Language of document : ECLI:EU:T:2011:580

ORDONNANCE DU PRÉSIDENT DE LA TROISIÈME CHAMBRE
DU TRIBUNAL

6 octobre 2011 (*)

« Confidentialité »

Dans l’affaire T‑432/10,

Vivendi, établie à Paris (France), représentée par Mes M. Struys, O. Fréget, J.-Y. Ollier et L. Eskenazi, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. B. Mongin et N. von Lingen, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

France Télécom, établie à Paris, représentée par MS. Hautbourg, avocat,

partie intervenante,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision C (2010) 4730 de la Commission, du 2 juillet 2010, rejetant la plainte introduite par la requérante contre France Télécom pour un prétendu abus de position dominante sur le marché français du haut débit et de l’abonnement téléphonique (affaire COMP/C 1/39.653 – Vivendi & Iliad/France Télécom),

LE PRÉSIDENT DE LA TROISIÈME CHAMBRE DU TRIBUNAL

rend la présente

Ordonnance

 Procédure

1        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 17 septembre 2010, la requérante, Vivendi, a introduit un recours visant à l’annulation de la décision C (2010) 4730 de la Commission, du 2 juillet 2010, rejetant la plainte introduite par elle contre France Télécom pour un prétendu abus de position dominante sur le marché français du haut débit et de l’abonnement téléphonique (affaire COMP/C 1/39.653 – Vivendi & Iliad/France Télécom) (ci-après la « décision attaquée »).

2        Par acte déposé au greffe du Tribunal le 22 décembre 2010, France Télécom a demandé à intervenir au présent litige, au soutien des conclusions de la Commission européenne.

3        La demande d’intervention a été signifiée aux parties conformément à l’article 116, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal.

4        Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 28 janvier 2011, la requérante a demandé le traitement confidentiel de certaines données et informations contenues dans les annexes de la requête.

5        Par ordonnance du 1er mars 2011, l’intervention a été admise. Dès lors que, conformément à l’article 116, paragraphe 2, du règlement de procédure, la requérante avait demandé le traitement confidentiel de certains éléments contenus dans le dossier, cette ordonnance a provisoirement limité la communication des actes de procédure à ladite partie à une version non confidentielle, en attendant ses éventuelles observations sur la demande de traitement confidentiel.

6        Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 24 mars 2011, l’intervenante a émis des objections à l’encontre de la demande de traitement confidentiel formulée par la requérante en ce qui concerne un des éléments visés par cette demande.

 Sur la demande de traitement confidentiel

7        La requérante a présenté une demande de traitement confidentiel vis-à-vis de l’intervenante portant sur certaines informations contenues dans la requête.

8        À titre liminaire, il convient de relever, d’une part, que cette demande est, à plusieurs reprises, entachée d’erreurs matérielles, ainsi qu’il ressort de la confrontation des termes de la demande avec la version non confidentielle du dossier, telle que proposée par la requérante, et, d’autre part, que les pages des versions confidentielle et non confidentielle du dossier ne coïncident pas toujours, comme c’est le cas de la page 346 à la page 357 de la requête. Dans cette hypothèse, il y a lieu, compte tenu du caractère suffisamment manifeste de ces erreurs matérielles, de se référer non aux points tels que désignés dans la demande, mais aux points et pages du dossier, tels qu’identifiés dans la version non confidentielle de celui-ci (ordonnance du président de la huitième chambre du Tribunal du 2 mars 2010, Telefónica e.a./Commission, T‑336/07, non publiée au Recueil, point 16).

9        La demande de traitement confidentiel concerne les éléments suivants :

–        à l’annexe A.4 de la requête, les éléments occultés aux points 300, 310 et 403, les points 88, 130 à 132, 139, 187, 219, 331, 332 et 402 ; les éléments occultés dans le deuxième document figurant à l’annexe 2 (éléments occultés dans la note en bas de page n° 1 et à la page 13), à l’annexe 9 (les éléments occultés dans les tableaux 3, 4, 6 à 12, aux pages 29, 32, 38, 39, 41, 42, 43, 46 à 50 et dans les annexes) ;

–        à l’annexe A.5 de la requête, les éléments occultés dans les tableaux 1 à 3 contenus dans la réponse principale de la requérante au questionnaire de la Commission envoyé le 20 mai 2009, dans les tableaux figurant dans le mémorandum du 16 octobre 2009 d’une société d’études joint à la soumission complémentaire de Vivendi en date du 26 octobre 2009 ainsi que le document « mise à jour du tableau […] de test de squeeze de [ladite société d’études] ».

10      En premier lieu, il convient de relever qu’une demande de traitement confidentiel doit être accueillie pour autant qu’elle porte sur des éléments qui n’ont pas été contestés par une partie intervenante ou qui ne l’ont pas été de manière explicite et précise (voir ordonnance du président de la septième chambre du Tribunal du 14 octobre 2009, vwd Vereinigte Wirtschaftsdienste/Commission, T‑353/08, non publiée au Recueil, point 10, et la jurisprudence citée). Dès lors, il y a lieu d’accueillir la demande de traitement confidentiel pour autant qu’elle n’a pas été contestée par l’intervenante.

11      En l’espèce, celle-ci n’ayant contesté la demande de la requérante qu’en ce qu’elle a pour objet le traitement confidentiel du document « mise à jour du tableau […] de test de squeeze de [la société d’études] », il y a lieu d’accueillir dès ce stade la demande de traitement confidentiel en ce qu’elle vise des éléments de la requête autres que ledit document.

12      En second lieu, s’agissant de la demande de traitement confidentiel en ce qui concerne ce document, il convient de relever que l’article 116, paragraphe 2, du règlement de procédure prévoit, en sa première phrase, que l’intervenant reçoit communication de tous les actes de procédure signifiés aux parties et, en sa seconde phrase, que le président peut cependant, à la demande d’une partie, exclure de cette communication des pièces sécrètes ou confidentielles.

13      Cette disposition pose ainsi pour principe que tous les actes de procédure signifiés aux parties doivent être communiqués aux intervenants et ne permet qu’à titre dérogatoire d’exclure certaines pièces ou informations secrètes ou confidentielles de cette communication (voir ordonnance Telefónica e.a./Commission, point 8 supra, point 26, et la jurisprudence citée).

14      Les instructions au greffier du Tribunal prévoient, à l’article 6, paragraphe 2, qu’une demande de traitement confidentiel doit être présentée conformément aux dispositions des instructions pratiques aux parties (points 74 à 77).

15      Aux termes du point 75 de ces dernières instructions, une demande de traitement confidentiel doit être limitée à ce qui est strictement nécessaire et ne peut en aucun cas avoir pour objet la totalité d’un mémoire mais, seulement exceptionnellement, la totalité d’une annexe d’un mémoire. Selon ce même point, en effet, la communication d’une version non confidentielle d’une pièce, dans laquelle certains passages, mots ou chiffres sont éliminés, est normalement possible sans mettre en cause les intérêts en cause.

16      En outre, selon les termes du point 76 des instructions pratiques aux parties, une demande de traitement confidentiel doit indiquer précisément les éléments ou passages concernés et contenir une brève motivation du caractère secret ou confidentiel de chacun de ces éléments ou passages. L’absence de ces indications peut justifier le rejet de la demande par le Tribunal. Il incombe, ainsi, à la partie qui présente une demande de confidentialité de préciser les pièces ou les informations visées et d’indiquer, avec une précision suffisante, les raisons de leur caractère confidentiel (voir ordonnance Telefónica e.a./Commission, point 8 supra, point 27, et la jurisprudence citée). Dans les hypothèses où il ne ressort pas de manière suffisamment claire de l’examen des éléments visés par une telle demande qu’ils revêtent un caractère confidentiel, il sera tenu compte du caractère succinct de la motivation fournie au soutien de la demande (ordonnance du président de la cinquième chambre du Tribunal du 1er mars 2007, Viasat Broadcasting UK/Commission, T‑16/05, non publiée au Recueil, point 34, et ordonnance du président de la troisième chambre élargie du Tribunal du 11 juin 2007, Deutsche Post/Commission, T‑266/02, non publiée au Recueil, point 23).

17      Quant au raisonnement devant être suivi, il ressort de la jurisprudence qu’il y a lieu, dans un premier temps, d’examiner si chacune des pièces et informations dont la confidentialité est contestée et à propos desquelles une demande de traitement confidentiel a été présentée revêt un caractère secret ou confidentiel (voir ordonnance Telefónica e.a./Commission, point 8 supra, point 32, et la jurisprudence citée).

18      Ce n’est que lorsque cet examen conduit à conclure que certaines des pièces et informations dont la confidentialité est contestée sont secrètes ou confidentielles qu’il y a lieu, dans un second temps, de procéder à l’appréciation et à la mise en balance des intérêts en présence, pour chacune de celles-ci (voir ordonnance Telefónica e.a./Commission, point 8 supra, point 35, et la jurisprudence citée).

19      C’est au regard de ces principes qu’il convient d’examiner la demande de traitement confidentiel concernant la mise à jour des tableaux.

20      À titre liminaire, il convient de relever que le document en cause est constitué d’une série de tableaux ainsi que de pages introductives pour chacun d’eux contenant des explications sur les données et calculs y figurant. Par ailleurs, il convient d’observer que l’intervenante ne conteste pas que le document contient des éléments confidentiels et se limite à demander la production d’une version non confidentielle de celui-ci et que la requérante ne conteste pas, à son tour, que certains éléments du document ne sont pas confidentiels.

21      La question de la nature confidentielle ou non des différents éléments du document en cause n’étant donc pas litigieuse et l’intervenante ne demandant pas l’accès aux données confidentielles, mais la production d’une version non confidentielle du document, expurgée desdites données, il convient d’examiner l’argument de la requérante selon lequel le document ne peut pas être présenté sous une forme non confidentielle dès lors que, en raison de l’imbrication dans les formules de calcul entre les données calculées et les données insérées, expurger les données confidentielles serait un exercice périlleux.

22      À cet égard, il convient d’observer que, s’il peut, certes, s’avérer difficile d’occulter uniquement les informations confidentielles lorsque, comme en l’espèce, le document pour lequel la confidentialité est demandée consiste notamment en des feuilles de calcul basées sur une multitude de données dont seulement certaines sont confidentielles, il n’en reste pas moins que cette circonstance ne saurait suffire pour accorder le traitement confidentiel à l’ensemble du document. Ainsi, si cette difficulté peut être de nature à justifier que la confidentialité de l’ensemble des données chiffrées figurant dans les feuilles de calcul soit admise afin d’éviter le risque que les données confidentielles puissent être déduites d’autres chiffres, elle ne saurait justifier le traitement confidentiel d’autres informations telles que les explications accompagnant les feuilles de calcul et les titres des colonnes formant lesdites feuilles.

23      En outre, cette justification ne saurait s’appliquer aux figures des pages 437 à 441 de la requête, lesquelles, si elles contiennent certes des éléments confidentiels, peuvent être présentées sous forme non confidentielle en éliminant les indications chiffrées figurant notamment sur leurs axes.

24      Il convient, par ailleurs, d’observer que la requérante a elle-même opté pour ces solutions en ce qui concerne le tableau figurant à la page 39 du document « test de ciseau tarifaire sur la boucle locale de télécommunications » du 25 février 2009 ainsi que les figures 15 à 19 contenues dans ledit document.

25      Il en résulte que, en l’espèce, il convient de rejeter la demande de traitement confidentiel du document en cause en ce qu’elle vise les pages contenant des explications sur les feuilles de calcul, les titres des tableaux et des colonnes les composant et les éléments non chiffrés des figures des pages 437 à 441 de la requête.

26      La circonstance, invoquée par la requérante, que les informations qui peuvent être déduites de ces éléments figurent dans d’autres parties du dossier auxquelles l’intervenante a accès est sans pertinence. Cet argument ne saurait être pertinent que si l’intervenante demandait accès à des données confidentielles et que, conformément à la jurisprudence, il convenait de mettre en balance les intérêts respectifs des parties. Or, la circonstance que l’intervenante aurait prétendument accès aux mêmes informations en se référant à d’autres parties du dossier ne saurait être invoquée pour accorder le traitement confidentiel à des éléments non confidentiels d’un document.

Par ces motifs,

LE PRÉSIDENT DE LA TROISIÈME CHAMBRE DU TRIBUNAL

ordonne :

1)      Il est fait droit à la demande de traitement confidentiel, à l’égard de France Télécom, des éléments suivants :

–        à l’annexe A.4 de la requête, les éléments occultés aux points 300, 310 et 403, les points 88, 130 à 132, 139, 187, 219, 331, 332 et 402 ; les éléments occultés dans le deuxième document figurant à l’annexe 2 (éléments occultés dans la note en bas de page n° 1 et à la page 13), à l’annexe 9 (les éléments occultés dans les tableaux 3, 4, 6 à 12, aux pages 29, 32, 38, 39, 41, 42, 43, 46 à 50 et dans les annexes) ;

–        à l’annexe A.5 de la requête, les éléments occultés dans les tableaux 1 à 3 contenus dans la réponse principale de Vivendi au questionnaire de la Commission européenne envoyé le 20 mai 2009, aux tableaux figurant dans le mémorandum du 16 octobre 2009 d’une société d’études joint à la soumission complémentaire de Vivendi en date du 26 octobre 2009 ainsi que les données chiffrées des figures et tableaux figurant dans le document « mise à jour du tableau […] de test de squeeze de [ladite société d’études] ».

2)      La demande de Vivendi de traitement confidentiel est rejetée pour le surplus.

3)      Un délai sera fixé à Vivendi pour produire une version non confidentielle des actes de procédure mentionnés au point 1 du présent dispositif.

4)      La version non confidentielle des actes de procédure mentionnés au point 1 du présent dispositif sera signifiée à France Télécom par les soins du greffier.

5)      Un délai sera fixé à France Télécom pour exposer, par écrit, des observations complémentaires sur les éléments communiqués conformément à la présente ordonnance.

6)      Les dépens sont réservés.

Fait à Luxembourg, le 6 octobre 2011.

Le greffier

 

      Le président

E. Coulon

 

      O. Czúcz


* Langue de procédure : le français.