Language of document : ECLI:EU:C:2017:821

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

MME ELEANOR SHARPSTON

présentées le 26 octobre 2017(1)

Affaire C82/16

K.A.

M.Z.

M.J.

N.N.N.

O.I.O.

R.I.

B.A.

contre

Belgische Staat

[demande de décision préjudicielle formée par le Raad voor Vreemdelingenbetwistingen (Conseil du contentieux des étrangers, Belgique)]

« Renvoi préjudiciel – Citoyenneté de l’Union – Article 20 TFUE – Demande formée par un ressortissant de pays tiers en vue de séjourner dans l’État membre d’un citoyen de l’Union qui n’a jamais fait usage de son droit à la libre circulation – Pratique administrative nationale en vertu de laquelle les demandes de titre de séjour au titre du regroupement familial ne sont pas prises en considération lorsque le ressortissant de pays tiers concerné fait l’objet d’une interdiction d’entrée valable et définitive en vertu du droit national – Articles 7 et 24 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Directive 2008/115/CE »






1.        Par la présente demande de décision préjudicielle, il est en substance demandé à la Cour de fournir des orientations sur la question de savoir si le droit de l’Union s’oppose à une pratique administrative nationale en vertu de laquelle les demandes de titre de séjour introduites par des ressortissants de pays tiers en vue d’un regroupement familial avec un citoyen de l’Union ne sont pas prises en considération lorsque ce citoyen n’a jamais fait usage du droit à la libre circulation consacré par les traités. Les autorités nationales compétentes mettent en œuvre la pratique administrative en question lorsque le ressortissant de pays tiers fait l’objet d’une interdiction d’entrée en application du droit national et qu’il est tenu de quitter non seulement le Royaume de Belgique (l’État concerné), mais le territoire de l’ensemble des États membres. Le Raad voor Vreemdelingenbetwistingen (Conseil du contentieux des étrangers, Belgique) demande en particulier si cette pratique est compatible avec l’article 20 TFUE, interprété à la lumière de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (2) et de la directive 2008/115/CE relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier (3). Si l’article 20 TFUE entre en jeu, la juridiction de renvoi demande quels sont les éléments dont il conviendrait de tenir compte pour apprécier l’existence d’une relation de dépendance entre le citoyen de l’Union et le ressortissant d’État tiers en cause.

 Le droit de l’Union

 La Charte

2.        L’article 7 de la Charte dispose que toute personne a droit au respect de sa vie familiale (4).

3.        L’article 24 est intitulé « Droits de l’enfant ». Il dispose ce qui suit :

« 1.      Les enfants ont droit à la protection et aux soins nécessaires à leur bien-être. Ils peuvent exprimer leur opinion librement. Celle-ci est prise en considération pour les sujets qui les concernent, en fonction de leur âge et de leur maturité.

2.      Dans tous les actes relatifs aux enfants, qu’ils soient accomplis par des autorités publiques ou des institutions privées, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale.

3.      Tout enfant a le droit d’entretenir régulièrement des relations personnelles et des contacts directs avec ses deux parents, sauf si cela est contraire à son intérêt. »

4.        Conformément à l’article 51, paragraphe 1, les dispositions de la Charte s’adressent aux États membres uniquement lorsqu’ils mettent en œuvre le droit de l’Union (5).

 Le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

5.        L’article 20, paragraphe 1, TFUE institue la citoyenneté de l’Union et dispose que « toute personne ayant la nationalité d’un État membre » est citoyen de l’Union. Aux termes de l’article 20, paragraphe 2, sous a), TFUE, les citoyens de l’Union ont « le droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres ».

 La directive 2004/38/CE

6.        La directive 2004/38 (6) établit les conditions régissant l’exercice du droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire de l’Union européenne et du droit au séjour permanent ainsi que les limitations apportées à ces droits. Cette directive s’applique à tous les citoyens de l’Union qui se rendent ou séjournent dans un État membre (l’État membre d’accueil) autre que celui dont ils ont la nationalité, ainsi qu’aux membres de leur famille qui les accompagnent ou les rejoignent (7).

 La directive « retour »

7.        Les considérants de la directive « retour » expliquent que cette dernière tend à arrêter des règles applicables à tous les ressortissants de pays tiers qui ne remplissent pas ou ne remplissent plus les conditions d’entrée, de séjour ou de résidence dans un État membre (8). Il convient de respecter une procédure équitable et transparente lorsqu’il est mis fin au séjour irrégulier de ressortissants de pays tiers. Conformément aux principes généraux du droit de l’Union, les décisions prises en application de la directive « retour » devraient l’être au cas par cas et tenir compte de ces critères objectifs, ce qui implique que l’on prenne en considération d’autres facteurs que le simple fait du séjour irrégulier de la personne concernée (9). L’intérêt supérieur de l’enfant et le respect de la vie familiale devraient constituer des considérations primordiales pour les États membres lorsqu’ils mettent en œuvre la directive « retour » (10). Il est affirmé que cette directive respecte les droits fondamentaux (11).

8.        L’article 1er dispose que la directive « retour » fixe les normes et procédures communes à appliquer dans les États membres au « retour » de ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, dans le respect, notamment, des droits fondamentaux en tant que principes généraux du droit de l’Union.

9.        Aux termes de l’article 2, paragraphe 1, de la directive « retour », les ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier sur le territoire d’un État membre relèvent du champ d’application de cette directive.

10.      L’article 3, point 1, de la directive « retour » définit le « ressortissant d’un pays tiers » comme « toute personne qui n’est ni un citoyen de l’Union au sens de [l’article 20, paragraphe 1, TFUE] ni une personne jouissant du droit [de l’Union] à la libre circulation, telle que définie à l’article 2, point 5, du code frontières Schengen » (12). L’article 3, point 2, de cette directive définit le « séjour irrégulier » comme « la présence sur le territoire d’un État membre d’un ressortissant d’un pays tiers qui ne remplit pas, ou ne remplit plus, les conditions d’entrée énoncées à l’article 5 du code frontières Schengen, ou d’autres conditions d’entrée, de séjour ou de résidence dans cet État membre » (13). Une « décision de retour » est « une décision ou un acte de nature administrative ou judiciaire déclarant illégal le séjour d’un ressortissant d’un pays tiers et imposant ou énonçant une obligation de retour » (article 3, point 4, de la directive « retour »). Le terme « éloignement » désigne l’exécution de l’obligation de retour, à savoir le transfert physique hors de l’État membre (article 3, point 5 de cette directive). Une « interdiction d’entrée » est « une décision ou un acte de nature administrative ou judiciaire interdisant l’entrée et le séjour sur le territoire des États membres pendant une durée déterminée, qui accompagne une décision de retour » (article 3, point 6 de ladite directive). Les mineurs et les enfants non accompagnés relèvent de la définition de « personnes vulnérables » de l’article 3, point 9, de la directive « retour ».

11.      Conformément à l’article 5 de la directive « retour », lorsqu’ils mettent en œuvre cette directive, les États membres doivent tenir dûment compte, entre autres, de l’intérêt supérieur de l’enfant et de la vie familiale.

12.      L’article 6, paragraphe 1, de la directive « retour » impose aux États membres de prendre une décision de retour à l’encontre de tout ressortissant d’un pays tiers qui se trouve en séjour irrégulier sur leur territoire (14).

13.      Selon la règle générale énoncée à l’article 7, paragraphe 1, de la directive « retour », les décisions de retour devraient prévoir un délai approprié pour le départ volontaire. Ce délai peut être prolongé en tenant compte des circonstances propres à chaque cas, telles que les liens familiaux et sociaux, comme le prévoit l’article 7, paragraphe 2, de cette directive. En vertu de l’article 7, paragraphe 4, de ladite directive, les États membres peuvent s’abstenir d’accorder un délai de départ volontaire, notamment lorsque la personne concernée constitue un danger pour l’ordre public. L’article 8 de la directive « retour » régit l’exécution des décisions de retour en cas d’éloignement du ressortissant d’un pays tiers concerné. Des modalités particulières doivent être prévues pour le retour et l’éloignement de mineurs non accompagnés en tenant dûment compte de l’intérêt supérieur de l’enfant, conformément à l’article 10 de cette directive.

14.      L’article 11 de la directive « retour », intitulé « Interdiction d’entrée », dispose :

« 1.      Les décisions de retour sont assorties d’une interdiction d’entrée :

a)      si aucun délai n’a été accordé pour le départ volontaire, ou

b)      si l’obligation de retour n’a pas été respectée.

Dans les autres cas, les décisions de retour peuvent être assorties d’une interdiction d’entrée.

2.      La durée de l’interdiction d’entrée est fixée en tenant dûment compte de toutes les circonstances propres à chaque cas et ne dépasse pas cinq ans en principe. Elle peut cependant dépasser cinq ans si le ressortissant d’un pays tiers constitue une menace grave pour l’ordre public, la sécurité publique ou la sécurité nationale.

3.      Les États membres examinent la possibilité de lever ou de suspendre une interdiction d’entrée lorsqu’un ressortissant d’un pays tiers faisant l’objet d’une telle interdiction décidée conformément au paragraphe 1, deuxième alinéa, peut démontrer qu’il a quitté le territoire d’un État membre en totale conformité avec une décision de retour.

[…]

Les États membres peuvent s’abstenir d’imposer, peuvent lever ou peuvent suspendre une interdiction d’entrée, dans des cas particuliers, pour des raisons humanitaires.

Les États membres peuvent lever ou suspendre une interdiction d’entrée, dans des cas particuliers ou certaines catégories de cas, pour d’autres raisons.

[…] »

15.      Le chapitre III de la directive « retour » comporte certaines garanties procédurales. En particulier, l’article 13, paragraphe 1, prévoit que le ressortissant concerné d’un pays tiers doit disposer d’une voie de recours effective pour attaquer les décisions liées au retour devant une autorité judiciaire ou administrative compétente ou une instance compétente. Conformément à l’article 14 de cette directive (« Garanties dans l’attente du retour »), les États membres sont tenus de veiller à ce que l’unité familiale, notamment, soit maintenue dans l’attente du retour.

 Le droit belge

 Dispositions en matière de regroupement familial

16.      Conformément à l’article 40 bis, paragraphe 2, de la wet betreffende de toegang tot het grondgebied, het verblijf, de vestiging en de verwijdering van vreemdelingen (loi sur l’accès au territoire, le séjour, l’établissement et l’éloignement des étrangers, ci-après la « loi sur les étrangers »), du 15 décembre 1980, sont considérés comme membres de la famille du citoyen de l’Union : i) le partenaire auquel le citoyen de l’Union est lié par un partenariat enregistré conformément à une loi, et qui l’accompagne ou le rejoint, ii) les descendants et les descendants de son conjoint ou partenaire […], âgés de moins de vingt et un ans ou qui sont à leur charge […], iii) le père ou la mère d’un citoyen de l’Union européenne mineur d’âge visé à l’article 40, paragraphe 4, premier alinéa, point 2, pour autant que ce dernier soit à sa charge et qu’il en ait effectivement la garde.

17.      L’article 43 de la loi sur les étrangers dispose que « [l]’entrée et le séjour ne peuvent être refusés aux citoyens de l’Union et aux membres de leur famille que pour des raisons d’ordre public [ou] de sécurité nationale […] et ce, dans les limites ci-après ». Ces mesures doivent être proportionnées et exclusivement fondées sur le comportement personnel de la personne concernée. L’existence de condamnations pénales antérieures ne peut pas, à elle seule, motiver de telles mesures. Le comportement personnel de l’intéressé doit représenter une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société.

 Dispositions en matière d’éloignement et d’interdiction d’entrée

18.      L’article 74/11 de la loi sur les étrangers dispose :

«§ 1er.      La durée de l’interdiction d’entrée est fixée en tenant compte de toutes les circonstances propres à chaque cas.

La décision d’éloignement est assortie d’une interdiction d’entrée de maximum trois ans, dans les cas suivants :

1°      lorsqu’aucun délai n’est accordé pour le départ volontaire ou ;

2°      lorsqu’une décision d’éloignement antérieure n’a pas été exécutée.

Le délai maximum de trois ans prévu à l’alinéa 2 est porté à un maximum de cinq ans lorsque :

1°      le ressortissant d’un État tiers a recouru à la fraude ou à d’autres moyens illégaux afin d’être admis au séjour ou de maintenir son droit de séjour ;

2°      le ressortissant d’un État tiers a conclu un mariage, un partenariat ou une adoption uniquement en vue d’être admis au séjour ou de maintenir son droit de séjour dans le Royaume [de Belgique].

La décision d’éloignement peut être assortie d’une interdiction d’entrée de plus de cinq ans lorsque le ressortissant d’un pays tiers constitue une menace grave pour l’ordre public ou la sécurité nationale.

§ 2.      […]

Le ministre ou son délégué peut s’abstenir d’imposer une interdiction d’entrée, dans des cas particuliers, pour des raisons humanitaires.

§ 3.      L’interdiction d’entrée entre en vigueur le jour de la notification de l’interdiction d’entrée.

L’interdiction d’entrée ne peut contrevenir au droit à la protection internationale, telle qu’elle est définie aux articles 9 ter, 48/3 et 48/4. »

19.      L’article 74/12 de la loi sur les étrangers dispose :

« § 1er. Le ministre ou son délégué peut lever ou suspendre l’interdiction d’entrée pour des raisons humanitaires.

[…]

Sauf dérogations prévues par un traité international, par une loi ou par un arrêté royal, le ressortissant d’un pays tiers introduit une demande motivée auprès du poste diplomatique ou consulaire de carrière belge compétent pour le lieu de sa résidence ou de son séjour à l’étranger.

§ 2.      Le ressortissant d’un pays tiers peut introduire auprès du ministre ou son délégué, une demande de levée ou de suspension de l’interdiction d’entrée motivée par le respect de l’obligation d’éloignement délivrée antérieurement s’il transmet par écrit la preuve qu’il a quitté le territoire belge en totale conformité avec la décision d’éloignement.

[…]

§ 4.      Durant l’examen de la demande de levée ou de suspension, le ressortissant d’un pays tiers concerné n’a aucun droit d’accès ou de séjour dans le Royaume.

[…] »

20.      Aux termes de l’article 74/13 de la loi sur les étrangers, lors de la prise d’une décision d’éloignement, le ministre ou son délégué doit tenir compte de l’intérêt supérieur de l’enfant, de la vie familiale et de l’état de santé du ressortissant d’un État tiers concerné.

 Les faits, la procédure et les questions préjudicielles

21.      Les sept requérants sont tous des ressortissants de pays tiers faisant l’objet d’un ordre de quitter le Royaume de Belgique. Cet ordre de quitter le territoire est, à chaque fois, assorti d’une interdiction d’entrée conformément à la législation nationale transposant la directive « retour ».

22.      Ultérieurement à ces ordres de quitter le territoire assortis d’interdictions d’entrée, les personnes concernées ont toutes introduit une demande de titre de séjour en vue du regroupement familial avec un ressortissant belge résidant en Belgique qui n’a jamais circulé et ne séjourne pas dans un autre État membre (15). Ces demandes ont été introduites sur la base des relations familiales suivantes : i) parents d’un enfant mineur citoyen de l’Union (M. R. I., Mme M. J., Mme N. N. N. et M. O. I. O.) ; ii) descendant majeur d’un citoyen de l’Union (Mme K. A. et M. M. Z.) ; et iii) partenaire cohabitant légal d’un citoyen de l’Union (M. B. A.) (16).

23.      M. R. I. est un ressortissant albanais. Son enfant est né le 23 juin 2010 et possède la nationalité belge. Il s’est marié avec la mère de son enfant (également de nationalité belge) en Albanie le 31 juillet 2013. Un ordre de quitter le territoire national assorti d’une interdiction d’entrée lui a été notifié le 17 décembre 2012 (17).

24.      Mme M. J. est une ressortissante ougandaise. Elle est la mère d’un enfant né le 26 octobre 2013 qui possède la nationalité belge (tout comme le père de l’enfant). Mme M. J. fait l’objet d’un ordre de quitter le territoire de la Belgique assorti d’une interdiction d’entrée daté du 11 janvier 2013 (18).

25.      Mme N. N. N. possède la nationalité kényane. Son enfant, qui est un ressortissant belge, est né le 25 juin 2011. Elle fait l’objet d’un ordre de quitter le territoire national assorti d’une interdiction d’entrée daté du 24 avril 2014 (19).

26.      M. O. I. O. est un ressortissant nigérian. Son enfant est né le 15 janvier 2009. La mère de l’enfant est de nationalité belge, tout comme l’est la fille de M. O. I. O. Ce dernier a divorcé de la mère, laquelle s’est vu attribuer la garde exclusive de l’enfant. La mère et l’enfant ne dépendent pas financièrement de M. O. I. O. et les contacts de ce dernier avec sa fille sont provisoirement suspendus en application d’une décision de justice. M. O. I. O. fait l’objet d’un ordre de quitter le territoire national assorti d’une interdiction d’entrée daté du 28 mai 2013 (20).

27.      Mme K. A. est une ressortissante arménienne dont le père possède la nationalité belge. Un ordre de quitter le territoire assorti d’une interdiction d’entrée lui a été notifié le 27 février 2013. Ses deux fils, qui invoquent les mêmes liens familiaux, ont également introduit des demandes de titre de séjour (21).

28.      M. M. Z. a la nationalité russe. Son père, un ressortissant belge, a fourni aux autorités compétentes des éléments de preuve démontrant que son fils dépend financièrement de lui. Un ordre de quitter le territoire assorti d’une interdiction d’entrée a été notifié à M. M. Z. le 2 juillet 2014 (22).

29.      M. B. A. est un ressortissant guinéen. Il cohabite avec son partenaire de nationalité belge. La sincérité de leur relation est démontrée. Un ordre de quitter le territoire assorti d’une interdiction d’entrée lui a été notifié le 13 juin 2014 (23).

30.      Les demandes de regroupement familial ont été introduites auprès du Dienst Vreemdelingenzaken [Office des étrangers (Belgique) ; ci-après le « DVZ »] qui agit en qualité d’agent du staatssecretaris voor Asiel en Migratie (secrétaire d’État à l’Asile et à la Migration, Belgique) (24). Le DVZ a estimé qu’il ne pouvait pas prendre ces demandes en considération, parce que les requérants faisaient tous l’objet d’une interdiction d’entrée et qu’ils étaient dès lors tenus de quitter le territoire national (25). Il a donc adopté des décisions rejetant chacune des demandes de regroupement familial (ci-après les « décisions litigieuses »).

31.      Les requérants ont contesté les décisions litigieuses devant la juridiction de renvoi. Ils considèrent que c’est à tort que le DVZ a refusé d’examiner au fond leurs demandes de regroupement familial au motif qu’ils faisaient l’objet d’interdictions d’entrée valables. Ils soutiennent que ces interdictions d’entrée constituent une condition de recevabilité illégale et que les demandes de regroupement familial devraient être considérées comme une demande implicite de levée ou de suspension de l’interdiction d’entrée (26). Ils invoquent le fait que, conformément à la directive « retour », lorsqu’il examine des demandes de regroupement familial, le DVZ doit tenir compte de la vie familiale et de l’intérêt supérieur de l’enfant. Ils font également observer que cette directive ne prévoit pas que la levée ou la suspension de l’interdiction d’entrée doit être demandée depuis l’étranger pour être valable. Les requérants considèrent que l’entrée et le séjour ne peuvent être refusés à des membres de la famille de ressortissants belges que pour des raisons d’ordre public, de sécurité nationale ou de santé publique, et uniquement dans les limites légalement prévues. Ils soutiennent qu’en violation de l’article 20 TFUE, en particulier tel qu’interprété par la Cour dans l’arrêt Ruiz Zambrano (27), leur éloignement du territoire belge et du territoire de l’Union européenne impliquerait l’impossibilité pour les membres belges de leurs familles d’exercer pleinement leurs droits en tant que citoyens de l’Union. Enfin, les requérants soutiennent que, en adoptant les décisions litigieuses, le DVZ n’a pas mis en balance les intérêts dans chaque affaire dans le contexte de l’article 8 de la CEDH et de l’article 7 de la Charte.

32.      Le DVZ conteste les arguments des requérants. Il soutient qu’une interdiction d’entrée définitive empêche l’entrée et le séjour en Belgique de la personne concernée et que cette dernière doit quitter le territoire national et introduire une demande de levée ou de suspension de l’interdiction d’entrée depuis l’étranger conformément à l’article 74/12, paragraphe 1, de la loi sur les étrangers avant de pouvoir introduire une demande de titre de séjour dans le cadre d’une demande de regroupement familial.

33.      La juridiction de renvoi indique que, conformément à l’article 74/11, paragraphe 3, de la loi sur les étrangers, une interdiction d’entrée entre en vigueur le jour de sa notification. Dans chacune des sept affaires en cause, le requérant fait l’objet d’une interdiction d’entrée valable et définitive contre laquelle il ne peut pas engager de recours depuis la Belgique. Les requérants doivent tout d’abord quitter le territoire national afin d’introduire cette demande auprès du poste diplomatique ou consulaire de carrière belge dans leur pays d’origine ou de résidence, conformément à l’article 74/12 de la loi sur les étrangers (28).

34.      Toute demande de levée ou de suspension d’une interdiction d’entrée introduite dans le pays d’origine doit faire l’objet d’une décision dans les quatre mois. Si aucune décision n’est prise dans ce délai, la décision est réputée négative. Lorsqu’un ressortissant d’un pays tiers visé par une interdiction d’entrée introduit, dans son pays d’origine, une demande de visa dans le cadre d’un regroupement familial avec un ressortissant belge, il convient tout d’abord de prendre une décision sur la levée ou la suspension de l’interdiction d’entrée, avant de prendre une décision sur la demande de visa. L’article 42, paragraphe 1, de la loi sur les étrangers prévoit à cette fin un délai de six mois. Ce n’est que dans le cas où la levée ou la suspension de l’interdiction d’entrée est accordée et où un visa est délivré, ou un droit de séjour reconnu dans le cadre d’un regroupement familial, qu’il est possible de soutenir que la séparation entre les ressortissants des pays tiers et les ressortissants belges est « temporaire » ou que le délai durant lequel les Belges, en tant que citoyens de l’Union, sont obligés de facto de quitter le territoire de l’Union dans son ensemble est limité.

35.      Il ne ressort pas des décisions litigieuses que la citoyenneté de l’Union des membres belges de la famille a été prise en compte. Les décisions litigieuses ne permettent pas non plus de déterminer si le DVZ a vérifié que les interdictions d’entrée ont été imposées pour des raisons d’ordre public ou de sécurité nationale, ni s’il a tenu compte de l’intérêt supérieur des enfants concernés ou de la vie familiale au sens des articles 7 et 24 de la Charte.

36.      Dans ces circonstances, la juridiction de renvoi considère que la principale question soulevée par les demandes de regroupement familial dans les affaires en cause porte sur la relation entre les interdictions d’entrée imposées en application de la directive « retour » et la protection des droits fondamentaux, en particulier le droit au respect de la vie familiale et l’intérêt supérieur de l’enfant, ainsi qu’au respect de l’article 20 TFUE. Par conséquent, la juridiction de renvoi a posé à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      Le droit de l’Union, et plus particulièrement l’article 20 TFUE et les articles 5 et 11 de la directive [“retour”] lus en combinaison avec les articles 7 et 24 de la Charte, doit-il être interprété en ce sens qu’il s’oppose, dans certaines circonstances, à une pratique nationale en vertu de laquelle une demande de séjour dans le cadre d’un regroupement familial avec un citoyen de l’Union, introduite dans l’État membre où vit le citoyen de l’Union concerné qui n’a pas fait usage de son droit à la liberté de circulation et d’établissement et qui possède la nationalité de cet État membre (ci-après le “citoyen sédentaire de l’Union”), par un ressortissant d’un État tiers membre de la famille de ce dernier, fait l’objet d’une décision de non-prise en considération, assortie ou non de la délivrance d’une décision d’éloignement, au seul motif que le membre de famille ressortissant d’un État tiers concerné est sous le coup d’une interdiction d’entrée applicable ayant une dimension européenne ?

a)      Pour apprécier pareilles circonstances, est-il important qu’il existe, entre le citoyen sédentaire de l’Union et le membre de sa famille ressortissant d’un État tiers, une relation de dépendance qui aille au-delà d’un simple lien familial ? Dans l’affirmative, quels sont les facteurs pertinents pour établir l’existence de cette relation de dépendance ? Peut-on à cet égard utilement se référer à la jurisprudence relative à l’existence d’une vie de famille au sens de l’article 8 CEDH et de l’article 7 de la Charte ?

b)      En ce qui concerne spécifiquement les enfants mineurs, l’article 20 TFUE exige-t-il plus qu’un lien biologique entre le parent-ressortissant d’un État tiers et l’enfant-citoyen de l’Union ? La preuve d’une cohabitation est-elle importante à cet égard ou des liens affectifs et financiers, tels que des modalités d’hébergement ou de visite et le paiement d’une pension alimentaire, sont-ils suffisants ? Peut-on, à cet égard, utilement se référer à la motivation des arrêts [Ogieriakhi (29), Singh e.a. (30) et O e.a. (31). Voir également à ce sujet la demande de décision préjudicielle dans l’affaire Chavez-Vilchez e.a. (32) actuellement pendante] ?

c)      Pour apprécier pareilles circonstances, est-il important que la vie de famille soit née à un moment où le ressortissant d’un État tiers était déjà visé par une interdiction d’entrée et savait donc qu’il séjournait irrégulièrement dans l’État membre ? Cette donnée peut-elle être utilement invoquée pour s’opposer à un éventuel détournement abusif des procédures de séjour dans le cadre du regroupement familial ?

d)      Pour apprécier pareilles circonstances, est-il important qu’aucun recours juridictionnel au sens de l’article 13, paragraphe 1, de la [directive “retour”] n’ait été introduit contre la décision de délivrance d’une interdiction d’entrée ou qu’un tel recours juridictionnel ait été rejeté ?

e)      Le fait que l’interdiction d’entrée ait été imposée pour des raisons d’ordre public ou pour cause de séjour irrégulier est-il un élément pertinent ? Dans l’affirmative, faut-il également examiner si le ressortissant d’un État tiers concerné représente une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société ? Dans cette perspective, les articles 27 et 28 de la directive [2004/38], qui ont été transposés dans les articles 43 et 45 de la loi du 15 décembre 1980 sur l’accès au territoire, le séjour, l’établissement et l’éloignement des étrangers, et la jurisprudence correspondante de la Cour relative à l’ordre public peuvent-ils être appliqués par analogie aux membres de la famille de citoyens sédentaires de l’Union ? (Voir les demandes de décision préjudicielle [dans les affaires Rendón Marín et CS] actuellement pendantes (33).)

2)      Le droit de l’Union, et plus particulièrement l’article 5 de la [directive “retour”] et les articles 7 et 24 de la Charte, doit-il être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une pratique nationale en vertu de laquelle une interdiction d’entrée applicable est invoquée à l’encontre d’une demande de regroupement familial avec un citoyen sédentaire de l’Union, introduite sur le territoire d’un État membre après la délivrance de cette interdiction d’entrée, afin de refuser de prendre ladite demande en considération sans qu’il ne soit tenu compte de la vie privée et familiale ni de l’intérêt des enfants concernés mentionnés dans cette demande ?

3)      Le droit de l’Union, et plus particulièrement l’article 5 de la [directive “retour”] et les articles 7 et 24 de la Charte, doit-il être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une pratique nationale en vertu de laquelle une décision d’éloignement est prise à l’encontre d’un ressortissant d’un État tiers, déjà soumis à une interdiction d’entrée applicable, sans qu’il ne soit tenu compte de la vie privée et familiale ni de l’intérêt des enfants concernés, qui sont mentionnés dans une demande de regroupement familial avec un citoyen sédentaire de l’Union introduite après la délivrance de cette interdiction d’entrée ?

4)      L’article 11, paragraphe 3, de la [directive “retour”] implique-t-il qu’un ressortissant d’un État tiers doit, en principe, toujours introduire une demande de levée ou de suspension d’une interdiction d’entrée définitive et applicable depuis l’extérieur du territoire de l’Union européenne ou existe-t-il des circonstances dans lesquelles il peut également introduire cette demande depuis le territoire de l’Union européenne ?

a)      L’article 11, paragraphe 3, troisième et quatrième alinéas, de la [directive “retour”] doit-il être compris en ce sens que l’article 11, paragraphe 3, premier alinéa, de la même directive, qui dispose que la possibilité de lever ou de suspendre une interdiction d’entrée ne peut être examinée que si le ressortissant d’un État tiers concerné démontre qu’il a quitté le territoire en totale conformité avec une décision de retour, doit être respecté sans réserve dans chaque situation individuelle ou dans toute catégorie de situations ?

b)      Les articles 5 et 11 de la [directive “retour”] s’opposent-ils à une interprétation en vertu de laquelle une demande de séjour dans le cadre d’un regroupement familial avec un citoyen sédentaire de l’Union, qui n’a pas fait usage de son droit à la liberté de circulation et d’établissement, peut être assimilée à une demande (temporaire) implicite de levée ou de suspension de l’interdiction d’entrée définitive et applicable, [interdiction qui cependant] ressortirait ses effets s’il apparaît que les conditions de séjour ne sont pas remplies ?

c)      Est-il pertinent que l’obligation d’introduire une demande de levée ou de suspension dans le pays d’origine n’entraîne éventuellement qu’une séparation temporaire entre le ressortissant d’un État tiers et le citoyen sédentaire de l’Union ? Existe-t-il des circonstances dans lesquelles les articles 7 et 24 de la Charte s’opposent néanmoins à une séparation temporaire ?

d)      Est-il pertinent que l’obligation d’introduire une demande de levée ou de suspension dans le pays d’origine ait pour seule conséquence que le citoyen de l’Union doive, le cas échéant, seulement quitter le territoire de l’Union pour une durée limitée ? Existe-t-il des circonstances dans lesquelles l’article 20 TFUE s’oppose néanmoins à ce qu’un citoyen sédentaire de l’Union soit obligé de quitter le territoire de l’Union pour une durée limitée ? »

37.      Des observations écrites ont été présentées pour le compte de Mme K. A. et de M. M. Z., des gouvernements belge et grec ainsi que de la Commission européenne. Lors de l’audience du 28 février 2017, toutes ces parties ont présenté des observations orales, de même que Mmes M. J. et N. N. N.

 Appréciation

 Observations préliminaires

38.      Les affaires en cause présentent les points communs suivants. Elles concernent toutes : i) un citoyen de l’Union qui n’a jamais fait usage de son droit de libre circulation (à première vue, il s’agit d’une situation purement interne) ; ii) un ressortissant d’un pays tiers que le droit national reconnaît comme membre de la famille du citoyen de l’Union et qui introduit une demande de titre de séjour dans le cadre d’un regroupement familial ; et iii) une situation dans laquelle cette demande n’est pas prise en considération par le DVZ, elle est rejetée parce que le ressortissant d’un pays tiers concerné fait l’objet d’une interdiction d’entrée qui est à la fois valable et définitive et qu’elle n’a pas été introduite depuis l’extérieur du territoire de l’Union.

39.      Aucune des sept affaires ne relève du champ d’application de la directive 2004/38 puisqu’elles concernent toutes des citoyens de l’Union qui ont toujours résidé en Belgique (l’État membre dont ils possèdent la nationalité). Ces citoyens de l’Union ne répondent donc pas à la définition de « bénéficiaire » aux fins de cette directive (34). À la lumière de la présentation des circonstances factuelles par la juridiction de renvoi, j’ajoute par ailleurs que ces affaires n’entrent pas non plus dans le cadre de la directive 2003/86/CE relative au droit au regroupement familial (35). Cette directive s’applique aux regroupants ressortissants de pays tiers qui résident légalement sur le territoire de l’Union et dont des membres de la famille demandent l’entrée et le séjour dans un État membre afin de maintenir l’unité familiale. Tel n’est clairement pas le cas ici.

40.      La détermination des circonstances dans lesquelles la citoyenneté de l’Union confère des droits dérivés à des ressortissants de pays tiers et les limitations qui peuvent être apportées à ces droits a déjà donné lieu à une abondante jurisprudence de la Cour. L’arrêt rendu par cette dernière dans l’affaire Ruiz Zambrano (36) est fondamental. La Cour y a jugé que l’article 20 TFUE s’oppose à des mesures nationales ayant pour effet de priver les citoyens de l’Union de la jouissance effective de l’essentiel des droits conférés par ce statut. Ce critère a été précisé dans l’arrêt Dereci e.a., dans lequel la Cour a indiqué que ledit critère « se réfère à des situations caractérisées par la circonstance que le citoyen de l’Union se voit obligé, en fait, de quitter le territoire non seulement de l’État membre dont il est ressortissant, mais également de l’Union pris dans son ensemble » (37). Le récent arrêt Chavez-Vilchez e.a. (38) décrit l’évolution de la jurisprudence.

41.      La Cour a constaté « qu’il existe des situations très particulières dans lesquelles, en dépit du fait que le droit secondaire relatif au droit de séjour des ressortissants de pays tiers n’est pas applicable et que le citoyen de l’Union concerné n’a pas fait usage de sa liberté de circulation, un droit de séjour ne saurait, exceptionnellement, être refusé à un ressortissant d’un pays tiers, membre de la famille dudit citoyen, sous peine de méconnaître l’effet utile de la citoyenneté de l’Union dont il jouit, si, comme conséquence d’un tel refus, ce citoyen se voyait obligé, en fait, de quitter le territoire de l’Union pris dans son ensemble, en le privant ainsi de la jouissance effective de l’essentiel des droits conférés par le statut de citoyen de l’Union » (39). Dans l’affaire Ruiz Zambrano [arrêt du 8 mars 2011 (C‑34/09, EU:C:2011:124)], le parent de ressortissants belges mineurs faisait l’objet d’un ordre d’expulsion et les autorités compétentes avaient rejeté sa demande de permis de travail. La Cour a jugé que ces décisions auraient pour effet de priver les enfants de M. Ruiz Zambrano de la jouissance effective des droits découlant de l’article 20 TFUE. Les décisions en cause dans cette affaire auraient eu pour conséquence d’obliger les enfants, des citoyens de l’Union, à quitter le territoire de l’Union européenne (40).

42.      La pratique mise en œuvre dans les sept présentes affaires consistant à refuser de prendre en considération une demande de regroupement familial est-elle si étroitement liée aux droits conférés aux citoyens de l’Union par l’article 20 TFUE (lu en combinaison avec les articles 7 et 24 de la Charte) qu’elle relève du champ d’application du droit de l’Union ?

43.      La juridiction de renvoi demande expressément si la directive « retour » est applicable dans ce cadre. Si cette directive prévoit des normes et procédures communes applicables au « retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier », elle ne prévoit pas nécessairement une procédure d’examen associée et équivalente à suivre lorsqu’un ressortissant d’un pays tiers introduit une demande de regroupement familial (comme dans la procédure au principal).

44.      La juridiction de renvoi formule ses questions par référence à une interdiction d’entrée accompagnée d’une décision d’éloignement. Il ressort de la décision de renvoi que les interdictions d’entrée avaient été imposées en application de dispositions transposant la directive « retour » dans le droit belge. Cette directive établit une distinction entre « décision de retour » (article 3, point 4) et décision d’« éloignement » (article 3, point 5) (41). Il découle de la définition de l’« interdiction d’entrée » (article 3, point 6) que de telles interdictions accompagnent une décision de retour et non une décision d’éloignement (42). Dans chacune des sept affaires en cause, l’administration nationale a adopté une décision obligeant le ressortissant d’un pays tiers à quitter la Belgique. Je comprends qu’il s’agit de décisions équivalant aux décisions de retour aux fins de la directive « retour ». La juridiction de renvoi n’a pas indiqué que des mesures avaient été prises afin de mettre en œuvre une décision de retour dans un cas particulier ni qu’une décision d’éloignement avait été adoptée.

 Sur les première, deuxième et troisième questions

45.      Par sa première question, la juridiction de renvoi cherche en substance à savoir si, lorsque des ressortissants de pays tiers faisant l’objet d’une interdiction d’entrée (conformément à la directive « retour ») introduisent une demande en vue de rejoindre des membres de leur famille citoyens de l’Union dans l’État membre dont ces derniers ont la nationalité et que ces derniers n’ont jamais fait usage de leur droit à la libre circulation, le droit de l’Union s’oppose à une pratique nationale en vertu de laquelle ces demandes ne sont pas prises en considération, en particulier lorsque les autorités compétentes n’examinent pas si les circonstances relèvent de la notion de « situations très particulières » (43) définie par la jurisprudence de la Cour relative à l’article 20 TFUE. Cinq sous-questions détaillées relatives aux éléments dont il y a lieu de tenir compte pour apprécier s’il existe une relation de dépendance sont également posées (44).

46.      En résumé, la deuxième question cherche à déterminer si l’article 5 de la directive « retour » s’oppose à la pratique administrative en cause dans des situations qui ne relèvent pas du cadre de l’article 20 TFUE. La troisième question demande si, dans des situations où un ressortissant d’un pays tiers fait déjà l’objet d’une interdiction d’entrée, une telle pratique administrative est interdite si une décision d’éloignement est prise sans qu’il ne soit tenu compte de la vie familiale et de l’intérêt supérieur de l’enfant (mentionnés dans la demande de regroupement familial subséquente). Les trois questions sont étroitement liées et les questions à aborder sont très imbriquées : je les examinerai donc ensemble.

 Pratique nationale en vertu de laquelle des demandes de regroupement familial ne sont pas prises en considération et article 20 TFUE

47.      La pratique administrative en question est appliquée de la manière suivante. Lorsqu’un ressortissant d’un pays tiers, faisant l’objet d’une interdiction d’entrée d’au moins trois ans et devenue définitive, introduit, depuis la Belgique, une demande de séjour en vue d’un regroupement familial avec un citoyen de l’Union, les autorités compétentes ne prennent pas sa demande en considération. Aucune marge de manœuvre ne permet de tenir compte, dans des cas particuliers, de la vie familiale, le cas échéant, de l’intérêt supérieur de l’enfant ou du fait que le membre de la famille belge est un citoyen de l’Union.

48.      Le gouvernement belge soutient que cette pratique administrative relève de la large marge d’appréciation dont disposent les États membres et que la réponse à la première question devrait donc être négative. La Commission et les requérants qui ont présenté des observations dans la présente procédure ne partagent pas la position du Royaume de Belgique. La République hellénique considère que, sous réserve d’une appréciation des circonstances de l’affaire, les demandes dans la procédure au principal relèvent du champ d’application de l’article 20 TFUE.

49.      Je rejette également les arguments donnés par le gouvernement belge.

50.      Premièrement, il me semble que la pratique administrative est si étroitement liée au droit du citoyen de l’Union de circuler et de séjourner sur le territoire des États membres qu’elle présente un lien indissociable avec les droits garantis par l’article 20 TFUE. Une telle pratique a pour effet d’exclure automatiquement l’examen de la question de savoir si, dans un cas individuel, le ressortissant d’un pays tiers et le citoyen de l’Union concernés relèvent du concept de « situations très particulières » susceptibles de contraindre l’État membre à donner effet aux droits de ce citoyen sur le territoire de l’Union. Selon moi, cette situation risque d’entraver la jouissance effective de l’essentiel des droits conférés par le statut de citoyen de l’Union.

51.      La juridiction de renvoi souligne que, en application des dispositions nationales, les ressortissants de pays tiers concernés doivent en principe quitter la Belgique et le territoire de l’ensemble des États membres. Aucune demande de séjour ne peut être introduite depuis le territoire belge lorsqu’une interdiction d’entrée est applicable. Une demande de levée ou de suspension de l’interdiction d’entrée ne peut être introduite qu’en dehors du Royaume de Belgique et exige la preuve écrite que le demandeur a quitté cet État membre.

52.      Dans ce contexte, une pratique en vertu de laquelle des demandes de regroupement familial ne sont même pas examinées pourrait avoir des conséquences potentiellement dramatiques pour le citoyen de l’Union concerné lorsqu’il existe une relation de dépendance relevant de la notion de « situations très particulières » à laquelle il est fait référence précédemment (45). Cette position est renforcée par l’observation formulée par la juridiction de renvoi selon laquelle le ressortissant belge peut être obligé de quitter le territoire de l’Union pour accompagner le membre de sa famille lorsqu’il existe une relation de dépendance entre le citoyen de l’Union membre de la famille et le ressortissant d’un pays tiers. Cette situation aboutit à son tour à priver le citoyen de l’Union de la jouissance effective de ses droits de citoyen de l’Union européenne.

53.      Deuxièmement, dans la mesure où la pratique administrative décrite par la juridiction de renvoi relève du champ d’application du droit de l’Union, il est nécessaire de tenir compte des articles 7 et 24 de la Charte (46). Le caractère automatique de la pratique nationale en cause ne permet pas d’établir si, dans un cas individuel, les droits du citoyen de l’Union énoncés par ces dispositions sont garantis (47).

54.      Troisièmement, s’il est vrai que les États membres disposent d’une marge de manœuvre pour régler dans leur ordre juridique interne les modalités procédurales des recours et de la sauvegarde des droits que les personnes tirent du droit de l’Union, ces modalités ne doivent pas être de nature à rendre en pratique impossible ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par l’article 20 TFUE aux citoyens de l’Union (48).

55.      Lorsqu’il existe une relation de dépendance avec le ressortissant d’un pays tiers concerné, une pratique nationale telle que celle décrite dans l’ordonnance de renvoi, qui est appliquée de manière automatique et qui ne laisse pas de place pour des exceptions, est susceptible d’affecter négativement le droit du citoyen de l’Union de séjourner non seulement dans l’État membre dont il a la nationalité, mais aussi sur le territoire de l’Union européenne dans son ensemble (49).

56.      Enfin, la pratique décrite par la juridiction de renvoi crée une anomalie potentielle. La procédure de dépôt et d’examen des demandes de regroupement familial prévue par la directive 2003/86 n’est pas identique aux procédures nationales dans les affaires en cause. Cela étant dit, il est assuré au regroupant ressortissant d’un pays tiers qui séjourne légalement dans l’Union européenne un examen plus rigoureux de sa demande de regroupement familial au titre de la directive que celui accordé aux citoyens de l’Union comme ceux des sept affaires en cause.

57.      L’article 5 de la directive 2003/86 porte sur le dépôt et l’examen des demandes de regroupement familial. À la différence de la pratique administrative décrite par la juridiction de renvoi, les obligations imposées aux États membres d’examiner les demandes de regroupement familial au titre de cette directive impliquent que les autorités compétentes ne peuvent pas automatiquement refuser de prendre en considération les demandes déposées au titre de cette directive lorsque le membre de la famille ressortissant d’un pays tiers se trouve déjà dans l’État membre concerné (50). La procédure de dépôt et d’examen des demandes au titre de la directive 2003/86 semble donc placer le regroupant ressortissant d’un pays tiers (au sens de cette directive) dans une position plus favorable que celle d’un citoyen de l’Union qui se trouve dans une situation telle que celles qui sont décrites dans la décision de renvoi, et dont les droits sont consacrés par l’article 20 TFUE.

58.      C’est pourquoi je considère que la réponse à la question de principe soulevée par la juridiction de renvoi dans sa première question est que la pratique administrative en question est incompatible avec l’article 20 TFUE, lu en combinaison avec les articles 7 et 24 de la Charte.

59.      Si, contrairement à la position que je défends, la Cour considère que la pratique administrative en cause ne relève pas du champ de l’article 20 TFUE, les droits fondamentaux des personnes concernées ne resteraient pas nécessairement sans protection. La juridiction nationale devrait examiner si cette pratique est compatible avec l’article 8 de la CEDH (51). Dans ce contexte, il convient de respecter le principe de proportionnalité (52). Il est donc peu probable qu’il puisse être considéré qu’une pratique administrative appliquée automatiquement pour rejeter des demandes de permis de séjour en vue du regroupement familial sans examen au fond tient compte des critères à apprécier pour déterminer si le droit à la vie familiale est assuré (53).

 La relation de dépendance aux fins de l’article 20 TFUE

60.      Les sous-questions détaillées qui suivent sont posées en vue de déterminer les facteurs qui doivent être pris en compte lors de toute appréciation relative à la relation de dépendance aux fins de l’article 20 TFUE, interprété à la lumière de l’article 7 de la Charte (54). Quels sont les facteurs pertinents à prendre en considération en ce qui concerne la vie familiale et les enfants mineurs [question 1, sous a) et b)] ? Les facteurs suivants sont-ils pertinents aux fins de cette appréciation : la question de savoir s’il existe un risque de détournement abusif de procédure, c’est-à-dire si la vie familiale est née à un moment où le ressortissant d’un État tiers était déjà visé par une interdiction d’entrée, et celles de savoir si des actions ont été entreprises pour contester l’interdiction d’entrée avant que celle-ci ne devienne définitive et si l’interdiction en question a été imposée pour des raisons d’ordre public ou pour cause de séjour irrégulier [question 1, sous c), d) et e)] ?

61.      L’article 7 de la Charte doit être interprété à la lumière de l’article 8 de la CEDH (55). La Cour européenne des droits de l’homme (ci-après la « Cour EDH ») a jugé que l’article 8 tend pour l’essentiel à protéger l’individu des actions arbitraires des autorités publiques, même si cette disposition ne comporte pas l’obligation générale pour un État d’autoriser le regroupement familial (56). L’appréciation aux fins de l’article 8 de la CEDH implique une mise en balance des intérêts antagonistes de l’individu concerné et de l’État. Il convient d’examiner les conséquences de la rupture de l’unité familiale qu’entraînerait l’expulsion du membre de la famille ressortissant d’un pays tiers. Ce faisant, il convient de tenir compte de la longueur de la période durant laquelle l’État concerné a toléré la présence de cette personne sur son territoire : les époux (ou cohabitants) ont-ils un passé commun, le ressortissant du pays tiers prend-il soin des enfants au quotidien, qui assure les responsabilités financières et quels sont les liens affectifs au sein de la famille (57).

62.      Par ailleurs, la Cour a déjà jugé que le seul fait qu’il pourrait paraître souhaitable à un ressortissant d’un État membre, pour des raisons d’ordre économique ou afin de maintenir l’unité familiale sur le territoire de l’Union, que des membres de sa famille, qui ne disposent pas de la nationalité d’un État membre, puissent séjourner avec lui sur le territoire de l’Union ne suffit pas en soi pour considérer que le citoyen de l’Union serait contraint de quitter le territoire de l’Union si un tel droit n’est pas accordé (58).

63.      La CEDH ne comporte pas d’article correspondant à l’article 24 de la Charte. Bien que cette dernière ne définisse pas le terme « enfant », il semble acquis que les descendants de M. R. I., Mme M. J., Mme N. N. N. et M. O. I. O. sont des enfants au sens de cette disposition. Il convient d’examiner si le maintien de la relation avec le parent relève de l’intérêt supérieur de chacun des enfants. Le statut de citoyen de l’Union d’un enfant et les droits de séjour qui en découlent ne garantissent pas en soi un droit de séjour à ses parents. Les facteurs pertinents incluent la question de la garde de l’enfant et celle de savoir si l’enfant est juridiquement, financièrement ou affectivement dépendant du parent ressortissant d’un pays tiers (59).

64.      Pour répondre à la question de la juridiction de renvoi portant sur le point de savoir si la jurisprudence de la Cour relative à la directive 2004/38 devrait s’appliquer, il me semble que, étant donné que les situations relevant de cette directive relèvent également du droit de l’Union, il pourrait être possible d’extrapoler certains principes, en particulier ceux qui portent sur la mise en œuvre de la Charte, qui pourraient être appliqués par analogie. Toutefois, les critères particuliers envisagés dans le cadre de cette directive ne peuvent pas être transposés à une appréciation fondée sur l’article 20 TFUE. Les conditions qui s’appliquent lorsqu’un citoyen de l’Union souhaite obtenir un droit de séjour dans un autre État membre pour une période supérieure à trois mois, en vertu de l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2004/38, et le droit de séjour dérivé qui peut s’étendre aux ressortissants de pays tiers membres de la famille de ce citoyen de l’Union en application de l’article 7, paragraphe 2, de cette même directive ne sont pas directement pertinents pour une appréciation aux fins de l’article 20 TFUE (60).

65.      Selon moi, la circonstance que la vie familiale soit née à un moment où le ressortissant d’un pays tiers faisait déjà l’objet d’une interdiction d’entrée ne constitue pas automatiquement un facteur pertinent. Il est certes vrai que le champ d’application du droit de l’Union ne peut pas être étendu pour couvrir des abus. Mais il est également exact que, dans le cadre de l’appréciation qui doit être effectuée au titre de l’article 20 TFUE, il n’y a pas de place pour une présomption générale d’abus lorsqu’un lien familial se crée à un moment où le ressortissant d’un pays tiers se trouve en séjour illégal. Il ne devrait pas être considéré ipso facto que la personne concernée a créé le lien familial afin de rester sur le territoire de l’Union. La preuve d’un tel abus nécessite, d’une part, un ensemble de circonstances objectives d’où il résulte que, malgré un respect formel des conditions prévues par la réglementation de l’Union, l’objectif poursuivi par cette réglementation n’a pas été atteint et, d’autre part, un élément subjectif consistant en la volonté d’obtenir un avantage résultant de la réglementation de l’Union en créant artificiellement les conditions requises pour son obtention (61). De plus, s’il est vrai que la Cour EDH a décrit la situation du ressortissant d’un pays tiers concerné devenant parent au cours de la période où son statut en matière d’immigration était précaire comme un élément important, elle a apprécié cet élément en lien avec d’autres éléments de l’affaire (62). Devenir parent d’un enfant au cours d’une telle période d’incertitude n’est pas nécessairement considéré comme une tentative d’abuser des règles en matière d’immigration (63).

66.      J’ai déjà indiqué que je considère que l’adoption d’une décision de retour assortie d’une interdiction d’entrée ne devrait jouer aucun rôle dans l’appréciation de l’existence de « situations très particulières » qui créent une relation de dépendance aux fins de l’article 20 TFUE (64). Il n’est donc pas nécessaire d’examiner si un ressortissant d’un pays tiers a formé un appel ou demandé le contrôle d’une telle décision. De même, il n’y a pas lieu, dans ce contexte, d’examiner si l’interdiction d’entrée a été imposée pour des raisons d’ordre public ou seulement en raison d’un séjour irrégulier. Sur ce dernier point, il convient d’observer que, en vertu de la directive « retour », les interdictions d’entrée n’existent pas indépendamment de la décision de retour (65). Les motifs d’ordre public ne peuvent être invoqués qu’à l’égard de cette dernière. Il n’existe pas de base permettant d’imposer une interdiction d’entrée sur de tels motifs (66).

67.      En revanche, si l’examen des circonstances de fait d’une affaire particulière démontre que cette dernière ne relève pas de la notion de « situations très particulières », cette affaire ne relève pas du droit de l’Union en ce qui concerne les droits des citoyens de l’Union concernés. Dans ce cas, les autorités compétentes seraient néanmoins tenues de procéder à un examen sur la base de l’article 8 de la CEDH, puisque tous les États membres ont signé cette convention (67).

 La directive « retour »

68.      La juridiction de renvoi souhaite également savoir si l’article 5 de la directive « retour », lu à la lumière des articles 7 et 24 de la Charte, s’oppose à la pratique administrative en cause dans la mesure où les sept affaires ne relèvent pas du champ d’application de l’article 20 TFUE (deuxième question).

69.      Le gouvernement belge soutient que la pratique administrative décrite par la juridiction nationale dans l’ordonnance de renvoi est conforme à la directive « retour ». Cette pratique tend à assurer que les décisions de retour sont véritablement définitives et qu’elles ne puissent pas être rouvertes par un procédé détourné permettant aux ressortissants de pays tiers faisant l’objet d’une interdiction d’entrée applicable d’introduire des demandes de regroupement familial. Cela serait incompatible avec une politique d’éloignement effective et se ferait au détriment d’autres ressortissants de pays tiers qui se conforment aux décisions de retour.

70.      Je ne partage pas l’analyse du gouvernement belge.

71.      La directive « retour » ne régit pas le droit des citoyens de l’Union de circuler et de séjourner librement sur le territoire de l’Union européenne. Cette directive prévoit les règles applicables aux ressortissants de pays tiers qui ne remplissent pas ou ne remplissent plus les conditions d’entrée, de séjour ou de résidence dans un État membre (68). En principe, la directive « retour » n’a pas d’incidence sur la question de savoir si un ressortissant d’un pays tiers bénéficie de droits dérivés en vertu de l’article 20 TFUE lui permettant de résider avec un citoyen de l’Union sur le territoire d’un État membre. Cette appréciation est réalisée au travers du prisme des droits dont jouit le citoyen de l’Union, une matière que la directive « retour » n’entend pas régir. Cette directive constitue encore moins un fondement pour une politique nationale consistant à refuser automatiquement d’examiner les demandes de regroupement familial.

72.      L’appréciation effectuée aux fins de l’article 5 de la directive « retour » n’est pas nécessairement la même que celle qui est exigée pour évaluer une demande de regroupement familial fondée sur l’article 20 TFUE. L’article 5 de la directive « retour » fait référence à la nécessité de tenir compte de l’intérêt supérieur de l’enfant et de la vie familiale dans la mise en œuvre de la directive (69). Dans le cadre de la directive « retour », les mineurs non accompagnés sont reconnus comme un groupe particulièrement vulnérable lorsqu’ils doivent retourner dans leur pays d’origine (70). Dans de telles situations, il conviendrait dès lors de tenir compte de l’intérêt supérieur de l’enfant et de ne prendre une décision de retour qu’après l’avoir examiné (71). En ce qui concerne la vie familiale, l’économie de la directive indique que les États membres devraient tenir compte de cet élément lorsqu’ils effectuent une analyse au cas par cas des circonstances liées à la personne (72).

73.      La question de savoir si les autorités compétentes ont tenu compte de l’intérêt supérieur de l’enfant et de la vie familiale conformément à l’article 5, sous a) et b), de la directive « retour » ne couvre pas nécessairement les éléments dont il faut tenir compte dans le cadre d’une demande de regroupement familial (73). En outre, lorsque les interdictions d’entrée ont été imposées dans les affaires au principal, il n’était pas possible de procéder à cette appréciation puisque les demandes de regroupement familial sont ultérieures aux décisions de retour et aux interdictions d’entrée qui les accompagnent.

74.      La juridiction de renvoi demande également des orientations sur la question de la compatibilité de la pratique administrative en cause avec le droit de l’Union dans des affaires où une décision d’éloignement a été adoptée (troisième question). Rien dans la relation des faits figurant dans l’ordonnance de renvoi ne permet toutefois de considérer qu’une telle décision aurait été prise à l’encontre de l’un des requérants. Il ne semble donc pas nécessaire de répondre à cette question. J’ajouterai, pour le bon ordre, que, compte tenu de la confusion dans l’utilisation des termes « décision d’éloignement » comme synonymes de « décision de retour », il se peut que la juridiction de renvoi fasse référence au fait que dans tous les cas, à l’exception de celui de M. R. I., le ressortissant d’un pays tiers concerné fait l’objet de plus d’une décision de retour. Lorsqu’ils mettent en œuvre la directive « retour », les États membres doivent tenir compte de l’article 5 (74) de cette directive. Aucune exception à ces obligations n’est prévue pour les situations où un individu fait l’objet de décisions de retour successives. Il faut donc tenir compte des obligations visées à l’article 5, sous a) et b), de ladite directive dans le cadre de telles décisions.

75.      Bien que les demandes de regroupement familial et les décisions de retour constituent des procédures distinctes, il se peut que les questions qu’elles soulèvent se recouvrent partiellement. Il n’en résulte toutefois pas que les premières constituent un « appel » ou un mécanisme permettant de rouvrir la procédure de retour. Le critère concernant les « situations très particulières » qui doit être rempli pour conférer des droits de séjour dérivés à un ressortissant de pays tiers en vertu de l’article 20 TFUE est exigeant. Compte tenu de ces circonstances, je ne saurais admettre que le simple examen de ces demandes porte atteinte aux procédures prévues par la directive « retour ».

 Les affaires en cause

76.      Si la Cour s’accorde à considérer avec moi que ces sept affaires relèvent du champ d’application de l’article 20 TFUE et que les règles de la directive « retour » ne devraient pas empiéter sur l’appréciation au fond, il appartiendra aux autorités compétentes de déterminer dans chaque cas s’il existe dans les faits une relation de dépendance entre le citoyen de l’Union et le membre de la famille ressortissant d’un pays tiers (75). Pour chacun des requérants, l’appréciation doit tenir compte des articles 7 et 24 de la Charte.

77.      En ce qui concerne M. R. I., Mmes M. J. et N. N. N. et M. O. I. O., qui sont tous parent d’un enfant mineur citoyen de l’Union, il est, entre autres, important de tenir compte du fait que l’enfant a un parent citoyen de l’Union et de rechercher lequel des parents en a la garde (ou si les deux l’ont) et si l’enfant dépend juridiquement, financièrement ou affectivement du parent ressortissant d’un pays tiers (76).

78.      La situation de M. O. I. O. est particulière dans la mesure où la juridiction nationale indique dans l’ordonnance de renvoi que la mère belge de son enfant en a la garde exclusive, qu’elle ne dépend pas financièrement de lui et que ses contacts avec sa fille ont été suspendus par une décision de justice. Ces éléments indiquent qu’il pourrait être considéré qu’il n’a pas la garde principale ou effective de l’enfant et qu’il n’existe pas de relation de dépendance.

79.      En ce qui concerne Mme K. A. et M. M. Z., qui sont les descendants majeurs d’un père belge, les autorités compétentes devraient tenir compte du fait que la volonté d’opérer un regroupement familial en Belgique est, en soi, insuffisante (77). Le fait que le citoyen de l’Union apporte une aide financière à un descendant majeur ressortissant d’un pays tiers (voir le cas de M. M. Z.) ne constitue pas un élément pertinent pour déterminer s’il existe une relation de dépendance. La Cour a au contraire considéré « que c’est la relation de dépendance entre le citoyen de l’Union […] et le ressortissant d’un pays tiers auquel un droit de séjour est refusé qui est susceptible de mettre en cause l’effet utile de la citoyenneté de l’Union, dès lors que c’est cette dépendance qui aboutirait à ce que le citoyen de l’Union se voie dans l’obligation, en fait, de quitter non seulement le territoire de l’État membre dont il est ressortissant, mais également celui de l’Union pris dans son ensemble, comme conséquence d’une telle décision de refus » (78). Dans le cas de descendants majeurs d’un parent citoyen de l’Union, ce pourrait, notamment, être le cas lorsqu’un parent âgé ou infirme a besoin de la présence de son descendant majeur ressortissant d’un pays tiers et serait obligé de quitter l’Union européenne si ce dernier était expulsé de l’État membre concerné.

80.      De même, il conviendrait d’effectuer une appréciation tenant compte de cet élément essentiel à propos de M. B. A. L’absence de relation biologique entre celui-ci et son cohabitant ne me semble pas constituer un facteur pertinent puisque M. B. A. est réputé être un membre de la famille en application du droit national (79).

81.      Je conclus par conséquent que le droit de l’Union, en particulier l’article 20 TFUE, lu en combinaison avec les articles 7 et 24 de la Charte, s’oppose à une pratique nationale en vertu de laquelle les autorités compétentes d’un État membre refusent automatiquement de prendre en considération les demandes de séjour sur leur territoire introduites par un ressortissant d’un pays tiers, qui fait l’objet d’une décision de retour assortie d’une interdiction d’entrée, en vue de rejoindre un membre de la famille citoyen de l’Union résidant dans l’État membre dont il a la nationalité et qui n’a jamais fait usage de son droit à la libre circulation. La directive « retour » ne fournit aucune base justifiant une telle pratique. Il y a au contraire lieu d’apprécier les circonstances individuelles de l’affaire en cause avant que les autorités nationales ne prennent une décision sur la demande de regroupement familial.

 Sur la quatrième question

82.      La juridiction de renvoi demande une clarification de l’interprétation de l’article 11, paragraphe 3, de la directive « retour » concernant la levée ou la suspension d’une interdiction d’entrée. Quatre questions spécifiques sont posées. Elles portent sur des sujets incluant l’interprétation des troisième et quatrième alinéas de l’article 11, paragraphe 3 (80), et sur la compatibilité avec le droit de l’Union des dispositions nationales en cause, en particulier celles concernant la levée ou la suspension d’une interdiction d’entrée (81).

83.      Je commencerai par quelques remarques générales à propos des interdictions d’entrée qui font l’objet de la quatrième question. Conformément aux règles nationales, une interdiction d’entrée est applicable à partir du jour où elle est notifiée et non à compter de la date à laquelle le ressortissant d’un pays tiers quitte le territoire du Royaume de Belgique. La Cour a toutefois jugé que ces interdictions sont censées compléter des décisions de retour (82). Elle a également indiqué que la période d’interdiction d’entrée commence à courir à partir de la date à laquelle l’intéressé a effectivement quitté le territoire de l’Union (83). Le séjour irrégulier du ressortissant de pays tiers concerné relève de la décision de retour plutôt que de l’interdiction d’entrée. Les dispositions nationales décrites dans l’ordonnance de renvoi ne semblent pas refléter le libellé, la finalité et l’économie de la directive « retour » à cet égard.

84.      Ensuite, comme je suis d’avis que l’article 20 TFUE s’oppose à la pratique administrative en cause, il en découle que je considère que les règles relatives aux interdictions d’entrée ne sont pas pertinentes pour l’appréciation qu’il convient d’effectuer aux fins de cette disposition, puisque les demandes de regroupement familial doivent faire l’objet d’un examen au fond. Donc, si les autorités compétentes déterminaient dans un cas individuel qu’il convient d’accueillir la demande, il en résulterait que le séjour du demandeur sur le territoire national serait régulier et, en vertu de l’article 2, paragraphe 1, de la directive « retour », que cette directive ne peut plus lui être appliquée, puisque son séjour ne serait plus considéré comme irrégulier au sens de l’article 3, point 2, de ladite directive (84).

85.      À l’inverse, si ces autorités constatent que la demande ne peut pas être acceptée, la présence du demandeur sur le territoire national continuera à relever de la définition de « séjour irrégulier » et celui-ci sera soumis à la décision de retour assortie de l’interdiction d’entrée. Il appartiendra alors aux autorités compétentes pertinentes de mettre en œuvre cette décision conformément à la directive « retour », en adoptant les mesures nécessaires, telles qu’une décision d’éloignement en vertu de l’article 8 de cette directive. Une telle décision fera bien évidemment l’objet des garanties procédurales du chapitre III de la directive « retour ».

86.      Dans la mesure où aucune décision sur le fond n’a encore été prise dans les affaires au principal, il n’est pas à proprement parler nécessaire d’interpréter l’article 11, paragraphe 3, de la directive « retour » pour résoudre ces affaires. Il se peut que cette disposition soit pertinente dans une phase ultérieure, mais cela dépend du résultat de l’examen au fond de chacune des affaires par les autorités compétentes. C’est pourquoi je propose à la Cour de ne pas répondre à la quatrième question.

 Conclusion

87.      À la lumière de l’exposé qui précède, je propose que la Cour réponde aux questions préjudicielles dont elle est saisie par le Raad voor Vreemdelingenbetwistingen (Conseil du contentieux des étrangers, Belgique) de la manière suivante :

–        Le droit de l’Union, et plus particulièrement l’article 20 TFUE lu en combinaison avec les articles 7 et 24 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, s’oppose à une pratique nationale en vertu de laquelle les autorités compétentes d’un État membre refusent automatiquement de prendre en considération les demandes de séjour sur le territoire national introduites par un ressortissant d’un pays tiers faisant l’objet d’une décision de retour assortie d’une interdiction d’entrée, en vue de rejoindre un membre de la famille citoyen de l’Union qui réside dans l’État membre dont il a la nationalité et qui n’a jamais fait usage de son droit à la liberté de circulation.

–        La directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2008, relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ne fournit pas de base pour justifier une telle pratique.

–        Au contraire, dans un tel cas, il convient que les autorités nationales apprécient les circonstances particulières de l’affaire en cause avant de prendre une décision sur la demande de regroupement familial.


1      Langue originale : l’anglais.


2      JO 2010, C 83, p. 389 (ci-après la « Charte »).


3      Directive du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 (JO 2008, L 348, p. 98, ci-après la « directive “retour” »). J’ai employé l’expression « territoire des États membres » puisqu’il s’agit de l’expression qu’utilise la directive « retour » pour définir son champ d’application territorial. Cette directive ne s’applique pas à l’Irlande ni au Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord. Elle s’applique en revanche au Royaume de Danemark ainsi qu’à la République d’Islande, à la Principauté de Liechtenstein, au Royaume de Norvège et à la Confédération suisse. Il convient d’interpréter en ce sens les références au « territoire des États membres » dans le contexte de la directive « retour ».


4      L’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la « CEDH »), correspond au droit inscrit à l’article 7 de la Charte.


5      L’article 52, paragraphe 7, de la Charte prévoit que les explications élaborées en vue de guider l’interprétation de la Charte doivent être dûment prises en considération par les juridictions de l’Union et des États membres [Explications relatives à la Charte des droits fondamentaux (JO 2007, C 303, p. 17)].


6      Directive du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, modifiant le règlement (CEE) no 1612/68 et abrogeant les directives 64/221/CEE, 68/360/CEE, 72/194/CEE, 73/148/CEE, 75/34/CEE, 75/35/CEE, 90/364/CEE, 90/365/CEE et 93/96/CEE (JO 2004, L 158, p. 77).


7      Voir article 1er, ces personnes sont les bénéficiaires aux fins de la directive 2004/38, comme le prévoit l’article 3, paragraphe 1.


8      Considérant 5 de la directive « retour ».


9      Considérant 6 de la directive « retour ».


10      Considérant 22 de la directive « retour ».


11      Considérant 24 de la directive « retour ».


12      Les ressortissants de pays tiers membres de la famille d’un citoyen de l’Union exerçant son droit à la libre circulation (voir point 6 des présentes conclusions) ou les ressortissants de pays tiers (et les membres de leur famille) qui jouissent de droits en matière de libre circulation équivalents à ceux des citoyens de l’Union en vertu d’accords conclus entre l’Union européenne et ses États membres, d’une part, et ces pays tiers, d’autre part, sont exclus du champ d’application de la directive « retour », conformément à l’article 2, point 5, du règlement (CE) no 562/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 15 mars 2006, établissant un code communautaire relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen) (JO 2006, L 105, p. 1). Ce règlement a été abrogé et remplacé à partir du 11 avril 2016 par le règlement (UE) 2016/399 du Parlement européen et du Conseil, du 9 mars 2016, concernant un code de l’Union relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (JO 2016, L 77, p. 1). Le contenu de l’article 2, point 5, de ce règlement est resté le même.


13      Les conditions d’entrée pour les ressortissants de pays tiers pour des séjour prévus sur le territoire de l’Union d’une durée n’excédant pas 90 jours sur toute période de 180 jours figurent à l’article 5 du code frontières Schengen (désormais article 6 du règlement 2016/399). Ces conditions sont en substance les suivantes : la personne concernée est en possession d’un document de voyage en cours de validité et d’un visa ; elle peut justifier l’objet et les conditions du séjour prévu ; elle n’a pas été signalée dans le système d’information Schengen, et elle n’est pas considérée comme étant une menace pour l’ordre public, la sécurité intérieure, la santé publique ou les relations internationales de l’un des États membres.


14      Cette obligation connaît les exceptions suivantes. Les États membres peuvent s’abstenir de prendre une décision de retour lorsque le ressortissant d’un pays tiers : est titulaire d’un titre de séjour valable délivré par un autre État membre (article 6, paragraphe 2, de la directive « retour ») ; est repris par un autre État membre en vertu d’accords ou d’arrangements bilatéraux existant à la date d’entrée en vigueur de la directive « retour » (article 6, paragraphe 3) ; se voit accorder un titre de séjour pour des raisons humanitaires (article 6, paragraphe 4) ; ou fait l’objet d’une procédure en cours portant sur le renouvellement de son titre de séjour ou d’une autre autorisation lui conférant un droit de séjour (article 6, paragraphe 5).


15      J’aimerais formuler trois remarques linguistiques à propos du texte des présentes conclusions. Premièrement, je ferai simplement référence au « regroupement familial » pour désigner les demandes introduites par les sept ressortissants de pays tiers dans la procédure au principal. Deuxièmement, la juridiction de renvoi utilise l’expression « citoyen sédentaire de l’Union » pour décrire la situation des membres de la famille de nationalité belge dans les affaires en cause. Troisièmement, dans certaines des affaires dans la procédure au principal, les autorités compétentes n’ont pas accordé de délai de départ volontaire au ressortissant de pays tiers concerné. Ces décisions étaient fondées, entre autres, sur le fait que la personne concernée constituait un danger pour l’ordre public (article 7, paragraphe 4, de la directive « retour »). J’ai déjà indiqué que la notion de « public policy » utilisée dans la version en langue anglaise de la directive est plus pertinemment décrite par « public order ». La version en langue française et les autres versions linguistiques utilisent les termes « ordre public ». Voir mes conclusions dans l’affaire Ouhrami (C‑225/16, EU:C:2017:398, point 69 et note en bas de page 59).


16      Selon les explications figurant dans la décision de renvoi, les sept requérants sont tous considérés comme des membres de la famille de citoyens de l’Union en vertu du droit national. Voir point 16 des présentes conclusions.


17      L’ordre de quitter le territoire et l’interdiction d’entrée d’une durée de cinq ans sont fondés sur le fait que, au moment de sa première demande d’admission en Belgique, M. R. I. a frauduleusement mentionné une fausse date de naissance et a déclaré être un mineur non accompagné alors qu’il était en réalité majeur.


18      L’ordre de quitter le territoire n’a pas été assorti d’un délai pour départ volontaire. Il a été assorti d’une interdiction d’entrée de trois ans. Ces décisions étaient motivées par le fait que Mme M. J. ne s’était pas conformée à un ordre de quitter le territoire antérieur, qu’un procès-verbal pour coups et blessures avait été établi à son égard et qu’il existait un risque qu’elle prenne la fuite. Mme M. J. était donc décrite comme constituant une menace pour l’ordre public.


19      L’ordre de quitter le territoire assorti d’une interdiction d’entrée de trois ans a été décidé au motif que Mme N. N. N. ne s’était pas conformée à un ordre précédent de quitter le territoire.


20      L’ordre de quitter le territoire ne prévoyait pas de délai pour départ volontaire. Il a été assorti d’une interdiction d’entrée de huit ans. Les motifs à la base de ces décisions étaient que M. O. I. O. ne s’était pas conformé à de précédents ordres de quitter le territoire. Il a été considéré qu’il constituait une menace sérieuse pour l’ordre public compte tenu de ce qu’il avait été condamné pour des infractions pénales graves, comme le démontrent ses condamnations à des peines de prison pour violences conjugales.


21      L’ordre de quitter le territoire ne prévoyait pas de délai pour départ volontaire. Il a été assorti d’une interdiction d’entrée de trois ans. Ces décisions se fondaient sur le fait que Mme K. A. ne s’était pas conformée à un ordre précédent de quitter le territoire et qu’elle était considérée comme une menace pour l’ordre public, parce qu’elle avait été arrêtée pour vol à l’étalage. Ses fils sont également visés par l’ordre de quitter le territoire assorti de l’interdiction d’entrée qui l’accompagne.


22      L’ordre de quitter le territoire ne prévoyait pas de délai pour départ volontaire et était assorti d’une interdiction d’entrée de trois ans. Ces décisions étaient fondées sur le fait que M. M. Z. ne s’était pas conformé à un ordre précédent de quitter le territoire et qu’il était considéré comme une menace pour l’ordre public, un procès-verbal pour vol avec effraction dans un garage ayant été établi à son égard.


23      M. B.A. et son cohabitant ont formalisé leur relation en concluant devant notaire un contrat de vie commune. L’ordre de quitter le territoire assorti de l’interdiction d’entrée de trois ans est motivé par le fait qu’il n’avait pas satisfait à une précédente obligation de retour.


24      Dans les sept affaires, les demandes de titres de séjour en vue du regroupement familial ont été introduites après la date des ordres d’expulsion.


25      Voir points 18 à 20 des présentes conclusions.


26      L’article 11, paragraphe 3, de la directive « retour » utilise les termes « lever ou […] suspendre une interdiction d’entrée ». Je comprends que les termes « opheffing of opschorting » qu’utilise la juridiction de renvoi dans la question préjudicielle font référence à la levée ou à la suspension (« intrekking of schorsing ») d’une interdiction d’entrée visée dans cette disposition de la directive.


27      Arrêt du 8 mars 2011, Ruiz Zambrano (C‑34/09, EU:C:2011:124).


28      La juridiction de renvoi indique que cette règle générale connaît deux exceptions. La première exception concerne des raisons médicales, la seconde a trait aux demandes de protection internationale.


29      Arrêt du 10 juillet 2014, Ogieriakhi (C‑244/13, EU:C:2014:2068, points 38 et 39).


30      Arrêt du 16 juillet 2015, Singh e.a. (C‑218/14, EU:C:2015:476, point 54).


31      Arrêt du 6 décembre 2012, O e.a. (C‑356/11 et C‑357/11, EU:C:2012:776, point 56).


32      Arrêt du 10 mai 2017, Chavez-Vilchez e.a. (C‑133/15, EU:C:2017:354). Cette dernière affaire était pendante au moment où la juridiction a rendu l’ordonnance de renvoi.


33      Arrêts du 13 septembre 2016, Rendón Marín (C‑165/14, EU:C:2016:675) et CS (C‑304/14, EU:C:2016:674). Ces affaires étaient pendantes au moment où la juridiction a rendu l’ordonnance de renvoi.


34      Voir point 6 des présentes conclusions et voir également arrêt du 15 novembre 2011, Dereci e.a. (C‑256/11, EU:C:2011:734, points 50 et 52 à 54).


35      Directive du Conseil du 22 septembre 2003 (JO 2003, L 251, p. 12). Cette directive s’applique aux regroupants, c’est-à-dire aux ressortissants de pays tiers qui résident légalement dans un État membre et qui demandent le regroupement familial, ou dont des membres de la famille demandent à le rejoindre. Les membres de la famille d’un citoyen de l’Union sont explicitement exclus du champ d’application de ladite directive (article 3, paragraphe 3). L’article 5 régit le dépôt et l’examen des demandes relevant du champ d’application de la directive 2003/86, voir point 56 des présentes conclusions.


36      Arrêt du 8 mars 2011 (C‑34/09, EU:C:2011:124, points 41 à 43).


37      Arrêt du 15 novembre 2011 (C‑256/11, EU:C:2011:734, point 66). La référence au territoire de l’Union pris dans son ensemble dans le contexte de l’article 20 TFUE renvoie à l’ensemble des 28 États membres (voir note 3 des présentes conclusions).


38      Arrêt du 10 mai 2017 (C‑133/15, EU:C:2017:354, points 60 à 65).


39      Arrêt du 10 octobre 2013, Alokpa et Moudoulou (C‑86/12, EU:C:2013:645, point 32 et jurisprudence citée).


40      Voir plus récemment les arrêts du 13 septembre 2016, Rendón Marín (C‑165/14, EU:C:2016:675, point 74), et CS (C‑304/14, EU:C:2016:674, point 29).


41      Arrêt du 26 juillet 2017, Ouhrami (C‑225/16, EU:C:2017:590, point 47).


42      Voir points 10, 12 et 14 des présentes conclusions. Les décisions de retour ne sont pas nécessairement toujours assorties d’une interdiction d’entrée. L’article 6, paragraphe 6, permet aux États membres d’adopter une décision de retour en même temps qu’une interdiction d’entrée, mais il ressort clairement de l’économie générale de la directive qu’il s’agit de deux décisions distinctes. Une décision de retour découle du fait que le séjour initial est illégal tandis que l’interdiction d’entrée s’applique à tout séjour ultérieur qu’il rend illégal. Voir article 11, paragraphe 1, de la directive « retour », voir également arrêt du 26 juillet 2017, Ouhrami (C‑225/16, EU:C:2017:590, point 50).


43      Arrêt du 10 mai 2017, Chavez-Vilchez e.a. (C‑133/15, EU:C:2017:354, point 63).


44      Voir point 60 des présentes conclusions.


45      Voir points 40 et 41 des présentes conclusions.


46      Article 51, paragraphe 1, de la Charte. Voir également arrêt du 8 novembre 2012, Iida (C‑40/11, EU:C:2012:691, point 78).


47      Voir points 2 et 3 des présentes conclusions.


48      Voir, par analogie, arrêt du 29 avril 2004, Orfanopoulos et Oliveri (C‑482/01 et C‑493/01, EU:C:2004:262, point 80).


49      Voir également point 33 des présentes conclusions.


50      Conformément à l’article 5, paragraphe 3, de la directive 2003/86, la règle générale prévoit que ces demandes devraient être introduites et examinées alors que les membres de la famille résident à l’extérieur du territoire de l’État membre dans lequel le regroupant réside. Toutefois, « par dérogation, un État membre peut accepter, dans des cas appropriés, qu’une demande soit introduite alors que les membres de la famille se trouvent déjà sur son territoire ».


51      Tous les États membres sont parties à la CEDH, laquelle consacre, à son article 8, le droit au respect de la vie privée et familiale. Cette disposition serait pertinente pour tout élément de ces sept affaires qui serait réputé ne pas relever du champ d’application du droit de l’Union. Voir arrêt du 25 juillet 2008, Metock e.a. (C‑127/08, EU:C:2008:449, point 79).


52      Voir, notamment, Cour EDH du 3 novembre 2011,Arvelo Aponte c. Pays-Bas (CE:ECHR:2011:1103JUD002877005, § 57 et 58).


53      Voir, par analogie, arrêt du 29 avril 2004, Orfanopoulos et Oliveri (C‑482/01 et C‑493/01, EU:C:2004:262, point 99).


54      Voir point 45 des présentes conclusions.


55      L’explication relative à l’article 7 de la Charte indique que les droits que cet article garantit correspondent à ceux qui sont garantis par l’article 8 de la CEDH qui prévoit que toute personne a droit au respect, entre autres, de sa vie familiale (article 8, paragraphe 1). Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit « que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui » (article 8, paragraphe 2).


56      Cour EDH du 3 octobre 2014, Jeunesse c. Pays-Bas (CE:ECHR:2014:1003JUD001273810, § 106 à 109).


57      Cour EDH du 3 octobre 2014, Jeunesse c. Pays-Bas (CE:ECHR:2014:1003JUD001273810, § 115 à 121).


58      Arrêt du 15 novembre 2011, Dereci e.a. (C‑256/11, EU:C:2011:734, point 68).


59      Arrêt du 10 mai 2017, Chavez-Vilchez e.a. (C‑133/15, EU:C:2017:354, points 68 à 70).


60      Dans son arrêt du 10 juillet 2014, Ogieriakhi (C‑244/13, EU:C:2014:2068), la Cour a fait référence en particulier à l’article 7, paragraphe 2, et à l’article 16, paragraphe 1, de la directive 2004/38. Cette dernière disposition confère un droit de séjour permanent aux citoyens de l’Union qui séjournent dans l’État membre d’accueil pendant une période ininterrompue de cinq ans et qui y bénéficient d’un droit de séjour permanent. Conformément à l’article 16, paragraphe 2, de cette directive, les membres de la famille ressortissants de pays tiers qui ont séjourné légalement avec ce citoyen de l’Union dans l’État membre d’accueil pendant cette même période peuvent également invoquer un droit de séjour permanent. Voir également arrêt du 16 juillet 2015, Singh e.a. (C‑218/14, EU:C:2015:476, points 56 à 59) et point 6 des présentes conclusions.


61      Arrêt du 12 mars 2014, O. et B. (C‑456/12, EU:C:2014:135, point 58 et jurisprudence citée).


62      Voir point 61 des présentes conclusions.


63      Voir, notamment, Cour EDH du 3 novembre 2011, Arvelo Aponte c. Pays-Bas (CE:ECHR:2011:1103JUD002877005, § 60).


64      Voir point 40 des présentes conclusions.


65      Voir article 11, paragraphe 1, de la directive « retour » et point 44 ainsi que note 42 des présentes conclusions.


66      Une interdiction d’entrée peut dépasser cinq ans si le ressortissant d’un pays tiers constitue une menace grave pour, notamment, l’ordre public (article 11, paragraphe 2, de la directive « retour »).


67      Arrêts du 15 novembre 2011, Dereci e.a. (C‑256/11, EU:C:2011:734, points 72 et 73), ainsi que du 8 mai 2013, Ymeraga e.a. (C‑87/12, EU:C:2013:291, point 44).


68      Voir considérants 5 et 6 et article 1er de la directive « retour ».


69      Voir considérant 22 de la directive « retour ».


70      Voir article 3, point 9, de la directive « retour ». Voir également article 5 de la directive « retour » et arrêt du 11 décembre 2014, Boudjlida (C‑249/13, EU:C:2014:2431, points 49 et 50).


71      Voir article 10 et considérant 6 de la directive « retour ». Voir également arrêt du 5 novembre 2014, Mukarubega (C‑166/13, EU:C:2014:2336, point 62).


72      Les dispositions relatives à l’exception à la règle générale selon laquelle les États membres sont tenus de prendre des décisions de retour à l’encontre de ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier sur leur territoire, comme celles de l’article 6, paragraphe 4, de la directive « retour » le confirment. Voir également les dispositions concernant le départ volontaire de l’article 7, paragraphe 2, et les garanties procédurales du chapitre III de cette directive.


73      Voir points 61 à 63 des présentes conclusions.


74      Bien entendu, la directive « retour » tient compte des droits fondamentaux, voir considérant 24.


75      Voir, par analogie, arrêt du 10 mai 2017, Chavez-Vilchez e.a. (C‑133/15, EU:C:2017:354, point 70).


76      Le lien parental du ressortissant d’un pays tiers avec son enfant citoyen de l’Union n’est pas suffisant en soi : voir arrêt du 6 décembre 2012, O e.a. (C‑356/11 et C‑357/11, EU:C:2012:776, points 50 à 52). Voir également arrêt du 10 mai 2017, Chavez-Vilchez e.a. (C‑133/15, EU:C:2017:354, point 71).


77      Arrêt du 8 mai 2013, Ymeraga e.a. (C‑87/12, EU:C:2013:291, point 39).


78      Arrêt du 10 mai 2017, Chavez-Vilchez e.a. (C‑133/15, EU:C:2017:354, point 69).


79      Arrêt du 6 décembre 2012, O e.a. (C‑356/11 et C‑357/11, EU:C:2012:776, point 55).


80      Voir point 14 des présentes conclusions.


81      Voir points 18 et 19 des présentes conclusions.


82      Arrêt du 26 juillet 2017, Ouhrami (C‑225/16, EU:C:2017:590, points 45 et 51).


83      Arrêt du 26 juillet 2017, Ouhrami (C‑225/16, EU:C:2017:590, point 53).


84      Ce ne sont pas nécessairement les mêmes autorités compétentes qui sont chargées des demandes de regroupement familial et de la mise en œuvre des règles en matière d’immigration. De même, il n’en résulte pas que l’acceptation d’une demande de regroupement familial invalide ou annule automatiquement une décision de retour antérieure. Il se peut qu’il y ait lieu de régulariser le statut de la personne concernée au regard de l’immigration dans le cadre d’une procédure administrative distincte, en application des règles nationales pertinentes.