Language of document : ECLI:EU:C:2015:366

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. Melchior Wathelet

présentées le 4 juin 2015 (1)

Affaire C‑299/14

Vestische Arbeit Jobcenter Kreis Recklinghausen

contre

Jovanna García-Nieto,

Joel Peña Cuevas,

Jovanlis Peña García,

Joel Luis Peña Cruz

[demande de décision préjudicielle formée par le Landessozialgericht Nordrhein-Westfalen (Allemagne)]

«Règlement (CE) no 883/2004 – Directive 2004/38/CE – Citoyenneté de l’Union – Égalité de traitement – Citoyens de l’Union à la recherche d’un emploi qui séjournent sur le territoire d’un autre État membre – Réglementation d’un État membre prévoyant l’exclusion de ces personnes des prestations spéciales en espèces à caractère non contributif – Existence d’un lien réel entre ledit citoyen et le marché du travail de l’État membre de séjour»





I –    Introduction

1.        La présente demande de décision préjudicielle pose, en substance, la question de savoir si un État membre peut exclure du bénéfice de prestations de subsistance à caractère non contributif, au sens du règlement (CE) no 883/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, sur la coordination des systèmes de sécurité sociale (2), tel que modifié par le règlement (UE) no 1244/2010 de la Commission, du 9 décembre 2010 (3) (ci-après le «règlement no 883/2004»), des ressortissants d’autres États membres durant les trois premiers mois de leur séjour alors qu’ils ne sont pas encore économiquement actifs et sont dans une situation d’indigence.

2.        Cette affaire s’inscrit dans une série d’affaires en provenance d’Allemagne dans lesquelles les juridictions de renvoi s’interrogent sur la compatibilité avec le droit de l’Union, plus particulièrement avec le principe d’égalité consacré par plusieurs dispositions de droit primaire et de droit dérivé, de l’exclusion de certains citoyens de l’Union européenne du bénéfice de prestations sociales prévues par la législation nationale.

3.        La première de ces affaires, laquelle a donné lieu à l’arrêt Dano (C‑333/13, EU:C:2014:2358), visait l’hypothèse d’un citoyen de l’Union qui arrive sur le territoire d’un État membre sans volonté d’y trouver un travail et qui n’est pas en mesure de subvenir à son existence par ses propres moyens. La deuxième affaire, dans laquelle j’ai présenté des conclusions le 26 mars 2015 (affaire Alimanovic, C‑67/14, EU:C:2015:210), pendante devant la Cour, concerne un citoyen de l’Union qui, après avoir travaillé moins d’un an sur le territoire d’un État membre dont il n’était pas le ressortissant, demandait à pouvoir bénéficier des prestations de subsistance de l’État membre d’accueil.

4.        La présente affaire permet d’appréhender une troisième situation: celle du citoyen de l’Union qui, durant les trois premiers mois de son séjour sur le territoire de l’État d’accueil, n’est pas un travailleur salarié ou non salarié et ne peut pas non plus être considéré comme ayant conservé cette qualité en vertu de l’article 7, paragraphe 3, de la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, modifiant le règlement (CEE) no 1612/68 et abrogeant les directives 64/221/CEE, 68/360/CEE, 72/194/CEE, 73/148/CEE, 75/34/CEE, 75/35/CEE, 90/364/CEE, 90/365/CEE et 93/96/CEE (4).

II – Le cadre juridique

A –    Le droit de l’Union

1.      Le traité FUE

5.        Selon l’article 18, premier alinéa, TFUE, «[d]ans le domaine d’application des traités, et sans préjudice des dispositions particulières qu’ils prévoient, est interdite toute discrimination exercée en raison de la nationalité».

6.        L’article 45 TFUE garantit plus spécifiquement la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de l’Union. Selon le paragraphe 2 de cet article, cette liberté de circulation «implique l’abolition de toute discrimination, fondée sur la nationalité, entre les travailleurs des États membres, en ce qui concerne l’emploi, la rémunération et les autres conditions de travail».

2.      Le règlement no 883/2004

7.        Le champ d’application matériel du règlement no 883/2004 est décrit à son article 3 comme suit:

«1.      Le présent règlement s’applique à toutes les législations relatives aux branches de sécurité sociale qui concernent:

[...]

h)      les prestations de chômage;

[...]

2.      Sauf disposition contraire prévue à l’annexe XI, le présent règlement s’applique aux régimes de sécurité sociale généraux et spéciaux, soumis ou non à cotisations, ainsi qu’aux régimes relatifs aux obligations de l’employeur ou de l’armateur.

3.      Le présent règlement s’applique également aux prestations spéciales en espèces à caractère non contributif visées à l’article 70.

[...]

5.      Le présent règlement ne s’applique pas:

a)      à l’assistance sociale et médicale;

[...]»

8.        Selon l’article 4 de ce règlement, intitulé «Égalité de traitement»:

«À moins que le présent règlement n’en dispose autrement, les personnes auxquelles le présent règlement s’applique bénéficient des mêmes prestations et sont soumises aux mêmes obligations, en vertu de la législation de tout État membre, que les ressortissants de celui-ci.»

9.        Le chapitre 9 du titre III du règlement no 883/2004 est consacré aux «[p]restations spéciales en espèces à caractère non contributif». Il est constitué du seul article 70, lequel est intitulé «Dispositions générales» et prévoit:

«1.      Le présent article s’applique aux prestations spéciales en espèces à caractère non contributif relevant d’une législation qui, de par son champ d’application personnel, ses objectifs et/ou ses conditions d’éligibilité, possède les caractéristiques à la fois de la législation en matière de sécurité sociale visée à l’article 3, paragraphe 1, et d’une assistance sociale.

2.      Aux fins du présent chapitre, on entend par ‘prestations spéciales en espèces à caractère non contributif’ les prestations:

a)      qui sont destinées:

i)      soit à couvrir à titre complémentaire, subsidiaire ou de remplacement, les risques correspondant aux branches de sécurité sociale visées à l’article 3, paragraphe 1, et à garantir aux intéressés un revenu minimal de subsistance eu égard à l’environnement économique et social dans l’État membre concerné;

ii)      soit uniquement à assurer la protection spécifique des personnes handicapées, étroitement liées à l’environnement social de ces personnes dans l’État membre concerné,

et

b)      qui sont financées exclusivement par des contributions fiscales obligatoires destinées à couvrir des dépenses publiques générales et dont les conditions d’attribution et modalités de calcul ne sont pas fonction d’une quelconque contribution pour ce qui concerne leurs bénéficiaires. Les prestations versées à titre de complément d’une prestation contributive ne sont toutefois pas considérées, pour ce seul motif, comme des prestations contributives,

et

c)      qui sont énumérées à l’annexe X.

3.      L’article 7 et les autres chapitres du présent titre ne s’appliquent pas aux prestations visées au paragraphe 2 du présent article.

4.      Les prestations visées au paragraphe 2 sont octroyées exclusivement dans l’État membre dans lequel l’intéressé réside et conformément à sa législation. Ces prestations sont servies par l’institution du lieu de résidence et à sa charge.»

10.      L’annexe X du règlement no 883/2004, régissant les «[p]restations spéciales en espèces à caractère non contributif», contient, sous la rubrique «Allemagne», la précision suivante:

«[...]

b)      Les prestations visant à garantir des moyens d’existence au titre de l’assurance de base pour les demandeurs d’emploi, sauf si, en ce qui concerne ces prestations, les conditions d’obtention d’un complément temporaire à la suite de la perception d’une prestation de chômage (article 24, paragraphe 1, du livre II du code social) sont remplies.»

3.      La directive 2004/38

11.      Les considérants 10, 16 et 21 de la directive 2004/38 prévoient ce qui suit:

«(10) Il convient cependant d’éviter que les personnes exerçant leur droit de séjour ne deviennent une charge déraisonnable pour le système d’assistance sociale de l’État membre d’accueil pendant une première période de séjour. L’exercice du droit de séjour des citoyens de l’Union et des membres de leur famille, pour des périodes supérieures à trois mois, devrait, dès lors, rester soumis à certaines conditions.

[...]

(16)      Les bénéficiaires du droit de séjour ne devraient pas faire l’objet de mesures d’éloignement aussi longtemps qu’ils ne deviennent pas une charge déraisonnable pour le système d’assistance sociale de l’État membre d’accueil. En conséquence, une mesure d’éloignement ne peut pas être la conséquence automatique du recours à l’assistance sociale. L’État membre d’accueil devrait examiner si, dans ce cas, il s’agit de difficultés d’ordre temporaire et prendre en compte la durée du séjour, la situation personnelle et le montant de l’aide accordée, afin de déterminer si le bénéficiaire constitue une charge déraisonnable pour son système d’assistance sociale et de procéder, le cas échéant, à son éloignement. En aucun cas, une mesure d’éloignement ne devrait être arrêtée à l’encontre de travailleurs salariés, de non-salariés ou de demandeurs d’emploi tels que définis par la Cour de justice, si ce n’est pour des raisons d’ordre public et de sécurité publique.

[...]

(21)      Toutefois, l’État membre d’accueil devrait être libre de déterminer s’il entend accorder aux personnes autres que celles qui exercent une activité salariée ou non salariée, celles qui conservent ce statut et les membres de leur famille des prestations d’assistance sociale au cours des trois premiers mois de séjour, ou de périodes plus longues en faveur des demandeurs d’emploi, ou des bourses d’entretien pour les études, y compris la formation professionnelle, avant l’acquisition du droit de séjour permanent.»

12.      L’article 6 de la directive 2004/38, intitulé «Droit de séjour jusqu’à trois mois», prévoit, à son paragraphe 1:

«Les citoyens de l’Union ont le droit de séjourner sur le territoire d’un autre État membre pour une période allant jusqu’à trois mois, sans autres conditions ou formalités que l’exigence d’être en possession d’une carte d’identité ou d’un passeport en cours de validité.»

13.      L’article 7 de la directive 2004/38, intitulé «Droit de séjour de plus de trois mois», dispose:

«1.      Tout citoyen de l’Union a le droit de séjourner sur le territoire d’un autre État membre pour une durée de plus de trois mois:

a)      s’il est un travailleur salarié ou non salarié dans l’État membre d’accueil, ou

b)      s’il dispose, pour lui et pour les membres de sa famille, de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d’assistance sociale de l’État membre d’accueil au cours de son séjour, et d’une assurance maladie complète dans l’État membre d’accueil, [...]

[...]

3.      Aux fins du paragraphe 1, point a), le citoyen de l’Union qui n’exerce plus d’activité salariée ou non salariée conserve la qualité de travailleur salarié ou de non salarié dans les cas suivants:

[...]

b)      s’il se trouve en chômage involontaire dûment constaté après avoir été employé pendant plus d’un an et s’est fait enregistrer en qualité de demandeur d’emploi auprès du service de l’emploi compétent;

c)      s’il se trouve en chômage involontaire dûment constaté à la fin de son contrat de travail à durée déterminée inférieure à un an ou après avoir été involontairement au chômage pendant les douze premiers mois et s’est fait enregistrer en qualité de demandeur d’emploi auprès du service de l’emploi compétent; dans ce cas, il conserve le statut de travailleur pendant au moins six mois;

[...]»

14.      L’article 14 de la directive 2004/38 est consacré au «[m]aintien du droit de séjour». Aux termes de cette disposition:

«1.      Les citoyens de l’Union et les membres de leur famille ont un droit de séjour tel que prévu à l’article 6 tant qu’ils ne deviennent pas une charge déraisonnable pour le système d’assistance sociale de l’État membre d’accueil.

[...]

3.      Le recours au système d’assistance sociale par un citoyen de l’Union ou un membre de sa famille n’entraîne pas automatiquement une mesure d’éloignement.

4.      À titre de dérogation aux dispositions des paragraphes 1 et 2 et sans préjudice des dispositions du chapitre VI, les citoyens de l’Union et les membres de leur famille ne peuvent en aucun cas faire l’objet d’une mesure d’éloignement lorsque:

a)      les citoyens de l’Union concernés sont des salariés ou des non salariés, ou

b)      les citoyens de l’Union concernés sont entrés sur le territoire de l’État membre d’accueil pour y chercher un emploi. Dans ce cas, les citoyens de l’Union et les membres de leur famille ne peuvent être éloignés tant que les citoyens de l’Union sont en mesure de faire la preuve qu’ils continuent à chercher un emploi et qu’ils ont des chances réelles d’être engagés.»

15.      Enfin, l’article 24 de ladite directive, intitulé «Égalité de traitement», énonce:

«1.      Sous réserve des dispositions spécifiques expressément prévues par le traité et le droit dérivé, tout citoyen de l’Union qui séjourne sur le territoire de l’État membre d’accueil en vertu de la présente directive bénéficie de l’égalité de traitement avec les ressortissants de cet État membre dans le domaine d’application du traité. Le bénéfice de ce droit s’étend aux membres de la famille, qui n’ont pas la nationalité d’un État membre et qui bénéficient du droit de séjour ou du droit de séjour permanent.

2.      Par dérogation au paragraphe 1, l’État membre d’accueil n’est pas obligé d’accorder le droit à une prestation d’assistance sociale pendant les trois premiers mois de séjour ou, le cas échéant, pendant la période plus longue prévue à l’article 14, paragraphe 4, point b), ni tenu, avant l’acquisition du droit de séjour permanent, d’octroyer des aides d’entretien aux études, y compris pour la formation professionnelle, sous la forme de bourses d’études ou de prêts, à des personnes autres que les travailleurs salariés, les travailleurs non salariés, les personnes qui gardent ce statut, ou les membres de leur famille.»

B –    Le droit allemand

1.      Le code social

16.      L’article 19a, paragraphe 1, du livre I du code social (Sozialgesetzbuch Erstes Buch, ci-après le «SGB I»), décrit les deux types de prestations de l’assurance de base pour les demandeurs d’emploi comme suit:

«(1)      Peuvent être revendiquées au titre du droit à l’assurance de base pour les demandeurs d’emploi:

1.      des prestations visant l’insertion dans le travail,

2.      des prestations visant à assurer la subsistance.

[...]»

17.      Dans le livre II du code social (Sozialgesetzbuch Zweites Buch, ci-après le «SGB II»), l’article 1er de celui-ci, intitulé «Fonction et objectif de l’assurance de base pour les demandeurs d’emploi», dispose, à ses paragraphes 1 et 3:

«(1)      L’assurance de base [(«Grundsicherung»)] pour les demandeurs d’emploi vise à permettre à ses bénéficiaires de mener une vie conforme à la dignité humaine.

[...]

(3)      L’assurance de base pour les demandeurs d’emploi comprend des prestations

1.      visant à mettre fin ou à réduire l’état de besoin, en particulier moyennant l’insertion dans le travail et

2.      visant à assurer la subsistance.»

18.      L’article 7 du SGB II, intitulé «Bénéficiaires», énonce:

«(1)      Les prestations au titre du présent livre sont destinées aux personnes qui

1.      ont atteint l’âge de 15 ans et n’ont pas encore atteint la limite d’âge visée à l’article 7a,

2.      sont aptes à travailler,

3.      sont indigentes et

4.      séjournent habituellement en [...] Allemagne (bénéficiaires aptes à travailler). Sont exclus

1.      les étrangères et les étrangers qui ne sont pas des travailleurs salariés ou des travailleurs non salariés en [...] Allemagne et qui ne jouissent pas du droit de libre circulation en vertu de l’article 2, paragraphe 3, de la loi sur la libre circulation des citoyens de l’Union [(Freizügigkeitsgesetz/EU, ci-après le ‘FreizügG/EU’)], et les membres de leur famille, pendant les trois premiers mois de leur séjour,

2.      les étrangères et les étrangers dont le droit de séjour n’est justifié que par la recherche d’un emploi, et les membres de leur famille,

[...]

La deuxième phrase, point 1, ne s’applique pas aux étrangères et aux étrangers qui séjournent en [...] Allemagne conformément à un titre de séjour délivré en vertu du chapitre 2, section 5, de la loi sur le droit de séjour. Les dispositions en matière de droit de séjour demeurent inchangées.

[...]»

19.      L’article 8 du SGB II, consacré à la notion d’«aptitude à travailler», prévoit:

«(1)      Est apte à travailler toute personne qui n’est pas incapable dans un avenir prévisible, en raison d’une maladie ou d’un handicap, d’exercer une activité professionnelle au moins trois heures par jour dans les conditions habituelles du marché du travail.

[...]»

20.      L’article 9 du SGB II dispose:

«(1)      Est indigente toute personne qui ne peut assurer sa subsistance, ou l’assurer suffisamment, sur la base du revenu ou du patrimoine à prendre en considération et ne reçoit pas l’assistance nécessaire d’autres personnes, en particulier des membres de sa famille ou d’autres organismes de prestations sociales. [...]

[...]»

21.      Les articles 14 à 18e du SGB II, qui constituent la première section du chapitre III, concernent les prestations relatives à l’insertion sur le marché du travail.

22.      L’article 20 du SGB II énonce des dispositions complémentaires sur les besoins de base de subsistance, l’article 21 du SGB II est relatif aux besoins supplémentaires et l’article 22 du SGB II concerne les besoins d’hébergement et de chauffage. Enfin, les articles 28 à 30 du SGB II traitent des prestations de formation et de participation.

23.      Dans le livre XII du code social (Sozialgesetzbuch Zwölftes Buch, ci-après le «SGB XII»), l’article 1er de celui-ci, qui a trait à l’aide sociale, dispose:

«La fonction de l’aide sociale est de permettre à ses bénéficiaires de mener une vie conforme à la dignité humaine. [...]»

24.      L’article 21 du SGB XII prévoit:

«Il n’est pas versé de prestations de subsistance aux personnes qui sont bénéficiaires des prestations au titre du livre II en ce qu’elles sont aptes à travailler ou en raison de leur lien familial. [...]»

2.      Le FreizügG/EU

25.      Le champ d’application du FreizügG/EU est réglé à l’article 1er de cette loi:

«La présente loi régit l’entrée et le séjour des ressortissants des autres États membres de l’Union européenne (citoyens de l’Union) et des membres de leur famille.»

26.      L’article 2 du FreizügG/EU prévoit, en ce qui concerne le droit d’entrée et de séjour:

«(1)      Les citoyens de l’Union bénéficiant de la liberté de circulation et les membres de leur famille ont le droit d’entrer et de séjourner sur le territoire fédéral conformément aux dispositions de la présente loi.

(2)      Bénéficient de la liberté de circulation en vertu du droit communautaire:

1.      les citoyens de l’Union qui souhaitent séjourner en tant que travailleurs, afin de rechercher un emploi ou pour suivre une formation professionnelle.

[...]

5.      les citoyens de l’Union n’ayant pas d’activité professionnelle, conformément aux conditions de l’article 4,

6.      les membres de la famille, conformément aux conditions des articles 3 et 4,

[...]

(3)      Pour les travailleurs salariés ou indépendants le droit prévu au paragraphe 1 est sans préjudice

[...]

2.      du chômage involontaire confirmé par l’agence compétente ou la cessation d’une activité indépendante à la suite de circonstances indépendantes de la volonté du travailleur indépendant, après plus d’un an d’activité,

[...]

Le droit tiré du paragraphe 1 est conservé pendant une durée de six mois en cas de chômage involontaire confirmé par l’agence pour l’emploi compétente après une période d’emploi de moins d’un an.

[...]»

27.      L’article 4 du FreizügG/EU dispose, en ce qui concerne les personnes bénéficiant de la liberté de circulation n’exerçant pas d’activité professionnelle:

«Les citoyens de l’Union sans activité professionnelle et les membres de leur famille qui les accompagnent ou les rejoignent, bénéficient du droit prévu à l’article 2, paragraphe 1, s’ils disposent d’une assurance maladie suffisante et de moyens de subsistance suffisants. Si un citoyen de l’Union séjourne sur le territoire fédéral sous le statut d’étudiant, seuls bénéficient de ce droit son conjoint ou partenaire et ses enfants, dont la subsistance est assurée.»

3.      La convention européenne d’assistance sociale et médicale

28.      L’article 1er de la convention européenne d’assistance sociale et médicale (ci-après la «convention d’assistance») prévoit le principe de non-discrimination.

29.      Toutefois, conformément à l’article 16, sous b, de ladite convention, le gouvernement allemand a émis une réserve (ci-après la «réserve») le 19 décembre 2011, selon laquelle «[l]e Gouvernement de la République fédérale d’Allemagne ne s’engage pas à faire bénéficier les ressortissants des autres Parties contractantes, à l’égal de ses propres ressortissants et aux mêmes conditions, des prestations prévues dans le deuxième livre du code allemand de la sécurité sociale – Protection sociale de base pour les chercheurs d’emploi dans sa version respectivement en vigueur».

III – Les faits du litige au principal

30.      Les requérants au principal sont des ressortissants espagnols. Mme García-Nieto et M. Peña Cuevas vivaient depuis plusieurs années en couple en Espagne, sans être mariés et sans avoir contracté un partenariat enregistré, avec Jovanlis Peña García, leur enfant commun, ainsi qu’avec le fils encore mineur de M. Peña Cuevas, Joel Luis Peña Cruz.

31.      Au mois d’avril 2012, Mme García-Nieto est entrée sur le territoire de la République fédérale d’Allemagne avec leur fille, Jovanlis Peña García. Elle s’est déclarée comme demandeuse d’emploi le 1er juin 2012. Elle a commencé à exercer un emploi d’aide cuisinière une dizaine de jours plus tard. À partir du 1er juillet 2012, elle a perçu à ce titre une rémunération mensuelle nette de 600 euros (soumise au paiement de cotisations de sécurité sociale).

32.      Peu après, le 23 juin 2012, M. Peña Cuevas et son fils, Joel Luis Peña Cruz, les ont rejointes. Jusqu’au 1er novembre 2012, ils ont résidé tous les quatre chez la mère de Mme García-Nieto et ont tiré leur subsistance des revenus de cette dernière.

33.      M. Peña Cuevas a brièvement occupé un emploi du 2 au 30 novembre 2012. Il a ensuite perçu, du 1er décembre 2012 au 1er janvier 2013 une allocation de chômage au titre du troisième livre du code de la sécurité sociale fondée sur les périodes d’assurance accomplies en Espagne. Au mois de janvier 2013, il a occupé un emploi d’agent de nettoyage. Après la cessation de cette activité, il a de nouveau perçu une allocation de chômage. À partir du mois d’octobre 2013, il a occupé un nouvel emploi qui devait, selon la demande de décision préjudicielle, expirer le 30 septembre 2014.

34.      Mme García-Nieto et M. Peña Cuevas perçoivent des allocations familiales pour leurs deux enfants depuis le mois de juillet 2012. Ces derniers sont, par ailleurs, scolarisés depuis le 22 août 2012.

35.      Le 30 juillet 2012, les requérants au principal ont également introduit auprès du Vestiche Arbeit Jobcenter Kreis Recklinghausen (ci‑après le «Jobcenter») une demande en vue de bénéficier des prestations de subsistance prévues par le SGB II.

36.      Le Jobcenter a toutefois refusé d’octroyer lesdites prestations à M. Peña Cuevas et à son fils, Joel Luis Peña Cruz, pour les mois d’août et de septembre 2012. La décision du Jobcenter se fondait sur l’article 7, paragraphe 1, deuxième phrase, point 1, du SGB II, M. Peña Cuevas et son fils séjournant depuis moins de trois mois en Allemagne et M. Peña Cuevas n’étant pas, par ailleurs, travailleur salarié ou non salarié. Selon le Jobcenter, l’exclusion du bénéfice desdites prestations s’appliquait également au fils de M. Peña Cuevas. À la suite de la réserve émise par le gouvernement allemand, la convention d’assistance n’était plus susceptible de faire naître des droits.

37.      À la suite de ce refus, les requérants au principal ont formé un recours contre cette décision devant le Sozialgericht Gelsenkirchen (tribunal du contentieux social de Gelsenkirchen, Allemagne) et ont obtenu gain de cause. Le Jobcenter a toutefois fait appel de ce jugement devant le Landessozialgericht Nordrhein-Westfalen (tribunal supérieur du contentieux social de Rhénanie-du-Nord-Westphalie).

38.      C’est dans ce cadre que cette juridiction a exprimé des doutes quant à l’admissibilité, au regard du droit de l’Union, de l’exclusion complète des requérants au principal du bénéfice des prestations de subsistance.

IV – La demande de décision préjudicielle et la procédure devant la Cour

39.      Par décision du 22 mai 2014, parvenue à la Cour le 17 juin 2014, le Landessozialgericht Nordrhein-Westfalen a, dès lors, décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour, en vertu de l’article 267 TFUE, les questions préjudicielles suivantes:

«1)      Le principe de non-discrimination prévu à l’article 4 du règlement [no 883/2004] s’applique-t-il – à l’exception de l’exclusion de l’exportation des prestations prévue à l’article 70, paragraphe 4, dudit règlement – également aux prestations spéciales en espèces à caractère non contributif au sens de l’article 70, paragraphes 1 et 2, du règlement no 883/2004?

2)      En cas de réponse affirmative à la première question, des restrictions au principe de non-discrimination prévu à l’article 4 du règlement no 883/2004 par des dispositions de la législation nationale de transposition de l’article 24, paragraphe 2, de la directive 2004/38 en vertu desquelles l’accès auxdites prestations n’existe en aucun cas pendant les trois premiers mois du séjour lorsque des citoyens de l’Union n’ont en Allemagne ni la qualité de travailleur salarié ou de travailleur non salarié ni un droit à la libre circulation en vertu de l’article 2, paragraphe 3, du [FreizügG/EU] sont-elles possibles et, le cas échéant, dans quelle mesure?

3)      En cas de réponse négative à la première question, des principes de non‑discrimination énoncés par ailleurs par le droit primaire – en particulier par les dispositions combinées de l’article 45, paragraphe 2, TFUE et de l’article 18 TFUE – font-ils obstacle à une disposition nationale qui refuse sans exception à des citoyens de l’Union, pendant les trois premiers mois de leur séjour, une prestation sociale qui sert à garantir des moyens de subsistance et qui dans le même temps facilite également l’accès au marché du travail, lorsque ces citoyens de l’Union n’ont certes en Allemagne ni la qualité de travailleur salarié ou de travailleur non salarié ni un droit à la libre circulation en vertu de l’article 2, paragraphe 3, du FreizügG/EU, mais peuvent se prévaloir d’un lien réel avec l’État membre d’accueil et, en particulier, avec le marché du travail de l’État membre d’accueil?»

40.      Par décision du 19 mars 2015, elle a toutefois décidé qu’il n’y avait pas lieu de répondre à la première question puisqu’elle était posée dans les mêmes termes dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Dano (C‑333/13, EU:C:2014:2358) et que la Cour y avait répondu positivement en décidant que «le règlement no 883/2004 doit être interprété en ce sens que les ‘prestations spéciales en espèces à caractère non contributif’ au sens des articles 3, paragraphe 3, et 70 de ce règlement relèvent du champ d’application de l’article 4 dudit règlement» (5).

41.      Des observations écrites ont été déposées par les requérants au principal, les gouvernements allemand, polonais et du Royaume-Uni ainsi que par la Commission européenne.

42.      À l’exception du gouvernement polonais, ces parties se sont, en outre, toutes exprimées lors de l’audience qui s’est tenue le 22 avril 2015. Le gouvernement français, qui n’avait pas déposé d’observations écrites, a également pu exposer ses arguments lors de cette audience.

V –    Analyse

A –    Observations liminaires relatives à la qualification des prestations de subsistance prévues par la législation nationale

43.      Par sa deuxième question préjudicielle, la juridiction de renvoi demande si des restrictions apportées au principe d’égalité de traitement visé à l’article 4 du règlement no 883/2004 par la législation nationale qui transpose l’article 24, paragraphe 2, de la directive 2004/38 sont compatibles avec le droit de l’Union et, le cas échéant, dans quelle mesure.

44.      Par cette question, la juridiction de renvoi confronte l’article 7, paragraphe 1, deuxième phrase, point 1, du SGB II à l’article 24, paragraphe 2, de la directive 2004/38, lequel prévoit une dérogation au principe d’égalité entre les ressortissants de l’État membre d’accueil et les citoyens de l’Union dans l’octroi de «prestations d’assistance sociale».

45.      L’analyse de conformité de la norme nationale à l’article 24, paragraphe 2, de la directive 2004/38 n’a donc de pertinence qu’à la condition que les prestations en cause puissent être qualifiées de «prestations d’assistance sociale» au sens de cette directive.

46.      La Cour a déjà eu l’occasion de préciser qu’une prestation spéciale en espèces à caractère non contributif au sens du règlement no 883/2004 pouvait également relever de la notion de «système d’assistance sociale», figurant à l’article 7, paragraphe 1, sous b), de la directive 2004/38 (6). Toutefois, si de telles prestations financières sont destinées à faciliter l’accès au marché du travail, elles ne sauraient alors être considérées comme des «prestations d’assistance sociale», au sens de l’article 24, paragraphe 2, de la directive 2004/38 (7). Dans ce cas, elles tomberaient dans le champ d’application de l’article 45 TFUE, lequel est au centre de la troisième question préjudicielle.

47.      Par conséquent, selon la nature des prestations en cause dans l’affaire au principal, seule la deuxième ou la troisième question posée par la juridiction de renvoi devra recevoir une réponse.

48.      Je me suis déjà longuement exprimé sur cette question dans mes conclusions dans les affaires Dano (8) et Alimanovic (9) et je suis arrivé à la conclusion que les prestations de subsistance prévues par le SGB II répondaient à la définition des prestations d’assistance sociale au sens de la directive 2004/38 (10).

49.      La Cour elle-même a, semble-t-il, appréhendé les prestations de subsistance du SGB II comme des prestations d’assistance sociale au sens de la directive 2004/38. En effet, au point 69 de l’arrêt Dano (C‑333/13, EU:C:2014:2358), la Cour a considéré «qu’un citoyen de l’Union, pour ce qui concerne l’accès à des prestations sociales, telles que celles en cause au principal, ne peut réclamer une égalité de traitement avec les ressortissants de l’État membre d’accueil que si son séjour sur le territoire de l’État membre d’accueil respecte les conditions de la directive 2004/38» (11). Or, les prestations en cause dans cette affaire étaient identiques à celles qui ont été refusées aux requérants au principal par le Jobcenter.

50.      Par conséquent, sauf à revenir sur le principe de l’arrêt Vatsouras et Koupatantze (12) qui veut que des prestations financières destinées à faciliter l’accès au marché du travail ne sauraient être considérées comme des prestations d’assistance sociale au sens de l’article 24, paragraphe 2, de la directive 2004/38 (13), je concentrerai mon analyse sur cette dernière disposition et non sur l’article 45, paragraphe 2, TFUE.

51.      Dans un souci d’exhaustivité, j’effectuerai néanmoins une analyse au regard de cette disposition et j’envisagerai la réponse à apporter à la troisième question préjudicielle dans l’hypothèse où la Cour laisserait au juge national le soin de qualifier les prestations en cause de prestations d’assistance sociale ou comme étant destinées à faciliter l’accès au marché du travail ou encore comme poursuivant les deux objectifs.

52.      Dans ce cadre, si la juridiction nationale devait constater que les prestations revendiquées poursuivent un double objectif, à savoir, d’une part, garantir le bénéfice de besoins élémentaires et, d’autre part, faciliter l’accès au marché du travail, j’estime qu’il conviendrait de se baser sur la fonction prépondérante des prestations, qui, en l’espèce, est incontestablement de garantir les moyens d’existence nécessaires pour mener une vie conforme à la dignité humaine.

B –    Sur la deuxième question préjudicielle

53.      Selon l’article 24, paragraphe 2, de la directive 2004/38, «[un] État membre d’accueil n’est pas obligé d’accorder le droit à une prestation d’assistance sociale pendant les trois premiers mois de séjour ou, le cas échéant, pendant la période plus longue prévue à l’article 14, paragraphe 4, point b)», c’est-à-dire pendant la période de recherche d’emploi pour les citoyens de l’Union qui sont entrés sur le territoire de l’État membre d’accueil à cette fin et qui «ne peuvent [alors] être éloignés tant [qu’ils] sont en mesure de faire la preuve qu’ils continuent à chercher un emploi et qu’ils ont des chances réelles d’être engagés».

54.      Par conséquent, si «l’article 24, paragraphe 1, de la directive 2004/38 et l’article 4 du règlement no 883/2004 rappellent l’interdiction de discrimination fondée sur la nationalité, l’article 24, paragraphe 2, de ladite directive comporte une dérogation au principe de non-discrimination» (14).

55.      En ce qui concerne les trois premiers mois visés par cette disposition, la Cour a confirmé, dans l’arrêt Dano (C‑333/13, EU:C:2014:2358), une jurisprudence antérieure selon laquelle, «[e]n vertu de l’article 24, paragraphe 2, de la directive 2004/38, l’État membre d’accueil n’[était] [...] pas obligé d’accorder le droit à une prestation sociale à un ressortissant d’un autre État membre ou aux membres de sa famille pendant cette période» (15). Cette jurisprudence peut être qualifiée de constante (16).

56.      En outre, en ce qui concerne le droit des ressortissants des États membres qui cherchent un emploi dans un autre État membre, c’est‑à‑dire la seconde période temporelle visée à l’article 24, paragraphe 2, de la directive 2004/38, la Cour a déjà jugé que son examen au regard du principe de non-discrimination n’avait «révélé aucun élément de nature à affecter [sa] validité» (17).

57.      En réalité, l’existence d’une inégalité de traitement entre les citoyens de l’Union ayant fait usage de leur liberté de circulation et de séjour et les ressortissants de l’État membre d’accueil à l’égard de l’octroi des prestations sociales est «une conséquence inévitable de la directive 2004/38 [en raison] du rapport qu’a établi le législateur de l’Union à l’article 7 de la directive entre, d’une part, l’exigence de ressources suffisantes comme condition de séjour et, d’autre part, le souci de ne pas créer une charge pour le système d’assistance sociale des États membres» (18).

58.      Dans ces conditions, le principe d’une réglementation d’un État membre, telle que celle en cause dans l’affaire au principal, qui exclut du bénéfice d’une prestation spéciale en espèces à caractère non contributif, au sens du règlement no 883/2004 (par ailleurs constitutive d’une prestation d’assistance sociale au sens de la directive 2004/38), les personnes qui se rendent sur le territoire dudit État membre dans le but de chercher un emploi, ne me paraît pas aller à l’encontre de l’article 4 du règlement no 883/2004, ni du système mis en place par la directive 2004/38.

59.      Le cadre juridique global dans lequel s’insère la directive 2004/38 ne remet pas en cause cette conclusion.

60.      Dans l’arrêt Dano (C‑333/13, EU:C:2014:2358), la Cour a rappelé «que l’article 20, paragraphe 1, TFUE confère à toute personne ayant la nationalité d’un État membre le statut de citoyen de l’Union (arrêt N., C‑46/12, EU:C:2013:97, point 25)» (19).

61.      Elle a poursuivi avec sa jurisprudence constante selon laquelle «le statut de citoyen de l’Union a vocation à être le statut fondamental des ressortissants des États membres permettant à ceux qui, parmi ces derniers, se trouvent dans la même situation d’obtenir, dans le domaine d’application ratione materiae du traité FUE, indépendamment de leur nationalité et sans préjudice des exceptions expressément prévues à cet égard, le même traitement juridique (arrêts Grzelczyk, C‑184/99, EU:C:2001:458, point 31; D’Hoop, C‑224/98, EU:C:2002:432, point 28, ainsi que N., C‑46/12, EU:C:2013:97, point 27)» (20).

62.      Il résulte de celle-ci que «[t]out citoyen de l’Union peut donc se prévaloir de l’interdiction de discrimination en raison de la nationalité figurant à l’article 18 TFUE dans toutes les situations relevant du domaine d’application ratione materiae du droit de l’Union. Ces situations comprennent celles relevant de l’exercice de la liberté de circuler et de séjourner sur le territoire des États membres conférée par les articles 20, paragraphe 2, premier alinéa, sous a), TFUE et 21 TFUE (voir arrêt N., C‑46/12, EU:C:2013:97, point 28 et jurisprudence citée)» (21).

63.      La Cour a encore ajouté que, «[à] cet égard, il convient de constater que l’article 18, paragraphe 1, TFUE interdit toute discrimination exercée en raison de la nationalité ‘[d]ans le domaine d’application des traités, et sans préjudice des dispositions particulières qu’ils prévoient’. L’article 20, paragraphe 2, second alinéa, TFUE précise, expressément, que les droits que confère cet article aux citoyens de l’Union s’exercent ‘dans les conditions et limites définies par les traités et les mesures adoptées en application de ceux-ci’. En outre, l’article 21, paragraphe 1, TFUE subordonne, lui aussi, le droit des citoyens de l’Union de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres au respect des ‘limitations et conditions prévues par les traités et par les dispositions prises pour leur application’ (voir arrêt Brey, C‑140/12, EU:C:2013:565, point 46 et jurisprudence citée)» (22).

64.      Enfin, la Cour en a conclu que «le principe de non-discrimination, consacré de manière générale à l’article 18 TFUE, est précisé à l’article 24 de la directive 2004/38 à l’égard des citoyens de l’Union qui [...] exercent leur liberté de circuler et de séjourner sur le territoire des États membres. Ce principe est en outre précisé à l’article 4 du règlement no 883/2004 à l’égard de citoyens de l’Union [...] se prévalant, dans l’État membre d’accueil, des prestations visées à l’article 70, paragraphe 2, dudit règlement» (23).

65.      En d’autres termes, l’article 24, paragraphe 2, de la directive 2004/38 qui autorise un traitement différencié entre les citoyens de l’Union et les ressortissants de l’État membre d’accueil est une «dérogation au principe d’égalité de traitement prévu à l’article 18 TFUE et dont l’article 24, paragraphe 1, de la [même] directive [...] ne constitue qu’une expression spécifique» (24). Par conséquent, il doit être interprété restrictivement et en conformité avec les dispositions du traité, y compris celles relatives à la citoyenneté de l’Union et à la libre circulation des travailleurs.

66.      En outre, les restrictions à l’octroi de prestations sociales aux citoyens de l’Union, qui n’ont pas, ou qui n’ont plus, la qualité de travailleur, et qui sont instaurées sur le fondement de l’article 24, paragraphe 2, de la directive 2004/38 doivent être légitimes (25).

67.      Cette mise en perspective et ces règles qui veulent, d’une part, que l’exception soit interprétée restrictivement et, d’autre part, que les limitations qui en découlent soient légitimes, m’ont conduit, dans l’affaire Alimanovic (C‑67/14, EU:C:2015:210), pendante devant la Cour, à proposer une distinction entre trois hypothèses:

–        celle du ressortissant d’un État membre qui se rend sur le territoire d’un autre État membre et qui y séjourne depuis moins de trois mois ou depuis plus de trois mois mais sans poursuivre l’objectif d’y chercher un emploi (première hypothèse);

–        celle du ressortissant d’un État membre qui se rend sur le territoire d’un autre État membre pour y chercher un emploi (deuxième hypothèse), et

–        celle du ressortissant d’un État membre qui séjourne depuis plus de trois mois sur le territoire d’un autre État membre et qui y a exercé un emploi (troisième hypothèse).

68.      Les requérants au principal peuvent se retrouver dans la situation visée par la première branche de la première hypothèse (c’est-à-dire celle d’un ressortissant d’un État membre qui se rend sur le territoire d’un autre État membre et qui y séjourne depuis moins de trois mois) et dans celle décrite dans la deuxième hypothèse (celle du ressortissant d’un État membre qui se rend sur le territoire d’un autre État membre pour y chercher un emploi).

69.      Comme je l’ai déjà indiqué précédemment, la Cour a confirmé dans l’arrêt Dano (C‑333/13, EU:C:2014:2358) que, «[e]n vertu de l’article 24, paragraphe 2, de la directive 2004/38, l’État membre d’accueil n’[était] [...] pas obligé d’accorder le droit à une prestation sociale à un ressortissant d’un autre État membre ou aux membres de sa famille [pour les séjours allant jusqu’à trois mois]» (26).

70.      Cette interprétation est conforme à l’objectif de préservation de l’équilibre financier du système de sécurité sociale des États membres poursuivi par la directive 2004/38 (27). Puisque les États membres ne peuvent exiger des citoyens de l’Union qu’ils possèdent des moyens de subsistance suffisants et une couverture médicale personnelle pour un séjour d’une durée de trois mois, il est légitime de ne pas imposer aux États membres leur prise en charge durant cette période.

71.      En effet, dans l’hypothèse contraire, ouvrir le droit à des prestations d’assistance sociale aux citoyens de l’Union qui ne sont pas tenus de disposer de moyens de subsistance suffisants risquerait d’entraîner un déplacement massif susceptible d’occasionner une charge déraisonnable pour les systèmes nationaux de sécurité sociale.

72.      En outre, si les personnes qui arrivent sur le territoire de l’État membre d’accueil peuvent avoir des liens personnels avec d’autres citoyens de l’Union qui résident déjà dans cet État membre, le lien avec l’État membre lui-même n’en est pas moins et selon toute vraisemblance limité pendant cette première période.

73.      Par ailleurs, j’ai également observé, dans le cadre de l’analyse de la deuxième hypothèse envisagée dans les conclusions présentées dans l’affaire Alimanovic (C‑67/14, EU:C:2015:210), pendante devant la Cour, qu’il ressortait de la jurisprudence de la Cour que «les ressortissants des États membres qui se déplacent pour chercher un emploi ne bénéficient du principe d’égalité de traitement que pour l’accès à celui-ci, [tandis que] ceux qui ont déjà accédé au marché du travail peuvent prétendre, sur le fondement de l’article 7, paragraphe 2, du règlement [(CEE) no 1612/68 du Conseil, du 15 octobre 1968, relatif à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de la Communauté (28), remplacé par l’article 7, paragraphe 2, du règlement (UE) no 492/2011 du Parlement européen et du Conseil, du 5 avril 2011, relatif à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de l’Union (29)], aux mêmes avantages sociaux et fiscaux que les travailleurs nationaux» (30).

74.      Au vu de la motivation de l’arrêt Dano (C‑333/13, EU:C:2014:2358) relative à l’équilibre de la directive 2004/38 (31) et de la distinction opérée par le droit de l’Union et la jurisprudence de la Cour entre le travailleur qui arrive sur le territoire d’un État membre et celui qui a déjà accédé à ce marché du travail, la réglementation d’un État membre, telle que celle en cause dans l’affaire au principal, qui exclut du bénéfice d’une prestation spéciale en espèces à caractère non contributif, au sens du règlement no 883/2004 (par ailleurs constitutive d’une prestation d’assistance sociale au sens de la directive 2004/38), durant les trois premiers mois de leur séjour ou pour une période plus longue, les personnes qui se rendent sur le territoire dudit État membre dans le but de chercher un emploi, ne me paraît pas aller à l’encontre de l’article 4 dudit règlement ni du système mis en place par ladite directive.

75.      Cette exclusion est non seulement conforme au libellé de l’article 24, paragraphe 2, de la directive 2004/38 en ce qu’il autorise les États membres à refuser le bénéfice de prestations d’assistance sociale aux ressortissants des autres États membres pendant les trois premiers mois et au-delà s’ils sont entrés sur le territoire de l’État membre d’accueil pour chercher un emploi, mais également à la différence objective de situation – consacrée par la jurisprudence de la Cour ainsi que, notamment, par l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 492/2011 – entre les ressortissants qui cherchent un premier emploi sur le territoire de l’État membre d’accueil et ceux qui ont déjà accédé à ce marché (32).

76.      La lecture de la doctrine consacrée à l’interprétation de la directive 2004/38 et du règlement no 883/2004 ne me semble pas non plus remettre en cause cette conclusion, même placée dans le contexte plus global de la citoyenneté de l’Union, telle que consacrée aux articles 18 TFUE, 20 TFUE et 21 TFUE (33).

77.      L’article 7 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la «Charte»), qui consacre le droit au respect de la vie privée et familiale, du domicile et des communications, ne me paraît pas non plus susceptible de modifier l’analyse et la conclusion à laquelle j’aboutis.

78.      En effet, outre le caractère général de cet article 7, des limitations peuvent être apportées aux droits qu’il protège à condition, notamment, de respecter le principe de proportionnalité, et ce conformément à l’article 52, paragraphe 1, de la Charte. Or, de la même manière que le principe d’égalité n’est pas atteint dans sa substance par la dérogation prévue à l’article 24, paragraphe 2, de la directive 2004/38, il en est également ainsi du droit au respect de la vie familiale consacré par l’article 7 de la Charte.

C –    Sur la troisième question préjudicielle

79.      Par sa troisième question, la juridiction de renvoi demande, en cas de réponse négative à la première question, si les articles 45, paragraphe 2, TFUE et 18 TFUE, notamment, s’opposent à une réglementation nationale excluant sans exception les citoyens de l’Union dont le droit de séjour n’est justifié que par la recherche d’un emploi de l’octroi de prestations sociales tendant, d’une part, à fournir des moyens de subsistance et, d’autre part, à faciliter l’accès au marché du travail.

80.      Bien que la première question ait reçu une réponse affirmative, la troisième question garde sa pertinence si la Cour laisse à la juridiction de renvoi le soin de qualifier les prestations de l’assurance de base au regard du droit de l’Union et que cette dernière estime que lesdites prestations visent essentiellement à faciliter l’accès au marché de l’emploi.

81.      En effet, la Cour juge de façon constante qu’il n’est «plus possible d’exclure du champ d’application de l’article [45, paragraphe 2, TFUE], qui est une énonciation du principe fondamental d’égalité de traitement garanti par l’article [18 TFUE], une prestation de nature financière destinée à faciliter l’accès à l’emploi sur le marché du travail d’un État membre» (34).

82.      Toutefois, la Cour a également jugé, dans l’arrêt Vatsouras et Koupatantze (C‑22/08 et C‑23/08, EU:C:2009:344), qu’il était «légitime qu’un État membre n’octroie une telle allocation qu’après que l’existence d’un lien réel du demandeur d’emploi avec le marché du travail de cet État a pu être établie» (35).

83.      Selon une jurisprudence constante, l’existence d’un tel lien peut être vérifiée, notamment, par la constatation que la personne en cause a, pendant une période d’une durée raisonnable, effectivement et réellement cherché un emploi dans l’État membre en question (36).

84.      Dans ces circonstances, «les ressortissants des États membres à la recherche d’un emploi dans un autre État membre qui ont établi des liens réels avec le marché du travail de cet État peuvent se prévaloir de l’article [45, paragraphe 2, TFUE] afin de bénéficier d’une prestation de nature financière destinée à faciliter l’accès au marché de l’emploi» (37).

85.      Toutefois, il ne peut être ignoré que la Cour a déjà jugé qu’une condition unique qui présente un caractère trop général et exclusif en ce qu’elle privilégie indûment un élément qui n’est pas nécessairement représentatif du degré réel et effectif de rattachement entre le demandeur des allocations et le marché géographique en cause, à l’exclusion de tout autre élément représentatif, allait au-delà de ce qui était nécessaire pour atteindre l’objectif poursuivi (38).

86.      Je déduis de ces deux approches que d’autres éléments que la seule recherche d’un emploi peuvent également être pris en considération afin d’apprécier l’existence du lien réel avec le marché géographique en cause.

87.      Selon la Cour, des éléments ressortant du contexte familial, comme l’existence de liens étroits de nature personnelle, sont également de nature à contribuer à l’apparition d’un lien durable entre l’intéressé et son nouvel État membre d’accueil (39). Dans ces circonstances, une réglementation nationale qui instaure une condition qui «fait obstacle à la prise en compte d’autres éléments potentiellement représentatifs du degré réel de rattachement du demandeur des allocations d’attente au marché géographique du travail en cause [...] excède ce qui est nécessaire aux fins d’atteindre l’objectif qu’elle poursuit» (40).

88.      Il résulte de ces considérations que le droit de l’Union, et plus précisément le principe d’égalité tel qu’il est consacré par l’article 45, paragraphe 2, TFUE s’oppose à la réglementation d’un État membre, telle que celle en cause dans l’affaire au principal, qui exclut automatiquement un citoyen de l’Union du bénéfice d’une prestation spéciale en espèces à caractère non contributif au sens de l’article 70, paragraphe 2, du règlement no 883/2004 et qui facilite l’accès au marché du travail, durant la période des trois premiers mois de son séjour sans autoriser ce citoyen à démontrer l’existence d’un lien réel avec l’État membre d’accueil.

89.      À cet égard, les éléments ressortant du contexte familial (comme la scolarité des enfants ou des liens étroits, notamment de nature personnelle, créés par le demandeur avec l’État membre d’accueil) (41) ou encore la recherche d’un emploi, de manière effective et réelle, pendant une période d’une durée raisonnable, sont des éléments susceptibles de prouver l’existence dudit lien avec l’État membre d’accueil (42). L’exercice d’un travail dans le passé, voire le fait d’avoir trouvé un nouveau travail postérieurement à l’introduction de la demande d’octroi de prestations sociales, devrait également être pris en considération à cette fin (43).

90.      Il n’appartient cependant pas à la Cour de constater l’existence d’un tel lien dans le cadre d’une demande de décision préjudicielle mais aux autorités compétentes nationales, dont les juridictions nationales font partie.

VI – Conclusion

91.      Au vu des considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre aux questions préjudicielles posées par le Landessozialgericht Nordrhein-Westfalen de la manière suivante:

1)      L’article 24, paragraphe 2, de la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, modifiant le règlement (CEE) no 1612/68 et abrogeant les directives 64/221/CEE, 68/360/CEE, 72/194/CEE, 73/148/CEE, 75/34/CEE, 75/35/CEE, 90/364/CEE, 90/365/CEE et 93/96/CEE, doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à la réglementation d’un État membre qui exclut du bénéfice de certaines «prestations spéciales en espèces à caractère non contributif» au sens de l’article 70, paragraphe 2, du règlement (CE) no 883/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, tel que modifié par le règlement (UE) no 1244/2010 de la Commission, du 9 décembre 2010, et qui sont également constitutives d’une «prestation d’assistance sociale» au sens de la directive 2004/38, les ressortissants d’autres États membres pendant les trois premiers mois de leur séjour sur le territoire de l’État membre d’accueil.

2)      L’article 45, paragraphe 2, TFUE, s’oppose à la réglementation d’un État membre qui exclut du bénéfice de certaines «prestations spéciales en espèces à caractère non contributif» au sens de l’article 70, paragraphe 2, du règlement no 883/2004, tel que modifié par le règlement no 1244/2010, et qui facilitent l’accès au marché du travail, les ressortissants d’autres États membres pendant les trois premiers mois de leur séjour sur le territoire de l’État membre d’accueil sans leur donner la possibilité de prouver l’existence d’un lien réel avec le marché du travail de l’État membre d’accueil.



1 –      Langue originale: le français.


2 – JO L 166, p. 1, et rectificatif JO 2004, L 200, p. 1.


3 – JO L 338, p. 35.


4 –      JO L 158, p. 77, ainsi que rectificatifs JO 2004, L 229, p. 35, et JO 2005, L 197, p. 34.


5 – Point 55 ainsi que point 1 du dispositif.


6 – Arrêt Brey (C‑140/12, EU:C:2013:565, point 58).


7 – Arrêt Vatsouras et Koupatantze (C‑22/08 et C‑23/08, EU:C:2009:344, point 45).


8 –      C‑333/13, EU:C:2014:341.


9 –      C‑67/14, EU:C:2015:210, pendante devant la Cour.


10 –      Voir points 65 à 72 de mes conclusions dans l’affaire Dano (C‑333/13, EU:C:2014:341) et points 54 à 58 de mes conclusions dans l’affaire Alimanovic (C‑67/14, EU:C:2015:210), pendante devant la Cour.


11 –      C’est moi qui souligne.


12 – C‑22/08 et C‑23/08, EU:C:2009:344.


13 –      Ibidem (point 45).


14 – Arrêt Dano (C‑333/13, EU:C:2014:2358, point 64). C’est moi qui souligne.


15 –      Point 70.


16 –      Voir arrêts Vatsouras et Koupatantze (C‑22/08 et C‑23/08, EU:C:2009:344, points 34 et 35) ainsi que Brey (C‑140/12, EU:C:2013:565, point 56).


17 – Arrêt Vatsouras et Koupatantze (C‑22/08 et C‑23/08, EU:C:2009:344, point 46). Il est vrai que ce constat de validité a été réalisé au regard des articles 12 CE et 39, paragraphe 2, CE (actuels articles 18 TFUE et 45, paragraphe 2, TFUE). Toutefois, puisque «[t]out citoyen de l’Union peut [...] se prévaloir de l’interdiction de discrimination en raison de la nationalité figurant à l’article 18 TFUE dans toutes les situations relevant du domaine d’application ratione materiae du droit de l’Union» [voir arrêt Dano, C‑333/13, EU:C:2014:2358, point 59 (c’est moi qui souligne)], il nous semble que le constat de validité de l’article 24, paragraphe 2, de la directive 2004/38 opéré par la Cour ne saurait être limité à la seule situation du «travailleur», au sens de l’article 45 TFUE.


18 – Arrêt Dano (C‑333/13, EU:C:2014:2358, point 77).


19 – Point 57.


20 –      Arrêt Dano (C‑333/13, EU:C:2014:2358, point 58).


21 – Ibidem (point 59).


22 –      Arrêt Dano (C‑333/13, EU:C:2014:2358, point 60).


23 – Ibidem (point 61). C’est moi qui souligne.


24 – Arrêt N. (C‑46/12, EU:C:2013:97, point 33).


25 – Voir, en ce sens, arrêt Brey (C‑140/12, EU:C:2013:565, point 57).


26 –      Point 70.


27 –      Voir considérant 10 de cette directive.


28 – JO L 257, p. 2.


29 – JO L 141, p. 1.


30 – Arrêt Collins (C‑138/02, EU:C:2004:172, points 31 et 58 ainsi que jurisprudence citée).


31 – Points 67 à 79.


32 – Arrêt Collins (C‑138/02, EU:C:2004:172, points 30 et 31).


33 –      Selon Herwig Verschueren, «[c]ette approche équilibrée semble également réfléchie par la législation de l’[Union européenne] dans la directive 2004/38. Cette directive prévoit en effet en son article 24, [paragraphe] 2, une dérogation au principe d’égalité de traitement en matière d’aide sociale pendant les trois premiers mois de séjour [...]» (Verschueren, H., «La libre circulation des personnes à l’intérieur de l’UE et les allocations sociales minimales des États membres: en quête d’équilibre», Revue belge de sécurité sociale, 1er trimestre 2013, p. 127 à 133, spécialement p. 127; voir, également, p. 117). Marc Morsa confirme également que, «[s]i le droit de séjour est accordé pour au maximum trois mois à tous les citoyens de l’Union sans aucune autre condition ou exigence que la possession d’une carte d’identité ou d’un passeport valables (article 6, premier alinéa [de la directive 2004/38]), l’article 24, paragraphe 2, de la directive 2004/38 permet néanmoins à l’État membre d’accueil de ne pas accorder le droit aux prestations d’assistance sociale pendant les trois premiers mois du séjour aux personnes économiquement inactives, et ce afin que ceux-ci ne deviennent pas une charge déraisonnable pour le système d’assistance sociale de cet État membre» (Morsa, M., «Les migrations internes à l’Union européenne sont-elles motivées par un accès à des prestations sociales? Citoyenneté européenne, liberté de circulation et de séjour des inactifs et droits sociaux, la relation entre la coordination européenne et la directive 2004/38», Journal des tribunaux du travail, 2014, p. 245 à 253, spécialement p. 251). Elaine Fahey insiste sur le choix des mots de l’article 24, en précisant que «[i]t will be recalled that Art. 24 of the Directive [2004/38], whilst providing for equal treatment of Union citizens to social assistance, expressly states that Member States do not have to extend the value of equal treatment to social assistance for work-seekers. This important derogation is contained in Art. 24(2) […] The language used in the derogation consists of mandatory legislative language: ‘shall’, as opposed to discretionary terminology such as ‘may’, underscoring the fact that states are not under an obligation to provide assistance» (Fahey, E., «Interpretive legitimacy and distinction between ‘social assistance’ and ‘work seekers allowance’: Comment on Cases C‑22/08 and C‑23/08 Vatsouras and Koupatantze», E. L. Rev., 2009, 34(6), p. 933 à 949, spécialement p. 939 et 940; voir, également, p. 946). Kay Hailbronner confirme lui aussi cette lecture de l’article 24 de la directive 2004/38 dénuée d’ambiguïté lorsqu’il écrit que «the article 24 unequivocally excludes job-seekers from social assistance for the first three months of residence or where appropriate for a longer period of job-seeking. No exception is made for a genuine link to the employment market» (c’est moi qui souligne, Hailbronner, K., «Union citizenship and access to social benefits», CML Rev., 2005(42), p. 1245 à 1267, spécialement p. 1263, voir, également, les développements p. 1259 et 1260).


34 – Arrêt Prete (C‑367/11, EU:C:2012:668, point 25). Voir également, en ce sens, point 49 du même arrêt; arrêts Collins (C‑138/02, EU:C:2004:172, point 63); Ioannidis (C‑258/04, EU:C:2005:559, point 22), ainsi que Vatsouras et Koupatantze (C‑22/08 et C‑23/08, EU:C:2009:344, point 37).


35 – Point 38.


36 – Voir, en ce sens, arrêts Collins (C‑138/02, EU:C:2004:172, point 70); Vatsouras et Koupatantze (C‑22/08 et C‑23/08, EU:C:2009:344, point 39), ainsi que Prete (C‑367/11, EU:C:2012:668, point 46).


37 – Arrêt Vatsouras et Koupatantze (C‑22/08 et C‑23/08, EU:C:2009:344, point 40).


38 –      Voir, en ce sens, arrêt Prete (C‑367/11, EU:C:2012:668, point 34 et jurisprudence citée).


39 –      Ibidem (point 50).


40 –      Ibidem (point 51).


41 –      Voir, en ce sens, arrêts Prete (C‑367/11, EU:C:2012:668, point 50) et Stewart (C‑503/09, EU:C:2011:500, point 100).


42 – À tout le moins avec son marché du travail. Voir, en ce sens, arrêts Collins (C‑138/02, EU:C:2004:172, point 70); Vatsouras et Koupatantze (C‑22/08 et C‑23/08, EU:C:2009:344, point 39), ainsi que Prete (C‑367/11, EU:C:2012:668, point 46).


43 –      Voir, à cet égard, conclusions de l’avocat général Ruiz-Jarabo Colomer dans les affaires Vatsouras et Koupatantze (C‑22/08 et C‑23/08, EU:C:2009:150), lequel mettait en avant le fait que les requérants au principal avaient exercé une activité économique au cours des premiers mois suivant leur entrée sur le territoire de l’État membre d’accueil. En raison de cette circonstance particulière, l’avocat général Ruiz-Jarabo Colomer estimait que les requérants pouvaient «difficilement être considérés comme des ‘personnes à la recherche d’un emploi’ ordinaires si elles ont ultérieurement perdu leur emploi» (point 63).