Language of document : ECLI:EU:C:2013:36

ARRÊT DE LA COUR (huitième chambre)

24 janvier 2013 (*)

«Pourvoi – Aides d’État – Mesures de réduction fiscale – Marins travaillant à bord des navires inscrits sur le registre international danois – Article 88, paragraphe 3, CE – Phase préliminaire d’examen – Décision de la Commission de ne pas soulever d’objections – Recours en annulation – Conditions d’ouverture de la procédure formelle d’examen – Existence de doutes en ce qui concerne la compatibilité de l’aide avec le marché commun – Délai d’examen»

Dans l’affaire C‑646/11 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 8 décembre 2011,

Falles Fagligt Forbund (3F), anciennement Specialarbejderforbundet i Danmark (SID), établi à Copenhague (Danemark), représenté par Me P. Torbøl, advokat, Me S. Aparicio Hill, abogada, et Mme V. Edwards, solicitor,

partie requérante,

les autres parties à la procédure étant:

Commission européenne, représentée par MM. H. van Vliet et P.-J. Loewenthal, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse en première instance,

Royaume de Danemark, représenté par MM. C. Vang et C. Thorning, en qualité d’agents,

partie intervenante en première instance,

LA COUR (huitième chambre),

composée de M. E. Jarašiūnas, président de chambre, M. A. Ó Caoimh (rapporteur) et Mme C. Toader, juges,

avocat général: Mme E. Sharpston,

greffier: M. K. Malacek, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 12 novembre 2012,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        Par son pourvoi, Falles Fagligt Forbund (3F), anciennement Specialarbejderforbundet i Danmark (SID) (ci-après «3F»), le syndicat général des travailleurs du Danemark, demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 27 septembre 2011, 3F/Commission (T-30/03 RENV, non encore publié au Recueil, ci-après l’«arrêt attaqué»), par lequel celui-ci a rejeté son recours tendant à l’annulation de la décision de la Commission C (2002) 4370 final, du 13 novembre 2002, de ne pas soulever d’objections à l’égard des mesures fiscales danoises applicables aux marins employés à bord des navires inscrits sur le registre international danois (ci-après la «décision litigieuse»).

 Les faits à l’origine du litige

2        Les faits à l’origine du litige, tels qu’ils ressortent des points 1 à 20 de l’arrêt attaqué, sont les suivants:

«1      Le 1er juillet 1988, le Royaume de Danemark a adopté la loi n° 408 (Lovtidende 1997 A, p. 27329), entrée en vigueur le 23 août 1988, instaurant un registre international danois des navires (ci-après le ‘registre DIS’). Ce registre est venu s’ajouter au registre ordinaire danois des navires (ci-après le ‘registre DAS’). Le registre DIS a pour objectif de lutter contre l’évasion des pavillons maritimes danois vers les pavillons de pays tiers. Les armateurs dont les navires sont inscrits sur le registre DIS ont le droit d’employer sur ces navires des marins de pays tiers aux conditions salariales prévalant dans les pays d’origine de ces marins.

2      Le même jour, le Royaume de Danemark a adopté les lois nos 361, 362, 363 et 364, entrées en vigueur le 1er janvier 1989, instaurant plusieurs mesures fiscales relatives aux marins employés à bord de navires inscrits sur le registre DIS (Lovtidende 1988 A, p. 36130, 36230, 36330 et 36430). En particulier, ceux-ci ont été exonérés de l’impôt sur le revenu danois alors que, dans le cadre du registre DAS, ils étaient soumis à une telle imposition.

3      Le 28 août 1998, […] 3F […] a déposé une plainte auprès de la Commission des Communautés européennes à l’encontre du Royaume de Danemark concernant les mesures fiscales en cause. Le requérant a ainsi soutenu que les règles fiscales applicables aux marins employés à bord de navires inscrits au registre DIS constituaient une aide d’État au sens de l’article 88 CE et que le régime d’aide en cause n’était pas compatible avec le marché commun, dès lors qu’il permettait des exemptions fiscales non seulement aux marins communautaires, c’est-à-dire ayant leur domicile fiscal dans un État membre, mais également à tous les marins y compris non communautaires, ce qui le rendait contraire, d’une part, au document de la Commission concernant les mesures financières et fiscales relatives à l’exploitation des navires immatriculés dans la Communauté [document SEC(89) 921 final […]] et, d’autre part, aux orientations communautaires sur les aides d’État au transport maritime (JO 1997, C 205, p. 5[…]). [3F] a également allégué que les dispositions des conventions relatives à la double imposition conclues entre, d’une part, le Royaume de Danemark et la République des Philippines et, d’autre part, le Royaume de Danemark et la République de Singapour constituaient également un régime d’aide illégal. Il a conclu que la Commission devait ouvrir la procédure prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE et a évoqué la procédure du recours en carence prévue à l’article 232 CE.

4      Par lettre du 21 octobre 1998, [3F] a rappelé à la Commission son obligation d’ouvrir la procédure formelle d’examen conformément à l’article 88, paragraphe 2, CE et a indiqué que, d’après ses informations, le régime fiscal en cause n’avait pas fait l’objet d’une notification.

5      Par lettre du 6 janvier 1999, [3F] a notamment indiqué qu’il ne saisirait pas la Cour de justice d’un recours en carence si la Commission lui donnait l’assurance de l’adoption d’une décision dans un délai de deux ou trois mois, tout en se réservant la possibilité de le faire ultérieurement.

6      Par lettre du 4 février 1999, la Commission a demandé des informations au Royaume de Danemark et, en particulier, si l’aide en cause avait été versée ou allait l’être.

7      Par lettre du 18 mars 1999, [3F] a adressé à la Commission de nouvelles observations concernant la notion de ‘marins communautaires’.

8      Le 19 mars 1999, une réunion a eu lieu entre la Commission et le Royaume de Danemark, au cours de laquelle la Commission a exprimé ses préoccupations concernant le régime fiscal spécifique qui s’appliquait à l’époque aux marins.

9      Par lettre du 13 avril 1999, le Royaume de Danemark a répondu à la lettre de la Commission du 4 février 1999, en indiquant notamment que le régime fiscal en cause avait été introduit en 1988. Il a également indiqué qu’il menait une enquête concernant la modification des règles d’imposition des salaires des non-résidents. Il a ajouté que la Commission serait tenue informée dès que cette enquête serait achevée et que le gouvernement danois aurait décidé si un projet de loi devait être présenté au parlement danois lors de la session suivante.

10      Le 4 juin 1999, [3F] a communiqué à la Commission la réponse d’un ministre danois au parlement danois évoquant la possibilité d’une modification du régime DIS.

11      Par lettre du 6 décembre 1999, le gouvernement danois a soumis au parlement danois un avant-projet de loi fiscale modifiant le régime DIS.

12      Par lettre du 10 janvier 2000, [3F] a fait part à la Commission de ses observations concernant les effets du régime DIS non modifié.

13      Par lettre du 3 avril 2000, le ministère des Impôts danois a informé la Commission de modifications apportées au projet de loi fiscale.

14      Une réunion a eu lieu le 4 avril 2000 entre la Commission et les autorités danoises, au terme de laquelle une enquête complémentaire s’est avérée nécessaire eu égard aux dernières modifications du projet de loi fiscale.

15      Par lettre du 6 avril 2000, le Royaume de Danemark a indiqué que les modifications au projet de loi fiscale, introduites à la suite des discussions avec la Commission lors de la réunion du 4 avril 2000, ne seraient pas présentées au parlement danois avant que la Commission n’ait formellement indiqué qu’elles n’étaient pas contraires au droit communautaire et a demandé à la Commission une lettre administrative en ce sens dès que possible.

16      Par lettres des 18 avril et 15 mai 2000, [3F] a adressé à la Commission ses observations concernant les modifications apportées au projet de loi fiscale.

17      Le 30 novembre 2000, la Commission a demandé des informations supplémentaires au Royaume de Danemark, concernant notamment des questions fiscales. Ce dernier y a répondu le 15 janvier 2001.

18      [3F] a adressé des observations à la Commission par lettres des 1er février, 29 juin et 5 novembre 2001.

19      Une réunion a eu lieu le 27 mai 2002 entre la Commission et [3F], au cours de laquelle ce dernier a évoqué la possibilité d’introduire un recours en carence.

[…]

20      Le 13 novembre 2002, la Commission a adopté la décision [litigieuse], aux termes de laquelle elle a décidé ne pas soulever d’objections à l’égard des mesures fiscales appliquées depuis le 1er janvier 1989 aux marins employés à bord des navires inscrits au Danemark, tant sur le registre DAS que sur le registre DIS, en considérant qu’elles constituaient des aides d’État, mais qu’elles étaient compatibles avec le marché commun, en vertu de l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE.»

 La procédure devant le Tribunal et la Cour

3        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 30 janvier 2003, 3F a demandé l’annulation de la décision litigieuse.

4        Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le 17 mars 2003, la Commission a soulevé une exception d’irrecevabilité au titre de l’article 114 du règlement de procédure du Tribunal, par laquelle elle a demandé à ce dernier de rejeter le recours comme étant manifestement irrecevable.

5        Par ordonnance du 23 avril 2007, SID/Commission (T‑30/03), le Tribunal a rejeté le recours comme étant irrecevable.

6        Par requête déposée au greffe de la Cour le 9 juillet 2007, 3F a, en vertu de l’article 56 du statut de la Cour de justice, formé un pourvoi contre cette ordonnance.

7        Par arrêt du 9 juillet 2009, 3F/Commission (C‑319/07 P, Rec. p. I‑5963), la Cour a annulé l’ordonnance SID/Commission, précitée, en tant qu’elle ne répondait pas aux arguments du requérant relatifs, d’une part, à la position concurrentielle de ce dernier à l’égard d’autres syndicats lors de la négociation de conventions collectives applicables aux marins et, d’autre part, aux aspects sociaux découlant des mesures fiscales relatives aux marins employés à bord des navires inscrits sur le registre DIS. La Cour a ensuite rejeté l’exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission devant le Tribunal. Enfin, elle a renvoyé l’affaire devant celui-ci pour qu’il statue sur les conclusions de 3F tendant à l’annulation de la décision litigieuse.

 L’arrêt attaqué

8        À l’appui de son recours en annulation, 3F, qui s’est désisté, lors de l’audience devant le Tribunal, de deux des trois moyens invoqués dans sa requête, a maintenu le moyen tiré de la violation de l’article 88, paragraphe 2, CE et du principe de bonne administration. Il a fait valoir à cet égard que des difficultés sérieuses se posaient dans la présente espèce qui auraient dû conduire la Commission à ouvrir la procédure formelle d’examen prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE. Ces difficultés sérieuses ressortiraient de la durée de la procédure préliminaire d’examen et des circonstances de cette procédure.

9        En ce qui concerne, en premier lieu, la durée de la procédure préliminaire d’examen, le Tribunal a relevé, au point 59 de l’arrêt attaqué, après avoir constaté que, en l’espèce, plus de quatre années s’étaient écoulées entre la réception de la plainte et la décision litigieuse, que la Commission, pour expliquer cette durée, faisait valoir «que la plainte était volumineuse, qu’elle s’est efforcée d’en traiter tous les aspects, y compris sous l’angle des accords fiscaux bilatéraux, et que le comportement [de 3F], qui lui a envoyé dix lettres, aurait contribué à allonger la durée de la procédure d’examen préliminaire».

10      À cet égard, aux points 60 à 67 de l’arrêt attaqué, le Tribunal, après avoir rappelé les divers échanges et réunions, qui ont eu lieu à la suite de la plainte, entre la Commission et, selon le cas, le requérant ou le Royaume de Danemark concernant, notamment, la notion de «marins communautaires», les réponses du Royaume de Danemark aux questions supplémentaires de la Commission et la possibilité d’une modification du régime DIS par le législateur danois, a considéré que ces échanges avaient contribué à allonger la durée de l’examen préliminaire et étaient de nature à expliquer, dans une large mesure, la durée de cet examen en l’espèce. Il a jugé que la Commission avait pu estimer nécessaire d’examiner l’ensemble des éléments de fait et de droit portés ainsi à sa connaissance et d’effectuer une enquête complémentaire auprès du Royaume de Danemark, y compris concernant la question des conventions fiscales bilatérales.

11      Dans ces circonstances, le Tribunal a considéré ce qui suit aux points 68 à 72 de l’arrêt attaqué:

«68      […] même si, considérée dans son ensemble, la durée de l’examen préliminaire peut être regardée comme excédant ce qu’implique normalement un premier examen, cette durée est justifiée en grande partie par les circonstances et le contexte de la procédure.

69      Cependant, ainsi que le requérant le souligne dans sa réplique, la question en l’espèce n’est pas le caractère raisonnable ou non de la durée de l’examen préliminaire, mais celle de savoir s’il existait des difficultés sérieuses.

70      Or, si la durée de l’examen préliminaire peut constituer un indice de l’existence de difficultés sérieuses, elle ne suffit pas en soi à démontrer l’existence de telles difficultés.

71      En particulier, le seul fait que des discussions se soient instaurées entre la Commission et l’État membre concerné durant la phase d’examen préliminaire et que, dans ce cadre, des informations complémentaires aient pu être demandées par la Commission sur les mesures soumises à son contrôle ne peut pas, en soi, être considéré comme une preuve de ce que cette institution se trouvait confrontée à des difficultés sérieuses d’appréciation (arrêt [du Tribunal du 10 mai 2000, SIC/Commission, T‑46/97, Rec. p. II‑2125], point 89 et la jurisprudence citée).

72      En outre, ce n’est que s’il est conforté par d’autres éléments que l’écoulement d’un délai, même excédant notablement ce qu’implique normalement un premier examen opéré dans le cadre des dispositions de l’article 88, paragraphe 3, CE, peut conduire à reconnaître que la Commission a rencontré des difficultés sérieuses d’appréciation exigeant que soit ouverte la procédure prévue par l’article 88, paragraphe 2, CE (voir, en ce sens, arrêt [du Tribunal du 12 décembre 2006, Asociación de Estaciones de Servicio de Madrid et Federación Catalana de Estaciones de Servicio/Commission, T‑95/03, Rec. p. II‑4739], point 135, et la jurisprudence citée)».

12      En ce qui concerne, en second lieu, les autres arguments invoqués par 3F concernant les circonstances de la procédure préliminaire d’examen, le Tribunal s’est, premièrement, prononcé sur l’argument selon lequel les modifications apportées au régime DIS par l’avant-projet de loi envoyé par le Royaume de Danemark apparaissaient comme un facteur de complication du dossier, bien que la décision litigieuse ne se soit pas prononcée sur celles-ci. Il a estimé, au terme des points 74 à 82 de l’arrêt attaqué, que 3F n’avait pas établi que ces modifications démontraient l’existence de difficultés sérieuses quant à l’appréciation de la compatibilité du régime DIS avec le marché commun, en particulier ce qui concerne la notion de «marins communautaires». À cet égard, après avoir réitéré que ces modifications législatives avaient certes constitué une cause de retard dans le cadre de l’examen préliminaire de la plainte, le Tribunal a souligné que les démarches accomplies à ce sujet par la Commission auprès des autorités danoises relevaient de sa marge d’appréciation dans l’optique de déterminer si lesdites modifications soulevaient des difficultés sérieuses, sans que cela permette en soi d’établir que la Commission se serait heurtée à de telles difficultés en l’espèce.

13      Deuxièmement, s’agissant de l’argument de 3F selon lequel, avant l’adoption de la décision litigieuse, la Commission n’a donné aucune réponse claire sur la notion de «marins communautaires», le Tribunal a jugé, aux points 84 et 85 de l’arrêt attaqué, que «la seule absence d’une telle prise de position formelle avant l’adoption de la décision [litigieuse] n’implique pas que la Commission se serait heurtée à des difficultés sérieuses» quant à l’appréciation de la compatibilité du régime DIS avec le marché commun, dès lors que la «phase préliminaire d’examen ne revêt pas un caractère contradictoire à l’égard du plaignant» et que «la Commission n’était pas tenue de donner sa position à cet égard au requérant avant l’adoption de [cette décision]».

14      Troisièmement, s’agissant de l’argument du requérant selon lequel la nécessité d’ouvrir une procédure formelle d’examen serait confirmée par les décisions de la Commission concernant les régimes fiscaux français et suédois, qui soulevaient au moins implicitement la même question, le Tribunal l’a rejeté aux points 87 et 88 de l’arrêt attaqué en soulignant que, d’une part, les régimes français et suédois présentaient des différences avec le régime danois en cause et, d’autre part, les circonstances entourant la phase préliminaire d’examen en l’espèce différaient grandement de celles des cas français et suédois, dès lors que ces régimes avaient été notifiés et qu’il s’agissait essentiellement de reconduire le régime déjà en vigueur en Suède et de proroger le régime français.

15      Au point 89 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a dès lors jugé ce qui suit:

«Il ressort de ce qui précède qu’aucun des éléments invoqués par le requérant ne permet d’établir que, au terme de la procédure d’examen préliminaire, la Commission se heurtait à des difficultés sérieuses en l’espèce, exigeant l’ouverture d’une procédure formelle d’examen.»

16      Dans ces conditions, ayant constaté, au point 94 de l’arrêt attaqué, qu’«il ressort de tout ce qui précède que [3F] n’a pas établi que la Commission aurait été confrontée à des difficultés sérieuses d’appréciation pour qualifier les mesures en cause au regard de la notion d’aide et pour établir leur compatibilité avec le marché commun», le Tribunal a conclu, aux points 95 et 96 de cet arrêt, que le moyen tiré de la violation de l’article 88, paragraphe 2, CE et du principe de bonne administration n’était pas fondé et, partant, a rejeté le recours dans son ensemble.

 Les conclusions des parties devant la Cour

17      3F demande à la Cour:

–        d’annuler l’arrêt attaqué;

–        de statuer définitivement sur le litige en vertu de l’article 61 du statut de la Cour, et

–        de condamner la Commission aux dépens.

18      La Commission et le Royaume de Danemark demandent à la Cour de rejeter le pourvoi et de condamner 3F aux dépens.

 Sur le pourvoi

19      À l’appui de son pourvoi, le requérant soulève trois moyens. Par son premier moyen, il soutient que le Tribunal a commis une erreur de droit dans l’interprétation et l’application de la jurisprudence relative à l’appréciation de la durée de l’examen préliminaire en vertu de l’article 88, paragraphe 3, CE. Le deuxième moyen est tiré d’une erreur de droit dans l’interprétation et l’application de la jurisprudence relative au sens à donner à la notion de «difficultés sérieuses» et à la détermination de l’existence ou non de celles-ci. Enfin, dans le cadre de son troisième moyen, le requérant fait valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit en ne répondant pas au moyen tiré de la violation du principe de bonne administration et, à titre subsidiaire, en appliquant et en interprétant de manière incorrecte la jurisprudence relative à ce principe.

 Sur le premier moyen

 Argumentation des parties

20      Par son premier moyen, 3F soutient que le Tribunal, en n’ayant pas exigé de la Commission qu’elle démontre l’existence de circonstances exceptionnelles susceptibles de justifier la durée extraordinairement longue de l’examen préliminaire prévu à l’article 88, paragraphe 3, CE, a commis une erreur de droit.

21      Selon le requérant, il découle de la jurisprudence relative à l’appréciation de la durée de cet examen et, notamment, de l’arrêt du Tribunal du 15 septembre 1998, Gestevisión Telecinco/Commission (T‑95/96, Rec. p. II‑3407), qu’un examen préliminaire d’une durée extraordinairement longue suppose que la Commission démontre l’existence de circonstances exceptionnelles justifiant une telle durée. Le Tribunal aurait méconnu cette jurisprudence en concluant, au point 68 de l’arrêt attaqué, que la durée de l’examen préliminaire était en l’espèce justifiée, sans avoir constaté que les éléments invoqués par la Commission, mentionnés au point 59 de cet arrêt, pour expliquer la durée de cet examen, relevaient de telles circonstances exceptionnelles.

22      La Commission fait valoir que le fait que la durée de l’examen préliminaire excède largement le temps normalement requis pour un examen initial ne suffit pas, à lui seul, pour démontrer l’existence de difficultés sérieuses. Ce serait dès lors à juste titre que, au point 72 de l’arrêt attaqué, le Tribunal aurait considéré que ce n’est que s’il est conforté par d’autres éléments que l’écoulement d’un délai qui semble excessif peut conduire à constater l’existence de telles difficultés. Ce faisant, le Tribunal n’aurait nullement méconnu sa jurisprudence. En effet, pour déterminer si la Commission a été confrontée à des difficultés sérieuses, le Tribunal examinerait invariablement, lorsque la durée de l’examen préliminaire excède notablement celle qu’implique normalement un premier examen, si cette durée peut être considérée comme raisonnable en fonction des circonstances propres de chaque affaire (voir, notamment, arrêt du Tribunal du 11 juillet 2007, Asklepios Kliniken/Commission, T‑167/04, Rec. p. II‑2379, point 81). Tel serait également le critère appliqué dans l’arrêt Gestevisión Telecinco/Commission, précité. Ce serait dans cette optique que le Tribunal aurait légitimement conclu, aux points 58 à 68 de l’arrêt attaqué, que les circonstances propres à l’espèce justifiaient dans une large mesure la durée de l’examen préliminaire.

23      Le Royaume de Danemark estime que le temps considérable pris par la Commission pour mener à bien son appréciation avant de décider de ne pas ouvrir une procédure formelle d’examen s’explique, notamment, par le fait que le requérant a présenté à plusieurs reprises à la Commission de nouvelles informations. En tout état de cause, en l’espèce, aucun élément n’indiquerait que la Commission aurait, après avoir, pendant quatre ans, examiné de façon approfondie le régime DIS, eu un doute quant à la compatibilité dudit régime avec le marché commun lorsqu’elle a adopté la décision litigieuse.

 Appréciation de la Cour

24      En vue d’examiner le présent moyen, il y a lieu, à titre liminaire, de rappeler que l’article 4 du règlement (CE) n° 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article [88] du traité CE (JO L 83, p. 1), instaure une phase préliminaire d’examen des mesures d’aide notifiées qui a pour objet de permettre à la Commission de se former une première opinion sur la compatibilité avec le marché commun de l’aide en cause. À l’issue de cette phase, la Commission constate que cette mesure soit ne constitue pas une aide, soit entre dans le champ d’application de l’article 87, paragraphe 1, CE. Dans cette dernière hypothèse, ladite mesure peut ne pas susciter de doutes quant à sa compatibilité avec le marché commun ou, au contraire, en susciter (arrêt du 24 mai 2011, Commission/Kronoply et Kronotex, C-83/09 P, non encore publié au Recueil, point 43; ordonnance du 9 juin 2011, TF1/Commission, C‑451/10 P, point 47; arrêts du 22 septembre 2011, Belgique/Deutsche Post et DHL International, C‑148/09 P, non encore publié au Recueil, point 53, ainsi que du 27 octobre 2011, Autriche/Scheucher-Fleisch e.a., C‑47/10 P, non encore publié au Recueil, point 40).

25      Si la Commission constate, après l’examen préliminaire, que la mesure notifiée, pour autant qu’elle entre dans le champ d’application de l’article 87, paragraphe 1, CE, ne suscite pas de doutes quant à sa compatibilité avec le marché commun, elle adopte une décision de ne pas soulever d’objections au titre de l’article 4, paragraphe 3, du règlement n° 659/1999 (arrêt Commission/Kronoply et Kronotex, précité, point 44; ordonnance TF1/Commission, précitée, point 48, ainsi que arrêt Autriche/Scheucher-Fleisch e.a., précité, point 41).

26      Lorsque la Commission adopte une telle décision, elle déclare non seulement la mesure compatible avec le marché commun, mais elle refuse également implicitement d’ouvrir la procédure formelle d’examen prévue aux articles 88, paragraphe 2, CE et 6, paragraphe 1, du règlement n° 659/1999 (arrêts précités Commission/Kronoply et Kronotex, point 45, ainsi que Autriche/Scheucher-Fleisch e.a., point 42).

27      Si la Commission constate, après l’examen préliminaire, que la mesure notifiée suscite des doutes quant à sa compatibilité avec le marché commun, elle est tenue d’adopter, sur le fondement de l’article 4, paragraphe 4, du règlement n° 659/1999, une décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen prévue aux articles 88, paragraphe 2, CE et 6, paragraphe 1, dudit règlement (arrêt Commission/Kronoply et Kronotex, précité, point 46; ordonnance TF1/Commission, précitée, point 50, ainsi que Belgique/Deutsche Post et DHL International, précité, point 77).

28      À cet égard, selon une jurisprudence constante, la procédure prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE revêt un caractère indispensable dès lors que la Commission éprouve des difficultés sérieuses pour apprécier si une aide est compatible avec le marché commun. La Commission ne peut donc s’en tenir à la phase préliminaire d’examen visée à l’article 88, paragraphe 3, CE pour prendre une décision favorable à une aide que si elle est en mesure d’acquérir la conviction, au terme d’un premier examen, que cette aide est compatible avec le marché commun (voir arrêts du 2 avril 2009, Bouygues et Bouygues Télécom/Commission, C‑431/07 P, Rec. p. I‑2665, point 61 et jurisprudence citée, ainsi que Autriche/Scheucher-Fleisch e.a., précité, point 70).

29      En l’espèce, la décision litigieuse est une décision de ne pas soulever d’objections fondée sur l’article 4, paragraphe 3, du règlement n° 659/1999. La légalité de cette décision dépend donc du point de savoir si la compatibilité de l’aide en cause avec le marché commun suscitait objectivement des doutes.

30      Lorsqu’un requérant demande l’annulation d’une décision de ne pas soulever d’objections, il doit apporter la preuve de l’existence de doutes sur cette compatibilité (arrêt Commission/Kronoply et Kronotex, précité, point 59).

31      Cette preuve peut être rapportée à partir d’un faisceau d’indices concordants, l’existence d’un doute devant être recherchée tant dans les circonstances de l’adoption de la décision de ne pas soulever d’objections que dans son contenu, en mettant en rapport les appréciations sur lesquelles s’est fondée la Commission dans ladite décision avec les éléments dont celle-ci disposait lorsqu’elle s’est prononcée sur la compatibilité de l’aide en cause avec le marché commun (voir, en ce sens, arrêts du 19 mai 1993, Cook/Commission, C‑198/91, Rec. p. I‑2487, points 30 et 31; Bouygues et Bouygues Télécom/Commission, précité, point 63; ordonnance TF1/Commission, précitée, point 52, ainsi que arrêt Autriche/Scheucher-Fleisch e.a., précité, points 71 et 72).

32      Il en ressort que, si la durée de la procédure préliminaire d’examen peut constituer un indice de ce que la Commission a pu avoir des doutes en ce qui concerne la compatibilité de l’aide en cause avec le marché commun, cette durée ne saurait à elle seule permettre de déduire que la Commission aurait dû ouvrir la procédure formelle d’examen (voir, en ce sens, arrêts du 20 mars 1984, Allemagne/Commission, 84/82, Rec. p. I‑1451, points 14 à 17, ainsi que Belgique/Deutsche Post et DHL International, précité, point 81).

33      Par le présent moyen, le requérant fait grief au Tribunal d’avoir conclu, au point 68 de l’arrêt attaqué, que la durée de la phase préliminaire d’examen en l’espèce, bien qu’elle excède ce qu’implique normalement un premier examen, est justifiée en grande partie par les circonstances et le contexte de la procédure, sans avoir constaté que ces éléments relevaient de circonstances exceptionnelles.

34      Il y a toutefois lieu de constater que, nonobstant ce qu’il a conclu au point 68 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a considéré au point 69 de cet arrêt que la question en l’espèce était non pas, comme le requérant le soulignait lui-même, le caractère raisonnable de la durée de l’examen préliminaire, mais celle de savoir s’il existait des difficultés sérieuses de nature à susciter des doutes en ce qui concerne la compatibilité de l’aide. Or, s’agissant de cette dernière question, le Tribunal a estimé, au point 70 dudit arrêt, que la durée de l’examen préliminaire, si elle ne suffisait pas en soi à démontrer l’existence de difficultés sérieuses, pouvait néanmoins constituer un indice de l’existence de telles difficultés.

35      Le Tribunal a indiqué à cet égard, au point 72 du même arrêt, que ce n’est que s’il est conforté par d’autres éléments que l’écoulement d’un délai, qui excède même notablement ce qu’implique normalement un premier examen opéré dans le cadre des dispositions de l’article 88, paragraphe 3, CE, peut conduire à reconnaître que la Commission a rencontré des difficultés sérieuses. En conséquence, le Tribunal a examiné, aux points 73 à 89 de l’arrêt attaqué, si les autres éléments invoqués par le requérant tenant aux circonstances de la procédure préliminaire d’examen étaient de nature à conforter cet indice, avant de conclure, au point 94 de cet arrêt, qu’«il ressort de tout ce qui précède que le requérant n’a pas établi que la Commission aurait été confrontée à des difficultés sérieuses».

36      Il apparaît dès lors que le Tribunal, contrairement à ce que le requérant suppose par le présent moyen, n’a tiré aucune conséquence de fait ou de droit de la constatation effectuée au point 68 de l’arrêt attaqué concernant le caractère justifié de la durée de la phase préliminaire d’examen au regard des circonstances et du contexte de la procédure, mais qu’il a, au contraire, examiné si l’indice de l’existence de doutes résultant de la durée a priori excessive de cette phase dans la présente espèce était conforté par d’autres éléments.

37      En conséquence, il convient de rejeter le premier moyen comme étant inopérant.

 Sur le deuxième moyen

 Argumentation des parties

38      Par son deuxième moyen, 3F soutient que le Tribunal a commis une erreur de droit en interprétant et en appliquant la jurisprudence relative au sens à donner à la notion de «difficultés sérieuses» et à la détermination de l’existence ou non de celles-ci.

39      Par la première branche de ce moyen, le requérant reproche au Tribunal d’avoir constaté, au point 68 de l’arrêt attaqué, que la durée de l’examen préliminaire est justifiée, même si, considérée dans son ensemble, cette durée peut être regardée comme excédant ce qu’implique normalement un premier examen. D’une part, contrairement à ce qui a été jugé au point 60 de cet arrêt, il ressortirait de la jurisprudence, consacrée notamment par l’arrêt Asociación de Estaciones de Servicio de Madrid et Federación Catalana de Estaciones de Servicio/Commission, précité (points 123 et 124), que le contenu de la plainte initiale ne saurait justifier une durée de plus de quatre ans. D’autre part, si, selon l’arrêt du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink's France (C‑367/95 P, Rec. p. I‑1719, points 58 ainsi que 59), la Commission n’est pas tenue, comme le relève le Tribunal au point 84 de l’arrêt attaqué, d’engager un débat contradictoire avec le plaignant lors de la phase préliminaire d’examen, l’engagement par celle-ci d’un tel débat ne saurait justifier la durée déraisonnable de la phase préliminaire d’examen.

40      Par ailleurs, le requérant fait valoir que la circonstance, relevée par le Tribunal au point 70 de l’arrêt attaqué, selon laquelle la durée de l’examen préliminaire ne suffit pas en soi à démontrer l’existence de difficultés sérieuses, ne signifie pas que le temps écoulé peut être considéré de manière isolée par rapport aux circonstances de la procédure d’examen et au contenu de l’acte attaqué. Le Tribunal aurait lui-même jugé, dans son arrêt du 10 février 2009, Deutsche Post et DHL International/Commission (T‑388/03, Rec. p. II‑199, point 106), que lorsque la procédure menée par la Commission excède notablement ce qu’implique normalement un premier examen opéré dans le cadre des dispositions de l’article 88, paragraphe 3, CE, cette circonstance constitue un indice probant de l’existence de difficultés sérieuses.

41      Par la seconde branche du deuxième moyen, le requérant reproche au Tribunal d’avoir commis une erreur de droit en ayant examiné séparément, aux points 74 à 88 de l’arrêt attaqué, les arguments spécifiques avancés par le requérant à cet égard, sans procéder à une appréciation globale de l’ensemble des circonstances relatives à la phase préliminaire d’examen. Ainsi que cela ressortirait de la jurisprudence du Tribunal citée au point 72 de l’arrêt attaqué, tous les éléments, y compris les circonstances et la durée de la procédure, devraient être pris en compte, ce que le Tribunal aurait manifestement omis de faire. En outre, lorsque tous ces éléments pertinents sont pris en considération, l’importance à accorder à la durée de l’examen préliminaire serait proportionnelle à cette durée. Cette importance serait donc d’autant plus grande que la durée excède considérablement ce qu’implique normalement un premier examen.

42      La Commission fait valoir, en ce qui concerne la première branche de ce moyen, que, s’agissant du contenu de la plainte, le requérant néglige de prendre en considération la nécessité de tenir compte des circonstances propres à chaque affaire pour déterminer le caractère raisonnable de la durée de la phase préliminaire d’examen. Par ailleurs, le raisonnement du requérant tiré de l’arrêt Commission/Sytraval et Brink's France, précité, ne tiendrait pas compte du fait que, notamment, la faculté pour la Commission d’engager un dialogue avec l’État membre concerné ou des tiers afin de surmonter, au cours de la phase préliminaire d’examen, des difficultés éventuellement rencontrées présuppose que la Commission puisse adapter sa position en fonction des résultats du dialogue engagé, sans que cette adaptation doive être a priori interprétée comme établissant l’existence de difficultés sérieuses.

43      Par ailleurs, s’agissant de l’allégation tirée d’une appréciation erronée de la durée des procédures, isolément des circonstances de la procédure d’examen et du contenu de la mesure contestée, la Commission observe que l’arrêt Deutsche Post et DHL International/Commission, précité, concernait un régime d’aide notifié, alors que, en l’espèce, il s’agit d’un régime non notifié pour lequel, selon l’arrêt du 11 juillet 1996, SFEI e.a. (C‑39/94, Rec. p. I‑3547, point 48), la Commission n’est pas tenue d’opérer un premier examen dans un délai déterminé. En tout état de cause, dans cet arrêt Deutsche Post et DHL International/Commission, le Tribunal n’aurait nullement considéré que la durée de la procédure pourrait en elle-même et à elle seule indiquer l’existence de difficultés sérieuses.

44      En ce qui concerne la seconde branche du deuxième moyen, la Commission conteste l’allégation selon laquelle le Tribunal n’aurait pas pris en compte l’ensemble des facteurs, y compris les circonstances et la durée de la procédure, afin de rechercher si elle avait été confrontée à des difficultés sérieuses. En effet, ce n’est qu’après avoir examiné les facteurs expliquant la longueur de la phase préliminaire d’examen, aux points 57 à 72 de l’arrêt attaqué, et tous les arguments avancés par le requérant en relation avec les circonstances de cette procédure préliminaire d’examen, aux points 73 à 88 de cet arrêt, que le Tribunal aurait conclu, au point 89 dudit arrêt, qu’aucun des éléments invoqués par le requérant ne permettait d’établir que, au terme de la phase préliminaire d’examen, la Commission s’était heurtée à des difficultés sérieuses. Quant à l’allégation selon laquelle l’importance qu’il convient d’accorder à la longueur de la procédure préliminaire d’examen dans l’analyse de l’existence éventuelle de difficultés sérieuses devrait être proportionnelle à cette longueur, elle n’aurait pas le moindre fondement jurisprudentiel.

45      Le Royaume de Danemark souligne que, le régime DIS étant conforme aux orientations pertinentes de la Commission, il ne pouvait y avoir aucun doute sur la compatibilité de ce régime. 3F aurait donc pu légitimement s’attendre à ce que la Commission n’engage pas de procédure formelle d’examen.

 Appréciation de la Cour

46      Pour les motifs déjà exposés aux points 33 à 36 du présent arrêt, il convient d’emblée de rejeter comme inopérant la première branche du deuxième moyen en ce qu’elle vise à contester la constatation effectuée par le Tribunal au point 68 de l’arrêt attaqué, selon laquelle la durée de la phase préliminaire d’examen est justifiée.

47      Pour le surplus, pour autant que le requérant vise, par cette première branche, à reprocher au Tribunal d’avoir examiné de manière isolée la durée de la phase préliminaire d’examen par rapport aux autres circonstances de l’adoption de la décision litigieuse et au contenu de celle-ci, il suffit de constater que, ainsi qu’il découle déjà du point 35 du présent arrêt, l’argumentation du requérant se fonde sur une lecture erronée de l’arrêt attaqué. En effet, il ressort clairement des points 70 à 89 de cet arrêt que ce n’est qu’après avoir vérifié si l’indice de l’existence de doutes résultant de la durée de l’examen préliminaire était conforté par d’autres éléments relatifs aux circonstances ayant entouré l’adoption de la décision litigieuse, que le Tribunal a conclu, au point 94 dudit arrêt, que le requérant n’avait pas établi que la Commission aurait été confrontée à des difficultés sérieuses. Par ailleurs, le requérant n’ayant invoqué devant le Tribunal aucun argument tiré du contenu de cette décision, il ne saurait faire grief au Tribunal de ne pas avoir pris en compte cet élément dès lors que, comme il a été rappelé au point 30 du présent arrêt, c’est au requérant qu’il incombe d’apporter les preuves de l’existence de difficultés sérieuses de nature à susciter des doutes.

48      Partant, il convient de rejeter la première branche du deuxième moyen comme étant pour partie inopérante et pour partie non fondée.

49      En ce qui concerne la seconde branche de ce moyen, il convient de la rejeter comme étant irrecevable, en ce que le requérant reproche au Tribunal d’avoir examiné séparément chacun des arguments spécifiques avancés par celui-ci concernant lesdites circonstances.

50      En effet, force est de constater que le requérant se borne à soutenir que le Tribunal aurait dû procéder à une appréciation globale de ces éléments, sans nullement exposer en quoi, dès lors que celui-ci a constaté, dans le cadre de son appréciation souveraine des faits aux points 73 à 89 de l’arrêt attaqué, qu’aucun de ces éléments pris individuellement ne permettait, dans les circonstances de la présente affaire, d’établir l’existence de doutes en ce qui concerne la compatibilité de l’aide en cause, le Tribunal aurait commis une erreur de droit en ne procédant pas à une telle appréciation globale.

51      Or, selon une jurisprudence constante, il résulte des articles 256, paragraphe 1, second alinéa, TFUE, 58, premier alinéa, du statut de la Cour ainsi que 168, paragraphe 1, sous d), et 169, paragraphe 2, du règlement de procédure de celle-ci qu’un pourvoi doit indiquer de façon précise les éléments critiqués de l’arrêt dont l’annulation est demandée ainsi que les arguments juridiques qui soutiennent de manière spécifique cette demande (voir, notamment, arrêts du 4 juillet 2000, Bergaderm et Goupil/Commission, C‑352/98 P, Rec. p. I‑5291, point 34, ainsi que du 19 janvier 2006, Comunità montana della Valnerina/Commission, C‑240/03 P, Rec. p. I‑731, point 105 et jurisprudence citée).

52      Ne répond pas à cette exigence un moyen faisant grief au Tribunal d’avoir conclu dans un sens sans préciser le fondement juridique sur lequel il aurait dû conclure autrement (arrêt du 9 septembre 1999, Lucaccioni/Commission, C‑257/98 P, Rec. p. I‑5251, point 62, et ordonnance du 26 janvier 2005, Euroagri/Commission, C‑153/04 P, point 38).

53      En ce que, par la seconde branche du deuxième moyen, le requérant reproche au Tribunal de ne pas avoir donné à la durée de la phase préliminaire d’examen un poids d’une importance proportionnée à sa longueur, il convient de constater qu’il est certes vrai que l’écoulement, en l’occurrence, d’un délai de plus de quatre années entre le dépôt de la plainte du requérant et la décision favorable de la Commission excède significativement ce qu’implique normalement un premier examen opéré dans le cadre de la phase préliminaire d’examen. Toutefois, il demeure que, en l’espèce, le Tribunal a estimé, dans le cadre de son appréciation souveraine des faits, que les autres éléments avancés par le requérant concernant les circonstances de l’adoption de la décision litigieuse n’étaient pas de nature à conforter l’indice de l’existence de doutes qui pourrait résulter de cette durée a priori excessive. Par ailleurs, il convient de rappeler que, dans son recours devant le Tribunal, le requérant n’a tiré aucun argument du contenu de la décision litigieuse.

54      Or, ainsi qu’il été rappelé au point 32 du présent arrêt, la durée de la phase préliminaire d’examen, contrairement à ce que le requérant suggère dans le cadre de la présente branche, ne saurait, quelle que soit sa longueur, démontrer à elle seule l’existence de doutes en ce qui concerne la compatibilité de l’aide en cause avec le marché commun.

55      Dans ces conditions, à supposer même qu’une importance prépondérante doive être attribuée à la durée de la phase préliminaire d’examen lorsque celle-ci revêt, comme dans la présente affaire, une durée qui excède significativement ce qu’implique normalement un premier examen, le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit en s’étant abstenu de donner une telle importance à cet élément.

56      Partant, il convient de rejeter la deuxième branche du deuxième moyen comme étant pour partie irrecevable et pour partie non fondée.

57      En conséquence, il convient de rejeter le deuxième moyen.

 Sur le troisième moyen

 Argumentation des parties

58      Par son troisième moyen, 3F fait grief, à titre principal, au Tribunal d’avoir commis une erreur de droit en n’ayant pas répondu au moyen tiré de la violation du principe de bonne administration. Le Tribunal serait en effet tenu de répondre à l’ensemble des moyens soulevés par un requérant. Or, les points 57 à 85 de l’arrêt attaqué ne mentionneraient pas ce principe, mais porteraient uniquement sur la violation de l’article 88, paragraphe 2, CE.

59      À titre subsidiaire, 3F fait valoir que le Tribunal a commis un certain nombre d’erreurs d’interprétation du principe de bonne administration aux points 53 à 94 de l’arrêt attaqué. En premier lieu, pour les raisons exposées dans le cadre des premier et deuxième moyens, le Tribunal aurait implicitement considéré à tort que l’examen réalisé par la Commission dans cette affaire était diligent. En deuxième lieu, le Tribunal aurait commis une erreur de droit en ce qu’il n’a pas tenu compte du fait qu’une procédure administrative d’une durée déraisonnable viole le principe général de bonne administration. Une telle violation aurait pour effet de porter atteinte au droit qu’ont les tiers potentiellement intéressés de présenter des observations, lequel droit aurait été garanti si la Commission avait ouvert la procédure formelle d’examen. En troisième lieu, le Tribunal aurait commis une erreur de droit en s’abstenant de reconnaître, compte tenu des circonstances décrites, notamment la durée, que la Commission avait de facto ouvert une procédure formelle d’examen, mais n’avait pas respecté les droits des tiers dans le cadre de celle-ci.

60      La Commission fait valoir que, quel que soit le bien-fondé du troisième moyen, il ressort de la jurisprudence que, même si l’observation d’un délai raisonnable dans la conduite des procédures administratives constitue un principe général du droit de l’Union, applicable dans le contexte d’une procédure d’examen d’une aide d’État et dont le juge de l’Union assure le respect, le seul fait d’avoir adopté une décision au-delà d’un tel délai ne suffit pas à rendre illégale une décision prise par la Commission à l’issue d’un examen préliminaire mené au titre de l’article 88, paragraphe 3, CE.

61      En tout état de cause, la Commission estime que l’argumentation du requérant concernant le principe de bonne administration devant le Tribunal n’était pas claire et précise.

62      Par ailleurs, en ce qui concerne les prétendues erreurs d’interprétation du principe de bonne administration, la Commission, s’agissant de la première erreur alléguée, renvoie aux arguments qu’elle a développés en réponse aux deux premiers moyens. S’agissant de la deuxième erreur alléguée, la Commission rappelle que le seul fait d’avoir adopté une décision au-delà d’un délai raisonnable ne suffit pas à la rendre illégale. Enfin, s’agissant de la troisième erreur alléguée, la Commission estime que la longueur de l’examen préliminaire peut s’expliquer, dans une large mesure, par les actions entreprises par le requérant lui-même.

 Appréciation de la Cour

63      Selon une jurisprudence constante, l’obligation de motivation qui incombe au Tribunal, en vertu de l’article 36 du statut de la Cour, applicable au Tribunal en vertu de l’article 53, premier alinéa, du même statut, et de l’article 81 du règlement de procédure du Tribunal, lui impose de faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement qu’il a suivi, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la décision prise et à la Cour d’exercer son contrôle juridictionnel (voir, notamment, arrêt du 14 octobre 2010, Deutsche Telekom/Commission, C‑280/08 P, Rec. p. I‑9555, points 135 et 136 ainsi que jurisprudence citée).

64      Toutefois, l’obligation pour le Tribunal de motiver ses décisions ne saurait être interprétée comme impliquant que celui‑ci fût tenu de répondre dans le détail à chaque argument invoqué par le requérant, en particulier s’il ne revêtait pas un caractère suffisamment clair et précis (voir, notamment, arrêt du 9 septembre 2008, FIAMM e.a./Conseil et Commission, C‑120/06 P et C‑121/06 P, Rec. p. I‑6513, point 91 ainsi que jurisprudence citée).

65      À cet égard, il convient de rappeler qu’il ressort des dispositions combinées des articles 21, premier alinéa, du statut de la Cour et 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du Tribunal que la requête introductive d’instance doit contenir, notamment, un exposé sommaire des moyens invoqués.

66      Or, en l’espèce, il ressort des écritures du requérant devant le Tribunal que l’argumentation avancée par celui-ci en première instance en ce qui concerne la violation du principe de bonne administration n’était nullement étayée par des considérations propres, mais se rattachait exclusivement à l’argumentation concernant la violation alléguée de l’article 88, paragraphe 2, CE.

67      Ainsi, bien que, dans la requête introductive d’instance, l’intitulé du premier moyen mentionne le principe de bonne administration, il y a lieu de constater que le point 42 de celle-ci, conclusif de l’argumentation concernant ce moyen, se borne à indiquer que, «en n’ouvrant pas la procédure de l’article 88, paragraphe 2, [CE], la Commission a violé cette disposition telle qu’appliquée par la jurisprudence, ainsi que le principe de bonne administration», sans expliciter précisément en quoi cette absence d’ouverture de la procédure formelle d’examen constitue une violation de ce principe.

68      De même, au point 15 de son mémoire en réplique devant le Tribunal, le requérant se limite à exposer, s’agissant dudit principe, que la question est de savoir si «compte tenu de la complexité des questions, le temps pris pour ces questions et le fait que la Commission révèle maintenant d’autres affaires dans laquelle la même ‘question de principe importante’ se posait, la Commission aurait dû ouvrir une enquête formelle dans laquelle tous les États membres et les parties intéressées auraient pu formuler des observations».

69      Par ailleurs, ainsi qu’il ressort du point 69 de l’arrêt attaqué, à ce même point dudit mémoire en réplique, le requérant a lui-même indiqué que la question du caractère raisonnable de la durée de l’examen préliminaire n’était pas posée dans la présente affaire.

70      Dans ces conditions, le requérant n’ayant exposé, dans son recours devant le Tribunal, aucune argumentation spécifique concernant la violation du principe de bonne administration, distincte de celle relative à la violation de l’article 88, paragraphe 2, CE, il ne saurait être reproché à ce dernier d’avoir rejeté le moyen tiré d’une violation du principe de bonne administration sans motiver spécifiquement l’arrêt attaqué sur ce point.

71      Par ailleurs, en ce que, par son argumentation développée à titre subsidiaire, le requérant vise désormais à faire valoir des motifs propres et spécifiques de nature à démontrer une violation par la Commission du principe de bonne administration, en lui reprochant en substance la durée déraisonnable de la phase préliminaire d’examen, il y a lieu de rappeler que, selon l’article 170, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, le pourvoi ne peut modifier l’objet du litige devant le Tribunal. La compétence de la Cour, dans le cadre du pourvoi, est en effet limitée à l’appréciation de la solution légale qui a été donnée aux moyens débattus devant les premiers juges. Une partie ne saurait donc soulever pour la première fois devant la Cour un moyen qu’elle aurait pu soulever devant le Tribunal, mais qu’elle n’a pas soulevé, dès lors que cela reviendrait à lui permettre de saisir la Cour, dont la compétence en matière de pourvoi est limitée, d’un litige plus étendu que celui dont a eu à connaître le Tribunal (voir arrêt du 29 septembre 2011, Arkema/Commission, C‑520/09 P, non encore publié au Recueil, point 64 et jurisprudence citée).

72      Pour le surplus, en ce que, par cette argumentation subsidiaire, le requérant reproche à la Commission une violation du principe de bonne administration en raison de l’absence d’ouverture de la procédure formelle d’examen, il suffit de constater que celui-ci se borne à réitérer, sans identifier les passages de l’arrêt attaqué qui seraient entachés d’une erreur de droit, l’argumentation invoquée devant le Tribunal.

73      Or, selon une jurisprudence constante, ne répond pas aux exigences de motivation résultant des articles 256, paragraphe 1, second alinéa, TFUE, 58, premier alinéa, du statut de la Cour ainsi que 168, paragraphe 1, sous d), et 169, paragraphe 2, du règlement de procédure de celle-ci, telles que rappelées au point 51 du présent arrêt, un pourvoi qui se limite à répéter ou à reproduire textuellement les moyens et les arguments qui ont été présentés devant le Tribunal, y compris ceux qui étaient fondés sur des faits expressément rejetés par cette juridiction. En effet, un tel pourvoi constitue en réalité une demande visant à obtenir un simple réexamen de la requête présentée devant le Tribunal, ce qui échappe à la compétence de la Cour (voir, notamment, arrêts précités Bergaderm et Goupil/Commission, point 35, ainsi que Comunità montana della Valnerina/Commission, point 106 et jurisprudence citée).

74      En conséquence, il convient de rejeter le troisième moyen comme étant pour partie irrecevable et pour partie non fondé.

75      Eu égard à l’ensemble de ce qui précède, le pourvoi doit être rejeté dans son intégralité.

 Sur les dépens

76      En vertu de l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, lorsque le pourvoi n’est pas fondé, la Cour statue sur les dépens.

77      Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, dudit règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation du requérant et celui-ci ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de le condamner aux dépens de la présente instance.

78      En vertu de l’article 140, paragraphe 1, du même règlement, les États membres qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens. Dès lors, il y a lieu de décider que le Royaume de Danemark supporte ses propres dépens.

Par ces motifs, la Cour (huitième chambre) déclare et arrête:

1)      Le pourvoi est rejeté.

2)      Falles Fagligt Forbund (3F) est condamné aux dépens.

3)      Le Royaume de Danemark supporte ses propres dépens.

Signatures


** Langue de procédure: l’anglais.