Language of document : ECLI:EU:T:2012:301

ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre)

14 juin 2012 (*)

« Environnement — Règlement (CE) no 1367/2006 — Obligation des États membres de protéger et d’améliorer la qualité de l’air ambiant — Dérogation temporaire accordée à un État membre — Demande de réexamen interne — Refus — Mesure de portée individuelle — Validité — Convention d’Aarhus »

Dans l’affaire T‑396/09,

Vereniging Milieudefensie, établie à Amsterdam (Pays-Bas),

Stichting Stop Luchtverontreiniging Utrecht, établie à Utrecht (Pays-Bas),

représentées par Me A. van den Biesen, avocat,

parties requérantes,

contre

Commission européenne, représentée initialement par MM. P. Oliver, W. Roels et Mme A. Alcover San Pedro, puis par M. Oliver, Mme Alcover San Pedro et M. E. Manhaeve, et enfin par M. Oliver, Mme Alcover San Pedro et M. B. Burggraaf, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

Royaume des Pays-Bas, représenté par Mme C. Wissels, MM. Y. de Vries, J. Langer et Mme M. de Ree, en qualité d’agents,

par

Parlement européen, représenté initialement par MM. L. Visaggio et A. Baas, puis par MM. Visaggio et G. Corstens, en qualité d’agents,

et par

Conseil de l’Union européenne, représenté par MM. M. Moore et F. Naert, en qualité d’agents,

parties intervenantes,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision C (2009) 6121 de la Commission, du 28 juillet 2009, rejetant comme irrecevable la demande des requérantes visant à ce que la Commission réexamine sa décision C (2009) 2560 final, du 7 avril 2009, accordant au Royaume des Pays-Bas une dérogation temporaire aux obligations prévues par la directive 2008/50/CE du Parlement européen et du Conseil, du 21 mai 2008, concernant la qualité de l’air ambiant et un air pur pour l’Europe (JO L 152, p. 1),

LE TRIBUNAL (septième chambre),

composé de M. A. Dittrich, président, Mme I. Wiszniewska-Białecka (rapporteur) et M. M. Prek, juges,

greffier : M. N. Rosner, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 13 septembre 2011,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Les requérantes sont, d’une part, Vereniging Milieudefensie, une association de droit néerlandais, établie à Amsterdam (Pays-Bas) et ayant pour objet la protection de l’environnement et l’amélioration de la qualité de l’air aux Pays-Bas, et, d’autre part, Stichting Stop Luchtverontreiniging Utrecht, une fondation de droit néerlandais, établie à Utrecht (Pays-Bas), qui se consacre à la lutte contre la pollution de l’air dans la région d’Utrecht.

2        Le 15 juillet 2008, le Royaume des Pays-Bas a, conformément à l’article 22 de la directive 2008/50/CE du Parlement européen et du Conseil, du 21 mai 2008, concernant la qualité de l’air ambiant et un air pur pour l’Europe (JO L 152, p. 1), notifié à la Commission des Communautés européennes le report du délai fixé pour atteindre la valeur limite annuelle déterminée pour le dioxyde d’azote dans neuf zones et l’exemption de l’obligation d’appliquer les valeurs limites journalière et annuelle déterminées pour les particules passant dans un orifice d’entrée avec un rendement de séparation de 50 % pour un diamètre aérodynamique de 10 µm (ci-après les « PM10 »).

3        Le 7 avril 2009, la Commission a adopté la décision C (2009) 2560 final (ci-après la « décision du 7 avril 2009 »).

4        L’article 1er de la décision du 7 avril 2009 prévoit :

« 1. Aucune objection n’est faite au report du délai fixé pour atteindre la valeur limite annuelle pour le dioxyde d’azote fixée dans l’annexe XI de la directive 2008/50/CE dans les zones no 1 à 8 mentionnées dans l’annexe de la présente décision. Le report s’applique jusqu’au 31 décembre 2014.

2. Aucune objection n’est faite au report du délai fixé pour atteindre la valeur limite annuelle pour le dioxyde d’azote dans la zone no 9 mentionnée dans l’annexe de la présente décision, pour autant que le plan national en matière de qualité de l’air, le [Nationale Samenwerkingsprogramma Luchtkwaliteit] (NSL), et le plan régional concerné soient adaptés de façon à garantir que la valeur limite annuelle pour le dioxyde d’azote soit respectée pour le 31 décembre 2012 […] »

5        L’article 2 de la décision du 7 avril 2009 indique :

« Aucune objection n’est faite aux exemptions […] de l’obligation d’appliquer les valeurs limites pour les PM10 fixées dans l’annexe XI de la directive 2008/50/CE […]

L’exemption s’applique jusqu’au 10 juin 2011. »

6        L’article 3 de la décision du 7 avril 2009 prévoit que le Royaume des Pays-Bas communique à la Commission certaines informations relatives aux valeurs limites fixées dans la directive 2008/50.

7        Par lettre du 18 mai 2009, les requérantes ont introduit auprès de la Commission une demande de réexamen interne de la décision du 7 avril 2009 sur le fondement de l’article 10, paragraphe 1, du règlement (CE) no 1367/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 6 septembre 2006, concernant l’application aux institutions et organes de la Communauté européenne des dispositions de la convention d’Aarhus sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement (JO L 264, p. 13).

8        Par décision C (2009) 6121, du 28 juillet 2009 (ci-après la « décision attaquée »), la Commission a rejeté la demande de réexamen interne présentée par les requérantes. Elle a indiqué :

« Vous demandez le réexamen de la décision du 7 avril 2009 au motif que les Pays-Bas ne rempliraient pas les conditions visées à l’article 22 de la directive 2008/50/CE et qu’en conséquence la Commission aurait dû soulever des objections contre la demande de report du délai fixé pour atteindre les valeurs limites déterminées pour le [dioxyde d’azote] et d’exemption de l’obligation d’appliquer les valeurs limites déterminées pour les PM10.

[…]

Il ressort de la lecture combinée de l’article 10 et de la définition d’un ‘acte administratif’ énoncée à l’article 2, paragraphe 1, sous g), du règlement no 1367/2006 qu’une demande de réexamen interne peut être introduite uniquement contre une mesure de portée individuelle arrêtée au titre du droit de l’environnement par une institution ou un organe communautaire et ayant un effet juridiquement contraignant et extérieur.

Sans se prononcer sur la question de savoir si les autres conditions de recevabilité de la demande visées au Titre IV du règlement no 1367/2006 sont remplies, la Commission estime que la décision du 7 avril 2009 n’est pas une mesure de portée individuelle.

La Commission comprend votre demande en ce sens que vous estimez que la décision constitue un acte administratif qui est de portée individuelle (une décision), notamment dans la mesure où elle est adressée à un seul État membre nommément cité […].

Une décision adressée à un État membre spécifique peut cependant constituer une mesure de portée générale si elle vise à approuver des mesures qui s’appliquent à une ou plusieurs catégories de personnes définies de manière générale et abstraite.

Il existe une jurisprudence selon laquelle les dérogations à un régime général spécifique que la Commission a autorisées par des décisions les confirmant en vertu d’une directive spécifique ont le même caractère juridique que la directive elle-même si ces décisions de la Commission s’adressent en des termes abstraits à des personnes qui ne sont pas définies plus précisément et s’appliquent à des situations définies objectivement. Dans de tels cas, les décisions (bien qu’elles soient appelées des décisions) doivent être considérées comme des mesures de portée générale. Voir l’ordonnance du Tribunal du 16 février 2005, Fost Plus VZW/Commission (T‑142/03, Rec. p. II‑589, point 47, et la jurisprudence qui y est citée).

À la lumière du champ d’application et des conditions de la dérogation prévue par l’article 22 de la directive 2008/50/CE, la Commission estime qu’elle concerne une application à une situation définie objectivement, qui a des effets juridiques sur des catégories de personnes définies de manière générale et abstraite. Par conséquent, les décisions qui sont fondées sur l’article 22 de la directive 2008/50/CE doivent être considérées comme des ‘dérogations à un régime général’ au sens de la jurisprudence citée ci-dessus et ces décisions ont dès lors la même portée générale que ladite directive.

Par ailleurs, il convient de relever que l’application de l’article 22 de la directive 2008/50/CE présuppose que l’État membre ait établi un plan relatif à la qualité de l’air pour les zones ou les agglomérations auxquelles le report de délai et l’exemption doivent s’appliquer. Ce plan prévoit l’adoption et l’exécution de mesures qui s’appliquent à des personnes qui ne sont pas définies plus précisément dans des situations définies objectivement. La décision fondée sur l’article 22 de la directive 2008/50/CE, par laquelle la Commission n’a pas fait d’objection à la notification des Pays-Bas, est basée sur le plan relatif à la qualité de l’air transmis par cet État membre.

Eu égard aux éléments qui précèdent, la Commission est d’avis que votre demande de réexamen interne ne porte pas sur une mesure administrative au sens de l’article 2, paragraphe 1, sous g), du règlement no 1367/2006. En conséquence, la Commission déclare votre demande irrecevable […] »

 Procédure et conclusions des parties

9        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 6 octobre 2009, les requérantes ont introduit le présent recours.

10      Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le 19 octobre 2009, les requérantes ont déposé une demande en référé, dans laquelle elles ont conclu, en substance, à ce qu’il plaise au président du Tribunal de surseoir à l’exécution de la décision attaquée, jusqu’à ce que le Tribunal se soit prononcé sur le recours au principal ou jusqu’à ce que la Commission ait adopté une nouvelle décision relative à la demande de réexamen interne.

11      Par ordonnance du 17 décembre 2009, le président du Tribunal a rejeté la demande en référé comme étant manifestement irrecevable. Les dépens ont été réservés.

12      Par actes déposés au greffe du Tribunal, respectivement, les 14, 15 et 26 janvier 2010, le Parlement européen, le Royaume des Pays-Bas et le Conseil de l’Union européenne ont demandé à intervenir dans la présente procédure au soutien des conclusions de la Commission. Il a été fait droit à ces demandes par ordonnance du président de la première chambre du Tribunal du 11 mars 2010. Le Parlement, le Royaume des Pays-Bas et le Conseil ont déposé leurs mémoires en intervention le 28 mai 2010. La Commission et les requérantes ont déposé leurs observations sur ces mémoires, respectivement, les 15 et 19 juillet 2010.

13      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, le juge rapporteur a été affecté à la septième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

14      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (septième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale.

15      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 13 septembre 2011.

16      Les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        ordonner à la Commission de statuer au fond sur la demande de réexamen interne et lui fixer un délai à cet égard ;

–        condamner la Commission aux dépens.

17      La Commission, soutenue par le Royaume des Pays-Bas, le Parlement et le Conseil, conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme non fondé ;

–        condamner les requérantes aux dépens.

 En droit

 Sur la demande d’injonction

18      S’agissant de la demande d’injonction comprise dans le deuxième chef de conclusions des requérantes et visant à ce que le Tribunal ordonne à la Commission de statuer au fond sur la demande de réexamen interne et lui fixe un délai à cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, dans le cadre d’un recours en annulation, la compétence du juge de l’Union est limitée au contrôle de la légalité de l’acte attaqué et que le Tribunal ne peut, dans l’exercice de ses compétences, adresser une injonction aux institutions de l’Union (arrêt de la Cour du 8 juillet 1999, DSM/Commission, C‑5/93 P, Rec. p. I‑4695, point 36, et arrêt du Tribunal du 24 février 2000, ADT Projekt/Commission, T‑145/98, Rec. p. II‑387, point 83). Il incombe en effet à l’institution concernée de prendre, en vertu de l’article 266 TFUE, les mesures que comporte l’exécution d’un arrêt d’annulation (arrêts du Tribunal du 27 janvier 1998, Ladbroke Racing/Commission, T‑67/94, Rec. p. II‑1, point 200, et du 29 septembre 2009, Thomson Sales Europe/Commission, T‑225/07 et T‑364/07, non publié au Recueil, point 221).

19      Il s’ensuit que le deuxième chef de conclusions des requérantes est irrecevable.

 Sur la demande en annulation

20      À l’appui de leur chef de conclusions en annulation, les requérantes soulèvent deux moyens. À titre principal, les requérantes soutiennent que la Commission a considéré à tort comme irrecevable leur demande de réexamen interne de la décision du 7 avril 2009, au motif qu’il s’agissait d’une mesure de portée générale. Il y a lieu d’interpréter ce moyen comme tiré, en substance, de la violation de l’article 10, paragraphe 1, du règlement no 1367/2006, lu en combinaison avec l’article 2, paragraphe 1, sous g), du même règlement.

21      À titre subsidiaire, les requérantes font valoir que, si le premier moyen devait être rejeté, il y aurait lieu de considérer que l’article 10, paragraphe 1, du règlement no 1367/2006, en limitant la notion d’« actes » de l’article 9, paragraphe 3, de la convention sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement, signée à Aarhus le 25 juin 1998 (ci-après la « convention d’Aarhus »), aux seuls « acte[s] administratif[s] », qui sont en outre définis à l’article 2, paragraphe 1, sous g), du même règlement comme étant des « mesure[s] de portée individuelle », est contraire à cette disposition de la convention d’Aarhus.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 10, paragraphe 1, du règlement no 1367/2006, lu en combinaison avec l’article 2, paragraphe 1, sous g), du même règlement

22      Par le présent moyen, soulevé à titre principal, les requérantes soutiennent, en substance, que la Commission, en rejetant comme irrecevable leur demande de réexamen interne de la décision du 7 avril 2009, a violé l’article 10, paragraphe 1, du règlement no 1367/2006.

23      En application de l’article 10, paragraphe 1, du règlement no 1367/2006, toute organisation non gouvernementale satisfaisant aux critères prévus à l’article 11 de ce règlement est habilitée à introduire une demande de réexamen interne auprès de l’institution de l’Union qui a adopté un acte administratif au titre du droit de l’environnement. La notion d’acte administratif contenue dans cette disposition est définie dans l’article 2, paragraphe 1, sous g), du règlement no 1367/2006 comme une mesure de portée individuelle arrêtée par une institution de l’Union au titre du droit de l’environnement et ayant un effet juridiquement contraignant et extérieur.

24      En l’espèce, la Commission a rejeté comme irrecevable la demande de réexamen interne de la décision du 7 avril 2009 présentée par les requérantes, au motif que, cette décision n’étant pas une mesure de portée individuelle, la demande de réexamen interne ne portait pas sur un acte administratif au sens de l’article 10, paragraphe 1, du règlement no 1367/2006. Les requérantes contestent cette appréciation et font valoir que la décision du 7 avril 2009 est une mesure de portée individuelle.

25      Afin de déterminer si la Commission a considéré à bon droit que la demande de réexamen interne présentée par les requérantes ne répondait pas aux conditions de l’article 10, paragraphe 1, du règlement no 1367/2006, il convient donc d’examiner si la décision du 7 avril 2009 constitue une mesure de portée individuelle au sens de l’article 2, paragraphe 1, sous g), du règlement no 1367/2006.

26      Selon la jurisprudence, pour déterminer la portée d’un acte, le juge de l’Union ne saurait se contenter de la dénomination officielle de l’acte, mais doit tenir compte en premier lieu de son objet et de son contenu (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 14 décembre 1962, Confédération nationale des producteurs de fruits et légumes e.a./Conseil, 16/62 et 17/62, Rec. p. 901, 918). Ainsi, une décision ayant pour destinataire un État membre revêt une portée générale si elle s’applique à des situations déterminées objectivement et comporte des effets juridiques à l’égard de catégories de personnes envisagées de manière générale et abstraite (voir, en ce sens, ordonnance de la Cour du 8 avril 2008, Saint-Gobain Glass Deutschland/Commission, C‑503/07 P, Rec. p. I‑2217, point 71).

27      En outre, les limitations ou les dérogations de nature temporaire ou de portée territoriale que comporte un texte font partie intégrante des dispositions d’ensemble qui les contiennent et participent, sauf détournement de pouvoir, au caractère général de celles-ci (arrêt de la Cour du 29 juin 1993, Gibraltar/Conseil, C‑298/89, Rec. p. I‑3605, point 18 ; ordonnance du Tribunal du 12 mars 2007, Regione Autonoma Friuli-Venezia Giulia/Commission, T‑417/04, Rec. p. II‑641, point 49, et arrêt du Tribunal du 1er juillet 2008, Região autónoma dos Açores/Conseil, T‑37/04, non publié au Recueil, point 33).

28      Enfin, le juge de l’Union a considéré que des dérogations au régime général que constituaient les décisions de confirmation prises par la Commission en vertu d’une disposition d’une directive participaient au caractère général de cette directive, étant donné qu’elles s’adressaient en termes abstraits à des catégories de personnes indéterminées et s’appliquaient à des situations définies objectivement (voir ordonnance du Tribunal du 16 février 2005, Fost Plus/Commisson, T‑142/03, Rec. p. II‑589, ci-après l’« ordonnance Fost Plus », point 47, et la jurisprudence citée).

29      En l’espèce, il convient de relever, premièrement, que la directive 2008/50 est un acte de portée générale dans la mesure où elle établit, en termes abstraits et objectifs, un régime général en matière d’évaluation et de limitation des émissions de polluants.

30      Deuxièmement, l’article 22 de la directive 2008/50 prévoit une possibilité pour les États membres de déroger temporairement à l’obligation de respecter les valeurs limites fixées par cette directive sous réserve du respect de certaines conditions et sous le contrôle de la Commission. Le libellé de cet article est le suivant :

« 1. Lorsque, dans une zone ou agglomération donnée, les valeurs limites fixées pour le dioxyde d’azote […] ne peuvent pas être respectées dans les délais indiqués à l’annexe XI, un État membre peut reporter ces délais de cinq ans au maximum pour la zone ou agglomération en cause, à condition qu’un plan relatif à la qualité de l’air soit établi conformément à l’article 23 pour la zone ou l’agglomération à laquelle le report de délai s’appliquerait. Ce plan est complété par [d]es informations […] relatives aux polluants concernés et démontre comment les valeurs limites seront respectées avant la nouvelle échéance.

2. Lorsque, dans une zone ou agglomération donnée, les valeurs limites fixées à l’annexe XI pour les PM10 ne peuvent pas être respectées en raison des caractéristiques de dispersion du site, de conditions climatiques défavorables ou de contributions transfrontalières, un État membre est exempté de l’obligation d’appliquer ces valeurs limites jusqu’au 11 juin 2011, moyennant le respect des conditions prévues au paragraphe 1 et à condition que cet État membre fasse la preuve qu’il a pris toutes les mesures appropriées aux niveaux national, régional et local pour respecter les délais.

3. Lorsqu’un État membre applique le paragraphe 1 ou 2, il veille à ce que le dépassement de la valeur limite fixée pour chaque polluant ne soit pas supérieur à la marge de dépassement maximale indiquée à l’annexe XI pour chacun des polluants concernés.

4. Les États membres notifient à la Commission les zones ou agglomérations dans lesquelles ils estiment que les paragraphes 1 ou 2 sont applicables et transmettent le plan relatif à la qualité de l’air visé au paragraphe 1, avec tous les renseignements nécessaires pour permettre à la Commission d’évaluer si les conditions pertinentes sont remplies. Dans son évaluation, la Commission prend en considération les effets estimés, actuellement et dans le futur, sur la qualité de l’air ambiant dans les États membres, des mesures qui ont été prises par les États membres, ainsi que les effets estimés, sur la qualité de l’air ambiant, des mesures actuelles et des mesures prévues que doit proposer la Commission.

En l’absence d’objection de la part de la Commission dans les neuf mois qui suivent la réception de la notification, les conditions pertinentes pour l’application du paragraphe 1 ou du paragraphe 2 sont réputées remplies.

En cas d’objection, la Commission peut demander aux États membres d’adapter les plans relatifs à la qualité de l’air ou d’en fournir de nouveaux. »

31      Troisièmement, dans la décision du 7 avril 2009, adoptée en application de l’article 22, paragraphe 4, de la directive 2008/50, à la suite de la notification par le Royaume des Pays-Bas, la Commission n’a soulevé aucune objection à l’égard du report du délai fixé pour atteindre les valeurs limites déterminées pour le dioxyde d’azote dans les zones no 1 à 8 et à l’égard de l’exemption de l’obligation d’appliquer les valeurs limites déterminées pour les PM10. En ce qui concerne le report du délai fixé pour atteindre les valeurs limites déterminées pour le dioxyde d’azote dans la zone no 9, aucune objection n’a été soulevée à condition que le NSL et le plan régional concerné soient adaptés. Cette décision a des effets sur la qualité de l’air dans certaines zones des Pays-Bas ainsi que sur toutes les personnes qui y sont présentes.

32      La décision du 7 avril 2009, adoptée par la Commission en application de l’article 22, paragraphe 4, de la directive 2008/50, constitue ainsi une dérogation au régime général établi par la directive 2008/50 qui participe au caractère général de la directive, en s’adressant en termes abstraits à des catégories de personnes indéterminées et en s’appliquant à des situations définies objectivement.

33      La solution retenue dans l’ordonnance Fost Plus, point 28 supra, est donc transposable au cas d’espèce. En effet, tout d’abord, tant la directive 2008/50 que la directive 94/62/CE du Parlement européen et du Conseil, du 20 décembre 1994, relative aux emballages et aux déchets d’emballages (JO L 365, p. 10), en cause dans l’ordonnance Fost Plus, point 28 supra, établissent en termes abstraits et objectifs un régime général en matière, respectivement, de lutte contre la pollution de l’air ambiant et de valorisation des emballages et des déchets d’emballage. Ensuite, à l’instar de l’article 6, paragraphe 6, de la directive 94/62, l’article 22 de la directive 2008/50 autorise les États membres à déroger au régime général défini par cette directive, sous certaines conditions et sous le contrôle de la Commission. Enfin, les décisions prises par la Commission en vertu de l’article 22 de la directive 2008/50 participent, comme les décisions de confirmation prises par la Commission en vertu de l’article 6, paragraphe 6, de la directive 94/62, au caractère général de la directive, étant donné qu’elles s’adressent en termes abstraits à des catégories de personnes indéterminées et s’appliquent à des situations définies objectivement.

34      Par conséquent, force est de constater que la décision du 7 avril 2009, constituant une mesure de portée générale, ne saurait être regardée comme un acte administratif au sens de l’article 2, paragraphe 1, sous g), du règlement no 1367/2006.

35      Cette conclusion n’est pas remise en cause par les arguments des requérantes.

36      S’agissant, premièrement, des arguments des requérantes tendant à démontrer que la décision du 7 avril 2009 est une mesure de portée individuelle, il y a lieu de relever, tout d’abord, que le fait que cette décision est adressée au Royaume des Pays-Bas n’est pas déterminant pour définir sa portée au vu de la jurisprudence citée aux points 26 à 28 ci-dessus. En effet, il a été jugé qu’une décision ayant pour destinataire un seul État membre était de portée générale (ordonnance Saint-Gobain Glass Deutschland/Commission, point 26 supra, point 71). En outre, l’arrêt de la Cour du 20 mars 2003, Danemark/Commission (C‑3/00, Rec. p. I‑2643, points 39 et 40), invoqué par les requérantes n’est pas pertinent en l’espèce étant donné que l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt porte sur une question distincte de celle posée dans la présente affaire. Dans cet arrêt, la Cour a considéré que la procédure qui menait à une décision de la Commission, prise sur le fondement de l’article 95, paragraphes 4 et 6, CE, approuvant le maintien d’une disposition nationale qui dérogeait à un acte de portée générale ne saurait être considérée comme faisant partie du processus législatif aboutissant à l’adoption de l’acte de portée générale. La question n’était donc pas de savoir si la décision en cause était une mesure de portée individuelle ou générale, mais de savoir si cette décision s’inscrivait dans une procédure législative. Dès lors, l’argumentation des requérantes tirée de ce que la décision du 7 avril 2009 est adressée au seul Royaume des Pays-Bas ne peut pas prospérer.

37      Il y a lieu de relever, ensuite, que, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, la circonstance que la Commission a le pouvoir d’apprécier individuellement la demande de dérogation présentée par un État membre et la possibilité d’accorder ou de rejeter la demande de dérogation ou de l’accepter sous certaines conditions n’est pas déterminante pour définir la portée de la décision du 7 avril 2009 au vu de la jurisprudence citée aux points 26 à 28 ci-dessus.

38      Enfin, l’argument des requérantes selon lequel la décision du 7 avril 2009 est une mesure de portée individuelle étant donné qu’elle ne produit des effets juridiques qu’à l’égard du Royaume des Pays-Bas n’est pas convaincant. En effet, il convient de relever que cette décision autorise le Royaume des Pays-Bas à adopter des actes de portée générale qui s’appliquent à l’ensemble des personnes physiques ou morales résidant ou exerçant une activité dans les zones et les agglomérations néerlandaises couvertes par cette décision. Dès lors, cette décision comporte des effets juridiques non seulement à l’égard du Royaume des Pays-Bas, mais également à l’égard de toutes ces personnes.

39      S’agissant, deuxièmement, de l’argument des requérantes selon lequel la directive 2008/50, étant adressée aux États membres, qui conservent une marge d’appréciation dans la mise en œuvre de la directive, et non aux citoyens ou aux entreprises, ne contient pas de « mesures qui s’appliquent à une ou plusieurs catégories de personnes définies de manière générale et abstraite », il convient de rappeler qu’une directive est un acte normatif, général et abstrait (ordonnance de la Cour du 23 novembre 1995, Asocarne/Conseil, C‑10/95 P, Rec. p. I‑4149, point 37). Ainsi, le fait que le Royaume des Pays-Bas conserve une marge d’appréciation dans le choix de la forme et des moyens appropriés pour mettre en œuvre la directive 2008/50 ne saurait remettre en cause la portée générale de celle-ci. Partant, l’argument des requérantes ne peut pas prospérer.

40      Troisièmement, l’argument des requérantes selon lequel la Commission devait réexaminer la décision du 7 avril 2009 dès lors qu’elles avaient soutenu que le Royaume des Pays-Bas ne remplissait pas les conditions prévues par la directive 2008/50 pour obtenir une dérogation n’est pas pertinent. En effet, l’examen du bien-fondé de la demande de réexamen interne n’a aucune incidence sur la recevabilité de cette demande.

41      Il résulte de ce qui précède que la décision du 7 avril 2009 ne constituant pas une mesure de portée individuelle ne peut être qualifiée d’acte administratif au sens de l’article 2, paragraphe 1, sous g), du règlement no 1367/2006. Partant, cette décision ne pouvait faire l’objet d’une demande de réexamen interne au titre de l’article 10, paragraphe 1, de ce règlement. Il s’ensuit que, au vu de ces dispositions, la Commission n’a pas commis d’erreur en déclarant irrecevable la demande de réexamen interne de la décision du 7 avril 2009 présentée par les requérantes.

42      Par conséquent, il y a lieu de rejeter le présent moyen.

 Sur le second moyen, tiré de l’invalidité de l’article 10, paragraphe 1, du règlement no 1367/2006, en ce qu’il limite la notion d’« actes » de l’article 9, paragraphe 3, de la convention d’Aarhus aux seuls « acte[s] administratif[s] », définis à l’article 2, paragraphe 1, sous g), du même règlement comme étant des « mesure[s] de portée individuelle »

43      Les requérantes soutiennent, en substance, à titre subsidiaire, que, si la décision attaquée ne devait pas être annulée sur la base du premier moyen, il y aurait lieu de considérer que l’article 10, paragraphe 1, du règlement no 1367/2006, en limitant la notion d’« actes » de l’article 9, paragraphe 3, de la convention d’Aarhus aux seuls « acte[s] administratif[s] », définis à l’article 2, paragraphe 1, sous g), du même règlement comme étant des « mesure[s] de portée individuelle », est contraire à cette disposition de la convention d’Aarhus. Or, au vu de la primauté de la convention d’Aarhus sur le règlement no 1367/2006, cette disposition du règlement no 1367/2006, étant contraire à la convention d’Aarhus, ne devrait pas être appliquée.

44      Il convient de considérer que, par ce moyen, les requérantes soulèvent une exception d’illégalité de l’article 10, paragraphe 1, du règlement no 1367/2006, lu en combinaison avec l’article 2, paragraphe 1, sous g), de ce règlement, au sens de l’article 241 CE.

45      La Commission et les intervenantes concluent au rejet de ce moyen.

46      Le Parlement et le Conseil contestent la recevabilité de ce moyen notamment au motif que la requête ne contient pas de conclusions visant à demander au Tribunal de déclarer que le règlement no 1367/2006 est illégal.

47      À cet égard, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, l’exception d’illégalité prévue à l’article 241 CE constitue l’expression d’un principe général assurant à toute partie le droit de contester par voie incidente, en vue d’obtenir l’annulation d’une décision lui faisant grief, la validité des actes antérieurs constituant la base juridique de la décision attaquée (arrêt du Tribunal du 19 juillet 1999, Q/Conseil, T‑20/98, RecFP p. I‑A‑147 et II‑779, point 47). Ainsi, en l’espèce, l’exception d’illégalité du règlement no 1367/2006 est soulevée à titre incident par les requérantes, en vue d’obtenir l’annulation de la décision attaquée adoptée sur la base de ce règlement. La recevabilité de l’exception d’illégalité n’est donc pas subordonnée à l’existence d’une conclusion relative à l’illégalité du règlement no 1367/2006.

48      Par ailleurs, le Conseil soutient qu’il n’est pas clair si les requérantes remettent en cause la légalité du règlement no 1367/2006 au regard de la convention d’Aarhus dans la mesure où elles hésitent entre le fait que le règlement no 1367/2006 est en conflit avec la convention d’Aarhus et le fait que ce règlement peut être interprété conformément à cette convention. Dès lors, le Conseil doute que le moyen invoqué à titre subsidiaire par les requérantes présente le niveau de clarté et de précision exigé par l’article 44, paragraphe 1, point c), du règlement de procédure du Tribunal.

49      À cet égard, il suffit de répondre que les requérantes indiquent clairement, au point 39 de la requête, qu’une interprétation conforme de l’article 2, paragraphe 1, sous g), du règlement no 1367/2006 à la convention d’Aarhus n’étant pas possible, cette disposition ne doit pas être appliquée en ce qu’elle est contraire à la convention d’Aarhus.

50      Il s’ensuit que l’exception d’illégalité de l’article 10, paragraphe 1, du règlement no 1367/2006, en ce qu’il limite la notion d’« actes » de l’article 9, paragraphe 3, de la convention d’Aarhus aux seuls « acte[s] administratif[s] » tels que définis à l’article 2, paragraphe 1, sous g), du même règlement, est recevable.

51      S’agissant du bien-fondé de ce moyen, il y a lieu de relever qu’il ressort de l’article 300, paragraphe 7, CE que les institutions de la Communauté sont liées par les accords conclus par celle-ci et, par conséquent, que ces accords bénéficient de la primauté sur les actes de droit communautaire dérivé (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 10 septembre 1996, Commission/Allemagne, C‑61/94, Rec. p. I‑3989, point 52, et du 12 janvier 2006, Algemene Scheeps Agentuur Dordrecht, C‑311/04, Rec. p. I‑609, point 25).

52      La convention d’Aarhus a été signée par la Communauté européenne et a ensuite été approuvée par la décision 2005/370/CE du Conseil, du 17 février 2005 (JO L 124, p. 1). Partant, les institutions sont liées par cette convention, laquelle bénéficie de la primauté sur les actes communautaires dérivés. Il s’ensuit que la validité du règlement no 1367/2006 peut être affectée du fait de son incompatibilité avec la convention d’Aarhus.

53      Selon la jurisprudence, le juge de l’Union ne peut procéder à l’examen de la validité d’une disposition d’un règlement au regard d’un traité international que lorsque la nature et l’économie de celui-ci ne s’y opposent pas et que, par ailleurs, ses dispositions apparaissent, du point de vue de leur contenu, inconditionnelles et suffisamment précises (arrêts de la Cour du 3 juin 2008, Intertanko e.a., C‑308/06, Rec. p. I‑4057, point 45, et du 9 septembre 2008, FIAMM e.a./Conseil et Commission, C‑120/06 P et C‑121/06 P, Rec. p. I‑6513, point 110).

54      Toutefois, dans l’hypothèse où la Communauté a entendu donner exécution à une obligation particulière assumée dans le cadre d’un accord international ou dans l’occurrence où l’acte renvoie expressément à des dispositions précises de cet accord, il appartient à la Cour de contrôler la légalité de l’acte en cause au regard des règles de cet accord [voir, en ce sens, pour ce qui concerne l’accord instituant l’Organisation mondiale du commerce, arrêts de la Cour du 23 novembre 1999, Portugal/Conseil, C‑149/96, Rec. p. I‑8395, point 49 ; du 30 septembre 2003, Biret International/Conseil, C‑93/02 P, Rec. p. I‑10497, point 53, et du 1er mars 2005, Van Parys, C‑377/02, Rec. p. I‑1465, point 40 ; voir également, en ce sens, pour ce qui concerne l’accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (ci‑après le « GATT »), arrêts de la Cour du 22 juin 1989, Fediol/Commission, 70/87, Rec. p. 1781, points 19 à 22, et du 7 mai 1991, Nakajima/Conseil, C‑69/89, Rec. p. I‑2069, point 31]. Ainsi, le juge de l’Union doit pouvoir procéder au contrôle de la légalité d’un règlement au regard d’un traité international, sans vérifier au préalable si les conditions énoncées au point 53 ci-dessus sont remplies, lorsque ce règlement vise à mettre en œuvre une obligation imposée par ce traité international aux institutions de l’Union.

55      En effet, dans l’arrêt Nakajima/Conseil, point 54 supra (point 28), la Cour a constaté que la requérante n’invoquait pas l’effet direct des dispositions du code antidumping du GATT, mais qu’elle mettait en cause, de façon incidente, conformément à l’article 241 CE, la validité d’un règlement en invoquant un des moyens du contrôle de légalité mentionné à l’article 230 CE, à savoir la violation du traité ou de toute règle relative à son application. La Cour a considéré que le règlement mis en cause par la requérante dans cette affaire avait été pris pour satisfaire aux obligations internationales de la Communauté, à laquelle il incombe, dès lors, selon une jurisprudence constante, d’assurer le respect des dispositions du GATT et de ses mesures d’exécution (voir arrêt Nakajima/Conseil, point 54 supra, point 31, et la jurisprudence citée ; voir également, en ce sens, arrêt de la Cour du 12 novembre 1998, Italie/Conseil, C‑352/96, Rec. p. I‑6937, points 20 et 21).

56      La jurisprudence développée dans des affaires relatives aux accords GATT et de l’Organisation mondiale du commerce, a également été appliquée dans l’arrêt du 16 juin 1998, Racke (C‑162/96, Rec. p. I‑3655), dans lequel la Cour a examiné la validité d’un règlement au regard du droit international coutumier dans la mesure où elle a considéré que « le justiciable invoqu[ait] des règles du droit coutumier international de nature fondamentale à l’encontre du règlement litigieux, lequel a[vait] été pris en application de ces règles et le priv[ait] des droits au traitement préférentiel que lui accord[ait] l’accord de coopération » (arrêt Racke, précité, point 48).

57      En l’espèce, il y a lieu de relever, d’une part, que, comme dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Nakajima/Conseil, point 54 supra (point 28), les requérantes mettent en cause, de façon incidente, conformément à l’article 241 CE, la validité d’une disposition du règlement no 1367/2006 au regard de la convention d’Aarhus.

58      D’autre part, force est de constater que le règlement no 1367/2006 a été adopté pour satisfaire aux obligations internationales de l’Union qui découlent de l’article 9, paragraphe 3, de la convention d’Aarhus. En effet, il ressort de l’article 1er, paragraphe 1, sous d), du règlement no 1367/2006 que ce règlement a pour objet de contribuer à l’exécution des obligations découlant de la convention d’Aarhus en garantissant notamment « l’accès à la justice en matière d’environnement au niveau de l’Union, dans les conditions prévues par le présent règlement ». De plus, le considérant 18 du règlement no 1367/2006 se réfère expressément à l’article 9, paragraphe 3, de la convention d’Aarhus. En outre, il ressort de la jurisprudence de la Cour que des obligations découlent de l’article 9, paragraphe 3, de la convention d’Aarhus et que le règlement no 1367/2006 a pour objet de mettre en œuvre les stipulations de l’article 9, paragraphe 3, de la convention d’Aarhus en ce qui concerne les institutions de l’Union (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 8 mars 2011, Lesoochranárske zoskupenie, C‑240/09, Rec. p. I‑1255, points 39 et 41).

59      Il s’ensuit qu’il convient de vérifier la validité de la disposition dont l’illégalité a été excipée par les requérantes au regard de l’article 9, paragraphe 3, de la convention d’Aarhus, ce qui implique de déterminer si la notion d’« actes » figurant à l’article 9, paragraphe 3, de la convention d’Aarhus peut être interprétée comme se limitant aux « mesure[s] de portée individuelle ».

60      L’article 9, paragraphe 3, de la convention d’Aarhus dispose :

« En outre, et sans préjudice des procédures de recours visées aux paragraphes 1 et 2 ci-dessus, chaque Partie veille à ce que les membres du public qui répondent aux critères éventuels prévus par son droit interne puissent engager des procédures administratives ou judiciaires pour contester les actes ou omissions de particuliers ou d’autorités publiques allant à l’encontre des dispositions du droit national de l’environnement. »

61      La notion d’« actes » figurant à l’article 9, paragraphe 3, de la convention d’Aarhus n’est pas définie dans cette convention. Conformément à une jurisprudence constante, un traité international doit être interprété en fonction des termes dans lesquels il est rédigé ainsi qu’à la lumière de ses objectifs. Les articles 31 des conventions de Vienne, du 23 mai 1969, sur le droit des traités, et du 21 mars 1986, sur le droit des traités entre États et organisations internationales ou entre organisations internationales, qui expriment en ce sens le droit international général coutumier, précisent, à cet égard, qu’un traité doit être interprété de bonne foi, suivant le sens ordinaire à attribuer à ses termes dans leur contexte, et à la lumière de son objet et de son but (voir arrêt de la Cour du 10 janvier 2006, IATA et ELFAA, C‑344/04, Rec. p. I‑403, point 40, et la jurisprudence citée).

62      Il convient, tout d’abord, de rappeler les objectifs de la convention d’Aarhus.

63      Ainsi, il ressort des sixième et huitième considérants du préambule de la convention d’Aarhus que les auteurs de cette convention, en « [r]econnaissant qu’une protection adéquate de l’environnement est essentielle au bien-être de l’homme ainsi qu’à la jouissance des droits fondamentaux, y compris du droit à la vie lui-même », considèrent que, « afin d’être en mesure de faire valoir ce droit et de s’acquitter de ce devoir, les citoyens doivent avoir accès à l’information, être habilités à participer au processus décisionnel et avoir accès à la justice en matière d’environnement, étant entendu qu’ils peuvent avoir besoin d’une assistance pour exercer leurs droits ». De plus, il découle du neuvième considérant du préambule de la convention d’Aarhus que, « dans le domaine de l’environnement, un meilleur accès à l’information et la participation accrue du public au processus décisionnel permettent de prendre de meilleures décisions et de les appliquer plus efficacement, contribuent à sensibiliser le public aux problèmes environnementaux, lui donnent la possibilité d’exprimer ses préoccupations et aident les autorités publiques à tenir dûment compte de celles-ci ».

64      En outre, l’article 1er de la convention d’Aarhus, intitulé « Objet », dispose que, « [a]fin de contribuer à protéger le droit de chacun, dans les générations présentes et futures, de vivre dans un environnement propre à assurer sa santé et son bien-être, chaque Partie garantit les droits d’accès à l’information sur l’environnement, de participation du public au processus décisionnel et d’accès à la justice en matière d’environnement conformément aux dispositions de la présente Convention ».

65      Il y a lieu de considérer qu’une procédure de réexamen interne qui ne concernerait que les mesures de portée individuelle aurait une portée très limitée dans la mesure où les actes pris dans le domaine de l’environnement sont le plus souvent des actes de portée générale. Or, au vu des objectifs et de l’objet de la convention d’Aarhus, une telle limitation n’est pas justifiée.

66      Ensuite, s’agissant des termes dans lesquels l’article 9, paragraphe 3, de la convention d’Aarhus est rédigé, il y a lieu de relever qu’ils laissent une certaine marge de manœuvre aux parties à la convention d’Aarhus quant à la définition des personnes habilitées à engager des procédures administratives ou judiciaires et quant à la nature de la procédure (administrative ou judiciaire). En effet, selon cette disposition, seuls « les membres du public qui répondent aux critères éventuels prévus par [le] droit interne [peuvent] engager des procédures administratives ou judiciaires ». Cependant, les termes de l’article 9, paragraphe 3, de la convention d’Aarhus ne laissent pas la même marge de manœuvre s’agissant de la définition des « actes » susceptibles d’être contestés. Dès lors, il n’y a aucune raison d’interpréter la notion d’« actes » de l’article 9, paragraphe 3, de la convention d’Aarhus comme couvrant seulement les actes de portée individuelle.

67      Enfin, s’agissant des termes des autres dispositions de la convention d’Aarhus, il y a lieu de relever qu’en vertu de l’article 2, paragraphe 2, de cette convention la notion d’autorité publique « n’englobe pas les organes ou institutions agissant dans l’exercice de pouvoirs judiciaires ou législatifs ». Ainsi, les actes adoptés par une institution ou un organe de l’Union agissant dans l’exercice de son pouvoir judiciaire ou législatif peuvent donc être exclus de la notion d’« actes » figurant à l’article 9, paragraphe 3, de la convention d’Aarhus. Cette exclusion ne permet toutefois pas de limiter la notion d’« actes » de l’article 9, paragraphe 3, de la convention d’Aarhus aux seules mesures de portée individuelle. En effet, il n’existe pas de corrélation entre les actes de portée générale et ceux pris par une autorité publique dans l’exercice de son pouvoir judiciaire ou législatif. Les actes de portée générale ne sont pas nécessairement des actes pris par une autorité publique dans l’exercice de son pouvoir judiciaire ou législatif.

68      Il s’ensuit que l’article 9, paragraphe 3, de la convention d’Aarhus ne peut pas être interprété comme se référant uniquement aux mesures de portée individuelle.

69      Dès lors, l’article 10, paragraphe 1, du règlement no 1367/2006, en ce qu’il limite la notion d’« actes » de l’article 9, paragraphe 3, de la convention d’Aarhus aux seuls « acte[s] administratif[s] », définis à l’article 2, paragraphe 1, sous g), du même règlement comme des « mesure[s] de portée individuelle », n’est pas compatible avec l’article 9, paragraphe 3, de la convention d’Aarhus.

70      Cette conclusion n’est pas remise en cause par les arguments des intervenantes.

71      S’agissant de l’argument du Parlement et du Conseil selon lequel la notion d’« actes » figurant à l’article 9, paragraphe 3, de la convention d’Aarhus doit être limitée, en droit de l’Union, aux mesures de portée individuelle, parce que la procédure de réexamen interne, n’étant pas autonome de la procédure judiciaire prévue à l’article 12 du règlement no 1367/2006, doit être conforme à l’article 230 CE, et notamment à la condition selon laquelle le requérant doit être individuellement et directement concerné par l’acte attaqué, il suffit de rappeler le contenu de l’article 12, paragraphe 1, du règlement no 1367/2006.

72      En vertu de l’article 12, paragraphe 1, du règlement no 1367/2006, une organisation non gouvernementale ayant introduit une demande de réexamen interne en vertu de l’article 10 dudit règlement peut saisir la Cour de justice conformément aux dispositions pertinentes du traité et donc conformément à l’article 230 CE. Or, quelle que soit la portée de la mesure ayant fait l’objet du réexamen interne prévu à l’article 10 de ce règlement, les conditions de recevabilité de l’article 230 CE doivent, en tout état de cause, être respectées dans l’hypothèse d’un recours devant les juridictions de l’Union.

73      Par ailleurs, les conditions de l’article 230 CE, et notamment celle selon laquelle le requérant doit être individuellement et directement concerné par l’acte attaqué, s’appliquent également aux mesures de portée individuelle dont le requérant n’est pas le destinataire. Une organisation non gouvernementale, qui remplit les conditions énoncées à l’article 11 du règlement no 1367/2006, ne sera donc pas nécessairement directement et individuellement concernée par une mesure de portée individuelle. Contrairement à ce que le Parlement et le Conseil affirment, la limitation de la notion d’« actes » aux seuls actes de portée individuelle ne permet pas de garantir que la condition prévue à l’article 230 CE, selon laquelle le requérant doit être directement et individuellement concerné par l’acte attaqué, sera remplie.

74      Le Conseil soutient également que l’article 9, paragraphe 3, de la convention d’Aarhus implique une liberté d’appréciation qui laisse une marge de manœuvre suffisante pour transposer l’obligation qui résulte de cet article par des procédures nationales combinées à des questions préjudicielles posées à la Cour.

75      À cet égard, il convient de souligner que, pour qu’une organisation non gouvernementale, qui remplit les conditions pour introduire une demande de réexamen interne énoncées à l’article 11 du règlement no 1367/2006, puisse mettre en cause indirectement une mesure de portée générale adoptée par une institution de l’Union devant une juridiction nationale, cela suppose que cette mesure de portée générale ait été transposée en droit national. Or, toutes les mesures de portée générale prises par les institutions de l’Union dans le domaine de l’environnement ne font pas l’objet d’une transposition nationale qui peut être contestée devant une juridiction nationale.

76      En outre, l’argument du Conseil n’est pas étayé par des éléments établissant comment, en l’espèce, les requérantes pourraient remettre en cause la mesure de portée générale, dont elles ont demandé le réexamen à la Commission, devant une juridiction nationale.

77      Il s’ensuit que l’exception d’illégalité dirigée contre l’article 10, paragraphe 1, du règlement no 1367/2006, lu en combinaison avec l’article 2, paragraphe 1, sous g), du même règlement, doit être accueillie et, partant, le second moyen. Par conséquent, la décision attaquée doit être annulée.

 Sur les dépens

78      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, y compris ceux afférents à la procédure de référé, conformément aux conclusions en ce sens des requérantes.

79      Aux termes de l’article 87, paragraphe 4, premier alinéa, du règlement de procédure, les États membres et les institutions qui sont intervenus au litige supportent leurs dépens. Il y a donc lieu d’ordonner que le Royaume des Pays-Bas, le Parlement et le Conseil supporteront leurs propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision C (2009) 6121 de la Commission, du 28 juillet 2009, est annulée.

2)      La Commission européenne est condamnée à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par Vereniging Milieudefensie et Stichting Stop Luchtverontreiniging Utrecht, y compris ceux afférents à la procédure de référé.

3)      Le Royaume des Pays-Bas, le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne supporteront leurs propres dépens.

Dittrich

Wiszniewska-Białecka

Prek

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 14 juin 2012.

Signatures


*Langue de procédure : le néerlandais.