Language of document : ECLI:EU:C:2014:93

ORDONNANCE DU VICE-PRÉSIDENT DE LA COUR

21 février 2014 (*)

«Référé – Pourvoi – Demande de sursis à exécution – Demande tendant à ce qu’il soit statué inaudita altera parte – Clause compromissoire – Septième programme-cadre pour des actions de recherche, de développement technologique et de démonstration (2007-2013) – Contrats concernant les projets Oasis et Perform – Suspension des paiements – Irrégularités constatées dans le cadre d’audits relatifs à d’autres projets»

Dans l’affaire C‑78/14 P-R,

ayant pour objet une demande de sursis à exécution au titre de l’article 278 TFUE, introduite le 17 février 2014,

Commission européenne, représentée par M. D. Triantafyllou et Mme B. Conte, en qualité d’agents,

partie requérante,

l’autre partie à la procédure étant:

ANKO AE Antiprosopeion, Emporiou kai Viomichanias, établie à Athènes (Grèce),

partie défenderesse,

LE VICE-PRÉSIDENT DE LA COUR,

le premier avocat général, M. P. Cruz Villalón, entendu,

rend la présente

Ordonnance

1        Par sa requête, la Commission européenne demande à la Cour de surseoir à l’exécution de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 12 décembre 2013, ANKO/Commission (T‑117/12, ci-après l’«arrêt litigieux»), jusqu’au prononcé de l’arrêt sur pourvoi.

2        Par lettre déposée au greffe de la Cour le 18 février 2014, la Commission a également demandé, en vertu de l’article 160, paragraphe 7, du règlement de procédure de la Cour, qu’il soit fait droit provisoirement à cette demande avant même que l’autre partie n’ait présenté ses observations, jusqu’au prononcé de l’ordonnance mettant fin à la procédure en référé.

3        Ces demandes ont été présentées dans le cadre d’un pourvoi introduit par la Commission le 13 février 2014 à l’encontre de l’arrêt litigieux.

 Les antécédents du litige et l’arrêt litigieux

4        ANKO AE Antiprosopeion, Emporiou kai Viomichanias (ci-après «ANKO»), est une société de droit grec, ayant pour objet la commercialisation et la production de produits métalliques ainsi que de produits, de dispositifs et d’appareils électroniques et pour les télécommunications, qui, depuis l’année 2006, a participé à l’exécution de plusieurs projets subventionnés par la Communauté européenne ou par l’Union européenne.

5        Il ressort du point 2 de l’arrêt litigieux que, conformément au règlement (CE) n° 1906/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 18 décembre 2006, définissant les règles de participation des entreprises, des centres de recherche et des universités pour la mise en œuvre du septième programme-cadre de la Communauté européenne et fixant les règles de diffusion des résultats de la recherche (2007-2013) (JO L 391, p. 1), dans le cadre défini par la décision n° 1982/2006/CE du Parlement européen et du Conseil, du 18 décembre 2006, relative au septième programme-cadre de la Communauté européenne pour des actions de recherche, de développement technologique et de démonstration (2007-2013) (JO L 412, p. 1), et, en particulier, du programme spécifique «Coopération», la Commission, agissant pour le compte de la Communauté, a conclu, les 19 décembre 2007 et 21 janvier 2008, avec Siemens SA et FIMI Srl, respectivement, en leur qualité de coordinateurs des deux consortiums distincts dont faisait partie ANKO, la convention de subvention n° 215754 pour le financement du projet intitulé «Une architecture ouverte pour les services accessibles, l’intégration et la normalisation» (ci-après le «projet Oasis») et la convention de subvention n° 215952 pour le financement du projet intitulé «Un système multiparamétrique complexe pour l’évaluation et le suivi effectifs et continus de la capacité motrice dans les cas de la maladie de Parkinson et d’autres maladies neurodégénératives» (ci‑après le «projet Perform»).

6        Estimant, en substance, qu’il existait des raisons valables de soupçonner une éventuelle violation desdites conventions de subvention et l’existence d’irrégularités de la part d’ANKO concernant les projets Oasis et Perform, la Commission a, par deux lettres du 9 août 2011, suspendu le versement à celle-ci des paiements prévus par ces mêmes conventions. Le 20 décembre 2011, elle a également engagé une procédure de remboursement de certaines sommes au titre de la convention de subvention relative au projet Perform.

7        Par requête déposée au greffe du Tribunal sur le fondement de l’article 272 TFUE et des clauses compromissoires contenues dans les conventions de subvention en cause, ANKO a demandé au Tribunal:

–        de constater que la suspension des paiements imposée par la Commission au titre des projets Oasis et Perform constitue une violation de ses obligations contractuelles;

–        d’«ordonner» à la Commission de lui verser la somme de 637 117,17 euros au titre du projet Perform, majorée des intérêts prévus par le point II.5, paragraphe 5, des conditions générales annexées aux conventions de subvention relatives aux projets Oasis et Perform, à compter de la signification du présent recours;

–        d’«ordonner» à la Commission de constater qu’elle n’est pas tenue de rembourser à celle-ci la somme de 56 390 euros qui lui a été versée au titre du projet Oasis, et

–        de condamner la Commission aux dépens.

8        Au point 79 de l’arrêt litigieux, le Tribunal a accueilli le moyen formulé par ANKO à l’appui de son premier chef de conclusions, aux termes duquel la Commission aurait suspendu les paiements correspondant aux projets Oasis et Perform en l’absence de base juridique et en violation des conventions de subvention relatives à ces projets. Il a également accueilli le deuxième chef de conclusions, au point 93 dudit arrêt, «en ce qu’il vise à condamner la Commission à procéder au versement des sommes qui ont été suspendues au titre du projet Perform, sans que ce versement préjuge du caractère éligible des dépenses déclarées par [ANKO]». En revanche, il a rejeté le troisième chef de conclusions au point 98 de l’arrêt litigieux.

9        Les points 1 et 2 du dispositif de l’arrêt litigieux sont libellés comme suit:

«1)      La Commission [...] est condamnée à verser à ANKO [...] les sommes dont le paiement a été suspendu sur le fondement du point II.5, paragraphe 3, sous d), des conditions générales annexées aux conventions de subvention relatives aux projets Oasis et Perform, conclus dans le cadre du septième programme-cadre pour des actions de recherche, de développement technologique et de démonstration (2007-2013), sans que ce versement préjuge du caractère éligible des dépenses déclarées par ANKO [...] et de la mise en œuvre des conclusions du rapport final d’audit 11-INFS-0035 par la Commission. Le montant des sommes à verser doit être compris dans les limites du solde de la contribution financière disponible au moment de la suspension des paiements et lesdites sommes doivent être majorées des intérêts de retard qui commencent à courir, pour chaque période, à l’expiration du délai de paiement de 105 jours suivant la réception des rapports correspondants par la Commission. Le taux de majoration applicable aux intérêts est celui en vigueur le premier jour du mois du délai de paiement, tel que publié au Journal officiel de l’Union européenne, série C.

2)      Le recours est rejeté pour le surplus».

 Sur la demande tendant à ce qu’il soit statué inaudita altera parte

10      ANKO n’ayant pas encore pu, à ce stade de la procédure, présenter ses observations sur la demande en référé formée par la Commission, il n’est dès lors pas possible, à ce jour, de décider si cette dernière a établi à suffisance le bien-fondé de cette demande (voir, en ce sens, ordonnance du président de la Cour du 18 avril 2007, Commission/Pologne, C‑193/07 R, point 8).

11      Toutefois, en vertu de l’article 160, paragraphe 7, du règlement de procédure, le juge des référés peut faire provisoirement droit à cette demande avant même que l’autre partie n’ait présenté ses observations.

12      S’agissant de la condition relative au fumus boni juris, les moyens de pourvoi présentés par la Commission ne paraissent pas, à première vue, manifestement irrecevables ni dénués de tout fondement. En effet, sans qu’il soit possible de se prononcer, au présent stade de la procédure, sur la question du bien-fondé de ces moyens ou même sur celle de l’existence d’un fumus boni juris en tant que tel, il y a lieu de constater que cette dernière question nécessitera un examen approfondi en l’espèce, eu égard aux moyens présentés. Il suffit donc de constater, aux fins de la présente procédure inaudita altera parte, qu’il ne saurait être exclu que la condition relative au fumus boni juris soit remplie.

13      La Commission s’appuie, en ce qui concerne la condition relative à l’urgence, sur le caractère exécutoire de l’arrêt litigieux énoncé à l’article 280 TFUE. Elle soutient qu’elle risque à tout moment de se trouver confrontée à des mesures d’exécution forcée conformément aux dispositions du droit belge qui seraient applicables en l’espèce en vertu de l’article 299 TFUE. Par ailleurs, la Commission affirme que, selon les informations qu’ANKO lui a elle-même communiquées, cette société se trouve «au bord de la faillite» et fait l’objet de procédures d’insolvabilité en Grèce, dont il ressortirait qu’elle n’a pas d’actifs pouvant satisfaire ses créanciers.

14      Au présent stade de la procédure, il y a lieu de tenir pour vraies ces affirmations factuelles de la Commission (voir, en ce sens, ordonnance du président de la Cour du 20 juillet 1988, Commission/Italie, 194/88 R, Rec. p. 4547, point 2). Dès lors, il convient de constater que le préjudice subi par la Commission en cas d’exécution de l’arrêt litigieux serait susceptible d’être irréparable, nonobstant son caractère financier, dans la mesure où le versement à ANKO des montants en cause risquerait d’entraîner la perte irréversible de ceux-ci pour le budget de l’Union en raison de l’insolvabilité de cette dernière. Même si l’arrêt litigieux ne précise pas le montant exact devant être versé, le Tribunal a accueilli, en substance, le deuxième chef de conclusions formulé par ANKO, visant au versement de la somme de 637 117,17 euros, majorée d’intérêts moratoires. Cela étant, il ne saurait être exclu à ce stade que le préjudice financier pour les finances publiques de l’Union soit d’un montant objectivement non négligeable et que ce préjudice puisse donc être considéré comme «grave» [voir, en ce sens, ordonnance du vice-président de la Cour du 7 mars 2013, EDF/Commission, C‑551/12 P(R), non encore publiée au Recueil, point 33].

15      Sur la base des seules informations avancées par la Commission, il y a donc lieu de constater, à ce stade de la procédure, que la condition relative à l’urgence apparaît remplie.

16      Enfin, quant à la mise en balance des intérêts, en tenant pour vraies les affirmations faites par la Commission concernant la procédure de liquidation d’ANKO, il apparaît que le fait pour cette dernière d’être privée de la possibilité d’obtenir l’exécution immédiate de l’arrêt litigieux, et donc de percevoir sans délai les paiements en cause, ne serait pas susceptible de la priver, ni même de priver ses créanciers, du bénéfice de ses droits dans l’hypothèse où la demande en référé serait rejetée ultérieurement. D’ailleurs, il découle du dispositif de l’arrêt litigieux lui-même que des intérêts moratoires sont dus sur le montant principal et le versement de ces intérêts suffirait donc à compenser tout délai dans l’exécution de cet arrêt. En revanche, ainsi que cela a été constaté au point 13 de la présente ordonnance, une exécution immédiate de l’arrêt litigieux avant que l’ordonnance mettant fin à la procédure de référé ne soit rendue serait susceptible de porter préjudice de manière irrémédiable aux intérêts financiers défendus par la Commission. Le sursis à l’exécution sollicité apparaît donc nécessaire pour assurer l’effet utile de ladite ordonnance.

17      Dans ces conditions, il convient, dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, de surseoir à l’exécution de l’arrêt litigieux jusqu’au prononcé de l’ordonnance mettant fin à la procédure de référé.

Par ces motifs, le vice-président de la Cour ordonne:

1)      Il est sursis à l’exécution de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 12 décembre 2013, ANKO/Commission (T‑117/12), jusqu’au prononcé de l’ordonnance mettant fin à la procédure de référé.

2)      Les dépens sont réservés.

Signatures


* Langue de procédure: le grec.