Language of document : ECLI:EU:C:2011:556

ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

8 septembre 2011 (*)

«Transport aérien – Directive 2002/30/CE – Restrictions d’exploitation liées au bruit dans les aéroports de la Communauté – Limites de niveau sonore à respecter lors du survol de territoires urbains situés à proximité d’un aéroport»

Dans l’affaire C‑120/10,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Conseil d’État (Belgique), par décision du 26 février 2010, parvenue à la Cour le 5 mars 2010, dans la procédure

European Air Transport SA

contre

Collège d’environnement de la Région de Bruxelles-Capitale,

Région de Bruxelles-Capitale,

LA COUR (première chambre),

composée de M. A. Tizzano, président de chambre, MM. J.-J. Kasel, E. Levits, M. Safjan et Mme M. Berger (rapporteur), juges,

avocat général: M. P. Cruz Villalón,

greffier: Mme R. Şereş, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 30 novembre 2010,

considérant les observations présentées:

–        pour European Air Transport SA, par Mes P. Malherbe et T. Leidgens, avocats,

–        pour le Collège d’environnement de la Région de Bruxelles-Capitale et la Région de Bruxelles-Capitale, par Mes F. Tulkens et N. Bonbled, avocats,

–        pour le gouvernement danois, par M. C. Vang, en qualité d’agent,

–        pour le gouvernement français, par MM. G. de Bergues et M. Perrot, en qualité d’agents,

–        pour la Commission européenne, par Mme C. Vrignon et M. K. Simonsson, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 17 février 2011,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 2, sous e), 4, paragraphe 4, et 6, paragraphe 2, de la directive 2002/30/CE du Parlement européen et du Conseil, du 26 mars 2002, relative à l’établissement de règles et procédures concernant l’introduction de restrictions d’exploitation liées au bruit dans les aéroports de la Communauté (JO L 85, p. 40).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant European Air Transport SA (ci-après «EAT»), société de transport aérien, au Collège d’environnement de la Région de Bruxelles-Capitale et à la Région de Bruxelles-Capitale au sujet d’une amende d’un montant de 56 113 euros infligée à EAT par l’Institut bruxellois pour la gestion de l’environnement (ci-après l’«IBGE») pour non-respect de la réglementation nationale relative au bruit dans le milieu urbain.

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

3        Les septième et dixième considérants de la directive 2002/30 disposent:

«(7)      L’adoption d’un ensemble de règles et de procédures communes pour l’introduction de restrictions d’exploitation dans les aéroports communautaires dans le cadre d’une approche équilibrée de la gestion du bruit contribuera à assurer le respect des exigences du marché intérieur car des restrictions d’exploitation de même nature seront appliquées dans des aéroports présentant des problèmes de bruit comparables. Cet ensemble de règles comprend une évaluation des incidences des nuisances sonores dans un aéroport et un examen des mesures possibles pour atténuer ces incidences, ainsi qu’une sélection des mesures de réduction du bruit applicables en vue d’obtenir le plus grand bénéfice pour l’environnement au moindre coût.

[...]

(10)      La 33e assemblée de l’OACI a adopté la résolution A33/7, qui définit le concept d’‘approche équilibrée’ de la gestion du bruit. Cette approche constitue une méthode d’action pour traiter des nuisances sonores générées par les avions, qui comprend notamment des orientations internationales pour l’introduction de restrictions d’exploitation spécifiques à chaque aéroport. Le concept d’‘approche équilibrée’ de la gestion de la pollution sonore causée par les aéronefs s’articule autour de quatre éléments essentiels et requiert un examen minutieux des différentes solutions possibles pour réduire les émissions sonores, notamment la réduction à la source du bruit des avions, les mesures d’aménagement et de gestion du territoire, les procédures d’exploitation ‘à moindre bruit’ et les restrictions d’exploitation, dans le respect des obligations légales applicables et des accords, législations et politiques en vigueur.»

4        L’article 1er de la directive 2002/30, intitulé «Objectifs», prévoit:

«Les objectifs de la présente directive sont les suivants:

a)      établir des règles applicables dans la Communauté pour faciliter l’introduction de restrictions d’exploitation homogènes au niveau des aéroports de façon à limiter, voire réduire, le nombre de personnes souffrant des effets nocifs du bruit;

[...]»

5        L’article 2, sous e), de la directive 2002/30 dispose:

«Aux fins de la présente directive, on entend par:

[...]

e)      ‘restriction d’exploitation’, une mesure liée au bruit qui limite ou réduit l’accès des avions à réaction subsoniques civils à un aéroport; il peut s’agir de restrictions d’exploitation visant à interdire l’exploitation d’aéronefs présentant une faible marge de conformité dans des aéroports déterminés, ou de restrictions d’exploitation partielles, qui limitent l’exploitation des avions à réaction subsoniques civils selon la période de temps considérée».

6        Aux termes de l’article 4, paragraphe 4, de cette directive, intitulé «Règles générales relatives à la gestion du bruit des aéronefs»:

«Les restrictions d’exploitation basées sur les performances se fondent sur le bruit émis par l’aéronef, déterminé par la procédure de certification menée conformément à l’annexe 16, volume 1, troisième édition (juillet 1993), de la convention relative à l’aviation civile internationale [conclue à Chicago le 7 décembre 1944 (ci-après la ‘convention OACI’)].»

7        L’article 5 de la directive 2002/30, intitulé «Règles relatives à l’évaluation», prévoit:

«1.      Lorsqu’une décision relative aux restrictions d’exploitation est envisagée, il est tenu compte des informations visées à l’annexe II, dans la mesure où cela est approprié et possible, pour ce qui est des restrictions d’exploitation concernées et des caractéristiques de l’aéroport.

2.      Lorsque des projets aéroportuaires font l’objet d’une évaluation des incidences sur l’environnement en application de la directive 85/337/CEE [du Conseil, du 27 juin 1985, concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement (JO L 175, p. 40)], l’évaluation effectuée conformément à cette directive est considérée comme satisfaisant aux dispositions du paragraphe 1, à condition que l’évaluation ait tenu compte, dans la mesure du possible, des informations visées à l’annexe II de la présente directive.»

8        L’article 6 de la directive 2002/30, intitulé «Règles concernant l’introduction de restrictions d’exploitation visant à retirer de la circulation les aéronefs présentant une faible marge de conformité», énonce:

«1.      Si l’examen de toutes les mesures possibles, y compris les mesures de restriction partielle d’exploitation, effectué conformément aux dispositions de l’article 5 indique que la réalisation des objectifs de la présente directive requiert l’introduction de restrictions visant à retirer de la circulation les aéronefs présentant une faible marge de conformité, les règles suivantes s’appliquent […]

2.      Conformément aux règles d’évaluation visées à l’article 5, les autorités gestionnaires des aéroports urbains répertoriés dans l’annexe I peuvent introduire des mesures plus strictes en ce qui concerne la définition des aéronefs présentant une faible marge de conformité, à condition que ces mesures ne concernent pas les avions à réaction subsoniques civils qui satisfont, de par leur certificat d’origine ou à l’issue d’un renouvellement de certificat, aux normes acoustiques du volume 1, deuxième partie, chapitre 4, de l’annexe 16 de la convention relative à l’aviation civile internationale.»

 Le droit national

9        Au niveau fédéral, la directive 2002/30 a été transposée par l’arrêté royal du 25 septembre 2003 établissant des règles et procédures concernant l’introduction de restrictions d’exploitation à l’aéroport de Bruxelles-National (Moniteur belge du 26 septembre 2003, p. 47538).

10      Aux termes de l’article 9 de l’ordonnance de la Région de Bruxelles-Capitale du 17 juillet 1997 relative à la lutte contre le bruit en milieu urbain (Moniteur belge du 23 octobre 1997, p. 28215, ci-après l’«ordonnance du 17 juillet 1997»):

«Le Gouvernement prend toutes mesures destinées à:

1o      limiter les nuisances occasionnées par certaines sources par la définition de normes d’émission ou d’immission maximales;

2o      établir, pour les sources de bruit, des seuils acceptables en fonction de leur provenance, de leur localisation urbanistique, de leurs caractéristiques acoustiques et de la nécessité de protéger plus particulièrement les occupants d’immeubles situés dans des zones déterminées;

3°      réglementer l’utilisation d’appareils, dispositifs ou objets en fonction des circonstances où des bruits ou vibrations produits ou susceptibles d’être produits seraient particulièrement gênants;

[...]»

11      L’article 32 de l’ordonnance de la Région de Bruxelles-Capitale du 25 mars 1999 relative à la recherche, la constatation, la poursuite et la répression des infractions en matière d’environnement (Moniteur belge du 24 juin 1999, p. 23850, ci-après l’«ordonnance du 25 mars 1999»), dispose:

«Est passible d’une amende administrative de 62,50 à 625 euros toute personne qui commet une des infractions suivantes:

[…]

8°      au sens de l’ordonnance du 17 juillet 1997 relative à la lutte contre le bruit en milieu urbain:

a)      cause des bruits ou tapages sur la voie publique de nature à troubler la tranquillité ou la santé des habitants sans nécessité ou par défaut de prévoyance ou de précaution;

b)      cause des bruits ou tapages de nature à troubler la tranquillité ou la santé des habitants entre 22 heures et 7 heures;

c)      fait preuve d’un comportement anormalement bruyant ou n’aura pas mis obstacle à un comportement de même nature des personnes ou animaux placés sous sa responsabilité.»

12      Aux termes de l’article 33 de cette ordonnance:

«Est passible d’une amende administrative de 625 à 62 500 euros toute personne qui commet une des infractions suivantes:

[...]

7°      au sens de l’ordonnance du 17 juillet 1997 relative à la lutte contre le bruit en milieu urbain:

a)      cause, sur la voie publique ou dans un lieu public, des bruits soumis à autorisation préalable sans disposer de cette autorisation ou sans respecter les conditions qui y sont mises;

b)      étant propriétaire, détenteur ou utilisateur d’une source sonore, crée directement ou indirectement, ou laisse perdurer une gêne sonore dépassant les normes fixées par le Gouvernement;

[...]»

13      L’article 35 de ladite ordonnance prévoit:

«Les infractions énumérées aux articles 32 et 33 font l’objet soit de poursuites pénales, soit d’une amende administrative.

[...]»

14      L’article 2 de l’arrêté de la Région de Bruxelles-Capitale du 27 mai 1999 relatif à la lutte contre le bruit généré par le trafic aérien (Moniteur belge du 11 août 1999, p. 30002, ci-après l’«arrêté du 27 mai 1999»), prévoit les valeurs limites que les niveaux de bruit ne peuvent pas dépasser.

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

15      Il ressort de la décision de renvoi que l’IBGE a constaté que, au cours du mois d’octobre de l’année 2006, EAT avait commis 62 infractions à l’ordonnance du 17 juillet 1997, à l’ordonnance du 25 mars 1999 ainsi qu’à l’arrêté du 27 mai 1999. EAT se voit reprocher l’émission par ses aéronefs de bruits, pendant la nuit, supérieurs aux valeurs limites prévues par ces réglementations.

16      Un procès-verbal constatant ces infractions a été établi le 24 novembre 2006 par l’IBGE et transmis le 4 décembre 2006 à EAT.

17      Le 24 août 2007, l’IBGE a engagé une procédure en vue d’infliger une sanction administrative à EAT, qui a abouti à la fixation d’une amende, à la charge de cette société, d’un montant de 56 113 euros, correspondant à 48 des 62 infractions commises au cours du mois d’octobre de l’année 2006, entre deux heures et cinq heures du matin.

18      EAT a introduit un recours contre cette décision devant le Collège d’environnement de la Région de Bruxelles-Capitale, qui a confirmé, par une décision du 24 janvier 2008, la sanction infligée par l’IBGE.

19      Le 20 mars 2008, ladite société a alors introduit un recours devant le Conseil d’État contre le Collège d’environnement de la Région de Bruxelles-Capitale et la Région de Bruxelles-Capitale, en vue d’obtenir l’annulation de la décision du 24 janvier 2008. Elle a fait valoir, à cet égard, que l’arrêté du 27 mai 1999 viole les articles 4 et 6 de la directive 2002/30, en vertu desquels, d’une part, toutes les mesures de restrictions d’exploitation adoptées par les autorités compétentes, à savoir, dans l’affaire au principal, l’IBGE, doivent être fondées sur le bruit émis par l’aéronef, déterminé par la procédure de certification menée conformément au volume I de l’annexe 16 de la convention OACI, et, d’autre part, les autorités compétentes des États membres ne peuvent interdire ou limiter l’exploitation d’avions qui satisfont aux normes du chapitre 3 dudit volume, sauf s’il s’agit d’aéronefs présentant une faible marge de conformité avec ledit chapitre 3.

20      En outre, la requérante au principal a fait valoir que cet arrêté viole l’article 6 de la directive 2002/30, qui prévoit que les autorités compétentes des États membres ne peuvent, en aucun cas, prendre des mesures limitant l’exploitation des avions satisfaisant aux normes fixées dans le volume I, deuxième partie, chapitre 4, de l’annexe 16 de la convention OACI.

21      C’est dans ces conditions que le Conseil d’État a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)      La notion de ‘restriction d’exploitation’ visée à l’article 2, sous e), de la [directive 2002/30] doit-elle être interprétée comme incluant des règles fixant des limites de niveau sonore mesuré au sol, à respecter lors du survol de territoires situés à proximité de l’aéroport, au-delà desquelles l’auteur de leur dépassement est susceptible d’encourir une sanction, étant entendu que les aéronefs sont tenus de respecter les routes et de se conformer aux procédures d’atterrissage et de décollage fixées par d’autres autorités administratives sans tenir compte du respect de ces limites sonores?

2)      Les articles 2, sous e), et 4, paragraphe 4, de [cette] directive doivent-ils être interprétés en ce sens que toute ‘restriction d’exploitation’ doit être ‘[fondée] sur les performances’, ou ces dispositions permettent-elles que d’autres dispositions, relatives à la protection de l’environnement, limitent l’accès à l’aéroport en fonction du niveau sonore mesuré au sol, à respecter lors du survol de territoires situés à proximité de l’aéroport, au-delà duquel l’auteur de leur dépassement est susceptible d’encourir une sanction?

3)      L’article 4, paragraphe 4, de [ladite] directive doit-il être interprété comme interdisant que, en plus des restrictions d’exploitation basées sur les performances qui se fondent sur le bruit émis par l’aéronef, des règles relatives à la protection de l’environnement fixent des limites de niveau sonore mesuré au sol, à respecter lors du survol de territoires situés à proximité de l’aéroport?

4)      L’article 6, paragraphe 2, de la même directive doit-il être interprété comme interdisant que des règles fixent des limites de niveau sonore mesuré au sol, à respecter lors du survol de territoires situés à proximité de l’aéroport, au-delà desquelles l’auteur de leur dépassement est susceptible d’encourir une sanction, règles qui soient susceptibles d’être enfreintes par des avions satisfaisant aux normes du volume I, deuxième partie, chapitre 4, de l’annexe 16 de la convention OACI?»

 Sur les questions préjudicielles

 Sur la première question

22      Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si la notion de «restriction d’exploitation» visée à l’article 2, sous e), de la directive 2002/30 doit être interprétée en ce sens qu’elle inclut des règles fixant des limites de niveau sonore mesuré au sol, à respecter lors du survol de territoires situés à proximité de l’aéroport, au-delà desquelles l’auteur de leur dépassement est susceptible d’encourir une sanction.

23      Afin de répondre à cette question, il convient de rappeler que, ainsi qu’il résulte du septième considérant de la directive 2002/30, celle-ci vise «[l]’adoption d’un ensemble de règles et de procédures communes pour l’introduction de restrictions d’exploitation dans les aéroports communautaires dans le cadre d’une approche équilibrée de la gestion du bruit».

24      À cet égard, le dixième considérant de cette directive précise que l’approche équilibrée constitue une méthode d’action pour traiter des nuisances sonores générées par les avions qui comprend, notamment, des orientations internationales pour l’introduction de restrictions d’exploitation spécifiques à chaque aéroport. Le concept d’«approche équilibrée», défini par la résolution A33/7, adoptée par la 33e assemblée de l’OACI, s’articule autour de quatre éléments essentiels et requiert un examen minutieux des différentes solutions possibles pour réduire les émissions sonores, notamment la réduction à la source du bruit des avions, les mesures d’aménagement et de gestion du territoire, les procédures d’exploitation «à moindre bruit» et les restrictions d’exploitation, dans le respect des obligations légales applicables ainsi que des accords, des législations et des politiques en vigueur (voir, notamment, arrêt du 14 juin 2007, Commission/Belgique, C‑422/05, Rec. p. I‑4749, point 38).

25      Il s’ensuit que les restrictions d’exploitation ne sont admissibles que lorsque toute autre mesure de gestion du bruit n’a pas permis d’atteindre les objectifs de la directive 2002/30, tels qu’indiqués à l’article 1er de celle-ci.

26      Dans ce contexte, l’article 2, sous e), de la directive 2002/30, définissant la «restriction d’exploitation» comme une mesure liée au bruit qui limite ou réduit l’accès des avions à réaction subsoniques civils à un aéroport, précise que peuvent exister soit des restrictions partielles, qui limitent l’exploitation des avions à réaction subsoniques civils selon la période de temps considérée, soit des restrictions consistant à interdire totalement l’exploitation d’aéronefs présentant une faible marge de conformité dans des aéroports déterminés.

27      Cette gradation est par ailleurs confirmée par l’article 6, paragraphe 1, de cette directive, qui ne permet l’adoption de restrictions d’exploitation visant à retirer de la circulation des aéronefs que lorsque toutes les mesures possibles, y compris les mesures de restriction partielle d’exploitation, n’ont pas permis d’atteindre la réalisation des objectifs de la directive 2002/30.

28      Par conséquent, comme le relève M. l’avocat général au point 48 de ses conclusions, une restriction d’exploitation au sens de l’article 2, sous e), de cette directive implique une interdiction d’accès à l’aéroport concerné, interdiction qui peut être totale ou partielle.

29      Or, une réglementation environnementale, telle que celle en cause au principal, qui impose des limites maximales de nuisance sonore mesurée au sol, à respecter lors du survol de territoires situés à proximité de l’aéroport, ne constitue pas, en tant que telle, une interdiction d’accès à l’aéroport concerné.

30      Au demeurant, l’application d’une méthode consistant à mesurer au sol le bruit produit par un aéronef en vol constitue un élément d’une approche équilibrée, telle qu’évoquée aux points 23 et 24 du présent arrêt, en ce qu’elle est susceptible de fournir plus de données permettant de concilier les intérêts concurrentiels des personnes touchées par les nuisances sonores, des acteurs économiques exploitant les avions et de la société dans son ensemble.

31      Il ne saurait toutefois être exclu que de telles réglementations, en raison des contextes économique, technique et juridique pertinents dans lesquels elles s’insèrent, puissent avoir les mêmes effets qu’une interdiction d’accès.

32      Si, en effet, les limites imposées par ces réglementations sont si restrictives qu’elles contraignent les exploitants d’aéronefs de renoncer à leur activité économique, de telles réglementations devraient être regardées comme des interdictions d’accès et constitueraient, dès lors, des «restrictions d’exploitation» au sens de l’article 2, sous e), de cette directive.

33      Dans l’affaire au principal, il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier si les mesures adoptées par la Région de Bruxelles-Capitale ont de tels effets.

34      Dans ces conditions, il y a lieu de répondre à la première question posée que l’article 2, sous e), de la directive 2002/30 doit être interprété en ce sens qu’une «restriction d’exploitation» constitue une mesure prohibitive totale ou temporaire interdisant l’accès d’un aéronef à réaction subsonique civil à un aéroport d’un État membre de l’Union. Par conséquent, une réglementation nationale en matière d’environnement, qui impose des limites maximales de nuisance sonore mesurée au sol, à respecter lors du survol de territoires situés à proximité de l’aéroport, ne constitue pas, en tant que telle, une «restriction d’exploitation» au sens de cette disposition, à moins que, en raison des contextes économique, technique et juridique pertinents, elle puisse avoir les mêmes effets qu’une interdiction d’accès audit aéroport.

 Sur les deuxième à quatrième questions

35      Compte tenu de la réponse apportée à la première question, il n’y a pas lieu de répondre aux autres questions préjudicielles.

 Sur les dépens

36      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit:

L’article 2, sous e), de la directive 2002/30/CE du Parlement européen et du Conseil, du 26 mars 2002, relative à l’établissement de règles et procédures concernant l’introduction de restrictions d’exploitation liées au bruit dans les aéroports de la Communauté, doit être interprété en ce sens qu’une «restriction d’exploitation» constitue une mesure prohibitive totale ou temporaire interdisant l’accès d’un aéronef à réaction subsonique civil à un aéroport d’un État membre de l’Union. Par conséquent, une réglementation nationale en matière d’environnement, qui impose des limites maximales de nuisance sonore mesurée au sol, à respecter lors du survol de territoires situés à proximité de l’aéroport, ne constitue pas, en tant que telle, une «restriction d’exploitation» au sens de cette disposition, à moins que, en raison des contextes économique, technique et juridique pertinents, elle puisse avoir les mêmes effets qu’une interdiction d’accès audit aéroport.

Signatures


* Langue de procédure: le français.