Language of document : ECLI:EU:T:2018:107

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre)

1er mars 2018 (*) (1)

« FEDER – Refus de confirmer une contribution financière à un grand projet – Article 41, paragraphe 1, du règlement (CE) no 1083/2006 – Évaluation de la contribution d’un grand projet à la réalisation des objectifs du programme opérationnel – Article 41, paragraphe 2, du règlement no 1083/2006 – Dépassement du délai »

Dans l’affaire T‑402/15,

République de Pologne, représentée par M. B. Majczyna, en qualité d’agent,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par M. B.-R. Killmann et Mme M. Siekierzyńska, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision C(2015) 3228 final de la Commission, du 11 mai 2015, refusant de confirmer à la République de Pologne une contribution financière du Fonds européen de développement régional (FEDER) au grand projet « Centre européen de services partagés – Systèmes logistiques intelligents » dans le cadre de l’axe prioritaire no 4 du programme opérationnel « Économie innovante »,

LE TRIBUNAL (septième chambre),

composé de Mmes V. Tomljenović, président, A. Marcoulli (rapporteur) et M. A. Kornezov, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 1er octobre 2007, par la décision C(2007) 4562, la Commission des Communautés européennes a adopté le programme opérationnel « Économie innovante » (ci-après le « POEI ») présenté par la République de Pologne en application de l’article 32 du règlement (CE) no 1083/2006 du Conseil, du 11 juillet 2006, portant dispositions générales sur le Fonds européen de développement régional, le Fonds social européen et le Fonds de cohésion, et abrogeant le règlement (CE) no 1260/1999 (JO 2006, L 210, p. 25).

2        À la suite de l’adoption des dispositions nationales de mise en œuvre du POEI, le 17 juillet 2008, JYSK sp. z o.o. (ci-après le « bénéficiaire désigné »), une société polonaise de droit privé, a présenté aux autorités polonaises une demande de subvention pour le projet « Centre européen de services partagés – Systèmes logistiques intelligents » (ci-après le « projet ») dans la ville de Radomsko, dans la région de Łódź (Pologne), et, le 18 février 2009, les autorités polonaises ont signé avec le bénéficiaire désigné un contrat relatif à l’octroi d’une subvention pour la mise en œuvre du projet. Le projet avait pour objet la construction d’un centre logistique, intelligent et moderne (ci-après le « centre logistique »), fournissant des services internes d’entreposage et des services logistiques au groupe d’appartenance du bénéficiaire désigné (ci-après le « groupe d’appartenance du bénéficiaire désigné »), qui consiste en un réseau commercial de vente de meubles et d’accessoires pour la maison. Le centre logistique visait à étendre et à moderniser, par le biais de nouvelles machines et appareils, un entrepôt traditionnel déjà existant à Radomsko. La réalisation du projet a commencé le 1er septembre 2008.

3        Par lettre du 30 avril 2010, au titre des articles 39 à 41 du règlement no 1083/2006, la République de Pologne a présenté à la Commission une demande de confirmation de la contribution financière du Fonds européen de développement régional (FEDER) au projet, en tant que grand projet s’inscrivant dans le cadre de l’axe prioritaire no 4 du POEI concernant les investissements dans les entreprises innovantes (ci-après la « première demande de confirmation »). Sur demande de la Commission, le 6 août 2010, les autorités polonaises lui ont transmis des informations additionnelles.

4        Par lettre du 16 décembre 2010 adressée à la République de Pologne, la Commission a indiqué qu’une contribution financière du FEDER au projet était exclue au motif que, d’une part, celui-ci n’était pas cohérent avec les objectifs de l’axe prioritaire no 4 du POEI et que, d’autre part, la contribution publique n’était pas suffisamment justifiée.

5        Par lettre du 19 avril 2011, la République de Pologne a répondu aux observations de la Commission. Le 12 mai 2011, les autorités polonaises ont transmis à la Commission des informations additionnelles.

6        Par lettre du 20 juin 2011 adressée à la République de Pologne, la Commission a confirmé qu’une contribution financière du FEDER au projet n’était pas justifiée.

7        Par lettre du 15 juillet 2011, la République de Pologne a retiré la première demande de confirmation.

8        Par lettre du 3 août 2011 adressée à la République de Pologne, la Commission a pris acte du retrait de la première demande de confirmation et, en répondant à la lettre du 19 avril 2011, a de nouveau informé la République de Pologne des problèmes soulevés par le projet, s’agissant de l’absence de cohérence avec les objectifs de l’axe prioritaire no 4 du POEI, du fait qu’il aurait été réalisé même sans la contribution du FEDER, de ses performances économico-financières et de la création d’emplois.

9        La réalisation du projet a pris fin le 31 octobre 2011.

10      Le 1er août 2013, ainsi qu’il ressort des documents produits devant le Tribunal, la République de Pologne a présenté à la Commission une nouvelle demande de confirmation de la contribution financière du FEDER au projet (ci-après la « seconde demande de confirmation »). Parallèlement, la Commission a reçu deux avis sur le caractère innovant du projet.

11      Il ressort des écritures des parties que la première demande de confirmation et la seconde demande de confirmation concernaient le même projet.

12      Par lettre du 24 juin 2014 adressée à la République de Pologne, la Commission a indiqué que, en dépit de la modification substantielle de certaines informations contenues dans la première demande de confirmation, les caractéristiques essentielles du projet n’avaient pas changé, s’agissant d’un projet déjà réalisé et opérationnel depuis novembre 2011. La Commission a invité la République de Pologne à retirer la seconde demande de confirmation, en raison de l’absence d’effet d’incitation, de la viabilité financière du projet, de doutes sur la compatibilité du projet avec la politique de concurrence de l’Union européenne et d’une cohérence insuffisante avec les objectifs du POEI.

13      Par lettre du 28 août 2014, la République de Pologne a répondu aux observations de la Commission en ce qui concernait l’effet d’incitation, la viabilité du projet, la compatibilité avec la politique de concurrence de l’Union et la cohérence avec les objectifs du POEI.

14      Le 11 mai 2015, sur le fondement de l’article 41, paragraphe 3, du règlement no 1083/2006, la Commission a adopté la décision C(2015) 3228 (ci-après la « décision attaquée »), par laquelle elle a refusé une contribution financière du FEDER au projet (article 1er). La décision attaquée précise que toute dépense relative au projet incluse dans un état des dépenses antérieur à cette décision doit être rectifiée lors de l’état des dépenses successif (article 2). La décision attaquée est adressée à la République de Pologne (article 3).

15      Par la décision attaquée, la Commission a refusé de confirmer une contribution financière du FEDER au projet au motif qu’il ne contribuerait pas à la réalisation des objectifs du POEI au sens de l’article 41, paragraphe 1, du règlement no 1083/2006, en raison de l’absence de diffusion de l’innovation (considérants 13 à 23), de l’absence d’emplois hautement qualifiés (considérants 24 à 28) et de l’absence de valeur ajoutée (considérants 29 à 32).

 Procédure et conclusions des parties

16      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 22 juillet 2015, la République de Pologne a introduit le présent recours. Elle conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

17      Le 4 novembre 2015, la Commission a déposé au greffe du Tribunal un mémoire en défense. La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme non fondé ;

–        condamner la République de Pologne aux dépens.

18      La République de Pologne a déposé une réplique le 5 janvier 2016 et la Commission a déposé une duplique le 11 mars 2016.

19      Aucune des parties n’a demandé la tenue d’une audience.

20      Le Tribunal (septième chambre) a décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure.

 En droit

21      La République de Pologne invoque quatre moyens au soutien du recours, tirés, en substance, le premier, d’une part, de la violation des dispositions combinées de l’article 41, paragraphe 1, de l’article 56, paragraphe 3, et de l’article 60, sous a), du règlement no 1083/2006 ainsi que de la violation du principe de coopération loyale et, d’autre part, de la violation de l’article 41, paragraphe 2, du règlement no 1083/2006, le deuxième, d’une erreur d’appréciation du degré de diffusion de l’innovation et du caractère innovant du projet, le troisième, d’une erreur d’appréciation du caractère des emplois créés par le projet et, le quatrième, d’une erreur d’appréciation du projet concernant la valeur ajoutée et l’effet d’incitation.

22      Il y a lieu de relever que le premier moyen du recours porte sur les modalités procédurales et substantives d’évaluation du projet, tandis que les trois derniers moyens portent successivement sur les trois motifs en vertu desquels la Commission a considéré que le projet ne contribuait pas à la réalisation des objectifs du POEI au sens de l’article 41, paragraphe 1, du règlement no 1083/2006, à savoir l’absence de diffusion de l’innovation, l’absence d’emplois hautement qualifiés et l’absence de valeur ajoutée (voir point 15 ci-dessus).

 Considérations liminaires sur le cadre juridique et sur le contrôle du Tribunal

23      En premier lieu, il convient de rappeler que le règlement no 1083/2006 régit l’action du FEDER, du Fonds social européen et du Fonds de cohésion (ci-après, pris ensemble, les « Fonds ») pour la période de programmation 2007-2013.

24      Il convient de relever que, selon l’article 32, paragraphes 1 à 5, du règlement no 1083/2006, dans chaque État membre, l’action des Fonds prend la forme de programmes opérationnels établis par l’État membre et présentés à la Commission pour évaluation et adoption.

25      Selon l’article 58, l’article 59, paragraphes 1 et 2, et l’article 70, paragraphe 1, du règlement no 1083/2006, les États membres sont responsables de la gestion et du contrôle des programmes opérationnels et, à cette fin, désignent notamment une autorité de gestion, une autorité de certification ainsi que, éventuellement, des organismes intermédiaires pour réaliser tout ou partie de leurs tâches, et une autorité d’audit. Aux termes de l’article 60, sous a), du règlement no 1083/2006, l’autorité de gestion est chargée de la gestion et de la mise en œuvre du programme opérationnel et, notamment, « de veiller à ce que les opérations soient sélectionnées en vue d’un financement selon les critères applicables au programme opérationnel et qu’elles soient conformes, pendant toute la durée de leur exécution, aux règles [de l’Union] et [aux règles] nationales applicables ».

26      Selon les articles 63 et 65 du règlement no 1083/2006, pour chaque programme opérationnel, les États membres instituent également un comité de suivi, qui s’assure de l’efficacité et de la qualité de la mise en œuvre du programme opérationnel, notamment en examinant et en approuvant les critères de sélection des opérations financées.

27      Selon l’article 2, point 3, du règlement no 1083/2006, chaque opération, à savoir un projet ou un groupe de projets visant à réaliser les objectifs du programme opérationnel, est sélectionnée par l’autorité de gestion selon les critères fixés par le comité de suivi.

28      Aux termes de l’article 56, paragraphe 3, du règlement no 1083/2006, une dépense n’est éligible à la contribution des Fonds que si elle a été encourue pour des opérations décidées par l’autorité de gestion ou sous sa responsabilité, selon les critères fixés par le comité de suivi.

29      En deuxième lieu, lorsque l’État membre sélectionne un grand projet, à savoir, selon l’article 39 du règlement no 1083/2006, « des dépenses comprenant un ensemble de travaux, d’activités ou de services destiné à remplir par lui-même une fonction indivisible à caractère économique ou technique précis, qui vise des objectifs clairement identifiés et dont le coût total excède 50 [millions d’euros] », en vue de son financement par le FEDER ou par le Fonds de cohésion dans le cadre d’un ou de plusieurs programmes opérationnels, celui-ci doit, selon le considérant 49 du règlement no 1083/2006, pouvoir être approuvé par la Commission, afin d’évaluer sa finalité et son impact ainsi que les modalités de l’utilisation envisagée des ressources de l’Union.

30      À cette fin, l’article 41, paragraphe 1, du règlement no 1083/2006 prévoit que le grand projet est présenté à la Commission par l’État membre, ou son autorité de gestion, en transmettant les informations visées à l’article 40, premier alinéa, sous a) à h), du règlement no 1083/2006, à savoir des informations sur l’organisme responsable de sa mise en œuvre et sur la nature de l’investissement, sa description, son enveloppe financière et sa localisation, les résultats des études de faisabilité, le calendrier d’exécution, une analyse coûts-avantages, une analyse d’impact environnemental, la justification de la participation publique et le plan de financement. Selon l’article 40, paragraphe 2, sous e), et paragraphe 3, du règlement (CE) no 1828/2006 de la Commission, du 8 décembre 2006, établissant les modalités d’exécution du règlement no 1083/2006 et du règlement (CE) no 1080/2006 du Parlement européen et du Conseil relatif au FEDER (JO 2006, L 371, p. 1), ces informations sont transmises conformément aux schémas de demande de confirmation contenus aux annexes XXI et XXII du règlement no 1828/2006 libellés « Grand projet – Demande de confirmation de financement en vertu des articles 39 à 41 du règlement […] no 1083/2006 ».

31      Selon l’article 41, paragraphe 1, du règlement no 1083/2006, la Commission, en consultant si nécessaire des experts externes, y compris la Banque européenne d’investissement (BEI), évalue le grand projet sur la base des informations contenues dans la demande de confirmation, de la cohérence du grand projet avec les priorités du programme opérationnel ou des programmes concernés, de sa contribution à la réalisation des objectifs de ces priorités et de sa cohérence avec les autres politiques de l’Union.

32      Selon l’article 41, paragraphe 2, du règlement no 1083/2006, à condition que la demande soit soumise conformément à l’article 40 du règlement no 1083/2006, la Commission adopte une décision dans les plus brefs délais et au plus tard trois mois après la présentation du grand projet.

33      L’article 41, paragraphe 2, du règlement no 1083/2006 dispose que la décision de la Commission, lorsqu’elle confirme la contribution, décrit l’objet physique du projet, indique l’assiette sur laquelle le taux du cofinancement s’applique et le plan de contribution du FEDER ou du Fonds de cohésion.

34      Selon l’article 41, paragraphe 3, du règlement no 1083/2006, lorsque la Commission refuse la contribution à un grand projet, elle en communique les raisons à l’État membre dans les délais prévus au paragraphe 2 dudit article. Par ailleurs, à ce dernier égard, selon l’article 78, paragraphe 4, du règlement no 1083/2006, lorsque la Commission refuse la contribution à un grand projet et que l’État membre a déjà inclus des paiements relatifs à ce grand projet dans un état des dépenses soumis à la Commission, l’état des dépenses suivant l’adoption de la décision de refus doit être rectifié en conséquence.

35      En troisième lieu, il ressort de la jurisprudence que, dans le domaine de l’octroi d’un concours financier de l’Union, la Commission jouit d’un large pouvoir d’appréciation quant à l’existence des conditions justifiant l’octroi d’un tel concours (voir arrêt du 14 février 2008, Provincia di Imperia/Commission, T‑351/05, EU:T:2008:40, point 86 et jurisprudence citée).

36      En outre, la Commission dispose d’un large pouvoir d’appréciation lorsque, dans l’application des dispositions sur les Fonds, elle est amenée à procéder à l’évaluation de situations factuelles et comptables complexes (voir, en ce sens, arrêt du 6 juin 2007, Mediocurso/Commission, T‑251/05 et T‑425/05, non publié, EU:T:2007:162, point 73 et jurisprudence citée), comme lorsqu’elle est amenée à évaluer un grand projet sur la base des informations contenues dans la demande de confirmation visées à l’article 40 du règlement no 1083/2006, de la cohérence du grand projet avec les priorités d’un programme opérationnel, de sa contribution à la réalisation des objectifs de ces priorités et de sa cohérence avec les autres politiques de l’Union, et ce afin d’évaluer la finalité et l’impact dudit grand projet, ainsi que les modalités de l’utilisation envisagée des ressources de l’Union.

37      Ainsi, lorsque la Commission est amenée à effectuer l’évaluation d’un grand projet et à prendre une décision en vertu de l’article 41 du règlement no 1083/2006, elle jouit d’un large pouvoir d’appréciation.

38      Dans ces circonstances, le contrôle juridictionnel du Tribunal sur une telle évaluation se limite à la vérification du fait que la Commission n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation et, à cette fin, il incombe à la partie requérante d’apporter les éléments de fait ou de droit susceptibles d’établir que l’appréciation de la Commission est entachée d’une telle erreur (voir, en ce sens, arrêts du 19 mai 1994, Consorzio gruppo di azione locale « Murgia Messapica »/Commission, T‑465/93, EU:T:1994:56, point 47 ; du 6 juin 2007, Mediocurso/Commission, T‑251/05 et T‑425/05, non publié, EU:T:2007:162, point 73 et jurisprudence citée, et du 14 février 2008, Provincia di Imperia/Commission, T‑351/05, EU:T:2008:40, point 86).

39      Il ressort également de la jurisprudence que, dans le cas où les institutions de l’Union disposent d’un large pouvoir d’appréciation, le respect des garanties conférées par l’ordre juridique de l’Union dans les procédures administratives revêt une importance fondamentale (arrêt du 7 mai 1992, Pesquerias De Bermeo et Naviera Laida/Commission, C‑258/90 et C‑259/90, EU:C:1992:199, point 26).

40      En quatrième lieu, il convient d’observer que, pour autant que la République de Pologne se référerait, pour contester l’évaluation de la Commission, à des éléments d’information qui n’auraient pas été disponibles lors de l’adoption de la décision attaquée ou qui n’auraient pas été portés à la connaissance de la Commission au cours de la procédure d’évaluation du projet, ces éléments ne pourraient pas être pris en compte par le Tribunal aux fins d’apprécier la légalité de cette décision.

41      En effet, il ressort de la jurisprudence que, dans le cadre d’un recours en annulation, la légalité d’un acte de l’Union doit être appréciée en fonction des éléments de fait et de droit existant à la date où cet acte a été adopté. Il s’ensuit qu’est exclue la prise en compte, lors de l’appréciation de la légalité de cet acte, d’éléments postérieurs à la date à laquelle l’acte de l’Union a été adopté (voir arrêt du 11 février 2015, Espagne/Commission, T‑204/11, EU:T:2015:91, point 123 et jurisprudence citée). Conformément à la jurisprudence, la légalité d’une décision doit être appréciée en fonction des éléments d’information dont la Commission pouvait disposer au moment où elle l’a arrêtée (voir arrêt du 19 juin 2015, Italie/Commission, T‑358/11, EU:T:2015:394, point 77 et jurisprudence citée).

42      C’est à la lumière de ces éléments normatifs et jurisprudentiels qu’il convient d’apprécier la légalité de la décision attaquée.

 Sur le premier moyen, tiré, en substance, d’une part, de la violation des dispositions combinées de l’article 41, paragraphe 1, de l’article 56, paragraphe 3, et de l’article 60, sous a), du règlement no 1083/2006 ainsi que de la violation du principe de coopération loyale et, d’autre part, de la violation de l’article 41, paragraphe 2, du règlement no 1083/2006

43      La République de Pologne fait valoir que la Commission a commis deux violations principales. D’une part, lors de l’évaluation du projet, la Commission serait allée au-delà des critères de sélection. D’autre part, la Commission aurait violé le délai prévu à l’article 41, paragraphe 2, du règlement no 1083/2006.

 Sur la première branche du premier moyen, tirée, en substance, de la méconnaissance des critères de sélection

44      Premièrement, la République de Pologne fait valoir que l’évaluation effectuée par la Commission au titre de l’article 41 du règlement no 1083/2006 ne doit pas contrevenir aux critères de sélection fixés par le comité de suivi, d’autant plus que, en l’espèce, la Commission ne les aurait pas contestés lorsqu’ils auraient été établis. L’article 41 du règlement no 1083/2006 ne serait pas une base indépendante pour évaluer les grands projets et la Commission serait liée par les critères de sélection. Or, selon la République de Pologne, en l’espèce, le projet respectait l’ensemble des critères de sélection qui lui étaient applicables, lesquels n’incluaient pas les exigences en termes d’effet d’incitation, de création d’emplois et de diffusion de l’innovation sur lesquelles la Commission avait émis des réserves dans la décision attaquée. En évaluant le projet sur la base de critères de sélection allant au-delà de ceux fixés par le comité de suivi, la Commission aurait violé le principe de coopération loyale. Deuxièmement, la République de Pologne argue que, en vertu du principe de coopération loyale, la Commission, par le biais de la participation active de son représentant dans le comité de suivi, était tenue de faire part de ses doutes sur les critères de sélection dès leur adoption. À défaut, l’autorité de gestion, qui conclut un contrat avec un bénéficiaire, pourrait légitimement s’attendre à ce qu’un projet respectant lesdits critères ne soit pas contesté par la Commission au stade de la demande de confirmation sur la base d’exigences plus élevées. Troisièmement, la République de Pologne ajoute qu’une décision de refus de la Commission ne peut que reposer sur des motifs formels ou matériels et sur une disposition juridique précise, la Commission ne pouvant pas mettre en cause la conformité d’un projet avec les objectifs du POEI.

45      La Commission conteste les arguments de la République de Pologne.

46      S’agissant du grief tiré de la violation des dispositions du règlement no 1083/2006, il convient de commencer par rappeler, d’une part, ainsi qu’il ressort des dispositions mentionnées aux points 25 à 28 ci-dessus, que toute opération devant être financée par les Fonds dans le cadre d’un programme opérationnel est sélectionnée par l’autorité de gestion désignée par l’État membre concerné et que ladite sélection est effectuée sur la base des critères fixés par le comité de suivi institué par l’État membre concerné. Il appartient donc à l’État membre concerné, par le biais des organismes désignés à cet effet, tout d’abord, de fixer les critères de sélection des opérations devant être financées par les Fonds dans le cadre d’un programme opérationnel et, ensuite, de sélectionner lesdites opérations.

47      D’autre part, ainsi qu’il ressort des dispositions mentionnées aux points 29 à 34 ci-dessus, les opérations constituant de grands projets, à savoir celles dont le coût total excède 50 millions d’euros, après avoir été sélectionnées par l’État membre, sont évaluées par la Commission afin de confirmer ou non à l’État membre une contribution du FEDER ou du Fonds de cohésion.

48      Cependant, ainsi qu’il ressort du règlement no 1083/2006, cette évaluation par la Commission se différencie de la sélection opérée par l’État membre tant par ses modalités que par son objectif.

49      Premièrement, c’est dans le cadre des seules relations entre la Commission et l’État membre que se déroulent les opérations visant à ce que la Commission évalue et confirme ou non à un État membre une contribution financière du FEDER ou du Fonds de cohésion pour un grand projet. La Commission n’effectue aucune sélection des grands projets qui sont proposés aux autorités nationales par les demandeurs, mais procède seulement, et uniquement à l’égard des États membres, à l’évaluation des grands projets que les autorités nationales ont déjà sélectionnés et lui ont soumis pour confirmer ou non une contribution financière au titre du FEDER ou du Fonds de cohésion (arrêt du 4 mai 2017, Green Source Poland/Commission, T‑512/14, EU:T:2017:299, points 37 et 52).

50      Deuxièmement, l’évaluation de la Commission ne vise pas à vérifier la sélection opérée par l’État membre à l’aune des critères de sélection fixés par le comité de suivi, mais à apprécier, à l’aune des informations prévues à cet effet à l’article 40 du règlement no 1083/2006 et contenues dans la demande de confirmation, comme l’indique le considérant 49 dudit règlement, la finalité et l’impact du grand projet ainsi que les modalités de l’utilisation envisagée des ressources de l’Union, et ce, aux termes de l’article 41, paragraphe 1, dudit règlement, en évaluant le grand projet sur la base desdites informations, de sa cohérence avec les priorités du programme opérationnel, de sa contribution à la réalisation des objectifs de ces priorités et de sa cohérence avec les autres politiques de l’Union.

51      Il en résulte que, contrairement à ce qui est allégué par la République de Pologne, lorsqu’elle est amenée à évaluer un grand projet et à prendre une décision en vertu de l’article 41 du règlement no 1083/2006, la Commission n’est pas limitée par les critères de sélection fixés par l’État membre.

52      Cette conclusion n’est pas remise en cause par les dispositions dont la violation est invoquée par la République de Pologne, lesquelles ne portent pas sur l’évaluation d’un grand projet par la Commission au titre de l’article 41 du règlement no 1083/2006, mais sur sa sélection par l’État membre. En effet, d’une part, l’article 60, sous a), du règlement no 1083/2006 ne concerne que le fait que l’autorité de gestion veille à ce que les projets soient sélectionnés conformément aux critères de sélection pertinents (voir point 25 ci-dessus). D’autre part, l’article 56, paragraphe 3, de ce même règlement ne concerne que le fait que seules sont éligibles les dépenses encourues pour des opérations sélectionnées conformément aux critères de sélection approuvés par le comité de suivi (voir point 28 ci-dessus). Par conséquent, lesdites dispositions n’ont nullement pour effet de limiter l’évaluation effectuée par la Commission au titre de l’article 41 du règlement no 1083/2006 aux critères de sélection fixés par l’État membre.

53      S’agissant du grief tiré de la violation du principe de coopération loyale, il convient de rappeler que ce dernier, qui est consacré à l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, TUE, entraîne une obligation, pour les États membres, de prendre toutes les mesures propres à garantir la portée et l’efficacité du droit de l’Union et impose aux institutions de cette dernière des devoirs réciproques de respect et d’assistance à l’égard des États membres dans l’accomplissement des missions découlant des traités (voir arrêt du 29 octobre 2015, Lituanie/Commission, T‑110/13, non publié, EU:T:2015:818, point 65 et jurisprudence citée).

54      Dès lors que la Commission n’est pas tenue par les critères de sélection fixés par l’État membre dans le cadre de l’évaluation d’un grand projet au titre de l’article 41 du règlement no 1083/2006, le fait de ne pas avoir limité son évaluation auxdits critères ne constitue pas une violation du principe de coopération loyale. En effet, lorsqu’un État membre présente à la Commission une demande de confirmation pour un grand projet, l’évaluation de ladite demande est soumise aux règles prévues aux articles 39 à 41 du règlement no 1083/2006. L’invocation du principe de coopération loyale ne saurait conduire à l’application de règles différentes, et notamment à limiter ladite évaluation à l’application des critères de sélection fixés par l’État membre.

55      Cette conclusion n’est pas remise en cause par les circonstances, invoquées par la République de Pologne, qu’un représentant de la Commission participerait aux travaux du comité de suivi et que, en l’espèce, ce représentant n’aurait pas contesté les critères de sélection du POEI sur la base desquels le projet a été sélectionné.

56      En effet, tout d’abord, le comité de suivi, qui est institué par l’État membre, n’exerce aucune fonction dans le cadre de la procédure d’évaluation, par la Commission, d’un grand projet au titre de l’article 41 du règlement no 1083/2006. Ensuite, il convient d’observer que, en vertu de l’article 65 du règlement no 1083/2006, le comité de suivi n’a pas non plus pour mission de sélectionner des opérations individuelles, mais seulement d’examiner et d’approuver les critères de sélection relevant d’un programme opérationnel, la sélection des opérations incombant à l’autorité de gestion. Enfin, s’il est vrai que, en vertu de l’article 64, paragraphe 2, du règlement no 1083/2006, un représentant de la Commission participe, de sa propre initiative ou sur demande du comité de suivi, aux travaux de ce comité, ledit représentant n’y participe qu’à titre consultatif.

57      Ainsi, l’absence de contestation, par ledit représentant de la Commission, des critères de sélection examinés et approuvés par le comité de suivi ne saurait être interprétée dans le sens que la Commission serait tenue de confirmer, dans le cadre de la procédure d’évaluation prévue aux articles 39 à 41 du règlement no 1083/2006, une contribution financière à tout grand projet sélectionné par l’autorité de gestion sur la base desdits critères (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 28 janvier 2009, Allemagne/Commission, T‑74/07, EU:T:2009:20, points 50 à 52).

58      Il en résulte que, en l’espèce, le fait que, dans le cadre des travaux du comité de suivi, le représentant de la Commission n’ait pas formulé d’observations sur les critères de sélection relevant du POEI, sans qu’il y ait lieu d’établir si tel a effectivement été le cas, et que la Commission ait refusé de confirmer une contribution financière du FEDER à un grand projet sélectionné sur la base desdits critères, ne constitue une violation ni des dispositions du règlement no 1083/2006 invoquées par la République de Pologne, ni du principe de coopération loyale, voire même du principe de protection de la confiance légitime.

59      Par ailleurs, dans ce cadre, il convient d’écarter l’argument de la République de Pologne selon lequel une décision de refus adoptée sur le fondement de l’article 41, paragraphe 3, du règlement no 1083/2006 ne pourrait que reposer sur des motifs formels ou matériels et sur une disposition juridique précise. En effet, d’une part, l’article 41, paragraphes 2 et 3, du règlement no 1083/2006 constitue la base juridique de l’évaluation d’un grand projet par la Commission et des décisions de confirmation ou de refus adoptées à cet égard. D’autre part, il ressort du libellé tant des articles 40 et 41 du règlement no 1083/2006 que du considérant 49 de ce même règlement que les motifs d’une décision de refus adoptée sur le fondement de l’article 41, paragraphe 3, du règlement no 1083/2006 ne se limitent pas à des aspects formels ou matériels, mais peuvent avoir trait, notamment, à la cohérence du grand projet avec les priorités du programme opérationnel, à sa contribution à la réalisation des objectifs de ces priorités et à sa cohérence avec les autres politiques de l’Union, ainsi qu’aux informations transmises dans la demande de confirmation, s’agissant, notamment, de l’étude de faisabilité, de l’analyse coûts/avantages, de l’analyse de l’impact environnemental ou, encore, de la justification de la participation publique. Partant, contrairement à ce qui est allégué par la République de Pologne, la Commission n’est nullement empêchée d’examiner, notamment, la cohérence du projet avec les priorités du programme opérationnel ou la contribution du projet à la réalisation des objectifs de ces priorités.

60      Par conséquent, la première branche du premier moyen n’est pas fondée et doit être écartée.

 Sur la seconde branche du premier moyen, tirée du non-respect du délai prévu à l’article 41, paragraphe 2, du règlement no 1083/2006

61      La République de Pologne, en s’appuyant sur la jurisprudence de la Cour relative au dépassement du délai pour adopter une décision sur une correction financière (arrêt du 4 septembre 2014, Espagne/Commission, C‑192/13 P, EU:C:2014:2156), relèveque, en l’espèce, en ayant adopté la décision attaquée cinq ans après l’introduction de la première demande de confirmation, la Commission n’a pas respecté le délai fixé à l’article 41, paragraphe 2, du règlement no 1083/2006, ce qui constituerait une violation des formes substantielles, pouvant conduire à l’annulation de l’acte entaché d’un tel vice. Elle soutient que, en l’espèce, afin d’apprécier la durée de la procédure, il y a lieu de prendre en compte l’ensemble de la période commençant à la date d’introduction de la première demande de confirmation, soit le 30 avril 2010, puisque cette première demande n’aurait été retirée que pour être complétée et corrigée et que la première demande de confirmation et la seconde demande de confirmation concerneraient le même projet.

62      Selon la République de Pologne, la jurisprudence relative au dépassement du délai pour adopter une décision sur une correction financière, dans laquelle la Cour aurait exposé une série d’arguments allant dans le sens du caractère contraignant des délais fixés par le règlement no 1083/2006, est transposable à l’appréciation des grands projets, puisque les délais fixés par ledit règlement ne présenteraient pas une nature différente et que ladite jurisprudence se prononcerait en faveur du caractère contraignant des deux délais. En invoquant cette même jurisprudence, la République de Pologne argue que le fait que le règlement no 1083/2006 n’a pas prévu de conséquences en cas de dépassement dudit délai ne saurait conduire à considérer ledit délai comme n’étant pas contraignant. Au contraire, selon la République de Pologne, le caractère contraignant du délai prévu à l’article 41, paragraphe 2, du règlement no 1083/2006 découle encore plus clairement du libellé de ladite disposition que cela n’est le cas en matière de corrections financières, puisque il s’agirait d’un délai maximal.

63      Par ailleurs, la République de Pologne fait valoir que le caractère contraignant du délai prévu à l’article 41, paragraphe 2, du règlement no 1083/2006 est également confirmé par le libellé de l’article 102, paragraphe 1, deuxième alinéa, du règlement (UE) no 1303/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 17 décembre 2013, portant dispositions communes relatives au FEDER, au Fonds social européen, au Fonds de cohésion, au Fonds européen agricole pour le développement rural et au Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche, portant dispositions générales applicables au FEDER, au Fonds social européen, au Fonds de cohésion et au Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche, et abrogeant le règlement no 1083/2006 (JO 2013, L 347, p. 320), prévoyant l’approbation tacite des grands projets en l’absence d’adoption d’une décision de refus par la Commission dans les trois mois suivant la notification de la demande.

64      La Commission conteste les arguments de la République de Pologne.

65      L’article 41, paragraphe 2, du règlement no 1083/2006 énonce ce qui suit :

« La Commission adopte une décision dans les plus brefs délais et au plus tard trois mois après la présentation du grand projet par l’État membre […], à condition qu’il soit soumis conformément à l’article 40 [du règlement no 1083/2006]. Cette décision porte sur la description de l’objet physique, sur l’assiette sur laquelle le taux de cofinancement de l’axe prioritaire […] s’applique, et sur le plan annualisé ou les plans de contribution financière du FEDER ou du Fonds de cohésion. »

66      L’article 41, paragraphe 3, du règlement no 1083/2006 énonce ce qui suit :

« Lorsque la Commission refuse la contribution financière des Fonds à un grand projet, elle en communique les raisons à l’État membre dans les délais et aux conditions fixées au paragraphe 2 [de l’article 41 de ce règlement]. »

67      En premier lieu, il convient de déterminer si le délai figurant à l’article 41, paragraphe 2, du règlement no 1083/2006 revêt un caractère indicatif ou impératif, à la lumière du libellé et de l’économie de cette disposition (voir, par analogie, arrêt du 20 janvier 2005, Merck, Sharp & Dohme, C‑245/03, EU:C:2005:41, point 20).

68      À cet égard, il convient de relever que l’article 41, paragraphe 2, du règlement no 1083/2006 ne contient pas d’indications permettant de conférer au délai qu’il prévoit un caractère purement indicatif. Au contraire, l’emploi du verbe « adopter » à la forme indicative (« adopte ») montre que la Commission est tenue de respecter ledit délai, ce qui est corroboré, notamment, par la version anglaise de cette disposition, laquelle, en employant les termes « shall adopt », se réfère expressément à une obligation. L’emploi de l’expression « dans les plus brefs délais et au plus tard » ne fait que confirmer que le respect dudit délai n’est pas une faculté, mais une obligation pour la Commission, que le législateur a voulu souligner.

69      Il s’ensuit que le délai figurant à l’article 41, paragraphe 2, du règlement no 1083/2006, ainsi qu’il ressort tant du libellé que de l’économie de ladite disposition, est un délai impératif.

70      En deuxième lieu, force est de constater que, en l’espèce, comme le soutient à juste titre la République de Pologne (voir point 61 ci-dessus), à la lumière des développements factuels rappelés aux points 3 à 14 ci-dessus, le délai de trois mois prévu à l’article 41, paragraphe 2, du règlement no 1083/2006, applicable à une décision de refus en vertu de l’article 41, paragraphe 3, de ce règlement, a été dépassé par la Commission.

71      En effet, il convient de constater que, à la suite du retrait de la première demande de confirmation, qui a mis un terme à la procédure d’évaluation de cette demande, s’agissant de la seconde demande de confirmation, la Commission, tout d’abord, a mis près de onze mois pour transmettre à la République de Pologne, le 24 juin 2014, une lettre contenant son évaluation de cette demande et, ensuite, faisant suite à la réponse de la République de Pologne du 28 août 2014, a mis environ huit mois et demi pour se prononcer formellement sur cette demande et adopter, le 11 mai 2015, la décision attaquée au titre de l’article 41, paragraphe 3, du règlement no 1083/2006.

72      En troisième lieu, dans ces circonstances, il y a lieu de déterminer les conséquences du dépassement du délai de trois mois prévu à l’article 41, paragraphe 2, du règlement no 1083/2006 et, notamment, d’évaluer s’il doit emporter automatiquement, de ce seul fait, l’annulation de la décision attaquée.

73      Dès lors que l’article 41 du règlement no 1083/2006 ne contient aucune indication quant aux conséquences du dépassement, par la Commission, du délai de trois mois qu’il prévoit, conformément à la jurisprudence de la Cour, il y a lieu d’examiner la finalité et la structure de ce règlement afin de déterminer les conséquences dudit dépassement (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 20 janvier 2005, Merck, Sharp & Dohme, C‑245/03, EU:C:2005:41, points 25 et 26).

74      À titre liminaire, il convient de rappeler que le délai prévu à l’article 41, paragraphe 2, du règlement no 1083/2006 est un délai qui s’impose à la Commission pour répondre à une demande qui lui est présentée par un tiers, en l’occurrence par un État membre. Ce n’est que si l’absence de réponse dans ledit délai entraîne l’accueil de la demande ou la perte du pouvoir de la Commission de statuer sur celle-ci qu’une réponse négative adoptée hors délai pourrait être annulée automatiquement, du seul fait du dépassement d’un tel délai (voir, par analogie, arrêt du 18 mars 2009, Shanghai Excell M & E Enterprise et Shanghai Adeptech Precision/Conseil, T‑299/05, EU:T:2009:72, point 116). Il y a donc lieu d’examiner si, à la lumière de sa finalité et de sa structure, le règlement no 1083/2006 doit être interprété en ce sens que le dépassement dudit délai entraîne l’accueil de la demande ou la perte du pouvoir de la Commission de statuer sur celle-ci.

75      S’agissant de la question de savoir s’il ressort de la finalité et de la structure du règlement no 1083/2006 que le dépassement du délai de trois mois entraîne l’accueil de la demande de confirmation présentée par l’État membre, il y a lieu de relever, premièrement, que la teneur d’une décision d’accueil exclut une telle possibilité.

76      En effet, il ressort de l’article 41, paragraphe 2, du règlement no 1083/2006 que la décision de la Commission accueillant la demande de confirmation indique, notamment, l’assiette sur laquelle le taux de cofinancement du programme opérationnel s’applique (voir point 33 ci-dessus). Seule la décision de la Commission accueillant une telle demande détermine le montant de base sur lequel le taux de cofinancement découlant du programme opérationnel pertinent s’applique et, ainsi, le montant de la contribution financière de l’Union. En l’absence de décision de la Commission, la contribution financière de l’Union ne saurait être concrètement déterminée et, par conséquent, considérée comme étant confirmée.

77      Cela est corroboré, d’ailleurs, par le considérant 49 du règlement no 1083/2006, lequel énonce que les grands projets doivent pouvoir être évalués et, le cas échéant, approuvés par la Commission (voir point 29 ci-dessus). Il s’ensuit que, en matière de grand projets, l’idée sous-jacente au règlement no 1083/2006 est que leur financement par un État membre au moyen de ressources du FEDER ou du Fonds de cohésion est subordonné à l’approbation de la Commission.

78      Deuxièmement, il convient de constater que, lorsque le règlement no 1083/2006 entendait sanctionner l’inobservation d’un délai par une acceptation de plein droit, il l’indiquait expressément (voir, par analogie, arrêt du 20 janvier 2005, Merck, Sharp & Dohme, C‑245/03, EU:C:2005:41, point 31). Ainsi, par exemple, l’article 62, paragraphe 4, du règlement no 1083/2006 dispose que la stratégie d’audit présentée à la Commission par le comité de suivi « est réputée acceptée » en l’absence d’observations de la Commission dans le délai de trois mois suivant sa réception. De même, l’article 67, paragraphe 4, du règlement no 1083/2006 dispose que le rapport final du programme opérationnel transmis par l’autorité de gestion à la Commission « est réputé accepté » si la Commission ne répond pas dans le délai fixé. De même, l’article 89, paragraphe 3, du règlement no 1083/2006 dispose que la déclaration de clôture transmise par l’État membre à la Commission « est réputée acceptée en l’absence d’observations de la Commission dans un délai de cinq mois ».

79      Il s’ensuit que, dans le cadre du règlement no 1083/2006, ainsi qu’il ressort de sa finalité et de sa structure, l’absence de réponse à la demande de confirmation dans le délai prévu à l’article 41, paragraphe 2, de ce règlement n’entraîne pas l’approbation de la demande de confirmation.

80      Cette conclusion n’est pas remise en cause par les arguments de la République de Pologne tirés, d’une part, de la jurisprudence de la Cour relative au délai pour adopter une correction financière et, d’autre part, de la nouvelle procédure d’approbation tacite prévue à l’article 102, paragraphe 1, deuxième alinéa, du règlement no 1303/2013.

81      Quant au premier argument, si, certes, ainsi que le fait valoir la République de Pologne, dans la jurisprudence relative au pouvoir de la Commission, prévu à l’article 99 du règlement no 1083/2006, d’adopter des corrections financières, la Cour a considéré que le dépassement du délai, prévu à l’article 100, paragraphe 5, de ce même règlement, pour adopter de telles corrections constituait une violation des formes substantielles devant être relevée d’office par le juge de l’Union et entraînant l’annulation de la décision adoptée hors délai (arrêts du 4 septembre 2014, Espagne/Commission, C‑192/13 P, EU:C:2014:2156, points 103 et 104, et du 21 septembre 2016, Commission/Espagne, C‑140/15 P, EU:C:2016:708, points 114 et 118), une telle jurisprudence ne saurait trouver application en l’espèce.

82      En effet, la jurisprudence visée au point 81 ci-dessus a pour objet un délai de nature différente de celle du délai prévu à l’article 41, paragraphe 2, du règlement no 1083/2006.

83      Tout d’abord, alors que, dans le cadre de l’évaluation des grands projets, le délai prévu à l’article 41, paragraphe 2, du règlement no 1083/2006 est un délai qui s’impose à la Commission pour répondre à une demande de cofinancement qui lui est présentée par un État membre, en revanche, dans le cadre de la procédure de correction financière, le délai prévu à l’article 100, paragraphe 5, de ce même règlement est un délai qui s’impose à la Commission pour l’adoption, de sa propre initiative, d’une décision annulant tout ou partie de la participation financière de l’Union à un programme opérationnel. Ainsi, en substance, le premier est un délai pour accorder une contribution financière, tandis que le second est un délai pour annuler une contribution financière déjà accordée.

84      Ensuite, dans le cadre de l’évaluation des grands projets, en l’absence de décision sur la demande de confirmation adoptée dans le délai et de toute disposition prévoyant les conséquences d’une telle absence de décision, la demande de confirmation demeure sans réponse et ne saurait être considérée comme étant approuvée (voir points 75 à 79 ci-dessus). En revanche, en matière de corrections financières, en l’absence de décision dans le délai prévu à cet effet, l’État membre maintient la contribution des Fonds qui lui a déjà été accordée. Ainsi, en l’absence de décision de correction financière adoptée dans le délai, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence évoquée au point 81 ci-dessus, la Commission ne saurait appliquer une correction financière et l’État membre ne saurait se voir appliquer une telle correction.

85      Enfin, contrairement à ce qui a été allégué par la République de Pologne, il ne ressort pas de la jurisprudence évoquée au point 81 ci-dessus que la Cour se serait prononcée dans le sens que les délais prévus à l’article 100, paragraphe 5, et à l’article 41, paragraphe 2, du règlement no 1083/2006 auraient la même nature. En revanche, il ressort de ladite jurisprudence que la Cour a examiné uniquement le délai imparti pour l’adoption d’une décision de correction financière et qu’elle s’est référée explicitement à la nature d’une telle décision (arrêts du 4 septembre 2014, Espagne/Commission, C‑192/13 P, EU:C:2014:2156, points 82 et 102, et du 21 septembre 2016, Commission/Espagne, C‑140/15 P, EU:C:2016:708, points 70, 72 et 113).

86      Quant au deuxième argument, il convient d’observer que le règlement no 1303/2013 ne trouve pas application en l’espèce, dans la mesure où son article 152, paragraphe 1, dispose que le règlement no 1083/2006 continue à s’appliquer aux interventions et aux opérations, y compris les programmes opérationnels et les grands projets, approuvées par la Commission sur la base de ce règlement et où son article 152, paragraphe 2, ajoute que les demandes d’assistance présentées ou approuvées dans le cadre du règlement no 1083/2006 restent valables. Au demeurant, il convient de relever que l’article 102, paragraphe 1, deuxième alinéa, du règlement no 1303/2013 prévoit une procédure d’approbation tacite uniquement lorsque la demande présentée par l’État membre est accompagnée d’une évaluation de qualité réalisée par des experts indépendants conformément à l’article 101, troisième alinéa, de ce règlement. Cette procédure n’a pas d’équivalent dans le système prévu aux articles 39 à 41 du règlement no 1083/2006, ce qui corrobore la conclusion selon laquelle, dans le cadre de ce dernier règlement, le silence de la Commission dans le délai de trois mois ne saurait être interprété comme une confirmation tacite de la contribution financière à un grand projet. D’ailleurs, il est constant que, en l’espèce, le projet n’a pas été présenté conformément à l’article 102, paragraphe 1, du règlement no 1303/2013, de sorte que la procédure d’approbation tacite prévue par cette disposition ne saurait trouver application.

87      S’agissant de la question de savoir s’il ressort de la finalité et de la structure du règlement no 1083/2006 que le dépassement du délai de trois mois entraîne la perte du pouvoir de la Commission de statuer sur la demande de confirmation présentée par l’État membre, premièrement, il convient d’observer que, si la Commission devait s’abstenir de continuer son examen de la demande de confirmation si elle dépassait le délai de trois mois, cela nuirait finalement au but de la demande initiale de l’État membre, à savoir l’obtention de la confirmation d’une contribution financière du FEDER ou du Fonds de cohésion, et ce pour des raisons qui échapperaient à son contrôle. De même, si la Commission devait commencer une nouvelle procédure d’évaluation d’un grand projet, sujette à un nouveau délai de trois mois, cela ne ferait qu’aggraver, en pratique, la méconnaissance dudit délai, en reportant la décision sur la demande de confirmation à un moment ultérieur. Par ailleurs, étant donné que ledit dépassement ne vaut pas approbation de la demande, ainsi qu’il a déjà été relevé, l’annulation éventuelle d’une décision au motif qu’elle a été adoptée au-delà du délai, ne ferait, également, qu’aggraver la méconnaissance de ce délai.

88      Deuxièmement, il ressort de l’article 78, paragraphe 4, du règlement no 1083/2006, rappelé au point 34 ci-dessus, qu’un État membre peut faire commencer la réalisation d’un grand projet et soumettre à la Commission les dépenses qui y sont afférentes bien avant que cette dernière n’ait rendu sa décision, et ce donc indépendamment du délai prévu pour rendre cette décision. L’État membre qui opte pour cette possibilité le fait à ses propres risques, compte tenu du fait que la Commission peut arrêter une décision refusant de confirmer le concours financier de l’Union à un grand projet. Partant, dès lors que l’État membre n’est pas tenu d’attendre une décision de la Commission pour réaliser ses projets de développement régional et déclarer à la Commission les dépenses qui y sont afférentes pour le cas où elles seraient prises en charge par l’Union, le dépassement du délai prévu pour adopter une telle décision ne prive pas la Commission du pouvoir de statuer sur une demande de confirmation.

89      Troisièmement, il ressort de la jurisprudence que, lorsque, comme en l’espèce, le législateur n’a pas attaché au silence de l’administration la conséquence de la perte du pouvoir d’adopter une décision, aucun principe juridique ne fait perdre à l’administration la compétence pour répondre à une demande, même en dehors des délais impartis à cet effet (voir, par analogie, arrêt du 19 janvier 2010, Co-Frutta/Commission, T‑355/04 et T‑446/04, EU:T:2010:15, points 57 et 59).

90      Il s’ensuit que, dans le cadre du règlement no 1083/2006, ainsi qu’il ressort de sa finalité et de sa structure, l’absence de réponse à la demande de confirmation dans le délai prévu à l’article 41, paragraphe 2, de ce règlement n’entraîne pas la perte du pouvoir de la Commission de statuer sur la demande de confirmation.

91      Il découle de tout ce qui précède que le règlement no 1083/2006 ne saurait être interprété en ce sens que tout dépassement du délai prévu à l’article 41, paragraphe 2, de ce règlement entraîne automatiquement, de ce seul fait, l’annulation d’une décision de rejet adoptée hors délai.

92      En quatrième lieu, il convient d’examiner si le dépassement du délai de trois mois constaté en l’espèce doit entraîner l’annulation de la décision attaquée.

93      En effet, il ressort d’une jurisprudence constante que le non-respect d’un délai, tel que celui institué à l’article 41, paragraphe 2, du règlement no 1083/2006 ne saurait conduire à l’annulation de l’acte adopté au terme de la procédure que s’il existe une possibilité que, en raison de cette irrégularité, ladite procédure aurait pu aboutir à un résultat différent. Si la personne qui se prévaut d’une telle irrégularité n’est pas tenue de démontrer que, en son absence, l’acte concerné aurait eu un contenu plus favorable à ses intérêts, elle doit néanmoins prouver, de manière concrète, qu’une telle hypothèse n’est pas entièrement exclue (voir, par analogie, arrêts du 4 février 2016, C & J Clark International et Puma, C‑659/13 et C‑34/14, EU:C:2016:74, point 140, et du 12 juin 2015, Health Food Manufacturers’ Association e.a./Commission, T‑296/12, EU:T:2015:375, point 71).

94      En l’espèce, la République de Pologne n’a pas démontré concrètement, ni même soutenu, qu’il n’était pas exclu que la procédure administrative aurait pu aboutir à un résultat différent si elle avait été conclue dans le délai de trois mois prévu à l’article 41, paragraphe 2, du règlement no 1083/2006. Dès lors que la République de Pologne n’a pas prouvé que, en l’absence du dépassement dudit délai, la procédure d’évaluation du projet aurait pu avoir une issue différente, ce dépassement, dans les circonstances du cas d’espèce, ne saurait conduire à l’annulation de la décision attaquée.

95      Cela étant, dès lors que la Commission a enfreint l’article 41, paragraphe 2, du règlement no 1083/2006 en statuant au-delà du délai de trois mois, il y a lieu de rappeler que la réparation d’un éventuel préjudice causé par le non-respect du délai prévu à l’article 41, paragraphe 2, du règlement no 1083/2006 pour statuer sur une demande de confirmation pourra être recherchée devant le Tribunal, saisi d’un recours en indemnité (voir, par analogie, arrêt du 19 janvier 2010, Co-Frutta/Commission, T‑355/04 et T‑446/04, EU:T:2010:15, points 60 et 71), pour autant que l’ensemble des conditions desquelles dépendent l’engagement de la responsabilité extracontractuelle de l’Union et la mise en œuvre du droit à la réparation du préjudice subi, en vertu de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE, soient réunies (voir, en ce sens, arrêt du 9 septembre 2008, FIAMM e.a./Conseil et Commission, C‑120/06 P et C‑121/06 P, EU:C:2008:476, point 106).

96      Il résulte de tout ce qui précède que la deuxième branche du premier moyen, tiré de la violation de l’article 41, paragraphe 2, du règlement no 1083/2006, n’est pas fondée et doit être écartée.

97      Il convient donc de rejeter le premier moyen dans son ensemble.

 Sur le deuxième moyen, tiré, en substance, d’une erreur d’appréciation du degré de diffusion de l’innovation et du caractère innovant du projet

98      Le deuxième moyen du recours vise l’appréciation de la Commission contenue aux considérants 13 à 23 de la décision attaquée, selon laquelle le projet ne contribuerait pas à la réalisation des objectifs du POEI en raison de l’absence de diffusion de l’innovation.

99      À titre liminaire, il convient d’observer que, dans la décision attaquée :

–        la Commission a indiqué que les projets innovants éligibles à un cofinancement dans le cadre du POEI devraient, notamment, être caractérisés par un potentiel élevé de généralisation à d’autres entreprises, régions et pays ainsi que sur d’autres marchés par des voies marchandes et non marchandes (considérant 14). En particulier, le concours financier dans le cadre du POEI devrait faciliter la création, le transfert et la diffusion de solutions innovantes entre entreprises ou entre les entreprises et le secteur de la recherche et du développement (ci-après « R & D ») (considérant 16) ;

–        la Commission a également relevé que l’objectif principal du projet était celui d’ouvrir un centre logistique automatisé, lequel fournirait des services innovants au bénéficiaire désigné. Cependant, selon la Commission, le bénéficiaire désigné et ses affiliés ne sont pas des entreprises logistiques fournissant des services logistiques sur le marché et la logistique n’est qu’une activité accessoire de support pour le bénéficiaire désigné, qui lui permet de mettre sur le marché des biens commerciaux et d’approvisionner ses magasins. Ainsi, le bénéficiaire désigné n’offrirait pas de services logistiques innovants sur le marché polonais et les principaux clients cibles du nouveau centre logistique seraient les magasins du bénéficiaire désigné ou ses affiliés (considérant 17) ;

–        la Commission a en outre relevé que, si le bénéficiaire désigné envisageait de fournir des services d’entreposage également à des opérateurs externes en l’absence de demande attendue de la part de son groupe ou de ses affiliés, le modèle financier du projet prévoyait l’utilisation de 95 % de la capacité d’entreposage du centre logistique pendant toute la période de référence, ce qui impliquait que la possibilité de fournir des services d’entreposage n’était pas l’objectif principal du projet et risquait d’être purement hypothétique (considérant 18) ;

–        la Commission a ajouté que la prétendue optimisation de la distribution du bénéficiaire désigné en Pologne ne contribuait pas au développement de produits ou de services pour les clients finaux du bénéficiaire désigné, qui étaient des consommateurs de meubles et d’accessoires pour la maison (considérant 19). Elle a en outre précisé que les petites et moyennes entreprises (PME) avec lesquelles le bénéficiaire désigné coopérait au niveau local n’étaient que des entreprises fournissant des services de restauration, de nettoyage, d’hôtellerie, de protection et de transport, ce qui ne contribuait ni au regroupement d’entreprises ni au transfert de technologie dans le secteur des services logistiques (considérant 20), et que la coopération avec d’autres partenaires consistait en des activités ponctuelles, de caractère non permanent, et n’apparaissait donc pas susceptible de promouvoir le transfert de possibles solutions innovantes développées dans le cadre de la réalisation du projet (considérant 21) ;

–        sur la base de ces constatations, la Commission a considéré que les effets de la réalisation du projet seraient limités au seul bénéficiaire désigné, que le projet ne contribuerait pas au transfert de connaissances et d’innovations entre les entités coopérant avec le bénéficiaire désigné ou entre les entreprises en concurrence et que, partant, le projet n’aurait aucun effet de diffusion. Selon la Commission, aucun élément ne suggérait que les services logistiques prévus par le projet, à supposer qu’ils puissent être regardés comme étant considérablement améliorés, seraient acquis ou imités par d’autres entreprises. Par ailleurs, les services logistiques n’auraient pas une dimension suprarégionale (considérant 22) ;

–        la Commission a ainsi conclu que le projet était dépourvu d’un degré de diffusion au sens du POEI et que, par conséquent, il ne contribuait pas à la réalisation de ses objectifs (considérant 23).

100    La République de Pologne, tout d’abord, fait valoir que la position de la Commission, exprimée au considérant 14 de la décision attaquée, selon laquelle le projet devrait se caractériser par « le plus grand potentiel de diffusion », ne trouve appui ni dans les critères de sélection approuvés par le comité de suivi, ni dans le POEI approuvé par la Commission, ni dans le règlement no 1083/2006 et le règlement (CE) no 1080/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 5 juillet 2006, relatif au FEDER et abrogeant le règlement (CE) n o 1783/1999 (JO 2006, L 210, p. 1). L’évaluation de la Commission irait au-delà des exigences relatives au potentiel de diffusion découlant desdits actes. En particulier, selon la République de Pologne, même s’il est vrai que le POEI vise à soutenir en priorité les innovations présentant le plus grand potentiel de diffusion, il n’exclut en aucun cas la possibilité d’investir dans des projets présentant un potentiel d’innovation tels que celui qui est l’objet de la seconde demande de confirmation. Selon la République de Pologne, même si le potentiel de diffusion du projet n’était pas le plus grand, le projet respectait les exigences du POEI. En effet, en ce qui concerne le degré de diffusion, le demandeur devrait uniquement en démontrer le potentiel, c’est-à-dire les chances de succès du projet à cet égard, ce qui serait incontestable en l’espèce, puisque le groupe d’appartenance du bénéficiaire désigné, possédant 2 300 magasins dans le monde entier, offrirait de grandes chances de généraliser l’innovation par des voies variées.

101    Ensuite, la République de Pologne avance plusieurs griefs à l’encontre de la décision attaquée. Elle soutient que l’appréciation de la Commission contenue au considérant 17 de la décision attaquée, selon laquelle la logistique serait une activité accessoire du bénéficiaire désigné, n’est pas fondée, puisque le POEI ne limiterait pas l’innovation aux activités principales et que, dans le cadre de l’activité du bénéficiaire désigné, la logistique serait l’un des procédés essentiels contribuant à la réalisation de son activité principale, à savoir livrer les produits aux utilisateurs finaux. Le centre logistique ne fournirait pas ses services au seul groupe d’appartenance du bénéficiaire désigné, mais également à des clients externes, à savoir aux sociétés liées et à tous ceux qui seraient enclins à coopérer avec le groupe du bénéficiaire désigné, et offrirait aux consommateurs finaux du groupe d’appartenance du bénéficiaire désigné un service amélioré. La République de Pologne argue que l’appréciation de la Commission contenue au considérant 20 de la décision attaquée, selon laquelle le projet devrait participer au regroupement des sociétés appartenant au même secteur, est dépourvue de fondement juridique, puisque le POEI exigerait seulement une coopération entre sociétés actives dans des secteurs voisins et que le projet, en instaurant une coopération stable avec au moins quinze PME et en permettant à d’autres entrepreneurs de découvrir le centre logistique, diffuserait la technologie qui y est élaborée. Elle soutient que, contrairement à ce qui est indiqué au considérant 21 de la décision attaquée, aucun des actes pertinents n’exige une collaboration permanente avec les centres académiques. Elle ajoute que le projet aurait prévu des formes de coopération avec des écoles supérieures et qu’il aurait contribué au développement du transport intermodal dans la région.

102    Enfin, en s’appuyant sur les avis des deux experts externes, la République de Pologne allègue que le projet a un caractère innovant conformément aux exigences du POEI.

103    La Commission conteste les arguments de la République de Pologne.

104    À titre liminaire, il convient d’observer que, ainsi que le fait valoir la Commission, la décision attaquée ne refuse pas de confirmer une contribution financière du FEDER au projet au motif qu’il ne serait pas innovant, mais uniquement en raison de l’absence d’un potentiel de diffusion au sens du POEI. Partant, les arguments de la République de Pologne visant à démontrer le caractère innovant du projet sont inopérants en l’espèce.

105    De même, la décision attaquée n’indique pas que le projet ne serait pas conforme aux critères de sélection fixés par le comité de suivi ou aux dispositions des règlements nos 1083/2006 et 1080/2006, mais uniquement qu’il ne contribuerait pas à la réalisation des objectifs du POEI en raison de l’absence d’un potentiel de diffusion au sens du POEI. Partant, les références opérées par la République de Pologne aux critères de sélection et aux dispositions des règlements nos 1083/2006 et 1080/2006 ne sont pas pertinentes en l’espèce.

106    S’agissant de l’absence de potentiel de diffusion au sens du POEI, tout d’abord, ainsi que le mentionnent les considérants 14 et 15 de la décision attaquée, il convient de commencer par observer que, dans sa partie introductive, le POEI indique qu’il aura pour priorité de soutenir les innovations dont la durée d’application dans le monde est la plus courte possible ou qui se caractérisent par le plus grand potentiel de diffusion (pages 6 et 7), tandis que l’innovation ayant un faible degré de diffusion sera supportée dans le cadre des programmes opérationnels régionaux et du programme opérationnel de développement de la Pologne orientale (page 7). Cela est réitéré, en substance, au point 202 du POEI, ouvrant la description de la stratégie du POEI pour la réalisation de ses objectifs spécifiques. Par ailleurs, la note en bas de page no 125 du POEI, insérée audit point, précise que le degré de diffusion est déterminé par la portée potentielle de l’innovation, qui, dès sa première application dans une entreprise donnée, se généralise à d’autres entreprises par des voies marchandes (acquisition de connaissance sous la forme d’actifs corporels ou incorporels) ou par des voies non marchandes (imitation, adaptation, etc.).

107    Ensuite, le point 220 du POEI, concernant l’objectif spécifique no 1 du POEI, à savoir le développement de l’innovation dans les entreprises, évoqué au considérant 16 de la décision attaquée, indique que les instruments de soutien prévus dans le cadre du POEI permettront aux entreprises de créer, de transférer et de diffuser plus facilement des solutions modernes, tant entre les entreprises elles-mêmes qu’entre les entreprises et les institutions liées à l’environnement des entreprises, puisque, ainsi que l’indique le point 219 du POEI, le point faible des entreprises en Pologne est leur faible propension à la coopération et que, en revanche, les projets de coopération sous forme de groupements réunissant, dans un but économique commun, des entrepreneurs, des fournisseurs spécialisés, des entités fournissant des services, des entreprises actives dans des branches et des secteurs connexes, ainsi que des institutions liées, notamment scientifiques, sont l’un des outils les plus efficaces pour renforcer leur position concurrentielle, grâce au transfert de nouvelles solutions.

108    Enfin, dans le cadre de la description de l’axe prioritaire no 4 du POEI concernant les investissements dans les entreprises innovantes, lequel contribue notamment à la réalisation de l’objectif spécifique no 1, le point 343 du POEI, en faisant écho au point 220, indique que l’intervention publique dans le cadre de cet axe prioritaire se concentre sur l’aide aux entreprises liées à la création, à la mise en œuvre et au transfert de solutions innovantes tant technologiques qu’organisationnelles.

109    Il en résulte que, contrairement à ce qui est allégué par la République de Pologne, le POEI vise à soutenir les projets mettant en œuvre des solutions innovantes ayant un grand potentiel de diffusion, et ce, dans le cadre de l’axe prioritaire no 4 du POEI, en supportant des projets impliquant non seulement la création et la mise en œuvre de telles solutions, mais également leur transfert, ou leur diffusion, par des voies marchandes ou non marchandes.

110    Par ailleurs, dès lors que la République de Pologne paraît suggérer que le point 343 du POEI devrait être contextualisé et ne serait pas applicable en tant que tel en l’espèce, il convient de souligner que ledit point fait partie de la description de l’objectif de l’axe prioritaire no 4. Il est, par conséquent, applicable aux projets entrant dans le champ d’intervention de cet axe, tel que le projet (voir point 4 ci-dessus). La circonstance invoquée par la République de Pologne que le projet correspondrait à la mesure visée au point 363, sous h), de l’axe prioritaire no 4 du POEI, concernant la création d’un grand nombre d’emplois dans les entreprises du secteur des services modernes, à la supposer même établie, n’implique pas automatiquement, à elle-seule, que le projet serait cohérent avec les priorités du POEI ou qu’il contribuerait à la réalisation des objectifs du POEI, indépendamment des autres dispositions pertinentes du POEI et de l’axe prioritaire dont il relève.

111    Dans ce cadre, les différents arguments avancés par la République de Pologne ne démontrent pas que l’appréciation de la Commission selon laquelle le projet serait dépourvu de potentiel de diffusion serait entachée d’une erreur manifeste d’appréciation.

112    En premier lieu, la République de Pologne conteste, en substance, le considérant 17 de la décision attaquée. Or, la circonstance que la logistique ne serait pas une activité accessoire du bénéficiaire désigné, mais un procédé essentiel qui contribue à la réalisation de son activité principale, à la supposer établie, ne change rien quant au fait, relevé au considérant 17 de la décision attaquée, que le projet ne vise pas à fournir des services logistiques innovants sur le marché, mais uniquement à fournir des services logistiques au groupe d’appartenance du bénéficiaire désigné. En effet, ainsi qu’il ressort du considérant 18 de la décision attaquée, la fourniture de services à l’extérieur du groupe est envisagée, contrairement à ce qui est suggéré par la République de Pologne, seulement de manière hypothétique en l’absence de demande provenant de l’intérieur du groupe d’appartenance du bénéficiaire désigné (voir page 38 de la seconde demande de confirmation).

113    Par ailleurs, la circonstance alléguée par la République de Pologne que le groupe d’appartenance du bénéficiaire désigné aurait 2 300 magasins dans le monde et 180 magasins en Pologne, à la supposer établie, ne démontre pas non plus que le projet contribuerait à la diffusion de l’innovation dans le secteur des services logistiques, dès lors qu’il est constant que les magasins du groupe d’appartenance du bénéficiaire désigné n’offrent pas sur le marché les services logistiques fournis par le centre logistique de Radomsko, mais les produits d’ameublement et les accessoires pour la maison commercialisés par le groupe d’appartenance du bénéficiaire désigné.

114    En deuxième lieu, la République de Pologne, critiquant, en substance, le considérant 19 de la décision attaquée, allègue que le projet a eu une influence sur les consommateurs finaux en permettant au groupe d’appartenance du bénéficiaire désigné de mettre en place un service spécial de vente par Internet et en permettant aux consommateurs d’avoir accès à un service amélioré en termes de rapidité, de rapport qualité/prix et de prestige.

115    Cependant, d’une part, il convient de constater que le document sur lequel la République de Pologne s’appuie, à savoir un document du bénéficiaire désigné du 18 septembre 2015 produit en annexe à la réplique, concernant le développement de services de vente par Internet par le groupe d’appartenance du bénéficiaire désigné, est postérieur à la décision attaquée et ne se réfère nullement à des informations qui auraient été transmises à la Commission au cours de la procédure d’évaluation ou dans la seconde demande de confirmation, laquelle concernait uniquement la fourniture de services logistiques au groupe d’appartenance du bénéficiaire désigné (voir point 112 ci-dessus). En outre, il ne ressort pas dudit document que la mise en place de ces services de vente par Internet aurait été prévue dans le projet présenté à la Commission dans la seconde demande de confirmation, mais, au contraire, que le groupe d’appartenance du bénéficiaire désigné les aurait mis en place après la réalisation du centre logistique. Le document contient d’ailleurs des données relatives à ces services se référant uniquement à 2015. Au demeurant, un tel argument ne se fonde pas sur les caractéristiques du projet telles que présentées dans la seconde demande de confirmation, mais sur ses prétendus effets postérieurement à sa réalisation.

116    Par conséquent, à la lumière de la jurisprudence rappelée au point 41 ci-dessus, tant le document du 18 septembre 2015 produit en annexe à la réplique que les informations qui y sont contenues ne sauraient être pris en compte afin d’apprécier la légalité de la décision attaquée.

117    D’autre part, en tout état de cause, la République de Pologne n’indique nullement comment la vente de produits d’ameublement ou d’accessoires pour la maison par le biais d’Internet, à la supposer incluse dans le projet tel que présenté à la Commission dans la seconde demande de confirmation, contribuerait à la diffusion de l’innovation mise en œuvre dans le centre logistique en matière d’entreposage et de logistique. De même, les allégations de la République de Pologne selon lesquelles la seconde demande de confirmation aurait indiqué que le projet répondait aux attentes des consommateurs et un avis joint à ladite demande aurait indiqué que le projet avait certains effets positifs sur les consommateurs, sur l’environnement et sur les salariés ne démontrent nullement comment le projet contribuerait à la diffusion de l’innovation mise en œuvre dans le centre logistique en matière d’entreposage et de logistique.

118    En troisième lieu, la République de Pologne conteste, en substance, les considérants 20 et 21 de la décision attaquée. Elle argue que le projet contribuerait à la diffusion de l’innovation introduite dans le centre logistique, en coopérant de façon stable avec au moins quinze PME et en permettant à d’autres entrepreneurs de visiter ledit centre.

119    D’une part, s’agissant de la coopération avec les PME, visée au considérant 20 de la décision attaquée, il y a lieu de relever que, dans la requête, la République de Pologne n’a invoqué aucun élément précis à l’appui de cet argument et n’a pas indiqué comment cette collaboration contribuerait à la diffusion de l’innovation mise en œuvre dans le centre logistique en matière d’entreposage et de logistique.

120    En tout état de cause, ainsi que l’indique la Commission au considérant 20 de la décision attaquée, il ressort de la seconde demande de confirmation que la collaboration avec les quinze PME consiste en la fourniture, de leur part, de services au centre logistique. Ladite demande indique notamment qu’une collaboration stable aurait été mise en place avec quinze PME, leur permettant de trouver un débouché stable à leurs produits et services et contribuant ainsi à leur croissance, en termes notamment de recrutement et d’équipement (page 49 de la seconde demande de confirmation). À supposer même que cette forme de coopération puisse contribuer au développement des PME locales en tant que fournisseurs du centre logistique du bénéficiaire désigné, il ne s’agit cependant pas d’une coopération contribuant à la diffusion de l’innovation au sens du POEI dans le secteur des services logistiques et d’entreposage.

121    La République de Pologne n’invoque aucun élément susceptible d’infirmer cette conclusion de la Commission.

122    À ce dernier égard, l’argument invoqué par la République de Pologne dans la réplique selon lequel le bénéficiaire désigné ne collaborerait pas qu’avec des PME fournissant des services de restauration, de nettoyage, d’hôtellerie, de protection et de transport, mais également avec sept autres entreprises actives dans d’autres secteurs, tels que ceux des aliments, des boissons, de la pharmacie, de la logistique, de la chimie, des pneus et de la laiterie, ne saurait être retenu. En effet, il ressort de la seconde demande de confirmation (pages 38 et 39) invoquée par la République de Pologne que la collaboration à laquelle cette dernière se réfère n’est qu’une visite d’étude du centre logistique de la part desdites entreprises, ce qui coïncide, en substance, avec l’argument tiré de la visite du centre logistique (voir, à ce dernier égard, point 123 ci-après).

123    D’autre part, premièrement, s’agissant de la visite du centre logistique par d’autres entrepreneurs, visée au considérant 21 de la décision attaquée, il convient de relever que, en plus des sept visites d’études mentionnées dans la seconde demande de confirmation, la République de Pologne s’appuie sur un document du bénéficiaire désigné du 17 juillet 2015 joint à la requête et contenant la liste des participants (59 personnes pour 44 entreprises) à deux événements dénommés « tour de magasin » auprès du centre logistique en 2013 et en 2015. Dans la mesure où ce document est postérieur à la décision attaquée et ne se réfère pas à des informations qui auraient été transmises à la Commission au cours de la procédure d’évaluation ou dans la seconde demande de confirmation, il ne saurait être pris en compte à la lumière de la jurisprudence rappelée au point 41 ci-dessus. En tout état de cause, ni les écritures de la République de Pologne ni la seconde demande de confirmation n’indiquent comment ces visites ou ces tours de magasin pourraient effectivement contribuer à la diffusion de l’innovation mise en œuvre dans le centre logistique en matière d’entreposage et de logistique. Au contraire, en l’absence d’indications précises et circonstanciées visant à démontrer la diffusion de l’innovation par ces biais, il y a lieu de constater que, de par leur nature ponctuelle ou isolée, voire même groupée, ces visites et ces tours ne sauraient être considérés comme contribuant à la diffusion de l’innovation au sens du POEI dans le secteur des services logistiques et d’entreposage.

124    Deuxièmement, l’argument selon lequel le projet aurait eu un grand impact en Pologne en tant qu’élément déclenchant la construction d’autres entrepôts à haut rayonnage par d’autres entreprises ayant visité le centre logistique ne saurait être retenu. D’une part, un tel argument ne se fonde pas sur les caractéristiques du projet telles que présentées dans la seconde demande de confirmation, mais sur ses prétendus effets postérieurement à sa réalisation. D’autre part, la République de Pologne s’appuie sur un document du bénéficiaire désigné du 17 décembre 2015, lequel est postérieur à la décision attaquée et ne se réfère pas à des informations qui auraient été transmises à la Commission au cours de la procédure d’évaluation ou dans la seconde demande de confirmation. Par conséquent, un tel document ne saurait être pris en compte à la lumière de la jurisprudence rappelée au point 41 ci-dessus.

125    Troisièmement, l’argument selon lequel la diffusion du projet aurait été assurée par la collaboration établie avec l’université polytechnique de Łódź (UPL) ne saurait être retenu. En effet, force est de constater que la République de Pologne se limite à évoquer une telle collaboration, sans indiquer comment cette dernière contribuerait à la diffusion de l’innovation. Or, ainsi que l’indique la Commission sans être contredite par la République de Pologne, il ressort du dossier que cette collaboration portait sur une mission d’expertise ponctuelle devant être réalisée en deux mois et demi, du 3 janvier au 16 mars 2012, après la fin de la réalisation du projet. Partant, en l’absence d’indications précises et circonstanciées visant à démontrer la diffusion de l’innovation par ce biais, il y a lieu de constater que, de par sa nature ponctuelle ou isolée, cette collaboration ne saurait être considérée comme contribuant à la diffusion de l’innovation au sens du POEI dans le secteur des services logistiques.

126    Par ailleurs, si, ainsi que le fait valoir la République de Pologne, l’axe prioritaire no 4 du POEI ne requiert pas expressément que la collaboration avec les partenaires soit permanente, la Commission se référant d’ailleurs, à cet égard, au point 375 du POEI relevant de l’axe prioritaire no 5, il n’en demeure pas moins que des formes de coopération ponctuelles ou isolées ne sauraient être considérées comme contribuant à la diffusion de l’innovation au sens du POEI. En effet, en l’absence d’indications précises et circonstanciées visant à démontrer la diffusion de l’innovation par ces biais, l’innovation en matière d’entreposage et de logistique ne saurait se diffuser ou se transmettre par le biais d’activités isolées telles qu’une visite du site ou la réalisation d’une mission d’expertise. Ainsi, en estimant, au considérant 21 de la décision attaquée, que la coopération envisagée dans le projet, consistant en des activités isolées ou ponctuelles, n’apparaissait pas comme susceptible de promouvoir le transfert de possibles solutions innovantes développées dans le cadre de la réalisation du projet, la Commission n’a commis aucune erreur manifeste d’appréciation.

127    Quatrièmement, l’argument tiré de la coopération avec d’autres écoles supérieures polonaises invoqué dans la réplique ne saurait également être retenu. En effet, d’une part, ainsi que l’indique la République de Pologne et ainsi qu’il ressort de la seconde demande de confirmation (page 39), cette dernière faisait seulement état de discussions avec trois écoles supérieures pour l’éventuelle instauration d’une coopération, sans plus de précisions. D’autre part, le document du bénéficiaire désigné du 17 juillet 2015 invoqué par la République de Pologne est postérieur à la décision attaquée et ne se réfère pas à des informations qui auraient été transmises à la Commission au cours de la procédure d’évaluation ou dans la seconde demande de confirmation, où lesdites discussions étaient seulement évoquées. Par conséquent, ce document ne saurait être pris en compte à la lumière de la jurisprudence rappelée au point 41 ci-dessus afin d’apprécier la légalité de la décision attaquée. En tout état de cause, ledit document se limite à mentionner des accords avec quatre établissements éducatifs et l’office de l’emploi de Radomsko pour l’accomplissement de périodes de stage dans le centre logistique de la part d’étudiants, de sans-emplois et de seniors, sans fournir aucune indication précise ni sur leur déroulement (durée, nature des activités), ni sur la manière selon laquelle ils contribueraient à la diffusion de l’innovation mise en œuvre dans le centre logistique en matière d’entreposage et de logistique.

128    Cinquièmement, l’allégation de la République de Pologne selon laquelle le projet aurait contribué au développement du transport intermodal dans la région, à la supposer établie, n’indique pas comment, par ce biais, le projet contribuerait à la diffusion de l’innovation dans le secteur des services logistiques.

129    En quatrième lieu, la République de Pologne conteste, en substance, les considérants 15 et 22 de la décision attaquée à l’égard du caractère suprarégional du projet.

130    Tout d’abord, il convient d’écarter comme inopérant l’argument de la République de Pologne selon lequel le soutien apporté par le FEDER ne serait pas limité aux projets à caractère suprarégional. En effet, au considérant 15 de la décision attaquée, la Commission n’a pas mentionné une telle limitation du champ d’intervention du FEDER, mais le fait que le POEI viserait à soutenir des projets ayant une dimension suprarégionale et une incidence sur la compétitivité de l’ensemble de l’économie polonaise, tel qu’effectivement prévu par le POEI, contrairement à ce qui est allégué par la République de Pologne, au point 190 du POEI.

131    Ensuite, il y a lieu d’écarter l’argument selon lequel le projet aurait eu un impact sur la région concernée, puisqu’un tel argument ne se fonde pas sur les caractéristiques du projet telles que présentées dans la seconde demande de confirmation, mais sur ses prétendus résultats. Par ailleurs, un tel argument ne saurait être pris en compte à la lumière de la jurisprudence rappelée au point 41 ci-dessus dans la mesure où il ne se réfère pas à des informations qui auraient été transmises à la Commission au cours de la procédure d’évaluation ou dans la seconde demande de confirmation.

132    Enfin, à supposer même que le projet présenté dans la seconde demande de confirmation ait eu une dimension suprarégionale, sans qu’il y ait lieu de vérifier si tel était bien le cas, cette constatation n’affecterait pas l’appréciation de la Commission relative à l’absence de potentiel de diffusion, puisque, dans le cadre de l’appréciation du projet, la Commission ne s’est référée à l’absence de dimension suprarégionale des services logistiques qu’à titre surabondant, à la fin du considérant 22 de la décision attaquée.

133    À la lumière de tout ce qui précède, il y a lieu de constater que le deuxième moyen du recours n’est pas fondé et doit être rejeté.

 Sur le troisième moyen, tiré, en substance, d’une erreur d’appréciation du caractère des emplois créés par le projet

134    Le troisième moyen du recours vise l’appréciation de la Commission contenue aux considérants 24 à 28 de la décision attaquée, selon laquelle le projet ne contribuerait pas à la réalisation des objectifs du POEI en raison de l’absence de création d’emplois hautement qualifiés.

135    À titre liminaire, il convient d’observer que, dans la décision attaquée :

–        la Commission a indiqué que la création d’emplois durables et de meilleure qualité était l’un des objectifs spécifiques du POEI, précisément l’objectif no 5, lequel devait être réalisé en générant une demande pour des emplois nécessitant des compétences et des connaissances spécialisées (considérant 24), et que, dans le secteur des services, le support financier serait accordé aux nouveaux investissements réalisés par des centres de services créant un nombre considérable d’emplois destinés à des travailleurs hautement qualifiés (considérant 25) ;

–        la Commission a également relevé que le projet prévoyait la création de 351 emplois, lesquels n’auraient cependant pas été offerts à un personnel hautement qualifié. En particulier, ces nouveaux emplois n’auraient pas été destinés à des spécialistes hautement compétents impliqués dans la création et le développement de solutions nouvelles ou améliorées contribuant à construire une économie fondée sur la connaissance, mais à des professionnels tels que des conducteurs de chariots élévateurs, des emballeurs, des opérateurs de systèmes de tapis roulant ou des gestionnaires de magasin. Même si ces emplois dans le secteur de la logistique exigeaient les compétences nécessaires pour exécuter ces tâches, ils ne pourraient pas être considérés comme des emplois hautement qualifiés au sens du POEI (considérant 26) ;

–        la Commission a en outre relevé que, s’agissant du département R & D prévu dans le projet, à part sa taille, réduite, de six employés, la description tant des responsabilités que des qualifications du personnel ne permettait pas de confirmer que ce département exerçait de réelles activités de R & D et qu’il employait des spécialistes hautement qualifiés (considérant 27) ;

–        sur la base de ces constatations, la Commission a considéré que le projet ne créait pas d’emplois hautement qualifiés et que, partant, il ne contribuait pas à la réalisation des objectifs du POEI (considérant 28).

136    La République de Pologne, d’une part, fait valoir que les règlements nos 1083/2006 et 1080/2006, le POEI et les critères de sélection approuvés par le comité de suivi n’exigent pas la création d’emplois hautement qualifiés, mais seulement la création d’au moins 200 emplois, la durabilité et la meilleure qualité des emplois nouvellement créés et le fait de contribuer à créer une demande pour des emplois exigeant des compétences et des connaissances spécialisées. Elle ajoute que le point 357 du POEI invoqué par la Commissionn’est pas applicable au projet. Selon la République de Pologne, le projetrespecte les exigences du POEI, dès lors qu’il prévoirait la création de 351 nouveaux emplois pour les travailleurs de la logistique et de l’administration et les travailleurs auxiliaires chargés de l’utilisation de solutions technologiquement avancées appliquées dans le cadre de l’investissement, dont les qualifications professionnelles seraient rehaussées en travaillant aux postes sélectionnés. En outre, la République de Pologne soutient que, grâce à la création d’emplois pour les opérateurs de chariots élévateurs, compte tenu de la facilité d’acquisition des qualifications exigées, le projet aurait permis de rendre actif un groupe important de chômeurs ayant un niveau d’enseignement primaire, dont la situation sur le marché régional aurait été la plus difficile.

137    D’autre part, la République de Pologne soutient, tout d’abord, que le projet aurait créé des emplois pour les travailleurs hautement qualifiés et contribué au développement de ces travailleurs dans le domaine des technologies innovantes. En particulier, le projet aurait permis aux personnes embauchées d’acquérir de l’expérience et de rehausser leurs qualifications pour accéder à des postes tels que ceux d’automaticien, de mécatronicien ou de mécanicien. Ensuite, la République de Pologne invoque un document du bénéficiaire désigné joint à la requête selon lequel les travailleurs hautement qualifiés constitueraient jusqu’à un quart de son personnel. Elle ajoute qu’aucun document juridiquement contraignant n’imposerait au bénéficiaire de créer un nombre précis d’emplois hautement qualifiés ou exigeant des compétences spécialisées. Enfin, elle argue que la Commission n’est pas fondée à contester la taille et le rôle du département R & D, puisque les critères de sélection relatifs aux investissements dans les centres de services partagés n’exigeraient pas la création de nouveaux emplois dans le département R & D et que, dans le cadre du projet, la création d’un département R & D était une qualité supplémentaire.

138    La Commission conteste les arguments de la République de Pologne.

139    En premier lieu, la République de Pologne argue qu’il n’est exigé ni par les critères de sélection, ni par les règlements nos 1083/2006 et 1080/2006, ni par le POEI, que des emplois hautement qualifiés soient créés dans le cadre du projet.

140    À titre liminaire, il convient de rappeler que la décision attaquée n’indique pas que le projet ne serait pas conforme aux critères de sélection fixés par le comité de suivi ou aux dispositions des règlements nos 1083/2006 et 1080/2006, mais qu’il ne contribuerait pas à la réalisation des objectifs du POEI, et particulièrement de l’objectif spécifique no 5, en raison de l’absence de création d’emplois hautement qualifiés au sens du POEI. Partant, les références opérées par la République de Pologne aux critères de sélection et aux dispositions des règlements nos 1083/2006 et 1080/2006 sont inopérantes en l’espèce.

141    S’agissant du POEI, il convient de commencer par relever que, ainsi que l’indique le considérant 24 de la décision attaquée, la création d’emplois durables et de meilleure qualité est, précisément, l’un des objectifs spécifiques, à savoir l’objectif no 5, du POEI (voir point 4.3.5 du POEI). Dans le cadre de la description de la stratégie pour la réalisation des objectifs spécifiques du POEI, le point 204 du POEI, évoqué au considérant 25 de la décision attaquée, indique que la Pologne ne devrait pas bâtir sa supériorité concurrentielle sur le faible coût de ses services, mais sur ses ressources humaines hautement qualifiées, sur la haute qualité de ses services et sur la haute qualité de ses ressources dans le secteur de la recherche et que, par conséquent, la mise en œuvre du POEI permettra d’évoluer du développement de services typiques pouvant être délocalisés vers des services de R & D de haute qualité grâce à des ressources humaines hautement qualifiées.

142    Ensuite, dans le cadre de la description de la stratégie pour la réalisation dudit objectif spécifique no 5, le point 251 du POEI, évoqué au considérant 24 de la décision attaquée, précise que la réalisation des objectifs du POEI contribuera à générer une demande d’emplois nécessitant des compétences et des connaissances spécialisées, conduisant à une modification de la structure des embauches, en créant des emplois dans des secteurs modernes de l’économie, y compris le secteur des services, tout en renforçant simultanément le processus de modernisation de l’économie polonaise. Le point 252 indique que le POEI concentre le soutien sur la création d’emplois durables et de meilleure qualité, notamment dans des secteurs porteurs pour l’économie de la connaissance, y compris, notamment, la science et les activités de R & D, les branches de l’industrie dite de haute technologie, les services aux entreprises liés à l’économie de la connaissance et le secteur des services de la société de l’information.

143    Enfin, dans le cadre de la description de l’objectif de l’axe prioritaire no 4, le point 343 du POEI (voir point 108 ci-dessus) indique que l’intervention publique dans le cadre de cet axe se concentrera sur l’aide aux entreprises liées à la création, à la mise en œuvre et au transfert de solutions innovantes, tant technologiques qu’organisationnelles, présentant une forte valeur ajoutée pour l’économie dans son ensemble et créant un grand nombre d’emplois. S’agissant spécifiquement du secteur des services et, tout particulièrement, des centres de services, le point 357 du POEI, évoqué au considérant 25 de la décision attaquée, indique qu’un soutien financier sera accordé aux nouveaux investissements réalisés par des centres de services créant un nombre considérable d’emplois destinés à des travailleurs hautement qualifiés.

144    Il en résulte que, contrairement à ce qui est allégué par la République de Pologne, le POEI, dans la perspective de créer des emplois durables et de meilleure qualité, vise à soutenir les projets générant une demande d’emplois nécessitant des compétences et des connaissances spécialisées, et ce, dans le cadre de l’axe prioritaire no 4, en supportant des projets impliquant la création d’un grand nombre de ces emplois, lesquels, lorsqu’il s’agit de centres de services, doivent être destinés à des travailleurs « hautement qualifiés ».

145    En l’espèce, il est constant que le projet concerne, ainsi qu’il ressort de son intitulé et ainsi que l’indique la République de Pologne dans la requête, un investissement dans un centre de services partagés, ce qui correspond à la typologie d’investissements visée au point 357 du POEI.

146    À ce dernier égard, l’argument de la République de Pologne selon lequel le point 357 du POEI ne serait pas applicable au projet, puisque les points 350 à 362 du POEI contiendraient une liste non limitative des instruments qui réalisent les objectifs de l’axe prioritaire no 4 et que le projet réaliserait la mesure prévue au point 363, sous h), du POEI, ne saurait être retenu. En effet, d’une part, si, ainsi que le suggère le libellé du point 349 du POEI, la liste des instruments réalisant les objectifs de l’axe prioritaire no 4 n’est pas nécessairement limitative, il n’en demeure pas moins que, lorsqu’un projet correspond à l’un des investissements envisagés dans cette liste, il doit remplir les conditions qui y sont attachées. D’autre part, la circonstance que le projet correspondrait à la mesure prévue au point 363, sous h), du POEI, à la supposer même établie, n’implique pas automatiquement, à elle seule, que le projet serait cohérent avec les priorités du POEI ou qu’il contribuerait à la réalisation des objectifs du POEI, indépendamment des autres dispositions pertinentes du POEI et de l’axe prioritaire dont il relève (voir point 110 ci-dessus), tel que, en l’espèce, le point 357 du POEI. D’ailleurs, la mesure visée au point 363, sous h), du POEI, à savoir la création d’un grand nombre d’emplois dans les entreprises du secteur des services modernes, inclut l’instrument prévu au point 357 du POEI, qui concerne précisément les investissements dans le secteur des services sous forme d’investissements dans les centres de services.

147    Il découle de tout ce qui précède que la Commission n’a commis aucune erreur d’interprétation du POEI en considérant que le projet aurait dû créer des emplois hautement qualifiés.

148    En deuxième lieu, la République de Pologne argue que la Commission a considéré à tort que le projet ne créerait pas d’emplois hautement innovants.

149    À cet égard, premièrement, la République de Pologne soutient, en substance, que le projet aurait contribué à créer des emplois pour des travailleurs chargés de l’utilisation de solutions technologiquement avancées appliquées dans le cadre du projet et que, à cette fin, il aurait prévu de former ces travailleurs à l’utilisation de ces technologies, ce qui, en travaillant aux postes sélectionnés, leur aurait permis de rehausser leurs qualifications professionnelles pour accéder à des postes tels que ceux d’automaticien, de mécatronicien ou de mécanicien. Le projet aurait ainsi créé des emplois exigeant des compétences et des connaissances spécialisées.

150    Il convient cependant de constater, tout d’abord, que ces allégations sont génériques et ne sont étayées par aucune information précise et circonstanciée démontrant que les emplois visés par le projet exigeraient effectivement des connaissances et des compétences spécialisées et seraient hautement qualifiés au sens du POEI, ni par aucune référence à de telles informations qui seraient contenues dans la seconde demande de confirmation ou dans la correspondance qui y est afférente.

151    Ensuite, dans la mesure où la République de Pologne s’appuie sur un document du bénéficiaire désigné du 17 juillet 2015, selon lequel les travailleurs hautement qualifiés constitueraient un quart de son personnel, il suffit de relever qu’un tel document est postérieur à la décision attaquée et qu’il ne se réfère pas à des informations qui auraient été transmises à la Commission au cours de la procédure d’évaluation ou dans la seconde demande de confirmation. Or, à la lumière de la jurisprudence rappelée au point 41 ci-dessus, ledit document et les informations qui y sont contenues ne sauraient être pris en compte dans le cadre de l’appréciation de la légalité de la décision attaquée.

152    En outre, il convient de relever que, si la seconde demande de confirmation indique, certes, à la page 8, laquelle est la seule page invoquée par la République de Pologne dans le cadre du troisième moyen, que le projet contribuerait à créer 351 emplois, lesquels s’ajouteraient aux 200 emplois déjà existants, pour un total de 551 emplois, et que, à la date de cette demande, le centre logistique aurait créé 124 nouveaux emplois, dont 28 emplois pour des personnes ayant une formation supérieure, pour un total de 324 emplois (les 200 emplois « de base » et les 124 nouveaux emplois) (page 47), force est de constater que ladite demande ne contient aucune indication précise et circonstanciée sur les types d’emplois en cause et sur les qualifications qui y sont afférentes, qui permettrait d’apprécier les connaissances, les compétences et les qualifications exigées et d’établir qu’il s’agit d’emplois hautement qualifiés au sens du POEI.

153    Enfin, s’agissant des arguments de la République de Pologne selon lesquels le projet respecterait les exigences posées par les critères de sélection, dès lors qu’il viserait à créer un nombre d’emplois (351) supérieur au nombre prescrit par lesdits critères (200), et selon lesquels aucun document juridiquement contraignant n’imposerait au bénéficiaire de créer un nombre précis d’emplois hautement qualifiés ou exigeant des compétences spécialisées, il suffit de rappeler, d’une part, que la décision attaquée n’indique pas que le projet ne serait pas conforme aux critères de sélection fixés par le comité de suivi et que, par ailleurs, le respect dudit critère numérique est sans incidence quant à la question de savoir si les emplois en cause peuvent être considérés comme étant hautement qualifiés au sens du POEI. D’autre part, si, certes, l’axe prioritaire no 4 du POEI ne fixe pas un nombre précis d’emplois hautement qualifiés devant être créés par un centre de services, il n’en demeure pas moins que, en l’espèce, il incombait à la République de Pologne de démontrer que, en fonction des caractéristiques du projet, la condition liée au caractère hautement qualifié des emplois créés était satisfaite et que, partant, le projet contribuait à réaliser les objectifs du POEI.

154    Deuxièmement, l’allégation de la République de Pologne selon laquelle le projet, en créant des emplois pour les opérateurs de chariots élévateurs, compte tenu de la facilité d’acquisition des qualifications requises, aurait permis de rendre actif un groupe important de chômeurs ayant un niveau d’enseignement primaire, ne corrobore pas, mais, à l’inverse, contredit manifestement la thèse de la République de Pologne selon laquelle le projet viserait à créer des emplois hautement qualifiés.

155    Troisièmement, il convient de relever que la République de Pologne admet expressément dans la réplique que, « [c]ompte tenu de la spécificité de l’activité exercée (logistique), il est possible de recruter majoritairement du personnel peu qualifié ». Si la République de Pologne indique, certes, que le projet prévoyait « de rehausser les qualifications professionnelles des travailleurs » et d’employer « également des travailleurs hautement qualifiés », il n’en demeure pas moins que ces allégations restent génériques et nullement étayées.

156    Quatrièmement, la République de Pologne soutient que la Commission n’était pas fondée à contester la taille et le rôle du département R & D prévu dans le projet. Force est cependant de constater que, ainsi qu’il ressort du considérant 27 de la décision attaquée, la Commission n’a pas refusé de confirmer une contribution du FEDER au motif que le département R & D n’aurait pas eu une taille suffisante, mais elle a évalué si la mise en place d’un tel département aurait pu contribuer à la réalisation de l’objectif spécifique no 5 du POEI et, à cet égard, elle a considéré que la description très générique des responsabilités et des qualifications des employés de ce département ne permettait pas de confirmer que ledit département exercerait de réelles activités de R & D et emploierait des spécialistes hautement qualifiés. L’argument de la République de Pologne est partant inopérant en l’espèce. Au demeurant, la République de Pologne ne conteste pas la conclusion de la Commission sur les qualifications des employés de ce département contenue au considérant 27 de la décision attaquée.

157    Il découle de tout ce qui précède que l’évaluation de la Commission selon laquelle le projet ne créerait pas des emplois hautement qualifiés n’est pas entachée d’une erreur manifeste d’appréciation.

158    Par conséquent, le troisième moyen de recours n’est pas fondé et doit être rejeté.

 Sur le quatrième moyen, tiré, en substance, d’une erreur d’appréciation du projet concernant la valeur ajoutée et l’effet d’incitation

159    Le quatrième moyen du recours vise l’appréciation de la Commission contenue aux considérants 29 à 32 de la décision attaquée, selon laquelle le projet ne contribuerait pas à la réalisation des objectifs du POEI en raison de l’absence de valeur ajoutée, puisqu’il aurait également été réalisé sans le versement de fonds publics.

160    À titre liminaire, il convient d’observer que, dans la décision attaquée :

–        tout d’abord, la Commission a rappelé, d’une part, que, ainsi que cela était prévu au point 210 du POEI, compte tenu du caractère limité des fonds publics, le POEI supporterait les projets ayant la plus forte valeur ajoutée et produisant les effets les plus importants pour l’économie dans son ensemble et, d’autre part, que la « valeur ajoutée » d’un projet était définie dans le POEI comme la valeur additionnelle qui ne pouvait être générée sans fonds publics (considérant 29) ;

–        ensuite, la Commission a relevé que, dans la première demande de confirmation, la République de Pologne avait indiqué que le bénéficiaire désigné aurait envisagé la réalisation du projet, avec la même portée et localisation, même sans le cofinancement de l’Union (considérant 30, première phrase), et que, même si cette indication avait été modifiée dans la seconde demande de confirmation, la République de Pologne n’avait pas clarifié les raisons d’une telle modification et n’avait pas fourni de preuves la confirmant (considérant 30, deuxième phrase). La Commission a indiqué que, dans la seconde demande de confirmation, la République de Pologne avait seulement modifié les indicateurs positifs de performance financière du projet, en justifiant cette modification par le fait que les hypothèses de performance initiales s’étaient révélées excessivement optimistes et nécessitaient d’être corrigées dans la seconde demande de confirmation (considérant 30, troisième et quatrième phrases) ;

–        enfin, la Commission a indiqué qu’elle avait également connaissance du fait que le bénéficiaire désigné avait déjà acquis en 2005 un terrain de 30 hectares comprenant le site actuel du projet, avec l’intention de construire un centre logistique, ce qui aurait démontré la stratégie du bénéficiaire désigné de réaliser le projet, même sans fonds publics (considérant 31) ;

–        sur la base de ces constatations, la Commission a considéré que le projet était économiquement et financièrement viable et qu’il aurait été réalisé dans le même temps, sous la même forme et avec la même localisation sans fonds publics. Dès lors qu’une contribution du FEDER n’était pas nécessaire pour établir le centre logistique objet du projet, la Commission a conclu que celui-ci ne présentait pas de valeur ajoutée et ne contribuait pas à la réalisation des objectifs du POEI (considérant 32).

161    La République de Pologne argue que le projet faisait partie, dans l’optique des investisseurs nationaux, des investissements plus à risque que ceux concernant les autres projets dans le secteur des services modernes, en raison des coûts engendrés et du taux de rendement incertain, compte tenu du besoin de trouver une nouvelle clientèle pour l’entrepôt. La possibilité d’obtenir une aide publique aurait eu une influence importante sur la décision d’ouvrir le centre logistique à Radomsko. Selon la République de Pologne, la Commission n’apas tenu compte des informations transmises par les autorités polonaises dans la seconde demande de confirmation, précisant que la décision d’étendre le centre logistique, adoptée en 2008, aurait été précédée d’une analyse de la rentabilité des différentes options d’investissement et que le projet n’aurait pas pu être réalisé dans la mesure et le délai envisagés sans la subvention de l’Union. Le fait que, dans la première demande de confirmation, la République de Pologne n’ait pas répondu « oui » à la question de savoir si la contribution de l’Union serait un facteur déterminant pour la réalisation du projet ne serait que le fruit d’un malentendu, puisque le bénéficiaire désigné aurait prévu de développer son entreprise, mais il n’aurait pas réalisé d’investissement de si grande ampleur sans la participation publique. Au soutien de ses arguments, la République de Pologne invoque les résultats d’un audit réalisé par une société de conseil. Elle soutient également que la modification des indicateurs de performance financière se justifie par les effets de la crise financière aux États-Unis.

162    La République de Pologne ajoute que l’acquisition par le bénéficiaire désigné, en 2005, d’un terrain de 30 hectares ne constitue pas la preuve de la décision de construire un centre logistique, ni de la capacité à réaliser un tel investissement sans le concours des fonds publics.

163    Enfin, la République de Pologne argue que le grief soulevé par la Commission au cours de la procédure, relatif à l’absence d’effet d’incitation, n’était pas fondé, puisque le bénéficiaire désigné n’aurait pas été tenu de démontrer un tel effet et que, en tout état de cause, comme il a été indiqué au point G.2 de la seconde demande de confirmation et réitéré dans la lettre du 28 août 2014, l’exigence relative à un tel effet aurait été respectée.

164    La Commission conteste les arguments de la République de Pologne.

165    Il convient de commencer par relever que, dans le cadre de la description de la stratégie pour la réalisation des objectifs spécifiques du POEI, le point 210 du POEI, évoqué au considérant 29 de la décision attaquée, indique que, en raison du caractère limité des fonds publics, le POEI ne soutiendra que les projets ayant la plus forte valeur ajoutée et produisant les effets les plus importants pour l’économie dans son ensemble. La note en bas de page no 126 du POEI indique que la « valeur ajoutée » est entendue comme la valeur additionnelle résultant de la réalisation d’un projet qui n’aurait pu être générée pendant la période concernée sans le soutien public.

166    Il découle, en substance, du POEI qu’un projet présente une valeur ajoutée au sens du POEI lorsque, sans le soutien public, le projet ne serait pas réalisé en tant que tel et n’impliquerait donc pas les mêmes effets pour l’économie dans son ensemble. Ainsi, dans ces conditions, l’octroi du soutien public permettrait de générer une valeur ajoutée qui ne serait pas générée autrement.

167    En l’espèce, il ressort du considérant 32 de la décision attaquée que la Commission a estimé que le projet ne présenterait pas de valeur ajoutée au motif qu’une contribution du FEDER n’aurait pas été nécessaire pour établir le centre logistique, étant donné que le projet aurait été économiquement et financièrement viable et qu’il aurait été réalisé dans le même temps, sous la même forme et avec la même localisation sans le soutien public. Ainsi qu’il ressort du considérant 30 de la décision attaquée, ces conclusions se fondent sur les déclarations contenues dans la première demande de confirmation, que la République de Pologne aurait modifiées, sans en clarifier les raisons et en fournir les preuves, dans la seconde demande de confirmation, dans laquelle elle aurait modifié les indicateurs positifs de performance financière du projet, en indiquant que ceux contenus dans la première demande de confirmation auraient été excessivement optimistes. Par ailleurs, au considérant 31 de la décision attaquée, la Commission a évoqué un argument supplémentaire visant à démontrer la stratégie du bénéficiaire désigné de réaliser le projet même sans fonds publics, tiré de l’acquisition, en 2005, d’un terrain comprenant le site actuel du projet.

168    Dans ce cadre, en premier lieu, il convient d’écarter comme inopérant le grief tiré du fait que la contestation faite par la Commission au cours de la procédure d’évaluation concernant l’absence d’effet d’incitation ne serait pas fondée. En effet, si la Commission, dans la correspondance échangée avec la République de Pologne au cours de la procédure d’évaluation du projet, a certes évoqué des doutes quant à l’effet d’incitation de la contribution publique, il convient cependant de constater que la décision attaquée n’évoque plus ces doutes et, ainsi qu’il ressort de son libellé et que la Commission l’a confirmé expressément dans ses mémoires, elle ne se fonde pas sur l’absence d’un tel effet d’incitation.

169    De même, l’argument de la République de Pologne selon lequel la possibilité d’obtenir une aide publique aurait eu une influence importante sur la décision du bénéficiaire désigné d’ouvrir le centre logistique à Radomsko, en raison de son caractère « plus à risque », est inopérant. En effet, ainsi qu’il ressort du POEI (voir points 165 et 166 ci-dessus), la question posée par l’exigence qu’un projet ait une valeur ajoutée n’est pas de savoir si la possibilité d’obtenir une aide publique a influencé le bénéficiaire, mais celle de savoir si, sans le soutien public, le projet présenté par l’État membre serait quand même réalisé en tant que tel ou si, en revanche, c’est précisément le soutien public qui permettrait de générer une valeur supplémentaire. Ainsi, la valeur ajoutée d’un projet ne porte pas sur les causes de celui-ci, mais sur ses effets ou résultats envisagés.

170    En tout état de cause, l’argument de la République de Pologne mentionné au point 169 ci-dessus n’est pas fondé. D’une part, le caractère risqué du projet ne saurait être apprécié sur la base de simples allégations, en l’absence de tout élément précis et circonstancié établissant que, lors de la décision de procéder à la réalisation du projet, ce dernier était considéré comme risqué. Or, à cet égard, il suffit de constater que la République de Pologne ne se réfère à aucun document au soutien de son argument. D’ailleurs, elle n’a pas produit devant le Tribunal des extraits de la première demande de confirmation et de la seconde demande de confirmation, correspondant au point E.3.3 de ces demandes et concernant l’analyse des risques du projet. D’autre part, le projet ne saurait être considéré comme plus à risque en raison de la nécessité alléguée de trouver une nouvelle clientèle pour l’entrepôt, étant donné que, ainsi qu’il a déjà été constaté au point 112 ci-dessus, le centre logistique visait uniquement à fournir des services logistiques au groupe d’appartenance du bénéficiaire désigné, ni en raison du fait que le bénéficiaire désigné offrirait des contrats de travail à durée indéterminée à un grand nombre de travailleurs, puisque, au contraire, ainsi que le fait valoir la Commission, si le projet avait effectivement été considéré comme risqué, le bénéficiaire désigné aurait envisagé des formes d’emplois plus flexibles.

171    En deuxième lieu, la République de Pologne conteste, en substance, l’appréciation contenue au considérant 30, première et deuxième phrases, de la décision attaquée (voir point 160 ci-dessus). Elle argue, d’une part, que les informations contenues au point G.2 de la première demande de confirmation invoquées par la Commission ne sont que le fruit d’un « malentendu » et, d’autre part, que la Commission n’apas tenu compte des informations contenues au point G.2 de la seconde demande de confirmation indiquant que le projet n’aurait pas pu être réalisé dans la mesure et dans le délai envisagés sans la subvention de l’Union.

172    Premièrement, il convient de relever que, au point G.2 de la première demande de confirmation, la République de Pologne a répondu par l’affirmative à la question de savoir si la contribution de l’Union permettrait d’accélérer la réalisation du projet et par la négative à la question de savoir si la contribution de l’Union serait essentielle pour la réalisation du projet. Dans le commentaire introduit en dessous de la réponse donnée à la première question, la République de Pologne a indiqué ce qui suit :

« En l’absence de cofinancement des fonds de l’[Union], on [pourrait] prévoir que la mise en œuvre du projet serait envisagée sur ce site selon l’étendue prévue, mais dans l’hypothèse d’une décision positive du groupe [d’appartenance du bénéficiaire désigné], il serait certainement nécessaire de prolonger la durée de l’investissement, en raison de la nécessité de financer une partie de l’investissement grâce aux revenus générés pendant sa mise en œuvre […] En l’absence de cofinancement, la banque ne prêterait pas un montant aussi élevé [au bénéficiaire désigné], ce qui entraînerait une réduction des liquidités de la société pendant la durée de l’investissement et nécessiterait de prolonger la mise en œuvre du projet : celui-ci devrait être divisé en différentes phases d’exécution […] De plus, le recrutement de nouveaux salariés se trouverait retardé, puisqu’il faudrait en priorité supporter les coûts d’investissement nécessaires. La société étudierait d’autres formes d’emplois, telles que, par exemple, la possibilité de recourir à du personnel temporaire. »

173    Force est donc de constater qu’il ressort de la première demande de confirmation que le support de l’Union n’était pas essentiel pour la réalisation du projet, mais qu’il en aurait seulement accéléré la réalisation. Ainsi que l’a relevé la Commission au considérant 30 de la décision attaquée, en l’absence de cofinancement de l’Union, la réalisation du projet aurait été envisagée avec la même portée (« selon l’étendue prévue ») et la même localisation (« sur ce site »). Cependant, une telle absence de cofinancement de l’Union aurait prolongé la mise en œuvre du projet et retardé le recrutement de nouveaux salariés, avec la possibilité qu’il fût nécessaire de recourir à du personnel temporaire. Toutefois, en l’absence de cofinancement de l’Union, les revenus générés pendant la mise en œuvre de l’investissement auraient permis de le financer.

174    Contrairement à ce qui est allégué par la République de Pologne, il ne résulte pas du commentaire introduit en dessous de la réponse donnée à la première question du point G.2 de la première demande de confirmation que le bénéficiaire désigné « n’aurait pas réalisé d’investissement de si grande ampleur sans la participation publique », dès lors que, au contraire, ladite demande indique expressément que, en l’absence de cofinancement de l’Union, la mise en œuvre du projet aurait quand même été envisagée « selon l’étendue prévue ».

175    Par ailleurs, il convient de relever que toutes les pages de la première demande de confirmation telles que produites devant le Tribunal, y compris la page 56 contenant le point G.2 et les réponses y afférentes, sont visées par l’apposition d’un cachet et d’un paraphe du bénéficiaire désigné.

176    Dans ces circonstances, l’argument de la République de Pologne selon lequel les réponses au point G.2 contenues dans la première demande de confirmation ne seraient que le fruit d’un « malentendu » ne saurait être retenu au regard tant de leur contenu que de leur forme.

177    Il s’ensuit que la constatation opérée par la Commission au considérant 30, première phrase, de la décision attaquée, relative au contenu de la première demande de confirmation, n’est pas entachée d’une erreur manifeste d’appréciation.

178    Deuxièmement, s’agissant de l’argument de la République de Pologne selon lequel la Commission n’a pas pris en compte les informations contenues au point G.2 de la seconde demande de confirmation, tout d’abord, il convient d’observer qu’il ressort tant du considérant 8 que du considérant 30, deuxième phrase, de la décision attaquée que la Commission a pris en compte les informations contenues au point G.2 de la seconde demande de confirmation et qu’elle a constaté que ces informations différaient de celles contenues dans la première demande de confirmation, sans que pour autant la République de Pologne ait suffisamment justifié ces modifications.

179    Ensuite, il y a lieu de relever que, dans le cadre du présent litige, la République de Pologne invoque l’absence de prise en compte des informations contenues dans la seconde demande de confirmation de façon générique, sans identifier précisément les informations contenues au point G.2 de la seconde demande de confirmation que la Commission n’aurait pas pris en compte et qui justifieraient les modifications apportées au point G.2 de la seconde demande de confirmation par rapport à la première demande de confirmation.

180    Enfin, en tout état de cause, il convient de relever qu’il ressort du point G.2 de la seconde demande de confirmation (page 148) que, en l’absence de cofinancement de l’Union, le bénéficiaire désigné n’aurait pas réalisé le projet en tant que tel, à savoir la construction d’un nouvel entrepôt automatisé à hauts rayonnages à Radomsko, mais qu’il aurait réalisé un projet en deux étapes et avec deux localisations différentes, à savoir l’extension de l’entrepôt traditionnel déjà existant à Radomsko et la construction ultérieure, après 2014, d’un nouvel entrepôt en Bulgarie. Force est cependant de constater qu’un tel scénario n’est corroboré par aucun autre document produit devant le Tribunal. Au demeurant, la République de Pologne n’invoque même pas, ni ne justifie, un tel scénario dans ses écritures et se limite à des références génériques au point G.2 de la seconde demande de confirmation.

181    Par conséquent, c’est à juste titre que, dans la décision attaquée, la Commission a considéré que la République de Pologne n’avait pas clarifié les raisons, et produit des preuves, de la modification des réponses données au point G.2 de la seconde demande de confirmation.

182    Par ailleurs, la République de Pologne invoque les résultats d’un audit réalisé par une société de conseil, indiquant que, « en l’absence de cofinancement, [le bénéficiaire désigné] ne procède ni à la construction ni à l’extension des surfaces d’entreposage dont l’utilisation est prévue dans un délai de plus de deux ans ».

183    À cet égard, il y a lieu de relever que la déclaration invoquée par la République de Pologne est tirée d’un document du 11 décembre 2015, établi par une société de conseil, sur demande du bénéficiaire désigné, aux fins d’une procédure juridictionnelle pendante devant la Cour de justice de l’Union européenne. Il ressort dudit document que cette déclaration, qui se trouve dans la partie du document concernant l’utilisation envisagée de la capacité de stockage des entrepôts du bénéficiaire désigné, se fonde sur la comparaison effectuée par la société de conseil entre la décision du bénéficiaire désigné de réaliser l’entrepôt, objet du projet, à Radomsko et les décisions du bénéficiaire désigné de réaliser deux autres entrepôts à Uldum (Danemark) et Nässjö (Suède).

184    Sans qu’il y ait lieu de se prononcer sur le bien-fondé d’une telle déclaration, tout d’abord, il convient d’observer que le document de la société de conseil contenant ladite déclaration et l’analyse comparative qui y est afférente est postérieurà la décision attaquée. Il ne ressort ni du document lui-même ni du dossier qu’une telle analyse ait été transmise à la Commission au cours de la procédure d’évaluation du projet. D’ailleurs, la République de Pologne ne soutient pas que tel aurait été le cas. Partant, à la lumière de la jurisprudence rappelée au point 41 ci-dessus, ladite déclaration et l’analyse comparative qui y est afférente ne sauraient être prises en compte afin d’apprécier la légalité de la décision attaquée.

185    En tout état de cause, il convient de relever que le document établi par la société de conseil ne corrobore pas le scénario décrit dans la seconde demande de confirmation quant au fait que, en l’absence de cofinancement de l’Union, le projet ne serait pas réalisé en tant que tel, mais qu’un projet différent, à savoir l’extension de l’entrepôt traditionnel existant à Radomsko et la construction ultérieure d’un nouvel entrepôt en Bulgarie, serait réalisé.

186    En outre, dans la mesure où ledit document de la société de conseil se réfère, en tant que document relatif à la décision de réaliser le projet, à deux présentations du bénéficiaire désigné d’octobre 2007 et de janvier 2008 relatives aux différentes possibilités d’expansion de l’entrepôt de Radomsko, lesquelles étaient jointes à la lettre de la République de Pologne à la Commission du 28 août 2014 et que la Commission a produites, il convient de relever, à l’instar de la Commission, que lesdites présentations ne mentionnent pas non plus le scénario décrit dans la seconde demande de confirmation évoqué au point 185 ci-dessus, ni le cofinancement de l’Union. Au demeurant, la République de Pologne n’a pas invoqué lesdites présentations dans le cadre du quatrième moyen du recours.

187    Enfin, la République de Pologne se réfère au document de la société de conseil du 11 décembre 2015 pour soutenir également que le projet n’aurait pas été classique tant en termes de taille que de volumes d’exploitation de la surface d’entreposage et qu’il n’aurait donc pas vu le jour sans le financement public. Un tel argument est toutefois avancé par la République de Pologne en se référant de manière générique à la page 2 dudit document, contenant l’analyse comparative mentionnée au point 183 ci-dessus, laquelle, cependant, ne saurait être prise en compte pour les raisons illustrées aux points 184 et 185 ci-dessus. En tout état de cause, il ne ressort pas de ladite page de ce document que le projet n’aurait pas été classique.

188    Il s’ensuit que l’appréciation de la Commission contenue au considérant 30, deuxième phrase, de la décision attaquée, relative à la modification des informations contenues au point G.2 de la seconde demande de confirmation, n’est pas entachée d’une erreur manifeste d’appréciation.

189    En troisième lieu, la République de Pologne conteste la constatation contenue au considérant 30, troisième et quatrième phrases, de la décision attaquée relative à la modification des indicateurs de performance financière positifs contenus dans la première demande de confirmation et l’appréciation qui y est afférente contenue au considérant 32 de la décision attaquée selon laquelle le projet aurait été économiquement et financièrement viable. Elle argue, en substance, que la demande de subvention présentée le 17 juillet 2008 par le bénéficiaire désigné aux autorités polonaises a été établie dans la période précédant la crise financière aux États-Unis, laquelle serait réputée avoir commencé en septembre 2008, et dont les effets ne se seraient fait sentir en Europe que plusieurs mois plus tard, ce qui justifierait que les hypothèses contenues dans la première demande de confirmation se seraient révélées excessivement optimistes par rapport à celles élaborées dans le contexte de nouvelles conditions économiques.

190    Un tel argument ne saurait être retenu.

191    Tout d’abord, il y a lieu de constater qu’il est constant que les indicateurs de performance financière du projet ont, effectivement, été modifiés entre la première demande de confirmation et la seconde demande de confirmation.

192    Ensuite, il convient de relever que l’argument de la République de Pologne est présenté de manière générique et n’est étayé par aucun élément précis et circonstancié démontrant que les répercussions en Europe de la crise financière aux États-Unis aient eu, au moment de décider de sa réalisation, des effets sur les indicateurs de performance financière du projet, dans le sens que, sans les fonds publics, il n’aurait pas été réalisé en tant que tel.

193    Enfin, il convient de rappeler que, même si le bénéficiaire désigné a présenté aux autorités polonaises une demande de subvention pour le projet le 17 juillet 2008, il n’en demeure pas moins que la première demande de confirmation, contenant les indicateurs positifs de performance financière, n’a pas été présentée par la République de Pologne à la Commission en 2008, mais le 30 avril 2010 (voir point 3 ci-dessus). La réalisation du projet a commencé le 1er septembre 2008 (voir point 2 ci-dessus) et elle a pris fin le 31 octobre 2011 (voir point 9 ci-dessus). En revanche, la seconde demande de confirmation contenant les indicateurs de performance financière modifiés n’a été présentée à la Commission que le 1er août 2013 (voir point 10 ci-dessus), quand le projet avait déjà été entièrement réalisé et était opérationnel depuis presque deux ans.

194    Or, dans les circonstances de la présente affaire, l’évaluation du projet tel qu’il aurait été réalisé dans la période 2008-2011 sans le cofinancement de l’Union ne saurait se faire sur la base d’indicateurs de performance financière du projet révisés en 2013, lorsque le projet avait déjà été entièrement réalisé et était opérationnel depuis presque deux ans.

195    En quatrième lieu, la République de Pologne conteste l’appréciation contenue au considérant 31 de la décision attaquée et, à cet égard, elle argue que l’acquisition par le bénéficiaire désigné d’un terrain de 30 hectares en 2005 ne constitue pas la preuve de la décision de construire un centre logistique, ni de la capacité à réaliser un tel investissement sans le concours des fonds publics.

196    À cet égard, il y a lieu de relever que, si l’achat du terrain mentionné au point 195 ci-dessus pouvait révéler l’intention d’effectuer un investissement sur ce terrain, une telle acquisition, par elle-même, n’indique rien quant au type de projet qui y serait effectué.

197    Cela étant, à supposer même que l’appréciation contenue au considérant 31 soit erronée, cela n’est pas susceptible d’affecter les conclusions relatives à l’absence de valeur ajoutée contenues au considérant 32 de la décision attaquée. D’ailleurs, la Commission reconnaît, dans le mémoire en défense, que la constatation opérée au considérant 31 de la décision attaquée n’a pas pesé de manière déterminante dans le cadre de la décision attaquée.

198    En effet, il y a lieu de relever que le considérant 32 de la décision attaquée, contenant les conclusions sur l’absence de valeur ajoutée du projet, n’évoque pas directement l’acquisition du terrain mentionné au considérant 31 de ladite décision, mais se fonde sur des éléments résultant de manière autonome du considérant 30 de la décision attaquée (voir points 172 à 174 ci-dessus).

199    Il convient donc d’écarter cet argument comme étant inopérant.

200    Dans ces conditions, le quatrième moyen du recours n’est pas fondé et doit être rejeté.

201    Partant, il y a lieu de rejeter le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

202    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

203    La République de Pologne ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      La République de Pologne est condamnée aux dépens.

Tomljenović

Marcoulli

Kornezov

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 1er mars 2018.

Signatures


Table des matières


Antécédents du litige

Procédure et conclusions des parties

En droit

Considérations liminaires sur le cadre juridique et sur le contrôle du Tribunal

Sur le premier moyen, tiré, en substance, d’une part, de la violation des dispositions combinées de l’article 41, paragraphe 1, de l’article 56, paragraphe 3, et de l’article 60, sous a), du règlement n o 1083/2006 ainsi que de la violation du principe de coopération loyale et, d’autre part, de la violation de l’article 41, paragraphe 2, du règlement no 1083/2006

Sur la première branche du premier moyen, tirée, en substance, de la méconnaissance des critères de sélection

Sur la seconde branche du premier moyen, tirée du non-respect du délai prévu à l’article 41, paragraphe 2, du règlement n o 1083/2006

Sur le deuxième moyen, tiré, en substance, d’une erreur d’appréciation du degré de diffusion de l’innovation et du caractère innovant du projet

Sur le troisième moyen, tiré, en substance, d’une erreur d’appréciation du caractère des emplois créés par le projet

Sur le quatrième moyen, tiré, en substance, d’une erreur d’appréciation du projet concernant la valeur ajoutée et l’effet d’incitation

Sur les dépens


*      Langue de procédure : le polonais.


1      Le présent arrêt fait l’objet d’une publication par extraits.