Language of document : ECLI:EU:C:2006:549

Affaire C-479/04

Laserdisken ApS

contre

Kulturministeriet

(demande de décision préjudicielle, introduite par l'Østre Landsret)

«Directive 2001/29/CE — Harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information — Article 4 — Droit de distribution — Règle d'épuisement — Base juridique — Accords internationaux — Politique de la concurrence — Principe de proportionnalité — Liberté d'expression — Principe d'égalité — Articles 151 CE et 153 CE»

Sommaire de l'arrêt

1.        Rapprochement des législations — Droit d'auteur et droits voisins — Directive 2001/29 — Harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information — Droit de distribution

(Directive du Parlement européen et du Conseil 2001/29, art. 4, § 2)

2.        Actes des institutions — Choix de la base juridique — Critères — Acte concernant l'harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information

(Art. 47, § 2, CE, 55 CE et 95 CE; directive du Parlement européen et du Conseil 2001/29)

3.        Rapprochement des législations — Droit d'auteur et droits voisins — Directive 2001/29 — Harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information — Droit de distribution

(Directive du Parlement européen et du Conseil 2001/29, art. 4, § 2)

1.        L'article 4, paragraphe 2, de la directive 2001/29, sur l'harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information, doit être interprété en ce sens qu'il s'oppose à des règles nationales prévoyant l'épuisement du droit de distribution relatif à l'original ou à des copies d'une oeuvre mis dans le commerce hors de la Communauté européenne par le titulaire ou avec le consentement de celui-ci.

En effet, il résulte des termes clairs de l'article 4, paragraphe 2, de la directive 2001/29, lus en combinaison avec le vingt-huitième considérant de cette directive, que ladite disposition ne laisse pas aux États membres la faculté de prévoir une règle d'épuisement autre que celle de l'épuisement dans la Communauté. Cette conclusion est corroborée par l'article 5 de ladite directive, qui autorise les États membres à prévoir des exceptions ou des limitations au droit de reproduction, au droit de communication d'oeuvres au public, au droit de mettre à la disposition du public d'autres objets protégés et au droit de distribution. En effet, il ne résulte d'aucune disposition de cet article que les exceptions ou les limitations autorisées pourraient concerner la règle de l'épuisement inscrite à l'article 4, paragraphe 2, de la directive 2001/29 et, partant, permettre aux États membres de déroger à cette règle.

(cf. points 24-25, 27, disp. 2)

2.        Dans le cadre du système de compétences de la Communauté, le choix de la base juridique d'un acte doit se fonder sur des éléments objectifs susceptibles de contrôle juridictionnel. Parmi ces éléments figurent, notamment, le but et le contenu de l'acte. À cet égard, les dispositions des articles 47, paragraphe 2, CE, 55 CE et 95 CE, en vertu desquelles a été adoptée la directive 2001/29 sur l'harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information, permettent de prendre des mesures nécessaires au bon fonctionnement du marché intérieur en ce qui concerne la liberté d'établissement et la libre prestation des services au moyen d'une harmonisation des législations nationales relatives au contenu et à l'exercice du droit d'auteur et des droits voisins. Il résulte des considérants de ladite directive que celle-ci poursuit manifestement les objectifs visés par les dispositions du traité susmentionnées.

(cf. points 30-32)

3.        L'article 4, paragraphe 2, de la directive 2001/29 sur l'harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information, qui ne prévoit l'épuisement du droit de distribution dans la Communauté relatif à l'original ou à des copies d'une oeuvre qu'en cas de première vente ou premier autre transfert de propriété dans la Communauté de cet objet par le titulaire du droit ou avec son consentement, ne viole ni les accords internationaux conclus par la Communauté dans le domaine du droit d'auteur et des droits voisins, ni les règles du traité relatives à la mise en place d'une politique de concurrence, ni les principes de proportionnalité et d'égalité, ni la liberté d'expression, ni les articles 151 CE et 153 CE.

En effet, en premier lieu, s'agissant des accords internationaux conclus par la Communauté dans le domaine du droit d'auteur et des droits voisins, ni l'article 6, paragraphe 2, du traité de l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) sur le droit d'auteur, ni les articles 8, paragraphe 2, et 12, paragraphe 2, du traité de l'OMPI sur les interprétations et exécutions et les phonogrammes n'imposent une obligation à la Communauté, en tant que partie contractante, de prévoir une règle spécifique concernant l'épuisement de ce droit.

En second lieu, pour ce qui est des règles du traité relatives à la mise en place d'une politique de concurrence, il ressort du premier considérant de la directive 2001/29 que l'harmonisation réalisée par ladite directive vise également à assurer une concurrence non faussée dans le marché intérieur, conformément à l'article 3, paragraphe 1, sous g), CE.

En troisième lieu, eu égard aux objectifs visés par les institutions communautaires, il apparaît que le choix opéré à l'article 4, paragraphe 2, précité, en faveur de la règle d'épuisement dans la Communauté ne constitue pas une mesure disproportionnée pouvant affecter la validité de cette disposition.

En quatrième lieu, le titulaire étant à même d'exercer son contrôle sur la première commercialisation de l'objet couvert par le droit de distribution, la liberté d'expression ne saurait d'évidence être invoquée pour invalider la règle d'épuisement. En outre, la restriction alléguée de la liberté de recevoir des informations est justifiée au regard de la nécessité de protéger les droits de propriété intellectuelle, tels que les droits d'auteur, qui font partie du droit de propriété.

En cinquième lieu, en ce qui concerne le principe d'égalité, il ne fait aucun doute que le producteur et le titulaire d'une licence établis dans un État tiers ne se trouvent pas dans une situation identique ou comparable à celle du producteur et du titulaire d'une licence établis dans la Communauté.

En dernier lieu, s'agissant des articles 151 CE et 153 CE, il résulte de plusieurs considérants de ladite directive ainsi que du régime d'exceptions et de limitations prévu à son article 5 que les aspects culturels propres aux États membres, ainsi que le droit à l'éducation, dont le législateur communautaire doit tenir compte dans le cadre de son action, ont été pleinement pris en considération par les institutions communautaires lors de l'élaboration et de l'adoption de la directive 2001/29.

(cf. points 40, 49, 58, 63, 65, 69, 80)