Language of document : ECLI:EU:T:2017:603

ARRÊT DU TRIBUNAL (neuvième chambre)

14 septembre 2017 (*)

« Fonction publique – Personnel de la BEI – Rémunération – Adaptation annuelle du barème des traitements de base – Méthode de calcul – Crise économique et financière »

Dans les affaires jointes T‑504/16 et T‑505/16,

Jean-Pierre Bodson, membre du personnel de la Banque européenne d’investissement, demeurant à Luxembourg (Luxembourg), et les autres membres du personnel de la Banque européenne d’investissement dont les noms figurent en annexe (1), représentés par Me L. Levi, avocat,

parties requérantes dans l’affaire T‑504/16,

Esther Badiola, membre du personnel de la Banque européenne d’investissement, demeurant à Luxembourg, et les autres membres du personnel de la Banque européenne d’investissement dont les noms figurent en annexe 1, représentés par Me L. Levi, avocat,

parties requérantes dans l’affaire T‑505/16,

contre

Banque européenne d’investissement (BEI), représentée initialement par MM. T. Gilliams et G. Nuvoli, puis par Mme G. Faedo et M. Gilliams, en qualité d’agents, assistés de Me A. Dal Ferro, avocat,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 270 TFUE et tendant, d’une part, à l’annulation des décisions, contenues dans les bulletins de salaire de février 2013 et des mois postérieurs, faisant application aux requérants de la décision du conseil d’administration de la BEI du 18 décembre 2012 et de la décision du comité de direction de la BEI du 29 janvier 2013 ainsi que de l’article mis en ligne le 5 février 2013 et de la note d’information du 15 février 2013 informant le personnel de l’adoption de ces deux décisions et, d’autre part, à la condamnation de la BEI à verser aux requérants une somme correspondant à la différence entre le montant des rémunérations versées en application des décisions susmentionnées et celui des rémunérations dues en application du régime résultant de la décision du conseil d’administration de la BEI du 22 septembre 2009 ainsi que des dommages et intérêts en réparation des préjudices que les requérants auraient prétendument subis en raison de leur perte de pouvoir d’achat et de l’incertitude liée à l’évolution de leurs rémunérations,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre),

composé de MM. S. Gervasoni, président, R. da Silva Passos et Mme K. Kowalik‑Bańczyk (rapporteur), juges,

greffier : Mme G. Predonzani, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 4 mai 2017,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Les requérants, M. Jean-Pierre Bodson et les autres personnes physiques dont les noms figurent en annexe dans l’affaire T‑504/16, d’une part, et Mme Esther Badiola et les autres personnes physiques dont les noms figurent en annexe dans l’affaire T‑505/16, d’autre part, sont des agents de la Banque européenne d’investissement (BEI).

2        Le régime pécuniaire des agents de la BEI prévoit l’octroi d’un traitement de base, de primes et de diverses indemnités et allocations ainsi que la mise à jour régulière du barème des traitements de base.

 Adoption d’une méthode d’adaptation annuelle du barème des traitements de base

3        Le 29 juin 2009, le département des ressources humaines de la BEI a présenté au comité de direction de la BEI (ci-après le « comité de direction ») une proposition tendant, notamment, à l’introduction, à compter de 2010, d’une nouvelle méthode d’adaptation annuelle du barème des traitements de base, fondée sur l’inflation. Selon cette proposition, l’adaptation du barème des traitements de base pour une année donnée devait correspondre à la moyenne du taux d’inflation prévu au Luxembourg pour l’année en question et des taux d’inflation constatés au cours des deux années précédentes.

4        Le 30 juin 2009, le comité de direction a approuvé cette proposition et l’a transmise au conseil d’administration de la BEI (ci-après le « conseil d’administration ») ainsi qu’au sous-comité du conseil d’administration en charge des rémunérations (ci-après le « sous-comité de rémunérations »).

5        À l’issue de plusieurs réunions, dont la dernière s’est tenue le 21 septembre 2009, le sous-comité de rémunérations a adopté une recommandation favorable à l’adoption d’une telle méthode. Cette recommandation est libellée comme suit :

« Le [sous-comité de rémunérations] soutient l’introduction d’une nouvelle approche relative au taux d’adaptation annuelle [du barème des traitements de base], fondée sur l’inflation à Luxembourg au cours de trois années glissantes. Cette approche devrait être maintenue pour une période de sept ans. Il sera ensuite décidé s’il convient de la garder ou de la modifier. De plus, il sera étudié si le mécanisme fondé sur trois années glissantes suit le taux d’inflation réel. Si ce n’est pas le cas, le taux d’adaptation [du barème des traitements de base] sera réaligné au taux d’inflation, à la hausse ou à la baisse. La première étude et l’ajustement qui en suivra seront effectués en 2012 pour l’adaptation [du barème des traitements de base] de 2013. À partir de ce moment-là, l’ajustement sera effectué tous les ans. »

6        Le 22 septembre 2009, le conseil d’administration a adopté une décision (ci-après la « décision du 22 septembre 2009 ») approuvant la recommandation du sous-comité de rémunérations. Par cette décision, la BEI a ainsi adopté une méthode d’adaptation annuelle du barème des traitements de base de son personnel fondée sur l’inflation (ci-après la « méthode de 2009 ») pour une période de sept ans.

7        Par une note adressée aux membres du personnel du 25 septembre 2009, le président de la BEI a informé ces derniers de l’adoption de la décision du 22 septembre 2009. Cette note explique que cette décision a pour objet l’adoption d’une « méthode [relative à l’adaptation du barème des traitements de base] plus simple et plus transparente », compte tenu de deux éléments conjoncturels liés, d’une part, aux « efforts demandés à la [BEI] et à son personnel pour répondre à la crise économique, par un accroissement considérable de [son] volume d’activité » et, d’autre part, à « l’attention portée par les gouvernements et les opinions publiques aux rémunérations et primes des personnels des banques ».

 Adaptation annuelle du barème des traitements de base pour l’année 2012

8        Le 13 décembre 2011, le conseil d’administration a approuvé, pour l’année 2012, un budget des dépenses de personnel permettant d’augmenter le barème des traitements de base de 2,8 %, conformément à la méthode de 2009, pour la généralité du personnel, à savoir les agents des fonctions C à K, mais de seulement 1,8 % pour les autres agents, à savoir les cadres de direction.

 Adaptation annuelle du barème des traitements de base pour l’année 2013

9        À l’automne 2012, le comité de direction a soumis, pour avis, au comité de rémunérations du personnel de la BEI (ci-après le « comité de rémunérations »), lequel avait remplacé en 2010 le sous-comité de rémunérations, une proposition tendant à augmenter le budget des dépenses de personnel pour le personnel en fonction de 5,1 % en 2013. Cette augmentation avait pour objet de financer, d’une part, à hauteur de 1,5 %, les dépenses liées aux avancements d’échelon au mérite, aux promotions et aux reclassements et, d’autre part, une augmentation de 3,6 % du barème des traitements de base en application de la méthode de 2009, laquelle prenait en compte en 2013 un ajustement à la hausse de 0,9 %, afin de tenir compte du taux d’inflation effectivement constaté au cours des années précédentes.

10      Dans un avis adopté à la suite des réunions des 22 octobre, 19 novembre et 17 décembre 2012 (ci-après l’« avis de décembre 2012 »), le comité de rémunérations a estimé, au vu des conditions économiques et sociales ainsi que des réalités politiques prévalant dans les États membres, qu’il ne pouvait pas approuver l’augmentation de 5,1 % du budget des dépenses de personnel pour le personnel en fonction proposée par le comité de direction. En conséquence, le comité de rémunérations a, d’une part, recommandé au conseil d’administration de limiter à 2,3 % cette augmentation et, d’autre part, invité le comité de direction à décider de la répartition de cette augmentation ainsi que du niveau de ressources internes devant, le cas échéant, être mobilisé afin de compléter ledit budget. Il a également proposé, dans le même avis, que la méthode de 2009 soit modifiée afin d’inclure des dispositions permettant une plus grande flexibilité en période de crise économique.

11      Le 18 décembre 2012, le conseil d’administration a approuvé le plan d’activité de la BEI pour les années 2013 à 2015, lequel prévoyait une augmentation, en 2013, de 2,3 % du budget des dépenses de personnel pour le personnel en fonction (ci-après la « décision du 18 décembre 2012 »).

12      Un communiqué interne relatif au plan d’activité de la BEI pour les années 2013 à 2015 précise :

« Compte tenu du climat économique et politique actuel et des mesures d’austérité en place dans de nombreux États membres, nos actionnaires doivent […] donner la perception d’un traitement équitable des affaires nationales et européennes. Le budget de la BEI prend donc en considération les réductions des budgets nationaux par une augmentation en 2013 du budget des dépenses [de personnel pour le personnel en fonction] de 2,3 % […] »

13      Lors de sa réunion du 18 décembre 2012, le conseil d’administration ne s’est toutefois pas opposé à ce que le budget des dépenses de personnel pour le personnel en fonction soit augmenté, dans la limite de 1 % supplémentaire, grâce à l’utilisation de ressources internes résultant de l’« effet de noria », défini par les parties comme l’économie réalisée lors du départ à la retraite de certains agents, suivi soit de leur remplacement par de nouveaux agents plus jeunes ayant des rémunérations moins élevées, soit de leur non-remplacement, permettant ainsi une augmentation totale des différentes formes d’augmentation salariale de 3,3 %.

14      Le 23 janvier 2013, la direction générale du personnel de la BEI a adressé au comité de direction une note lui demandant d’approuver des mesures d’exécution de la décision du 18 décembre 2012. Cette note précisait notamment que l’augmentation de 3,3 % du budget des dépenses de personnel pour le personnel en fonction ne permettrait pas d’augmenter, conformément à la méthode de 2009, de 3,6 % le barème des traitements de base. Dans la mesure où l’augmentation du budget des dépenses de personnel pour le personnel en fonction devait également financer, à hauteur de 1,5 %, les avancements d’échelon au mérite, les promotions et les reclassements, la direction générale du personnel a proposé d’augmenter le barème des traitements de base de seulement 1,8 %, c’est-à-dire d’augmenter ledit barème d’un taux inférieur de moitié au taux prévu en application de la méthode de 2009.

15      Le 29 janvier 2013, le comité de direction a approuvé les mesures de mise en œuvre de la décision du 18 décembre 2012 proposées par la direction générale du personnel (ci-après la « décision du 29 janvier 2013 »).

16      Le 5 février 2013, un article mis en ligne sur l’intranet de la BEI (ci-après l’« article du 5 février 2013 ») a informé le personnel de l’approbation, le 29 janvier 2013, par le comité de direction, du budget des dépenses de personnel et, en particulier, de la fixation à 1,8 % de l’augmentation du barème des traitements de base pour l’année 2013.

17      Le 15 février 2013, la direction générale du personnel de la BEI a également communiqué aux membres du personnel de la BEI une note les informant de l’adaptation annuelle du barème des traitements de base pour l’année 2013 (ci-après la « note d’information du 15 février 2013 »).

18      L’adaptation annuelle du barème des traitements de base pour l’année 2013 résultant des décisions du 18 décembre 2012 et du 29 janvier 2013 a été appliquée pour la première fois dans les bulletins de salaire des requérants de février 2013.

 Procédure et conclusions des parties

19      Par requêtes déposées au greffe du Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne le 8 mai 2013, les requérants, ainsi que deux autres agents de la BEI, ont introduit les présents recours, qui ont été enregistrés, respectivement, sous les numéros F‑41/13 et F‑43/13.

20      Par lettre déposée au greffe du Tribunal de la fonction publique le 13 novembre 2013, le représentant des requérants dans l’affaire F‑41/13 a informé le Tribunal de la fonction publique que les deux autres agents mentionnés au point 19 ci-dessus se désistaient de leur recours.

21      Par ordonnance du 9 décembre 2013 du président de la troisième chambre du Tribunal de la fonction publique, les noms des deux personnes mentionnées aux points 19 et 20 ci-dessus ont été radiés de la liste des requérants.

22      Par mesures d’organisation de la procédure, adoptées sur le fondement de l’article 55, paragraphe 2, sous b), de son règlement de procédure, le Tribunal de la fonction publique a, le 13 février 2014, invité les parties dans les affaires F‑41/13 et F‑43/13 à faire part de leurs observations sur les conséquences éventuelles à tirer des arrêts du 12 février 2014, Bodson e.a./BEI (F‑83/12, EU:F:2014:15), et du 12 février 2014, Bodson e.a./BEI (F‑73/12, EU:F:2014:16). Les parties ont déféré à cette demande dans le délai imparti.

23      Par ordonnances du 16 juin 2014, le président de la troisième chambre du Tribunal de la fonction publique a suspendu la procédure dans les affaires F‑41/13 et F‑43/13 jusqu’au prononcé des arrêts mettant fin aux instances dans les affaires T‑240/14 P et T‑241/14 P, Bodson e a./BEI, relatives aux pourvois formés contre les arrêts du 12 février 2014, Bodson e.a./BEI (F‑83/12, EU:F:2014:15), et du 12 février 2014, Bodson e.a./BEI (F‑73/12, EU:F:2014:16), au motif que les requérants soulevaient, dans les deux présentes affaires, un moyen tiré d’une violation des conditions essentielles de leurs contrats d’emploi, à l’instar des parties requérantes dans les affaires T‑240/14 P et T‑241/14 P.

24      À la suite du prononcé des arrêts du 26 février 2016, Bodson e.a./BEI (T‑241/14 P, EU:T:2016:103), et du 26 février 2016, Bodson e.a./BEI (T‑240/14 P, EU:T:2016:104), le Tribunal de la fonction publique a repris les procédures et, par mesures d’organisation de la procédure adoptées sur le fondement de l’article 55, paragraphe 2, sous b), de son règlement de procédure, a, le 3 mars 2016, invité les parties à faire part de leurs observations sur les conséquences éventuelles à tirer desdits arrêts. Les parties ont déféré à cette demande dans le délai imparti.

25      En application de l’article 3 du règlement (UE, Euratom) 2016/1192 du Parlement européen et du Conseil, du 6 juillet 2016, relatif au transfert au Tribunal de la compétence pour statuer, en première instance, sur les litiges entre l’Union européenne et ses agents (JO 2016, L 200, p. 137), les affaires F‑41/13 et F‑43/13 ont été transférées au Tribunal dans l’état où elles se trouvaient à la date du 31 août 2016. Elles ont été enregistrées, respectivement, sous les numéros T‑504/16 et T‑505/16.

26      Par mesures d’organisation de la procédure, adoptées sur le fondement de l’article 89, paragraphe 3, sous d), du règlement de procédure du Tribunal, le Tribunal a, le 3 février 2017, invité la BEI à produire plusieurs textes non publiés au Journal officiel de l’Union européenne formant le cadre juridique des présentes affaires et, notamment, l’annexe 3 du procès-verbal PV/09/09 de la réunion du conseil d’administration du 22 septembre 2009, laquelle matérialise la décision du 22 septembre 2009. La BEI a déféré à cette demande dans le délai imparti.

27      Par décision du 7 mars 2017, le président de la neuvième chambre du Tribunal, les parties entendues, a joint les affaires T‑504/16 et T‑505/16 aux fins de la phase orale de la procédure et de la décision mettant fin à l’instance, conformément à l’article 68 du règlement de procédure.

28      Les requérants concluent, chacun en ce qui le concerne, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler :

–        les décisions, contenues dans leurs bulletins de salaire de février 2013, faisant application des décisions du 18 décembre 2012 et du 29 janvier 2013 ;

–        toutes les décisions contenues dans les bulletins de salaire postérieurs faisant application des mêmes décisions ;

–        et, pour autant que de besoin, l’article du 5 février 2013 et la note d’information du 15 février 2013 ;

–        condamner la BEI au paiement :

–        à titre de réparation du préjudice financier, de dommages et intérêts évalués, à titre provisoire, à 30 000 euros par requérant, sur la base, d’une part, de la différence résultant de la mise en œuvre des décisions susmentionnées et du régime issu de la méthode de 2009 depuis le 1er janvier 2013, augmentée d’intérêts de retard au taux de la Banque centrale européenne (BCE) pour les opérations principales de refinancement majoré de trois points et, d’autre part, de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi en raison de leur perte de pouvoir d’achat ;

–        à titre de réparation du préjudice moral, de 1 000 euros par requérant ;

–        le cas échéant, à défaut pour la BEI de les produire spontanément, inviter cette dernière, au titre de mesures d’organisation de la procédure, à produire les documents suivants :

–        le procès-verbal de la réunion du conseil d’administration du 18 décembre 2012 ;

–        le procès-verbal de la réunion du comité de direction du 29 janvier 2013 ;

–        les notes de son département des ressources humaines (personnel), RH/P&O/2009-0083 du 26 juin 2009 et personnel/ASP/2013-5 du 23 janvier 2013 ;

–        l’annexe 3 du procès-verbal PV/09/09 de la réunion du conseil d’administration du 22 septembre 2009 ;

–        son plan d’activité pour les années 2013 à 2015 ;

–        condamner la BEI aux dépens.

29      La BEI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner les requérants aux dépens.

 En droit

 Sur les mesures d’organisation de la procédure sollicitées par les requérants

30      Les requérants concluent à ce que le Tribunal adopte des mesures d’organisation de la procédure ordonnant la production de certains documents par la BEI dans l’hypothèse où celle-ci ne les produirait pas spontanément.

31      Il convient toutefois de constater que, d’une part, les requérants ont pris acte de la production, par la BEI, en annexe au mémoire en défense, des documents demandés, tout en relevant que la décision du 22 septembre 2009 n’avait pas été produite.

32      D’autre part, par les mesures d’organisation de la procédure mentionnées au point 26 ci-dessus, le Tribunal a invité la BEI à produire la décision du 22 septembre 2009. La BEI a déféré à cette demande dans le délai imparti.

33      Par conséquent, il n’y a plus lieu de statuer sur la demande de mesures d’organisation de la procédure sollicitées par les requérants.

 Sur les conclusions en annulation

34      Le Tribunal estime qu’il y a lieu d’examiner distinctement les conclusions en annulation selon qu’elles sont dirigées contre l’article du 5 février 2013 et la note d’information du 15 février 2013, d’une part, et contre les décisions contenues dans les bulletins de salaire des requérants de février 2013 et des mois postérieurs, d’autre part.

 Sur les conclusions dirigées contre l’article du 5 février 2013 et la note d’information du 15 février 2013

35      À titre liminaire, en premier lieu, il convient de rappeler que les litiges purement internes entre la BEI et ses agents sont soumis à un régime particulier. Ces litiges, qui s’apparentent, par nature, aux litiges entre les institutions de l’Union européenne et leurs fonctionnaires ou agents, sont soumis au contrôle juridictionnel au titre de l’article 270 TFUE et de l’article 50 bis du statut de la Cour de justice de l’Union européenne (voir, en ce sens, arrêts du 15 juin 1976, Mills/BEI, 110/75, EU:C:1976:88, points 5 à 18, et du 23 février 2001, De Nicola/BEI, T‑7/98, T‑208/98 et T‑109/99, EU:T:2001:69, points 93, 94 et 100).

36      En outre, le conseil d’administration a adopté, le 20 avril 1960, un règlement du personnel, applicable aux agents de la BEI et modifié en dernier lieu, pour ce qui concerne le présent litige, le 1er janvier 2009 (ci-après le « règlement du personnel »). L’article 41, premier alinéa, du règlement du personnel dispose que « [l]es différends de toute nature d’ordre individuel entre la [BEI] et les membres de son personnel sont portés devant la Cour de justice [de l’Union européenne] ».

37      Ainsi, s’agissant des litiges survenant entre la BEI et ses agents, seuls les différends d’ordre individuel peuvent être portés devant le Tribunal. Par conséquent, si les agents de la BEI peuvent, sous certaines conditions, dans le cadre d’un litige d’ordre individuel, exciper de l’illégalité de mesures de portée générale, ils ne sont en revanche pas recevables à en demander directement l’annulation (voir, en ce sens, arrêt du 28 septembre 2011, De Nicola/BEI, F‑13/10, EU:F:2011:161, point 54).

38      En second lieu, il résulte d’une jurisprudence constante que, faute de pouvoir affecter les intérêts de son destinataire ou de modifier la situation juridique de celui-ci par rapport à la situation antérieure à sa réception, un acte purement informatif n’est pas susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation (voir, en ce sens, arrêt du 11 décembre 2012, Sina Bank/Conseil, T‑15/11, EU:T:2012:661, points 30 et 31 et jurisprudence citée).

39      En l’espèce, contrairement à ce que soutiennent les requérants, l’article du 5 février 2013 et la note d’information du 15 février 2013 se bornent à informer le personnel de la BEI de l’adoption de la décision du 29 janvier 2013, laquelle vise à produire des effets juridiques à l’égard d’une catégorie de personnes, à savoir les agents de la BEI, envisagée de manière générale et abstraite et constitue, par suite, une mesure de portée générale. Il s’ensuit que cet article et cette note d’information, d’une part, ne constituent pas eux-mêmes des actes de portée individuelle et, d’autre part, présentent un caractère purement informatif et ne sont donc pas des actes faisant grief.

40      Par conséquent, les conclusions tendant à l’annulation de l’article du 5 février 2013 et de la note d’information du 15 février 2013 sont, à double titre, irrecevables.

 Sur les conclusions dirigées contre les décisions contenues dans les bulletins de salaire des requérants de février 2013 et des mois postérieurs

41      Les requérants soutiennent, par voie d’exception, que les décisions du 18 décembre 2012 et du 29 janvier 2013, dont les décisions contenues dans leurs bulletins de salaire de février 2013 et des mois postérieurs ont fait application, sont illégales.

42      Au soutien de cette exception d’illégalité, les requérants soulèvent trois moyens, tirés, le premier, de la violation de la décision du 22 septembre 2009, le deuxième, de la violation du principe de protection de la confiance légitime et, le troisième, de la violation des conditions fondamentales de leurs contrats d’emploi.

43      Par le premier moyen, les requérants soutiennent que les décisions du 18 décembre 2012 et du 29 janvier 2013 sont illégales en ce qu’elles ont été prises, en ce qui concerne l’adaptation du barème des traitements de base pour l’année 2013, en méconnaissance de la méthode de 2009, adoptée par la décision du 22 septembre 2009.

44      À cet égard, la BEI ne conteste pas le fait que l’application de la méthode de 2009 aurait dû conduire à une augmentation du barème des traitements de base de 3,6 % en 2013 et que, par suite, l’augmentation de 1,8 % dudit barème résultant des décisions du 18 décembre 2012 et du 29 janvier 2013 l’a conduite à s’écarter de cette méthode pour l’année 2013.

45      Toutefois, la BEI fait valoir qu’elle n’était pas tenue d’appliquer, pour l’année 2013, la méthode de 2009. En premier lieu, elle explique que cette méthode était une simple directive interne dépourvue de caractère contraignant. En deuxième lieu, le conseil d’administration aurait, au demeurant, modifié ladite méthode par la décision du 18 décembre 2012. En troisième lieu, le contexte de crise économique aurait, en tout état de cause, constitué un cas de force majeure justifiant de déroger à cette méthode.

46      À titre liminaire, il convient de rappeler que les relations entre les requérants et la BEI, même si elles ont une origine contractuelle, relèvent essentiellement d’un régime réglementaire (voir, en ce sens, arrêts du 12 février 2014, Bodson e.a./BEI, F‑83/12, EU:F:2014:15, point 107, et du 12 février 2014, Bodson e.a./BEI, F‑73/12, EU:F:2014:16, point 55). En effet, l’article 29, devenu en avril 2012 l’article 31, du règlement intérieur de la BEI prévoit que les règlements relatifs au personnel de la BEI sont fixés par le conseil d’administration et que le comité de direction en adopte les modalités d’application.

47      C’est ainsi que l’article 20, premier alinéa, du règlement du personnel énonce que « [l]e barème des traitements de base relatif aux catégories de fonctions définies à l’article 14 figure en [a]nnexe I [dudit] [r]èglement ». L’annexe I dudit règlement prévoit, quant à elle, que « [l]e barème des traitements de base fait l’objet de mises à jour régulières ».

48      Il y a lieu de préciser que, en vertu de ces dispositions, la BEI dispose d’un pouvoir d’appréciation pour fixer et pour modifier unilatéralement les éléments de la rémunération de son personnel (voir, en ce sens, arrêts du 26 février 2016, Bodson e.a./BEI, T‑241/14 P, EU:T:2016:103, points 51 et 57, et du 26 février 2016, Bodson e.a./BEI, T‑240/14 P, EU:T:2016:104, points 39 et 44) et, partant, pour arrêter et pour mettre à jour le barème des traitements de base de ce personnel.

49      Cependant, la BEI, dans le cadre de ce pouvoir d’appréciation, peut décider de déterminer, par avance, dans un premier temps et pour une certaine période, des critères encadrant la fixation, dans un second temps, des mises à jour régulières du barème des traitements de base de son personnel et, ainsi, de s’obliger à respecter lesdits critères lors des adaptations annuelles dudit barème au cours de cette période (voir, en ce sens, arrêts du 5 juin 1973, Commission/Conseil, 81/72, EU:C:1973:60, point 11 ; du 26 juin 1975, Commission/Conseil, 70/74, EU:C:1975:93, points 20 et 21, et du 24 novembre 2010, Commission/Conseil, C‑40/10, EU:C:2010:713, points 64 et 71).

50      En l’espèce, il est constant que, par la décision du 22 septembre 2009, le conseil d’administration a adopté une méthode d’adaptation annuelle du barème des traitements de base applicable pour une durée de sept années.

51      Dans ces conditions, en premier lieu, il convient de déterminer si, comme le soutiennent les requérants, cette méthode présente un caractère contraignant ou si, comme le fait valoir la BEI, elle constitue une simple directive interne.

52      À cet égard, d’abord, il y a lieu de relever que la décision du 22 septembre 2009 a été adoptée, sur proposition du comité de direction et après avis du sous-comité de rémunérations, par le conseil d’administration, organe compétent pour adopter les règlements relatifs au personnel en vertu de l’article 29, alors applicable, du règlement intérieur de la BEI.

53      Ensuite, il n’est pas contesté que la méthode de 2009, décrite aux points 3 et 5 ci-dessus, détermine, de façon précise et exhaustive, les critères permettant de calculer, chaque année, l’adaptation du barème des traitements de base, et ce pour une durée de sept ans. Ainsi, en adoptant cette méthode, le conseil d’administration a arrêté des dispositions concrètes visant à mettre en œuvre l’article 20, premier alinéa, du règlement du personnel ainsi que l’annexe I de ce règlement et ayant pour objet d’encadrer et, dès lors, de restreindre le pouvoir d’appréciation de la BEI lors de la fixation de l’adaptation annuelle du barème des traitements de base (voir, en ce sens, arrêt du 24 novembre 2010, Commission/Conseil, C‑40/10, EU:C:2010:713, points 67 et 68).

54      Enfin, il ressort des termes de la décision du 22 septembre 2009 et du contexte ayant présidé à son adoption que, contrairement à qu’elle prétend, la BEI a entendu conférer à cette décision un caractère contraignant, de sorte que ladite décision ne saurait être assimilée à une simple directive interne dont la BEI aurait pu s’écarter à condition d’en donner les raisons (voir, en ce sens, arrêt du 5 juin 1973, Commission/Conseil, 81/72, EU:C:1973:60, point 8).

55      Ce constat ne saurait être infirmé par les arguments de la BEI tirés, premièrement, de la circonstance que la méthode de 2009 prévoyait un ajustement en 2013, deuxièmement, du fait que cette méthode ne comporte aucun régime d’exception, contrairement au statut des fonctionnaires de l’Union européenne et au régime applicable aux autres agents de l’Union européenne, troisièmement, de la circonstance que, dans l’avis de décembre 2012, le comité de rémunérations avait suggéré d’adopter une plus grande flexibilité lors des années de crise économique et, quatrièmement, du fait que la méthode de 2009 n’a été appliquée qu’à certaines catégories de personnel en 2012, après n’avoir été appliquée qu’avec difficulté en 2011.

56      En effet, premièrement, le mécanisme de l’ajustement prévu en 2013, précisément défini par la méthode de 2009, fait partie des modalités d’application de cette méthode. Cet ajustement avait pour seul objet de corriger, pour l’année 2013, l’adaptation du barème des traitements de base dans l’hypothèse où l’application de la méthode de 2009 pour les années 2010 à 2012 n’aurait pas conduit à une indexation de ce barème au taux d’inflation effectivement constaté au cours de ces années. Il importe d’ailleurs de souligner, ainsi que cela a été relevé au point 9 ci-dessus, que l’augmentation du barème des traitements de base de 3,6 % résultant de l’application, en 2013, de la méthode de 2009 prend notamment en compte l’ajustement prévu en 2013. Dès lors, cet ajustement ne constitue ni une exception permettant à la BEI de déroger à cette méthode ni un élément de nature à établir le caractère non contraignant de la méthode de 2009, mais constitue au contraire un élément supplémentaire renforçant son caractère contraignant.

57      Deuxièmement, il est, certes, constant que, à l’inverse de l’annexe XI du statut des fonctionnaires de l’Union européenne, établi à l’origine par le règlement (CEE, Euratom, CECA) n° 259/68 du Conseil, du 29 février 1968, fixant le statut des fonctionnaires des Communautés européennes ainsi que le régime applicable aux autres agents de ces Communautés, et instituant des mesures particulières temporairement applicables aux fonctionnaires de la Commission (JO 1968, L 56, p. 1), la décision du 22 septembre 2009 ne comporte aucune disposition permettant de déroger à la méthode de 2009 en cas de constatation d’une détérioration de la situation économique et sociale à l’intérieur de l’Union. Toutefois, l’existence ou l’absence de régime d’exception est, en elle-même, dépourvue de toute pertinence aux fins de déterminer si la méthode de 2009 présente un caractère contraignant ou non contraignant.

58      Troisièmement, le comité de rémunérations a expressément proposé, dans l’avis de décembre 2012, que la méthode de 2009 soit modifiée afin d’inclure des dispositions autorisant une plus grande flexibilité en cas de crise économique, ce qui tend à confirmer que, en l’absence d’une telle modification, la méthode de 2009 devait s’appliquer en 2013.

59      Quatrièmement, la circonstance que la méthode de 2009 n’a été que partiellement appliquée en 2012, puisqu’une partie du personnel, à savoir les cadres de direction, a alors bénéficié d’une adaptation annuelle du barème de ses traitements de base inférieure à celle prévue par cette méthode, est sans incidence sur le constat que cette méthode, au demeurant correctement appliquée à l’ensemble du personnel en 2010 et en 2011, présente un caractère contraignant.

60      Il s’ensuit que, en adoptant la décision du 22 septembre 2009, la BEI s’est, par une décision autonome, liée, pour la durée de la validité de celle-ci, à savoir sept ans, dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation découlant du règlement du personnel, à respecter la méthode de 2009. Par conséquent, la BEI ne saurait se prévaloir, dans le cadre de l’adaptation annuelle du barème des traitements de base de son personnel, d’une marge d’appréciation allant au-delà des critères déterminés dans cette méthode (voir, en ce sens, arrêt du 24 novembre 2010, Commission/Conseil, C‑40/10, EU:C:2010:713, point 71).

61      De plus, il convient de constater que les critères énoncés par la méthode de 2009 permettent de fixer précisément le montant de l’augmentation du barème des traitements de base devant être adoptée chaque année, de telle sorte que cette méthode ne laisse aucune marge d’appréciation à la BEI lors de l’adoption des décisions procédant, chaque année, à l’adaptation de ce barème. Telle était d’ailleurs l’intention du conseil d’administration lorsqu’il a adopté cette méthode. En effet, il ressort de la note du président de la BEI du 25 septembre 2009, mentionnée au point 7 ci-dessus, que le conseil d’administration souhaitait faire dépendre les mises à jour régulières du barème des traitements de base de l’application d’une méthode « plus simple et plus transparente ».

62      Dans ces conditions, l’argument de la BEI tiré de l’absence de caractère contraignant de la méthode de 2009 ou de sa prétendue flexibilité doit être écarté.

63      En deuxième lieu, il importe de vérifier si la méthode de 2009 était toujours applicable en 2013, ainsi que le soutiennent les requérants, ou si elle avait, à cette date, été modifiée par la décision du 18 décembre 2012, ainsi que le fait valoir la BEI.

64      À cet égard, d’une part, il convient de relever que la décision du 18 décembre 2012 non seulement ne comporte aucune disposition abrogeant, suspendant ou modifiant la décision du 22 septembre 2009, mais ne comporte aucune référence à cette décision.

65      D’autre part, il y a lieu de noter que ces décisions, bien qu’adoptées toutes deux par le même organe et selon la même procédure, sont de nature différente et ont des objets distincts. En effet, la décision du 22 septembre 2009, tout en ayant été adoptée dans le cadre de l’élaboration du budget de l’année 2010, présente un caractère réglementaire et pluriannuel dans la mesure où elle prévoit une méthode encadrant, pour plusieurs années, l’adaptation annuelle d’un des éléments de la rémunération du personnel, à savoir le barème des traitements de base. En revanche, la décision du 18 décembre 2012 est un acte de nature essentiellement budgétaire adoptant le plan d’activité de la BEI pour les années 2013 à 2015, fixant, dans ce cadre, le taux d’augmentation du budget des dépenses de personnel pour le personnel en fonction pour une année déterminée, en l’espèce l’année 2013, et dont il n’est pas soutenu qu’il comportait des dispositions réglementaires relatives à la rémunération du personnel de la BEI.

66      Dans ces conditions, la décision du 18 décembre 2012 ne peut être regardée comme ayant modifié la méthode de 2009. Il convient, par ailleurs, de noter qu’il en va de même, pour les mêmes raisons et a fortiori dans la mesure où elle émane du comité de direction et non du conseil d’administration, de la décision du 29 janvier 2013.

67      En troisième lieu, il y a lieu d’examiner l’argument de la BEI tiré de ce que le contexte économique de l’automne 2012 constituait un cas de force majeure justifiant la non-application, en 2013, de la méthode de 2009.

68      À cet égard, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, si la notion de force majeure ne présuppose pas une impossibilité absolue, elle exige néanmoins que la non-réalisation du fait en cause soit due à des circonstances étrangères à celui qui l’invoque, anormales et imprévisibles, dont les conséquences n’auraient pu être évitées malgré toutes les diligences déployées (arrêts du 8 mars 1988, McNicholl, 296/86, EU:C:1988:125, point 11 ; du 4 mars 2010, Commission/Italie, C‑297/08, EU:C:2010:115, point 85, et du 30 juin 2016, Jinan Meide Casting/Conseil, T‑424/13, EU:T:2016:378, point 76).

69      En l’espèce, il ressort de la motivation, rappelée au point 10 ci-dessus, de l’avis de décembre 2012 ainsi que des termes du communiqué interne, mentionné au point 12 ci-dessus, que la BEI s’est écartée, dans les décisions du 18 décembre 2012 et du 29 janvier 2013, de la méthode de 2009 afin de tenir compte du contexte économique, social et politique existant dans les États membres et de donner l’impression d’un traitement équitable des affaires nationales et européennes.

70      Toutefois, d’une part, force est de constater que, si elle fait état d’une situation de crise économique, la BEI n’apporte aucun élément circonstancié ou chiffré relatif à la gravité de cette crise et à l’impact de cette dernière sur sa propre situation financière. En particulier, la BEI n’établit ni même n’allègue qu’il lui aurait été impossible, ou du moins excessivement difficile, de financer les dépenses résultant de l’application de la méthode de 2009, comme cela avait été initialement proposé par la direction générale du personnel puis par le comité de direction.

71      D’autre part, il ressort des termes, résumés au point 7 ci-dessus, de la note adressée le 25 septembre 2009 par le président de la BEI au personnel que celle-ci a tenu compte du contexte de crise économique lors de l’adoption de la méthode de 2009. Dans ces conditions, et alors qu’elle ne fait état d’aucune dégradation de la situation économique entre septembre 2009 et l’automne 2012, la BEI ne démontre pas davantage que le contexte économique prévalant lors de l’adoption des décisions du 18 décembre 2012 et du 29 janvier 2013 aurait été imprévisible au moment de l’adoption de la décision du 22 septembre 2009.

72      Il s’ensuit que la BEI n’a pas établi que le contexte économique et social ou les impératifs politiques qu’elle allègue constituaient une circonstance anormale et imprévisible, dont elle n’aurait pu éviter les conséquences malgré les diligences déployées, et constitutive, dès lors, d’un cas de force majeure.

73      Dans ces conditions, et compte tenu de la circonstance, relevée aux points 57 et 61 ci-dessus, que la méthode de 2009 ne comporte aucun régime d’exception et ne laisse aucune marge d’appréciation à la BEI, la situation de crise économique invoquée par la BEI n’était pas de nature à justifier une adaptation en 2013 du barème des traitements de base de son personnel inférieure à celle résultant de la méthode de 2009.

74      Dès lors, il résulte de ce qui précède, sans qu’il soit besoin d’examiner les deuxième et troisième moyens soulevés par les requérants, que les décisions du 18 décembre 2012 et du 29 janvier 2013 ont violé la décision du 22 septembre 2009 et qu’elles sont, par suite, illégales.

75      Par voie de conséquence, les décisions, contenues dans les bulletins de salaire des requérants du mois de février 2013 et des mois postérieurs et prises sur le fondement des décisions du 18 décembre 2012 et du 29 janvier 2013, de n’augmenter qu’à hauteur de 1,8 % le barème des traitements de base des requérants sont également illégales et, partant, doivent être annulées.

 Sur les conclusions indemnitaires

76      En premier lieu, s’agissant du préjudice financier allégué par les requérants, il convient de rappeler que, en application de l’article 266 TFUE, il incombera à la BEI de prendre les mesures que comporte l’exécution du présent arrêt et, notamment, d’adopter, dans le respect du principe de légalité, tout acte de nature à compenser équitablement le désavantage ayant résulté, pour les requérants, des actes annulés (voir arrêt du 15 septembre 2005, Casini/Commission, T‑132/03, EU:T:2005:324, point 98 et jurisprudence citée), sans préjudice de la possibilité pour les requérants d’introduire par la suite un recours à l’encontre des mesures adoptées par la BEI en exécution du présent arrêt. Dans ces conditions, les conclusions indemnitaires des requérants tendant à la réparation du préjudice financier sont prématurées (voir, en ce sens, arrêts du 7 juin 2011, Larue et Seigneur/BCE, F‑84/09, EU:F:2011:71, point 64, et du 29 septembre 2011, Bowles e.a./BCE, F‑114/10, EU:F:2011:173, points 79 et 80).

77      En second lieu, s’agissant du préjudice moral que les requérants prétendent avoir subi, il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence, l’annulation d’un acte entaché d’illégalité peut constituer en elle-même la réparation adéquate et, en principe, suffisante de tout préjudice moral que cet acte peut avoir causé, à moins que la partie requérante ne démontre avoir subi un préjudice moral détachable de l’illégalité fondant l’annulation et insusceptible d’être intégralement réparé par cette annulation (voir, en ce sens, arrêts du 7 février 1990, Culin/Commission, C‑343/87, EU:C:1990:49, points 27 à 29, et du 9 décembre 2010, Commission/Strack, T‑526/08 P, EU:T:2010:506, point 58).

78      En l’espèce, les requérants se bornent à faire état d’un préjudice moral résultant du fait qu’ils ont été placés dans une situation d’incertitude en ce qui concerne l’évolution de leurs rémunérations, sans apporter aucune explication quant à la gravité et aux conséquences de cette incertitude pour eux. Par ailleurs, il ressort de l’article du 5 février 2013 et de la note d’information du 15 février 2013 que, avant même de recevoir leurs bulletins de salaire de février 2013 faisant, pour la première fois, application de l’adaptation de 1,8 % du barème des traitements de base décidée pour l’année 2013, les requérants ont été informés du niveau de cette adaptation, de sorte que l’incertitude invoquée ne saurait être établie. Dans ces conditions, force est de constater que la requête ne comporte pas la moindre démonstration quant à l’étendue du préjudice moral prétendument subi par les requérants, ni, à plus forte raison, quant à la question de savoir si ce préjudice serait ou non susceptible d’être intégralement réparé par l’annulation des décisions contestées.

79      Au vu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter les conclusions indemnitaires des requérants.

 Sur les dépens

80      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

81      La BEI ayant succombé en l’essentiel de ses conclusions, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions des requérants.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre)

déclare et arrête :

1)      Les décisions de la Banque européenne d’investissement (BEI), faisant application de la décision du conseil d’administration de la BEI du 18 décembre 2012 et de la décision du comité de direction de la BEI du 29 janvier 2013 et contenues dans les bulletins de salaire de février 2013 et des mois postérieurs de M. Jean-Pierre Bodson et des autres membres du personnel de la BEI dont les noms figurent en annexe dans l’affaire T504/16, d’une part, et de Mme Esther Badiola et des autres membres du personnel de la BEI dont les noms figurent en annexe dans l’affaire T505/16, d’autre part, sont annulées.

2)      Le surplus des recours est rejeté.

3)      La BEI est condamnée aux dépens.

Gervasoni

Da Silva Passos

Kowalik-Bańczyk

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 14 septembre 2017.

Le greffier

 

Le président

E. Coulon

 

D. Gratsias


* Langue de procédure : le français


1      La liste des autres parties requérantes n’est annexée qu’à la version notifiée aux parties.