Language of document : ECLI:EU:C:2017:385

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MICHAL BOBEK

présentées le 17 mai 2017 (1)

Affaire C217/16

Commission européenne

contre

Dimos Zagoriou

[demande de décision préjudicielle formée par le Monomeles Efeteio Athinon (cour d’appel d’Athènes, statuant en formation à juge unique, Grèce)]

« Exécution de la décision de la Commission européenne imposant une obligation pécuniaire conformément à l’article 256 CE – Détermination de la juridiction compétente – Légitimation passive dans une procédure d’exécution – Principes d’équivalence et d’effectivité »






I.      Introduction

1.        En 2006, la Commission européenne a adopté une décision (2), laquelle avait pour destinataire une entreprise détenue par la commune d’Aristi Zagoriou (Grèce) et pour objet la récupération d’une aide octroyée à cette entreprise en 1993. L’entreprise a été dissoute après l’octroi de l’aide, mais avant l’adoption de la décision de la Commission. Par ailleurs, la commune d’Aristi Zagoriou a été intégrée à la municipalité plus grande de Kentriko Zagori (Grèce).

2.        La Commission a entrepris de faire exécuter sa décision contre Kentriko Zagori, qui a formé opposition contre l’exécution devant les juridictions civiles nationales. Durant ces procédures judiciaires, Kentriko Zagori a à son tour été intégré dans l’entité municipale plus grande de Dimos Zagoriou, qui est la défenderesse au principal. L’opposition a été accueillie par un jugement de première instance en 2013. La juridiction nationale a jugé que cette exécution ne pouvait se faire contre Dimos Zagoriou.

3.        La Commission a interjeté appel de ce jugement devant la juridiction du deuxième degré, une cour d’appel civile, en affirmant que sont compétentes pour connaître du litige les juridictions administratives nationales, et non les juridictions civiles. La Commission a en outre soutenu que l’exécution pouvait se faire à l’encontre de Dimos Zagoriou, en sa qualité de successeur en droit de l’entreprise.

4.        Face à ce cadre procédural quelque peu complexe, la juridiction de renvoi demande désormais à la Cour si le litige du fond est de nature privée ou publique, comment il convient de déterminer la juridiction compétente et contre quelles personnes l’exécution peut être effectuée.

II.    Le cadre juridique

A.      Le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

5.        L’article 299 TFUE dispose ce qui suit :

« Les actes du Conseil, de la Commission ou de la Banque centrale européenne qui comportent, à la charge des personnes autres que les États, une obligation pécuniaire forment titre exécutoire.

L’exécution forcée est régie par les règles de la procédure civile en vigueur dans l’État sur le territoire duquel elle a lieu. La formule exécutoire est apposée, sans autre contrôle que celui de la vérification de l’authenticité du titre, par l’autorité nationale que le gouvernement de chacun des États membres désignera à cet effet et dont il donnera connaissance à la Commission et à la Cour de justice de l’Union européenne.

Après l’accomplissement de ces formalités à la demande de l’intéressé, celui-ci peut poursuivre l’exécution forcée en saisissant directement l’organe compétent, suivant la législation nationale.

L’exécution forcée ne peut être suspendue qu’en vertu d’une décision de la Cour. Toutefois, le contrôle de la régularité des mesures d’exécution relève de la compétence des juridictions nationales. »

B.      Les règlements (CEE) nos 2052/88 (3), 4253/88 (4) et 4256/88 (5)

6.        Le règlement sur les fonds structurels est l’acte législatif principal régissant les fonds structurels de l’Union européenne, les relations entre ces fonds ainsi que leurs relations avec d’autres instruments financiers.

7.        Le règlement d’application – fonds structurels est la principale réglementation mettant en œuvre le règlement sur les fonds structurels.

8.        Le règlement d’application – FEOGA complète le règlement d’application – fonds structurels en ce qui concerne le Fonds européen d’orientation et de garantie agricole (FEOGA). Ainsi, l’article 1er, paragraphe 1, du règlement d’application – FEOGA dispose que la section « Orientation » du FEOGA peut financer les actions prises pour la mise en œuvre des missions visées par le règlement sur les fonds structurels. L’article 1er, paragraphe 2, applique de façon générale à ces cas de figure les règles énoncées par le règlement d’application – fonds structurels.

9.        Intitulé « Dispositions financières », le titre VI du règlement d’application – fonds structurels comporte notamment l’article 24, lequel dispose ce qui suit :

« Réduction, suspension et suppression du concours

1.      Si la réalisation d’une action ne semble justifier ni une partie ni la totalité du concours financier qui lui a été alloué, la Commission procède à un examen approprié du cas, en demandant notamment à l’État membre ou aux autorités ou organismes désignés par celui-ci pour la mise en œuvre de l’action de présenter leurs observations dans un délai déterminé.

2.      Suite à cet examen, la Commission peut réduire ou suspendre le concours pour l’action ou la mesure concernée si l’examen confirme l’existence d’une irrégularité, et notamment d’une modification importante qui affecte la nature ou les conditions de mise en œuvre de l’action ou de la mesure et pour laquelle l’approbation de la Commission n’a pas été demandée.

3.      Toute somme donnant lieu à répétition de l’indu doit être reversée à la Commission. Les sommes non reversées sont susceptibles d’être majorées d’intérêts de retard en conformité avec les dispositions du règlement financier et selon les modalités à arrêter par la Commission, suivant les procédures visées au titre VIII. »

III. Les faits, la procédure et les questions préjudicielles

10.      En 1993, la Dimotiki Epicheirisi Touristikis Anaptyxis Aristis Zagoriou Ioanninon, entreprise entièrement détenue par la commune d’Aristi Zagoriou et chargée du développement de la région d’Aristi (ci-après l’« entreprise »), a sollicité et obtenu une aide du FEOGA. Le projet a été interrompu prématurément et la Commission a, en conséquence, cherché à récupérer une partie de l’aide.

11.      À cette fin, la Commission a adopté en 2006 une décision qui, adressée à l’entreprise, réclamait le remboursement (ci-après la « décision de la Commission ») (6). L’exécution de cette décision a été poursuivie conformément à l’article 256 CE (devenu l’article 299 TFUE), lequel prévoit que les actes qui comportent, à la charge des personnes autres que les États, une obligation pécuniaire sont exécutoires. La formule exécutoire était apposée sur la décision.

12.      Cependant, avant l’adoption de la décision de la Commission, la commune d’Aristi Zagoriou a été intégrée dans la municipalité de Kentriko Zagori (7). En outre, l’entreprise a été dissoute (8).

13.      Aux termes de la décision de renvoi, une injonction de payer la créance et les intérêts a été adressée le 31 août 2008 à Kentriko Zagori, qui était le successeur en droit d’Aristi Zagoriou et l’actionnaire unique de l’entreprise. Le 15 octobre 2008, la Commission a obtenu un ordre de saisie du montant sur les avoirs bancaires de Kentriko Zagori.

14.      La somme a été transférée à la Commission.

15.      Le 23 octobre 2008, Kentriko Zagori a saisi le Monomeles Protodikeio Athinon (tribunal de grande instance à juge unique d’Athènes, Grèce, soit une juridiction civile) d’une opposition contre l’injonction de payer.

16.      Au cours de la procédure devant cette juridiction, Kentriko Zagori a été incorporé dans la municipalité de Dimos Zagoriou (9).

17.      Par jugement du 14 mai 2013, le Monomeles Protodikeio Athinon (tribunal de grande instance à juge unique d’Athènes) a accueilli l’opposition au motif que le recouvrement de la dette de l’entreprise ne pouvait pas se faire à l’encontre de Dimos Zagoriou.

18.      La Commission a interjeté appel de ce jugement devant la juridiction de renvoi, à savoir le Monomeles Efeteio Athinon (cour d’appel d’Athènes, statuant en formation à juge unique, Grèce).

19.      Dans son appel, la Commission affirme en substance que la juridiction (civile) qui a connu du litige en première instance n’avait pas la compétence pour le faire dans la mesure où le litige est de nature administrative et doit être plaidé devant les juridictions administratives. La Commission soutient en outre que l’exécution doit être poursuivie contre Dimos Zagoriou.

20.      À la lumière de ce qui précède, le Monomeles Efeteio Athinon (cour d’appel d’Athènes, statuant en formation à juge unique) a décidé de surseoir à statuer et de renvoyer à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      Quelle est la nature des actes de la Commission européenne, lorsqu’elle exerce les compétences qui découlent des règlements nos 2052/[88], 4253/[88] et 4256/[88] et, plus précisément, ces actes de la Commission [sont-ils] des actes de droit public donnant lieu en tout état de cause à des litiges administratifs quant au fond, notamment lorsqu’une saisie effectuée entre les mains d’un tiers par la Commission européenne a pour objet une créance privée, alors que la créance initiale, pour le recouvrement de laquelle une procédure d’exécution a été mise en œuvre, trouve son origine dans un rapport juridique de droit public, né des actes précités de la Commission européenne, ou bien s’agit-il d’actes de droit privé donnant lieu à des litiges privés ?

2)      Considérant que, selon l’article 299 TFUE, l’exécution forcée des actes de la Commission européenne qui imposent une obligation pécuniaire à des personnes, excepté les États membres, est régie par les dispositions de la procédure civile en vigueur dans l’État sur le territoire duquel elle a lieu et considérant que, selon le même article, le contrôle de la régularité des mesures d’exécution relève de la compétence des juridictions nationales, comment la compétence des juridictions nationales est-elle déterminée concernant les litiges survenant à l’occasion de cette exécution, lorsqu’en application du droit national, ces litiges sont des litiges administratifs quant au fond, en d’autres termes, lorsque le rapport sous-jacent relève du droit public ?

3)      En cas d’exécution forcée d’actes de la Commission européenne adoptés en application des règlements nos 2052/[88], 4253/[88] et 4256/[88] et imposant une obligation pécuniaire à une personne, excepté les États membres, la légitimation passive de la personne sur qui pèse l’obligation doit-elle être appréciée en vertu du droit national ou du droit de l’Union ?

4)      Lorsque la personne sur qui pèse l’obligation pécuniaire découlant d’un acte de la Commission européenne, adopté en application des règlements nos 2052/[88], 4253/[88] et 4256/[88], est une entreprise communale qui a par la suite été dissoute, la commune à laquelle appartient cette entreprise est-elle responsable de l’exécution de cette obligation pécuniaire à l’égard de la Commission européenne, selon les règlements précités ? »

21.      Dimos Zagoriou, le gouvernement grec ainsi que la Commission ont déposé des observations écrites. Ces parties ont également été entendues lors de l’audience du 8 mars 2017.

IV.    Appréciation

A.      Sur la recevabilité

22.      Même s’il peut exister des doutes quant à la recevabilité des questions posées par la juridiction nationale, on ne pourra certainement pas considérer qu’elles sont sans lien avec le litige au principal. Elles bénéficient donc d’une présomption de pertinence (10). De plus, bien que certains passages des questions puissent être lus en ce sens qu’ils demandent à la Cour d’interpréter le droit national, ce qui n’est clairement pas sa mission (11), ces questions soulèvent également de nouvelles interrogations concernant l’interaction entre le droit de l’Union et le droit national. Enfin, même l’éventuel manque de clarté dans la demande de la juridiction nationale ou l’absence de détails sur les dispositions nationales pertinentes n’ont pas empêché les parties au principal et le gouvernement grec de présenter des observations.

23.      Il s’ensuit que les questions sont à mon avis recevables. Néanmoins et comme nous le verrons par la suite, j’estime que la faible quantité de détails fournis par la juridiction de renvoi dans sa demande de décision préjudicielle limite fortement le degré de précision dont la Cour peut faire preuve en pratique dans sa réponse.

B.      Sur le fond

1.      Sur les première et deuxième questions préjudicielles

24.      Le litige au principal concerne l’opposition au recouvrement d’une créance de l’Union née d’une décision de la Commission imposant une obligation pécuniaire. Un point de désaccord majeur entre les parties au litige au principal porte sur la question de savoir si ce sont les juridictions administratives ou civiles qui ont compétence pour traiter ce type de procédures.

25.      Dimos Zagoriou et le gouvernement grec affirment que la compétence devrait revenir aux juridictions civiles. La Commission invoque le principe d’équivalence en affirmant que les actions relatives au recouvrement d’une créance doivent être examinées par les mêmes juridictions, que cette créance soit détenue par l’État grec ou par la Commission. Je pense qu’aux yeux de la Commission, cela signifie que ce sont les juridictions administratives qui devraient être compétentes dans les deux cas. Tel est le contexte dans lequel la juridiction de renvoi pose ses deux premières questions.

26.      Par sa deuxième question, la juridiction de renvoi demande en substance comment il convient de déterminer la juridiction compétente dans des cas de figure tels que celui dont elle est saisie. La juridiction de renvoi s’inquiète plus spécialement de l’effet que la nature (privée ou publique) des rapports juridiques à l’origine du litige peut avoir sur cette détermination. Je pense que c’est pour cette raison que la juridiction de renvoi demande dans sa première question si les rapports juridiques à l’origine du litige dont elle est saisie sont de droit public ou de droit privé.

27.      Il me semble donc que la première comme la deuxième des questions préjudicielles visent à préciser quelles juridictions sont compétentes pour connaître de recours liés au recouvrement de créances de l’Union. J’examinerai donc conjointement ces deux questions.

28.      Force est de rappeler que la Cour n’a assurément pas pour rôle d’interpréter les lois nationales concernant la compétence juridictionnelle ni, partant, de décider dans quel ordre de juridictions un litige national doit être jugé. Toutefois, si l’on fait abstraction du droit national, les première et deuxième questions de la juridiction nationale posent également une question plus générale : quelles exigences l’Union pose-t-elle en matière de recouvrement national des dettes qui lui sont dues ?

29.      L’élément central des questions de la juridiction de renvoi est l’interprétation de l’article 299TFUE, lequel dispose que les actes de la Commission qui comportent, à la charge des personnes autres que les États, une obligation pécuniaire forment titre exécutoire (12). Cette disposition est à la fois novatrice et minimaliste. Novatrice (13), car elle rend directement applicables au niveau national des actes qui sont en substance des décisions d’un organisme international, sans qu’aucune procédure de reconnaissance par l’État membre soit nécessaire (14). Minimaliste, car elle renvoie au droit national pour toutes les questions liées à l’exécution.

30.      Dans cet esprit minimaliste, rien dans l’article 299 TFUE n’impose au droit national de privilégier une catégorie spécifique de juridictions (administratives, civiles ou autres) pour connaître des litiges connexes.

31.      Certes, le deuxième paragraphe de l’article 299 TFUE prévoit que l’exécution des décisions imposant des obligations pécuniaires est régie par les « règles de la procédure civile » nationale.

32.      Toutefois, ainsi que la Commission l’a souligné dans ses observations écrites, cette disposition ne porte que sur la procédure d’apposition de la formule exécutoire. Cette lecture est à mon avis corroborée par la structure de l’article 299 TFUE. Ce n’est qu’à la première phrase de son deuxième paragraphe que l’article 299 TFUE renvoie aux règles de la procédure civile. La suite de ce même paragraphe se réfère à l’étape procédurale au cours de laquelle la formule exécutoire est apposée. Les autres paragraphes de la disposition (article 299, paragraphes 3 et 4) portent sur des étapes ultérieures de l’exécution. Ils ne contiennent aucune limitation de la sorte. Dès lors, une fois que la formule exécutoire a été apposée, l’exécution se fait « suivant la législation nationale » (article 299, paragraphe 3, TFUE) et elle est soumise au contrôle « des juridictions nationales » (article 299, paragraphe 4, TFUE).

33.      Il apparaît donc que l’intention était de limiter à la seule procédure d’apposition de la formule exécutoire le renvoi aux « règles de la procédure civile ». Pour le reste et pour toutes les autres étapes, le libellé de l’article 299 TFUE est tout à fait neutre quant aux institutions nationales qui devront exécuter les actes des institutions de l’Union imposant des obligations pécuniaires à des personnes autres que les États.

34.      De plus, je ne vois pas (et les parties n’ont pas non plus invoqué) dans le règlement sur les fonds structurels, le règlement d’application – fonds structurels et le règlement d’application – FEOGA, la moindre disposition qui imposerait la désignation de catégories spécifiques de juridictions.

35.      En l’absence de toute précision dans le droit de l’Union quant aux juridictions nationales compétentes et conformément à la jurisprudence constante, la détermination de ces juridictions relève de l’autonomie procédurale nationale, dans le respect des principes d’équivalence et d’effectivité (15).

36.      Telle est la réponse concise que l’on pourrait donner à la question préjudicielle sur la façon de déterminer la juridiction compétente. Cependant, pour assister au mieux la juridiction de renvoi, j’estime qu’il convient ici d’étudier plus en détail le rôle que les principes d’équivalence et d’effectivité peuvent jouer en l’espèce. Je le ferai en tenant compte des inquiétudes spécifiques de la juridiction de renvoi concernant le choix entre les ordres juridictionnels administratif ou civil et l’incidence de la nature publique ou privée des rapports juridiques entre les parties qui sont à l’origine du litige.

37.      Tout comme la Commission, je considère que rien dans la demande préjudicielle ne suggère une atteinte au principe d’effectivité dans le cadre de la détermination de la juridiction compétente (16). Plus particulièrement, il n’existe aucune indication d’un quelconque problème d’accès aux juridictions nationales. C’est plutôt la nature des juridictions – civile ou administrative – qui est en cause.

38.      En revanche, la situation apparaît moins évidente en ce qui concerne le principe d’équivalence. En effet, l’application de ce principe au cas d’espèce constitue le principal point évoqué par la Commission dans le cadre de la deuxième question. La Commission soutient en substance que la finalité de la procédure est la récupération d’aides indûment versées et la mise en œuvre de cette récupération. Selon la Commission, le principe d’équivalence impose que les mêmes juridictions soient compétentes, que ces procédures portent sur des aides versées par l’État grec à partir de ressources nationales, ou sur des aides payées par la Commission à partir de ressources de l’Union. Il s’agira soit des juridictions administratives dans les deux cas, soit des juridictions civiles dans les deux cas.

39.      Je suis d’avis que la réponse est un peu plus nuancée ; elle suppose un examen plus poussé de l’incidence que le principe d’équivalence a sur un cas tel celui en l’espèce.

40.      De façon générale, le principe d’équivalence suppose une double comparaison (17). Il s’agit dans un premier temps d’identifier des « procédures » ou « recours » comparables puis, dans un second temps, d’apprécier si les recours fondés sur le droit de l’Union sont traités d’une manière moins favorable que les recours comparables fondés sur le droit national.

41.      Pour déterminer si la comparaison est possible, il faudra « examiner tant l’objet que les éléments essentiels des recours prétendument similaires de nature interne » (18). La Cour évoque dans certains cas « l’objet, la cause et les éléments caractéristiques » de ces recours (19). Lorsqu’il est constaté que les recours sont similaires, ils doivent faire l’objet d’un traitement similaire. Afin de déterminer s’il y a traitement similaire et si le principe d’équivalence est respecté, la juridiction nationale doit « vérifier de manière objective et abstraite la similitude des règles en cause sous l’angle de leur place dans l’ensemble de la procédure, du déroulement de ladite procédure et des particularités des règles » (20).

42.      La jurisprudence apparaît relativement ambiguë sur le point de savoir en quoi consiste un traitement « équivalent » ou « similaire ». La Cour a parfois adopté une approche « stricte » en semblant exiger un traitement identique (appliqué « indifféremment » aux recours fondés sur le droit de l’Union comme sur ceux fondés sur le droit national (21)). Dans d’autres affaires (en fait, le plus souvent), la Cour utilise une formulation plus « flexible » en exigeant un traitement « non moins favorable » pour les recours fondés sur le droit de l’Union (22). Cette dernière variante permet clairement certains écarts entre les traitements, pourvu que ces différences n’aient pas d’impact négatif sur les recours fondés sur le droit de l’Union si on les compare aux recours fondés sur le droit national.

43.      Je suis d’avis que l’équivalence implique simplement une similitude et un traitement qui ne soit « pas moins favorable ». Elle ne saurait pas s’entendre comme une stricte identité de règles. Non seulement cette approche clairement plus raisonnable et conciliante est prépondérante dans la jurisprudence, mais elle est en outre conforme à la notion d’« autonomie » inhérente à l’« autonomie procédurale nationale » et tient compte du fait que certaines règles ne se prêtent pas aisément à une comparaison objective.

44.      Après avoir ainsi précisé la portée du principe, j’observe ce qui suit quant au cas d’espèce.

a)      Sur la similitude des procédures

45.      La première étape pour appliquer le principe d’équivalence à la présente affaire consistera à déterminer les catégories de procédures qu’il s’agit de comparer. Ce faisant, il conviendra de tenir compte « de leur objet, de leur cause et de leurs éléments caractéristiques » (23).

46.      Le recours initial qui a donné lieu au présent renvoi préjudiciel était une opposition formée contre l’exécution d’une obligation pécuniaire, que la Commission poursuivait au moyen d’une injonction et d’une saisie.

47.      Il s’ensuit donc que le recours n’a pas pour objet de faire constater ou de contester l’existence d’une créance ni de remettre en question la façon dont cette créance est née ; le recours est au contraire lié à l’exécution. J’ai bien conscience du fait que, dans le contexte de tels recours afférents à l’exécution, des États membres pourraient dans certains cas prévoir la possibilité de contester l’existence même de la créance. Néanmoins, le dossier de l’espèce n’indique pas clairement si tel est le cas en Grèce, que ce soit de manière générale ou spécifiquement dans cette affaire. En tout état de cause, je relève qu’en l’espèce : a) l’existence de la créance n’est en réalité pas contestée par Dimos Zagoriou, et b) même si elle l’avait été, la juridiction de renvoi ne serait, quant à elle, pas compétente pour examiner l’existence de la créance, puisque celle-ci a été imposée par un acte de l’Union (à savoir la décision de la Commission) dont la validité ne peut être contrôlée que par la Cour de céans (24).

48.      J’entends par là que, lorsque l’on identifie « l’objet, la cause et les éléments caractéristiques » d’un recours relatif à l’exécution, il n’apparaît pas immédiatement de façon évidente si et en quoi la nature du rapport juridique inhérent à la créance est en réalité pertinente.

49.      D’un autre point de vue, la décision de la Commission pourrait être perçue comme un titre exécutoire quelconque au regard du droit national, son origine (publique ou privée) n’ayant que peu d’importance. Tout cela dépendra des règles procédurales nationales régissant l’exécution : il peut en effet exister des ordres juridiques nationaux dans lesquels l’exécution de tout « titre de droit public » relèvera de la compétence exclusive des juridictions administratives. Néanmoins, il peut également exister des ordres juridiques dans lesquels l’exécution ne sera poursuivie devant les juridictions administratives que pour les décisions rendues par ces mêmes juridictions administratives (25). Les décisions provenant d’une source extérieure à ce système devraient alors se voir apposer une formule exécutoire. Par définition, une telle situation ne sera pas comparable à celle d’une décision administrative nationale définitive, laquelle ne nécessite jamais un tel traitement. Dans d’autres systèmes encore, toute exécution de décisions définitives imposant des obligations pécuniaires – que ces décisions proviennent du juge administratif, civil ou même pénal – pourrait relever de la compétence des juridictions civiles, voire même d’autres auxiliaires de justice qui ne constituent pas (directement) des composantes du système juridictionnel.

50.      Tous ces modèles théoriquement envisageables n’ont été décrits que dans un but unique : celui de souligner qu’il n’est pas acquis que la nature du rapport juridique sous-jacent soit un facteur central ou décisif dans l’appréciation de la similitude des recours et dans l’application du principe d’équivalence. En fonction des paramètres du système national, l’origine de l’obligation pécuniaire peut n’avoir qu’une faible importance dès lors que la formule exécutoire a été apposée sur la décision et est par conséquent devenue exécutoire au regard du droit national.

51.      C’est à la juridiction nationale qu’il appartient en définitive d’apprécier l’équivalence, car c’est « la seule à avoir une connaissance directe des modalités procédurales » (26), ce qui lui permet d’avoir un avis éclairé sur ce genre de question.

52.      Nonobstant toutes ces réserves, il n’en demeure pas moins que, par sa première question, la juridiction de renvoi s’interroge sur la nature du rapport juridique sous-jacent qui lie les parties dans cette affaire ; cela implique qu’elle considère que cette relation est pertinente pour apprécier l’équivalence dans l’affaire dont elle est saisie. À ce titre, la juridiction de renvoi demande si ce rapport ainsi que la créance doivent être classés dans le droit public ou dans le droit privé.

53.      Le droit de l’Union n’opère pas de distinction formelle entre le droit public et le droit privé. (27) Néanmoins et pour autant que cela puisse être utile à la juridiction de renvoi lorsqu’elle appréciera la similitude des procédures, je relève que l’acte en cause – à savoir la décision de la Commission – « comporte, à la charge des personnes autres que les États » (pour utiliser le même terme qu’à l’article 299 TFUE), une obligation financière. Dès lors, où que la frontière précise entre « public » et « privé » se situe dans chaque ordre juridique national (28) et quelle que soit la définition la plus commune du terme « public » que chacun retiendra (qu’il s’agisse de théories fondées sur le pouvoir ou bien sur l’intérêt, ou encore d’une théorie organique, c’est-à-dire fondée sur les structures), le fait qu’une institution cherchant à récupérer une aide payée à partir de deniers publics mette « à charge » une obligation pécuniaire par une décision unilatérale serait certainement vu comme « public », quelle que soit l’approche retenue.

54.      Je m’empresse de souligner que je n’entends aucunement suggérer que le droit de l’Union opérerait une quelconque distinction entre droit public et droit privé, ni indiquer dans quelle mesure une telle distinction correspondrait à celle du ou des droits nationaux. Bien au contraire, je souhaite uniquement relever le fait évident et incontestable qu’en imposant unilatéralement l’obligation pécuniaire de rembourser une aide financière, la Commission a manifestement exercé un pouvoir « spécial » qui échappe aux règles habituelles régissant les relations entre personnes privées (29). L’incidence de ce fait devra être appréciée par la juridiction de renvoi, dans les limites des autres réserves émises plus haut dans cette section.

b)      Sur la similitude des règles

55.      Une fois que la juridiction de renvoi aura déterminé, sur le fondement de l’objet, de la cause et des éléments caractéristiques, à quelle catégorie de procédure il convient de comparer celle du litige au principal, elle devra apprécier si les règles procédurales applicables sont similaires. À cet égard, la juridiction de renvoi se préoccupe spécifiquement de la détermination de l’ordre juridictionnel compétent (administratif ou civil).

56.      Si l’on suppose pour le moment que, d’après la juridiction de renvoi, les procédures « similaires » à celles du cas d’espèce relèveraient normalement, en tout état de cause, de la compétence des juridictions civiles, il n’y aurait en apparence aucune différence de traitement en ce qui concerne la juridiction compétente. Le litige au principal a déjà été porté devant une juridiction civile, tout comme des procédures « similaires » le seraient également.

57.      Si l’on suppose au contraire que, d’après la juridiction de renvoi, les procédures « similaires » à celles du litige au principal seraient normalement portées devant les juridictions administratives, il semble effectivement qu’il y aurait une différence de traitement : en effet, des procédures « similaires » sont portées devant les juridictions civiles lorsque la Commission est une partie au litige et devant les juridictions administratives dans (certains) autres cas.

58.      Cette application de règles procédurales différentes à des procédures similaires emporte-t-elle automatiquement une violation du principe d’équivalence ?

59.      Pour répondre à cette question, la juridiction de renvoi devra vérifier « la similitude des règles en cause sous l’angle de leur place dans l’ensemble de la procédure, du déroulement de ladite procédure et des particularités des règles » (30). Il n’y aura violation du principe d’équivalence que si l’application de règles différentes conduit à un traitement moins favorable des recours fondés sur le droit de l’Union.

60.      Néanmoins cette appréciation ne pourra être effectuée que si la règle précise en cause est clairement et concrètement identifiée. La similitude de règles ne peut s’apprécier, par définition, qu’à l’égard d’une règle spécifique et de son fonctionnement (notamment de son rang, de ses dispositions, des limites temporelles, des dépens, de la représentation, etc.). À l’inverse, apprécier la similitude dans le sens de l’absence d’un traitement moins favorable dans la totalité d’un système juridictionnel constituerait sans doute une tâche herculéenne que personne ne peut accomplir.

61.      Dès lors, en l’absence de preuves concrètes et spécifiques, une règle qui donne compétence aux juridictions administratives au lieu des juridictions civiles n’est pas, en soi, manifestement favorable ou défavorable à telle ou telle partie. J’ajoute à cela que rien dans la décision de renvoi ni dans les observations des parties en l’espèce n’indique précisément pourquoi l’attribution de la compétence aux juridictions civiles au lieu des juridictions administratives grecques pourrait être défavorable.

62.      La jurisprudence de la Cour dans l’affaire Baczó et Vizsnyiczai vient étayer ce constat. Dans cette affaire, il avait été demandé à la Cour si l’attribution de la compétence à des juridictions départementales pour certains litiges fondés sur le droit de l’Union, alors même que des juridictions locales étaient compétentes pour des litiges similaires fondés sur le droit national, violait le principe d’équivalence. La Cour a nié cette violation au motif que « la compétence des juridictions départementales pour connaître des recours qui sont introduits pour des motifs tirés du droit de l’Union ne constitue pas nécessairement une modalité procédurale pouvant être qualifiée de “défavorable” » (31).

63.      En conséquence, je suis d’avis que la désignation de juridictions civiles et administratives pour traiter des litiges similaires reposant respectivement sur le droit de l’Union et sur le droit national ne constitue pas, à elle seule, une violation du principe d’équivalence. Tel ne sera le cas que si cela constitue clairement, en un ou plusieurs éléments de la procédure, un traitement moins favorable pour les recours fondés sur le droit de l’Union. En définitive, le point de savoir si le choix des juridictions civiles au lieu des juridictions administratives peut être considéré comme « défavorable » en ce sens devra être tranché par la juridiction de renvoi.

64.      Sur l’idée que les règles appliquées, y compris les recours disponibles devant les juridictions civiles, puissent prétendument être moins favorables à la Commission que les règles appliquées par les juridictions administratives, je souhaite simplement souligner qu’aucun grief de la sorte n’a été invoqué par la Commission et que la Cour n’a par ailleurs reçu aucune information à ce titre.

c)      Conclusion

65.      À la lumière de ce qui précède, je propose de répondre comme suit aux première et deuxième questions de la juridiction de renvoi : il appartient au droit national, sous réserve des principes d’équivalence et d’effectivité, de déterminer quelles juridictions sont compétentes pour statuer sur les recours s’opposant à l’exécution d’actes de la Commission qui imposent une obligation pécuniaire à des personnes autres que les États, conformément à l’article 299 TFUE. Pour apprécier s’il y a violation du principe d’équivalence, la juridiction nationale doit en premier lieu déterminer si les procédures en cause sont similaires quant à leur objet, leur cause et leurs éléments caractéristiques ; la juridiction nationale doit en second lieu examiner si les règles procédurales applicables aux recours fondés sur le droit de l’Union sont moins favorables que celles applicables aux recours reposant exclusivement sur le droit national.

2.      Sur les troisième et quatrième questions préjudicielles

66.      Par sa troisième question, la juridiction de renvoi demande si, lorsque la Commission cherche à récupérer une aide indûment payée au regard du règlement sur les fonds structurels et de ses règlements d’application, le cercle des personnes contre lesquelles l’exécution peut être poursuivie (32) est déterminé par le droit national ou par le droit de l’Union.

67.      Par sa quatrième question, la juridiction de renvoi demande, dans l’hypothèse où une entreprise doit rembourser des fonds perçus au titre du règlement sur les fonds structurels et de ses règlements d’application et où cette entreprise a par la suite été dissoute, si l’autorité publique qui détient l’entreprise doit procéder au remboursement.

68.      Compte tenu de l’étroite connexité entre les troisième et quatrième questions, je les examinerai ensemble.

69.      La Commission affirme que c’est l’acte de l’Union visé à l’article 299, paragraphe 1, TFUE (et donc le droit de l’Union) qui désigne la ou les personnes à la charge desquelles l’obligation pécuniaire est imposée.

70.      Je partage ce point de vue. Il découle clairement du libellé de l’article 299, paragraphe 1, TFUE lui-même. En l’espèce, cet acte – la décision de la Commission – avait l’entreprise pour seul destinataire.

71.      Néanmoins la situation se complique ici, eu égard au fait que l’entreprise a depuis lors été dissoute. En conséquence, l’injonction a été adressée à une autre personne – Kentriko Zagori – et ce sont les avoirs bancaires de Kentriko Zagori qui ont fait l’objet d’une saisie.

72.      Il convient de rappeler que c’est Kentriko Zagori qui a fait opposition de la saisie. Néanmoins, avant que ce recours ne soit examiné en première instance, Kentriko Zagori a été incorporé dans la municipalité de Dimos Zagoriou.

73.      Si l’exécution est poursuivie contre une personne différente du destinataire de la décision de la Commission, le fondement légal de cette subrogation des parties se trouve-t-il dans le droit national ou dans le droit de l’Union ?

74.      À mon avis, il s’agit clairement du droit national. L’article 299 TFUE dispose clairement que l’exécution forcée est régie de façon générale par le droit national. De plus, je ne vois dans le règlement sur les fonds structurels et ses règlements d’application aucun fondement légal qui permettrait d’exécuter à l’encontre de B une obligation qui avait été mise à la charge de A en vertu de ces règlements et de l’article 299 TFUE.

75.      En répondant lors de l’audience à des questions spécifiques sur ce point, la Commission a en effet été incapable d’identifier un tel fondement légal dans le droit dérivé de l’Union (33).

76.      À l’évidence, la question posée est celle du choix de la personne contre laquelle l’exécution forcée est poursuivie (en l’espèce, la personne à qui l’injonction a été adressée et dont les avoirs bancaires ont été saisis, c’est-à-dire Kentriko Zagori). Je ne tirerai ici aucune conclusion sur les destinataires potentiels des actes de la Commission visés à l’article 299, paragraphe 1, TFUE. La question de savoir si la Commission aurait pu adresser sa décision à l’actionnaire de l’entreprise (ou à la municipalité dans laquelle ce dernier a par la suite été incorporé) et la question de la base légale du choix du destinataire sont des questions hypothétiques et étrangères au champ d’application de la décision de renvoi.

77.      Le point de savoir si l’exécution peut être poursuivie contre une personne autre que le destinataire de la décision de la Commission relève dès lors du droit national, conformément au principe d’autonomie procédurale nationale.

78.      Toutefois, conformément à la jurisprudence citée précédemment en note de bas de page 15, l’autonomie procédurale nationale est à son tour soumise aux principes d’équivalence et d’effectivité.

79.      À ce titre, la Commission soutient que pour que soient respectés les principes d’équivalence et d’effectivité, elle doit être autorisée à exécuter sa décision à l’encontre de Dimos Zagoriou (34). Elle affirme en substance que les dispositions grecques pertinentes permettent aux municipalités de récupérer tous les actifs des entreprises municipales (dissoutes), tout en sélectionnant arbitrairement les dettes qu’elles veulent bien reprendre. Il existe cependant une exception concernant certaines dettes envers l’État et les organismes de sécurité sociale, pour lesquelles les municipalités succèdent obligatoirement aux débiteurs. Il s’ensuit que les dettes envers l’État et les organismes de sécurité sociale bénéficient d’un traitement préférentiel.

80.      Selon la Commission, dans la mesure où ces règles nationales font obstacle à ce que Dimos Zagoriou hérite de la dette de l’entreprise envers l’Union, la mise en œuvre de l’article 299 TFUE est rendue impossible ou excessivement difficile et il est donc porté atteinte au principe d’effectivité. Dans la mesure où il est garanti que Dimos Zagoriou hérite des dettes envers l’État grec et les organismes de sécurité sociale, mais non des dettes envers l’Union, il est porté atteinte au principe d’équivalence.

81.      C’est à la juridiction de renvoi qu’il revient en définitive d’apprécier si les principes d’équivalence et d’effectivité sont respectés en l’espèce. Toute orientation susceptible d’être donnée ici par la Cour se heurte au fait que la décision de renvoi ne fournit aucun détail sur les règles de succession auxquelles la Commission et Dimos Zagoriou se réfèrent dans leurs observations. En dépit de cela, afin d’assister la juridiction de renvoi dans son appréciation, je souhaite formuler les remarques suivantes.

a)      Sur l’article 299 TFUE et les règles nationales de succession

82.      À titre de remarque préliminaire, on peut se demander si les règles de succession en tant que débiteur peuvent être examinées au regard des principes d’équivalence et d’effectivité. En effet, l’on ne sait pas clairement à quel type de règles ces principes s’appliquent.

83.      Les deux exigences d’équivalence et d’effectivité ont été développées par la jurisprudence en tant que limite à l’autonomie procédurale nationale. Elles sont effectivement très souvent appliquées dans ce contexte. Elles contrôlent l’équivalence et l’effectivité d’un traitement procédural au moyen de l’application de règles de procédure similaires. Toutefois, elles sont également souvent exprimées plus généralement en ce sens qu’elles posent des limites à l’autonomie judiciaire et à l’autonomie en matière de voies de recours (35) et également dans un contexte de règles qui sont clairement sans lien avec la procédure ou avec les voies de recours (36). Parmi les exemples patents, on trouve l’application de ces principes à la causalité (37), aux conséquences contractuelles du non-respect d’une directive (38),ainsi qu’au choix des organes compétents (39). Cela induit la question de savoir si les principes peuvent s’appliquer aux règles de succession, lesquelles pourraient être considérées, du moins dans certains ordres juridiques nationaux, comme des règles de droit purement substantielles.

84.      Il est à mon avis possible, en tenant compte de l’évolution progressive de la jurisprudence dans ce domaine, d’affirmer que les deux exigences d’équivalence et d’effectivité s’appliquent aujourd’hui de façon « horizontale » à tous les choix législatifs faits par les États membres en matière de voies de recours et de mise en œuvre du droit de l’Union au niveau national, en l’absence de dispositions de l’Union. Pour cette raison, je considère que les principes peuvent s’appliquer, du moins partiellement, aux règles de succession.

85.      Cela dit, leur application aux règles de succession dans le cas d’espèce me pose un problème fondamental. Pour le dire simplement, ces règles me semblent être trop lointaines pour que l’on puisse les contester avec succès sur le fondement des principes d’équivalence et d’effectivité. Nonobstant leur champ d’application généralement très large, tel qu’évoqué au point précédent, il doit exister un lien clair entre le droit ou l’obligation original fondé sur le droit de l’Union et la règle nationale spécifique qui en empêche dans certains cas la mise en œuvre au niveau national. Ces principes ne sont pas et ne devraient pas devenir un sauf-conduit permettant de contester n’importe quelle disposition procédurale ou matérielle du droit national qui serait simplement gênante, aussi éloignée soit‑elle de la portée de l’obligation originale (40).

86.      L’article 299 TFUE est une disposition relative à l’exécution d’actes imposant une obligation pécuniaire. On pourrait donc raisonnablement s’attendre à ce que les dispositions nationales qui entrent dans son champ d’application soient celles concernant la mise en œuvre de tels actes devant les autorités nationales compétentes. Néanmoins, ce serait aller trop loin que de passer soudain de cela aux dispositions nationales – totalement distinctes – concernant la succession des débiteurs dans un contexte de dissolution d’entreprises et de fusion de municipalités.

87.      Je considère donc que dans le contexte du litige en l’espèce, le double impératif d’équivalence et d’effectivité, considéré à la lumière de la concrétisation en droit national de l’article 299 TFUE, ne s’applique tout simplement pas aux règles de succession des débiteurs dans un contexte de dissolution d’entreprises et de fusions de municipalités.

88.      Dans l’hypothèse où la Cour viendrait à considérer néanmoins que les principes d’équivalence et d’effectivité peuvent en l’espèce s’appliquer aux règles nationales en matière de successions, je ferai également des suggestions concernant l’application de ces deux principes à la troisième et à la quatrième question. Pour ce qui est de l’équivalence, le défi principal est de vérifier que les procédures et le traitement peuvent valablement être comparés dans le cadre d’un aspect aussi spécifique de l’exécution forcée. Pour ce qui est de l’effectivité, il est douteux qu’une règle aussi éloignée puisse rendre « impossibles ou excessivement difficiles » des recours fondés sur le droit de l’Union.

89.      J’examinerai ci-après chacun des principes de façon plus approfondie.

b)      Sur le principe d’équivalence

90.      En ce qui concerne le principe d’équivalence, la Commission affirme en substance que celle-ci devrait être traitée de la même façon que l’État grec (41) pour ce qui est de l’application des règles de succession dans le contexte des actions de recouvrement forcé de créances.

91.      La faiblesse principale que j’aperçois dans cette argumentation est que le principe d’équivalence ne sert pas à comparer des personnes morales ou des États et institutions, ainsi que le traitement qui leur est réservé. Il n’est pas question d’une égalité de traitement entre créanciers (42). Le principe d’équivalence consiste au contraire à veiller à un traitement similaire des procédures, en vue de garantir la mise en œuvre du droit de l’Union. Il implique que les recours fondés sur le droit de l’Union ne soient pas moins bien traités que des recours similaires fondés sur le droit national (43).

92.      Cependant, dans la mesure où l’argumentation de la Commission peut être interprétée comme une tentative de comparer des procédures, ainsi que cela a déjà été expliqué aux points 25 et 38 à 41 des présentes conclusions, il appartient à la juridiction de renvoi de déterminer, sur la base de leur objet, de leur cause et de leurs caractéristiques essentielles, si les procédures sont similaires. En procédant à cet examen, la juridiction de renvoi peut tenir compte du fait que l’exécution en cause dans le litige au principal est le résultat de l’exercice par la Commission de pouvoirs spéciaux échappant aux règles normales applicables qui régissent les relations entre personnes privées. Je renvoie à cet égard au raisonnement déjà exposé au point 54 des présentes conclusions.

93.      Dès que la juridiction de renvoi aura identifié des procédures similaires, elle devra examiner la similitude des règles et apprécier si les recours fondés sur le droit de l’Union font réellement l’objet d’un traitement défavorable, ainsi que la Commission l’affirme. À cet égard, il est évidemment important de cerner clairement la nature précise de la disposition qui est invoquée et examinée à la lumière du principe d’équivalence.

c)      Sur le principe d’effectivité

94.      Une disposition nationale peut violer le principe d’effectivité si elle rend impossible ou excessivement difficile l’exercice de droits issus du droit de l’Union. Dimos Zagoriou a affirmé, sans être contredit par la Commission, qu’en réalité, l’entreprise existe encore et possède même des actifs qui sont en dépôt dans une banque. Pour autant qu’il en soit effectivement ainsi et que la Commission ait pu ou puisse encore récupérer l’intégralité de l’aide auprès de l’entreprise, je ne pense pas qu’il y ait pu avoir une quelconque violation du principe d’effectivité.

95.      Le fait que l’entreprise continue d’exister et possède des actifs est un élément de fait que la juridiction nationale devra vérifier. Néanmoins, pour autant que l’entreprise n’existerait plus et ne possèderait pas d’actifs, ainsi que Dimos Zagoriou l’affirme, j’ajouterais les observations suivantes concernant le principe d’effectivité.

96.      Si les règles de succession nationales pertinentes permettent à une autorité publique qui contrôle une société, laquelle a indûment perçu une aide de l’Union, de liquider cette société et, en substance, de s’approprier tous les actifs de la société, y compris l’aide, tout en ayant le pouvoir discrétionnaire de renoncer aux passifs de la société qu’elle choisira, une telle situation pourrait alors effectivement susciter des interrogations quant au principe d’effectivité.

97.      Même si telle est l’idée centrale des affirmations de la Commission, j’ignore si la situation décrite correspond de quelque façon que ce soit aux règles qui, en l’espèce, prévalent en droit national. Il existe en effet, du moins au vu des argumentations écrites et orales présentées à la Cour, un désaccord quant au champ d’application de ces règles ratione materiae, ratione personae et ratione temporis. Il s’ensuit que, de mon point de vue, la Cour ne dispose tout simplement pas des éléments nécessaires pour être en mesure de fournir à cet égard une quelconque orientation détaillée.

98.      Deux autres points soulevés au cours de la procédure devant la Cour méritent une attention particulière : il s’agit de la pertinence du droit de l’Union relatif aux aides d’État et des principes de coopération loyale et de protection juridictionnelle effective. Je les considérerai ci-après sous d) et sous e).

d)      Sur le droit des aides d’État et la coopération loyale

99.      La Commission reconnaît dans ses observations écrites que c’est le droit national qui détermine l’identité de la personne contre laquelle la décision de la Commission imposant une obligation pécuniaire doit être exécutée. La Commission ajoute cependant qu’une application par analogie des règles de succession du droit de l’Union relatif aux aides d’État – notamment inspirées de l’action paulienne (44) du droit romain – plaide également en faveur de la possibilité pour la Commission de se retourner contre Dimos Zagoriou en tant que responsable conjoint et solidaire des dettes de l’entreprise. La Commission s’inspire également à cet égard du principe de coopération loyale du droit de l’Union.

100. S’il faut rendre hommage à l’inventivité de l’argumentation, je considère qu’il nous faut ici garder à l’esprit le principe de légalité et le principe de sécurité juridique garanti par le droit de l’Union et qui est d’une ancienneté au moins tout aussi auguste (45).

101. L’article 299 TFUE énonce clairement que l’exécution forcée relève du droit national. L’utilisation par analogie des dispositions du droit de l’Union relatives aux aides d’État – qui constituent une catégorie de règles totalement distincte – va à l’encontre du libellé limpide de l’article 299 TFUE. Elle bafoue également le principe de sécurité juridique. Ainsi que la Cour de céans l’a confirmé, « le principe de sécurité juridique exige qu’une réglementation imposant des charges au contribuable soit claire et précise, afin qu’il puisse connaître sans ambiguïté ses droits et obligations et prendre ses dispositions en conséquence » (46). Il en va de même, a fortiori, lorsqu’il s’agit de faire exécuter contre des tiers des demandes de paiement. La base légale d’une telle exécution doit être claire. Je rappelle que la Commission a confirmé qu’elle n’avait invoqué aucune disposition du droit dérivé de l’Union pour justifier de la succession.

102. Pour ce qui est du principe de coopération loyale, la Commission ne fait guère plus que l’évoquer en passant. À mon avis, cela ne suffit pas pour que l’on puisse commencer à imposer des dettes à des tiers dans des situations où aucun fondement légal du droit de l’Union ou du droit national n’ouvre cette possibilité.

103. J’ajouterai seulement que l’obligation de coopération loyale est réciproque. Elle suppose que les institutions de l’Union fassent également preuve de diligence. À cet égard, je rappelle que la Commission n’a adopté sa décision tendant à la récupération de l’aide qu’en 2006, soit six ans après avoir été informée que le projet au titre duquel l’aide avait été octroyée n’irait pas de l’avant (47). Si la Commission avait agi plus rapidement pour protéger les intérêts financiers de l’Union, elle n’aurait peut-être pas besoin, pour ce faire, de brandir désormais contre des tiers des analogies plutôt innovantes avec le droit des aides d’État et avec les principes d’équivalence et d’effectivité (48).

e)      Sur la protection juridictionnelle effective

104. Un dernier point qui n’a pas été expressément soulevé par la juridiction nationale, mais qui a fait l’objet d’une discussion lors de l’audience et qui mérite une remarque finale, est la protection juridictionnelle effective de Dimos Zagoriou. À cet égard, ni Dimos Zagoriou ni Kentriko Zagori n’étaient destinataires de la décision de la Commission et, en principe, ils n’auraient pas pu la contester directement au titre de l’article 263 TFUE (49). Se pose donc la question de savoir si l’entité à l’encontre de laquelle la décision de la Commission est exécutée doit avoir l’opportunité de contester la légalité de cette décision, alors même que celle-ci était adressée à une autre entité.

105. La conséquence de cette question est évidente : si le principe de protection juridictionnelle effective inhérent au droit de l’Union exige que toute entité contre laquelle une décision au titre de l’article 299 TFUE est exécutée doit être en mesure de contester cette décision et si Kentriko Zagori n’a pas eu cette possibilité, il s’ensuit que le droit de l’Union s’oppose à ce que l’exécution forcée soit poursuivie à son encontre.

106. En cela, cet aspect est pertinent pour les troisième et quatrième questions de la juridiction de renvoi, lesquelles demandent en substance si c’est le droit de l’Union ou le droit national qui détermine le cercle des entités contre lesquelles l’exécution forcée peut être poursuivie, quelle exécution peut être demandée et si Kentriko Zagori et/ou Dimos Zagoriou sont concernées. Si le principe de protection juridictionnelle effective inhérent au droit de l’Union a bien une incidence sur le cercle des entités concernées, il convient sans doute de l’examiner ici.

107. Néanmoins il est également vrai que ce point n’a pas été explicitement soulevé par la juridiction de renvoi et qu’il n’apparaît pas clairement si Kentriko Zagori ou Dimos Zagoriou ont jamais contesté la légalité de la décision de la Commission. Pour ce motif et même si la question de la protection juridictionnelle effective a effectivement été discutée lors de l’audience, cette piste est à mon avis hypothétique.

108. Dans l’hypothèse où la Cour choisirait malgré tout d’aborder cet aspect spécifique, je formule les brèves remarques suivantes.

109. Premièrement, il est à mon avis une règle générale évidente selon laquelle, lorsqu’une institution de l’Union cherche à saisir les actifs d’une personne, celle‑ci doit en principe avoir le droit de contester au fond la légalité de la saisie. Puisque la boîte de Pandore du latin juridique a déjà été ouverte : ubi jus ibi remedium.

110. Deuxièmement, il est beaucoup plus difficile de dire comment ce principe général est transposé dans des situations impliquant une succession. Je n’ai donc aucun mal à imaginer des cas de figure dans lesquels une personne hérite de la dette d’une autre mais – pour des raisons éventuellement tout à fait légitimes – ne peut pas contester cette dette (50). De telles considérations nous mettent déjà au contact de questions potentiellement complexes du droit national et des rouages des successions. Je considère une fois de plus que la Cour ne dispose pas des informations nécessaires pour formuler des remarques détaillées sur la façon dont le principe de protection juridictionnelle effective inhérent au droit de l’Union s’appliquerait en pratique dans un tel contexte.

111. Troisièmement, ni Kentriko Zagori ni Dimos Zagoriou n’ont eu la possibilité de contester la décision de la Commission, que ce soit au titre de l’article 263 TFUE ou directement devant les juridictions nationales qui n’ont pas compétence pour annuler des actes de l’Union (51). Il est moins évident de savoir si l’une ou l’autre aurait pu contester indirectement la décision de la Commission en demandant un renvoi préjudiciel sur sa validité dans le contexte des procédures nationales d’exécution (52) et, dans l’affirmative, s’il était approprié et pertinent d’emprunter le chemin du renvoi préjudiciel pour contester la décision de la Commission. Aussi importantes que soient ces questions, elles ne font pas l’objet de la présente affaire.

f)      Conclusion

112. À la lumière de ce qui précède, je propose de répondre comme suit aux troisième et quatrième questions de la juridiction de renvoi :

En cas d’exécution forcée d’un acte adopté en application du règlement sur les fonds structurels, du règlement d’application – fonds structurels et du règlement d’application –FEOGA et imposant une obligation pécuniaire à une entreprise qui est détenue par une administration locale et lorsque cette entreprise a par la suite été dissoute, l’article 299 TFUE et les règlements susmentionnés de l’Union n’imposent pas que cette administration locale s’acquitte de l’obligation pécuniaire qui était à charge de l’entreprise. Il appartient au droit national de déterminer les personnes à l’encontre desquelles l’exécution forcée peut être poursuivie, sous réserve des principes d’équivalence et d’effectivité.

V.      Conclusion

113. Au vu de ce qui précède, je propose à la Cour de répondre comme suit aux questions préjudicielles posées par le Monomeles Efeteio Athinon (cour d’appel d’Athènes, statuant en formation à juge unique, Grèce) :

Première et deuxième questions

Il appartient au droit national, sous réserve des principes d’équivalence et d’effectivité, de déterminer quelles juridictions sont compétentes pour statuer sur les recours s’opposant à l’exécution d’actes de la Commission européenne qui imposent une obligation pécuniaire à des personnes autres que les États, conformément à l’article 299 TFUE. Pour apprécier s’il y a violation du principe d’équivalence, en premier lieu, la juridiction nationale doit déterminer si les procédures en cause sont similaires quant à leur objet, leur cause et leurs éléments caractéristiques ; en second lieu, la juridiction nationale doit examiner si les règles procédurales applicables aux recours fondés sur le droit de l’Union sont moins favorables que celles applicables aux recours reposant exclusivement sur le droit national.

Troisième et quatrième questions

En cas d’exécution forcée d’un acte adopté en application du règlement (CEE) no 2052/88 du Conseil, du 24 juin 1988, concernant les missions des Fonds à finalité structurelle, leur efficacité ainsi que la coordination de leurs interventions entre elles et celles de la Banque européenne d’investissement et des autres instruments financiers existants, du règlement (CEE) no 4253/88 du Conseil, du 19 décembre 1988, portant dispositions d’application du règlement no 2052/88 en ce qui concerne la coordination entre les interventions des différents Fonds structurels, d’une part, et entre celles-ci et celles de la Banque européenne d’investissement et des autres instruments financiers, d’autre part, ainsi que du règlement (CEE) no 4256/88 du Conseil, du 19 décembre 1988, portant dispositions d’application du règlement (CEE) no 2052/88 en ce qui concerne le Fonds européen d’orientation et de garantie agricole (FEOGA), section « orientation » et imposant une obligation pécuniaire à une entreprise qui est détenue par une administration locale, et lorsque cette entreprise a par la suite été dissoute, l’article 299 TFUE et les règlements susmentionnés de l’Union européenne n’imposent pas que cette administration locale s’acquitte de l’obligation pécuniaire qui était à charge de l’entreprise. Il appartient au droit national de déterminer les personnes à l’encontre desquelles l’exécution forcée peut être poursuivie, sous réserve des principes d’équivalence et d’effectivité.


1      Langue originale : l’anglais.


2      Décision C(2006) 4798 de la Commission.


3      Règlement du Conseil du 24 juin 1988 concernant les missions des Fonds à finalité structurelle, leur efficacité ainsi que la coordination de leurs interventions entre elles et celles de la Banque européenne d’investissement et des autres instruments financiers existants (JO 1988, L 185, p. 9, ci-après le « règlement sur les fonds structurels »).


4      Règlement du Conseil du 19 décembre 1988 portant dispositions d’application du règlement (CEE) no 2052/88 en ce qui concerne la coordination entre les interventions des différents Fonds structurels, d’une part, et entre celles-ci et celles de la Banque européenne d’investissement et des autres instruments financiers, d’autre part (JO 1988, L 374, p. 1, ci‑après le « règlement d’application – fonds structurels »).


5      Règlement du Conseil du 19 décembre 1988 portant dispositions d’application du règlement (CEE) no 2052/88 en ce qui concerne le Fonds européen d’orientation et de garantie agricole (FEOGA), section « orientation » (JO 1988, L 374, p. 25, ci-après le « règlement d’application – FEOGA »)).


6      Voir la note de bas de page 2.


7      D’après les observations écrites de Dimos Zagoriou, cela s’est produit en vertu d’une loi adoptée en 1997 (loi 2359/1997).


8      D’après les observations écrites de Dimos Zagoriou, cela s’est produit en 2005. Il apparaît cependant que la procédure de dissolution était encore en cours et que l’entreprise existait encore à la date du renvoi préjudiciel.


9      Aux termes des observations écrites de Dimos Zagoriou, cela s’est produit en vertu d’une loi adoptée en 2010 (loi 3852/2010).


10      Arrêt du 16 juin 2015, Gauweiler e.a. (C‑62/14, EU:C:2015:400, point 25).


11      Arrêt du 13 juillet 2006, Manfredi e.a. (C‑295/04 à C‑298/04, EU:C:2006:461, point 70).


12      Pour être précis, la décision de la Commission fait référence à l’article 256 CE et c’est sur le fondement de cette disposition que l’exécution avait initialement été poursuivie. Abstraction faite de nécessaires mises à jour, cette disposition est identique à l’article 299 TFUE [la nouvelle disposition cite des « actes » au lieu des « décisions » du Conseil de l’Union européenne, de la Commission ou de la Banque centrale européenne (BCE)]. Il en résulte qu’il n’y a en l’espèce nul besoin de répondre à une quelconque problématique de champ d’application ratione temporis ; je me référerai à l’article 299 TFUE, ainsi que la juridiction de renvoi le fait dans sa question.


13      Au sens d’innovante et non de nouvelle, puisque la disposition figure dans le traité depuis l’année 1957.


14      Si ce n’est la vérification de l’authenticité de la décision.


15      Voir à cet égard, concernant le choix des juridictions, arrêts du 24 avril 2008, Arcor (C‑55/06, EU:C:2008:244, point 170), ainsi que du 12 février 2015, Baczó et Vizsnyiczai (C‑567/13, EU:C:2015:88, points 43 à 47).


16      Toutefois, ce point devra être étudié plus attentivement lors de l’examen de la troisième et de la quatrième question.


17      Prechal, S., et Cath, K., « The European acquis of Civil Procedure : Constitutional aspects », Uniform Law Review, vol. 19, Oxford University Press, 2014, p. 182.


18      Arrêt du 1er décembre 1998, Levez (C‑326/96, EU:C:1998:577, point 43).


19      Arrêts du 27 juin 2013, Agrokonsulting 04 (C‑93/12, EU:C:2013:432, point 39), et du 12 février 2015, Baczó et Vizsnyiczai (C‑567/13, EU:C:2015:88, point 44).


20      Arrêt du 16 mai 2000, Preston e.a. (C‑78/98, EU:C:2000:247, point 63).


21      Arrêts du 26 janvier 2010, Transportes Urbanos y Servicios Generales (C‑118/08, EU:C:2010:39, point 33), et du 8 juillet 2010, Bulicke (C‑246/09, EU:C:2010:418, point 26).


22      Arrêt du 12 février 2015, Baczó et Vizsnyiczai (C‑567/13, EU:C:2015:88, point 45).


23      Voir notes 18 et 19 des présentes conclusions.


24      J’y reviendrai par la suite, aux points 104 à 111.


25      Cela ne vaut évidemment que pour les obligations de nature pécuniaire telles que les amendes ou, par exemple, l’obligation du condamné de verser à la victime des dommages et intérêts, si cette obligation a été imposée par une juridiction pénale.


26      Arrêt du 1er décembre 1998, Levez (C‑326/96, EU:C:1998:577, point 43).


27      À cet égard, voir, notamment, Reich, N., « The Public/Private Divide in European Law »,dans European Private Law after the Common Frame of Reference, Edward Elgar Publishing, Cheltenham, 2010, p. 56 à 89.


28      Voir notamment, pour un examen comparatif de la France et du Royaume-Uni, The Public Law/Private Law Divide : une entente assez cordiale ? La distinction du droit public et du droit privé : regards français et britanniques, édité par Auby, J.-B., et Freedland, M.,Hart Publishing, 2006.


29      Voir, par analogie, jurisprudence de la Cour sur la notion d’« État » en vue de déterminer l’effet direct des directives (arrêt du 12 juillet 1990, Foster e.a., C‑188/89, EU:C:1990:313, point 20). Voir également jurisprudence relative à la portée du règlement (UE) no 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2012, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (JO 2012, L 351, p. 1), lequel ne s’applique pas aux matières fiscales, douanières ou administratives, ni à la responsabilité de l’État pour des actes ou des omissions commis dans l’exercice de la puissance publique (acta jure imperii). Voir également arrêt du 9 septembre 2015, Lito Maieftiko Gynaikologiko kai Cheirourgiko Kentro/Commission (C‑506/13 P, EU:C:2015:562, point 20), où la Cour a opéré une distinction entre les relations contractuelles normales conclues par la Commission et celles impliquant « l’exercice de prérogatives de puissance publique conférées à l’institution contractante en sa qualité d’autorité administrative ».


30      Arrêt du 16 mai 2000, Preston e.a. (C‑78/98, EU:C:2000:247, point 63).


31      Arrêt du 12 février 2015, Baczó et Vizsnyiczai (C‑567/13, EU:C:2015:88, point 46).


32      Dans sa décision de renvoi, la juridiction nationale parle de « légitimation passive de la personne sur qui pèse l’obligation ». Je comprends l’expression « personne sur qui pèse l’obligation » dans le sens de « personne contre qui l’exécution est poursuivie », à savoir la municipalité et non l’entreprise.


33      Dans ses observations écrites, la Commission dresse néanmoins une analogie aux règles de succession en droit des aides d’État de l’Union et elle invoque le principe de coopération loyale. J’y reviendrai par la suite, aux points 99 à 103.


34      La Commission ne mentionne dans ses observations écrites que le seul Dimos Zagoriou, et non Kentriko Zagori. Ainsi qu’il a été expliqué précédemment, la décision de la Commission avait en réalité déjà été mise à exécution contre Kentriko Zagori, mais ce dernier a été intégré à la municipalité de Dimos Zagoriou.


35      Voir notamment, en ce sens, arrêt du 24 avril 2008, Arcor (C‑55/06, EU:C:2008:244, point 170), dans lequel la Cour soumet à ces principes « la juridiction compétente, la nature du contentieux et, partant, les modalités du contrôle du juge ».


36      Voir notamment, à ce titre, Prechal, S., et Cath, K., op. cit., p. 180 et 181.


37      Arrêt du 20 octobre 2011, Danfoss et Sauer-Danfoss (C‑94/10, EU:C:2011:674).


38      Arrêts du 6 juin 2002, Sapod Audic (C‑159/00, EU:C:2002:343), ainsi que du 30 mai 2013, Genil 48 et Comercial Hostelera de Grandes Vinos (C‑604/11, EU:C:2013:344).


39      Voir jurisprudence citée précédemment en note de bas de page 15, concernant la désignation des juridictions compétentes.


40      Par analogie, la Cour a notamment récemment dit pour droit que, malgré la disposition assurément bien plus explicite de l’article 8 de la directive 2008/94/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 octobre 2008, relative à la protection des travailleurs salariés en cas d’insolvabilité de l’employeur (JO 2008, L 283, p. 36) – aux termes duquel « [l]es États membres s’assurent que les mesures nécessaires sont prises pour protéger les intérêts des travailleurs salariés […] à la date de la survenance de l’insolvabilité de [l’employeur] » –, cette disposition ne peut pas être interprétée d’une façon large au point d’exiger de modifier le droit national de l’insolvabilité de sorte que les paiements dus par l’employeur soient cantonnés et exclus de la procédure d’insolvabilité. Voir arrêt du 24 novembre 2016, Webb‑Sämann (C‑454/15, EU:C:2016:891).


41      La Commission compare également le traitement qu’elle subit à celui réservé aux organismes de sécurité sociale.


42      Il existe des règles spécifiques qui imposent une « égalité de traitement » de l’Union et des autorités publiques des États membres en leur qualité de créanciers, mais aucune ne semble pertinente ni n’a été invoquée en l’espèce. À titre d’exemple, l’article 82 du règlement (UE, Euratom) no 966/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2012, relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union et abrogeant le règlement (CE, Euratom) no 1605/2002 du Conseil (JO 2012, L 298 p. 1), dans sa version actuelle, dispose qu'« [e]n cas de procédure d’insolvabilité, les créances détenues par l’Union reçoivent le même traitement préférentiel que les créances de même nature détenues par les organismes publics des États membres dans lesquels sont menées les procédures de recouvrement ».


43      C’est peut-être le caractère lointain des règles de succession et la difficulté subséquente dans la comparaison des procédures qui ont en l’espèce incité la Commission à revenir vers ce qui me semble plus être une comparaison du traitement des créanciers qu’une comparaison des recours. Voir points 85 à 87 des présentes conclusions.


44      Il s’agit d’un mécanisme de droit civil qui protège les créanciers contre les actes de disposition sur le patrimoine réalisés par leurs débiteurs dans une intention frauduleuse (voir conclusions de l’avocat général Ruiz-Jarabo Colomer dans l’affaire Seagon, C‑339/07, EU:C:2008:575, points 23 à 29 ; l’avocat général y évoque également l’actio per manus iniectio, institution plus ancienne encore, haute en couleur et très directe, mais que la Commission n’a quant à elle pas invoquée). Je présumerai que la Commission se réfère de manière générale, dans la mesure du possible, à un instrument juridique du droit romain, sans insinuer de quelque façon que ce soit que le scénario qui avait vu naître cette institution juridique (à savoir une fraude au détriment des créanciers) se serait également réalisé en l’espèce.


45      The Oxford Handbook of Roman Law and Society, édité par du Plessis, P. J., Ando, C., et Tuori, K., Oxford University Press, Oxford, 2016, p. 25 et 26.


46      Arrêts du 9 juillet 1981, Gondrand et Garancini (169/80, EU:C:1981:171, point 17), ainsi que du 23 septembre 2003, BGL (C‑78/01, EU:C:2003:490).


47      La Commission a en outre confirmé lors de l’audience qu’elle avait manqué de déposer dans les délais son mémoire en défense contre l’opposition de Kentriko Zagori.


48      Voir, sur l’importance pour les parties de faire preuve de diligence dans l’exercice de leurs droits, arrêt du 24 mars 2009, Danske Slagterier (C‑445/06, EU:C:2009:178, points 61 à 64).


49      Même à supposer, en théorie, que Kentriko Zagori ait eu la qualité à agir en annulation de la décision de la Commission, l’exécution forcée contre Kentriko Zagori a été poursuivie bien après l’expiration du délai de deux mois imparti par l’article 263 TFUE pour contester la décision.


50      Ainsi, un héritier universel peut hériter de dettes fiscales ou autres qui sont dues depuis longtemps et ne peuvent plus être contestées.


51      Arrêt du 22 octobre 1987, Foto-Frost (314/85, EU:C:1987:452).


52      Voir, par analogie, arrêt du 18 février 2016, Finanmadrid EFC (C‑49/14, EU:C:2016:98, point 55), qui portait également sur la possibilité de soulever des moyens sur le fond dans un contexte de procédure d’exécution. Voir, plus généralement, sur l’utilisation du mécanisme préjudiciel pour contester la légalité de mesures de l’Union sous-jacentes à des actes nationaux, arrêts du 15 juin 1976, Frecassetti (113/75, EU:C:1976:89, points 8 et 9) ; du 13 décembre 1989, Grimaldi (C‑322/88, EU:C:1989:646, point 8), ainsi que du 8 mars 2007, Roquette Frères (C‑441/05, EU:C:2007:150, points 39 et 40).