Language of document : ECLI:EU:C:2016:659

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MACIEJ SZPUNAR

présentées le 8 septembre 2016 (1)

Affaire C‑133/15

H.C. Chavez-Vilchez,

P. Pinas,

U. Nikolic,

X.V. García Pérez,

J. Uwituze,

I.O. Enowassam,

A.E. Guerrero Chavez,

Y.R.L. Wip

[demande de décision préjudicielle formée par le Centrale Raad van Beroep (cour d’appel en matière de sécurité sociale et de fonction publique, Pays-Bas)]

« Renvoi préjudiciel – Citoyenneté de l’Union – Article 20 TFUE – Refus, dans un État membre, du droit de séjour à un ressortissant d’un État tiers assumant la garde effective de son enfant en bas âge, ressortissant de cet État membre – Présence de l’autre parent, ressortissant de cet État sur le territoire de ce même État – Obligation, pour le ressortissant de l’État tiers, de démontrer l’incapacité de l’autre parent de s’occuper de l’enfant, ladite incapacité obligeant l’enfant à quitter le territoire de l’État de sa nationalité si le droit de séjour est refusé au parent ressortissant de l’État tiers »

Table des matières

I –   Introduction

II – Le cadre juridique

A –   Le droit de l’Union

1.     Le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

2.     La charte des droits fondamentaux de l’Union européenne

3.     La directive 2004/38/CE 

B –   Le droit néerlandais

III – Les faits à l’origine des litiges au principal, les questions préjudicielles et la procédure devant la Cour

IV – Analyse

A –   Considérations liminaires

1.     Le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant

2.     L’hétérogénéité des situations en cause au principal

3.     La pratique des organes administratifs néerlandais et les procédures en droit des étrangers

B –   Examen de la situation de Mmes Chavez-Vilchez et Wip ainsi que de leurs filles sous le prisme de l’article 21, paragraphe 1, TFUE et de la directive 2004/38

1.     Sur l’incidence de l’exercice de la liberté de circulation de la fille de Mme Chavez-Vilchez

a)     Bref rappel de la jurisprudence sur l’applicabilité de la directive 2004/38 dans le cas où un citoyen de l’Union, qui a fait un usage effectif et préalable de sa liberté de circulation, se déplace vers l’État membre dont il possède la nationalité

b)     Sur l’applicabilité de l’article 5 de la directive 2004/38 lorsqu’un enfant en bas âge citoyen de l’Union, qui a fait un usage effectif et préalable de sa liberté de circulation, se déplace vers l’État membre dont il possède la nationalité accompagné d’un ascendant ressortissant d’un État tiers qui en a la garde exclusive

2.     Sur l’incidence de l’exercice de la liberté de circulation de la fille de Mme Wip

C –   Examen des situations des enfants ayant toujours séjourné dans leur propre État membre, en compagnie de leurs mères ayant leur garde effective, sous l’angle de l’article 20 TFUE

1.     Les première et deuxième questions préjudicielles

a)     La citoyenneté de l’Union : le statut fondamental de citoyens de l’Union

b)     Sur le caractère particulier des situations en cause au principal

c)     Sur le respect du principe de proportionnalité et sur le degré de dépendance entre le parent ressortissant d’un État tiers et l’enfant citoyen de l’Union

d)     Conclusion intermédiaire

2.     Sur la troisième question préjudicielle

V –   Conclusion





I –    Introduction

1.        Les questions posées par le Centrale Raad van Beroep (cour d’appel en matière de sécurité sociale et de fonction publique, Pays-Bas) portent, en substance, sur la question de savoir si l’article 20 TFUE s’oppose à ce qu’un État membre refuse le droit de séjour à l’un des parents, ressortissant d’un État tiers, d’un enfant en bas âge qui est citoyen de cet État membre dans lequel il a toujours séjourné, alors même qu’il assume la garde effective, lorsqu’il n’a pas été établi que l’autre parent, lui-même citoyen de cet État membre, peut assumer la garde effective de l’enfant.

2.        La juridiction de renvoi indique qu’il ressort de la pratique administrative néerlandaise que la jurisprudence issue de l’arrêt Ruiz Zambrano (2) est interprétée de manière restrictive, au point de considérer que, au sens de cette jurisprudence, le départ du territoire de l’Union européenne du parent ressortissant d’un État tiers ne prive pas l’enfant, citoyen de l’Union, de la jouissance effective de l’essentiel des droits qu’il tire de son statut de citoyen de l’Union. Selon les autorités néerlandaises compétentes, cette jurisprudence est applicable uniquement si le père n’est pas en mesure de s’occuper de l’enfant, parce qu’il est décédé, en prison, interné dans un établissement psychiatrique, incapable ou introuvable, ou si sa demande d’obtention de la garde de l’enfant citoyen de l’Union a été rejetée en justice.

3.        Dans cet arrêt, dans lequel la Cour a considéré que le droit de l’Union s’oppose à des mesures nationales ayant pour effet de priver les citoyens de l’Union de la jouissance effective de l’essentiel des droits que ces citoyens tirent du statut de citoyen de l’Union, le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant a été certainement pris en compte. Le présent renvoi préjudiciel conduira la Cour à se pencher sur ce principe de manière, à mon avis, plus évidente.

II – Le cadre juridique

A –    Le droit de l’Union

1.      Le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

4.        L’article 20, paragraphe 1, TFUE institue la citoyenneté de l’Union et dispose que « toute personne ayant la nationalité d’un État membre » est citoyen de l’Union. Conformément à l’article 20, paragraphe 2, sous a), TFUE, les citoyens de l’Union ont le « droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres ».

5.        L’article 21, paragraphe 1, TFUE ajoute que ce droit s’applique « sous réserve des limitations et conditions prévues par les traités et par les dispositions prises pour leur application ».

2.      La charte des droits fondamentaux de l’Union européenne

6.        L’article 7 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), intitulé « Respect de la vie privée et familiale » stipule que « [t]oute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de ses communications ».

3.      La directive 2004/38/CE (3)

7.        L’article 5, paragraphes 1 et 4, de la directive 2004/38/CE dispose ce qui suit :

« 1.      Sans préjudice des dispositions concernant les documents de voyage, applicables aux contrôles aux frontières nationales, les États membres admettent sur leur territoire le citoyen de l’Union muni d’une carte d’identité ou d’un passeport en cours de validité ainsi que les membres de sa famille qui n’ont pas la nationalité d’un État membre et qui sont munis d’un passeport en cours de validité.

[...]

4.      Lorsqu’un citoyen de l’Union ou un membre de la famille qui n’a pas la nationalité d’un État membre ne dispose pas du document de voyage requis ou, le cas échéant, du visa nécessaire, l’État membre concerné accorde à ces personnes tous les moyens raisonnables afin de leur permettre d’obtenir ou de se procurer, dans un délai raisonnable, les documents requis ou de faire confirmer ou prouver par d’autres moyens leur qualité de bénéficiaires du droit de circuler et de séjourner librement, avant de procéder au refoulement ».

B –    Le droit néerlandais

8.        L’article 1er de la Vreemdelingenwet 2000 (loi de 2000 sur les étrangers, ci‑après la « loi sur les étrangers ») dispose ce qui suit :

« Au sens de la présente loi et des dispositions adoptées sur son fondement, on entend par :

[...]

e)      ressortissants communautaires :

1°.      les ressortissants des États membres de l’Union européenne qui, sur le fondement du traité instituant la Communauté européenne, sont autorisés à entrer et à séjourner sur le territoire d’un autre État membre ;

2°.      les membres de la famille des personnes visées au 1° qui possèdent la nationalité d’un État tiers et qui, au titre d’une décision prise en exécution du traité instituant la Communauté européenne, sont autorisés à entrer et à séjourner sur le territoire d’un État membre ;

[...] »

9.        L’article 8 de cette loi prévoit :

« L’étranger n’a le droit de séjourner de manière régulière aux Pays-Bas que :

[...]

e)      en tant que ressortissant communautaire, dans la mesure où il séjourne aux Pays-Bas en vertu d’une réglementation adoptée au titre du traité instituant la Communauté européenne ou de l’accord sur l’Espace économique européen ;

f)      si, dans l’attente d’une décision sur une demande de permis de séjour, [...] la présente loi, une disposition adoptée en vertu de celle-ci ou une décision de justice prévoit qu’il n’y a pas lieu d’expulser l’étranger tant qu’il n’aura pas été statué sur la demande ;

g)      si, dans l’attente d’une décision sur une demande de permis de séjour [...] ou de prolongation de la durée d’un permis de séjour [...], ou sur une modification d’un permis de séjour, la présente loi, une disposition adoptée en vertu de celle-ci ou une décision de justice prévoit qu’il n’y a pas lieu d’expulser l’étranger tant qu’il n’aura pas été statué sur la demande ;

h)      si, dans l’attente d’une décision sur un recours administratif ou juridictionnel, la présente loi, une disposition adoptée en vertu de celle-ci ou une décision de justice prévoit qu’il n’y a pas lieu d’expulser l’étranger tant qu’il n’aura pas été statué sur ledit recours ».

10.      L’article 10 de cette même loi énonce :

« 1. L’étranger qui ne se trouve pas en séjour régulier ne peut pas prétendre à des prestations et allocations accordées par un organe administratif. La première phrase est applicable mutatis mutandis aux exemptions et aux autorisations désignées par la loi ou par une mesure générale d’administration.

2. Il peut être dérogé au paragraphe 1 lorsque la prétention concerne des études, la fourniture de soins médicaux nécessaires, la prévention d’atteintes à la santé publique ou l’assistance juridique aux étrangers.

3. Une décision faisant droit à une prétention ne donne pas droit au séjour régulier. »

11.      La juridiction de renvoi précise que l’exécution de la loi sur les étrangers relève de la responsabilité du Staatsecretaris van Veiligheid en Justitie (secrétaire d’État à la Sécurité et à la Justice, ci-après le « secrétaire d’État »). L’Immigratie- en Naturalisatiedienst [service de l’immigration et de la naturalisation (IND)] est chargé, entre autres missions, de la mise en œuvre de la loi sur les étrangers dans la mesure où ce service examine toutes les demandes de titre de séjour et statue sur celles-ci au nom du secrétaire d’État (4).

12.      La Vreemdelingencirculaire 2000 (circulaire de 2000 sur les étrangers, ci‑après la « circulaire sur les étrangers ») consiste en un ensemble de directives édictées par le secrétaire d’État. Cette circulaire est accessible à tous et chacun peut invoquer les directives. Lors de l’examen des demandes de titres de séjour, pour lequel il est désigné comme l’autorité nationale compétente, l’IND est tenu de respecter ces directives. Il ne peut s’en écarter que de façon motivée et dans des cas exceptionnels n’ayant pas été considérés lors de leur rédaction.

13.      La circulaire sur les étrangers, dans sa version en vigueur à la date des litiges au principal, partie B, section 2.2, comporte les directives suivantes :

« L’étranger est en séjour régulier au sens de la [loi sur les étrangers] lorsqu’il réunit toutes les conditions suivantes :

–        l’étranger a un enfant mineur qui possède la nationalité néerlandaise ;

–        l’enfant est à la charge de l’étranger et habite avec lui, et

–        l’enfant devrait, si le droit de séjour était refusé à l’étranger, suivre celui-ci et quitter le territoire de l’Union européenne.

En tout état de cause, l’IND ne considère pas que l’enfant [dont le père ou la mère est étranger] est obligé de suivre [son parent étranger] et quitter le territoire de l’Union européenne s’il a un autre parent qui se trouve en séjour régulier en vertu de [...] la [loi sur les étrangers], ou qui a la nationalité néerlandaise, et si ce parent peut s’occuper concrètement de l’enfant.

L’IND considère, en tout état de cause, que l’autre parent peut s’occuper concrètement de l’enfant si :

–        il assume la garde de l’enfant ou pourrait encore s’en voir attribuer la garde, et

–        il peut recourir, pour s’occuper de l’enfant et pour l’éducation de celui-ci, à une aide et une assistance fournies par les autorités ou par des organismes sociaux. L’IND inclut aussi dans cette catégorie l’octroi d’une allocation financée par le budget de l’État et à laquelle tout Néerlandais vivant aux Pays-Bas peut, en principe, prétendre.

L’IND considère, en tout état de cause, que l’autre parent ne peut pas s’occuper concrètement de l’enfant lorsqu’il :

–        se trouve en détention, ou

–        établit que la garde de l’enfant ne peut pas lui être attribuée. »

14.      En vertu de la législation néerlandaise, les parents ressortissants d’un État tiers doivent bénéficier du droit de séjour pour pouvoir prétendre aux allocations prévues par la loi sur l’aide sociale ou par la loi sur les allocations familiales.

15.      Le 1er juillet 1998, est entrée en vigueur la loi modifiant la loi sur les étrangers et certaines autres lois, du 26 mars 1998, et visant à subordonner à un séjour régulier aux Pays-Bas la revendication par les étrangers, auprès des organes administratifs, de prestations, d’allocations, d’exemptions et d’autorisations. Cette loi est également appelée « loi de liaison ». Pour les étrangers autres que les citoyens de l’Union, cette loi a introduit, dans la législation sur l’aide sociale, l’exigence d’obtenir de l’autorité compétente un titre de séjour afin d’être assimilé à un Néerlandais et, dans la loi sur les allocations familiales, une obligation équivalente afin d’être considéré comme un assuré.

16.      La demande de permis de séjour doit être faite à l’IND. Ce service statue sur le droit de séjour au nom du secrétaire d’État.

17.      Les demandes d’allocations familiales au titre de la loi sur les allocations familiales sont introduites auprès de la Sociale verzekeringsbank [caisse d’assurance sociale (SvB), Pays-Bas].

18.      Les demandes d’aide au titre de la loi sur l’aide sociale doivent être introduites auprès du collège échevinal de la commune où l’intéressé est domicilié.

19.      L’article 11 de la loi sur l’aide sociale dispose ce qui suit :

« 1.      Tout Néerlandais résidant aux Pays-Bas qui se trouve ou risque de se trouver, sur le territoire national, dans une situation où il ne dispose pas des moyens d’existence nécessaires peut prétendre à une aide sociale publique.

2.      Est assimilé à un Néerlandais tel que visé au paragraphe 1 tout étranger résidant aux Pays-Bas qui y séjourne de manière régulière au sens de l’article 8, initio et sous a) à e), et sous l), de la [loi sur les étrangers], à l’exception des cas visés à l’article 24, paragraphe 2, de la directive 2004/38/CE.

[...] ».

20.      L’article 16 de cette loi énonce ce qui suit :

« 1.      Par dérogation à la présente section, le collège [échevinal] peut octroyer une aide à une personne non titulaire du droit à une aide sociale si cette mesure se justifie pour des raisons impérieuses au regard de toutes les circonstances.

2.      Le paragraphe 1 n’est pas d’application à des étrangers autres que ceux visés à l’article 11, paragraphes 2 et 3. »

21.      L’article 6 de la loi sur les allocations familiales stipule ce qui suit :

« 1.      L’assuré au sens des dispositions de la présente loi est celui qui :

a)      est un résident ;

b)      sans être résident, est soumis à l’impôt sur le revenu en raison d’une activité salariée exercée aux Pays-Bas.

2.      N’est pas un assuré l’étranger qui ne séjourne pas de manière régulière au sens de l’article 8, initio et sous a) à e), et sous l), de la [loi sur les étrangers]. »

III – Les faits à l’origine des litiges au principal, les questions préjudicielles et la procédure devant la Cour

22.      Les huit litiges au principal concernent des demandes d’allocations d’aide sociale (bijstandsuitkering) au titre de la loi sur l’aide sociale et/ou des demandes d’allocations familiales (kinderbijslag) au titre de la loi sur les allocations familiales, introduites par les requérantes.

23.      Mme H.C. Chavez-Vilchez, ressortissante vénézuélienne, est entrée avec un visa touristique aux Pays-Bas en 2007-2008 pour rendre visite à M. Koopman, ressortissant néerlandais. Le 30 mars 2009, le couple a eu une fille, Angelina, qui a été reconnue par M. Koopman et possède donc la nationalité néerlandaise. Tous les trois ont vécu en Allemagne jusqu’en 2011. Au mois de juin 2011, M. Koopman a contraint Mme Chavez-Vilchez à quitter leur logement avec leur fille. Mme Chavez-Vilchez et sa fille ont quitté l’Allemagne et se sont alors présentées au centre d’accueil d’urgence de la commune d’Arnhem (Pays-Bas) où elles sont restées pendant un certain temps. Mme Chavez-Vilchez assume depuis lors la garde de sa fille et a déclaré que M. Koopman ne contribue ni à l’entretien ni à l’éducation de celle-ci.

24.      Mme Pinas, ressortissante surinamienne, était titulaire depuis l’année 2004 d’un permis de séjour, qui lui a été retiré en 2006. Elle est domiciliée à Almere (Pays-Bas) et est mère de quatre enfants. Shine, l’un de ses enfants, est née le 23 décembre 2009 de sa relation avec M. Mawny, de nationalité néerlandaise. Elle a été reconnue par son père et possède donc la nationalité néerlandaise. Mme Pinas et M. Mawny ont la garde de leur fille mais vivent séparément et ce dernier ne contribue pas à l’entretien de sa fille. Ils sont en contact mais aucun règlement du droit de visite n’a été convenu.

25.      Mme Nikolic est arrivée aux Pays-Bas en provenance de l’un des pays d’ex-Yougoslavie en 2003. Sa nationalité n’est pas certaine, à défaut de papiers d’identité. Selon la juridiction de renvoi, il serait possible qu’elle soit croate. Sa demande de permis de séjour a été rejetée en 2009. Le 26 janvier 2010 est née une fille, Esther, de sa relation avec M. van de Pluijm, ressortissant néerlandais. L’enfant a été reconnue par M. van de Pluijm et possède donc la nationalité néerlandaise. Mme Nikolic est domicilié à Amsterdam (Pays-Bas) et a la garde de sa fille. Toutes les deux vivent dans un centre d’accueil de leur commune. Mme Nikolic a déclaré ne pas pouvoir cohabiter avec le père de sa fille en raison du fait qu’il suit un programme de logement assisté.

26.      Mme García Pérez, ressortissante nicaraguayenne, est arrivée en 2001-2002 aux Pays-Bas en provenance du Costa Rica accompagnée de M. Schwencke, ressortissant néerlandais. Le 9 avril 2008, une fille, Angely, est née de leur relation. Elle a été reconnue par M. Schwencke et possède donc la nationalité néerlandaise. Mme García Pérez est domicilié à Haarlem (Pays-Bas) et a la garde de sa fille. M. Schwencke ne contribue pas à l’entretien d’Angely et son domicile actuel est inconnu. Le registre de la population indique qu’il est parti pour le Costa Rica le 8 juillet 2009. Mme García Pérez a un deuxième enfant dont M. Schwencke n’est pas le père. La famille vit dans un centre d’accueil de la commune.

27.      Mme Uwituze, ressortissante rwandaise a, le 12 décembre 2011, donné naissance à une fille, Habibatou. M. Fofana, de nationalité néerlandaise, a reconnu l’enfant, qui possède donc la même nationalité que son père. M. Fofana ne contribue ni à la prise en charge ni à l’éducation de sa fille. Il a déclaré ne pouvoir ni vouloir s’occuper d’elle. Mme Uwituze est domicilié à Bois-le-Duc (Pays-Bas) et vit avec sa fille dans un centre d’accueil de leur commune.

28.      Mme Wip, ressortissante surinamienne, a donné naissance à deux enfants, Shalomie, le 25 novembre 2009, et Joe, le 23 novembre 2012. M. Panka et les enfants possèdent la nationalité néerlandaise. Nonobstant le fait que la relation du couple est terminée, M. Panka a des contacts avec ses enfants plusieurs fois par semaine. Il reçoit une allocation d’aide sociale ainsi qu’une allocation familiale. Il remet l’allocation familiale à Mme Wip mais ne contribue pas davantage à l’entretien des enfants. Mme Wip est domiciliée à Amsterdam.

29.      Mme Enowassam, ressortissante camerounaise, est arrivée aux Pays-Bas en 1999. De sa relation avec M. Arrey, de nationalité néerlandaise, est née le 2 mai 2008 une fille, Philomena. M. Arrey a reconnu Philomena, qui a donc la nationalité néerlandaise. Mme Enowassam et M. Arrey ont la garde conjointe de leur fille mais vivent séparés. Philomena est inscrite comme étant domiciliée à l’adresse de M. Arrey mais habite en réalité avec sa mère, domiciliée à La Haye (Pays-Bas). Elles ont été reçues dans une structure d’accueil d’urgence de la commune de La Haye. Les modalités du droit de visite entre M. Arrey et sa fille ont été établies. Celle-ci habite trois week-ends par mois chez son père et passe parfois des vacances avec lui. M. Arrey verse 200 euros par mois au titre de pension alimentaire. Il touche également une allocation familiale qu’il reverse à Mme Enowassam. M. Arrey travaille à temps plein et a déclaré que, pour cette raison, il ne pouvait pas s’occuper de sa fille.

30.      Mme Guerrero Chavez, ressortissante vénézuélienne, est arrivée aux Pays-Bas le 24 octobre 2007 puis est retournée au Venezuela le 2 novembre 2009. Elle est revenue aux Pays-Bas en janvier 2011 et est actuellement domiciliée à Schiedam (Pays-Bas). De sa relation avec M. Maas, ressortissant néerlandais, est né, le 31 mars 2011, Salamo. M. Maas a reconnu l’enfant, qui possède donc la nationalité néerlandaise. M. Maas et Mme Guerrero Chavez sont séparés et n’habitent pas ensemble, mais Mme Guerrero Chavez et son fils vivent chez le beau-père et le frère de M. Maas. M. Maas a un contact quasi quotidien avec l’enfant mais n’est pas prêt à s’en occuper et contribue aux frais de façon limitée. Mme Guerrero Chavez s’occupe quotidiennement de son fils et en assume la garde.

31.      Les demandes d’allocation d’aide sociale et/ou d’allocations familiales des requérantes ont toutes été rejetées par les décisions attaquées des organes administratifs néerlandais concernés au motif que, selon la législation néerlandaise, les requérantes n’auraient, en raison de leur statut au regard du droit de séjour, aucun droit à de telles allocations. En effet, en vertu de cette législation, le parent dépourvu d’un statut valide déterminé en matière de séjour n’est ni un « bénéficiaire » (rechthebbende) ni un « assuré » (verzekerde), et ne peut donc pas prétendre à une allocation.

32.      Pendant les périodes concernées par les rejets des demandes d’allocation mentionnées ci-dessus (5), les requérantes se sont vu refuser leurs demandes de permis de séjour au sens de la loi sur les étrangers. Au cours de ces périodes, certaines d’entre elles se sont trouvées en situation de séjour régulier pendant, en substance, le délai durant lequel pouvait être escomptée une décision statuant sur la demande de permis de séjour. Les autres ont, durant ces périodes (ou, du moins, une partie de celles‑ci), séjourné aux Pays-Bas de façon irrégulière et auraient dû quitter le pays de leur propre initiative. Aucune mesure n’a été prise pour les reconduire à la frontière. Les requérantes n’étaient pas autorisées à travailler.

33.      Les requérantes ont saisi le Centrale Raad van Beroep (cour d’appel en matière de sécurité sociale et de fonction publique) de recours contre les décisions leur refusant le bénéfice des allocations demandées.

34.      La juridiction de renvoi se demande si les requérantes, qui ont toutes la nationalité d’un État tiers, peuvent, en tant que mères d’un enfant citoyen de l’Union, tirer un droit de séjour de l’article 20 TFUE dans les circonstances décrites ci-dessus. Elle estime que, si tel est le cas, les requérantes pourront se prévaloir des dispositions de la loi sur l’aide sociale et de la loi sur les allocations familiales qui les assimilent à des Néerlandaises pour invoquer un droit potentiel à une prestation en vertu de ces lois.

35.      À cet égard, la juridiction de renvoi déduit des arrêts Ruiz Zambrano (6) et Dereci e.a. (7) que les requérantes ont un droit de séjour qu’elles tirent directement de l’article 20 TFUE et qui découle du droit de séjour de leur enfant dès lors que celui-ci se trouve dans une situation telle que décrite dans ces arrêts. Selon elle, il conviendrait de déterminer si les circonstances sont telles que l’enfant serait obligé, en fait, de quitter le territoire de l’Union si le droit de séjour était refusé à sa mère. En effet, la juridiction de renvoi se demande, dans les circonstances des affaires au principal, quelle importance doit être donnée, à la lumière de la jurisprudence de la Cour, au fait que le père citoyen de l’Union séjourne aux Pays-Bas.

36.      C’est dans ce contexte que le Centrale Raad van Beroep (cour d’appel en matière de sécurité sociale et de fonction publique), par jugement du 16 mars 2015 parvenu au greffe de la Cour le 18 mars 2015, a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      Faut-il interpréter l’article 20 TFUE en ce sens que cet article s’oppose à ce qu’un État membre refuse le droit de séjourner sur son territoire à un ressortissant de pays tiers qui s’occupe quotidiennement et effectivement d’un enfant mineur qui a la citoyenneté de cet État membre ?

2)      Est-il important, pour répondre à cette question, que la charge légale, financière et/ou affective ne soit pas entièrement supportée par ce parent et, ensuite, qu’il ne soit pas exclu que l’autre parent, lui aussi ressortissant de l’État membre en question, puisse être en mesure de s’occuper concrètement de l’enfant ?

3)      Faut-il, dans cette hypothèse, que le parent ressortissant de pays tiers établisse de manière convaincante que l’autre parent ne peut pas s’en occuper, de telle sorte que l’enfant serait obligé de quitter le territoire de l’Union si le droit de séjour était refusé au parent/ressortissant de pays tiers ? »

37.      À la demande de la juridiction de renvoi, le président de la Cour a décidé que cette affaire devait faire l’objet d’un traitement prioritaire en vertu de l’article 53, paragraphe 3, du règlement de procédure de la Cour de justice.

38.      Des observations écrites ont été déposées par Mmes Chavez-Vilchez et Wip, par les gouvernements néerlandais, belge, danois, lituanien, polonais et du Royaume-Uni ainsi que par la Commission européenne. Mmes Chavez-Vilchez et Wip, les gouvernements danois, français, lituanien, néerlandais, polonais, du Royaume-Uni et norvégien ainsi que la Commission ont été entendus en leurs observations orales lors de l’audience qui s’est tenue le 10 mai 2016.

IV – Analyse

39.      J’examinerai, à titre liminaire, les prémisses sur lesquelles la juridiction de renvoi a fondé sa décision de renvoi avant d’analyser les aspects essentiels des questions qu’elle pose à la Cour.

A –    Considérations liminaires

40.      Je tiens, tout d’abord, à rappeler que la juridiction de renvoi est seule compétente pour constater et apprécier les faits du litige dont elle est saisie ainsi que pour interpréter et appliquer le droit national (8).

41.      Dans ces circonstances, je procéderai à une analyse en trois temps. En premier lieu, je ferai référence au principe de primauté de l’intérêt supérieur de l’enfant. En deuxième lieu, afin de mieux comprendre les situations en cause au principal, j’examinerai l’hétérogénéité de ces situations. En troisième lieu, je présenterai le contexte dans lequel s’inscrivent ces situations, en exposant les considérations de la juridiction de renvoi relatives à la réglementation et à la pratique administrative néerlandaises ainsi qu’à l’issue des demandes de droit de séjour des requérantes au principal dans le cadre des procédures engagées au regard du droit des étrangers.

1.      Le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant

42.      La primauté de l’intérêt supérieur de l’enfant est un des principes imprégnant l’ordre juridique de l’Union (9).

43.      D’une part, tous les États membres ont ratifié la convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant, conclue à New York le 20 novembre 1989 (ci-après la « convention relative aux droits de l’enfant ») (10). Aux termes de l’article 3, paragraphe 1, de cette convention, « [d]ans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu’elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale » (11). La Cour a, en outre, déjà eu l’occasion de rappeler que la convention relative aux droits de l’enfant lie chacun des États membres et que ce texte figure au nombre des instruments internationaux concernant la protection des droits de l’homme dont elle tient compte pour l’application des principes généraux du droit de l’Union (12).

44.      D’autre part, l’article 3, paragraphe 3, TUE, qui dispose, en son premier alinéa, que « l’Union établit un marché intérieur », stipule, à son second alinéa, que l’Union « combat l’exclusion sociale et les discriminations et promeut la justice et la protection sociales, l’égalité entre les femmes et les hommes, la solidarité entre les générations et la protection des droits de l’enfant ». En outre, les droits de l’enfant sont inscrits dans la Charte (13). Celle-ci, à son article 24, reconnaît les enfants comme des détenteurs de droits, indépendants et autonomes. Cet article fait de l’intérêt supérieur de l’enfant une considération primordiale pour les autorités publiques et les institutions privées (14).

45.      À cet égard, la Cour a considéré le principe de la primauté de l’intérêt supérieur de l’enfant comme le prisme à travers lequel doivent être lues les dispositions du droit de l’Union (15).

46.      Plus précisément, en ce qui concerne la citoyenneté de l’Union et les articles 20 TFUE et 21 TFUE, l’interprétation de la Cour a permis une application cohérente des dispositions du traité et du droit dérivé (16). Il me semble notamment important de souligner que la Cour a déjà jugé que « [l’enfant citoyen de l’Union] peut se prévaloir des droits de libre circulation et de séjour garantis par le droit [de l’Union]. L’aptitude d’un ressortissant d’un État membre à être titulaire des droits garantis par le traité et le droit dérivé en matière de libre circulation des personnes ne saurait être subordonnée à la condition que l’intéressé ait atteint l’âge requis pour avoir la capacité juridique d’exercer lui-même lesdits droits » (17).

47.      Ce principe constituera le point de départ de mon analyse.

2.      L’hétérogénéité des situations en cause au principal

48.      Il importe de préciser d’emblée que, dès lors que l’on examine les situations en cause au principal, leur absence d’homogénéité est évidente.

49.       Certes, ainsi qu’il ressort de la décision de renvoi, les huit requérantes au principal sont des ressortissantes d’États tiers, démunies de titre de séjour valides (18) et mères d’au moins un enfant en bas âge (de 3 à 7 ans), citoyen de l’Union résidant dans leur propre État membre, en l’occurrence le Royaume des Pays-Bas. Ces enfants ont tous été reconnus par leurs pères, ressortissants néerlandais, mais vivent avec leurs mères, qui s’occupent quotidiennement et effectivement d’eux. Dans chaque situation, le père ne vivait pas, ou plus, en famille avec l’enfant et la mère pendant la période concernée par les rejets des demandes d’allocations en cause.

50.      Au-delà de ces analogies, les situations en cause au principal présentent un certain nombre de spécificités dont il convient de tenir compte.

51.      Ainsi, en ce qui concerne, tout d’abord, la situation des pères ressortissants néerlandais, leur contribution aux frais d’entretien de leurs enfants respectifs et la garde de ces derniers, il ressort de la décision de renvoi que les contacts entre les enfants et leurs pères étaient soit fréquents (19), soit rares, voire inexistants (20). En effet, dans un cas, le père était introuvable (21) et, dans un autre, il suivait un programme de logement assisté (22). Dans trois cas, le père contribuait aux frais d’entretien de l’enfant (23), tandis que, dans les autres, aucune contribution n’était versée (24). Dans deux cas sur huit, la garde était partagée entre les deux parents (25) tandis que, dans les autres, elle était assumée effectivement et quotidiennement par la mère uniquement (26). Dans un seul cas, la mère assumait la garde effective de son enfant et tous deux habitaient chez le beau-père et le frère du père (27). Dans la moitié des cas, les enfants habitaient avec leurs mères dans des structures d’accueil d’urgence (28).

52.      S’agissant, ensuite, de la situation des requérantes au principal sur le territoire de l’Union, il ressort également de la décision de renvoi que, le 17 mai 2011, Mme Pinas s’est vu octroyer un permis de séjour aux Pays-Bas pour une durée déterminée. En outre, les représentants de Mmes Wip et Chavez-Vilchez ainsi que le gouvernement néerlandais ont indiqué lors de l’audience que celles-ci se trouvent aujourd’hui en situation régulière en ce qui concerne leur séjour. En effet, Mme Wip aurait récemment obtenu un permis de séjour en Belgique, où elle travaille et réside avec sa fille (29). Quant à Mme Chavez-Vilchez, elle s’est vu octroyer, sur la base de l’article 8 de la CEDH, un permis de séjour aux Pays‑Bas et elle a un emploi en Belgique.

53.      Enfin, pour ce qui est de la situation particulière des filles respectives de Mmes Chavez-Vilchez et Wip, il convient de souligner que toutes les deux semblent avoir exercé leur droit à la libre circulation.

54.      Je reviendrai plus tard sur l’incidence de ces aspects pour les litiges au principal.

3.      La pratique des organes administratifs néerlandais et les procédures en droit des étrangers

55.      S’agissant, en premier lieu, de la pratique des organes administratifs, la juridiction de renvoi indique que, aux Pays-Bas, divers organes administratifs interprètent les arrêts Ruiz Zambrano (30) et Dereci e.a. (31) de manière restrictive et estiment que cette jurisprudence n’est applicable que lorsque le père ressortissant néerlandais ne serait pas, selon des critères objectifs, en mesure de s’occuper de l’enfant ressortissant néerlandais parce qu’il serait, notamment, en détention, placé dans une institution ou un hôpital, ou décédé. Au-delà de ces situations, le parent ressortissant d’un État tiers doit établir de façon convaincante que le père ressortissant néerlandais n’est pas capable de s’occuper de l’enfant ressortissant néerlandais, même avec l’aide éventuelle de tiers. En effet, selon la juridiction de renvoi, la circulaire sur les étrangers prévoit que la charge de la preuve pour démontrer que le parent néerlandais ne peut pas s’occuper concrètement de l’enfant néerlandais pèse sur le parent ressortissant d’un État tiers.

56.      La juridiction de renvoi ajoute que, dans les litiges au principal, les organismes responsables du versement des aides et des allocations, à savoir les collèges échevinaux concernés et la SvB, étaient tenus, sur la base des informations que les intéressées leur avaient communiquées, d’effectuer, en concertation avec l’IND, un examen suffisant du point de savoir si un droit de séjour aux Pays-Bas peut être tiré de l’article 20 TFUE. L’IND a, dans certains cas, communiqué, sur demande, un avis auxdits organismes. Parfois, une appréciation avait déjà été formulée dans le cadre d’une procédure de droit des étrangers engagée par une requérante. Dans son appréciation du droit de séjour, l’IND applique les directives contenues dans la circulaire sur les étrangers.

57.      En ce qui concerne, en second lieu, les demandes de permis de séjour dans le cadre des procédures en droit des étrangers, la juridiction de renvoi explique que, en l’espèce, les collèges échevinaux concernés, le SvB et l’IND n’ont pas considéré comme pertinent le fait que ce soit non pas le père citoyen de l’Union mais la mère ressortissante d’un État tiers qui s’occupait quotidiennement et effectivement de l’enfant citoyen de l’Union. En effet, ils n’ont pas considéré comme pertinent le fait d’examiner l’intensité des contacts entre l’enfant et le père, la nature de la contribution de ce dernier à l’entretien et à l’éducation de l’enfant, ou encore le fait de savoir s’il était prêt à s’en occuper. De même, le fait que le père n’avait pas la garde de l’enfant n’a pas été considéré comme pertinent car il n’aurait pas été établi de façon convaincante que celle-ci ne pouvait pas lui être attribuée. Il appartiendrait au parent ressortissant d’un État tiers assumant la charge de l’enfant de prouver que le parent néerlandais ne peut pas s’occuper concrètement de l’enfant. Ce serait uniquement lorsque la mère ressortissante d’un État tiers démontre de manière convaincante que des obstacles objectifs s’opposent à ce que le père s’en occupe qu’il serait admis que l’enfant est à ce point dépendant d’elle qu’il se trouvera obligé, en fait, de quitter le territoire de l’Union si le droit de séjour lui est refusé.

58.      Eu égard à l’hétérogénéité des situations en cause au principal ainsi qu’aux spécificités de la pratique administrative néerlandaise exposées par la juridiction de renvoi dans sa décision, il conviendrait de vérifier si les enfants en bas âge citoyens de l’Union et leurs mères, ressortissantes d’un État tiers, ayant leur garde exclusive, relèvent du champ d’application du droit de l’Union. À cet égard, j’examinerai, d’une part, les cas particuliers des filles respectives de Mmes Chavez-Vilchez et Wip sous le prisme de l’article 21 TFUE et de la directive 2004/38 et, d’autre part, le cas des enfants ayant toujours séjourné, en compagnie de leurs mères, dans l’État membre dont ils possèdent la nationalité, sous l’angle de l’article 20 TFUE.

B –    Examen de la situation de Mmes Chavez-Vilchez et Wip ainsi que de leurs filles sous le prisme de l’article 21, paragraphe 1, TFUE et de la directive 2004/38

59.      Ainsi que la Cour l’a itérativement jugé, même si, sur le plan formel, la juridiction de renvoi a limité ses questions à l’interprétation du seul article 20 TFUE, une telle circonstance ne fait pas obstacle à ce que la Cour lui fournisse tous les éléments d’interprétation du droit de l’Union qui peuvent être utiles au jugement de l’affaire dont elle est saisie, que cette juridiction y ait fait référence ou non dans l’énoncé de ses questions (32).

60.      Je rappelle tout d’abord que, aux termes du considérant 3 de la directive 2004/38, l’objectif de cette directive est de simplifier et de renforcer le droit à la liberté de circulation et de séjour de tous les citoyens de l’Union. Ce droit concerne, ainsi que je l’ai noté au point 46 des présentes conclusions, l’enfant en bas âge citoyen de l’Union (33).

1.      Sur l’incidence de l’exercice de la liberté de circulation de la fille de Mme Chavez-Vilchez

61.      S’agissant de la fille Mme Chavez-Vilchez, tant parce qu’elle a fait usage de son droit de libre circulation en séjournant jusqu’en 2011 en Allemagne, État membre où travaille son père (34), que parce que la juridiction de renvoi a constaté qu’elle réside actuellement avec sa mère en Belgique où celle-ci a un emploi, je suis d’avis que la directive 2004/38 s’applique, en principe, à Mme Chavez-Vilchez, en tant que membre de la famille d’une citoyenne de l’Union, tel que défini à l’article 2, point 2), de cette directive, qui l’accompagne (35). Toutefois, les conséquences de l’application de la directive 2004/38 pour Mme Chavez-Vilchez et sa fille sont, à mon avis, différentes en fonction du moment du déplacement analysé.

62.      Comme Mme Chavez-Vilchez travaille aujourd’hui en Belgique et que, par conséquent, on ne peut exclure qu’elle réside dans cet État membre avec sa fille, il convient de souligner que, compte tenu du fait que Mme Chavez-Vilchez a récemment obtenu un permis de séjour aux Pays-Bas sur le fondement de l’article 8 de la CEDH, l’incidence d’une éventuelle résidence en Belgique ne serait pertinente que dans deux cas de figure, soit au regard d’une éventuelle demande de permis de séjour dans cet État membre, soit, compte tenu de son séjour régulier aux Pays-Bas, pour apprécier les critères d’interprétation de l’article 20 TFUE, tels qu’établis par la jurisprudence de la Cour (36).

63.      Pour ce qui est de l’exercice de la liberté de circulation de la fille de Mme Chavez-Vilchez, il ressort de la décision de renvoi et des observations écrites et orales que celle-ci a séjourné avec ses parents en Allemagne, État membre où réside et travaille son père, jusqu’en 2011, avant d’être contrainte par ce dernier à quitter, avec sa mère, le domicile familial (37). Puis, accompagnée de sa mère, elle est retournée aux Pays-Bas, État membre dont elle possède la nationalité.

64.      Il me semble utile d’analyser ce déplacement en Allemagne de Mme Chavez-Vilchez et de sa fille à la lumière de la directive 2004/38. En effet, une telle analyse pourrait être utile à la juridiction de renvoi du fait de leur incidence sur les périodes concernées par les demandes d’allocations en cause au principal.

a)      Bref rappel de la jurisprudence sur l’applicabilité de la directive 2004/38 dans le cas où un citoyen de l’Union, qui a fait un usage effectif et préalable de sa liberté de circulation, se déplace vers l’État membre dont il possède la nationalité

65.      Je rappelle que, s’agissant des éventuels droits des membres de la famille d’un citoyen de l’Union qui n’ont pas la nationalité d’un État membre, le considérant 5 de la directive 2004/38 souligne que le droit de tous les citoyens de l’Union de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres devrait, pour qu’il puisse s’exercer dans des conditions objectives de dignité, être également accordé aux membres de leur famille quelle que soit leur nationalité (38).

66.      Selon la jurisprudence de la Cour, le droit d’être accompagné par un membre de la famille ressortissant d’un État tiers est accordé également au citoyen de l’Union, qu’il soit actif (39) ou inactif (40), qui revient dans l’État membre dont il possède la nationalité à la suite de l’exercice de sa liberté de circulation dans un autre État membre où il séjournait avec ledit membre de sa famille (41). Cette jurisprudence concerne donc le droit au regroupement familial octroyé au citoyen à la suite de l’exercice préalable de la liberté de circulation et est tiré de l’interdiction des entraves. Dans cette jurisprudence, la Cour a appliqué la directive 2004/38 par analogie (42). Il convient maintenant d’analyser la jurisprudence dans laquelle la Cour a donné une interprétation plus large de cette directive en l’appliquant non pas par analogie mais directement.

b)      Sur l’applicabilité de l’article 5 de la directive 2004/38 lorsqu’un enfant en bas âge citoyen de l’Union, qui a fait un usage effectif et préalable de sa liberté de circulation, se déplace vers l’État membre dont il possède la nationalité accompagné d’un ascendant ressortissant d’un État tiers qui en a la garde exclusive

67.      Pour ce qui est du droit d’entrée et de séjour de courte durée prévu à l’article 6 de la directive 2004/38, la Cour a, dans l’arrêt McCarthy e.a. (43), appliqué la directive 2004/38 à un ressortissant d’un État tiers, membre de la famille d’un citoyen de l’Union. Dans cet arrêt, la Cour a donné une interprétation cohérente de la directive 2004/38 au regard du système des sources de droit de l’Union ainsi que du rôle que joue la citoyenneté de l’Union. Ainsi, la Cour a rappelé, tout d’abord, que « la directive 2004/38 vise, ainsi qu’il résulte d’une jurisprudence constante, à faciliter l’exercice du droit fondamental et individuel de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, qui est conféré directement aux citoyens de l’Union par l’article 21, paragraphe 1, TFUE et à renforcer ledit droit » (44). Elle a ensuite rappelé que, « compte tenu du contexte et des finalités de [cette directive], [ses dispositions] ne sauraient être interprétées de façon restrictive et ne doivent pas, en tout état de cause, être privées de leur effet utile » (45). Dans ce contexte, la Cour a, enfin, considéré qu’« il ne ressort aucunement de [l’article 5 de la directive 2004/38] que le droit d’entrée des membres de la famille du citoyen de l’Union qui n’ont pas la nationalité d’un État membre serait limité aux États membres autres que l’État membre d’origine du citoyen de l’Union ».

68.      À cet égard, je suis d’avis que la directive 2004/38 doit s’appliquer aux ressortissants d’États tiers, membres de la famille d’un citoyen de l’Union, au sens de l’article 2, point 2, de cette directive, lorsque, à la suite de l’exercice préalable du droit de libre circulation par le citoyen de l’Union et après avoir séjourné de manière effective dans un autre État membre, le citoyen de l’Union et les membres de sa famille se déplacent vers l’État membre dont ce citoyen possède la nationalité.

69.      En l’espèce, la question qui se pose est celle de savoir si le fait que la fille de Mme Chavez-Vilchez a fait usage de son droit de libre circulation en séjournant avec ses parents en Allemagne, État membre où son père réside et exerce une activité non salariée, lui permet de bénéficier pour elle-même et pour sa mère de la protection de la directive 2004/38 lors de son retour aux Pays-Bas, État membre dont elle possède la nationalité.

70.      Je pense que la réponse est affirmative.

71.      Certes, à la différence de Mme McCarthy (46), également ressortissante d’un État tiers et membre de la famille d’un citoyen de l’Union, qui était en possession d’une carte de séjour en cours de validité délivrée par les autorités d’un État membre, au titre de l’article 10 de la directive 2004/38, il ne ressort pas de la décision de renvoi que Mme Chavez-Vilchez était en possession, au moment de son entrée sur le territoire néerlandais, d’un document de voyage au sens de l’article 5 de cette directive. Il me semble, néanmoins, qu’une interprétation combinée de l’article 5, paragraphes 1 et 4, de la directive 2004/38 aurait permis à Mme Chavez-Vilchez de bénéficier du droit d’entrée et de séjour de courte durée sur le territoire du Royaume des Pays-Bas. En effet, l’article 5, paragraphe 4, de cette même directive prévoit que « lorsqu’un citoyen de l’Union ou un membre de la famille qui n’a pas la nationalité d’un État membre ne dispose pas du document de voyage requis ou, le cas échéant, du visa nécessaire, l’État membre concerné accorde à ces personnes tous les moyens raisonnables afin de leur permettre d’obtenir ou de se procurer, dans un délai raisonnable, les documents requis ou de faire confirmer ou prouver par d’autres moyens leur qualité de bénéficiaires du droit de circuler et de séjourner librement, avant de procéder au refoulement ».

72.      Ainsi, en tant que citoyenne de l’Union en bas âge, qui a circulé au sein de l’Union (47) et qui retourne, par la force de circonstances malheureuses (48), dans l’État membre dont elle possède la nationalité, la fille de Mme Chavez-Vilchez aurait dû bénéficier de l’application de l’article 21, paragraphe 1, TFUE et de l’article 5, paragraphes 1 et 4, de la directive 2004/38, et, partant, d’un droit d’entrée et de séjour de courte durée pour sa mère, permettant à cette dernière, ayant effectivement sa garde, de trouver un travail lui donnant la possibilité d’avoir les ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d’assistance sociale du Royaume des Pays-Bas (49).

73.      Dans le cas où un ascendant, ressortissant d’un État tiers, ne réussit pas, durant la période de trois mois visée à l’article 6 de la directive 2004/38, à obtenir des ressources suffisantes pour bénéficier de la protection de cette même directive, je suis d’avis que l’article 21 TFUE ne s’oppose pas à ce qu’un droit de séjour soit refusé à cet ascendant, alors même qu’il a la garde effective d’un enfant en bas âge, citoyen de l’Union, qui séjourne avec lui.

74.      Dans ce cas, il conviendrait néanmoins d’examiner la situation de l’enfant citoyen de l’Union et de son ascendant ressortissant d’un État tiers à la lumière de l’article 20 TFUE. Toutefois, ainsi que cela a déjà été mentionné, Mme Chavez-Vilchez a récemment obtenu un permis de séjour aux Pays-Bas sur le fondement de l’article 8 de la CEDH. Par conséquent, il ne me semble pas nécessaire de vérifier si, à la lumière de l’article 20 TFUE, « un […] droit de séjour serait néanmoins susceptible de lui être accordé, à titre exceptionnel, sous peine de méconnaître l’effet utile de la citoyenneté de l’Union dont jouissent [l’enfant] de l’intéressée, étant donné que, comme conséquence d’un tel refus, [cet enfant] se verrait dans l’obligation, en fait, de quitter le territoire de l’Union pris dans son ensemble, en [le] privant ainsi de la jouissance effective de l’essentiel des droits conférés par ledit statut » (50).

2.      Sur l’incidence de l’exercice de la liberté de circulation de la fille de Mme Wip

75.      Il a été confirmé lors de l’audience par le représentant de Mme Wip ainsi que par le gouvernement néerlandais que celle-ci et sa fille résident actuellement en Belgique, où Mme Wip a obtenu un permis de séjour et exerce un emploi. Dès lors, il est clair que sa fille a fait usage de sa liberté de circulation en tant que citoyenne de l’Union dans un État membre autre que celui dont elle a la nationalité et, partant, l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2004/38 s’applique au cas de Mme Wip, en tant que membre de la famille qui l’accompagne. En effet, en sa qualité de ressortissante néerlandaise et, donc, de citoyenne de l’Union, la fille de Mme Wip a le droit de se prévaloir de l’article 21, paragraphe 1, TFUE. Cet article du traité et la directive 2004/38 lui confèrent, en principe, un droit de séjour dans l’État membre d’accueil, en l’occurrence le Royaume de Belgique.

76.      À cet égard, il découle de la jurisprudence de la Cour que « le refus de permettre au parent, ressortissant d’un État membre ou d’un État tiers, qui a effectivement la garde d’un citoyen de l’Union mineur, de séjourner avec ce citoyen dans l’État membre d’accueil priverait de tout effet utile le droit de séjour de celui-ci, étant donné que la jouissance du droit de séjour par un enfant en bas âge implique nécessairement que cet enfant ait le droit d’être accompagné par la personne assurant effectivement sa garde et, dès lors, que cette personne soit en mesure de résider avec lui dans l’État membre d’accueil pendant ce séjour » (51). Ce droit de séjour des citoyens de l’Union sur le territoire d’un autre État membre est néanmoins reconnu sous réserve des limitations et des conditions prévues par le traité et les dispositions prises pour son application (52). À cet égard, je rappelle que l’application de ces limitations et de ces conditions doit être faite dans le respect de limites imposées par le droit de l’Union et conformément aux principes généraux de ce droit (53), notamment, à mon avis, au principe de l’intérêt supérieur de l’enfant.

77.      Toutefois, dès lors que Mme Wip a obtenu un permis de séjour et exerce un emploi en Belgique, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier, sa fille, citoyenne de l’Union, ne saurait, en principe, être dans l’obligation, en fait, de quitter le territoire de l’Union pris dans son ensemble, la privant ainsi de la jouissance effective de l’essentiel des droits conférés par sa citoyenneté. Par conséquent, comme dans le cas de Mme Chavez-Vilchez (qui a obtenu un permis de séjour aux Pays-Bas) et de sa fille, il ne me semble pas nécessaire d’analyser cette situation à la lumière de l’article 20 TFUE.

C –    Examen des situations des enfants ayant toujours séjourné dans leur propre État membre, en compagnie de leurs mères ayant leur garde effective, sous l’angle de l’article 20 TFUE

1.      Les première et deuxième questions préjudicielles

78.      Par ses première et deuxième questions préjudicielles, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi souhaite, en substance, savoir si l’article 20 TFUE s’oppose à ce qu’un État membre refuse à un parent ressortissant d’un État tiers (54), qui assume la garde effective de son enfant en bas âge, citoyen de l’Union, le séjour dans l’État membre de résidence de ce dernier dont il a la nationalité, lorsqu’il n’a pas été démontré que l’autre parent, qui est citoyen de ce même État membre, peut assumer seul la garde effective de l’enfant.

79.      Il convient, afin de répondre à ces questions, de déterminer si, à la lumière de l’article 20 TFUE et de la jurisprudence de la Cour, une telle situation relève du champ d’application du droit de l’Union.

a)      La citoyenneté de l’Union : le statut fondamental de citoyens de l’Union

80.      Le 1er novembre 2016, la citoyenneté de l’Union atteindra l’âge de 23 ans (55). Née en 1992 avec la signature du traité de Maastricht, elle vise à contribuer à ce que les ressortissants des États membres puissent s’identifier avec l’Union (56). Statut fondamental des citoyens de l’Union, la citoyenneté de l’Union incarne, notamment pour les nouvelles générations, la possibilité de construire une Europe dans laquelle tous les citoyens peuvent, en tant qu’êtres humains, circuler, séjourner, travailler, étudier, prester un service ou s’établir dans un autre État membre, prospérer, se marier ou choisir une communauté de vie analogue, fonder, s’ils le souhaitent, une famille, et vivre en paix (57) et en sécurité.

81.      Ainsi, la citoyenneté de l’Union légitime le processus d’intégration européenne par le renforcement de leur participation en tant que citoyens. Cette légitimation a été mise en valeur à la Cour, par ses avocats généraux, dès l’introduction de la citoyenneté de l’Union. Notamment, l’avocat général Lenz a noté, en 1994, que « [l]’instauration d’une citoyenneté de l’Union suscite l’espérance d’une égalité des citoyens de l’Union, du moins devant le droit communautaire » (58).

82.      Deux ans plus tard, en 1996, l’avocat général Léger, en se référant à la reconnaissance d’une telle citoyenneté, s’est adressé à la Cour dans les termes suivants : « [cette citoyenneté] a une valeur fortement emblématique et constitue probablement l’une des avancées de la construction européenne qui a le plus retenu l’attention de l’opinion publique. Certes, ce concept recouvre-t-il en fait des aspects déjà acquis, dans leur majeure partie, par l’évolution du droit communautaire, et à ce titre constitue-t-il une consolidation de l’acquis communautaire. Mais il vous appartient de lui donner toute sa signification. Or, si l’on déduit toutes les conséquences qui s’attachent à ce concept, tous les citoyens de l’Union, quelle que soit leur nationalité, doivent jouir exactement des mêmes droits et être soumis aux mêmes devoirs » (59).

83.      En ce sens, l’avocat général Ruiz-Jarabo Colomer a noté, une année plus tard, que « [l]a création d’une citoyenneté de l’Union, qui [...] a pour corollaire le droit pour ceux qui la possèdent de circuler librement sur le territoire de tous les États membres, représente un progrès qualitatif considérable dans la mesure où, comme la Commission le fait observer à bon escient, elle libère cette liberté de circuler de ses éléments fonctionnels ou instrumentaux (puisqu’elle n’est plus liée à l’exercice d’une activité économique ou à la mise en place du marché intérieur) et dans la mesure également où elle élève ce droit au rang de droit propre et indépendant, inhérent au statut politique des citoyens de l’Union » (60).

84.      Depuis lors, la citoyenneté de l’Union a été progressivement rendue effective par un vaste travail jurisprudentiel réalisé par la Cour en étroite coopération avec les juges nationaux dans le cadre de la procédure préjudicielle (61). Dans cette ligne jurisprudentielle s’insèrent les première et deuxième questions posées par la juridiction de renvoi. Elles portent, en substance, sur l’interprétation de l’article 20 TFUE à la lumière des arrêts Ruiz Zambrano (62) et Dereci e.a. (63) dans les situations telles que celles en cause au principal, où il n’a pas été établi que le parent, qui est citoyen de l’État membre dont l’enfant possède la nationalité et dans lequel il a toujours résidé, peut s’occuper de l’enfant dans le cas d’une éventuelle expulsion du parent ressortissant d’un État tiers.

b)      Sur le caractère particulier des situations en cause au principal

85.      En l’espèce (64), s’agissant des enfants en bas âge de Mmes Pinas (65), Nikolic, García Pérez, Uwituze, Enowassam et Gerrero Chavez, ceux-ci n’ayant jamais fait usage de leur droit de libre circulation et ayant toujours séjourné dans l’État membre dont ils possèdent la nationalité, je constate qu’ils ne relèvent pas de la notion de « bénéficiaire », au sens de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2004/38, de sorte que cette directive n’est applicable ni à eux-mêmes ni à leurs mères.

86.      En revanche, pouvons-nous considérer que les situations en cause au principal relèvent du champ d’application de l’article 20 TFUE ?

87.      À cet égard, je rappelle, que, dans l’arrêt Ruiz Zambrano, la Cour a jugé que l’article 20 TFUE s’oppose à des mesures nationales qui ont pour effet de priver les citoyens de l’Union de la jouissance effective de l’essentiel des droits conférés par leur statut (66). Conformément aux principes dégagés dans cet arrêt, cette protection du droit de l’Union s’applique dans l’affaire en cause au principal dès lors que les enfants de Mmes Pinas, Nikolic, García Pérez, Uwituze, Enowassam et Gerrero Chavez peuvent, à défaut d’un droit de séjour dérivé pour leurs mères, à la garde exclusive desquelles ils ont été confiés, se voir obligés, dans les faits, de les accompagner, et donc de quitter le territoire de l’Union « pris dans son ensemble ». En effet, une éventuelle expulsion de leurs mères les priverait de la jouissance effective de l’essentiel des droits que leur confère pourtant leur statut de citoyen de l’Union. Ainsi, une telle privation pourrait méconnaître l’effet utile de la citoyenneté de l’Union dont ils jouissent.

88.      Or, la Cour a par la suite précisé la portée de l’arrêt Ruiz Zambrano (67) en jugeant qu’il s’applique à des « situations très particulières dans lesquelles, en dépit du fait que le droit secondaire relatif au droit de séjour des ressortissants de pays tiers n’est pas applicable et que le citoyen de l’Union concerné n’a pas fait usage de sa liberté de circulation, un droit de séjour ne saurait, exceptionnellement, être refusé à un ressortissant d’un État tiers, membre de la famille dudit citoyen, sous peine de méconnaître l’effet utile de la citoyenneté de l’Union dont il jouit, si, comme conséquence d’un tel refus, ce citoyen se voyait obligé, en fait, de quitter le territoire de l’Union pris dans son ensemble, en le privant ainsi de la jouissance effective de l’essentiel des droits conférés par le statut de citoyen de l’Union » (68).

89.      Dans ce contexte, il convient d’apprécier, à la lumière de l’article 20 TFUE, si des situations telles que celles en cause au principal constituent des situations particulières au sens de la jurisprudence susmentionnée.

90.      Il ne fait guère de doutes, à mes yeux, que le fait que ces enfants possèdent tous la nationalité d’un État membre, à savoir la nationalité néerlandaise, dont les conditions d’acquisition relèvent, bien évidemment, de la compétence du Royaume des Pays-Bas (69), implique qu’ils bénéficient du statut de citoyen de l’Union (70). Partant, en tant que citoyens de l’Union, ces enfants ont le droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire de l’Union et toute limitation de ce droit relève du champ d’application du droit de l’Union (71).

91.      Par conséquent, en principe, il me semble qu’il ressort des informations dont dispose la Cour que les situations en cause au principal constituent des situations particulières au sens de la jurisprudence issue de l’arrêt Ruiz Zambrano (72). En effet, ces situations pourraient entraîner pour les enfants concernés la privation de la jouissance effective de l’essentiel des droits que leur confère leur statut de citoyens de l’Union. J’estime donc que ces situations relèvent du champ d’application du droit de l’Union.

92.      Dans ces circonstances, il convient donc de déterminer si les décisions nationales en cause au principal constituent une ingérence avec le droit de séjour dont jouissent les enfants concernés et si celle-ci peut être justifiée.

93.      Il est clair pour moi qu’il existe une ingérence potentielle avec les droits des enfants concernés, citoyens de l’Union, si, comme résultat du refus de permis de séjour de leurs mères, ces enfants sont contraints de quitter, en fait, le territoire de l’Union pris dans son ensemble. Mais, cette ingérence est-elle, dans les circonstances particulières des situations en cause, admissible ou pas ?

c)      Sur le respect du principe de proportionnalité et sur le degré de dépendance entre le parent ressortissant d’un État tiers et l’enfant citoyen de l’Union

94.      La question préalable qui se pose est celle de savoir si la seule présence du père ressortissant néerlandais aux Pays-Bas (73) prévient systématiquement l’enfant citoyen de l’Union de bénéficier de la protection de l’article 20 TFUE, tel qu’interprété par la jurisprudence de la Cour.

95.      Selon moi, la seule présence du père ressortissant néerlandais aux Pays-Bas ne saurait, en soi, justifier les décisions nationales dans les affaires au principal ni remettre en cause le critère de la « privation de la jouissance effective de l’essentiel des droits issus du statut de citoyen » sans que la juridiction de renvoi vérifie si les décisions nationales en cause respectent le principe de proportionnalité, notamment en ce qui concerne leurs conséquences sur les situations des enfants des requérantes au principal, citoyens de l’Union au regard du droit de l’Union (74).

96.      Dans le cadre du respect du principe de proportionnalité, plusieurs intérêts sont concernés, à savoir les intérêts nationaux en matière d’immigration (75), les droits des citoyens de l’Union, l’intérêt supérieur de l’enfant et les droits relevant du domaine du droit national de la famille, comme c’est le cas notamment du droit de garde.

97.      Ainsi, aux fins de la vérification du respect du principe de proportionnalité par les décisions nationales en cause, plusieurs éléments doivent être pris en compte, le plus important étant, à mon avis, le degré de dépendance entre le parent ressortissant d’un État tiers et l’enfant citoyen de l’Union.

98.      À cet égard, il est primordial de savoir qui assume la « charge légale, financière ou affective » (76). En effet, ainsi que la Cour l’a déjà jugé, « c’est la relation de dépendance entre le citoyen de l’Union en bas âge et le ressortissant de pays tiers auquel un droit de séjour est refusé qui est susceptible de mettre en cause l’effet utile de la citoyenneté de l’Union dès lors que c’est cette dépendance qui aboutirait à ce que le citoyen de l’Union se voie dans l’obligation, en fait, de quitter non seulement le territoire de l’État membre dont il est ressortissant, mais également celui de l’Union pris dans son ensemble, comme conséquence d’une telle décision de refus » (77).

99.      Sous réserve de cette vérification qu’il incombe à la juridiction de renvoi d’effectuer, il semble ressortir du dossier dont dispose la Cour que cette relation de dépendance existe entre tous les enfants citoyens de l’Union concernés et leurs mères respectives ressortissantes d’un État tiers (78).

100. De plus, dans le cadre de la mise en balance des intérêts en jeu, et dans la mesure où les situations en cause au principal relèvent du champ d’application du droit de l’Union, la juridiction de renvoi doit tenir compte, également, des droits fondamentaux dont la Cour assure le respect, notamment le droit au respect de la vie familiale, tel qu’il est énoncé à l’article 7 de la Charte, cet article devant être lu en combinaison avec l’obligation de prendre en considération l’intérêt supérieur de l’enfant, reconnu à l’article 24, paragraphe 2, de la Charte (79).

101. Dans ce contexte, il me semble pertinent de se demander s’il est conforme au droit de l’Union de limiter le droit de séjourner librement sur le territoire de l’Union à l’enfant citoyen de l’Union, uniquement sur la base de considérations telles que le fait qu’il n’a pas été établi que le père ne pourrait pas prendre l’enfant entièrement à sa charge, alors qu’une telle considération équivaut également à affirmer qu’il n’a pas non plus été établi qu’il pourrait assumer la garde de l’enfant ! À cet égard, il me paraît important de noter que la juridiction de renvoi a expliqué que, en l’espèce, il n’a pas été constaté qu’une modification de l’attribution du droit de garde soit encore possible (80).

102. Je suis donc amené à conclure que, dans des situations telles que celles en cause au principal, il serait disproportionné de refuser, de manière automatique et sur la base de la seule présence du père citoyen de l’Union dans l’État membre concerné, un droit de séjour dérivé aux mères, ressortissantes d’un État tiers, des enfants en bas âge citoyens de l’Union. Je rappelle que toute justification d’une dérogation au droit de séjour de citoyens de l’Union « [doit] être entendue strictement et dont la portée ne saurait être déterminée unilatéralement par les États membres sans contrôle des institutions de l’Union » (81).

d)      Conclusion intermédiaire

103. L’article 20 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce qu’un État membre refuse à un parent ressortissant d’un État tiers, qui assume la garde effective de son enfant en bas âge, citoyen de l’Union, le séjour dans l’État membre de résidence de ce dernier qui en a la nationalité, dans la mesure où de telles décisions priveraient ledit enfant de la jouissance effective de l’essentiel des droits attachés au statut de citoyen de l’Union, lorsqu’il n’a pas été démontré que l’autre parent, qui est citoyen de ce même État membre, peut assumer seul la garde effective de l’enfant. Il ne suffit pas, à cet égard, de démontrer qu’il n’est pas exclu que cet autre parent puisse être en mesure de s’occuper concrètement de l’enfant.

2.      Sur la troisième question préjudicielle

104. La troisième question préjudicielle porte sur la charge de la preuve relative à la dépendance effective de l’enfant citoyen de l’Union à l’égard du parent ressortissant d’un État tiers.

105. Il ressort de la décision de renvoi que la circulaire sur les étrangers, que les organismes néerlandais responsables du versement des aides et des allocations prennent en considération, prévoit que la charge de la preuve visant à démontrer que le parent néerlandais ne peut pas s’occuper concrètement de l’enfant pèse sur le parent ressortissant d’un État tiers. Ce dernier doit démontrer que des obstacles objectifs empêchent le parent citoyen de l’Union de s’occuper de l’enfant pour qu’il soit admis que l’enfant est dépendant du parent ressortissant d’un État tiers au point de devoir quitter, en fait, le territoire de l’Union si le droit de séjour est refusé à ce parent.

106. La juridiction de renvoi se demande, à cet égard, si cette disposition de la circulaire sur les étrangers ne correspond pas à une interprétation trop restrictive de l’arrêt Ruiz Zambrano (82).

107. Le gouvernement néerlandais, dans ses observations écrites, a souligné que la charge de la preuve appartient aux demanderesses du permis de séjour, conformément à la règle générale selon laquelle quiconque se prévaut de certains droits ou de certaines conséquences de ceux-ci doit établir que ces droits sont applicables à sa situation.

108. Je suis d’avis que, dans le cas où une partie fait valoir que sa situation relève du champ d’application de l’article 20 TFUE, il appartient aux autorités nationales d’un État membre de déterminer d’office si les conditions d’application de cette disposition sont remplies ou non.

109. Dans le cadre de l’appréciation par les autorités nationales compétentes des conditions nécessaires pour qu’un ressortissant d’un État tiers, parent d’un enfant citoyen de l’Union, puisse bénéficier d’un permis de séjour, il est clair que ces autorités sont confrontées, d’une part, à des questions directement liées au statut de citoyen de l’Union de l’enfant et, d’autre part, à des questions relevant strictement du droit national de la famille.

110. S’agissant des questions concernant le statut de citoyen de l’Union de l’enfant concerné, la question de la répartition de la charge de la preuve ne devrait pas priver d’effet utile les droits conférés par le droit de l’Union. Ainsi, il me semble que l’application stricte de la réglementation nationale en cause concernant la charge de la preuve peut compromettre l’effet utile de l’article 20 TFUE.

111. Pour ce qui est de l’appréciation des aspects du droit national de la famille, dans la mesure où des situations telles que celles en cause au principal relèvent du champ d’application du droit de l’Union, les autorités nationales compétentes, en tenant compte des principes de proportionnalité et de l’intérêt supérieur de l’enfant, doivent soulever d’office la question liminaire concernant le fait de savoir si la garde de l’enfant peut être assumée par l’autre parent, ressortissant de l’État membre dont l’enfant possède la nationalité et donc citoyen de l’Union.

112. De plus, il me semble contraire à l’effet utile de l’article 20 TFUE et aux principes généraux de droit, notamment au principe de proportionnalité, d’obliger le parent ressortissant d’un État tiers qui assume la garde effective de l’enfant, en l’occurrence la mère, d’introduire un recours contraire à ses propres intérêts et, potentiellement, aux intérêts de l’enfant ! En effet, il importe de souligner qu’un tel recours a comme objectif de demander que la garde soit transférée à l’autre parent pour prouver que le père néerlandais ne peut pas s’occuper concrètement de l’enfant et, en conséquence, qu’il soit admis que l’enfant est à ce point dépendant de sa mère qu’il se trouvera obligé, en fait, de quitter le territoire de l’Union si le droit de séjour est refusé à cette dernière (83).

113. Eu égard à ces considérations, je propose à la Cour de répondre à la troisième question qu’il incombe aux autorités compétentes de l’État membre de soulever d’office et d’établir le fait que la garde effective de l’enfant peut être assumé par l’autre parent. Il appartient à ces autorités de tenir compte de l’ensemble des circonstances de l’espèce, dans le respect des principes de proportionnalité et de l’intérêt supérieur de l’enfant.

V –    Conclusion

114. Au vu des considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre aux questions préjudicielles posées par le Centrale Raad van Beroep (cour d’appel en matière de sécurité sociale et de fonction publique, Pays-Bas) de la manière suivante :

1)         L’article 20 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce qu’un État membre refuse à un parent ressortissant d’un État tiers, qui assume la garde effective de son enfant en bas âge, citoyen de l’Union, le séjour dans l’État membre de résidence de ce dernier qui en a la nationalité, dans la mesure où de telles décisions priveraient ledit enfant de la jouissance effective de l’essentiel des droits attachés au statut de citoyen de l’Union, lorsqu’il n’a pas été démontré que l’autre parent, qui est citoyen de ce même État membre, peut assumer seul la garde effective de l’enfant. Il ne suffit pas, à cet égard, de démontrer qu’il n’est pas exclu que cet autre parent puisse être en mesure de s’occuper concrètement de l’enfant.

2)         Il incombe aux autorités compétentes de l’État membre de soulever d’office et d’établir le fait que la garde effective de l’enfant peut être assumée par l’autre parent. Il appartient à ces autorités de tenir compte de l’ensemble des circonstances de l’espèce, dans le respect des principes de proportionnalité et de l’intérêt supérieur de l’enfant.


1 – Langue originale : le français.


2 – Arrêt du 8 mars 2011 (C‑34/09, EU:C:2011:124).


3 – Directive du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, modifiant le règlement (CEE) n° 1612/68 et abrogeant les directives 64/221/CEE, 68/360/CEE, 72/194/CEE, 73/148/CEE, 75/34/CEE, 75/35/CEE, 90/364/CEE, 90/365/CEE et 93/96/CEE (JO 2004, L 158, p. 77).


4 – Il ressort de la décision de renvoi que, dans les affaires en matière de droit des étrangers, la juridiction suprême est la section de droit administratif du Raad van State (Conseil d’État, Pays-Bas). Dans les affaires relatives à la Wet Werk en Bijstand (loi sur le travail et l’aide sociale, ci-après la « loi sur l’aide sociale »), c’est la juridiction de renvoi qui exerce la plus haute juridiction. Dans les affaires relatives à l’Algemene Kinderbijslagwet (loi générale sur les allocations familiales, ci-après la « loi sur les allocations familiales »), les décisions de la juridiction de renvoi peuvent encore faire l’objet d’un pourvoi devant le Hoge Raad der Nederlanden (Cour suprême des Pays-Bas) en ce qui concerne l’interprétation de la notion d’« assuré », y compris les aspects de cette notion en droit international.


5 – Ces périodes sont des périodes trimestrielles ayant eu lieu entre l’année 2010 et l’année 2013 pour chacune des requérantes.


6 –      Arrêt du 8 mars 2011 (C‑34/09, EU:C:2011:124).


7 –      Arrêt du 15 novembre 2011 (C‑256/11, EU:C:2011:734).


8 – Pour une récente illustration de cette jurisprudence constante, voir arrêt du 8 juin 2016, Hünnebeck (C‑479/14, EU:C:2016:412, point 36).


9 – Pour un aperçu de l’acquis de l’Union en ce qui concerne les droits de l’enfant, voir Commission européenne, DG Justice, EU acquis and policy documents on the rights of the child, décembre 2015, p. 1 à 83.


10 – Cette convention est entrée en vigueur le 2 septembre 1990.


11 – L’article 9, paragraphe 1, de cette même convention dispose que « [l]es États parties veillent à ce que l’enfant ne soit pas séparé de ses parents contre leur gré, à moins que les autorités compétentes ne décident, sous réserve de révision judiciaire et conformément aux lois et procédures applicables, que cette séparation est nécessaire dans l’intérêt supérieur de l’enfant. Une décision en ce sens peut être nécessaire dans certains cas particuliers, par exemple lorsque les parents maltraitent ou négligent l’enfant, ou lorsqu’ils vivent séparément et qu’une décision doit être prise au sujet du lieu de résidence de l’enfant ».


12 – Voir arrêt du 27 juin 2006, Parlement/Conseil (C‑540/03, EU:C:2006:429, point 37 et jurisprudence citée).


13 – Certes, les dispositions de la Charte s’adressent, en vertu de l’article 51, paragraphe 1, de celle-ci aux États membres uniquement lorsqu’ils mettent en œuvre le droit de l’Union. Toutefois, en l’espèce, si, après l’examen des situations en cause au principal, il est considéré que lesdites situations relèvent du champ d’application du droit de l’Union, la juridiction de renvoi devra déterminer si le refus du droit de séjour dérivé des requérantes au principal et de leur demandes d’allocations en cause porte atteinte au droit au respect de la vie privée et familiale prévu à l’article 7 de la Charte. Voir, en ce sens, arrêt du 15 novembre 2011, Dereci e.a. (C‑256/11, EU:C:2011:734, point 72).


14 – Voir, également, communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions, du 15 février 2011, intitulé « Programme de l’Union européenne en matière de droits de l’enfant » [COM(2011) 60 final, p. 3].


15 – Voir, notamment, s’agissant du droit au regroupement familial des enfants en bas âge n’ayant jamais fait usage de leur droit de libre circulation et ayant toujours séjourné dans l’État membre dont ils possèdent la nationalité, arrêt du 6 décembre 2012, O e.a. (C‑356/11 et C‑357/11, EU:C:2012:776, points 76 à 78). Pour ce qui est de la libre circulation des marchandises, voir arrêt du 14 février 2008, Dynamic Medien (C‑244/06, EU:C:2008:85, points 39 à 42 et 52). S’agissant du règlement (CE) n° 2201/2003 du Conseil, du 27 novembre 2003, relatif à la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale abrogeant le règlement (CE) n° 1347/2000 (JO 2003, L 338, p. 1), voir, notamment, arrêt du 2 avril 2009, A (C‑523/07, EU:C:2009:225, points 61 et 64).


16 – Il convient de noter que la cohérence de l’ordre juridique de l’Union doit être la résultante d’une lecture du droit de l’Union « non pas dans son ensemble, mais en tant qu’ensemble ». Voir, en ce sens, Simon, D., « Cohérence et ordre juridique communautaire », Le droit, les institutions et les politiques de l’Union européenne face à l’impératif de cohérence, V. Michel (ed.), Presses universitaires de Strasbourg, Strasbourg, 2009, p. 25 à 40, et, en particulier, p. 30. À cet égard, Pierre Pescatore a souligné l’importance du juge dans la garantie de la cohérence d’un ordre juridique complexe articulé sur les rapports de systèmes entre plusieurs ordres juridiques. Voir, Pescatore, P., Le droit de l’intégration. Émergence d’un phénomène nouveau dans les relations internationales selon l’expérience des Communautés européennes, A.W. Sijthoff, Leyde, 1972, p. 82.


17 – Voir arrêt du 19 octobre 2004, Zhu et Chen (C‑200/02, EU:C:2004:639, point 20 et jurisprudence citée). Mise en italique par mes soins.


18 – C’est le cas de Mmes Nikolic, García Pérez, Uwituze, Enowassam et Guerrero Chavez. En ce qui concerne Mmes Chavez-Vilchez, Pinas et Wip, voir point 52 des présentes conclusions.


19 – Il ressort de la décision de renvoi que c’est le cas de Shalomie, de Joe, de Philomena et de Salamo. Voir points 28 à 30 des présentes conclusions.


20 – Selon la juridiction de renvoi, c’est le cas d’Angelina, d’Angely et d’Habibatou. Voir points 23, 26 et 27 des présentes conclusions.


21 –      S’agissant de M. Schwencke, le père d’Angely, il a été souligné, lors de l’audience, que Mme García Pérez était victime de violence domestique. En outre, il ressort de la décision de renvoi que le registre de la population indique que M. Schwencke est parti pour le Costa Rica le 8 juillet 2009. Voir point 26 des présentes conclusions.


22 – À cet égard, lors de l’audience, le représentant de Mme Nikolic a expliqué que M. van de Pluijm, le père d’Esther, est un jeune parent qui a été placé dans une institution pour suivre un traitement de longue durée, étant dès lors exclu qu’il puisse s’occuper de l’enfant.


23 – Ainsi qu’il ressort de la décision de renvoi, les pères respectifs de Shalomie, Joe, Philomena et Salamo contribuent à ces frais d’entretien. Voir points 28 à 30 des présentes conclusions.


24 – Selon la description des faits de la juridiction de renvoi, c’est le cas d’Angelina, de Shine, d’Esther, d’Angely et d’Habibatou. Voir points 23 à 27 des présentes conclusions.


25 – Il ressort de la décision de renvoi que la garde est partagée dans les cas de Shine et de Philomena. Toutefois, il convient de noter que Philomena habite avec sa mère dans un centre d’accueil d’urgence. Voir points 24 et 29 des présentes conclusions.


26 – La garde est assumée par la mère uniquement dans les cas d’Angelina, d’Esther, d’Angely, d’Habibatou, de Shalomie et de Joe ainsi que de Salamo. Voir points 23, 25 à 28 et 30 des présentes conclusions.


27 – Cette situation est celle de Mme Guerrero Chavez et de son fils Salamo. Voir point 30 des présentes conclusions.


28 – Cette situation correspond à celle d’Angelina, d’Esther, d’Angely, d’Habibatou et de Philomena.


29 – Il ressort des observations écrites de Mme Wip que sa demande de permis de séjour aux Pays-Bas au titre de l’article 8 de la convention européenne des droits de l’homme (ci-après la « CEDH ») (signée à Rome le 4 novembre 1950) avait été également rejetée. L’organe administratif avait considéré que les relations entre le père et Shalomie, la fille de Mme Wip, étaient insuffisantespour admettre l’existence d’une vie familiale.


30 –      Arrêt du 8 mars 2011 (C‑34/09, EU:C:2011:124).


31 –      Arrêt du 15 novembre 2011 (C‑256/11, EU:C:2011:734).


32 – Voir, en ce sens, notamment, arrêts du 19 septembre 2013, Betriu Montull (C‑5/12, EU:C:2013:571, point 41), ainsi que du 1er octobre 2013, Alokpa et Moudoulou (C‑86/12, EU:C:2013:645, point 20).


33 – Voir arrêt du 19 octobre 2004, Zhu et Chen (C‑200/02, EU:C:2004:639, point 20 et jurisprudence citée).


34 – Je relève qu’il n’est indiqué ni dans la décision de renvoi ni dans le dossier dont dispose la Cour si l’État membre de naissance de la fille de Mme Chavez-Vilchez est la République fédérale d’Allemagne ou le Royaume des Pays-Bas. En tout état de cause, il ressort de cette décision que la fille de Mme Chavez-Vilchez a la nationalité néerlandaise, son père, ressortissant néerlandais, l’ayant reconnue.


35 – Je rappelle, à cet égard, que les éventuels droits qui sont accordés aux ressortissants d’un État tiers par les dispositions du droit de l’Union concernant la citoyenneté de l’Union sont, non pas des droits propres, mais des droits dérivés de l’exercice de la liberté de circulation par un citoyen de l’Union. Voir, notamment, arrêts du 8 mai 2013, Ymeraga e.a. (C‑87/12, EU:C:2013:291, point 35) ; du 1er octobre 2013, Alokpa et Moudoulou (C‑86/12, EU:C:2013:645, point 22), ainsi que du 12 mars 2014, O. et B. (C‑456/12, EU:C:2014:135, point 36).


36 – À cet égard, si Mme Chavez-Vilchez possède aujourd’hui un permis de séjour aux Pays-Bas, il est difficilement envisageable que sa fille se voit dans l’obligation, en fait, de quitter le territoire de l’Union pris dans son ensemble, la privant ainsi de la jouissance effective de l’essentiel des droits conférés par son statut de citoyenne de l’Union.


37 – Il ressort des observations écrites de Mme Chavez-Vilchez que, comme cette dernière se trouvait à la rue avec sa fille, les services d’aide et de police allemands ont estimé préférable qu’Angelina et sa mère se rendent aux Pays-Bas, car, en tant que ressortissante néerlandaise, Angelina pouvait y jouir de tous les droits.


38 –      Voir arrêts du 25 juillet 2008, Metock e.a. (C‑127/08, EU:C:2008:449, point 83), ainsi que du 18 décembre 2014, McCarthy e.a. (C‑202/13, EU:C:2014:2450, point 33).


39 –      Voir arrêt du 7 juillet 1992, Singh (C‑370/90, EU:C:1992:296). Dans cet arrêt, la Cour a considéré qu’un citoyen qui revenait dans l’État membre dont il avait la nationalité, pour exercer une activité non salariée, après avoir exercé une activité salariée pendant un certain temps dans un autre État membre, tirait des traités et du droit dérivé le droit d’être accompagné par son conjoint, ressortissant d’un État tiers, dans les mêmes conditions que celles prévues par le droit dérivé.


40 – Voir arrêt du 11 décembre 2007, Eind (C‑291/05, EU:C:2007:771). La Cour a estimé qu’un ressortissant d’un État membre ayant fait venir sa fille d’un État tiers, alors qu’il travaillait dans un autre État membre, avait le droit de se faire accompagner par celle-ci à son retour, en tant qu’inactif, dans l’État membre dont il avait la nationalité.


41 – Pour une analyse de cette jurisprudence, voir points 61 à 88 des conclusions que j’ai présentées dans l’affaire McCarthy e.a. (C‑202/13, EU:C:2014:345).


42 – Dans l’arrêt du 7 juillet 1992, Singh (C‑370/90, EU:C:1992:296), les droits de séjour dérivés ont été admis par la Cour sur le fondement de l’article 52 CEE (devenu article 49 TFUE) et de la directive 73/148/CEE du Conseil, du 21 mai 1973, relative à la suppression des restrictions au déplacement et au séjour des ressortissants des États membres à l’intérieur de la Communauté en matière d’établissement et de prestation de services (JO 1973, L 172, p. 14), laquelle a été abrogée et remplacée par la directive 2004/38. La motivation de l’arrêt du 11 décembre 2007, Eind (C‑291/05, EU:C:2007:771), est fondée tant sur les dispositions du traité (article 39 CE, devenu 45 TFUE) que sur celles du règlement (CEE) n° 1612/68 du Conseil, du 15 octobre 1968, relatif à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de la Communauté (JO 1968, L 257, p. 2), qui a été modifié par la directive 2004/38. Dans l’arrêt du 12 mars 2014, O. et B. (C‑456/12, EU:C:2014:135), la Cour a considéré que l’article 21, paragraphe 1, TFUE doit être interprété en ce sens que la directive 2004/38 s’applique par analogie dans une situation dans laquelle un citoyen de l’Union a développé ou consolidé une vie familiale avec un ressortissant d’un État tiers à l’occasion d’un séjour effectif, en vertu et dans le respect des conditions énoncées à l’article 7, paragraphes 1 et 2, ou article 16, paragraphes 1 et 2, de la directive 2004/38, dans un État membre autre que celui dont il possède la nationalité et retourne avec le membre de la famille concerné dans l’État membre dont il a la nationalité. Voir, à cet égard, points 77 et suivants des conclusions que j’ai présentées dans l’affaire McCarthy e.a. (C‑202/13, EU:C:2014:345).


43 – Arrêt du 18 décembre 2014 (C‑202/13, EU:C:2014:2450).


44 –      Voir arrêt du 18 décembre 2014, McCarthy e.a. (C‑202/13, EU:C:2014:2450, point 31). Voir, également, arrêt du 12 mars 2014, O. et B (C‑456/12, EU:C:2014:135, point 35 et jurisprudence citée).


45 – Voir arrêt du 25 juillet 2008, Metock e.a. (C‑127/08, EU:C:2008:449, point 84).


46 – Arrêt du 18 décembre 2014, McCarthy e.a. (C‑202/13, EU:C:2014:2450).


47 – Je rappelle que ce déplacement était lié à l’exercice de libre circulation de son père, ressortissant néerlandais, visant à s’établir et à travailler dans un autre État membre. Par conséquent, à mon avis, la jurisprudence mentionnée ci-dessus peut certainement s’appliquer par analogie.


48 – Voir note 37 des présentes conclusions.


49 – À cet égard, je note que, en l’absence de permis de séjour, la réglementation nationale en cause ne permet pas à un membre de la famille d’un citoyen de l’Union qui est ressortissant d’un État tiers de travailler.


50 – Voir arrêt du 1er octobre 2013, Alokpa et Moudoulou (C‑86/12, EU:C:2013:645, point 33).


51 – Voir, notamment, arrêts du 19 octobre 2004, Zhu et Chen (C‑200/02, EU:C:2004:639, point 45) ; du 8 novembre 2012, Iida (C‑40/11, EU:C:2012:691, point 69), ainsi que du 1er octobre 2013, Alokpa et Moudoulou (C‑86/12, EU:C:2013:645, point 28).


52 – Voir, notamment, arrêts du 17 septembre 2002, Baumbast et R (C‑413/99, EU:C:2002:493, points 84 et 85), ainsi que du 19 octobre 2004, Zhu et Chen (C‑200/02, EU:C:2004:639, point 26).


53 – Voir arrêts du 17 septembre 2002, Baumbast et R (C‑413/99, EU:C:2002:493, point 91), ainsi que du 19 octobre 2004, Zhu et Chen (C‑200/02, EU:C:2004:639, point 32).


54 – Il ressort de la doctrine que, dans le cadre de l’article 20 TFUE, il n’est plus pertinent d’utiliser les termes « ressortissants d’un État tiers ». Dans le cadre de la directive 2004/38, dans laquelle l’exercice du droit de circuler et de séjourner concerne deux État membres (celui dans lequel le citoyen de l’Union a sa nationalité et celui d’accueil), le membre de la famille du citoyen de l’Union est, en effet, ressortissant d’un État tiers. Toutefois, dans le cadre de l’article 20 TFUE, tel qu’interprété par la jurisprudence, un unique État membre est concerné, à savoir celui dont le citoyen de l’Union possède la nationalité. Par conséquent, dès lors que le membre de la famille dudit citoyen n’est pas ressortissant d’un « État tiers », il est suggéré d’utiliser un autre terme, tel que « ressortissant non-UE » ou « ressortissant non européen ». Voir, en ce sens, Davies, G., « The Family Rights of European Children: Expulsion of non-Europeans Parents”, EUI Working Papers, RSCAS 2012/04, p. 1 à 22, p. 3. Toutefois, dans les présentes conclusions, je considère les termes « ressortissant d’un État tiers » comme faisant référence à un ressortissant d’un État non membre de l’Union.


55 –      Pour un aperçu de l’évolution de la jurisprudence de la Cour en ce qui concerne la citoyenneté de l’Union, voir Trifonidou, A., The Impact of Union Citizenship on the EU’s Market Freedoms, Hartpublishing, Londres, 2016, p. 23 à 58. L’auteur examine la jurisprudence en quatre étapes, à savoir l’enfance (1993-1997), la croissance et le développement (1998-2005), l’adolescence (2006-2009) et la vie adulte (depuis l’année 2010).


56 – Voir, en ce sens, Barnard, C., The Substantive Law of the EU. The Four Freedoms, Oxford University Press, Oxford, 2013, p. 431 et 432. Cet auteur considère la citoyenneté comme « le goudron qui permet de lier ensemble les ressortissants de tous les États membres ».


57 – Voir article 3 TUE.


58 – Voir point 53 des conclusions que l’avocat général Lenz a présentées dans l’affaire Faccini Dori (C‑91/92, EU:C:1994:45).


59 – Voir point 63 des conclusions que l’avocat général Léger a présentées dans l’affaire Boukhalfa (C‑214/94, EU:C:1995:381). En ce sens, voir, également, point 50 des conclusions que l’avocat général La Pergola a présentées dans les affaires jointes Stöber et Piosa Pereira (C‑4/95 et C‑5/95, EU:C:1996:225). Mise en italique par mes soins.


60 – Point 34 des conclusions que l’avocat général Ruiz-Jarabo Colomer a présentées dans les affaires jointes Shingara et Radiom (C‑65/95 et C‑111/95, EU:C:1996:451). Mise en italique par mes soins. Très récemment, l’avocat général Wathelet a souligné, dans ses conclusions dans l’affaire NA (C‑115/15, EU:C:2016:259, point 111), que, si le statut de citoyen a vocation à être le statut fondamental des citoyens de l’Union, « [i]l ne peut, dès lors, s’agir d’une coquille vide ».


61 – Voir, sur cet aspect, points 107 et suivants des conclusions que j’ai présentées dans les affaires jointes Rendón Marín et CS (C‑165/14 et C‑304/14, EU:C:2016:75).


62 –      Arrêt du 8 mars 2011 (C‑34/09, EU:C:2011:124). Le caractère non accidentel de cet arrêt de la Cour est pour moi plus qu’évident. À cet égard, ainsi que je l’ai souligné aux points 111 à 115 et 117 des conclusions que j’ai présentées dans les affaires jointes Rendón Marín et CS (C‑165/14 et C‑304/14, EU:C:2016:75), cet arrêt est le résultat d’une évolution jurisprudentielle majeure qui a constitué le fondement de la solution retenue dans ce même arrêt.


63 – Arrêt du 15 novembre 2011 (C‑256/11, EU:C:2011:734).


64 – Dès lors que les situations des filles de Mmes Chavez-Vilchez et Wip, dont les mères ont récemment obtenu un permis de séjour, respectivement, aux Pays-Bas (sur la base de l’article 8 de la CEDH) et en Belgique, ont été analysées aux points 61 à 77 des présentes conclusions, je me concentrerai sur la question de savoir si les situations des six autres requérantes au principal et de leurs enfants respectifs relèvent du champ d’application du droit de l’Union.


65 – En ce qui concerne Mme Pinas, je rappelle, ainsi qu’il ressort de la décision de renvoi, qu’elle a obtenu un permis de séjour pour une durée déterminée, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier. Dès lors, en principe, il n’existe pas de risque d’expulsion et, partant, sa fille n’est pas obligée, en fait, de quitter les Pays-Bas. Il importe, néanmoins, à la juridiction de renvoi d’analyser la situation de Mme Pinas à la lumière de l’article 20 TFUE si elle constate que cette dernière n’a plus de permis de séjour valable aux Pays-Bas.


66 – Arrêt du 8 mars 2011 (C‑34/09, EU:C:2011:124, point 42). Comme je l’ai déjà exposé au point 116 des conclusions que j’ai présentées dans les affaires jointes Rendón Marín et CS (C‑165/14 et C‑304/14, EU:C:2016:75), l’arrêt Ruiz Zambrano vise la reconnaissance des droits revendiqués par des ressortissants des États membres qui, en tant que citoyens de l’Union, expriment leur besoin de protection juridique et leur demande d’intégration non seulement dans l’État membre d’accueil, mais également dans leur propre État membre. En effet, le fait que les ressortissants des États membres se voient reconnaître un statut aussi fondamental que celui de la citoyenneté de l’Union implique, selon la Cour, que le droit de l’Union s’oppose à des mesures nationales ayant pour effet de les priver de la jouissance effective de l’essentiel des droits qu’ils tirent de ce statut. Ce serait le cas si un ressortissant d’un État tiers assumant seul la garde effective de ses enfants en bas âge, citoyens de l’Union, se voyait refuser le droit de séjourner dans l’État membre dans lequel ces derniers résident et dont ils ont la nationalité, dès lors que cette mesure oblige également ces enfants à quitter le territoire de l’Union.


67 –      Arrêt du 8 mars 2011 (C‑34/09, EU:C:2011:124).


68 – Arrêts du 8 mars 2011, Ruiz Zambrano (C‑34/09, EU:C:2011:124, points 43 et 44), et du 15 novembre 2011, Dereci e.a. (C‑256/11, EU:C:2011:734, point 67). Voir, également, arrêts du 8 novembre 2012, Iida (C‑40/11, EU:C:2012:691, point 71) ; du 6 décembre 2012, O e.a. (C‑356/11 et C‑357/11, EU:C:2012:776, point 48) ; du 8 mai 2013, Ymeraga e.a. (C‑87/12, EU:C:2013:291, point 36), ainsi que du 1er octobre 2013, Alokpa et Moudoulou (C‑86/12, EU:C:2013:645, point 32). Notamment, M. Dereci était un ressortissant turc dont l’épouseet les trois enfants étaient autrichiens et avaient toujours séjourné en Autriche, où il souhaitait vivre avec eux. Dans cette situation, ni les trois enfants ni la mère n’étaient privés de la jouissance de l’essentiel de leurs droits parce que, contrairement à ce qui était le cas dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 8 mars 2011, Ruiz Zambrano (C‑34/09, EU:C:2011:124), ces enfants ne dépendaient pas de leur père pour leur subsistance et pouvaient donc demeurer en Autriche.


69 – Arrêts du 7 juillet 1992, Micheletti e.a. (C‑369/90, EU:C:1992:295, point 29), ainsi que du 2 mars 2010, Rottmann (C‑135/08, EU:C:2010:104, point 39).


70 – Arrêts du 2 octobre 2003, Garcia Avello (C‑148/02, EU:C:2003:539, point 21), et du 19 octobre 2004, Zhu et Chen (C‑200/02, EU:C:2004:639, point 21). Voir, également, points 47 à 52 des conclusions que l’avocat général Tizzano a présentées dans l’affaire Zhu et Chen (C‑200/02, EU:C:2004:307).


71 – Voir point 120 des conclusions que j’ai présentées dans les affaires jointes Rendón Marín et CS (C‑165/14 et C‑304/14, EU:C:2016:75). Ce n’est pas parce qu’ils n’ont pas exercé leur droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire de l’Union qu’ils ne bénéficient pas, en tant que citoyens de l’Union, de ce droit. En revanche, je rappelle que les dispositions du traité concernant la citoyenneté de l’Union ne confèrent aucun droit autonome aux ressortissants d’un État tiers. Voir arrêts du 8 novembre 2012, Iida (C‑40/11, EU:C:2012:691, point 66), ainsi que du 8 mai 2013, Ymeraga e.a. (C‑87/12, EU:C:2013:291, point 34).


72 – Arrêt du 8 mars 2011 (C‑34/09, EU:C:2011:124). Je rappelle que ces situations particulières dans lesquelles le citoyen de l’Union n’a pas exercé son droit de libre circulation se caractérisent par le fait que, « même si elles sont régies par des réglementations relevant a priori de la compétence des États membres, à savoir les réglementations concernant le droit d’entrée et de séjour des ressortissants de pays tiers en dehors du champ d’application des dispositions du droit dérivé qui, sous certaines conditions, prévoient l’attribution d’un tel droit, elles ont toutefois un rapport intrinsèque avec la liberté de circulation d’un citoyen de l’Union qui s’oppose à ce que ledit droit d’entrée et de séjour soit refusé auxdits ressortissants dans l’État membre où réside ce citoyen, afin de ne pas porter atteinte à cette liberté ». Voir arrêts du 8 novembre 2012, Iida (C‑40/11, EU:C:2012:691, point 72), ainsi que du 8 mai 2013, Ymeraga e.a. (C‑87/12, EU:C:2013:291, point 37).


73 – Je rappelle que M. Schwencke, père d’Angely, est introuvable et, selon les informations du registre de population, ne réside pas aux Pays-Bas depuis l’année 2009.


74 – Voir, par analogie, arrêt du 2 mars 2010, Rottmann (C‑135/08, EU:C:2010:104, points 54 à 56).


75 – Sur le principe d’attribution des compétences dans le domaine du droit de l’immigration, voir points 74 et 75 des conclusions que j’ai présentées dans les affaires jointes Rendón Marín et CS (C‑165/14 et C‑304/14, EU:C:2016:75) : « [l]es États membres conservent, en principe, leurs compétences dans le domaine du droit de l’immigration. […] En revanche, s’il s’agit d’une situation dans laquelle les droits de circuler et de séjourner librement en vertu du droit de l’Union sont en cause, la marge d’appréciation dont disposent les États membres en matière d’immigration ne saurait porter atteinteà l’application des dispositions concernant la citoyenneté de l’Unionou la liberté de circulation, même si ces dispositions concernent non seulement la situation d’un citoyen de l’Union, mais également celle d’un ressortissant d’un État tiers membre de sa famille. »


76 – J’ai une préférence pour cette notion qui a été utilisée par la Cour, en ce qui concerne le regroupement familial, dans l’arrêt du 6 décembre 2012, O e.a. (C‑356/11 et C‑357/11, EU:C:2012:776, point 56). Mise en italique par mes soins. À mon avis, cette notion est équivalente à celle de « garde effective ».


77 – Voir arrêts du 8 mars 2011, Ruiz Zambrano (C‑34/09, EU:C:2011:124, points 43 et 45) ; du 15 novembre 2011, Dereci e.a. (C‑256/11, EU:C:2011:734, points 65 à 67), ainsi que du 6 décembre 2012, O e.a. (C‑356/11 et C‑357/11, EU:C:2012:776, point 56).


78 – Cette appréciation s’impose, même dans les deux cas où la garde est légalement partagée, c’est-à-dire ceux de Shine, la fille de Mme Pinas, et de Philomena, la fille de Mme Enowassam. En effet, il convient de souligner que cette dernière réside avec sa fille dans un centre d’accueil d’urgence.


79 – Voir, à cet égard, point  125 des conclusions que l’avocat général Wathelet a présentées dans l’affaire NA (C‑115/15, EU:C:2016:259) : « [l]’intégration de l’article 7 de la Charte dans la réflexion du juge national relative à l’application de l’article 20 TFUE ne me paraît pas, par ailleurs, de nature à entraîner une extension du champ d’application du droit de l’Union, extension qui serait contraire à l’article 51, paragraphe 2, de la Charte ».


80 – Je tiens à noter que, ainsi qu’il ressort du dossier dont dispose la Cour, selon la pratique administrative néerlandaise, lorsqu’un père est introuvable, a des troubles physiques graves, a exercé une violence domestique contre la mère (comme dans le cas de Mme García Pérez), est placé dans un centre spécialisé pour un traitement à longue terme (comme c’est le cas de M. Van de Pluijm, père d’Esther) ou n’a aucun contact avec l’enfant depuis longtemps (comme dans le cas des enfants de Mmes García Pérez et Uwituze), celui-ci ne se trouverait pas dans l’impossibilité de fait de s’occuper de ses enfants !


81 – Arrêt du 7 juin 2007, Commission/Pays-Bas (C‑50/06, EU:C:2007:325, point 42 et jurisprudence citée).


82 –      Arrêt du 8 mars 2011, C‑34/09, EU:C:2011:124.


83 – Il ressort du dossier dont dispose la Cour ainsi que des observations présentées lors de l’audience que, aux fins de prouver que le père néerlandais ne peut pas s’occuper de l’enfant, la mère ressortissante d’un État tiers qui a la garde effective doit engager, même contre sa volonté, une procédure en droit familial pour établir l’incapacité du père à s’occuper de l’enfant.