Language of document : ECLI:EU:C:2015:86

ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

12 février 2015 (*)

«Renvoi préjudiciel – Articles 56 TFUE et 57 TFUE – Directive 96/71/CE – Articles 3, 5 et 6 – Travailleurs d’une société ayant son siège dans un État membre A, détachés pour effectuer des travaux dans un État membre B – Salaire minimal prévu par les conventions collectives de l’État membre B – Qualité pour agir d’une organisation syndicale ayant son siège dans l’État membre B – Réglementation de l’État membre A interdisant le transfert à un tiers de créances relatives aux rémunérations»

Dans l’affaire C‑396/13,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Satakunnan käräjäoikeus (Finlande), par décision du 12 juillet 2013, parvenue à la Cour le 15 juillet 2013, dans la procédure

Sähköalojen ammattiliitto ry

contre

Elektrobudowa Spółka Akcyjna,

LA COUR (première chambre),

composée de M. S. Rodin, président de la sixième chambre, faisant fonction de président de la première chambre, MM. A. Borg Barthet, E. Levits (rapporteur), Mme M. Berger et M. F. Biltgen, juges,

avocat général: M. N. Wahl,

greffier: M. I. Illessy, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 11 juin 2014,

considérant les observations présentées:

–        pour le Sähköalojen ammattiliitto ry, par Me J. Kailiala, asianajaja, et M. J. Hellsten,

–        pour Elektrobudowa Spółka Akcyjna, par Me V.‑M. Lanne, asianajaja, et Me W. Popiołek, adwokat,

–        pour le gouvernement finlandais, par M. J. Heliskoski, en qualité d’agent,

–        pour le gouvernement belge, par Mmes M. Jacobs et L. Van den Broeck, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement danois, par Mme M. Wolff et M. C. Thorning, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement allemand, par MM. T. Henze et B. Beutler, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement autrichien, par M. G. Hesse, en qualité d’agent,

–        pour le gouvernement polonais, par MM. B. Majczyna et M. Arciszewski, ainsi que par Mmes J. Fałdyga et D. Lutostańska, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement suédois, par Mme A. Falk et M. C. Hagerman, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement norvégien, par M. P. Wennerås, en qualité d’agent,

–        pour la Commission européenne, par Mme E. Paasivirta et M. J. Enegren, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 18 septembre 2014,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 56 TFUE et 57 TFUE, des articles 12 et 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la «Charte»), du protocole (no 30) sur l’application de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne à la Pologne et au Royaume-Uni, annexé au traité FUE, des articles 3, 5, second alinéa, et 6 de la directive 96/71/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 1996, concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d’une prestation de services (JO 1997, L 18, p. 1, et rectificatifs JO 2007, L 301, p. 28, et L 310, p. 22), ainsi que de l’article 14, paragraphe 2, du règlement (CE) no 593/2008 du Parlement européen et du Conseil, du 17 juin 2008, sur la loi applicable aux obligations contractuelles (Rome I) (JO L 177, p. 6, et rectificatif JO 2009, L 309, p. 87).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant le Sähköalojen ammattiliitto ry (ci-après le «Sähköalojen ammattiliitto»), syndicat finlandais du secteur de l’électricité, à Elektrobudowa Spółka Akcyjna (ci‑après «ESA»), société établie en Pologne, au sujet de créances salariales résultant de relations d’emploi.

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

3        La directive 96/71 prévoit à son article 1er, intitulé «Champ d’application»:

«1.       La présente directive s’applique aux entreprises établies dans un État membre qui, dans le cadre d’une prestation de services transnationale, détachent des travailleurs, conformément au paragraphe 3, sur le territoire d’un État membre.

[...]

3.       La présente directive s’applique dans la mesure où les entreprises visées au paragraphe 1 prennent l’une des mesures transnationales suivantes:

[...]

b)      détacher un travailleur sur le territoire d’un État membre, dans un établissement ou dans une entreprise appartenant au groupe, pour autant qu’il existe une relation de travail entre l’entreprise d’envoi et le travailleur pendant la période de détachement

[…]»

4        Aux termes de l’article 3 de cette directive, intitulé «Conditions de travail et d’emploi»:

«1.      Les États membres veillent à ce que, quelle que soit la loi applicable à la relation de travail, les entreprises visées à l’article 1er paragraphe 1 garantissent aux travailleurs détachés sur leur territoire les conditions de travail et d’emploi concernant les matières visées ci-après qui, dans l’État membre sur le territoire duquel le travail est exécuté, sont fixées:

–        par des dispositions législatives, réglementaires ou administratives

et/ou

–        par des conventions collectives ou sentences arbitrales déclarées d’application générale au sens du paragraphe 8, dans la mesure où elles concernent les activités visées en annexe:

[...]

b)      la durée minimale des congés annuels payés;

c)      les taux de salaire minimal, y compris ceux majorés pour les heures supplémentaires [...]

[...]

Aux fins de la présente directive, la notion de taux de salaire minimal visée au second tiret point c) est définie par la législation et/ou la pratique nationale(s) de l’État membre sur le territoire duquel le travailleur est détaché.

[...]

7.      Les paragraphes 1 à 6 ne font pas obstacle à l’application de conditions d’emploi et de travail plus favorables pour les travailleurs.

Les allocations propres au détachement sont considérées comme faisant partie du salaire minimal, dans la mesure où elles ne sont pas versées à titre de remboursement des dépenses effectivement encourues à cause du détachement, telles que les dépenses de voyage, de logement ou de nourriture.

8.      On entend par conventions collectives ou sentences arbitrales, déclarées d’application générale, les conventions collectives ou les sentences arbitrales qui doivent être respectées par toutes les entreprises appartenant au secteur ou à la profession concernés et relevant du champ d’application territoriale de celles-ci.

[...]»

5        L’article 5 de ladite directive, intitulé «Mesures», prévoit:

«Les États membres prennent des mesures adéquates en cas de non-respect de la présente directive.

Ils veillent en particulier à ce que les travailleurs et/ou leurs représentants disposent de procédures adéquates aux fins de l’exécution des obligations prévues par la présente directive.»

6        L’article 6 de la même directive, intitulé «Compétence judiciaire», est libellé comme suit:

«Pour faire valoir le droit aux conditions de travail et d’emploi garanties à l’article 3, une action en justice peut être intentée dans l’État membre sur le territoire duquel le travailleur est ou était détaché, sans préjudice, le cas échéant, de la faculté d’intenter, conformément aux conventions internationales existantes en matière de compétence judiciaire une action en justice dans un autre État.»

7        L’annexe de la directive 96/71 dresse la liste des activités visées à l’article 3, paragraphe 1, second tiret, de cette dernière. Celles-ci englobent toutes les activités exercées dans le domaine de la construction et visant la réalisation, la remise en état, l’entretien, la modification ou l’élimination de constructions, telles que spécifiées à cette annexe.

 Le droit finlandais

8        L’article 7 du chapitre 2 de la loi sur le contrat de travail [Työsopimuslaki (55/2001)] dispose:

«Dans une convention collective de portée nationale réputée représentative pour la branche en question (convention collective d’application générale), l’employeur doit respecter au moins les dispositions relatives aux conditions de travail et d’emploi applicables aux tâches exécutées par le travailleur ou à celles qui leur sont le plus comparables.

Une clause d’un contrat de travail qui est contraire à la stipulation correspondante figurant dans la convention collective d’application générale est invalide et donne lieu à l’application, en ses lieu et place, de la disposition contenue dans la convention collective d’application générale.

[…]»

9        L’article 2, quatrième alinéa, de la loi sur les travailleurs détachés [Laki lähetetyistä työntekijöistä (1146/1999)] prévoit:

«Un travailleur détaché doit percevoir le salaire minimal, c’est-à-dire une rémunération déterminée sur la base d’une convention collective au sens de l’article 7 du chapitre 2 de la loi finlandaise sur le contrat de travail [...]»

10      Les conventions collectives de travail pertinentes, au sens de l’article 7 du chapitre 2 de la loi sur le contrat de travail, sont celles de la branche de l’électrification et de la branche des installations électriques, au sein de la branche des installations techniques du bâtiment, et elles concernent des activités visées à l’annexe de la directive 96/71. Ces conventions collectives sont d’application générale, au sens de l’article 3, paragraphe 8, de la directive 96/71. Elles contiennent des dispositions prévoyant la répartition des travailleurs dans des classes de rémunération, l’octroi à ces derniers d’un pécule de vacances, le paiement d’une indemnité journalière et d’une indemnité de trajet ainsi que des dispositions relatives aux coûts d’hébergement.

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

11      ESA, société établie en Pologne, exerce son activité dans le domaine de l’électricité. Elle dispose d’une succursale en Finlande.

12      Afin d’exécuter des travaux d’électrification sur le chantier de la centrale nucléaire d’Olkiluoto, dans la commune d’Eurajoki (Finlande), ESA a conclu, en Pologne et en application du droit polonais, des contrats de travail avec 186 travailleurs. Ces derniers ont été détachés auprès de la succursale finlandaise de cette société. Ils ont été affectés sur le chantier d’Olkiluoto et ont été logés dans des appartements situés à Eurajoki, à environ 15 kilomètres de ce chantier. Les parties au principal sont en désaccord en ce qui concerne le temps consacré aux trajets quotidiens qu’effectuent lesdits travailleurs pour aller du lieu de leur hébergement audit chantier et en revenir.

13      Soutenant qu’ESA ne leur a pas accordé la rémunération minimale qui leur était due en vertu des conventions collectives finlandaises de la branche de l’électrification et de la branche des installations techniques du bâtiment, applicables en vertu du droit de l’Union, les travailleurs concernés ont cédé individuellement leurs créances au Sähköalojen ammattiliitto afin qu’il en assure le recouvrement.

14      Devant la juridiction de renvoi, le Sähköalojen ammattiliitto soutient que lesdites conventions collectives prévoient un calcul de la rémunération minimale des travailleurs fondé sur des critères plus favorables aux travailleurs que ceux appliqués par ESA. Ces critères portent notamment sur la manière de classer les travailleurs par groupes de rémunération, de considérer une rémunération comme étant horaire ou à la tâche, d’accorder aux travailleurs un pécule de vacances, une indemnité journalière, une indemnité de trajet ainsi que la prise en charge de leur hébergement.

15      Ainsi, par deux recours introduits respectivement les 8 août 2011 et 3 janvier 2012, le Sähköalojen ammattiliitto a demandé la condamnation d’ESA à lui verser une somme totale de 6 648 383,15 euros, assortie des intérêts, correspondant aux créances qui lui ont été cédées.

16      ESA a conclu au rejet de ces recours. Elle fait valoir, notamment, que le Sähköalojen ammattiliitto ne dispose pas de la qualité pour agir au nom des travailleurs détachés, au motif que le droit polonais interdit la cession de créances découlant d’une relation d’emploi.

17      À la demande du Sähköalojen ammattiliitto, la juridiction de renvoi a ordonné la saisie, sur les actifs d’ESA, d’une somme permettant que la créance de ce syndicat soit garantie jusqu’à concurrence d’un montant de 2 900 000 euros. La décision ordonnant cette mesure conservatoire étant devenue définitive, ESA a remis à l’autorité compétente une caution bancaire de ce montant, valable jusqu’au 30 septembre 2015.

18      Éprouvant des doutes quant à l’interprétation du droit de l’Union et, notamment, de l’article 3 de la directive 96/71, lu à la lumière des articles 56 TFUE et 57 TFUE, le Satakunnan käräjäoikeus (tribunal de première instance de Satakunta) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)      Un syndicat agissant dans l’intérêt des travailleurs peut-il directement opposer l’article 47 de la Charte comme source directe de droits à un prestataire de services d’un autre État membre dans une situation où la disposition à laquelle il est reproché d’être contraire à l’article 47 (à savoir l’article 84 du code du travail polonais) est une disposition purement nationale?

2)      Dans une procédure juridictionnelle concernant des créances échues dans l’État d’exécution du travail au sens de la directive 96/71, découle-t-il du droit de l’Union – en particulier du principe de protection juridictionnelle effective consacré à l’article 47 de la Charte ainsi qu’à l’article 5, second alinéa, et à l’article 6 de ladite directive, lu en combinaison avec la liberté d’association syndicale garantie à l’article 12 de la Charte – qu’une juridiction nationale doit écarter l’application d’une disposition du droit du travail de l’État d’origine des travailleurs qui s’oppose à la cession d’une créance salariale à un syndicat de l’État d’exécution du travail pour que ce syndicat en assure le recouvrement, lorsque la disposition correspondante de l’État d’exécution du travail permet de céder la créance salariale échue pour en faire assurer le recouvrement, et donc le statut de personne ayant qualité pour agir, à un syndicat dont tous les travailleurs ayant procédé à la cession de créances en vue du recouvrement sont membres?

3)      Les clauses du protocole (no 30) annexé au traité FUE doivent-elles être interprétées en ce sens que même les juridictions nationales établies ailleurs qu’en Pologne ou au Royaume-Uni doivent en tenir compte lorsque le litige en cause présente des points de rattachement notables avec la Pologne et en particulier lorsque la loi applicable aux contrats de travail est la loi polonaise? Autrement dit, ce protocole fait-il obstacle à ce qu’une juridiction finlandaise déclare que les lois, règles ou dispositions, pratiques ou mesures administratives de la Pologne sont contraires aux principes, libertés et droits fondamentaux proclamés par la Charte?

4)      Compte tenu de l’article 47 de la Charte, l’article 14, paragraphe 2, du règlement no 593/2008 doit-il être interprété en ce sens qu’il interdit l’application d’une législation d’un État membre interdisant de céder des créances et des droits découlant d’une relation d’emploi?

5)      L’article 14, paragraphe 2, du règlement no 593/2008 doit-il être interprété en ce sens que la loi applicable à la cession des créances découlant du contrat de travail est la loi applicable au contrat de travail en cause en vertu du règlement no 593/2008, indépendamment du point de savoir si les dispositions d’une autre loi ont également une incidence sur le contenu du droit individuel invoqué?

6)      Lu à la lumière des articles 56 TFUE et 57 TFUE, l’article 3 de la directive 96/71 doit-il être interprété en ce sens que la notion de taux de salaire minimal couvre le salaire horaire de base conformément au classement en groupes de salaire, le salaire garanti pour le travail à la tâche, le pécule de vacances, l’indemnité journalière fixe et l’indemnité de trajet quotidien, ainsi que ces conditions de travail sont définies dans une convention collective d’application générale relevant de l’annexe de cette directive?

a)      Les articles 56 TFUE et 57 TFUE et/ou l’article 3 de la directive 96/71 doivent-ils être interprétés en ce sens qu’ils font obstacle à ce que, dans la législation nationale (convention collective d’application générale) de ce qu’il est convenu d’appeler l’ʻÉtat d’accueilʼ, les États membres imposent à des prestataires de services d’autres États membres une obligation de verser une indemnité de trajet et une indemnité journalière aux travailleurs détachés sur leur territoire, compte tenu du fait que, selon la législation nationale en cause, tout travailleur détaché est considéré comme travaillant en régime de déplacement professionnel pendant toute la durée du détachement, ce qui lui ouvre droit à la fois aux indemnités de trajet et aux indemnités journalières?

b)      Les articles 56 TFUE et 57 TFUE et/ou l’article 3 de la directive 96/71 doivent-ils être interprétés comme ne permettant pas à une juridiction nationale de refuser de reconnaître la répartition des travailleurs en classes de rémunération conçue et appliquée par une société d’un autre État membre dans son État d’origine, si une telle répartition a été faite?

c)      Les articles 56 TFUE et 57 du TFUE et/ou l’article 3 de la directive 96/71 doivent-ils être interprétés en ce sens qu’ils permettent à un employeur venant d’un autre État membre de fixer valablement, et de façon contraignante pour le juge de l’État d’exécution du travail, le classement des travailleurs en groupes salariaux dans une situation où une convention collective d’application générale dans le pays d’exécution du travail a exigé la mise en place d’un classement en groupes salariaux différent du point de vue du résultat final ou l’État membre d’accueil dans lequel les travailleurs du prestataire de services de l’autre État membre ont été détachés peut-il imposer au prestataire de services de respecter les dispositions relatives aux critères de classement des travailleurs en catégories salariales?

d)      Faut-il, dans le cadre de l’interprétation de l’article 3 de la directive 96/71, lu à la lumière des articles 56 TFUE et 57 TFUE, considérer la prise en charge de l’hébergement imposée à l’employeur par les dispositions de la convention collective visée dans la sixième question et les bons d’alimentation distribués au titre du contrat de travail conclu par le prestataire de services venant d’un autre État membre comme des compensations de dépenses encourues à cause du détachement ou comme ressortissant à la notion de taux de salaire minimal au sens de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 96/71?

e)      Les dispositions combinées de l’article 3 de la directive 96/71 et des articles 56 TFUE et 57 TFUE peuvent-elles être interprétées en ce sens qu’une convention collective d’application générale de l’État d’exécution du travail doit être considérée comme justifiée par des exigences d’ordre public dans le cadre de l’interprétation de la question de la rémunération du travail à la tâche, de l’indemnité de trajet et des indemnités journalières?»

 Sur les questions préjudicielles

 Sur les première à cinquième questions

19      Par ses première à cinquième questions, qu’il y a lieu d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi s’interroge en substance sur le point de savoir si, dans des circonstances telles que celles de l’affaire au principal, la directive 96/71, lue à la lumière de l’article 47 de la Charte, s’oppose à ce qu’une réglementation de l’État membre du siège de l’entreprise qui a détaché des travailleurs sur le territoire d’un autre État membre, en vertu de laquelle la cession de créances issues des relations d’emploi est prohibée, puisse faire obstacle à ce qu’un syndicat, tel que le Sähköalojen ammattiliitto, introduise un recours, devant une juridiction du second de ces États membres, dans lequel le travail est exécuté, aux fins de recouvrer des créances salariales de ces travailleurs détachés qui lui ont été cédées.

20      À cet égard, il y a lieu de constater qu’il ressort non seulement des informations fournies à la Cour par la juridiction de renvoi, mais également des réponses apportées aux questions posées lors de l’audience devant la Cour que la qualité pour agir, devant la juridiction de renvoi, du Sähköalojen ammattiliitto est régie par le droit procédural finlandais, applicable selon le principe de la lex fori. Il est, par ailleurs, constant que, selon ledit droit finlandais, la partie requérante dispose de la qualité pour agir au nom des travailleurs détachés.

21      Ainsi, la réglementation figurant dans le code du travail polonais, invoquée par ESA, est dénuée de pertinence au regard de la qualité pour agir, devant la juridiction de renvoi, du Sähköalojen ammattiliitto et ne fait pas obstacle au droit de ce dernier d’introduire un recours devant le Satakunnan käräjäoikeus.

22      Par ailleurs, il importe de relever que l’objet du litige au principal a trait à la détermination de la portée de la notion de «taux de salaire minimal», au sens de la directive 96/71, auquel peuvent prétendre les travailleurs polonais détachés en Finlande.

23      Or, il résulte sans ambiguïté de l’article 3, paragraphe 1, second alinéa, de ladite directive que les questions portant sur le taux de salaire minimal au sens de celle‑ci sont régies, quelle que soit la loi applicable à la relation de travail, par la réglementation de l’État membre sur le territoire duquel les travailleurs sont détachés aux fins d’exécuter leur travail, à savoir en l’espèce la République de Finlande.

24      En outre, il ressort notamment du libellé de la deuxième question posée par la juridiction de renvoi que la cession des créances salariales dont a bénéficié le Sähköalojen ammattiliitto en vue de leur recouvrement au profit des travailleurs détachés est conforme au droit finlandais et que, par ailleurs, l’entreprise polonaise qui a engagé ces travailleurs dispose, en Finlande, d’une succursale auprès de laquelle ces derniers ont été détachés.

25      Dans ces conditions, contrairement à ce qu’a fait valoir ESA devant la juridiction de renvoi, il n’existe en l’occurrence aucun motif susceptible de remettre en cause l’action que le Sähköalojen ammattiliitto a engagée devant le Satakunnan käräjäoikeus.

26      Il convient donc de répondre aux première à cinquième questions que, dans des circonstances telles que celles de l’affaire au principal, la directive 96/71, lue à la lumière de l’article 47 de la Charte, s’oppose à ce qu’une réglementation de l’État membre du siège de l’entreprise qui a détaché des travailleurs sur le territoire d’un autre État membre, en vertu de laquelle la cession de créances issues des relations d’emploi est prohibée, puisse faire obstacle à ce qu’un syndicat, tel que le Sähköalojen ammattiliitto, introduise un recours devant une juridiction du second de ces États membres, dans lequel le travail est exécuté, aux fins de recouvrer, au profit des travailleurs détachés, des créances salariales qui ont trait au salaire minimal, au sens de la directive 96/71, et qui lui ont été cédées, cette cession étant conforme au droit en vigueur dans ce dernier État membre.

 Sur la sixième question

27      Par sa sixième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 3 de la directive 96/71, lu à la lumière des articles 56 TFUE et 57 TFUE, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce que soient exclus du salaire minimal des éléments de rémunération, tels que ceux en cause au principal, qui résultent de la notion de salaire horaire de base ou de salaire garanti pour le travail à la tâche, conformément à un classement en groupes de rémunération, de l’octroi d’un pécule de vacances, d’indemnités journalières et de trajet quotidien, ainsi que d’une indemnisation des dépenses de logement, lesquels sont définis par une convention collective relevant de l’annexe de cette directive, d’application générale dans l’État membre de détachement des travailleurs concernés, ou, en ce qui concerne l’octroi de bons d’alimentation, sont prévus par la relation de travail entre les travailleurs détachés et leur employeur dans l’État membre d’origine.

28      Il y a lieu de rappeler, à cet égard, que le législateur de l’Union européenne a adopté la directive 96/71 en vue, ainsi qu’il ressort du considérant 6 de celle‑ci, de prévoir, dans l’intérêt des employeurs et de leurs personnels, les conditions de travail et d’emploi applicables à la relation de travail lorsqu’une entreprise établie dans un État membre donné détache des travailleurs sur le territoire d’un autre État membre, à titre temporaire, dans le cadre d’une prestation de services (arrêts Laval un Partneri, C‑341/05, EU:C:2007:809, point 58, et Isbir, C‑522/12, EU:C:2013:711, point 33).

29      Ainsi, afin d’assurer le respect d’un noyau de règles impératives de protection minimale, l’article 3, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive 96/71 prévoit que les États membres veillent à ce que, quelle que soit la loi applicable à la relation de travail, dans le cadre d’une prestation de services transnationale, les entreprises garantissent aux travailleurs détachés sur le territoire de ceux-ci les conditions de travail et d’emploi concernant les matières énumérées dans cette disposition (arrêt Laval un Partneri, EU:C:2007:809, point 73).

30      Dans ce contexte, il importe de relever que l’article 3, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive 96/71 vise un double objectif. D’une part, il tend à assurer une concurrence loyale entre les entreprises nationales et les entreprises effectuant une prestation de services transnationale dans la mesure où il impose à ces dernières de reconnaître à leurs travailleurs, en ce qui concerne une liste limitée de matières, les conditions de travail et d’emploi fixées dans l’État membre d’accueil. D’autre part, cette disposition vise à assurer aux travailleurs détachés l’application des règles de protection minimale de l’État membre d’accueil en ce qui concerne les conditions de travail et d’emploi relatives auxdites matières pendant qu’ils effectuent un travail à titre temporaire sur le territoire de cet État membre (arrêt Laval un Partneri, EU:C:2007:809, points 74 et 76).

31      Toutefois, il importe de souligner que ladite directive n’a pas harmonisé le contenu matériel de ces règles impératives de protection minimale, même si elle fournit certaines informations au sujet de celui-ci.

32      Ainsi, il y a lieu de relever, d’une part, que l’article 3, paragraphe 1, second alinéa, de la directive 96/71 renvoie expressément, aux fins de celle-ci, à la législation ou à la pratique nationale de l’État membre sur le territoire duquel le travailleur est détaché pour la détermination du taux de salaire minimal visé à l’article 3, paragraphe 1, premier alinéa, de cette directive (arrêt Isbir, EU:C:2013:711, point 36).

33      D’autre part, l’article 3, paragraphe 7, second alinéa, de ladite directive précise, en ce qui concerne les allocations propres au détachement, dans quelle mesure ces éléments de rémunération sont considérés comme faisant partie du salaire minimal dans le contexte des conditions de travail et d’emploi fixées à l’article 3 de la même directive.

34      Ainsi, sous réserve des indications figurant à l’article 3, paragraphe 7, second alinéa, de la directive 96/71, le soin de définir quels sont les éléments constitutifs de la notion de salaire minimal, pour l’application de cette directive, relève du droit de l’État membre du détachement, pour autant que cette définition, telle qu’elle résulte de la législation ou des conventions collectives nationales pertinentes ou de l’interprétation qu’en donnent les juridictions nationales, n’a pas pour effet d’entraver la libre prestation des services entre les États membres (arrêt Isbir, EU:C:2013:711, point 37).

35      Dans ce contexte, il y a lieu de relever que la Cour a déjà eu l’occasion de qualifier certains éléments de rémunération comme ne faisant pas partie du salaire minimal.

36      Ainsi, selon une jurisprudence constante de la Cour, les majorations et les suppléments qui ne sont pas définis en tant qu’éléments faisant partie du salaire minimal par la législation ou par la pratique nationale de l’État membre sur le territoire duquel le travailleur est détaché et qui modifient le rapport entre la prestation du travailleur, d’une part, et la contrepartie que celui-ci perçoit, d’autre part, ne sauraient, en vertu des dispositions de la directive 96/71, être considérés comme de tels éléments (arrêts Commission/Allemagne, C‑341/02, EU:C:2005:220, point 39, et Isbir, EU:C:2013:711, point 38).

37      C’est à la lumière des considérations qui précèdent qu’il y a lieu d’examiner les différents éléments de rémunération évoqués par la juridiction de renvoi, aux fins de déterminer s’ils font partie du salaire minimal, au sens de l’article 3 de la directive 96/71.

 Le salaire garanti pour le travail horaire et/ou à la tâche, conformément au classement des travailleurs en groupes de rémunération

38      Afin de pouvoir résoudre le litige pendant devant elle, la juridiction de renvoi demande à la Cour si l’article 3, paragraphe 1, de la directive 96/71, lu à la lumière des articles 56 TFUE et 57 TFUE, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à un calcul du salaire minimal à l’heure et/ou à la tâche fondé sur le classement des travailleurs en groupes de rémunération, tel qu’il est prévu par les conventions collectives pertinentes de l’État membre d’accueil.

39      À cet égard, il y a lieu de relever qu’il ressort de manière explicite du libellé de l’article 3, paragraphe 1, second alinéa, de la directive 96/71 que le taux de salaire minimal est défini par la législation et/ou la pratique nationales de l’État membre sur le territoire duquel le travailleur est détaché. Ce libellé implique que le mode de calcul dudit taux et les critères retenus en ce qui le concerne soient également du ressort de l’État membre d’accueil.

40      Il découle de ce qui précède que, premièrement, les règles en vigueur dans l’État membre d’accueil peuvent déterminer si le calcul du salaire minimal doit être effectué à l’heure ou à la tâche. Néanmoins, pour être opposables à l’employeur détachant ses travailleurs dans cet État membre, ces règles doivent être contraignantes et répondre aux conditions de transparence, ce qui implique, notamment, qu’elles soient accessibles et claires.

41      Ainsi, en application de ces critères, le salaire minimal calculé par référence aux conventions collectives pertinentes ne saurait dépendre du libre choix de l’employeur détachant des salariés, à la seule fin de proposer un coût du travail moins élevé que celui des travailleurs locaux.

42      Dans l’affaire au principal, il appartient au juge national de vérifier le caractère contraignant et transparent des règles de calcul du salaire minimal appliquées en vertu des conventions collectives pertinentes.

43      Il résulte de ce qui précède que, deuxièmement, les règles de classement des travailleurs en groupes de rémunération, appliquées dans l’État membre d’accueil sur la base de différents critères, tels que, notamment, la qualification, la formation, l’expérience des travailleurs et/ou la nature du travail effectué par ceux-ci, s’appliquent en lieu et place des règles applicables aux travailleurs détachés dans l’État membre d’origine. Ce n’est que dans le cadre d’une comparaison entre les conditions d’emploi et de travail, visées à l’article 3, paragraphe 7, premier alinéa, de la directive 96/71, appliquées dans l’État membre d’origine et celles en vigueur dans l’État membre d’accueil que le classement effectué par l’État membre d’origine doit être pris en considération, lorsqu’il est plus favorable pour le travailleur.

44      Néanmoins, pour être opposables à l’employeur détachant des travailleurs, les règles de classement de ces derniers en groupes de rémunération, appliquées dans l’État membre d’accueil, doivent également être de nature contraignante et répondre aux conditions de transparence, ce qui signifie notamment, qu’elles doivent être accessibles et claires. Il appartient au juge national de vérifier si ces conditions sont remplies dans l’affaire au principal.

45      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de conclure que l’article 3, paragraphe 1, de la directive 96/71, lu à la lumière des articles 56 TFUE et 57 TFUE, doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à un calcul du salaire minimal à l’heure et/ou à la tâche, fondé sur le classement des travailleurs en groupes de rémunération, tel qu’il est prévu par les conventions collectives pertinentes de l’État membre d’accueil, à condition que ce calcul et ce classement soient effectués selon des règles contraignantes et transparentes, ce qu’il incombe au juge national de vérifier.

 L’indemnité journalière

46      S’agissant de la question de savoir si une indemnité journalière, telle que celle en cause au principal, fait partie du salaire minimal, au sens de l’article 3 de la directive 96/71, il convient de relever qu’il ressort du dossier dont dispose la Cour que les conventions collectives du travail pertinentes en Finlande prévoient l’octroi d’une indemnité journalière aux travailleurs détachés. Conformément à ces conventions, ladite indemnité prend la forme d’un paiement journalier d’une somme fixe, dont le montant, durant la période concernée, était compris entre 34 euros et 36 euros.

47      Il apparaît, au vu du dossier, que cette indemnité n’est pas versée aux travailleurs à titre de remboursement de dépenses effectivement encourues à cause du détachement, au sens de l’article 3, paragraphe 7, second alinéa, de la directive 96/71.

48      En effet, ladite indemnité est destinée à assurer la protection sociale des travailleurs concernés, en compensant les inconvénients dus au détachement, consistant dans l’éloignement des intéressés de leur environnement habituel.

49      Il s’ensuit qu’une telle indemnité doit être qualifiée d’«allocation propre au détachement», au sens de l’article 3, paragraphe 7, second alinéa, de la directive 96/71.

50      Or, conformément à ladite disposition, cette allocation fait partie du salaire minimal.

51      Dans ces conditions, ladite indemnité journalière doit être versée à des travailleurs détachés, tels que ceux en cause au principal, dans la même mesure où les travailleurs locaux bénéficient de celle-ci à l’occasion d’un détachement sur le territoire finlandais.

52      Au vu de ce qui précède, il y a lieu de conclure qu’une indemnité journalière, telle que celle en cause au principal, doit être considérée comme faisant partie du salaire minimal, dans des conditions identiques à celles auxquelles est soumise l’inclusion de cette indemnité dans le salaire minimal versé aux travailleurs locaux à l’occasion d’un détachement de ceux-ci à l’intérieur de l’État membre concerné.

 L’indemnité de trajet quotidien

53      Il y a lieu de relever à titre liminaire que, en tant qu’elle porte sur l’indemnité de trajet quotidien, la question posée vise non pas la compensation des coûts des déplacements effectués par les travailleurs concernés pour se rendre sur leur lieu de travail et en revenir, mais uniquement le point de savoir si l’article 3 de la directive 96/71 doit être interprété en ce sens qu’une compensation du temps de trajet quotidien doit être considérée comme constituant un élément du salaire minimal de ces travailleurs.

54      Selon les dispositions pertinentes des conventions collectives finlandaises, une indemnité de trajet est versée aux travailleurs si le trajet aller et retour quotidien effectué par ceux-ci est d’une durée excédant une heure.

55      Il convient de préciser, à cet égard, que, aux fins du calcul de cette durée, il importe de déterminer le temps effectivement mis, dans les circonstances propres au cas d’espèce, par les travailleurs détachés concernés pour effectuer le trajet entre le lieu où ils sont logés, en Finlande, et celui de leur travail, sur le chantier situé dans cet État membre. Il incombe à la juridiction de renvoi de décider, au regard des faits en cause au principal, si la condition de durée, prévue par la réglementation applicable en Finlande pour le versement de l’indemnité de trajet, est remplie par les travailleurs concernés.

56      Dans cette perspective, il y a lieu de considérer que, dès lors qu’une telle indemnité de trajet n’est pas versée à titre de remboursement de dépenses effectivement encourues par le travailleur à cause du détachement, elle doit, conformément à l’article 3, paragraphe 7, second alinéa, de la directive 96/71, être considérée comme constituant une allocation propre au détachement et, ainsi, faire partie du salaire minimal.

57      Il convient donc de considérer qu’une indemnité de trajet, telle que celle en cause au principal, qui est versée aux travailleurs à condition que le trajet quotidien qu’ils effectuent pour se rendre sur leur lieu de travail et en revenir soit d’une durée supérieure à une heure, doit être considérée comme faisant partie du salaire minimal des travailleurs détachés pour autant que cette condition est remplie, ce qu’il incombe à la juridiction nationale de vérifier.

 La prise en charge du logement

58      S’agissant de la question de savoir si l’article 3 de la directive 96/71, lu à la lumière des articles 56 TFUE et 57 TFUE, doit être interprété en ce sens que la prise en charge du logement des travailleurs concernés doit être considérée comme constituant un élément du salaire minimal de ceux-ci, il y a lieu de constater que, selon le libellé de l’article 3, paragraphe 7, de cette directive, tel ne saurait être le cas.

59      En effet, même si ce libellé n’exclut que le remboursement des dépenses de logement effectivement encourues à cause du détachement, et si, selon les informations dont dispose la Cour, ESA a pris en charge ces dépenses des travailleurs concernés sans que ces derniers aient dû en faire l’avance et en demander le remboursement, la modalité de la prise en charge choisie par ESA est sans pertinence sur la qualification juridique de ces dépenses.

60      De surcroît, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé au point 111 de ses conclusions, l’objectif même de l’article 3, paragraphe 7, de la directive 96/71 ne saurait permettre la prise en compte, dans le calcul du salaire minimal des travailleurs détachés, des dépenses liées au logement de ces derniers.

 Les bons d’alimentation

61      S’agissant de l’interprétation de l’article 3 de la directive 96/71, lu à la lumière des articles 56 TFUE et 57 TFUE, en ce qui concerne la notion de salaire minimal au regard de la prise en considération de bons d’alimentation remis aux travailleurs concernés par ESA, il y a lieu de relever que la remise de ces bons ne repose ni sur des dispositions législatives, réglementaires ou administratives de l’État membre d’accueil, ni sur les conventions collectives pertinentes invoquées par le Sähköalojen ammattiliitto, mais trouve son origine dans la relation de travail établie, en Pologne, entre les travailleurs détachés et ESA, leur employeur.

62      En outre, à l’instar du versement des allocations accordées en vue de compenser des dépenses de logement, ces allocations sont versées à titre de compensation du coût de la vie effectivement encouru par les travailleurs à cause de leur détachement.

63      Partant, il ressort clairement du libellé même de l’article 3, paragraphes 1 et 7, de la directive 96/71 que lesdites allocations ne doivent pas être considérées comme faisant partie du salaire minimal, au sens de l’article 3 de cette directive.

 Le pécule de vacances

64      S’agissant de l’octroi d’un pécule de vacances, il y a lieu de rappeler, à titre liminaire, que, en vertu de l’article 31, paragraphe 2, de la Charte, tout travailleur a droit à une période annuelle de congé payé.

65      Ce droit, précisé à l’article 7 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil, du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail (JO L 299, p. 9), auquel cette directive ne permet pas de déroger, permet à tout travailleur de bénéficier d’une période de congé annuel payé d’au moins quatre semaines. Le droit au congé annuel payé, qui, selon une jurisprudence constante, doit être considéré comme un principe du droit social de l’Union revêtant une importance particulière, est donc accordé à chaque travailleur, quel que soit son lieu d’affectation au sein de l’Union (voir, en ce sens, arrêts Schultz-Hoff e.a., C‑350/06 et C‑520/06, EU:C:2009:18, point 54, ainsi que Lock, C‑539/12, EU:C:2014:351, point 14).

66      En outre, il ressort clairement de la jurisprudence de la Cour que l’expression «congé annuel payé», figurant à l’article 31 de la Charte et à l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2003/88, signifie que, pour la durée du congé annuel au sens de ces dispositions, la rémunération doit être maintenue et que, en d’autres termes, le travailleur doit percevoir la rémunération ordinaire pour cette période de repos (voir arrêts Robinson-Steele e.a., C‑131/04 et C‑257/04, EU:C:2006:177, point 50, ainsi que Lock, EU:C:2014:351, point 16).

67      En effet, selon cette jurisprudence, la directive 2003/88 traite le droit au congé annuel et celui à l’obtention d’un paiement à ce titre comme constituant deux volets d’un droit unique. L’objectif de l’exigence de rémunérer ce congé est de placer le travailleur, lors dudit congé, dans une situation qui est, s’agissant du salaire, comparable aux périodes de travail (voir arrêt Lock, EU:C:2014:351, point 17 et jurisprudence citée).

68      Ainsi, comme l’a relevé M. l’avocat général au point 89 de ses conclusions, le pécule de vacances est intrinsèquement lié à la rémunération que le travailleur reçoit en contrepartie des services rendus.

69      Il s’ensuit que l’article 3 de la directive 96/71, lu à la lumière des articles 56 TFUE et 57 TFUE, doit être interprété en ce sens que le pécule de vacances minimal, qui doit être accordé au travailleur, conformément à l’article 3, paragraphe 1, second tiret, sous b), de cette directive, pour la durée minimale des congés annuels payés, correspond au salaire minimal auquel ce travailleur a droit durant la période de référence.

70      Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’il convient de répondre à la sixième question que l’article 3, paragraphes 1 et 7, de la directive 96/71, lu à la lumière des articles 56 TFUE et 57 TFUE, doit être interprété en ce sens que:

–        il ne s’oppose pas à un calcul du salaire minimal à l’heure et/ou à la tâche, fondé sur le classement des travailleurs en groupes de rémunération, tel qu’il est prévu par les conventions collectives pertinentes de l’État membre d’accueil, à condition que ce calcul et ce classement soient effectués selon des règles contraignantes et transparentes, ce qu’il incombe au juge national de vérifier;

–        une indemnité journalière, telle que celle en cause au principal, doit être considérée comme faisant partie du salaire minimal dans des conditions identiques à celles auxquelles est soumise l’inclusion de cette indemnité dans le salaire minimal versé aux travailleurs locaux à l’occasion d’un détachement de ceux-ci à l’intérieur de l’État membre concerné;

–        une indemnité de trajet quotidien, qui est versée aux travailleurs à condition que le trajet quotidien qu’ils effectuent pour se rendre sur leur lieu de travail et en revenir soit d’une durée supérieure à une heure, doit être considérée comme faisant partie du salaire minimal des travailleurs détachés pour autant que cette condition est remplie, ce qu’il incombe à la juridiction nationale de vérifier;

–        la prise en charge du logement de ces travailleurs ne doit pas être considérée comme constituant un élément du salaire minimal de ceux-ci;

–        une allocation prenant la forme de bons d’alimentation remis auxdits travailleurs ne doit pas être considérée comme faisant partie du salaire minimal de ceux-ci, et

–        le pécule de vacances qui doit être accordé aux travailleurs détachés pour la durée minimale des congés annuels payés correspond au salaire minimal auquel ceux-ci ont droit durant la période de référence.

 Sur les dépens

71      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit:

1)      Dans des circonstances telles que celles de l’affaire au principal, la directive 96/71/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 1996, concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d’une prestation de services, lue à la lumière de l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, s’oppose à ce qu’une réglementation de l’État membre du siège de l’entreprise qui a détaché des travailleurs sur le territoire d’un autre État membre, en vertu de laquelle la cession de créances issues des relations d’emploi est prohibée, puisse faire obstacle à ce qu’un syndicat, tel que le Sähköalojen ammattiliitto ry, introduise un recours devant une juridiction du second de ces États membres, dans lequel le travail est exécuté, aux fins de recouvrer, au profit des travailleurs détachés, des créances salariales qui ont trait au salaire minimal, au sens de la directive 96/71 et qui lui ont été cédées, cette cession étant conforme au droit en vigueur dans ce dernier État membre.

2)      L’article 3, paragraphes 1 et 7, de la directive 96/71, lu à la lumière des articles 56 TFUE et 57 TFUE, doit être interprété en ce sens que:

–        il ne s’oppose pas à un calcul du salaire minimal à l’heure et/ou à la tâche, fondé sur le classement des travailleurs en groupes de rémunération, tel qu’il est prévu par les conventions collectives pertinentes de l’État membre d’accueil, à condition que ce calcul et ce classement soient effectués selon des règles contraignantes et transparentes, ce qu’il incombe au juge national de vérifier;

–        une indemnité journalière, telle que celle en cause au principal, doit être considérée comme faisant partie du salaire minimal dans des conditions identiques à celles auxquelles est soumise l’inclusion de cette indemnité dans le salaire minimal versé aux travailleurs locaux à l’occasion d’un détachement de ceux-ci à l’intérieur de l’État membre concerné;

–        une indemnité de trajet quotidien, qui est versée aux travailleurs à condition que le trajet quotidien qu’ils effectuent pour se rendre sur leur lieu de travail et en revenir soit d’une durée supérieure à une heure, doit être considérée comme faisant partie du salaire minimal des travailleurs détachés pour autant que cette condition est remplie, ce qu’il incombe à la juridiction nationale de vérifier;

–        la prise en charge du logement de ces travailleurs ne doit pas être considérée comme constituant un élément du salaire minimal de ceux-ci;

–        une allocation prenant la forme de bons d’alimentation remis auxdits travailleurs ne doit pas être considérée comme faisant partie du salaire minimal de ceux-ci, et

–        le pécule de vacances qui doit être accordé aux travailleurs détachés pour la durée minimale des congés annuels payés correspond au salaire minimal auquel ceux-ci ont droit durant la période de référence.

Signature


* Langue de procédure: le finnois.