Language of document : ECLI:EU:C:2012:341

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. YVES Bot

présentées le 12 juin 2012 (1)

Affaire C‑283/11

Sky Österreich GmbH

contre

Österreichischer Rundfunk

[demande de décision préjudicielle formée par le Bundeskommunikationssenat (Autriche)]

«Directive 2010/13/UE – Droit pour tout organisme de radiodiffusion télévisuelle de bénéficier, pour la réalisation de brefs reportages d’actualité, d’un accès à des événements présentant un grand intérêt pour le public qui font l’objet d’un droit de transmission exclusif – Limitation de la compensation financière aux frais supplémentaires occasionnés par la fourniture de cet accès – Compatibilité avec les articles 16 et 17 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Proportionnalité»





1.        Le présent renvoi préjudiciel invite la Cour à évaluer la conformité avec les droits fondamentaux, en l’occurrence la liberté d’entreprise et le droit de propriété, de l’article 15, paragraphe 6, de la directive 2010/13/UE du Parlement européen et du Conseil, du 10 mars 2010, visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à la fourniture de services de médias audiovisuels (directive «Services de médias audiovisuels») (2).

2.        L’article 15 de la directive a pour objet de reconnaître aux organismes de radiodiffusion télévisuelle le droit de réaliser de brefs reportages d’actualité sur des événements d’un grand intérêt pour le public qui font l’objet d’une transmission exclusive par un organisme de radiodiffusion télévisuelle. À cette fin, il est notamment prévu que les organismes de radiodiffusion télévisuelle puissent accéder au signal émis par l’organisme qui détient les droits exclusifs de transmission afin de choisir les courts extraits qui composeront leurs reportages.

3.        L’article 15, paragraphe 6, de la directive pose la règle selon laquelle, lorsque, dans le cadre de la mise en œuvre du droit ainsi octroyé aux organismes de radiodiffusion télévisuelle, une compensation financière est prévue, elle ne peut pas dépasser les frais supplémentaires directement occasionnés par la fourniture de l’accès aux courts extraits.

4.        La présente demande de décision préjudicielle soulève, à propos de cette dernière disposition, la question de la conciliation nécessaire des exigences liées à la protection de différents droits fondamentaux, à savoir, d’un côté, la liberté d’entreprise et le droit de propriété et, de l’autre, la liberté de recevoir des informations et le pluralisme des médias.

I –    Le cadre juridique

A –    Le droit de l’Union

5.        Le quarante-huitième considérant de la directive énonce:

«Les droits de radiodiffusion télévisuelle à des fins de divertissement afférents à des manifestations présentant un grand intérêt pour le public peuvent être acquis par les organismes de radiodiffusion télévisuelle en exclusivité. Il est cependant essentiel de promouvoir le pluralisme dans la production et la programmation des informations dans l’Union [européenne] et de respecter les principes reconnus par l’article 11 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne [(3)].»

6.        Le cinquante-cinquième considérant de la directive est ainsi rédigé:

«Afin de sauvegarder la liberté fondamentale de recevoir des informations et d’assurer de façon complète et adéquate la protection des intérêts des téléspectateurs dans l’Union, les titulaires de droits d’exclusivité en matière de radiodiffusion télévisuelle afférents à une manifestation présentant un grand intérêt pour le public devraient octroyer aux autres organismes de radiodiffusion télévisuelle le droit d’utiliser de courts extraits dans leurs programmes d’information générale dans des conditions équitables, raisonnables et non discriminatoires, prenant dûment en compte les droits exclusifs. Ces conditions devraient être communiquées suffisamment longtemps avant le déroulement de la manifestation présentant un grand intérêt pour le public, pour permettre aux autres opérateurs d’exercer ce droit. [...] Ces courts extraits pourraient être utilisés dans des émissions diffusées dans l’ensemble de l’Union par n’importe quelle chaîne, y compris les chaînes sportives, et leur durée ne devrait pas dépasser 90 secondes. [...]

La notion de programme général d’actualité ne devrait pas couvrir la compilation de courts extraits pour en faire des programmes à des fins de divertissement. [...]»

7.        Le cinquante-sixième considérant de la directive prévoit ce qui suit:

«[...] Les États membres devraient faciliter l’accès à des manifestations présentant un grand intérêt pour le public en permettant l’accès au signal de l’organisme de radiodiffusion télévisuelle au sens de la présente directive. Toutefois, ils peuvent choisir d’autres moyens équivalents au sens de la présente directive. De tels moyens comprennent notamment l’accès au lieu où se déroulent ces manifestations avant l’octroi de l’accès au signal. Les organismes de radiodiffusion télévisuelle ne devraient pas être empêchés de conclure des contrats plus détaillés.»

8.        L’article 14, paragraphe 1, de la directive dispose:

«Chaque État membre peut prendre des mesures, conformément au droit de l’Union, pour garantir que les organismes de radiodiffusion télévisuelle relevant de sa compétence ne retransmettent pas d’une manière exclusive des événements que cet État juge d’une importance majeure pour la société d’une façon qui prive une partie importante du public dudit État membre de la possibilité de suivre ces événements en direct ou en différé sur une télévision à accès libre. Dans ce contexte, l’État membre concerné établit une liste dans laquelle sont désignés les événements, nationaux ou non, qu’il juge d’une importance majeure pour la société. Il établit cette liste selon une procédure claire et transparente, en temps opportun. Ce faisant, l’État membre concerné détermine également si ces événements doivent être diffusés intégralement ou partiellement en direct ou, si nécessaire ou approprié pour des raisons objectives d’intérêt général, diffusés intégralement ou partiellement en différé.»

9.        L’article 15 de la directive est libellé comme suit:

«1.      Les États membres veillent à ce que, pour la réalisation de brefs reportages d’actualité, tout organisme de radiodiffusion télévisuelle établi dans l’Union ait accès, dans des conditions équitables, raisonnables et non discriminatoires, à des événements d’un grand intérêt pour le public qui font l’objet d’une transmission exclusive par un organisme de radiodiffusion télévisuelle relevant de leur compétence.

[…]

3.      Les États membres veillent à ce qu’un tel accès soit garanti en permettant aux organismes de radiodiffusion télévisuelle de choisir librement leurs brefs extraits à partir du signal de l’organisme de radiodiffusion télévisuelle qui assure la diffusion, moyennant au minimum l’indication de leur origine, à moins que cela ne soit impossible pour des raisons pratiques.

4.      Un État membre peut, alternativement au paragraphe 3, établir un système équivalent permettant l’accès, dans des conditions équitables, raisonnables et non discriminatoires, par d’autres moyens.

5.      Les brefs extraits sont utilisés exclusivement dans des programmes généraux d’actualité et ne peuvent être exploités dans le cadre de services de médias audiovisuels à la demande que si le même programme est offert en différé par le même fournisseur de services de médias.

6.      Sans préjudice des paragraphes 1 à 5, les États membres veillent, conformément à leurs système et pratiques juridiques, à ce que les modalités et conditions relatives à la fourniture de ces brefs extraits soient définies, notamment en ce qui concerne les modalités de compensation financière, la longueur maximale des brefs extraits et les délais quant à leur diffusion. Lorsqu’une compensation financière est prévue, elle ne dépasse pas les frais supplémentaires directement occasionnés par la fourniture de l’accès.»

B –    Le droit national

10.      Aux fins de la transposition de la directive, la loi fédérale concernant l’exercice de droits de télédiffusion exclusifs [Bundesgesetz über die Ausübung exklusiver Fernsehübertragungsrechte (Fernseh-Exklusivrechtegesetz)] (4) a été modifiée en 2010 (5). L’article 5 du FERG dispose:

«(1)      Un organisme de radiodiffusion télévisuelle qui a acquis les droits de transmission exclusive pour un événement d’intérêt informatif général doit accorder, dans des conditions équitables, raisonnables et non discriminatoires, à tout organisme de radiodiffusion télévisuelle qui en fait la demande le droit de réaliser de brefs reportages d’actualité à des fins de diffusion, à condition que cet organisme soit établi sur le territoire d’une partie contractante à l’accord sur l’Espace économique européen [(EEE)] ou à la convention européenne sur la télévision transfrontière du 5 mai 1989 […]. Un événement présente un intérêt informatif général lorsqu’il est susceptible, en raison de son importance, de faire l’objet d’une large couverture médiatique en Autriche ou sur le territoire d’une autre partie contractante mentionnée dans le présent article.

(2)      Le droit de réaliser de brefs reportages d’actualité couvre le droit d’enregistrer le signal de l’organisme de radiodiffusion télévisuelle auquel incombe l’obligation prévue au paragraphe 1 ainsi que le droit d’élaborer et diffuser ou de fournir un bref reportage d’actualité dans les conditions prévues aux paragraphes 3 à 5 ci-dessous.

(3)      Un organisme de radiodiffusion télévisuelle peut exercer le droit de réaliser de brefs reportages d’actualité sous réserve de remplir les conditions suivantes:

1.      le bref reportage d’actualité doit uniquement servir à informer le public de l’événement concerné;

2.      le bref reportage doit exclusivement être utilisé dans des programmes généraux d’actualité;

3.      l’organisme de radiodiffusion télévisuelle qui bénéficie du droit de réaliser de brefs reportages d’actualité peut librement choisir le contenu du reportage à partir du signal de l’organisme de radiodiffusion télévisuelle auquel incombe l’obligation d’accorder ce droit;

4.      la durée autorisée du bref reportage d’actualité est déterminée en fonction du temps qu’il faut pour communiquer le contenu de l’événement dans le cadre des actualités; sauf dispositions contraires, la durée du reportage ne doit pas dépasser 90 secondes;

5.      si l’événement dure plus d’une journée, un bref reportage d’actualité peut être diffusé chaque jour au cours duquel l’événement a lieu;

6.      le bref reportage d’actualité ne doit pas être programmé ni proposé avant le début de l’émission diffusée par l’organisme de radiodiffusion télévisuelle auquel incombe l’obligation prévue au paragraphe 1;

7.      l’organisme de radiodiffusion télévisuelle qui bénéficie du droit de réaliser de brefs reportages d’actualité doit clairement préciser la nature du reportage et en indiquer l’origine.

(4)      Sauf dispositions contraires, l’organisme de radiodiffusion télévisuelle auquel incombe l’obligation prévue au paragraphe 1 peut uniquement réclamer le remboursement des frais supplémentaires directement occasionnés par la fourniture de l’accès.

[…]

(6)      Lorsqu’un organisme de radiodiffusion télévisuelle le lui demande, l’organisme de radiodiffusion télévisuelle auquel incombe l’obligation prévue au paragraphe 1 doit indiquer suffisamment de temps avant le début de l’événement les conditions dans lesquelles il est prêt à accorder, par voie contractuelle, le droit de réaliser de brefs reportages d’actualité.

(7)      Un organisme de radiodiffusion télévisuelle qui réclame l’octroi du droit prévu au paragraphe 1 peut saisir l’autorité réglementaire afin de faire valoir ce droit. […]

(8)      Si, en raison de l’actualité particulière de l’événement, la procédure prévue au paragraphe 6 ne peut pas être achevée à temps, l’autorité réglementaire peut, à la demande d’un organisme de radiodiffusion télévisuelle intéressé par l’événement, décider a posteriori si le droit de réaliser de brefs reportages d’actualité aurait dû être accordé audit organisme et, le cas échéant, dans quelles conditions. Si un tel droit aurait dû être accordé, l’organisme de radiodiffusion télévisuelle auquel incombe l’obligation prévue au paragraphe 1 peut se voir réclamer des dommages-intérêts par analogie à l’article 3, paragraphes 7 à 9, de la présente loi.

[…]»

II – Le litige au principal et la question préjudicielle

11.      Le présent renvoi préjudiciel découle d’un litige entre Sky Österreich GmbH (ci-après «Sky») et l’Österreichischer Rundfunk (ci-après l’«ORF»).

12.      L’ORF est une fondation de droit public qui a pour but d’exécuter la mission de droit public qui lui a été confiée par la loi fédérale relative à la radiodiffusion autrichienne (Bundesgesetz über den Österreichischen Rundfunk) (6). L’ORF a pour mission de proposer non seulement des programmes de radiodiffusion sonore et télévisuelle, mais également des offres en ligne liées à ces programmes.

13.      Sky a été autorisée, par la Kommunikationsbehörde Austria (autorité autrichienne de régulation en matière de communication, ci-après la «KommAustria»), à diffuser le programme télévisé numérique codé «Sky Sport Austria» par satellite. Cette société a acquis, par contrat du 21 août 2009, le droit exclusif de retransmettre sur le territoire autrichien certains matchs de la Ligue Europa pour les saisons 2009/2010 à 2011/2012. Sky a indiqué qu’elle devait dépenser chaque année pour la licence et les coûts de production une somme de plusieurs millions d’euros.

14.      Le 11 septembre 2009, Sky et l’ORF ont conclu un accord visant à octroyer à l’ORF le droit de réaliser de brefs reportages d’actualité et prévoyant le paiement de 700 euros par minute pour de tels reportages.

15.      Par courrier du 4 novembre 2010, l’ORF a demandé à la KommAustria de constater que Sky était tenue de lui accorder le droit de réaliser de brefs reportages d’actualité au sujet des matchs de la Ligue Europa auxquels des équipes autrichiennes participaient depuis le 1er octobre 2010, et ce sans que l’ORF ait à lui payer une rémunération supérieure aux frais supplémentaires directement occasionnés par la fourniture de l’accès au signal.

16.      Le 22 décembre 2010, la KommAustria a décidé que Sky était tenue, en tant que titulaire des droits exclusifs, d’accorder à l’ORF le droit de réaliser de brefs reportages d’actualité sans pouvoir réclamer le remboursement des frais supplémentaires autres que ceux directement occasionnés par la fourniture de l’accès au signal. Elle a, simultanément, fixé les conditions dans lesquelles ce droit pouvait être exercé par l’ORF. Parmi celles-ci, il était indiqué que les frais supplémentaires directement occasionnés par la fourniture de l’accès au signal satellitaire étaient nuls en l’espèce.

17.      Les deux parties ont fait appel de cette décision devant le Bundeskommunikationssenat (Conseil supérieur fédéral de la communication) (Autriche).

18.      Dans le cadre de son appel, Sky fait notamment valoir que l’obligation d’accorder à titre gracieux le droit de réaliser de brefs reportages d’actualité, telle qu’elle résulte de l’article 15, paragraphe 6, de la directive et de l’article 5, paragraphe 4, du FERG, viole la Charte, la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (7) ainsi que le droit constitutionnel autrichien. Sky souligne, en particulier, que l’article 15, paragraphe 6, de la directive interdit systématiquement, c’est-à-dire sans établir de différences entre les droits exclusifs en cause, que la limitation dont les droits exclusifs font l’objet soit indemnisée. Cela entraînerait, la plupart du temps, des résultats gravement inéquitables. Or, lorsque le droit de propriété est restreint, l’article 17, paragraphe 1, de la Charte et le principe de proportionnalité imposeraient de vérifier au cas par cas si une indemnité doit être versée. Sky soutient que, en l’espèce, l’octroi du droit de réaliser de brefs reportages d’actualité restreint considérablement son droit de propriété.

19.      S’agissant de la compétence de la Cour pour répondre à la question préjudicielle, le Bundeskommunikationssenat se réfère, dans sa décision de renvoi, à l’arrêt du 18 octobre 2007, Österreichischer Rundfunk (8) et observe que, dans la présente affaire, les mêmes règles s’appliquent. Dans ces conditions, il devrait être qualifié de «juridiction» au sens de l’article 267 TFUE.

20.      Sur le fond, le Bundeskommunikationssenat estime qu’il convient essentiellement de déterminer s’il est conforme au droit primaire de l’Union que Sky soit tenue d’accorder à l’ORF le droit de réaliser de brefs reportages d’actualité sans pouvoir réclamer, à cet égard, une rémunération supérieure au remboursement des frais supplémentaires directement occasionnés par la fourniture de l’accès. Selon le Bundeskommunikationssenat, se pose la question de savoir si l’atteinte au droit fondamental protégé par l’article 17 de la Charte, que comporte une telle obligation, est conforme au principe de proportionnalité.

21.      Dans ce contexte, il fait état de décisions du Verfassungsgerichtshof (Cour constitutionnelle) (Autriche) (9) et du Bundesverfassungsgericht (Cour constitutionnelle fédérale) (Allemagne) (10) ayant examiné des réglementations nationales comparables à la réglementation de l’Union en cause dans la présente affaire en considérant que l’octroi à titre gracieux du droit de réaliser de brefs reportages d’actualité était disproportionné et violerait, de ce fait, respectivement, le droit de propriété, au sens de l’article 5 de la loi fondamentale relative aux droits généraux des citoyens (Staatsgrundgesetz über die allgemeinen Rechte der Staatsbürger) et de l’article 1er du protocole additionnel no 1 à la CEDH, ainsi que la liberté professionnelle, au sens de l’article 12 de la Loi fondamentale (Grundgesetz).

22.      Le Bundeskommunikationssenat soulève la question de savoir s’il ne serait pas nécessaire, compte tenu, notamment, du principe de proportionnalité et de cette jurisprudence, d’adopter une règle permettant de tenir compte des circonstances de l’espèce et, en particulier, de l’objet du droit exclusif en cause ainsi que de la somme versée par le titulaire pour l’acquisition de ce droit afin de calculer une compensation financière. L’article 15, paragraphe 6, de la directive s’avère, selon lui, particulièrement problématique lorsque le droit exclusif a été acquis avant l’entrée en vigueur de cette disposition, alors que la demande d’octroi du droit de réaliser de brefs reportages d’actualité a été introduite après l’entrée en vigueur de la disposition nationale transposant l’article 15 de la directive.

23.      Pour ces raisons, le Bundeskommunikationssenat a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:

«L’article 15, paragraphe 6, de la directive […] est-il conforme aux articles 16 et 17 de la Charte […] ainsi qu’à l’article 1er du protocole additionnel [no 1] à la [CEDH]?»

24.      Des observations écrites ont été déposées par Sky, l’ORF, les gouvernements allemand et polonais, le Parlement européen, le Conseil de l’Union européenne et la Commission européenne. Une audience s’est tenue le 24 avril 2012.

III – Notre analyse

25.      Le présent renvoi préjudiciel invite la Cour à évaluer la conformité de l’article 15, paragraphe 6, de la directive avec les droits fondamentaux protégés par les articles 16 et 17 de la Charte, à savoir, d’une part, la liberté d’entreprise et, d’autre part, le droit de propriété.

26.      Il s’agit, plus précisément, de déterminer si la circonstance que l’article 15, paragraphe 6, de la directive limite la compensation financière de la fourniture de courts extraits relatifs à des événements présentant un grand intérêt pour le public aux frais supplémentaires directement occasionnés par la fourniture de l’accès à ces courts extraits constitue ou non une atteinte justifiée à la liberté d’entreprise et au droit de propriété des organismes de radiodiffusion télévisuelle qui détiennent des droits exclusifs sur la transmission de tels événements.

27.      L’article 16 de la Charte prévoit que «[l]a liberté d’entreprise est reconnue conformément au droit de l’Union et aux législations et pratiques nationales». Les explications afférentes à cet article précisent que celui-ci «se fonde sur la jurisprudence de la Cour […], qui a reconnu la liberté d’exercer une activité économique ou commerciale [(11)] et la liberté contractuelle [(12)], ainsi que sur l’article 119, paragraphes 1 et 3 [TFUE], qui reconnaît la concurrence libre» (13).

28.      Quant à l’article 17 de la Charte, il prévoit, à son paragraphe 1, que «[t]oute personne a le droit de jouir de la propriété des biens qu’elle a acquis légalement, de les utiliser, d’en disposer et de les léguer. Nul ne peut être privé de sa propriété, si ce n’est pour cause d’utilité publique, dans des cas et conditions prévus par une loi et moyennant en temps utile une juste indemnité pour sa perte. L’usage des biens peut être réglementé par la loi dans la mesure nécessaire à l’intérêt général». Les explications afférentes à cet article indiquent que celui-ci correspond à l’article 1er du protocole additionnel no 1 à la CEDH. Il en résulte, conformément à ce que prévoit l’article 52, paragraphe 3, de la Charte, que le droit de propriété protégé par l’article 17 de celle-ci a le même sens et la même portée que ceux que leur confère la CEDH (14).

29.      Il ressort de la jurisprudence de la Cour que le droit de propriété fait partie, tout comme le droit d’exercer librement une activité économique, des principes généraux du droit de l’Union. Ces principes n’apparaissent toutefois pas comme des prérogatives absolues, mais doivent être pris en considération par rapport à leur fonction dans la société. Par conséquent, des restrictions peuvent être apportées à l’usage du droit de propriété, de même qu’au droit d’exercer librement une activité économique, à condition que ces restrictions répondent effectivement à des objectifs d’intérêt général poursuivis par l’Union et ne constituent pas, au regard du but poursuivi, une intervention démesurée et intolérable qui porterait atteinte à la substance même des droits ainsi garantis (15).

30.      Dans le droit fil de cette jurisprudence, l’article 52, paragraphe 1, de la Charte fixe le régime relatif aux limitations qui peuvent être apportées aux droits et aux libertés reconnus par la Charte. Il admet ainsi que des limitations peuvent être apportées à l’exercice de droits et de libertés, tels que le droit de propriété et la liberté d’entreprise consacrés respectivement aux articles 17 et 16 de la Charte, pour autant que ces limitations sont prévues par la loi, qu’elles respectent le contenu essentiel de ces droits et de ces libertés et que, dans le respect du principe de proportionnalité, elles sont nécessaires et répondent effectivement à des objectifs d’intérêt général reconnus par l’Union ou au besoin des droits et des libertés d’autrui.

31.      Nous examinerons, dans un premier temps, si les dispositions figurant à l’article 15, paragraphe 6, de la directive constituent une atteinte aux droits reconnus par les articles 16 et 17 de la Charte. En cas de réponse affirmative, il nous faudra, dans un second temps, vérifier si une telle atteinte est justifiée.

A –    Sur l’existence d’une atteinte aux droits reconnus par les articles 16 et 17 de la Charte

32.      L’article 15 de la directive a pour objet de prévoir, au bénéfice de tout organisme de radiodiffusion télévisuelle établi dans l’Union, le droit de disposer de courts extraits afin de pouvoir réaliser de brefs reportages d’actualité sur des événements qui présentent un grand intérêt pour le public.

33.      En application de cet article, et selon les modalités retenues par les États membres dans le cadre de sa transposition, les organismes de radiodiffusion télévisuelle qui détiennent des droits exclusifs de transmission sur de tels événements sont tenus de laisser les autres organismes de radiodiffusion télévisuelle choisir librement les courts extraits qui composeront leurs brefs reportages d’actualité. Concrètement, il pourra s’agir soit d’un accès au signal émis par le radiodiffuseur primaire, soit d’un accès au lieu où se déroule l’événement concerné (16).

34.      Il est clair qu’une telle sujétion dans le chef des organismes de radiodiffusion télévisuelle qui détiennent des droits exclusifs de transmission a pour effet de limiter la manière dont ceux-ci peuvent vouloir exploiter de tels droits.

35.      Sous l’angle de la liberté d’entreprise, dont fait partie la liberté contractuelle, l’article 15 de la directive a pour conséquence directe que les organismes de radiodiffusion télévisuelle qui détiennent des droits exclusifs de transmission ne peuvent plus choisir librement avec quels organismes ils décident de conclure un accord aux fins de faire bénéficier ces derniers d’un accès à de courts extraits. Autrement dit, ils ne peuvent plus accorder de licences aux opérateurs de leur choix en vue de commercialiser le droit aux extraits.

36.      Sous l’angle du droit de propriété, cet article a pour effet de limiter l’utilisation que les organismes de radiodiffusion télévisuelle qui détiennent des droits exclusifs de transmission peuvent vouloir faire de leurs biens. Si nous nous référons à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, ledit article peut être assimilé à une réglementation de l’usage de la propriété au sens de l’article 1er, second alinéa, du protocole additionnel no 1 à la CEDH. Il ressort de la jurisprudence de cette Cour que la notion de réglementation de l’usage des biens s’entend d’une mesure qui, n’emportant pas transfert de propriété, vise à «limiter ou contrôler» l’usage de la propriété (17). En obligeant les organismes de radiodiffusion télévisuelle qui détiennent des droits exclusifs de transmission à autoriser certaines utilisations de ce qui fait l’objet de ces droits, en l’occurrence l’accès à de courts extraits en vue de la réalisation de brefs reportages d’actualité, l’article 15 de la directive procède, à notre avis, à une réglementation de l’usage des biens susceptible, en tant que telle, de porter atteinte au droit de propriété de ces organismes.

37.      Concernant plus particulièrement l’article 15, paragraphe 6, de la directive, l’atteinte à la liberté d’entreprise et au droit de propriété réside dans le fait que, dans la mesure où la compensation financière du droit aux courts extraits se trouve limitée aux frais supplémentaires directement occasionnés par la fourniture de l’accès, les organismes de radiodiffusion télévisuelle qui détiennent des droits exclusifs de transmission sur un événement présentant un grand intérêt pour le public ne peuvent plus décider librement du prix auquel ils entendent céder l’accès aux courts extraits. L’encadrement des modalités de compensation financière figurant à cette disposition empêche, en particulier, ces organismes de faire participer les autres organismes de radiodiffusion télévisuelle qui souhaitent disposer de courts extraits aux coûts d’acquisition de ces droits exclusifs. Cet encadrement peut également avoir un effet négatif sur la valeur commerciale des droits exclusifs.

38.      L’atteinte à la liberté d’entreprise et au droit de propriété étant ainsi établie, il convient, à présent, d’examiner si une telle atteinte est justifiée au regard de l’article 52, paragraphe 1, de la Charte.

B –    Sur la justification de l’atteinte aux droits reconnus par les articles 16 et 17 de la Charte

39.      Nous observons, d’abord, que l’atteinte aux droits reconnus par les articles 16 et 17 de la Charte doit être regardée comme ayant été «prévue par la loi» au sens de l’article 52, paragraphe 1, de la Charte. En effet, il résulte expressément de l’article 15, paragraphe 6, de la directive que, lorsqu’une compensation financière est prévue, elle ne dépasse pas les frais supplémentaires directement occasionnés par la fourniture de l’accès aux courts extraits.

40.      Ensuite, quant au point de savoir si l’atteinte aux droits protégés répond à un objectif d’intérêt général reconnu par l’Union ou au besoin de protection des droits et des libertés d’autrui, nous observons que le droit aux courts extraits prévu à l’article 15, paragraphe 6, de la directive répond au souci affirmé par le législateur de l’Union au quarante-huitième considérant de la directive de «promouvoir le pluralisme dans la production et la programmation des informations dans l’Union et de respecter les principes reconnus par l’article 11 de la [Charte]».

41.      Par ailleurs, au cinquante-cinquième considérant de la directive, le droit pour les organismes de radiodiffusion télévisuelle d’utiliser de courts extraits dans leurs programmes d’information est lié à l’objectif consistant à «sauvegarder la liberté fondamentale de recevoir des informations et d’assurer de façon complète et adéquate la protection des intérêts des téléspectateurs dans l’Union» (18).

42.      En encadrant l’une des modalités d’exercice du droit aux courts extraits, à savoir la compensation financière due au radiodiffuseur primaire, l’article 15, paragraphe 6, de la directive s’inscrit dans la poursuite des objectifs visés aux quarante-huitième et cinquante-cinquième considérants de celle-ci, c’est-à-dire, en particulier, la liberté de recevoir des informations et le pluralisme des médias. Ces objectifs sont, eux-mêmes, étroitement liés à l’un des objectifs plus généraux de la directive, qui vise, comme le précise le onzième considérant de celle-ci, à faciliter l’émergence d’un espace unique de l’information.

43.      Il convient, à cet égard, d’indiquer que la liberté de recevoir des informations et le pluralisme des médias sont des composantes de la liberté d’expression (19). Celle-ci fait partie des principes généraux du droit de l’Union (20) et figure parmi les droits fondamentaux garantis par l’ordre juridique de l’Union (21).

44.      La liberté d’expression et d’information est consacrée à l’article 11 de la Charte. À son paragraphe 1, cet article prévoit que «[t]oute personne a droit à la liberté d’expression. Ce droit comprend la liberté d’opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques et sans considération de frontières». En outre, l’article 11, paragraphe 2, de la Charte dispose que «[l]a liberté des médias et leur pluralisme sont respectés». Les explications afférentes à l’article 11 de la Charte précisent qu’il correspond à l’article 10 de la CEDH.

45.      La raison d’être de l’atteinte aux droits reconnus par les articles 16 et 17 de la Charte étant ainsi identifiée, il nous faut, à présent, vérifier si la limitation apportée aux droits consacrés par ces deux articles est proportionnée au but légitime recherché. Ce but consistant principalement dans le besoin de protection d’un autre droit fondamental, en l’occurrence la liberté de recevoir des informations et le pluralisme des médias, le contrôle de proportionnalité auquel nous allons, à présent, nous livrer invite à une mise en balance de plusieurs droits fondamentaux. Le problème est donc de savoir s’il est possible de considérer que, en adoptant l’article 15, paragraphe 6, de la directive, le législateur de l’Union a effectué une pondération équilibrée entre, d’une part, le droit de propriété et la liberté d’entreprise et, d’autre part, la liberté de recevoir des informations et le pluralisme des médias.

46.      Dans cette perspective, notre analyse sera guidée par plusieurs considérations.

47.      Selon une jurisprudence constante, le principe de proportionnalité, qui fait partie des principes généraux du droit de l’Union, exige que les moyens mis en œuvre par un acte de l’Union soient aptes à réaliser l’objectif visé et n’aillent pas au-delà de ce qui est nécessaire pour l’atteindre (22).

48.      Il convient, par ailleurs, de préciser que, dans l’examen de la justification de restrictions à l’usage du droit de propriété, la Cour a indiqué, en se référant à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, qu’il doit exister un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé. Il y a donc lieu, selon elle, de rechercher si l’équilibre a été maintenu entre les exigences de l’intérêt général et l’intérêt des personnes qui invoquent la protection de leur droit de propriété. La Cour a souligné que, ce faisant, une grande marge d’appréciation doit être reconnue au législateur tant pour choisir les modalités de mise en œuvre que pour juger si leurs conséquences se trouvent légitimées, dans l’intérêt général, par le souci d’atteindre l’objectif de la législation en cause (23).

49.      De plus, par analogie avec ce que la Cour a jugé dans son arrêt du 12 décembre 2006, Allemagne/Parlement et Conseil (24), il y a lieu de reconnaître au législateur de l’Union un large pouvoir d’appréciation dans un domaine tel que celui de l’espèce, qui implique de sa part des choix de nature politique, économique et sociale, et dans lequel il est appelé à effectuer des appréciations complexes. Seul le caractère manifestement inapproprié d’une mesure arrêtée en ce domaine, par rapport à l’objectif que les institutions compétentes entendent poursuivre, peut affecter la légalité d’une telle mesure (25).

50.      La vérification du caractère proportionné de la restriction au droit de propriété et à la liberté d’entreprise qui est contenue à l’article 15, paragraphe 6, de la directive doit donc être effectuée en tenant compte de la grande marge d’appréciation qui doit être reconnue au législateur de l’Union.

51.      En outre, cet examen doit être effectué en prenant en considération la nature de la directive, laquelle ne procède pas à une harmonisation complète des règles relatives aux domaines qu’elle couvre, mais édicte seulement des prescriptions minimales (26). Nous relevons, à cet égard, que le législateur de l’Union fixe, à l’article 15 de la directive, un certain nombre de règles générales encadrant le droit aux courts extraits tout en laissant aux États membres le soin de définir les modalités et les conditions détaillées relatives à la fourniture de ces courts extraits (27).

52.      Enfin, il ne faut pas perdre de vue que, selon la jurisprudence de la Cour, la sauvegarde des droits fondamentaux au sein de l’Union doit être assurée dans le cadre de la structure et des objectifs de celle-ci (28). Plusieurs considérants de la directive soulignent, à cet égard, que celle-ci participe, dans son domaine, à l’achèvement du marché intérieur. Ainsi, le deuxième considérant de la directive fait référence à la nécessité d’«assurer le passage des marchés nationaux à un marché commun de production et de distribution de programmes» et le onzième considérant de celle-ci indique que l’application aux services de médias audiovisuels d’un ensemble minimal de règles coordonnées contribue, notamment, «à l’achèvement du marché intérieur et [à] faciliter l’émergence d’un espace unique de l’information» (29). La prise en compte de cette dimension est importante dans l’examen de la mise en balance des différents droits fondamentaux en présence, car la problématique que soulève la limitation de la compensation financière de la fourniture d’un droit aux courts extraits au regard de la protection des droits fondamentaux ne se pose pas dans les mêmes termes et n’appelle pas nécessairement la même réponse selon qu’elle est traitée uniquement dans le cadre d’un État membre ou bien en tenant compte des impératifs liés à l’achèvement du marché intérieur.

53.      L’application de cette grille d’analyse à la présente affaire nous conduit à estimer non seulement que l’article 15, paragraphe 6, de la directive est apte à réaliser l’objectif qu’il vise, à savoir garantir la liberté de recevoir des informations et le pluralisme des médias, mais également qu’il ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif.

54.      S’agissant de l’aptitude de l’article 15, paragraphe 6, dernière phrase, de la directive à garantir la liberté de recevoir des informations et le pluralisme des médias, nous considérons que cette disposition, en limitant le montant de la compensation financière qui peut être réclamée par les radiodiffuseurs primaires aux radiodiffuseurs secondaires, est de nature à développer la diffusion des informations relatives aux événements qui présentent un grand intérêt pour le public, en particulier par les organismes de radiodiffusion télévisuelle qui ne disposent pas de moyens financiers importants. Une telle disposition favorise, par là même, l’émergence d’un espace d’opinion et d’information européen au sein duquel sont garantis la liberté de recevoir des informations et le pluralisme des médias.

55.      Concernant la nécessité de la limitation de la compensation financière, nous sommes d’avis que, dans la mesure où il s’agit là de la pierre angulaire du dispositif mis en place par le législateur de l’Union à l’article 15 de la directive, son absence nuirait à l’effet utile du droit aux brefs reportages d’actualité.

56.      La limitation de la compensation financière aux frais supplémentaires directement occasionnés par la fourniture de l’accès présente l’avantage de mettre tous les opérateurs de radiodiffusion télévisuelle sur un pied d’égalité. En excluant que les organismes détenteurs de droits exclusifs de transmission puissent répercuter sur les organismes demandeurs d’extraits les coûts d’acquisition de tels droits, l’article 15, paragraphe 6, de la directive fait obstacle à ce qu’un prix prohibitif puisse être réclamé en contrepartie de l’octroi de courts extraits, en particulier lorsque sont en cause des événements susceptibles d’attirer l’attention d’une grande partie de la population et pour lesquels les organismes détenteurs de droits exclusifs auront dû dépenser d’importantes sommes d’argent pour acquérir l’exclusivité de la transmission. Il s’ensuit que tous les opérateurs de radiodiffusion télévisuelle, qu’ils soient privés ou publics, qu’ils disposent de moyens financiers importants ou non, bénéficient, dans des conditions identiques, du droit de réaliser de brefs reportages d’actualité sur des événements présentant un grand intérêt pour le public.

57.      Laisser la détermination du montant de la compensation financière à la libre négociation entre les radiodiffuseurs primaires et secondaires présenterait l’inconvénient de mettre les détenteurs de droits exclusifs en position de force, spécialement lorsque l’événement en cause revêt une importance particulière. De plus, compte tenu de l’augmentation des prix à acquitter pour l’acquisition de droits exclusifs de transmission, il existe un risque que les prix réclamés aux radiodiffuseurs secondaires qui souhaitent réaliser de brefs reportages d’actualité atteignent des proportions qui les dissuaderaient d’exercer ce droit. Cela pourrait nuire à l’objectif visant à ce que le plus grand nombre soit informé des événements présentant un grand intérêt pour le public. Par ailleurs, l’exclusion d’organismes de radiodiffusion télévisuelle de la couverture de tels événements aurait un effet négatif sur le pluralisme de l’information, car elle limiterait la collecte et la diffusion d’informations aux organismes les plus importants, au détriment de leurs concurrents plus petits et des téléspectateurs.

58.      C’est pourquoi nous estimons que la solution alternative, qui aurait consisté pour le législateur de l’Union à seulement prévoir l’octroi d’une compensation financière appropriée sans assortir celle-ci de la limitation prévue à l’article 15, paragraphe 6, de la directive, ne serait pas parvenue à atteindre les objectifs visés par la mise en place d’un droit aux brefs reportages d’actualité d’une manière aussi efficace.

59.      La seule référence à une compensation financière appropriée, sans fixation d’une limite harmonisée, donnerait lieu à une détermination des coûts au cas par cas, selon des procédures divergentes selon les États membres, ce qui pourrait potentiellement faire obstacle à la libre circulation de l’information et donc à l’émergence d’un espace unique de l’information, que le législateur de l’Union appelle de ses vœux au onzième considérant de la directive. La limitation de la compensation aux frais directement occasionnés par la fourniture de l’accès permet dans une large mesure d’éviter ces problèmes de détermination des coûts et les litiges qu’ils peuvent engendrer. Il s’agit du moyen le plus efficace afin d’éviter de cloisonner la diffusion de l’information entre les États membres et selon l’importance économique des organismes de radiodiffusion télévisuelle.

60.      En retenant une solution cohérente avec sa volonté de contribuer à l’achèvement du marché intérieur et de faciliter l’émergence d’un espace unique de l’information, le législateur de l’Union est ainsi parvenu à concilier les approches réglementaires divergentes des États membres tout en sauvegardant l’effet utile du nouveau droit harmonisé.

61.      Dans cette optique, c’est, selon nous, à juste titre que le législateur de l’Union a fait le choix de ne pas introduire dans le libellé de l’article 15, paragraphe 6, dernière phrase, de la directive de distinctions selon que la compensation financière est acquittée par un organisme de radiodiffusion public ou privé, ni selon qu’un tel organisme exerce ou non, en vertu du droit de l’État membre dans lequel il est établi, une mission de service public. De telles distinctions auraient, en effet, été en contradiction avec la volonté affirmée par le législateur de l’Union de mettre tous les opérateurs de radiodiffusion télévisuelle sur un pied d’égalité dans l’exercice de leur droit aux brefs reportages d’actualité (30). En outre, restreindre le champ d’application de l’article 15, paragraphe 6, dernière phrase, de la directive aux seuls organismes de radiodiffusion télévisuelle exerçant, en vertu du droit de l’État membre dans lequel ils sont établis, une mission de service public n’aurait pas permis d’atteindre les objectifs visés par la mise en place du droit aux brefs reportages d’actualité d’une manière aussi efficace, en laissant de côté ceux qui bénéficient en premier lieu du plafonnement de la compensation financière, à savoir les radiodiffuseurs secondaires qui disposent de moyens financiers limités et qui, quelles que soient leur nature juridique ou les missions qui leurs sont confiées, participent pourtant de façon importante à une large diffusion des informations au sein des États membres (31).

62.      La solution adoptée par le législateur de l’Union constitue, à nos yeux, un juste équilibre entre, d’une part, la protection de la liberté d’entreprise et du droit de propriété des organismes détenteurs de droits exclusifs de transmission et, d’autre part, la liberté de recevoir des informations et le pluralisme des médias. En effet, nous considérons que, au regard des avantages que présente le système mis en place par le législateur de l’Union en vue de protéger ces deux derniers droits fondamentaux, l’atteinte portée à la liberté d’entreprise et au droit de propriété des organismes détenteurs de droits exclusifs de transmission ne présente pas un caractère excessif.

63.      Il importe, à cet égard, de relever que le législateur de l’Union a assorti le droit aux brefs reportages d’actualité d’un certain nombre de conditions et de limites qui contribuent à atténuer l’atteinte portée à la liberté d’entreprise et au droit de propriété des organismes de radiodiffusion télévisuelle détenteurs de droits exclusifs de transmission.

64.      Parmi ces conditions et ces limites, nous notons que le droit aux brefs reportages d’actualité ne concerne pas tous les événements sans distinction pour lesquels des droits exclusifs de transmission ont été octroyés, l’article 15, paragraphe 1, de la directive précisant qu’il doit s’agir d’«événements d’un grand intérêt pour le public».

65.      Par ailleurs, les extraits fournis peuvent être utilisés exclusivement dans des «programmes généraux d’actualité» aux termes de l’article 15, paragraphe 5, de la directive, et uniquement pour la réalisation de «brefs reportages d’actualité», ainsi que le prévoit l’article 15, paragraphe 1, de la directive. Selon le cinquante-cinquième considérant de celle-ci, «[l]a notion de programme général d’actualité ne devrait pas couvrir la compilation de courts extraits pour en faire des programmes à des fins de divertissement». Il ressort de ces dispositions qu’il existe une différence déterminante entre la diffusion télévisée d’un événement à des fins de divertissement et celle des moments clés de celui-ci à des fins d’information (32). L’organisme de radiodiffusion télévisuelle garde l’entière maîtrise de l’exploitation commerciale de ses droits exclusifs à des fins de divertissement. La diminution de la valeur commerciale de ces droits doit donc, dans cette mesure, être largement relativisée.

66.      En outre, l’article 15, paragraphe 3, de la directive précise que les radiodiffuseurs secondaires doivent indiquer la source des extraits qu’ils utilisent dans leurs reportages d’actualité. Comme le relève à juste titre la Commission dans ses observations écrites, la publicité ainsi faite à l’organisme qui détient des droits exclusifs contribue à la proportionnalité du régime de compensation financière mis en place à l’article 15, paragraphe 6, de la directive, car une telle publicité a une valeur économique et celle-ci bénéficie à cet organisme à chaque fois qu’un bref reportage d’actualité est diffusé (33).

67.      L’article 15, paragraphe 6, de la directive témoigne également de ce que le législateur de l’Union a effectué une pondération équilibrée des différents droits fondamentaux en présence. En vue de limiter l’atteinte à la liberté d’entreprise et au droit de propriété de l’organisme de radiodiffusion télévisuelle qui détient des droits exclusifs de transmission, cette disposition impose aux États membres de veiller à ce que des modalités relatives à la longueur maximale des courts extraits et aux délais quant à leur diffusion soient définies. Le cinquante-cinquième considérant de la directive contient, à cet égard, une indication à l’intention des États membres puisqu’il précise que la durée des courts extraits ne devrait pas dépasser 90 secondes.

68.      Le constat selon lequel il revient, aux termes de l’article 15, paragraphe 6, de la directive, aux États membres d’arrêter les modalités et les conditions détaillées relatives à la fourniture des courts extraits nous conduit à préciser que la pondération entre les différents droits fondamentaux en présence n’incombe pas exclusivement au législateur de l’Union, mais également aux États membres. Autrement dit, les mécanismes permettant de trouver un juste équilibre entre les différents droits fondamentaux en jeu sont non seulement inscrits dans la directive elle-même, essentiellement au moyen des conditions et des limites susmentionnées qui encadrent le droit aux brefs reportages d’actualité, mais résultent également de l’adoption, par les États membres, de dispositions nationales assurant la transposition de la directive et de l’application de celle-ci par les autorités nationales. Il importe, à cet égard, de souligner que, en vertu de la jurisprudence de la Cour, il incombe aux États membres, lors de la transposition de la directive, de veiller à se fonder sur une interprétation de celle-ci qui permette d’assurer un juste équilibre entre les différents droits fondamentaux protégés par l’ordre juridique de l’Union. Ensuite, lors de la mise en œuvre des mesures de transposition de cette directive, il incombe aux autorités et aux juridictions des États membres non seulement d’interpréter leur droit national d’une manière conforme à ladite directive, mais également de veiller à ne pas se fonder sur une interprétation de celle-ci qui entrerait en conflit avec lesdits droits fondamentaux ou avec les autres principes généraux du droit de l’Union, tels que le principe de proportionnalité (34).

69.      Il en résulte, selon nous, que, lors de l’adoption des mesures de transposition de la directive, les États membres doivent s’efforcer de prendre en compte les droits fondamentaux, en mettant en place les outils nécessaires pour que les frais supplémentaires directement occasionnés par la fourniture de l’accès puissent faire l’objet d’une compensation financière et que les modalités et les conditions détaillées relatives à la fourniture des courts extraits, en particulier en ce qui concerne la longueur maximale de ceux-ci et les délais quant à leur diffusion, soient définies de façon à limiter autant que possible l’atteinte portée à la liberté d’entreprise et au droit de propriété de l’organisme de radiodiffusion télévisuelle qui détient des droits exclusifs de transmission. Nous relevons, à cet égard, que le droit autrichien transposant l’article 15 de la directive témoigne de la recherche par le législateur national d’un juste équilibre entre les différents droits fondamentaux en présence.

70.      Eu égard à l’ensemble de ces éléments qui contribuent à encadrer le droit aux brefs reportages d’actualité et les modalités de mise en œuvre de celui-ci, nous considérons que la limitation de la compensation financière due à l’organisme de radiodiffusion télévisuelle qui détient des droits exclusifs de transmission porte une atteinte proportionnée à la liberté d’entreprise et au droit de propriété de ce dernier. Autrement dit, compte tenu de l’économie de l’article 15 de la directive, la seule prise en compte des frais supplémentaires directement occasionnés par la fourniture de l’accès (35) est, à notre avis, suffisante pour éviter que le droit aux brefs reportages d’actualité ne constitue une charge excessive pour les radiodiffuseurs primaires.

71.      A contrario, s’il avait résulté de l’économie de cet article que le droit aux brefs reportages d’actualité n’était soumis à aucune limitation, l’atteinte aurait pu être considérée comme étant disproportionnée. Le libellé retenu par le législateur de l’Union à l’article 15, paragraphe 6, dernière phrase, de la directive ne peut donc être correctement appréhendé qu’en étant mis en étroite relation avec les dispositions qui encadrent le droit aux brefs reportages d’actualité (36).

72.      Tous ces éléments nous conduisent à considérer que, en adoptant l’article 15, paragraphe 6, de la directive, le législateur de l’Union a effectué une pondération équilibrée des différents droits fondamentaux en jeu.

73.      Nous remarquons qu’une analyse similaire a été retenue au sein du Conseil de l’Europe. Ainsi, la convention européenne sur la télévision transfrontière, signée à Strasbourg le 5 mai 1989, prévoit, à son article 9, la possibilité pour les Parties contractantes d’introduire un droit aux extraits sur des événements d’un grand intérêt pour le public (37). La recommandation no R (91) 5 du comité des ministres aux États membres du 11 avril 1991 (38) prévoit, dans sa partie consacrée aux conditions financières, au point 4.1, que, «sous réserve d’autres arrangements convenus entre eux, le radiodiffuseur primaire ne devrait pas pouvoir exiger du radiodiffuseur secondaire un paiement pour l’extrait. En tout état de cause, aucune participation financière ne devrait être exigée du radiodiffuseur secondaire au titre des droits de télévision». Au point 4.2 de cette recommandation, il est indiqué que, «dans le cas où le radiodiffuseur secondaire est autorisé à accéder aux lieux, l’organisateur de l’événement majeur ou le propriétaire des lieux devrait pouvoir exiger le paiement des frais complémentaires nécessaires encourus». L’exposé des motifs de ladite recommandation évoque notamment, pour expliquer le contenu du point 4.1 de celle-ci, «la garantie [qui] devrait être donnée aux radiodiffuseurs secondaires, notamment à ceux à moindres ressources, de pouvoir accéder à un extrait sur un pied d’égalité» (39).

74.      L’approche retenue par le législateur de l’Union nous paraît également être en accord avec la jurisprudence développée par la Cour européenne des droits de l’homme en ce qui concerne l’article 1er, second alinéa, du protocole additionnel no 1 à la CEDH. Cette Cour soumet la réglementation de l’usage des biens à un contrôle de proportionnalité dans le cadre duquel elle vérifie, comme en matière de privation de propriété, que l’appréciation portée par le législateur national n’est pas manifestement dépourvue de base raisonnable (40). Elle juge ainsi qu’une mesure d’ingérence doit ménager un juste équilibre entre les impératifs de l’intérêt général et ceux de la sauvegarde des droits fondamentaux de l’individu. Selon la Cour européenne des droits de l’homme, il doit exister un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé. En contrôlant le respect de cette exigence, cette Cour reconnaît à l’État une grande marge d’appréciation tant pour choisir les modalités de mise en œuvre que pour juger si leurs conséquences se trouvent légitimées, dans l’intérêt général, par le souci d’atteindre l’objectif de la loi en cause. Cet équilibre est rompu si la personne concernée a eu à subir une charge spéciale et exorbitante (41). Ladite Cour a également jugé que, lorsqu’une mesure de réglementation de l’usage des biens est en cause, l’absence d’indemnisation est l’un des facteurs à prendre en compte pour établir si un juste équilibre a été respecté, mais elle ne saurait, à elle seule, être constitutive d’une violation de l’article 1er du protocole additionnel no 1 à la CEDH (42).

75.      Nous notons, par ailleurs, que, dans le droit de l’Union, des dispositions témoignent de l’idée selon laquelle une atteinte minime au droit de propriété n’appelle pas systématiquement une indemnisation. Ainsi, le trente-cinquième considérant de la directive 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2001, sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information (43), indique, concernant les exceptions ou les limitations qui peuvent être apportées à ces droits, que «[c]ertains cas où le préjudice au titulaire du droit serait minime pourraient ne pas donner naissance à une obligation de paiement» (44). En outre, la Cour a pu considérer, en matière de politique agricole et à propos d’atteintes alléguées au droit de propriété, qu’il n’existe pas, en droit de l’Union, un principe général qui imposerait l’octroi d’une indemnisation en toutes circonstances (45).

76.      En adoptant l’article 15, paragraphe 6, de la directive, le législateur de l’Union est parvenu, à notre avis, à trouver un compromis acceptable entre l’octroi à titre gratuit d’un droit aux courts extraits et la participation financière des radiodiffuseurs secondaires aux coûts d’acquisition des droits exclusifs de transmission. En prévoyant que les frais supplémentaires qui sont occasionnés par la fourniture de l’accès ne doivent pas être mis à la charge des organismes de radiodiffusion télévisuelle détenant des droits exclusifs de transmission, cette disposition garantit que le droit aux courts extraits ne constitue pas une charge financière pour ces organismes. La circonstance que ceux-ci ne peuvent tirer bénéfice de la fourniture de courts extraits est, à nos yeux, justifiée par la nécessité de sauvegarder la liberté de recevoir des informations et le pluralisme des médias, en favorisant par là même l’émergence d’un espace unique de l’information.

77.      Les décisions du Bundesverfassungsgericht et du Verfassungsgerichtshof dont la juridiction de renvoi fait état (46) ne modifient pas notre appréciation.

78.      S’il existe des nuances entre les raisonnements tenus par ces deux juridictions, il en ressort principalement que le droit aux brefs reportages d’actualité ne devrait pas être octroyé à titre gratuit et qu’il devrait donc donner lieu au paiement d’une rémunération raisonnable ou d’une contrepartie appropriée. Dans cette perspective, la prise en compte du coût d’acquisition des droits exclusifs est envisagée. Ces deux juridictions indiquent également qu’une telle contrepartie ne devrait pas être fixée à un niveau tel qu’elle ferait obstacle au droit de réaliser de brefs reportages d’actualité.

79.      Les approches retenues par le Bundesverfassungsgericht et par le Verfassungsgerichtshof ne nous paraissent pas être automatiquement transposables au contrôle de la validité de l’article 15, paragraphe 6, de la directive au regard des articles 16 et 17 de la Charte. D’une part, nous avons déjà expliqué les raisons pour lesquelles notre appréciation est étroitement dépendante de l’économie de l’article 15 de la directive et, en particulier, des conditions et des limites qui contribuent à encadrer le droit aux brefs reportages d’actualité et à en circonscrire la portée.

80.      D’autre part, nous rappelons que la sauvegarde des droits fondamentaux au sein de l’Union doit être assurée dans le cadre de la structure et des objectifs de celle-ci. Il s’ensuit que la pondération qu’il y a lieu d’effectuer entre les différents droits fondamentaux en jeu n’appelle pas nécessairement la même réponse selon qu’elle est effectuée dans le cadre national ou au niveau de l’Union. Dans la présente affaire, nous considérons, pour les raisons précédemment exposées, que les impératifs liés à l’achèvement du marché intérieur et à l’émergence d’un espace unique de l’information militaient en faveur de l’adoption par le législateur de l’Union d’une disposition de compromis entre l’octroi gratuit d’un droit aux courts extraits et la participation financière des radiodiffuseurs secondaires aux coûts d’acquisition des droits exclusifs de transmission.

81.      S’agissant, pour finir, du souci exprimé par la juridiction de renvoi quant à l’aspect temporel de l’application de la limitation de la compensation financière dans une situation telle que celle en cause au principal, il convient de rappeler que Sky a acquis, par contrat du 21 août 2009, le droit exclusif de retransmettre sur le territoire autrichien certains matchs de la Ligue Europa pour les saisons 2009/2010 à 2011/2012. Le 11 septembre 2009, Sky et l’ORF ont conclu un accord visant à octroyer à l’ORF le droit de réaliser de brefs reportages d’actualité sur cet événement. Nous constatons que ces deux dates sont postérieures à la date d’entrée en vigueur de la directive 2007/65/CE du Parlement et du Conseil, du 11 décembre 2007 (47), qui a introduit, dans la directive 89/552/CEE (48), les dispositions relatives au droit aux brefs reportages d’actualité, la directive n’ayant pour objet, selon son premier considérant, que de codifier les règles contenues dans la directive 89/552. La directive 2007/65 étant entrée en vigueur, selon les prévisions de son article 4, le 19 décembre 2007, Sky et l’ORF étaient parfaitement conscientes, en 2009, de la mise en place au niveau de l’Union d’un droit aux brefs reportages d’actualité harmonisé et étaient à même d’anticiper les changements réglementaires devant intervenir, par suite, sur le plan national.

IV – Conclusion

82.      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, nous proposons à la Cour de répondre comme suit à la question préjudicielle posée par le Bundeskommunikationssenat:

«L’examen de la question posée n’a révélé aucun élément de nature à affecter la validité de l’article 15, paragraphe 6, de la directive 2010/13/UE du Parlement européen et du Conseil, du 10 mars 2010, visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à la fourniture de services de médias audiovisuels (directive ‘Services de médias audiovisuels’).»


1 – Langue originale: le français.


2 – JO L 95, p. 1, ci-après la «directive».


3 –      Ci-après la «Charte».


4 – BGBl. I, 85/2001.


5 – BGBl. I, 50/2010, ci-après le «FERG».


6 – BGBl. I, 83/2001.


7 – Cette convention a été signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la «CEDH»).


8 – C‑195/06, Rec. p. I‑8817.


9 – Arrêt du 1er décembre 2006.


10 – Arrêt du 17 février 1998.


11 –      Voir arrêts du 14 mai 1974, Nold/Commission (4/73, Rec. p. 491, point 14), et du 27 septembre 1979, Eridania-Zuccherifici nazionali et Società italiana per l’industria degli zuccheri (230/78, Rec. p. 2749, points 20 et 31).


12 –      Voir, notamment, arrêts du 16 janvier 1979, Sukkerfabriken Nykøbing (151/78, Rec. p. 1, point 19), et du 5 octobre 1999, Espagne/Commission (C‑240/97, Rec. p. I‑6571, point 99).


13 – Voir explications relatives à la Charte des droits fondamentaux (JO 2007, C 303, p. 17).


14 – Idem.


15 –      Voir, notamment, arrêt de la Cour du 12 juillet 2005, Alliance for Natural Health e.a. (C‑154/04 et C‑155/04, Rec. p. I‑6451, point 126 et jurisprudence citée). Voir, également, arrêt du Tribunal du 17 février 2011, FIFA/Commission (T‑68/08, Rec. p. II‑349, point 143).


16 –      Voir cinquante-sixième considérant de la directive.


17 –      Voir Cour eur. D. H., arrêt Sporrong et Lönnroth c. Suède du 23 septembre 1982, série A no 52, § 65. Voir, également, Cour eur. D. H., arrêt Mellacher et autres c. Autriche du 19 décembre 1989, série A no 169, § 44. La Cour s’est également référée à la notion de réglementation de l’usage de biens [voir, notamment, arrêt du 12 mai 2005, Regione autonoma Friuli-Venezia Giulia et ERSA (C‑347/03, Rec. p. I‑3785, points 124 et 125)].


18 –      Comme l’indique le document de synthèse pour la conférence audiovisuelle de Liverpool, intitulé «Droit à l’information et droit aux courts extraits», établi par la Commission au mois de juillet 2005, les enjeux de l’introduction d’un droit aux extraits étaient les suivants. D’une part, «l’absence de coordination des dispositifs législatifs, réglementaires ou conventionnels pour la mise à disposition […] d’extraits […] fait peser un risque sur la circulation transfrontière des programmes d’information et sur l’exercice du droit fondamental à l’information». D’autre part, «l’absence de droit [aux] extraits […] peut constituer une menace sur le pluralisme, de nombreux radiodiffuseurs dans l’Union […] ne disposant ni des moyens techniques […] ni des moyens financiers suffisants [pour] faire face au coût de la commercialisation systématique de droits de diffusion exclusifs sur certains grands événements fortement médiatiques».


19 –      Nous notons que l’article 10 de la CEDH comporte non seulement le droit de communiquer des informations, mais aussi celui d’en recevoir. Voir, notamment, Cour eur. D. H., arrêts Observer et Guardian c. Royaume-Uni du 26 novembre 1991, série A no 216, § 59, ainsi que Guerra et autres c. Italie du 19 février 1998, Recueil des arrêts et décisions 1998‑I, § 53.


20 –      Arrêt du 18 juin 1991, ERT (C‑260/89, Rec. p. I‑2925, point 45).


21 –      Arrêt du 13 décembre 2007, United Pan-Europe Communications Belgium e.a. (C‑250/06, Rec. p. I‑11135, point 41).


22 –      Voir, notamment, arrêt du 9 novembre 2010, Volker und Markus Schecke et Eifert (C‑92/09 et C‑93/09, Rec. p. I‑11063, point 74).


23 –      Arrêt du 3 septembre 2008, Kadi et Al Barakaat International Foundation/Conseil et Commission (C‑402/05 P et C‑415/05 P, Rec. p. I‑6351, point 360 et jurisprudence citée).


24 –      C‑380/03, Rec. p. I‑11573.


25 –      Point 145 et jurisprudence citée.


26 –      Arrêt du 5 mars 2009, UTECA (C‑222/07, Rec. p. I‑1407, point 19). Voir également, en ce sens, onzième considérant et article 4, paragraphe 1, de la directive.


27 –      Voir, en ce sens, exposé des motifs du Conseil, II, B, vi, de la position commune (CE) no 18/2007, du 15 octobre 2007, arrêtée par le Conseil, statuant conformément à la procédure visée à l’article 251 du traité instituant la Communauté européenne, en vue de l’adoption d’une directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 89/552/CEE du Conseil visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à l’exercice d’activités de radiodiffusion télévisuelle (JO C 307 E, p. 1).


28 –      Arrêt du 17 décembre 1970, Internationale Handelsgesellschaft (11/70, Rec. p. 1125, point 4).


29 –      Voir, également, dans le même ordre d’idées, dixième considérant de la directive qui souligne l’importance d’un «véritable marché européen des services de médias audiovisuels».


30 –      Voir cinquante-cinquième considérant et article 15, paragraphe 1, de la directive, qui indiquent que l’accès aux courts extraits doit être octroyé dans des conditions non discriminatoires.


31 – Nous notons, à cet égard, que, selon les chiffres publiés récemment par l’Observatoire européen de l’audiovisuel, les chaînes locales et régionales représentent environ 40 % du total des chaînes disponibles en Europe (voir communiqué de presse du 29 mars 2012 disponible à l’adresse Internet http//www.obs.coe.int/about/oea/pr/mavise-miptv2012.html).


32 –      Voir, à cet égard, Schoenthal, M., «Le droit de retransmission des grands événements», IRIS plus, observations juridiques de l’Observatoire européen de l’audiovisuel, avril 2006. L’auteur relève que «le reportage court et informatif [est] limité aux moments clés d’une manifestation» et que «[l]a montée progressive du suspense, qui fait tout le charme d’un événement sportif et qui en est le signe distinctif, reste acquise à la seule retransmission proprement dite» (p. 3).


33 –      Point 43, particulièrement note 19.


34 –      Voir arrêts du 29 janvier 2008, Promusicae (C‑275/06, Rec. p. I‑271, point 68), et du 19 avril 2012, Bonnier Audio e.a. (C‑461/10, point 56).


35 –      À propos des frais encourus par l’organisme de radiodiffusion télévisuelle qui détient les droits exclusifs de transmission, l’ORF précise que, même lorsque l’organisme qui bénéficie du droit de réaliser de brefs reportages d’actualité a accès au signal satellitaire (grâce, par exemple, à une interception directe du satellite), l’octroi de ce droit entraîne un travail administratif non négligeable pour l’organisme auquel incombe l’obligation d’accorder ledit droit (vérification de l’existence du droit, établissement, le cas échéant, d’un accord sur les conditions, contrôle du respect des dispositions légales et contractuelles, etc.).


36 –      Voir, à cet égard, communication de la Commission au Parlement européen conformément à l’article 251, paragraphe 2, deuxième alinéa, du traité CE concernant la position commune du Conseil sur l’adoption d’une proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 89/552/CEE du Conseil visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à l’exercice d’activités de radiodiffusion télévisuelle (directive «Services de médias audiovisuels») [COM(2007) 639 final]:


      «Ce libellé a été choisi pour que le droit aux brefs reportages ne puisse pas être considéré comme une licence obligatoire qui donnerait aux diffuseurs bénéficiaires des droits plus étendus. Cette solution est largement soutenue par toutes les parties concernées, tant les diffuseurs que les propriétaires de droits.»


37 –      Selon le rapport explicatif de cette convention, cet article trouve son fondement dans le droit du public à recevoir l’information et a pour but d’éviter que l’exercice de ce droit ne soit remis en cause dans un contexte transfrontière. Un autre objectif est de garantir le pluralisme des sources d’information dans le cadre de la télévision transfrontière.


38 – Recommandation sur le droit aux extraits sur des événements majeurs faisant l’objet de droits d’exclusivité pour la radiodiffusion télévisée dans un contexte transfrontière.


39 –      Point 47.


40 –      Voir, sur ce point, Sudre, F., Droit européen et international des droits de l’homme, PUF, Paris, 10e éd., 2011, p. 655 et suiv.


41 –      Voir Cour eur. D. H., arrêt Brosset-Triboulet et autres c. France du 29 mars 2010 (§ 86).


42 –      Ibidem (§ 94).


43 –      JO L 167, p. 10.


44 –      Il est intéressant, à cet égard, de comparer l’article 15 de la directive avec l’article 5, paragraphe 3, sous c), de la directive 2001/29, qui offre aux États membres la faculté de prévoir des exceptions ou des limitations aux droits prévus aux articles 2 et 3 de cette directive (respectivement, droit de reproduction, et droit de communication d’œuvres au public et droit de mettre à la disposition du public d’autres objets protégés) «lorsqu’il s’agit de l’utilisation d’œuvres ou d’autres objets protégés afin de rendre compte d’événements d’actualité, dans la mesure justifiée par le but d’information poursuivi et sous réserve d’indiquer, à moins que cela ne s’avère impossible, la source, y compris le nom de l’auteur». Voir, également, dans le même ordre d’idées, article 10, paragraphe 1, sous b), de la directive 2006/115/CE du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2006, relative au droit de location et de prêt et à certains droits voisins du droit d’auteur dans le domaine de la propriété intellectuelle (JO L 376, p. 28).


45 –      Arrêt du 10 juillet 2003, Booker Aquaculture et Hydro Seafood (C‑20/00 et C‑64/00, Rec. p. I‑7411, point 85).


46 –      Voir point 21 des présentes conclusions.


47 –      Directive modifiant la directive 89/552CEE du Conseil visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à l’exercice d’activités de radiodiffusion télévisuelle (JO L 332, p. 27).


48 – Directive du Conseil du 3 octobre 1989 visant la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à l’exercice d’activités de radiodiffusion télévisuelle (JO L 298, p. 23).