Language of document : ECLI:EU:T:2011:44

ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre)

17 février 2011 (*)

« Radiodiffusion télévisuelle – Article 3 bis de la directive 89/552/CEE – Mesures prises par le Royaume-Uni concernant les événements d’importance majeure pour la société de cet État membre – Coupe du monde de football – Décision déclarant les mesures compatibles avec le droit communautaire – Motivation – Articles 43 CE, 49 CE et 86 CE – Droit de propriété »

Dans l’affaire T‑68/08,

Fédération internationale de football association (FIFA), établie à Zurich (Suisse), représentée initialement par M. E. Batchelor, Mme F. Young, solicitors, Mes A. Barav, D. Reymond, avocats, et Mme F. Carlin, barrister, puis par M. Batchelor, Mes Barav, Reymond et Mme Carlin,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée initialement par M. F. Benyon, Mmes E. Montaguti et N. Yerrell, puis par M. Benyon et Mme Montaguti, en qualité d’agents, assistés de M. J. Flynn, QC, et Mlle M. Lester, barrister,

partie défenderesse,

soutenue par

Royaume de Belgique, représenté par Mme C. Pochet, en qualité d’agent, assistée de Mes J. Stuyck et A. Joachimowicz, avocats,

et par

Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, représenté initialement par Mmes S. Behzadi-Spencer et V. Jackson, puis par Mme Behzadi-Spencer et M. L. Seeboruth, en qualité d’agents, assistés initialement de M. T. de la Mare, puis de M. B. Kennelly, barristers,

parties intervenantes,

ayant pour objet une demande d’annulation partielle de la décision 2007/730/CE de la Commission, du 16 octobre 2007, sur la compatibilité avec le droit communautaire des mesures prises par le Royaume‑Uni conformément à l’article 3 bis, paragraphe 1, de la directive 89/552/CEE du Conseil visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à l’exercice d’activités de radiodiffusion télévisuelle (JO L 295, p. 12),

LE TRIBUNAL (septième chambre),

composé de MM. N. J. Forwood (rapporteur), président, L. Truchot et J. Schwarcz, juges,

greffier : Mme K. Pocheć, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 24 février 2010,

rend le présent

Arrêt

 Cadre juridique

1        L’article 43 CE est libellé comme suit :

« Dans le cadre des dispositions visées ci-après, les restrictions à la liberté d’établissement des ressortissants d’un État membre dans le territoire d’un autre État membre sont interdites. Cette interdiction s’étend également aux restrictions à la création d’agences, de succursales ou de filiales, par les ressortissants d’un État membre établis sur le territoire d’un État membre.

La liberté d’établissement comporte l’accès aux activités non salariées et leur exercice, ainsi que la constitution et la gestion d’entreprises, et notamment de sociétés au sens de l’article 48, deuxième alinéa, [CE,] dans les conditions définies par la législation du pays d’établissement pour ses propres ressortissants, sous réserve des dispositions du chapitre relatif aux capitaux. »

2        L’article 49, premier alinéa, CE dispose :

« Dans le cadre des dispositions visées ci-après, les restrictions à la libre prestation des services à l’intérieur de la Communauté sont interdites à l’égard des ressortissants des États membres établis dans un pays de la Communauté autre que celui du destinataire de la prestation. »

3        Selon l’article 86, paragraphe 1, CE, « [l]es États membres, en ce qui concerne les entreprises publiques et les entreprises auxquelles ils accordent des droits spéciaux ou exclusifs, n’édictent ni ne maintiennent aucune mesure contraire aux règles du présent traité, notamment à celles prévues à l’article 12 [CE] et aux articles 81 [CE] à 89 [CE] inclus ».

4        L’article 3 bis de la directive 89/552/CEE du Conseil, du 3 octobre 1989, visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à l’exercice d’activités de radiodiffusion télévisuelle (JO L 298, p. 23), tel qu’ajouté par la directive 97/36/CE du Parlement européen et du Conseil, du 30 juin 1997, modifiant la directive [89/552] (JO L 202, p. 60), dispose :

« 1. Chaque État membre peut prendre des mesures, conformément au droit communautaire, pour assurer que les organismes de radiodiffusion télévisuelle relevant de sa compétence ne retransmettent pas d’une manière exclusive des événements qu’il juge d’une importance majeure pour la société d’une façon qui prive une partie importante du public dudit État membre de la possibilité de suivre ces événements en direct ou en différé sur une télévision à accès libre. Dans ce contexte, l’État membre concerné établit une liste des événements désignés, nationaux ou non, qu’il juge d’une importance majeure pour la société. Il établit cette liste selon une procédure claire et transparente, en temps opportun et utile. Ce faisant, l’État membre détermine également si ces événements doivent être transmis intégralement ou partiellement en direct ou, si nécessaire ou approprié pour des raisons objectives d’intérêt général, transmis intégralement ou partiellement en différé.

2. Les États membres notifient immédiatement à la Commission toute mesure prise ou envisagée en application du paragraphe 1. Dans un délai de trois mois après la notification, la Commission vérifie que ces mesures sont compatibles avec le droit communautaire et les communique aux autres États membres. Elle demande l’avis du comité institué à l’article 23 bis. Elle publie sans délai au Journal officiel des Communautés européennes les mesures qui sont prises et, au moins une fois par an, la liste récapitulative des mesures prises par les États membres.

3. Les États membres s’assurent par les moyens appropriés, dans le cadre de leur législation, que les organismes de radiodiffusion télévisuelle relevant de leur compétence exercent les droits exclusifs qu’ils ont achetés après la date de publication de la présente directive de manière à ne pas priver une partie importante du public d’un autre État membre de la possibilité de suivre, intégralement ou partiellement en direct ou, si nécessaire ou approprié pour des raisons objectives d’intérêt général, intégralement ou partiellement en différé, sur une télévision à accès libre, selon les dispositions prises par cet autre État membre conformément au paragraphe 1, les événements que cet autre État membre a désignés conformément aux paragraphes précédents. »

5        Les considérants 18 à 22 de la directive 97/36 sont libellés ainsi :

« (18) considérant qu’il est essentiel que les États membres soient à même de prendre des mesures destinées à protéger le droit à l’information et à assurer un large accès du public aux retransmissions télévisées d’événements, nationaux ou non, d’une importance majeure pour la société, tels que les Jeux olympiques, la Coupe du monde et le championnat d’Europe de football ; que, à cette fin, les États membres conservent le droit de prendre des mesures compatibles avec le droit communautaire en vue de réglementer l’exercice, par les organismes de radiodiffusion télévisuelle relevant de leur compétence, des droits exclusifs de retransmission de tels événements ;

(19)      considérant qu’il convient de prendre des dispositions, dans un cadre communautaire, afin d’éviter les risques d’insécurité juridique et de distorsion de marché et de concilier la libre circulation des services télévisés et la nécessité d’empêcher que soient éventuellement tournées des mesures nationales destinées à protéger un intérêt général légitime ;

(20)      considérant notamment qu’il convient, dans la présente directive, de prévoir des dispositions concernant l’exercice, par les organismes de radiodiffusion télévisuelle, de droits exclusifs de retransmission qu’ils auraient achetés pour des événements jugés d’une importance majeure pour la société dans un État membre autre que celui qui est compétent pour les organismes de radiodiffusion télévisuelle ; […]

(21)      considérant que des événements d’importance majeure pour la société devraient, aux fins de la présente directive, satisfaire à certains critères, c’est-à-dire qu’il doit s’agir d’événements extraordinaires qui présentent un intérêt pour le grand public dans l’Union européenne ou dans un État membre déterminé ou dans une partie importante d’un État membre déterminé et être organisés à l’avance par un organisateur d’événements qui a légalement le droit de vendre les droits relatifs à cet événement ;

(22)      considérant que, aux fins de la présente directive, on entend par ‘télévision à accès libre’ l’émission sur une chaîne, publique ou commerciale, de programmes qui sont accessibles au public sans paiement autre que les modes de financement de la radiodiffusion qui sont les plus répandus dans chaque État membre (comme la redevance télévision et/ou l’abonnement de base à un réseau câblé) ».

 Antécédents du litige et décision attaquée

6        La requérante, la Fédération internationale de football association (FIFA), est une association composée de 208 fédérations nationales de football et constitue l’organe exécutif mondial du football. Ses objectifs sont, notamment, de promouvoir globalement le football et d’organiser ses compétitions internationales. La vente de ses droits de retransmission télévisuelle de la phase finale de la Coupe du monde de la FIFA (ci-après la « Coupe du monde »), dont elle assure l’organisation, constitue sa principale source de revenu.

7        Par décision du 25 juin 1998, le ministre de la Culture, des Médias et des Sports du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord (ci-après le « ministre ») a établi, en vertu de la partie IV du Broadcasting Act 1996 (loi de 1996 sur la radiodiffusion), une liste d’événements d’importance majeure pour la société de cet État membre, incluant la Coupe du monde.

8        L’adoption de cette liste a été précédée d’une consultation de 42 organes différents lancée par le ministre en juillet 1997 au sujet des critères au regard desquels devait être appréciée l’importance des divers événements pour la société du Royaume-Uni. Cette procédure a abouti à l’adoption d’une liste de critères figurant dans un document du ministère de la Culture, des Médias et des Sports datant de novembre 1997, que le ministre appliquerait aux fins de l’établissement de la liste d’événements d’importance majeure pour la société du Royaume-Uni. Selon ce document, un événement est susceptible d’être inscrit sur la liste notamment lorsqu’il trouve un écho particulier au niveau national et non pas seulement parmi ceux qui suivent généralement la discipline sportive en question. Peut être ainsi qualifié, selon ce même document, un événement sportif national ou international qui est prééminent ou qui implique l’équipe nationale ou des athlètes du Royaume-Uni. Parmi les événements qui satisfont à ces critères, ceux qui attirent de nombreux téléspectateurs ou qui sont traditionnellement retransmis en direct sur des chaînes de télévision gratuites auraient plus de chances d’être inscrits sur la liste. En outre, le ministre prendrait également en compte, aux fins de son appréciation, d’autres facteurs relatifs aux conséquences pour le sport concerné, tels que l’opportunité d’offrir une retransmission en direct d’un événement dans son intégralité, l’impact pour les recettes dans le domaine sportif en cause, les conséquences pour le marché de la radiodiffusion et l’existence des circonstances garantissant l’accès à l’événement par le biais d’une retransmission télévisuelle ou radiophonique en différé.

9        Par la suite, le ministre a lancé, conformément à l’article 97 du Broadcasting Act 1996, une procédure de consultation concernant les événements particuliers à inscrire sur la liste. Dans le cadre de cette consultation, le ministre a sollicité l’avis de plusieurs organes et opérateurs concernés ainsi que des détenteurs des droits de retransmission télévisuelle, tels que la FIFA. En outre, un comité consultatif établi par le ministre et intitulé « Advisory Group on listed events » (Groupe consultatif sur les événements inscrits sur la liste) a rendu son avis sur les événements à inscrire en proposant, s’agissant de la Coupe du monde, l’inscription de la finale, des demi-finales et des matchs impliquant les équipes nationales du Royaume-Uni.

10      En vertu de l’article 98 du Broadcasting Act 1996, tel qu’amendé par les Television Broadcasting Regulations 2000 (Règlements de 2000 sur la radiodiffusion télévisuelle), les organismes de radiodiffusion télévisuelle sont répartis en deux catégories. La première catégorie inclut les organismes fournissant un service gratuit qui, de surcroît, peut être capté par au moins 95 % de la population du Royaume-Uni. La seconde catégorie inclut les organismes qui ne remplissent pas ces conditions.

11      En outre, en vertu de l’article 101 du Broadcasting Act 1996, tel qu’amendé par les Television Broadcasting Regulations 2000, un fournisseur de programmes télévisés relevant de l’une de ces catégories ne saurait transmettre en direct tout ou partie d’un événement inclus sur la liste que si un fournisseur relevant de l’autre de ces catégories a acquis le droit de transmettre l’intégralité ou ladite partie du même événement en direct dans la même, ou substantiellement la même, région. Si cette condition n’est pas remplie, l’organisme souhaitant transmettre en direct l’intégralité ou partie de l’événement en question doit obtenir l’autorisation préalable de l’Office of Communications (Office des communications).

12      Selon l’article 3 du Code on Sports and Other Listed Events (Code relatif aux événements sportifs et autres inscrits sur la liste), tel qu’en vigueur en 2000, les événements inscrits sur la liste d’événements d’importance majeure pour la société sont répartis en deux groupes. Le « groupe A » inclut les événements qui ne peuvent pas être couverts en direct d’une manière exclusive si certains critères ne sont pas remplis. Le « groupe B » inclut des événements qui ne peuvent être transmis en direct d’une manière exclusive que si des dispositions ont été prises pour garantir une retransmission en différé.

13      Selon l’article 13 du Code on Sports and Other Listed Events, une autorisation de l’Office of Communications peut être accordée pour les événements relevant du « groupe A » de la liste, auquel appartient la Coupe du monde, lorsque les droits de retransmission s’y rapportant ont été ouvertement offerts dans des conditions équitables et raisonnables à tous les organismes de radiodiffusion télévisuelle, sans qu’un organisme relevant de l’autre catégorie n’ait exprimé son intérêt pour les acheter.

14      Par lettre du 25 septembre 1998, le Royaume-Uni a transmis à la Commission des Communautés européennes, au titre de l’article 3 bis, paragraphe 2, de la directive 89/552, la liste d’événements établie par le ministre ainsi que d’autres renseignements concernant la législation de cet État membre adoptée conformément à l’article 3 bis, paragraphe 1, de la même directive. À la suite d’un échange de correspondances entre le Royaume-Uni et la Commission et d’une nouvelle notification des mesures ayant eu lieu le 5 mai 2000, le directeur général de la direction générale (DG) « Éducation » de la Commission a informé le Royaume-Uni, par lettre du 28 juillet 2000, que la Commission ne soulevait pas d’objections aux mesures de cet État membre qui seraient, dès lors, prochainement publiées au Journal officiel des Communautés européennes.

15      Par l’arrêt du 15 décembre 2005, Infront WM/Commission (T‑33/01, Rec. p. II‑5897), le Tribunal a annulé la décision contenue dans la lettre du 28 juillet 2000, au motif que celle-ci constituait une décision au sens de l’article 249 CE, que le collège des membres de la Commission aurait dû adopter lui-même (arrêt Infront WM/Commission, précité, point 178).

16      Faisant suite à l’arrêt Infront WM/Commission, point 15 supra, la Commission a adopté la décision 2007/730/CE, du 16 octobre 2007, sur la compatibilité avec le droit communautaire des mesures prises par le Royaume‑Uni conformément à l’article 3 bis, paragraphe 1, de la directive [89/552] (JO L 295, p. 12, ci-après la « décision attaquée »).

17      Le dispositif de la décision attaquée est libellé ainsi :

« Article premier

Les mesures prises conformément à l’article 3 bis, paragraphe 1, de la directive [89/552] et notifiées par le Royaume-Uni à la Commission le 5 mai 2000, publiées au Journal officiel des Communautés européennes C 328 du 18 novembre 2000, sont compatibles avec le droit communautaire.

Article 2

Les mesures, telles qu’elles figurent en annexe de la présente décision, sont publiées au Journal officiel de l’Union européenne, conformément à l’article 3 bis, paragraphe 2, de la directive [89/552]. »

18      La décision attaquée est notamment motivée par les considérants suivants :

« (4) La liste des événements présentant une importance majeure pour la société figurant dans les mesures [du Royaume-Uni] a été établie d’une manière claire et transparente, et une vaste consultation a été lancée [dans cet État membre].

(5)      Selon la Commission, les événements inscrits sur la liste des mesures [du Royaume-Uni] remplissaient au moins deux des critères suivants, considérés comme des indicateurs fiables de l’importance de ces événements pour la société : i) ils trouvent un écho particulier dans l’État membre concerné et intéressent d’autres personnes que celles qui suivent généralement la discipline sportive ou l’activité en question ; ii) ils présentent une importance culturelle spécifique largement reconnue pour la population de l’État membre concerné et constituent notamment un élément d’identité culturelle ; iii) ils impliquent l’équipe nationale dans le contexte d’une compétition ou d’un tournoi d’importance internationale ; iv) l’événement a toujours été retransmis sur des chaînes de télévision gratuites et attiré de nombreux téléspectateurs.

(6)      Un nombre significatif d’événements inscrits sur la liste des mesures [du Royaume-Uni], notamment les [J]eux [o]lympiques d’été et d’hiver ainsi que les finales de Coupe du monde et les finales des championnats d’Europe, appartiennent à la catégorie des événements présentant une importance majeure pour la société, conformément au considérant 18 de la directive [97/36]. Ces événements dans leur globalité trouvent un écho particulier au [Royaume-Uni], car ils sont particulièrement populaires pour le grand public (quelle que soit la nationalité des participants), et pas seulement pour les téléspectateurs qui suivent généralement les événements sportifs à la télévision.

[…]

(18)      Les événements inscrits sur la liste, y compris ceux à considérer comme un tout et non comme une série d’événements individuels, ont toujours été retransmis par des chaînes de télévision gratuites et attiré de nombreux téléspectateurs […]

(19)      Les mesures [du Royaume-Uni] semblent proportionnées et justifier une dérogation à la liberté fondamentale de prestation de services inscrite dans le traité CE sur la base d’une raison impérative d’intérêt public [, consistant à assurer un accès télévisé du grand public aux événements d’importance majeure pour la société].

(20)      Les mesures [du Royaume-Uni] sont compatibles avec les règles de concurrence [du traité CE] puisque la définition des organismes de radiodiffusion télévisuelle agréés pour la transmission des événements inscrits sur la liste repose sur des critères objectifs qui permettent une concurrence effective et potentielle pour l’acquisition des droits de transmission de ces événements. En outre, le nombre d’événements inscrits sur la liste n’est pas disproportionné de sorte que cela n’entraîne pas de distorsions de la concurrence sur les marchés en aval de la télévision à accès libre et de la télévision à péage.

(21)      La proportionnalité des mesures [du Royaume-Uni] est corroborée par le fait qu’un certain nombre d’événements inscrits sur la liste ne nécessitent qu’une retransmission adéquate.

[…]

(24)      Il résulte de l’arrêt [Infront WM/Commission] que la déclaration attestant que les mesures prises conformément à l’article 3 bis, paragraphe 1, de la directive [89/552] sont compatibles avec le droit communautaire constitue une décision et doit donc être adoptée par la Commission. Par conséquent, il convient de déclarer, au moyen de la présente décision, que les mesures notifiées par le Royaume-Uni sont compatibles avec le droit communautaire. Les mesures, telles qu’elles figurent en annexe de la présente décision, doivent être publiées au Journal officiel de l’Union européenne, conformément à l’article 3 bis, paragraphe 2, de la directive [89/552]. »

 Procédure et conclusions des parties

19      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 6 février 2008, la FIFA a introduit le présent recours.

20      Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le 28 février 2008, la FIFA a demandé au Tribunal d’inviter la Commission, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure, à produire plusieurs documents, selon elle, essentiels aux fins de l’exercice de ses droits ainsi qu’aux fins du contrôle juridictionnel que le Tribunal est appelé à exercer.

21      Par décision du 26 mai 2008, la septième chambre du Tribunal a décidé de ne pas donner suite, à ce stade, à la demande de mesures d’organisation de la procédure introduite par la FIFA.

22      Par actes déposés au greffe du Tribunal respectivement les 11 et 16 juin 2008, le Royaume-Uni ainsi que le Royaume de Belgique ont demandé à intervenir dans la présente procédure au soutien des conclusions de la Commission.

23      Par ordonnance du 14 août 2008, le président de la septième chambre du Tribunal a admis ces interventions. Les parties intervenantes ont déposé leurs mémoires et la FIFA a déposé ses observations sur ceux-ci dans les délais impartis.

24      Par ordonnance du 15 décembre 2009, la présente affaire a été jointe à l’affaire T‑385/07, FIFA/Commission, aux fins de la procédure orale.

25      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal a décidé d’ouvrir la procédure orale et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure, a posé par écrit une question à la FIFA et deux questions à la Commission. Il a été répondu aux questions du Tribunal dans le délai imparti.

26      La FIFA conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée en partie ou dans son intégralité dans la mesure où elle concerne la Coupe du monde ;

–        condamner la Commission, le Royaume de Belgique et le Royaume-Uni aux dépens.

27      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la FIFA aux dépens.

28      Le Royaume de Belgique et le Royaume-Uni concluent à ce qu’il plaise au Tribunal de rejeter le recours.

 En droit

1.     Sur la recevabilité

 Arguments des parties

29      Le Royaume de Belgique soutient que le recours est irrecevable aux motifs que la FIFA n’est ni individuellement ni directement concernée par la décision attaquée et que le Tribunal n’est pas compétent pour apprécier la légalité de mesures nationales. En outre, la FIFA n’aurait pas formé de recours contre les mesures du Royaume-Uni devant les juridictions nationales, si bien que son recours devant le Tribunal aurait été introduit hors délai, l’annulation éventuelle de la décision attaquée n’affectant pas la validité de la législation nationale en cause.

30      La FIFA estime que la décision attaquée constitue un acte susceptible de recours et que, de surcroît, elle la concerne directement et individuellement.

 Appréciation du Tribunal

31      Les motifs d’irrecevabilité soulevés par le Royaume de Belgique concernent l’ordre public étant donné que, dans leur cadre, sont mises en cause la qualité pour agir de la FIFA, l’observation du délai de recours et la compétence du Tribunal. Il y a donc lieu pour le Tribunal d’examiner d’office ces fins de non-recevoir, bien que le Royaume de Belgique n’ait pas, en tant qu’intervenant, qualité pour les soulever selon l’article 40, quatrième alinéa, du statut de la Cour de justice et l’article 116, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, la Commission n’ayant pas contesté la recevabilité du recours (voir, en ce sens et par analogie, arrêt de la Cour du 24 mars 1993, CIRFS e.a./Commission, C‑313/90, Rec. p. I‑1125, points 21 à 23).

32      S’agissant de l’affectation directe de la FIFA, il convient de rappeler que, conformément à une jurisprudence constante, la condition selon laquelle une personne physique ou morale doit être directement concernée par la décision attaquée, telle que prévue à l’article 230, quatrième alinéa, CE, requiert que la mesure communautaire contestée produise directement des effets sur la situation juridique du particulier et ne laisse aucun pouvoir d’appréciation à ses destinataires qui sont chargés de sa mise en œuvre, celle-ci ayant un caractère purement automatique et découlant de la seule réglementation communautaire, sans application d’autres règles intermédiaires (voir arrêt de la Cour du 13 mars 2008, Commission/Infront WM, C‑125/06 P, Rec. p. I‑1451, point 47, et la jurisprudence citée).

33      À cet égard, selon l’article 101 du Broadcasting Act 1996 (voir point 11 ci-dessus), aucun organisme de radiodiffusion télévisuelle relevant d’une des catégories décrites au point 10 ci‑dessus ne peut procéder à la retransmission en direct et en exclusivité d’un événement inscrit sur la liste du Royaume-Uni. Ce n’est que si aucun organisme relevant de l’autre de ces catégories n’a manifesté un intérêt pour l’acquisition des droits de retransmission de cet événement et si les autres conditions mentionnées au point 13 ci-dessus sont remplies que l’Office of Communications peut autoriser l’organisme ayant obtenu les droits à retransmettre en direct et en exclusivité l’événement en cause.

34      Il résulte de cette réglementation que la cession des droits de retransmission de la Coupe du monde, dont la FIFA est l’organisateur au sens du considérant 21 de la directive 97/36, à des organismes de radiodiffusion télévisuelle relevant de la compétence du Royaume-Uni d’une manière qui prive d’autres organismes relevant de la compétence du même État membre et ayant manifesté un intérêt pour leur acquisition de la possibilité de retransmettre tout ou partie de cet événement dans ce pays ne produit pas les effets juridiques normalement engendrés par une telle clause d’exclusivité.

35      S’il est vrai que ces conséquences juridiques découlent de la législation du Royaume-Uni et non pas de la décision attaquée, il n’en demeure pas moins que le mécanisme de reconnaissance mutuelle déclenché par cette dernière, conformément à l’article 3 bis, paragraphe 3, de la directive 89/552, crée pour les États membres une obligation de sauvegarder ces conséquences. En particulier, les États membres doivent s’assurer du respect, par les organismes de radiodiffusion télévisuelle relevant de leur compétence, des conditions de retransmission télévisuelle au Royaume-Uni des événements inscrits sur la liste de cet État membre, telles que définies par le Royaume-Uni dans ses mesures approuvées et publiées au Journal officiel de l’Union européenne. Or, l’obligation d’atteindre ce résultat porte directement atteinte à la situation juridique des organismes de radiodiffusion télévisuelle relevant de la compétence des États membres autres que le Royaume-Uni et souhaitant acheter des droits de retransmission au Royaume-Uni détenus originalement par la FIFA (voir, en ce sens, arrêt Commission/Infront WM, point 32 supra, points 62 et 63).

36      Partant, le mécanisme de reconnaissance mutuelle déclenché par la décision attaquée oblige les États membres à exclure la mise en œuvre des droits tels que ceux décrits au point 34 ci-dessus de la part d’organismes de radiodiffusion télévisuelle relevant de leur compétence, de sorte que la FIFA voit les droits qu’elle détient originalement également affectés lorsqu’ils sont offerts publiquement à des organismes ne relevant pas de la compétence du Royaume-Uni, mais de celle d’un autre État membre.

37      Il en résulte que la décision attaquée produit directement des effets sur la situation juridique de la FIFA s’agissant des droits détenus originalement par celle-ci et ne laisse aucun pouvoir d’appréciation aux États membres quant au résultat recherché, imposé de manière automatique et découlant de la seule réglementation communautaire, indépendamment du contenu des mécanismes particuliers que les autorités nationales mettront en place pour atteindre ce résultat (voir, en ce sens, arrêt Commission/Infront WM, point 32 supra, points 60 et 61).

38      La FIFA est donc directement concernée par la décision attaquée.

39      S’agissant de la question de savoir si la FIFA est individuellement concernée par la décision attaquée, il y a lieu de rappeler que les sujets autres que les destinataires d’une décision ne sauraient prétendre être individuellement concernés que si cette décision les atteint en raison de certaines qualités qui leur sont particulières ou d’une situation de fait qui les caractérise par rapport à toute autre personne et, de ce fait, les individualise d’une manière analogue à celle dont le destinataire d’une telle décision le serait (voir arrêt Commission/Infront WM, point 32 supra, point 70, et la jurisprudence citée).

40      En l’espèce, il n’est pas contesté que, indépendamment de la nature juridique et de la source des droits de retransmission de la Coupe du monde, celle-ci constitue un événement au sens du considérant 21 de la directive 97/36, en ce sens qu’elle est organisée à l’avance par un organisateur légalement habilité à vendre ces droits et que la FIFA est l’organisateur en question. Cette situation étant également valable au moment de l’adoption de la décision attaquée, la FIFA était parfaitement identifiable à ce moment.

41      En outre, la décision attaquée désigne nommément la FIFA lorsqu’elle se réfère, dans son annexe, à la « phase finale de la coupe du monde FIFA ».

42      Partant, la FIFA est individuellement concernée par la décision attaquée.

43      Quant aux arguments du Royaume de Belgique tirés de ce que le Tribunal n’est pas compétent pour apprécier la légalité de mesures nationales dans le cadre de l’article 230 CE et que la FIFA n’a pas contesté les mesures du Royaume-Uni devant les juridictions nationales, il suffit de relever que, par son recours, la FIFA conteste notamment la légalité de l’article 1er de la décision attaquée, par lequel les mesures en question ont été déclarées compatibles avec le droit communautaire.

44      Il en résulte que le contrôle auquel il est demandé au Tribunal de procéder en l’espèce porte sur la légalité de cette constatation, sans que l’absence de contestation des mesures du Royaume-Uni devant les juridictions nationales n’affecte d’une manière ou d’une autre la recevabilité du recours, au demeurant déposé dans le délai prévu à l’article 230 CE (voir, en ce sens, arrêt Infront WM/Commission, point 15 supra, point 109).

45      Les arguments tenant à l’irrecevabilité du recours soulevés par le Royaume de Belgique doivent, par conséquent, être rejetés.

2.     Sur le fond

46      La FIFA avance, en substance, six moyens, tirés, premièrement, d’un défaut de motivation, deuxièmement, de la violation de l’article 3 bis, paragraphe 1, de la directive 89/552, troisièmement, de la violation de son droit de propriété, quatrièmement, de la violation des dispositions du traité relatives à la liberté de prestation des services, cinquièmement, de la violation des dispositions du traité relatives à la concurrence et, sixièmement, de la violation des dispositions du traité relatives à la liberté d’établissement.

47      Il y a lieu, avant d’entamer l’examen des moyens avancés par la FIFA, d’exposer quelques considérations d’ordre général qui sont à prendre en compte aux fins de l’appréciation du bien-fondé de ceux-ci.

48      Tout d’abord, il convient de relever que l’article 3 bis, paragraphe 1, de la directive 89/552 a concrétisé la possibilité qu’ont les États membres de restreindre, sur la base de raisons impérieuses d’intérêt général, l’exercice, dans le domaine de l’audiovisuel, des libertés fondamentales, établies par le droit communautaire primaire.

49      En effet, même si les mesures adoptées par les États membres dans le cadre de l’article 3 bis, paragraphe 1, de la directive 89/552 s’appliquent de manière non discriminatoire tant aux entreprises établies sur le territoire national qu’aux entreprises établies dans d’autres États membres, il suffit que ces mesures bénéficient à certaines entreprises établies sur le territoire national pour qu’elles soient considérées comme constituant une restriction à la libre prestation des services au sens de l’article 49 CE (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 5 juin 1997, SETTG, C‑398/95, Rec. p. I‑3091, point 16, et du 13 décembre 2007, United Pan-Europe Communications Belgium e.a., C‑250/06, Rec. p. I‑11135, points 37 et 38). De manière similaire, ces mesures peuvent entraver la liberté d’établissement lorsqu’elles sont susceptibles de placer les sociétés d’autres États membres dans une situation de fait ou de droit désavantageuse par rapport à celle des sociétés de l’État membre qui les a adoptées (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 11 mai 1999, Pfeiffer, C‑255/97, Rec. p. I‑2835, point 19).

50      Or, de telles restrictions à des libertés fondamentales garanties par le traité peuvent être justifiées dès lors qu’elles répondent à des raisons impérieuses d’intérêt général, pour autant qu’elles soient propres à garantir la réalisation de l’objectif qu’elles poursuivent et n’aillent pas au-delà de ce qui est nécessaire pour l’atteindre (voir, en ce sens, arrêts Pfeiffer, point 49 supra, point 19, et United Pan-Europe Communications Belgium e.a., point 49 supra, point 39, et la jurisprudence citée).

51      À cet égard, il y a lieu de rappeler que la liberté d’expression, telle qu’elle est protégée par l’article 10 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950, figure parmi les droits fondamentaux garantis par l’ordre juridique communautaire et constitue une raison impérieuse d’intérêt général susceptible de justifier de telles restrictions (voir, en ce sens, arrêt United Pan-Europe Communications Belgium e.a., point 49 supra, point 41, et la jurisprudence citée). En outre, selon l’article 10, paragraphe 1, de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, la liberté d’expression comprend également la liberté de recevoir des informations.

52      En l’espèce, ainsi qu’il est relevé au considérant 19 de la décision attaquée, les mesures du Royaume-Uni constituent des entraves à la libre prestation des services. Toutefois, ainsi qu’il résulte du considérant 18 de la directive 97/36, les mesures envisagées par l’article 3 bis de la directive 89/552 visent à protéger le droit à l’information et à assurer un large accès du public aux retransmissions télévisées d’événements, nationaux ou non, d’importance majeure pour la société. Selon le considérant 21 de la directive 97/36, un événement est d’importance majeure lorsqu’il est extraordinaire, présente un intérêt pour le grand public dans l’Union européenne ou dans un État membre déterminé ou dans une partie importante d’un État membre déterminé et est organisé à l’avance par un organisateur d’événements habilité à vendre les droits relatifs à cet événement.

53      Il en résulte que, dès lors qu’elles concernent des événements d’importance majeure pour la société, les mesures envisagées par l’article 3 bis, paragraphe 1, de la directive 89/552 sont justifiées par des raisons impérieuses d’intérêt général, ce qui n’est d’ailleurs pas contesté par la FIFA.

54      Ensuite, ainsi qu’il a été relevé au point 50 ci-dessus, les mesures en question doivent encore être propres à garantir la réalisation de l’objectif qu’elles poursuivent et ne pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour l’atteindre.

55      Enfin, s’agissant de la portée du considérant 18 de la directive 97/36, il y a lieu de relever, premièrement, que l’article 3 bis de la directive 89/552, auquel se réfère ce considérant, ne procède pas à une harmonisation des événements spécifiques qui peuvent être considérés par les États membres comme étant d’importance majeure pour la société. En effet, contrairement à la version de cet article apparaissant dans la décision du Parlement européen concernant la position commune arrêtée par le Conseil en vue de l’adoption de la directive 97/36 (JO 1996, C 362, p. 56) et faisant référence expresse aux Jeux olympiques d’été et d’hiver et aux championnats du monde et européen de football, cette disposition ne fait pas référence à des événements spécifiques qui sont susceptibles d’être inscrits sur les listes nationales.

56      Il en résulte que, comme le relève d’ailleurs la Commission, le considérant 18 de la directive 97/36 ne saurait être perçu comme entraînant que l’inscription de la Coupe du monde sur une liste nationale d’événements d’importance majeure pour la société est automatiquement compatible avec le droit communautaire. À plus forte raison, ce considérant ne saurait être compris comme indiquant que la Coupe du monde peut dans tous les cas être valablement incluse dans son intégralité sur une telle liste indépendamment de l’intérêt que suscitent les matchs de cette compétition dans l’État membre concerné.

57      En revanche, eu égard aux appréciations figurant aux points 48 à 53 ci-dessus, ce considérant implique que, lorsqu’un État membre inscrit des matchs de la Coupe du monde sur la liste qu’il a choisi d’établir, il n’a pas besoin de faire figurer dans sa communication à la Commission une motivation spéciale concernant leur caractère en tant qu’événement d’importance majeure pour la société.

58      C’est à l’aune de ces considérations qu’il y a lieu d’apprécier le bien-fondé des moyens soulevés par la FIFA.

 Sur le premier moyen, tiré d’un défaut de motivation

 Arguments des parties

59      Selon la FIFA, la Commission n’avance aucun motif, dans la décision attaquée, pour justifier l’inscription de l’ensemble des 64 matchs de la Coupe du monde sur la liste du Royaume-Uni. Certes, la Coupe du monde serait mentionnée au considérant 18 de la directive 97/36 à titre d’exemple d’un événement d’importance majeure pour la société, mais cela ne signifierait pas que tous les matchs de la Coupe du monde peuvent être automatiquement considérés comme étant d’une telle importance ou qu’ils doivent faire l’objet d’un accès illimité pour le public. En outre, aucun élément ne permettrait de conclure que ce considérant se réfère à la Coupe du monde dans son intégralité. À cet égard, la FIFA souligne qu’une division des matchs de ladite compétition, d’une part, en matchs « prime », incluant les demi-finales, la finale et les matchs de l’équipe nationale concernée, en l’occurrence une des équipes du Royaume-Uni, et susceptibles d’être qualifiés d’événements d’importance majeure pour la société de cet État membre et, d’autre part, en matchs « non prime », incluant tous les autres matchs, pas nécessairement susceptibles d’être qualifiés de cette manière, serait infaillible et correspondrait à la méthode mise en œuvre par d’autres États membres ayant notifié leurs mesures conformément à l’article 3 bis, paragraphe 2, de la directive 89/552. La Commission aurait elle-même reconnu une telle catégorisation des matchs dans son document de travail CC TVSF(97) relatif à l’application de l’article 3 bis de la directive 89/552.

60      En considérant que son contrôle des choix nationaux d’événements d’importance majeure est purement marginal et pratiquement redondant, la Commission aurait méconnu son obligation de vérification détaillée de la compatibilité des mesures du Royaume-Uni avec le droit communautaire, circonstance qui l’aurait amenée à ne pas motiver la décision attaquée de manière adéquate s’agissant de la qualification de l’ensemble des matchs de la Coupe du monde d’importance majeure pour la société de cet État membre.

61      La FIFA souligne également que les autorités du Royaume-Uni n’ont pas pris en compte les chiffres d’audience relatifs à la Coupe du monde de 1998 aux fins de leur décision du 25 juin 1998 (voir point 7 ci-dessus), puisque cette compétition aurait pris fin le 12 juillet 1998, alors que la Commission se serait fondée sur ces données pour adopter la décision du 28 juillet 2000. De surcroît, ces autorités n’auraient pas non plus pris en compte lesdits chiffres d’audience avant de notifier leur liste à la Commission une nouvelle fois le 5 mai 2000 (voir point 14 ci-dessus).

62      Étant donné que l’ensemble des matchs de la Coupe du monde ont été inclus dans la liste de la décision du 25 juin 1998 (voir point 7 ci-dessus) en dépit des propositions de l’Advisory Group on listed events (voir point 9 ci-dessus), des fonctionnaires du ministère de la Culture, des Médias et des Sports compétents et du directeur général de l’Office of Fair Trading (OFT, autorité de la concurrence du Royaume-Uni) ainsi que de la position initiale du ministère recommandant l’inscription des matchs « prime » uniquement, la Commission aurait dû motiver sa décision d’accepter l’inscription de l’ensemble des matchs sur la liste du Royaume-Uni. De plus, la Commission aurait dû s’informer des chiffres d’audience pour les Coupes du monde de 1998, de 2002 et de 2006, au lieu de réitérer telle quelle la décision prise sept années auparavant, en juillet 2000. La FIFA relève, à cet égard, que la Commission expose elle-même avoir tenu compte des chiffres d’audience de la Coupe du monde de 1998 aux fins de sa décision du 28 juillet 2000, malgré le fait que ceux-ci n’étaient pas disponibles au moment de l’adoption, par le Royaume-Uni, de sa liste le 25 juin 1998, ce qui confirmerait qu’il y aurait lieu de tenir compte des données les plus récentes aux fins de l’adoption de la décision attaquée. En outre, la FIFA souligne que, dans son arrêt Infront WM/Commission, point 15 supra, le Tribunal n’a pas pris position sur d’autres moyens d’annulation que celui tiré d’un vice de forme sur la base duquel il a annulé la décision du 28 juillet 2000.

63      La FIFA fait valoir qu’il y a eu un échange de correspondances entre la Commission et les autorités du Royaume-Uni entre août 2006 et février 2007. Elle souligne que des procédures administratives d’accès aux documents ont été entamées aussi bien au niveau communautaire qu’au niveau national sans résultat favorable à son égard. La FIFA considère que la Commission aurait dû exposer dans la décision attaquée toutes les circonstances relatives à son appréciation sur la compatibilité des mesures du Royaume-Uni avec le droit communautaire, en particulier les chiffres d’audience des Coupes du monde de 1998, de 2002 et de 2006, ainsi que le contenu de cette correspondance, dans la mesure où elle a tenu compte des informations contenues dans celle-ci aux fins de l’adoption de la décision attaquée.

64      Enfin, la FIFA fait valoir que la motivation de la décision attaquée ne peut être complétée en cours d’instance, si bien que tout motif invoqué pour la première fois devant le Tribunal, tels que ceux invoqués par la Commission dans sa défense, ne saurait être pris en compte à cet effet, peu importe sa valeur probante quant au fond.

65      Il résulterait de ce qui précède que, s’agissant de l’appréciation selon laquelle l’ensemble des matchs de la Coupe du monde plutôt qu’uniquement des matchs « prime » sont des événements d’importance majeure pour la société du Royaume-Uni, la Commission a méconnu son obligation de motivation en violation de l’article 253 CE.

66      La Commission, soutenue par les parties intervenantes, conteste le bien-fondé de ce moyen.

 Appréciation du Tribunal

67      Selon une jurisprudence constante, la motivation exigée par l’article 253 CE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle. L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement ou individuellement par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 253 CE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (arrêt de la Cour du 30 mars 2000, VBA/Florimex e.a., C‑265/97 P, Rec. p. I‑2061, point 93).

68      La FIFA fait grief à la Commission de ne pas avoir spécialement motivé sa conclusion selon laquelle l’ensemble des matchs de la Coupe du monde plutôt qu’uniquement les matchs « prime » sont à considérer comme étant d’importance majeure pour la société du Royaume-Uni. Il y a lieu par ailleurs de souligner que, dans sa réponse écrite à la question posée par le Tribunal dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure (voir point 25 ci-dessus), la FIFA a explicitement confirmé ce qui ressortait indirectement de plusieurs points de ses écritures, à savoir qu’elle considère l’inscription des matchs « prime » de la Coupe du monde sur une liste nationale comme étant compatible avec le droit communautaire, à condition que les exigences d’une procédure claire et transparente soient également respectées.

69      Or, s’il est vrai que le considérant 18 de la directive 97/36 ne prend pas position sur la question cruciale relative à l’inclusion de l’ensemble ou d’une partie des matchs de la Coupe du monde dans une liste nationale d’événements d’importance majeure pour la société, aucune considération valable ne permet de conclure qu’en principe seuls les matchs « prime » peuvent être ainsi qualifiés et, de ce fait, faire partie d’une telle liste.

70      En effet, la Coupe du monde est une compétition qui peut raisonnablement être regardée comme un événement unique plutôt que comme une compilation d’événements individuels divisés en matchs « prime » et « non prime ». À cet égard, il est notoire que, dans le cadre de la Coupe du monde, les résultats des matchs « non prime » déterminent le sort des équipes, si bien que leur participation à des matchs « prime », tels que ceux impliquant l’équipe nationale s’y rapportant, peut en dépendre. Ainsi, les matchs « non prime » définissent les adversaires de l’équipe nationale s’y rapportant dans les étapes suivantes de la compétition. En outre, les résultats des matchs « non prime » peuvent même déterminer la présence ou l’absence de cette équipe nationale à l’étape suivante de la compétition.

71      Eu égard à ce contexte spécifique qui permet de considérer la Coupe du monde comme étant un événement unique, comme le souligne le considérant 18 de la décision attaquée, la Commission n’avait pas à motiver plus en détail son appréciation au regard des matchs « non prime », particulièrement lorsque les éléments statistiques pertinents ne démontrent pas que ces matchs attirent systématiquement un nombre négligeable de téléspectateurs (voir points 122 à 129 ci-après). Ces circonstances ont permis à la Commission de motiver sa décision également par référence à l’écho particulier que trouve la Coupe du monde au Royaume-Uni en ce sens qu’il s’agit d’un événement particulièrement populaire pour le grand public et non seulement pour les amateurs de football, comme l’énonce le considérant 6 de la décision attaquée.

72      Il en résulte que la motivation contenue dans les considérants 6 et 18 de la décision attaquée (voir point 18 ci-dessus) permet à la FIFA d’identifier les raisons pour lesquelles la Commission a apprécié que l’ensemble des matchs de la Coupe du monde pouvaient valablement être inscrits sur la liste d’événements d’importance majeure pour la société du Royaume-Uni et au Tribunal d’exercer son contrôle quant au bien-fondé de cette appréciation, de sorte que la décision attaquée remplit les conditions de l’article 253 CE à cet égard.

73      Cette conclusion n’est pas remise en cause par le fait que, lors de la procédure d’adoption de la liste d’événements d’importance majeure pour la société du Royaume-Uni, certains organes avaient proposé l’inscription des seuls matchs « prime » sur cette liste. En effet, étant donné que l’importance des matchs « non prime » justifie de qualifier la Coupe du monde tout entière d’événement d’importance majeure pour la société, le fait que certains fonctionnaires ou organes consultatifs ont, dans le cadre de leurs attributions, suggéré au ministre l’inscription des seuls matchs « prime » sur la liste n’entraîne pas l’obligation pour la Commission d’expliquer pourquoi le ministre n’a pas commis d’erreur en adoptant une position différente, mais également valable.

74      Il en est de même des arguments concernant l’existence de correspondances entre la Commission et les autorités du Royaume-Uni à laquelle la décision attaquée ne fait pas référence. En effet, dès lors que la motivation de la décision attaquée est suffisante, il ne saurait être reproché à la Commission de ne pas avoir inclus davantage d’éléments dans celle-ci. Au demeurant, la question de savoir s’il résulte d’autres éléments que les matchs « non prime » ne sont en fait pas d’une importance majeure pour la société du Royaume-Uni touche à la légalité au fond de la décision attaquée et sera examinée dans le cadre du deuxième moyen (voir points 118 à 129 ci-après).

75      Quant à l’argument tiré de ce que les chiffres d’audience de la Coupe du monde de 1998 n’étaient pas disponibles le 25 juin 1998, date d’adoption de la liste du Royaume-Uni (voir point 7 ci-dessus), alors que la Commission se serait fondée sur ces chiffres, force est de constater que rien n’empêche un État membre de soumettre à la Commission des éléments se rapportant à une période postérieure à la date d’adoption de la liste d’événements d’une importance majeure pour sa société ni à la Commission d’en tenir compte. En outre, de tels éléments peuvent amener la Commission à demander à l’État membre en question de modifier ses mesures afin de les rendre compatibles avec le droit communautaire, sur la base des données aussi actualisées que possible. Cette interprétation est corroborée par le fait que l’article 3 bis, paragraphe 2, de la directive 89/552 invite les États membres à soumettre à la Commission leurs mesures même avant leur adoption.

76      Partant, la Commission n’avait pas à exposer spécialement dans la décision attaquée la raison pour laquelle elle a choisi de tenir compte d’éléments qui n’existaient pas au moment de l’établissement de la liste d’événements d’importance majeure pour la société du Royaume-Uni.

77      Le premier moyen doit, par conséquent, être rejeté.

 Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 3 bis, paragraphe 1, de la directive 89/552

78      Ce moyen est articulé en deux branches, tirées, la première, de ce que les mesures du Royaume-Uni n’ont pas été adoptées selon une procédure claire et transparente et, la seconde, de ce que les matchs « non prime » ne sont pas d’une importance majeure pour la société de cet État membre.

 Sur la procédure suivie par les autorités du Royaume-Uni

–       Arguments des parties

79      La FIFA fait valoir que l’inscription de l’ensemble des matchs de la Coupe du monde sur la liste d’événements d’importance majeure pour la société du Royaume-Uni a été caractérisée par une opacité certaine et est en soi incompréhensible. À cet égard, la FIFA fait observer que le ministre n’a pas suivi les conseils unanimes qu’il avait reçus des fonctionnaires du ministère compétents, de l’Advisory Group on listed events et du directeur général de l’OFT ni la position initiale du ministère et que les raisons de ce choix n’ont jamais été divulguées. Or, l’absence de divulgation des raisons ayant amené le ministre à se départir de ces recommandations indépendantes ne serait pas compatible avec les exigences de clarté et de transparence devant régir la procédure en question. En outre, les autorités du Royaume-Uni auraient faussement exposé, dans un document en date du 23 septembre 1999, que les chiffres d’audience relatifs à la Coupe du monde de 1998 avaient été pris en compte pour l’adoption de la décision du 25 juin 1998 (voir point 61 ci-dessus), ce dont la Commission aurait pu se rendre compte facilement.

80      Par ailleurs, les chiffres d’audience relatifs à la Coupe du monde de 1994 auraient également été entachés d’une erreur mathématique importante. En tout état de cause, ni les chiffres relatifs à la Coupe du monde de 1998 ni ceux relatifs à celle de 1994 ne justifieraient l’inscription de tous les matchs de cette compétition sur la liste. La seconde notification de la liste, qui a eu lieu le 5 mai 2000 (voir point 14 ci-dessus), n’aurait aucune incidence sur la situation décrite ci-dessus dès lors que les chiffres de 1998 n’auraient pas été effectivement réexaminés avant cette nouvelle notification.

81      Dès lors que, premièrement, les raisons sous-tendant l’inscription de l’ensemble des matchs sur la liste des événements d’importance majeure pour la société du Royaume-Uni n’étaient manifestement pas les mêmes que celles communiquées par les autorités de cet État membre à la Commission et, deuxièmement, les premières n’auraient pas été divulguées, la Commission ne pourrait que conclure à l’incompatibilité de la procédure nationale avec les exigences de clarté et de transparence énoncées à l’article 3 bis, paragraphe 1, de la directive 89/552. Dans ces conditions, la Commission aurait commis une erreur en concluant au caractère clair et transparent de ladite procédure. Ce grief ne viserait pas la validité de la procédure nationale en tant que telle, mais la légalité de l’appréciation de la Commission à cet égard.

82      Enfin, la FIFA souligne que la mise en place d’une consultation à laquelle a procédé le ministre s’agissant des critères de sélection des événements d’importance majeure pour la société n’altère pas ses appréciations, dès lors qu’elle ne contesterait pas la pertinence de ces critères.

83      La Commission, soutenue par les parties intervenantes, conteste le bien-fondé des allégations de la FIFA.

–       Appréciation du Tribunal

84      Il importe de rappeler, à titre liminaire, que l’article 3 bis, paragraphe 1, de la directive 89/552 n’énonce pas les éléments spécifiques qui doivent caractériser les procédures mises en place au niveau national aux fins de la rédaction de la liste d’événements d’une importance majeure pour la société. Cette disposition laisse aux États membres une marge d’appréciation pour organiser les procédures en question en ce qui concerne leurs étapes, l’éventuelle consultation des personnes concernées et l’attribution des compétences administratives, tout en précisant qu’elles doivent être empreintes de clarté et de transparence dans leur ensemble.

85      En effet, les restrictions à l’exercice des libertés fondamentales garanties par le traité par le biais des mesures nationales justifiées par des raisons impérieuses d’intérêt général doivent encore être propres à garantir la réalisation de l’objectif qu’elles poursuivent et ne pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif (voir point 50 ci-dessus).

86      Ainsi, même lorsque des législations nationales, comme celles visées par l’article 3 bis, paragraphe 1, de la directive 89/552, ont pour objet la sauvegarde du droit à la liberté d’expression (voir points 51 à 53 ci-dessus), les exigences découlant des mesures destinées à mettre en œuvre une telle politique doivent en tous cas être proportionnées par rapport audit objectif et les modalités de leur application ne doivent pas comporter de discriminations au détriment des ressortissants d’autres États membres (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 28 novembre 1989, Groener, C‑379/87, Rec. p. 3967, point 19, et du 12 juin 2003, Schmidberger, C‑112/00, Rec. p. I‑5659, point 82).

87      C’est dans ce contexte que les procédures mises en place par les États membres afin d’adopter la liste d’événements d’importance majeure pour la société doivent être claires et transparentes en ce sens qu’elles doivent être fondées sur des critères objectifs connus à l’avance des personnes concernées, de manière à éviter que le pouvoir d’appréciation dont disposent les États membres pour décider des événements spécifiques à inscrire sur leurs listes soit exercé arbitrairement (voir, en ce sens, arrêt United Pan-Europe Communications Belgium e.a., point 49 supra, point 46). En effet, s’il est vrai que l’inscription d’un événement sur la liste requiert, selon l’article 3 bis de la directive 89/552, que celui-ci soit d’une importance majeure pour la société, il n’en demeure pas moins que l’établissement préalable des critères spécifiques au regard desquels cette importance est appréciée constitue un élément essentiel pour que les décisions nationales soient adoptées de manière transparente et dans le cadre de la marge d’appréciation dont disposent les autorités nationales à cet égard (voir point 112 ci-après).

88      L’exigence de clarté et de transparence de la procédure implique également que les dispositions s’y rapportant indiquent l’autorité compétente pour établir la liste d’événements ainsi que les conditions dans lesquelles les personnes intéressées peuvent formuler leurs observations.

89      En revanche, la simple existence d’éléments tendant à invalider l’appréciation d’une autorité nationale quant à l’importance d’un événement précis pour la société ne concerne ni la clarté ni la transparence de la procédure suivie, mais le bien-fondé de cette appréciation. Il en est de même lorsque ces éléments consistent en des avis exprimés par des organes consultatifs ou par des services relevant de l’autorité compétente.

90      En l’espèce, il y a lieu de relever, tout d’abord, que la FIFA conteste la clarté et la transparence de la procédure mise en place par le Royaume-Uni dans la mesure où celle-ci a donné lieu à l’inscription sur la liste de l’ensemble des matchs de la Coupe du monde par opposition aux seuls matchs « prime ».

91      Force est de constater, ensuite, que les griefs avancés par la FIFA ne sont pas aptes à remettre en cause l’appréciation de la Commission sur la clarté ou la transparence de la procédure suivie par le ministre aux fins de l’adoption de la liste d’événements d’une importance majeure pour la société du Royaume-Uni (voir points 7 à 9 ci-dessus). En effet, contrairement à ce que soutient la FIFA, l’exigence de clarté et de transparence établie par l’article 3 bis de la directive 89/552 n’a ni pour objet ni pour effet de contraindre l’autorité nationale compétente d’exposer les raisons pour lesquelles elle n’a pas suivi des avis ou des observations qui lui ont été présentés durant la procédure de consultation.

92      Cette appréciation s’impose à plus forte raison à l’égard de la Coupe du monde, qui est mentionnée au considérant 18 de la directive 97/36 et peut raisonnablement être regardée comme un événement unique plutôt que comme une compilation d’événements individuels divisés en matchs « prime » et « non prime » (voir point 70 ci-dessus).

93      Dans ces conditions, si une personne intéressée estime que les avis présentés durant la procédure de consultation ou même une position exprimée par des services relevant de l’autorité compétente contiennent des éléments invalidant l’appréciation finale de cette autorité quant à l’importance de l’événement en cause pour la société, elle a la possibilité, premièrement, de remettre cette appréciation en cause devant les juridictions nationales et, deuxièmement, de contester devant le Tribunal le bien-fondé de l’éventuelle décision de la Commission approuvant cette appréciation, comme par ailleurs le fait la FIFA dans le cadre de la seconde branche du présent moyen.

94      S’agissant des allégations relatives aux chiffres d’audience pris en compte par les autorités du Royaume-Uni, il y a lieu de constater que, elles aussi, remettent en cause l’appréciation au fond de la Commission quant au bien-fondé de la position du ministre relative à l’importance des matchs « non prime » pour la société de cet État membre. Elles ne concernent donc pas non plus la question de savoir si la procédure mise en place par les autorités du Royaume-Uni était claire et transparente.

95      Quant à l’argument tiré de ce que les chiffres d’audience de la Coupe du monde de 1998 n’étaient pas disponibles le 25 juin 1998, date d’adoption de la liste du Royaume-Uni (voir point 7 ci-dessus), alors que la Commission se serait fondée sur ces chiffres, celui-ci doit être écarté pour les motifs exposés au point 75 ci-dessus.

96      Les arguments de la FIFA n’établissent donc pas que la Commission a commis une erreur en considérant que la procédure mise en place par le Royaume-Uni s’agissant de l’inscription de la Coupe du monde sur la liste d’événements d’une importance majeure pour la société de cet État membre était claire et transparente.

97      Il en résulte que la première branche du deuxième moyen doit être rejetée.

 Sur l’importance des matchs « non prime » pour la société du Royaume-Uni

–       Arguments des parties

98      À l’appui de cette branche du présent moyen, la FIFA fait valoir, premièrement, que les matchs « non prime » ne trouvent pas d’écho particulier sauf parmi les amateurs de football et, deuxièmement, que ces matchs n’ont pas été traditionnellement retransmis par des chaînes de télévision gratuites ni n’auraient attiré de nombreux téléspectateurs. Il en résulterait que les matchs « non prime » ne satisfont pas aux deux critères retenus par la Commission dans les considérants 6 et 18 de la décision attaquée, si bien que cette institution aurait commis une erreur à cet égard.

99      Selon la FIFA, il ne peut être valablement soutenu que l’ensemble des matchs de la Coupe du monde constituent des événements d’importance majeure pour la société du Royaume-Uni, c’est-à-dire des événements extraordinaires qui présentent un intérêt pour le grand public, comme l’énonce le considérant 21 de la directive 97/36.

100    À cet égard, la FIFA fait valoir que, si les États membres peuvent choisir librement les événements qu’ils considèrent comme étant d’importance majeure pour la société, la Commission est tenue de contrôler de manière approfondie la légalité de ce choix du point de vue du droit communautaire. Ainsi, le pouvoir d’appréciation dont disposent les États membres en la matière ne les autorise pas à adopter des positions arbitraires ni ne serait illimité et les choix de ces derniers ne seraient ni prioritaires, ni prépondérants, ni, à plus forte raison, incontestables.

101    En l’espèce, les études réalisées confirmeraient que les personnes qui ne suivent pas le football de manière habituelle ne manifestent qu’un intérêt limité pour les matchs « non prime ». La FIFA souligne également qu’elle ne conteste pas le choix du législateur d’établir des règles telles que celles énoncées à l’article 3 bis de la directive 89/552 concernant les événements d’importance majeure pour la société, mais la portée que la Commission a donnée à cette notion dans la décision attaquée. À cet égard, la FIFA réitère que les matchs « prime » peuvent légitimement être considérés comme étant d’une importance majeure pour la société au sens de cette disposition, ce qui correspondrait d’ailleurs à sa propre politique. Selon cette politique, les demi-finales, la finale, les matchs de l’équipe nationale s’y rapportant et le match d’ouverture de la Coupe du monde doivent être retransmis en direct sur une chaîne à accès libre.

102    Il résulterait d’une étude fondée sur les éléments de la base de données du Broadcast Audience Research Board que le nombre moyen de non-amateurs de football qui ont regardé au moins 30 minutes consécutives de tous les matchs « non prime » de la Coupe du monde de 2006 ne représentait que 2,8 % de l’audience totale contre 14,7 % de non-amateurs ayant regardé au moins 30 minutes consécutives de tous les matchs « prime », 18,5 % ayant regardé une portion identique de la finale, 7,1 % pour les demi-finales et 17 % pour les matchs de l’équipe nationale d’Angleterre.

103    S’agissant des données fournies par le Royaume-Uni à la Commission, la FIFA réitère que celles relatives à la Coupe du monde de 1998 n’étaient pas disponibles le 25 juin 1998, date à laquelle la liste d’événements d’importance majeure pour la société de cet État membre a été établie (voir point 7 ci-dessus), alors que le document du 23 septembre 1999 (voir point 79 ci-dessus) se référerait à un nombre moyen de 8,59 millions de spectateurs ayant regardé les matchs de cette compétition. La surestimation de ce chiffre mise à part – le chiffre correct étant 6,518 millions de téléspectateurs –, celui-ci ne donnerait aucune indication sur l’importance des matchs « non prime » pour le grand public au Royaume-Uni. En effet, d’une part, ce résultat tiendrait également compte des matchs « prime » et, d’autre part, il ne ferait pas de distinction entre amateurs et non-amateurs de football, ces derniers choisissant tout de même de regarder un match de la Coupe du monde parce qu’ils le perçoivent comme étant d’une importance majeure pour la société. Or, les résultats de l’étude mentionnée au point 102 ci-dessus démontreraient que, en dehors des amateurs de football, le grand public ne porte pas d’intérêt particulier aux matchs « non prime », si bien que ces matchs ne trouveraient pas d’écho dans ce public. Ces conclusions seraient conformes à la pratique décisionnelle de la Commission. Cette institution aurait donc commis une erreur en considérant que les matchs « non prime » sont d’importance pour les non-amateurs de football.

104    La Commission aurait également commis une erreur en considérant que l’ensemble des matchs de la Coupe du monde ont été traditionnellement diffusés en direct sur une télévision à accès libre, puisque 16, 8 et 8 matchs des Coupes du monde respectivement de 1994, de 1998 et de 2002 ne l’ont pas été, même si, dans certains cas, ils ne se déroulaient pas en même temps qu’un autre match. En outre, 8 matchs « non prime » de la Coupe du monde de 2006 ont été retransmis par des radiodiffuseurs de la seconde catégorie de l’article 98 du Broadcasting Act 1996 (voir point 10 ci-dessus). L’approche suivie durant les Coupes du monde de 1994, de 1998 et de 2002 consisterait, par ailleurs, en l’absence de retransmission d’un match lorsqu’il se déroulait en même temps qu’un autre.

105    Il résulterait par ailleurs des données relatives aux chiffres d’audience des Coupes du monde de 1994, de 1998, de 2002 et de 2006, qui étaient disponibles au moment de l’adoption de la décision attaquée, que les matchs « non prime » attirent une fraction du nombre de téléspectateurs qui regardent les matchs « prime ». De plus, contrairement à ce que fait valoir la Commission, les chiffres d’audience relatifs aux matchs « non prime » de la Coupe du monde de 1994 et de 1998 ne sauraient en aucun cas être qualifiés d’exceptionnellement élevés compte tenu de la population du Royaume-Uni et des chiffres d’audience relatifs aux matchs « prime ».

106    En effet, 9 matchs de la Coupe du monde de 1994 et 23 matchs de la Coupe du monde de 2002 retransmis en direct auraient attiré moins de 3 millions de téléspectateurs, 12 matchs de la Coupe du monde de 1998 retransmis en direct auraient attiré moins de 5 millions de téléspectateurs et 5 matchs « non prime » de la Coupe du monde de 2006 auraient attiré entre 65 000 et 96 000 téléspectateurs.

107    Partant, les deux critères retenus par la Commission pour conclure que les matchs « non prime » de la Coupe du monde sont d’une importance majeure pour la société du Royaume-Uni, à savoir qu’ils trouvent un écho particulier dans cet État membre et qu’ils ont toujours été retransmis par des chaînes de télévision gratuites et ont attiré de nombreux téléspectateurs, ne seraient en réalité pas satisfaits.

108    De surcroît, il ne saurait être soutenu, selon la FIFA, que les matchs « non prime » sont d’une importance majeure pour la société du Royaume-Uni alors que la législation de cet État membre n’impose pas aux organismes de radiodiffusion télévisuelle de les retransmettre et que de telles obligations existeraient s’agissant d’autres événements. De plus, la FIFA rétorque à l’argument de la Commission selon lequel il est impossible de diffuser sur une même chaîne deux matchs de la Coupe du monde se déroulant simultanément que, si les matchs en question étaient réellement des événements revêtant une importance majeure pour la société, un radiodiffuseur pourrait les retransmettre en même temps sur deux chaînes différentes lui appartenant (telles que la BBC 1 et la BBC 2) ou accorder une sous-licence à un autre radiodiffuseur. Quant à l’argument de la Commission selon lequel les chiffres invoqués par la FIFA ne tiendraient compte ni du jour ni de l’heure auxquels un match était diffusé, cette dernière fait valoir que ces facteurs n’ont pas d’impact significatif sur les chiffres d’audience et cite de nombreux exemples de matchs de la Coupe du monde entre 1994 et 2006 à l’appui de sa thèse.

109    La FIFA relève en outre que, étant donné qu’un événement qui est considéré d’importance majeure pour une société ne l’est pas nécessairement pour une autre, l’affirmation de la Commission selon laquelle la référence à la Coupe du monde au considérant 18 de la directive 97/36 vise tous les matchs de celle-ci est indéfendable. De plus, il serait illogique de considérer la Coupe du monde comme un événement indivisible, alors qu’elle est organisée en plusieurs phases et que la liste du Royaume-Uni traite d’autres événements comportant différents matchs, notamment la Coupe du monde de cricket, comme des événements divisibles. Par ailleurs, hormis le Royaume-Uni et le Royaume de Belgique, tous les autres États membres auraient établi des listes d’événements sur lesquelles seuls certains matchs correspondant aux matchs « prime » de la Coupe du monde sont inscrits et que la Commission aurait approuvées. Cette circonstance démontrerait que la Coupe du monde ne doit pas nécessairement être considérée comme un événement indivisible.

110    La FIFA fait valoir que si, contrairement aux arguments qu’elle avance, l’article 3 bis, paragraphe 1, de la directive devait être compris en ce sens que la Coupe du monde dans son ensemble doit être considérée comme un événement d’importance majeure pour la société en raison des termes du considérant 18 de la directive 97/36, il y aurait lieu de considérer qu’une exception au titre de l’article 241 CE contre cette disposition a été implicitement soulevée dans la requête et, en tout état de cause, dans la réplique. Dans le cadre de cette exception, la FIFA invoque l’ensemble des arguments tendant à démontrer, selon elle, que rien ne justifie de considérer la Coupe du monde comme étant dans son intégralité un événement unique d’importance majeure pour la société.

111    La Commission, soutenue par les parties intervenantes, conteste le bien-fondé de cette branche du deuxième moyen et souligne que la FIFA n’a pas pu valablement soulever une exception au titre de l’article 241 CE contre la directive 97/36.

–       Appréciation du Tribunal

112    Il y a lieu de rappeler, premièrement, que, en disposant qu’il appartient aux États membres de définir les événements d’une importance majeure pour leur société au sens énoncé au considérant 21 de la directive 97/36, l’article 3 bis de la directive 89/552 reconnaît aux États membres une importante marge d’appréciation à cet égard.

113    Deuxièmement, nonobstant le fait que l’article 3 bis de la directive 89/552 ne procède pas à une harmonisation au niveau des événements spécifiques qui peuvent être considérés par un État membre comme étant d’importance majeure pour sa société (voir points 55 et 56 ci-dessus), la mention de la Coupe du monde au considérant 18 de la directive 97/36 implique que la Commission ne peut considérer l’inscription de matchs de cette compétition sur une liste d’événements comme étant contraire au droit communautaire au motif que l’État membre concerné ne lui a pas communiqué les raisons spécifiques justifiant leur caractère en tant qu’événement d’importance majeure pour la société (voir point 57 ci-dessus). Toutefois, l’éventuelle conclusion de la Commission selon laquelle l’inscription de la Coupe du monde dans son intégralité sur une liste d’événements d’importance majeure pour la société d’un État membre est compatible avec le droit communautaire, au motif que cette compétition est, de par ses caractéristiques, valablement regardée comme un événement unique, peut être remise en cause sur la base d’éléments spécifiques démontrant que les matchs « non prime » ne sont pas d’une telle importance pour la société de cet État membre.

114    En effet, ainsi qu’il a été exposé aux points 55 et 56 ci-dessus, ni le considérant 18 de la directive 97/36 ni l’article 3 bis de la directive 89/552 n’abordent la question de savoir si la Coupe du monde peut être valablement incluse dans son intégralité sur une liste d’événements d’importance majeure pour la société indépendamment de l’intérêt que suscitent ses matchs, et notamment les matchs « non prime », dans l’État membre concerné.

115    Par conséquent, toute discussion concernant la légalité de la directive 97/36 en ce qui concerne la qualification de la Coupe du monde dans son intégralité plutôt que des seuls matchs « prime » de celle-ci d’événement d’importance majeure pour la société (voir point 110 ci-dessus) n’a pas d’objet, le considérant 18 de celle-ci n’abordant pas cette question. Ainsi, il n’y a pas lieu de se prononcer sur la question de savoir si la FIFA a pu valablement soulever une exception au titre de l’article 241 CE à cet égard dans sa réplique ou si une telle exception doit être considérée comme ayant été soulevée implicitement au stade de la requête.

116    Troisièmement, ainsi qu’il a été expliqué aux points 69 et 70 ci-dessus, la Coupe du monde peut raisonnablement être regardée comme un événement unique plutôt que comme une compilation d’événements individuels divisés en matchs « prime » et « non prime », si bien que l’approche du ministre n’est pas arbitraire, mais dans les limites de sa marge d’appréciation.

117    L’importance des matchs « non prime » résulte par ailleurs également du simple fait qu’ils font partie de cette compétition, tout comme d’autres sports pour lesquels l’intérêt, normalement limité, est rehaussé lorsqu’ils se déroulent dans le cadre des Jeux olympiques.

118    Il en résulte que, en ne remettant pas en cause la position selon laquelle il n’y a pas lieu de distinguer, aux fins de l’appréciation relative à l’importance de la Coupe du monde pour la société du Royaume-Uni, entre matchs « prime » et « non prime », mais de considérer cette compétition dans sa globalité et non comme une série d’événements individuels (considérants 6 et 18 de la décision attaquée, voir point 18 ci-dessus), la Commission n’a commis aucune erreur.

119    Les arguments que la FIFA avance à ce sujet dans le cadre du présent moyen n’infléchissent pas les appréciations contenues dans les considérants 6 et 18 de la décision attaquée.

120    En effet, la circonstance selon laquelle seuls 2,8 % des non-amateurs de football auraient regardé au moins 30 minutes consécutives de tous les matchs « non prime » de la Coupe du monde de 2006 (voir point 102 ci-dessus) n’est pas concluante, dès lors que ce ne sont pas forcément tous les matchs « non prime » qui doivent être d’une importance majeure pour la société du Royaume-Uni afin que la Coupe du monde puisse être valablement inscrite, dans son intégralité, sur la liste de tels événements de cet État membre. Au contraire, il suffit que la caractéristique décrite au point 70 ci-dessus concerne certains des matchs « non prime », dont ni le nombre ni les participants ne peuvent être précisés au moment de la rédaction de la liste ou de l’acquisition des droits de retransmission, pour justifier de ne pas distinguer entre matchs « prime » et « non prime » s’agissant de leur importance pour la société. Il en résulte que le critère employé aux fins des sondages opérés dans le cadre de cette enquête a été excessivement restrictif et, dès lors, inadapté tant à la structure de la Coupe du monde qu’aux caractéristiques que cette compétition doit remplir pour pouvoir être qualifiée dans son ensemble d’événement d’importance majeure pour la société.

121    Cette constatation invalide également l’argument de la FIFA tiré de ce que certains matchs « non prime » de la Coupe du monde de 1994, de 1998 et de 2002 n’ont pas été retransmis en direct ou de ce qu’ils ont été retransmis par des radiodiffuseurs de la seconde catégorie de l’article 98 du Broadcasting Act 1996 (voir point 10 ci-dessus). En outre, contrairement à ce que soutient la FIFA, le considérant 18 de la décision attaquée (voir point 18 ci-dessus) ne se réfère pas à des matchs ayant toujours été retransmis en direct, mais à des matchs ayant toujours été retransmis par des chaînes de télévision gratuites, ce qui correspond au quatrième critère énoncé au considérant 5 de la même décision.

122    S’agissant des arguments tirés des chiffres d’audience relatifs aux matchs « non prime » des Coupes du monde de 1994, de 1998, de 2002 et de 2006 (voir point 105 ci-dessus), ils ne sauraient pas non plus prospérer.

123    À cet égard, il y a lieu de souligner que, contrairement à ce que soutient la FIFA, les chiffres d’audience relatifs aux matchs « non prime » par rapport à ceux relatifs aux matchs « prime » ne démontrent pas que les premiers n’ont pas attiré des nombres importants de téléspectateurs. En effet, les statistiques fournies par la FIFA révèlent que les matchs « non prime » ont attiré, en moyenne, 60 % des téléspectateurs ayant regardé les matchs « prime » pour la Coupe du monde de 1994, ces pourcentages s’élevant à 43, 30 et 33 % pour les Coupes du monde respectivement de 1998, de 2002 et de 2006. S’il est vrai que ces chiffres sont moins élevés que ceux relatifs aux matchs « prime », il n’en demeure pas moins que l’inscription des matchs « non prime » sur la liste nationale d’événements d’importance majeure pour la société ne requiert pas qu’ils attirent le nombre de téléspectateurs attiré par les matchs « prime ». En l’espèce, ces chiffres ne sauraient être perçus comme représentant le nombre de téléspectateurs qu’auraient normalement attiré, au Royaume-Uni, des matchs qui ne se déroulent pas dans le cadre d’une compétition internationale majeure de football au niveau d’équipes nationales et qui, de surcroît, n’impliquent pas une équipe nationale de cet État membre.

124    Ces appréciations sont confirmées par plusieurs éléments dans une communication du Royaume-Uni à la Commission en date du 24 mars 1999 dont le contenu figure dans un document intitulé « Projet de réponse à la lettre de la Commission du 23 décembre 1998 » annexé à la requête. Ainsi, l’annexe E de ce document contient une analyse des chiffres d’audience relatifs à la Coupe du monde de 1998. Il résulte de cette analyse que le match « non prime » entre les Pays-Bas et la Yougoslavie, de l’issue duquel dépendait l’adversaire de l’équipe d’Angleterre au cas où cette dernière l’emportait sur l’Argentine, a attiré environ 10,55 millions de téléspectateurs, chiffre porté à 10,605 millions dans un autre document intitulé « Données d’audience en direct au Royaume-Uni » annexé à la requête (ci-après les « données d’audience analytiques »). En même temps, des matchs « non prime » entre le Brésil et le Chili, d’une part, le Nigeria et le Danemark, d’autre part, ont attiré respectivement 10,63 et 10,32 millions de téléspectateurs, chiffres en accord avec les données d’audience analytiques, malgré le fait qu’aucun de ces matchs n’était en relation avec le progrès d’une équipe nationale du Royaume-Uni. En outre, l’équipe nationale du Cameroun a attiré, selon ces deux documents, environ 9,18 millions de téléspectateurs en moyenne pour les deux matchs retransmis en direct dans le cadre de la Coupe du monde de 1998 contre respectivement l’Autriche et l’Italie, alors que les matchs entre les États-Unis d’Amérique et l’Iran, d’une part, l’Espagne et la Bulgarie, d’autre part, ont attiré respectivement 7,94 et 7,91 millions de téléspectateurs. Enfin, selon ces deux documents, l’équipe nationale de la Jamaïque a attiré en moyenne 7,89 millions de téléspectateurs pour deux matchs contre respectivement la Croatie et l’Argentine, le premier ayant attiré 10,234 millions de téléspectateurs.

125    Il importe d’ajouter que, selon la même communication des autorités du Royaume-Uni, la finale de la Football Association Cup de 1998 (la compétition nationale de football pour la coupe) avait attiré 7,81 millions de téléspectateurs, ce qui démontre l’importance qu’acquièrent les matchs « non prime » dans le cadre de la Coupe du monde eu égard aux chiffres d’audience exposés au point précédent.

126    À cet égard, il convient de souligner que, selon les données d’audience analytiques, parmi les matchs « non prime » de la Coupe du monde de 1994, 16 ont attiré entre 7,196 et 11,625 millions de téléspectateurs, alors que 8 ont attiré entre 5,669 et 6,926 millions de téléspectateurs. S’agissant de la Coupe du monde de 1998, il résulte de ce même document que, parmi les matchs « non prime », 21 ont attiré entre 7,161 et 10,632 millions de téléspectateurs et 13 ont attiré entre 5,254 et 6,761 millions de téléspectateurs. En ce qui concerne la Coupe du monde de 2002, les données d’audience analytiques indiquent que 24 matchs « non prime » ont attiré entre 3,073 et 5,317 millions de téléspectateurs. Quant à la Coupe du monde de 2006, les données d’audience analytiques indiquent que 11 matchs « non prime » ont attiré entre 7,058 et 9,645 millions de téléspectateurs, alors que 15 matchs de la même catégorie ont attiré entre 5 et 6,692 millions de téléspectateurs.

127    Vus tant dans l’absolu qu’en relation avec les chiffres d’audience de la finale de la Football Association Cup de 1998, ces chiffres démontrent que les matchs « non prime » attirent, au Royaume-Uni, des audiences exceptionnellement larges, qui ne s’expliquent pas autrement qu’en raison de l’inclusion de ces matchs dans le calendrier de la Coupe du monde. Ces chiffres d’audience confirment donc les appréciations figurant aux points 69, 70 et 117 ci-dessus et confortent la position exposée au considérant 18 de la décision attaquée, selon laquelle les matchs de la Coupe du monde, y compris les « non prime », ont traditionnellement attiré de nombreux téléspectateurs.

128    Cette analyse n’est pas remise en cause par les chiffres d’audience prétendument particulièrement bas invoqués par la FIFA s’agissant de certains matchs « non prime » (voir point 106 ci-dessus). À cet égard, il convient d’observer que tous les 9 matchs de la Coupe du monde de 1994 retransmis en direct et ayant attiré moins de 3 millions de téléspectateurs ont commencé à minuit et demi GMT, étant donné que la compétition se déroulait aux États-Unis. La différence horaire explique de la même manière les chiffres d’audience observés pour certains matchs de la Coupe du monde de 2002, qui s’est déroulée en Corée du Sud et au Japon. Ainsi, sur les 23 matchs « non prime » invoqués par la FIFA et ayant attiré moins de 3 millions de téléspectateurs, 14 ont commencé entre 6 h 15 et 7 h 15 GMT et 9 entre 8 h 25 et 12 h 15. Le fait que le décalage horaire combiné avec l’heure du déroulement des matchs en question soit la cause de ce phénomène observé pour les compétitions de 1994 et de 2002 est démontré par les chiffres d’audience nettement plus importants concernant les matchs « non prime » retransmis ni trop tôt le matin ni durant les heures de travail, comme ceux dont il est fait état au point 126 ci-dessus. En outre, selon un communiquée de presse annexé à la duplique dans l’affaire T‑385/07, à laquelle la présente affaire a été jointe aux fins de la procédure orale (voir point 24 ci-dessus), la FIFA affirme elle-même l’importance du décalage horaire, qui détermine l’heure de déroulement d’un match dans chaque pays, cette circonstance étant reconnue comme facteur ayant affecté l’envergure des audiences en Asie et en Europe pendant les Coupes du monde de 2002 et de 2006.

129    En ce qui concerne la Coupe du monde de 2002, tous les 12 matchs « non prime » invoqués par la FIFA ont été retransmis entre 13 h 30 et 16 h 30 GMT, c’est-à-dire pendant les heures de travail. Quant aux 5 matchs « non prime » de la Coupe du monde de 2006, qui ont effectivement atteint des chiffres d’audience très bas, il suffit de constater que le match entre le Paraguay et Trinidad & Tobago s’est déroulé en même temps que le match entre l’Angleterre et la Suède ayant attiré 18,464 millions de spectateurs. Le match entre le Costa Rica et la Pologne a commencé à 14 h 28 et s’est déroulé en même temps que celui entre l’Équateur et l’Allemagne, regardé par 2,725 millions de téléspectateurs. Le match entre l’Iran et l’Angola a commencé à 14 h 30 et s’est déroulé en même temps que le match entre le Portugal et le Mexique, qui a été suivi par 2,301 millions de téléspectateurs. Le match entre la Côte d’Ivoire et la Serbie-et-Monténégro s’est déroulé en même temps que celui entre les Pays-Bas et l’Argentine ayant attiré 8,740 millions de téléspectateurs, alors que le match entre l’Ukraine et la Tunisie a commencé à 15 h 00 et s’est déroulé en même temps que celui entre l’Arabie Saoudite et l’Espagne, suivi par 1,872 million de téléspectateurs. Ces circonstances constituent des raisons objectives expliquant pourquoi les chiffres d’audience de ces matchs « non prime » divergent des chiffres habituellement observés (voir point 126 ci-dessus).

130    Partant, les chiffres d’audience relatifs aux matchs « non prime » confirment au lieu de l’invalider l’appréciation contenue au point 118 ci-dessus.

131    En outre, la conclusion figurant au point 127 ci-dessus n’est pas contradictoire avec celle illustrée au considérant 40 de la décision 2000/400/CE de la Commission, du 10 mai 2000, relative à une procédure d’application de l’article 81 [CE] (Affaire nº IV/32.150 – Eurovision, JO L 151, p. 18), à laquelle fait allusion la FIFA (voir point 103 ci-dessus). Selon ce considérant, les manifestations internationales sont généralement plus attractives pour le public d’un pays donné que les manifestations nationales, pour autant que l’équipe nationale ou un champion national y participe, alors que les manifestations internationales auxquelles aucune équipe ou aucun champion nationaux ne participe ne suscitent souvent que peu d’intérêt. Or, dans la grande majorité des cas, la Coupe du monde se déroule avec la participation d’une équipe nationale du Royaume-Uni. En outre, même lorsque cela n’est exceptionnellement pas le cas, l’absence de participation de toute équipe nationale du Royaume-Uni à la Coupe du monde est normalement constatée après l’établissement de la liste d’événements d’importance majeure pour la société de cet État membre, mais aussi après la cession des droits de retransmission télévisuelle s’agissant de l’année concernée.

132    En ce qui concerne l’argument tiré de l’absence d’obligation de retransmission des matchs « non prime » (voir point 108 ci-dessus), il suffit de relever que le choix de ne pas imposer à un organisme de radiodiffusion télévisuelle la retransmission d’un événement n’implique nullement que cet événement n’est pas d’une importance majeure pour la société au sens de l’article 3 bis de la directive 89/552, même lorsque la mise en place de telles obligations compte parmi les pratiques suivies en général par le législateur national. En effet, dans le respect du principe de proportionnalité, l’article susvisé a pour objet d’empêcher que, en raison des retransmissions télévisuelles exclusives, le grand public dans un État membre n’ait pas la possibilité de suivre certains événements sur une télévision à accès libre. Il n’a donc pas pour objet de contraindre indirectement les États qui souhaitent octroyer une telle protection d’imposer à un service télévisuel à accès libre de retransmettre ces événements. Or, si, afin d’inclure valablement un événement sur une liste d’événements d’importance majeure pour la société, les États membres devaient imposer à un service télévisuel à accès libre de le retransmettre, la disposition en question engendrerait des effets allant au-delà de son objectif.

133    Le fait que le Royaume-Uni a suivi une approche différente concernant d’autres événements, tels que la Coupe du monde de cricket, ou que d’autres États membres ont inscrit sur leurs listes principalement des matchs « prime » de la Coupe du monde n’affecte pas les appréciations précédentes, qui ont permis de regarder valablement la Coupe du monde dans son intégralité comme un événement d’importance majeure pour la société de cet État membre. En effet, l’article 3 bis de la directive 89/552 ne procédant pas à une harmonisation au niveau des événements spécifiques qui peuvent être considérés par les États membres comme étant d’importance majeure pour la société (voir point 55 ci-dessus), plusieurs approches concernant l’inscription des matchs de la Coupe du monde sur une liste nationale peuvent être également compatibles avec la disposition en question.

134    Étant donné que les arguments de la FIFA tirés de ce que, en confirmant l’appréciation du ministre selon laquelle la Coupe du monde constitue, dans son intégralité, un événement d’importance majeure pour la société du Royaume-Uni, la Commission aurait commis des erreurs doivent être écartés, il y a lieu de rejeter la seconde branche du présent moyen ainsi que ce dernier dans son ensemble.

 Sur le troisième moyen, tiré d’une violation du droit de propriété de la FIFA

 Arguments des parties

135    La FIFA relève que le droit de propriété est garanti par l’ordre juridique communautaire en tant que principe général de celui-ci. Des restrictions pourraient être apportées à l’exercice de ce droit pour répondre à des objectifs d’intérêt général, à condition qu’elles ne soient pas démesurées et ne nuisent pas à la substance même de ce droit. L’exploitation exclusive des droits de propriété intellectuelle par l’usage ou l’octroi de licences constituerait l’essence de tels droits.

136    Or, dans la mesure où la décision attaquée a approuvé l’inscription des matchs « non prime » de la Coupe du monde sur la liste d’événements d’importance majeure pour la société du Royaume-Uni, alors que ces matchs ne sauraient être ainsi qualifiés, elle approuverait non seulement de restreindre le droit de la FIFA d’exploiter sa propriété, mais aussi de l’annihiler dans sa substance, indépendamment de ses effets sur les radiodiffuseurs. En effet, l’interdiction d’octroyer une licence exclusive pour la retransmission en direct au Royaume-Uni de n’importe quel match de la Coupe du monde priverait la FIFA arbitrairement de l’essence de son droit de propriété.

137    Aucun objectif d’intérêt général ne justifierait une atteinte aussi drastique et disproportionnée à ce droit de propriété, puisque l’inscription des seuls matchs « prime » sur la liste d’événements d’importance majeure pour la société serait appropriée et suffirait largement pour garantir l’accès du grand public aux événements en cause. À cet égard, la FIFA ajoute que l’octroi et l’acquisition de droits exclusifs pour la diffusion d’événements sportifs sont d’une importance cruciale et constituent une pratique commerciale bien établie et acceptée comme telle par la Commission elle-même. En effet, l’exclusivité augmenterait significativement la valeur des droits en permettant ainsi à la FIFA de poursuivre ses objectifs statutaires, si bien que l’interdiction d’octroi exclusif de ceux-ci affecterait leur essence même.

138    La Commission aurait donc commis une erreur manifeste d’appréciation en considérant, dans la décision attaquée, que les mesures du Royaume-Uni semblent proportionnées par rapport à l’objectif d’assurer un large accès aux retransmissions télévisuelles des événements d’une importance majeure pour la société.

139    La Commission, soutenue par les parties intervenantes, conteste le bien-fondé de ce moyen.

 Appréciation du Tribunal

140    Il convient de rappeler que, comme il est constant entre les parties, la FIFA est l’organisateur de la Coupe du monde au sens du considérant 21 de la directive 97/36, de sorte que toute personne souhaitant exploiter des droits de retransmission télévisuelle de cet événement doit les obtenir auprès de celle-ci ou auprès d’une personne qui les a obtenus auprès de celle-ci.

141    Ainsi, dans la mesure où la valeur de ces droits est susceptible d’être affectée par les effets juridiques qu’engendre la décision attaquée (voir points 33 à 37 ci-dessus), le droit de propriété de la FIFA s’en trouve également affecté.

142    En outre, il résulte de la jurisprudence que, lorsqu’un État membre invoque des dispositions telles que les articles 46 CE et 55 CE pour justifier une réglementation qui est de nature à entraver l’exercice de la libre prestation des services ou de la liberté d’établissement, cette justification, prévue par le droit communautaire, doit être interprétée à la lumière des principes généraux du droit et notamment des droits fondamentaux. Ainsi, la réglementation nationale en cause ne pourra bénéficier des exceptions prévues par ces dispositions que si elle est conforme aux droits fondamentaux dont les juridictions communautaires assurent le respect (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 18 juin 1991, ERT, C‑260/89, Rec. p. I‑2925, point 43). De manière similaire, il ne saurait être accepté qu’une mesure nationale non conforme aux droits fondamentaux, tels que le droit de propriété (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 10 juillet 2003, Booker Aquaculture et Hydro Seafood, C‑20/00 et C‑64/00, Rec. p. I‑7411, point 67), puisse bénéficier des exceptions reconnues du fait qu’elle répond à des raisons impérieuses d’intérêt général, comme l’accès télévisé du grand public aux événements d’une importance majeure pour la société.

143    Toutefois, le principe de protection du droit fondamental de propriété dans le cadre du droit communautaire n’apparaît pas comme une prérogative absolue, mais doit être pris en considération par rapport à sa fonction dans la société. Par conséquent, des restrictions peuvent être apportées à l’usage du droit de propriété, à condition que ces restrictions répondent effectivement à des objectifs d’intérêt général et ne constituent pas, au regard du but poursuivi, une intervention démesurée et intolérable qui porterait atteinte à la substance même du droit ainsi garanti (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 12 mai 2005, Regione autonoma Friuli-Venezia Giulia et ERSA, C‑347/03, Rec. p. I‑3785, point 119, et du 12 juillet 2005, Alliance for Natural Health e.a., C‑154/04 et C‑155/04, Rec. p. I‑6451, point 126).

144    À cet égard, il y a lieu de rappeler que, pour les raisons figurant aux points 116 à 134 ci-dessus et contrairement à ce que soutient la FIFA, la Coupe du monde peut valablement être regardée comme un événement unique d’importance majeure pour la société du Royaume-Uni, les chiffres d’audience relatifs aux matchs « non prime » confirmant, au lieu de l’invalider, l’appréciation contenue dans les considérants 6 et 18 de la décision attaquée. Dans ce contexte, le caractère unitaire de la Coupe du monde en tant qu’événement entraîne que la Commission n’a pas commis d’erreur en considérant que l’inscription de l’ensemble de ses matchs sur la liste du Royaume-Uni est une mesure proportionnée.

145    Force est donc de constater que le grief selon lequel l’inscription des matchs « non prime » sur la liste d’événements d’importance majeure pour la société du Royaume-Uni constitue une intervention démesurée et intolérable au droit de propriété de la FIFA au motif que ces matchs ne constitueraient pas de tels événements repose sur une prémisse erronée.

146    En outre, si la législation en question est susceptible d’affecter le prix que la FIFA obtiendra pour l’octroi des droits de retransmission de la Coupe du monde au Royaume-Uni, elle n’annihile pas la valeur commerciale de ces droits, puisque, premièrement, elle n’oblige pas la FIFA à les céder à n’importe quelles conditions et, deuxièmement, cette dernière est protégée contre des éventuelles pratiques collusoires ou abusives de la part des acquéreurs potentiels de ces droits tant par le droit communautaire que par le droit national de la concurrence. Il en résulte que la Commission n’a pas commis d’erreur en concluant à la proportionnalité des mesures du Royaume-Uni.

147    Le troisième moyen doit donc être écarté.

 Sur les quatrième et sixième moyens, tirés de la violation des dispositions du traité relatives à la liberté de prestation des services et au droit d’établissement

 Arguments des parties

148    Dans le cadre du premier de ces moyens, qu’il y a lieu d’examiner conjointement, la FIFA souligne que la décision attaquée restreint la libre prestation des services, puisque, premièrement, elle aurait pour effet de l’empêcher de vendre les droits de retransmission exclusive de tout match de la Coupe du monde à des radiodiffuseurs relevant de la seconde des catégories établies par la législation du Royaume-Uni (voir point 10 ci-dessus) et, deuxièmement, des radiodiffuseurs de cette catégorie établis dans d’autres États membres ne pourraient retransmettre exclusivement un match de la Coupe du monde dans cet État membre. L’élimination de la possibilité d’acquérir en exclusivité ce type de droits de retransmission au Royaume-Uni enlèverait aux radiodiffuseurs relevant de la compétence d’autres États membres tout intérêt de les obtenir en les empêchant ainsi de diffuser tout match de la Coupe du monde dans cet État membre. En effet, l’exclusivité aurait été essentielle pour des radiodiffuseurs qui souhaitaient innover ou développer leurs services, surtout dans des États membres autres que l’État membre dans lequel ils sont établis.

149    À cet égard, même si des restrictions à la libre prestation des services peuvent être justifiées par des raisons impérieuses d’intérêt général, les mesures nationales adoptées à cet effet devraient être nécessaires, appropriées et proportionnées. La Commission, qui en l’espèce supporterait la charge de la preuve de ce qu’il est satisfait à ces conditions, devrait procéder à un examen approfondi et démontrer qu’elle a reçu des éléments en ce sens.

150    Or, ces restrictions, reconnues par ailleurs au considérant 19 de la décision attaquée, seraient largement disproportionnées et inappropriées et auraient pu être supprimées ou atténuées en inscrivant sur la liste d’événements d’importance majeure pour la société du Royaume-Uni uniquement les matchs de la Coupe du monde qui révèlent une telle importance, c’est-à-dire les matchs « prime ». Cette hypothèse serait conforme à la politique propre de la FIFA, qui impose elle-même la retransmission du premier match, des demi-finales, de la finale et des matchs de l’équipe nationale s’y rapportant par des chaînes gratuites, les autres matchs pouvant être diffusés par des chaînes payantes. La FIFA ajoute que le caractère proportionné ou non de l’inscription de chaque événement sur la liste du Royaume-Uni doit être apprécié de manière distincte, celle-ci constituant en réalité un faisceau de décisions, chacune relative à un événement particulier.

151    En réponse aux arguments du Royaume-Uni, fondés sur le pouvoir de l’Office of Communications d’autoriser une retransmission exclusive en direct, la FIFA souligne que les radiodiffuseurs non éligibles n’auront aucun intérêt à acquérir des droits de diffusion si l’exclusivité n’est pas garantie.

152    Dans le cadre du moyen pris d’une violation du droit d’établissement, la FIFA relève que, puisque l’article 66 CE est l’une des bases légales de la directive 97/36 et que les mesures étatiques adoptées au titre de l’article 3 bis de la directive 89/552 doivent être conformes à toutes les dispositions du droit communautaire, les mesures nationales doivent notamment être compatibles avec les articles du traité CE relatifs au droit d’établissement. Selon la FIFA, la liste du Royaume-Uni, approuvée par la décision attaquée, empêche les radiodiffuseurs qui veulent s’établir dans cet État membre et souhaitent proposer à cet effet des services télévisés payants d’obtenir des droits exclusifs pour la retransmission des matchs de la Coupe du monde.

153    Or, s’il est vrai que, lorsque des mesures nationales restreignant la liberté d’établissement s’appliquent à toute personne ou entreprise exerçant une activité sur le territoire de l’État membre d’accueil, elles peuvent être justifiées au cas où elles répondent à des raisons impérieuses d’intérêt général, encore faudrait-il qu’elles soient propres à garantir la réalisation de l’objectif qu’elles poursuivent et qu’elles n’aillent pas au-delà de ce qui est nécessaire pour l’atteindre.

154    Étant donné que les droits de retransmission exclusive d’événements sportifs constitueraient un moyen important pour la réalisation du droit d’établissement de la part de nouveaux entrants sur le marché du Royaume-Uni, l’impossibilité pour un nouvel entrant potentiel de diffuser exclusivement un match de la Coupe du monde constituerait une restriction du droit d’établissement. La Commission aurait donc commis une erreur dans la décision attaquée en omettant de reconnaître cette circonstance.

155    La Commission, soutenue par les parties intervenantes, conteste le bien-fondé des arguments développés par la FIFA dans le cadre des présents moyens.

 Appréciation du Tribunal

156    Il n’est pas contesté que, comme il est d’ailleurs reconnu au considérant 19 de la décision attaquée, le mécanisme de reconnaissance mutuelle déclenché par la décision attaquée en vertu de l’article 3 bis de la directive 89/552 a pour effet de restreindre la liberté de prestation des services dans le marché commun, telle qu’établie par l’article 49 CE.

157    En outre, comme le fait valoir la FIFA, les mesures du Royaume-Uni sont susceptibles de placer les radiodiffuseurs établis dans d’autres États membres dans une situation de fait ou de droit désavantageuse par rapport à celle des radiodiffuseurs établis dans cet État membre. À cet égard, nonobstant le fait que la législation décrite aux points 10 à 13 ci-dessus s’applique indistinctement aux radiodiffuseurs relevant des deux catégories établies par la législation du Royaume-Uni, il est dans les faits bien moins probable qu’aucun radiodiffuseur de la première catégorie, établi selon toute vraisemblance dans cet État membre, ne sera intéressé à retransmettre la Coupe du monde en donnant ainsi à un concurrent souhaitant s’établir dans ce pays la possibilité d’obtenir de l’Office of Communications l’autorisation de retransmettre ledit événement pratiquement en exclusivité (voir point 13 ci-dessus), que l’inverse. Il en résulte que les mesures du Royaume-Uni constituent effectivement des entraves à la liberté d’établissement, telle qu’établie par l’article 43 CE.

158    Néanmoins, ces restrictions à la liberté de prestation des services et à la liberté d’établissement peuvent être justifiées dès lors qu’elles visent à protéger le droit à l’information et à assurer un large accès du public aux retransmissions télévisées d’événements, nationaux ou non, d’importance majeure pour la société, aux conditions supplémentaires qu’elles soient propres à garantir la réalisation de l’objectif qu’elles poursuivent et n’aillent pas au-delà de ce qui est nécessaire pour l’atteindre (voir points 48 à 54 ci-dessus).

159    À cet égard, il importe de rappeler que la FIFA conteste la légalité de la décision attaquée au regard des dispositions du traité sur la libre prestation des services dans la mesure où la Commission approuve l’inscription des matchs « non prime » sur la liste d’événements d’importance majeure pour la société du Royaume-Uni. Selon la FIFA, ces matchs ne répondraient pas à cette qualification, de sorte que la restriction de la liberté de prestation des services serait disproportionnée.

160    Il convient de relever que cet argument de la FIFA révèle une confusion entre, d’une part, l’importance majeure d’un événement pour la société, première condition devant être satisfaite et qui constitue la raison impérieuse d’intérêt général justifiant la restriction d’une liberté fondamentale garantie par le traité (voir points 48 à 53 ci-dessus), et, d’autre part, la proportionnalité de la restriction en question, qui constitue une deuxième condition que doit remplir la législation nationale restreignant une telle liberté afin d’être compatible avec le droit communautaire (voir point 54 ci-dessus).

161    Dans ce contexte, il y a lieu de souligner que, comme il résulte des points 116 à 134 ci-dessus, contrairement à ce que soutient la FIFA dans le cadre de son quatrième moyen, la Coupe du monde peut valablement être regardée comme un événement unique d’importance majeure pour la société du Royaume-Uni, les chiffres d’audience relatifs aux matchs « non prime » confirmant au lieu de l’invalider l’appréciation contenue aux considérants 6 et 18 de la décision attaquée. Force est donc de constater que le grief pris de ce que les matchs en question ne sont pas d’une importance majeure pour la société, si bien que les mesures du Royaume-Uni seraient disproportionnées, est, en tout état de cause, fondé sur une prémisse erronée. Par conséquent, ce grief n’invalide pas la conclusion de la Commission sur le caractère approprié et proportionné de l’inscription de l’ensemble des matchs de la Coupe du monde sur la liste d’événements d’importance majeure pour la société du Royaume-Uni, étant donné le caractère unitaire de cette compétition.

162    Les mêmes considérations s’appliquent en ce qui concerne la liberté d’établissement. En effet, même si dans le cadre de son argumentation relative au sixième moyen la FIFA n’a pas précisé directement si elle conteste la validité de la position prise par la Commission dans la décision attaquée quant à la compatibilité de la liste du Royaume-Uni avec le droit communautaire, uniquement dans la mesure où la Commission approuve l’inscription des matchs « non prime » sur celle-ci, il résulte de l’ensemble de sa requête ainsi que de sa réponse à la question écrite du Tribunal (voir point 68 ci-dessus) que tel est bien le cas.

163    Or, les considérations figurant au point 161 ci-dessus font que les arguments pris de la violation des dispositions du traité relatives à la liberté d’établissement ne sauraient être accueillis.

164    Les quatrième et sixième moyens doivent donc être écartés.

 Sur le cinquième moyen, tiré d’une violation des dispositions du traité relatives à la concurrence

 Arguments des parties

165    La FIFA souligne que la décision attaquée ne contient aucune analyse relative à la distorsion de la concurrence engendrée par l’inscription de l’ensemble des matchs de la Coupe du monde sur la liste d’événements d’importance majeure pour la société du Royaume-Uni. Or, cette distorsion résiderait dans la diminution du nombre des radiodiffuseurs se faisant concurrence pour l’obtention des droits de retransmission télévisuelle de la Coupe du monde au Royaume-Uni, ce qui affecterait les recettes de la FIFA en tant qu’organisateur de cet événement. En outre, la décision attaquée n’identifierait pas les produits ni les marchés sur lesquels aurait porté son analyse ayant donné lieu aux considérants 20 et 21 de la décision attaquée (voir point 18 ci-dessus). Néanmoins, la définition des marchés pertinents serait indispensable aux fins de l’analyse de la situation concurrentielle, d’autant plus que la liste du Royaume-Uni concernerait quatre compétitions de football différentes.

166    La FIFA soutient que la définition des radiodiffuseurs relevant de la première catégorie établie par la législation du Royaume-Uni a été délibérément conçue pour permettre aux seuls radiodiffuseurs historiques de cet État membre de remplir les conditions prévues et ainsi d’acquérir le droit exclusif de diffuser en direct les matchs de la Coupe du monde. En pratique, ces droits auraient toujours été acquis de manière conjointe, depuis 1966, par deux radiodiffuseurs, la BBC et ITV, si bien que, premièrement, il n’y aurait aucune concurrence pour l’acquisition des droits de diffusion des matchs de la Coupe du monde au Royaume-Uni et, deuxièmement, la BBC et ITV se trouveraient en position dominante collective. La Commission aurait donc commis une erreur en affirmant, au considérant 20 de la décision attaquée, que les mesures du Royaume-Uni permettaient une concurrence réelle ou potentielle à cet égard. En outre, ces mesures auraient pour effet une distorsion du marché de la publicité ainsi que de celui des retransmissions d’événements sportifs par des chaînes à péage.

167    Ainsi, la législation du Royaume-Uni octroierait des droits spéciaux à la BBC et à ITV, sans que le caractère objectif des critères pour l’octroi de ces droits n’affecte cette appréciation. Par l’acquisition toujours conjointe des droits relatifs à la Coupe du monde, ces radiodiffuseurs se comporteraient comme une entité collective. Ainsi, selon la FIFA, ils seraient dans une position dominante collective et susceptibles d’abuser de cette position, étant donné l’octroi des droits en question. La FIFA fait observer, à cet égard, qu’il n’est pas nécessaire d’établir qu’un tel abus de position dominante a effectivement eu lieu pour conclure qu’un État membre viole les dispositions combinées de l’article 86, paragraphe 1, CE et de l’article 82 CE, la possibilité d’entraîner un abus suffisant à cet effet. Or, les mesures du Royaume-Uni auraient créé une structure de marché autorisant et favorisant un comportement abusif.

168    En outre, la BBC et ITV n’auraient pas pleinement exploité les droits qu’elles ont acquis, étant donné qu’elles n’auraient pas diffusé en direct 40 des 244 matchs des quatre dernières compétitions de la Coupe du monde. Ce faisant, elles auraient limité la production en violation de l’article 82 CE. L’acquisition des droits en cause par ces deux radiodiffuseurs aurait également limité le développement de marchés comme celui des chaînes de sport à péage et celui de la publicité télévisée pour la Coupe du monde, puisqu’il y existerait des barrières importantes à l’acquisition des droits de retransmission d’événements sportifs d’importance analogue, tous détenus par des chaînes à péage pendant des périodes importantes.

169    La FIFA fait également valoir que l’octroi des droits spéciaux en question à la BBC et ITV, en combinaison avec l’accord d’acquisition conjointe des droits de retransmission de la Coupe du monde liant ces deux radiodiffuseurs, constituerait une mesure contraire à l’article 81, paragraphe 1, CE, en méconnaissance de l’article 86, paragraphe 1, CE.

170    La Commission, soutenue par les parties intervenantes, conteste le bien‑fondé des allégations de la FIFA.

 Appréciation du Tribunal

171    Il y a lieu de relever que l’argumentation de la FIFA dans le cadre du présent moyen s’analyse en deux griefs.

172    Le premier grief concerne les conséquences résultant du fait que, eu égard à l’importance qu’a le caractère exclusif de la retransmission télévisuelle des matchs de la Coupe du monde pour les radiodiffuseurs relevant de la seconde catégorie établie par la législation du Royaume-Uni, ces derniers se désintéressent de l’achat des droits de retransmission non exclusifs. Cette circonstance entraîne, selon la FIFA, des restrictions de concurrence sur plusieurs marchés, tels que celui de l’achat desdits droits, le marché de la publicité et le marché de la retransmission des événements sportifs par des chaînes à péage, en raison de la diminution des radiodiffuseurs actifs sur ces marchés. Dans le même contexte, la FIFA fait également grief à la Commission de ne pas avoir défini ces marchés et de ne pas avoir exposé son appréciation s’agissant de ces restrictions.

173    À cet égard, il convient d’observer que les conséquences en question découlent indirectement des restrictions à la liberté de prestation des services qu’entraînent les mesures du Royaume-Uni. Or, comme il a été jugé dans le cadre des deuxième et quatrième moyens, la Commission n’a pas commis d’erreur en considérant que les restrictions à la liberté de prestation des services émanant de l’inscription de l’ensemble des matchs de la Coupe du monde sur la liste d’événements d’importance majeure pour la société du Royaume-Uni sont justifiées par des raisons impérieuses d’intérêt général et ne sont ni inappropriées ni disproportionnées. Les effets au niveau du nombre de concurrents potentiels, qui se présentent comme une conséquence inéluctable de ces entraves à la liberté de prestation des services, ne sauraient donc être considérés comme étant contraires aux articles du traité relatifs à la concurrence. Dans ces conditions, la Commission n’avait pas à effectuer une analyse plus approfondie que celle qu’elle a faite concernant ces conséquences.

174    Le second grief concerne les droits spéciaux prétendument accordés à la BBC et à ITV ayant pour effet d’autoriser ou de rendre possible l’abus de la position dominante que ces radiodiffuseurs détiendraient sur le marché pertinent, c’est-à-dire, selon la FIFA, le marché des droits de retransmission des matchs de la Coupe du monde.

175    En effet, selon l’article 86, paragraphe 1, CE, règle de concurrence applicable s’agissant des mesures étatiques (arrêt de la Cour du 16 septembre 1999, Becu e.a., C‑22/98, Rec. p. I‑5665, point 31), il est interdit aux États membres de mettre, par des mesures législatives, réglementaires ou administratives, les entreprises publiques et les entreprises auxquelles ils accordent des droits spéciaux ou exclusifs dans une situation dans laquelle ces entreprises ne pourraient pas se placer elles-mêmes par des comportements autonomes sans violer les articles 12 CE et 81 CE à 89 CE (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 13 décembre 1991, GB-Inno-BM, C‑18/88, Rec. p. I‑5941, point 20).

176    À cet égard, s’il est vrai que des droits spéciaux ou exclusifs au sens de cette disposition sont octroyés lorsqu’une protection est conférée par l’État à un nombre limité d’entreprises et qu’elle est de nature à affecter substantiellement la capacité des autres entreprises à exercer l’activité économique en cause sur le même territoire dans des conditions substantiellement équivalentes (arrêt de la Cour du 25 octobre 2001, Ambulanz Glöckner, C‑475/99, Rec. p. I‑8089, point 24), il n’en demeure pas moins que la législation du Royaume-Uni n’offre pas une telle protection aux radiodiffuseurs en question.

177    Ainsi, il s’agit de tels droits lorsque les pouvoirs publics octroient un monopole (arrêt de la Cour du 12 février 1998, Raso e.a., C‑163/96, Rec. p. I‑533, point 23), lorsqu’ils peuvent bloquer l’entrée d’un concurrent sur le marché d’activité de leur titulaire ou sur un marché voisin pour des raisons relatives aux effets négatifs qu’aurait une telle entrée sur le fonctionnement et la rentabilité de l’activité dudit titulaire (arrêt Ambulanz Glöckner, point 176 supra, points 7, 23 et 25) ou aux besoins de main-d’œuvre (arrêt Becu e.a., point 175 supra, point 23), ou lorsque le titulaire est habilité, par le biais de la législation s’y rapportant, à influer sur les conditions d’exercice de l’activité en question de la part de ses concurrents en fonction de ses intérêts ou des conséquences qu’aurait leur activité sur ce marché, voire sur un marché voisin (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 19 mars 1991, France/Commission, C‑202/88, Rec. p. I‑1223, point 51 ; ERT, point 142 supra, point 37 ; GB-Inno-BM, point 175 supra, point 25, et du 1er juillet 2008, MOTOE, C‑49/07, Rec. p. I‑4863, point 43).

178    Toutefois, loin d’interdire elle-même ou d’habiliter la BBC ou ITV à interdire à n’importe quel radiodiffuseur d’acquérir des droits de retransmission des matchs de la Coupe du monde ou à influer sur les conditions de retransmission de ceux-ci, la législation du Royaume-Uni se limite à éliminer la possibilité de leur retransmission sur une base exclusive sur le territoire de cet État membre, sans distinguer parmi les deux catégories de radiodiffuseurs à cet égard (voir points 10 et 11 ci-dessus). Il importe de préciser, à cet effet, que la FIFA prétend erronément que la BBC et ITV sont les seuls radiodiffuseurs auxquels il est permis d’acquérir des droits de retransmission exclusifs de la Coupe du monde pour le Royaume-Uni. Bien au contraire, tout d’abord, ainsi qu’il vient d’être indiqué, l’interdiction de retransmettre sur une base exclusive établie par l’article 101 du Broadcasting Act 1996 concerne au même titre les radiodiffuseurs des deux catégories établies par la législation du Royaume-Uni. Ensuite, cette interdiction va de pair avec l’article 99 du Broadcasting Act 1996, qui déclare invalide tout contrat de retransmission d’un événement inscrit sur la liste dans la mesure où il a pour objet de conférer un droit exclusif, sans considération de l’identité du radiodiffuseur.

179    Il en résulte que la législation du Royaume-Uni interdit l’exclusivité pour tout radiodiffuseur non seulement au stade de la retransmission, mais aussi au stade de la conclusion des contrats de radiodiffusion, de sorte qu’aucun radiodiffuseur relevant de la compétence du Royaume-Uni ne peut valablement conclure un contrat pour la retransmission exclusive d’un événement inscrit sur la liste de cet État membre. En revanche, cette législation permet au même titre aux radiodiffuseurs des deux catégories qu’elle a établies de soumettre des offres pour l’acquisition des droits de retransmission télévisuelle non exclusive des matchs de la Coupe du Monde.

180    Dans ces conditions, la circonstance selon laquelle seuls certains radiodiffuseurs de la première catégorie, tels que la BBC et ITV, retransmettront finalement, à la suite de l’autorisation de l’Office of Communications, la Coupe du Monde au Royaume-Uni, puisque leurs concurrents ne s’intéressent qu’à une retransmission exclusive et, de ce fait, ne soumettront pas d’offre pour acquérir les droits nécessaires (voir point 13 ci-dessus), n’équivaut pas à un octroi des droits spéciaux ou exclusifs à ceux-ci au sens de l’article 86, paragraphe 1, CE. En effet, cette circonstance, à la supposer établie, est le résultat de l’importance accordée à l’exclusivité dans le cadre du modèle d’entreprise mis en œuvre par les radiodiffuseurs exploitant des chaînes à péage et non pas d’une interdiction quelconque émanant de la législation du Royaume-Uni, puisque les termes de cette législation sont applicables sans distinction aux radiodiffuseurs des deux catégories. Il en résulte que les mesures du Royaume-Uni en tant que telles n’affectent pas la capacité pour les exploitants des chaînes à péage à exercer, s’agissant de l’acquisition des droits de retransmission télévisuelle de la Coupe du monde, leur activité dans des conditions substantiellement équivalentes à celles en vigueur pour la BBC ou ITV.

181    Le cinquième moyen doit, par conséquent, être rejeté.

 Sur la demande de mesures d’organisation de la procédure introduite par la FIFA

182    Les appréciations développées dans le cadre des moyens soulevés par la FIFA ont pour conséquence qu’il n’y a pas besoin d’adopter les mesures d’organisation de la procédure sollicitées par celle-ci (voir points 20 et 21 ci-dessus).

183    À cet égard, il y a lieu de relever que, selon la FIFA, sa demande vise à lui permettre ainsi qu’au Tribunal d’examiner, premièrement, si les éléments disponibles permettaient à la Commission de conclure valablement que l’ensemble des matchs de la Coupe du monde ont traditionnellement été considérés comme étant d’importance majeure pour la société du Royaume-Uni et ont un écho particulier auprès du grand public, deuxièmement, si la Commission était justifiée à approuver l’inscription de l’ensemble de ces matchs sur la liste du Royaume-Uni et, troisièmement, si la Commission a suffisamment démontré que les restrictions apportées aux libertés fondamentales, au droit de propriété et à la concurrence sont justifiées. En outre, ces éléments permettraient à la FIFA d’établir que la Commission aurait insuffisamment motivé la décision attaquée en omettant d’expliquer pourquoi elle n’a pas pris en considération les informations soumises par les autorités du Royaume-Uni après le 28 juillet 2000. Les éléments en question seraient aussi pertinents afin d’apprécier si la procédure mise en œuvre par les autorités du Royaume-Uni était claire et transparente, notamment au regard d’éléments soumis à la Commission, mais non existants au moment où la liste du Royaume-Uni a été établie et des avis contraires émis par des services nationaux compétents.

184    Dans ces conditions, la FIFA a demandé au Tribunal d’inviter la Commission à produire toute correspondance entre elle et les autorités du Royaume-Uni au sujet de la liste d’événements d’importance majeure pour la société du Royaume-Uni, y compris les lettres échangées après le 15 décembre 2005, date du prononcé de l’arrêt Infront WM/Commission, point 15 supra.

185    À cet égard, il y a lieu d’observer que, comme il a été jugé dans le cadre de l’examen des moyens soulevés par la FIFA, l’ensemble des arguments au soutien desquels cette dernière souhaite invoquer des éléments potentiellement contenus dans les documents dont elle demande la production ne sont pas susceptibles d’influer sur la légalité de la décision attaquée.

186    En particulier, s’agissant de l’importance des matchs « non prime » pour la société du Royaume-Uni et, corrélativement, la qualification de la Coupe du monde dans son ensemble d’événement d’importance majeure pour la société de cet État membre, la FIFA a produit toute une série d’éléments statistiques, par nature des plus pertinents, démontrant, selon elle, l’exactitude de ses allégations à cet égard, le Tribunal ayant pourtant considéré que ceux-ci n’infirmaient pas les conclusions auxquelles est parvenue la Commission. Il en est de même des arguments concernant la prétendue absence de prise en compte d’éléments postérieurs à l’an 2000, puisque la FIFA a effectivement produit des éléments statistiques s’y rapportant et que le Tribunal a considéré qu’ils n’ébranlaient pas le bien-fondé des conclusions de la Commission. S’agissant de la prise en compte, par la Commission, d’éléments non disponibles au moment où les autorités du Royaume-Uni ont établi la liste d’événements d’importance majeure pour la société de cet État membre, il suffit de rappeler qu’une telle prise en compte ne révèle aucune irrégularité procédurale ou substantielle (voir points 75, 76 et 95 ci-dessus), si bien qu’une mesure d’organisation de la procédure n’est pas opportune à cet égard.

187    Dans ces circonstances, il convient de rejeter la demande d’adoption de mesures d’organisation de la procédure ainsi que le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

188    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La FIFA ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

189    Le Royaume de Belgique et le Royaume-Uni supporteront leurs propres dépens, conformément à l’article 87, paragraphe 4, du règlement de procédure.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      La Fédération internationale de football association (FIFA) supportera, outre ses propres dépens, les dépens exposés par la Commission européenne.

3)      Le Royaume de Belgique et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord supporteront leurs propres dépens.


Forwood

Truchot

Schwarcz

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 17 février 2011.

Signatures

Table des matières


Cadre juridique

Antécédents du litige et décision attaquée

Procédure et conclusions des parties

En droit

1.  Sur la recevabilité

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

2.  Sur le fond

Sur le premier moyen, tiré d’un défaut de motivation

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 3 bis, paragraphe 1, de la directive 89/552

Sur la procédure suivie par les autorités du Royaume-Uni

–  Arguments des parties

–  Appréciation du Tribunal

Sur l’importance des matchs « non prime » pour la société du Royaume-Uni

–  Arguments des parties

–  Appréciation du Tribunal

Sur le troisième moyen, tiré d’une violation du droit de propriété de la FIFA

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur les quatrième et sixième moyens, tirés de la violation des dispositions du traité relatives à la liberté de prestation des services et au droit d’établissement

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur le cinquième moyen, tiré d’une violation des dispositions du traité relatives à la concurrence

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur la demande de mesures d’organisation de la procédure introduite par la FIFA

Sur les dépens


* Langue de procédure : l’anglais.