pour le surplus.

4)      Quinn Barlo, Quinn Plastics NV et Quinn Plastics GmbH supporteront 60 % de leurs propres dépens et 60 % des dépens exposés par la Commission européenne.

5)      La Commission supportera 40 % de ses propres dépens et 40 % des dépens exposés par Quinn Barlo, Quinn Plastics NV et Quinn Plastics GmbH.

Czúcz

Labucka

Gratsias

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 30 novembre 2011.

Signatures

Table des matières


Antécédents du litige

Procédure et conclusions des parties

En droit

Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 81 CE

Sur la première branche du premier moyen, tirée de l’appréciation erronée des réunions et autres contacts ou échanges ayant impliqué Barlo

– Sur les quatre réunions pour lesquelles la présence de Barlo est admise

– Sur la réunion de Barcelone (Espagne) contestée de mai-juin 1999 (considérant 164 de la décision attaquée)

– Sur l’absence d’autres contacts ou échanges auxquels Barlo aurait participé

– Conclusion relative à la première branche du premier moyen

Sur la deuxième branche du premier moyen, tirée d’une appréciation erronée de la participation de Barlo à un « projet anticoncurrentiel unique et commun » couvrant trois produits en PMMA

Sur la troisième branche du premier moyen, tirée d’une appréciation erronée de la participation de Barlo à une infraction continue

Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation de l’article 23, paragraphe 3, du règlement n° 1/2003, des lignes directrices et du principe de proportionnalité

Sur la première branche du deuxième moyen, tirée d’une appréciation erronée de la durée de l’infraction alléguée

Sur la deuxième branche du deuxième moyen, tirée de l’évaluation erronée de la gravité de l’infraction alléguée

Sur la troisième branche du deuxième moyen, tirée de l’appréciation erronée des circonstances atténuantes

– Sur le rôle passif et mineur dans la réalisation de l’infraction

– Sur l’absence de mise en œuvre effective des accords ou pratiques infractionnels

– Sur la cessation précoce de l’infraction

– Sur l’introduction d’un programme de mise en conformité avec les règles de concurrence

– Sur l’absence de profit, l’absence de nécessité de dissuasion et sur la proportionnalité

– Sur la collaboration active à la procédure en dehors du champ d’application de la communication sur la coopération

Conclusion

Sur les dépens


* Langue de procédure : l’anglais.