Language of document : ECLI:EU:T:1999:335

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre élargie)

16 décembre 1999 (1)

«Traité CECA - Recours en annulation - Aides d'État - Décision constatant l'incompatibilité d'aides et ordonnant leur restitution - Aides non notifiées - Code des aides à la sidérurgie applicable - Droits de la défense - Confiance légitime - Taux d'intérêts applicables - Motivation»

Dans l'affaire T-158/96,

Acciaierie di Bolzano SpA, société de droit italien, établie à Bolzano (Italie), représentée initialement par Mes Giulio Macrì, Bruno Nascimbene, avocats au barreau de Milan, et Me Massimo Condinanzi, avocat au barreau de Biella, puis parMe Nascimbene, ayant élu domicile à Luxembourg en l'étude de Me Franco Colussi, 36, rue de Wiltz,

partie requérante,

soutenue par

Falck SpA, société de droit italien, établie à Milan (Italie), représentée initialement par Mes Giulio Macrì et Franco Colussi, avocats au barreau de Milan, puis par Mes Macrì et Massimo Condinanzi, avocat au barreau de Biella, ayant élu domicile à Luxembourg en l'étude de Me Franco Colussi, 36, rue de Wiltz,

et

République italienne, représentée par M. Umberto Colesanti, du service du contentieux diplomatique, en qualité d'agent, assisté de Me Aiello Giacomo, avvocato dello Stato, ayant élu domicile à Luxembourg au siège de l'ambassade d'Italie, 5, rue Marie-Adélaïde,

parties intervenantes,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. Enrico Traversa et Paul Nemitz, membres du service juridique, et Enrico Altieri, juge près la Corte di Cassazione, en qualité d'agents, ainsi que, lors de la procédure orale, par Me Tito Ballarino, avocat au barreau de Milan, ayant élu domicile auprès de M. Carlos Gómez de la Cruz, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d'annulation de la décision 96/617/CECA de la Commission, du 17 juillet 1996, concernant des aides octroyées par la province autonome de Bolzano (Italie) à la société Acciaierie di Bolzano (JO L 274, p. 30),

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (cinquième chambre élargie),

composé de MM. J. D. Cooke, président, R. García-Valdecasas, Mme P. Lindh, MM. J. Pirrung et M. Vilaras, juges,

greffier: M. J. Palacio González, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale du 25 mars 1999,

rend le présent

Arrêt

Cadre juridique, faits à l'origine du recours et procédure

Cadre juridique

1.
    L'article 4 du traité CECA dispose:

«Sont reconnus incompatibles avec le marché commun du charbon et de l'acier et, en conséquence, sont abolis et interdits dans les conditions prévues au présent traité, à l'intérieur de la Communauté:

[...]

c)    les subventions ou aides accordées par les États ou les charges spéciales imposées par eux, sous quelque forme que ce soit».

2.
    L'article 95, premier et deuxième alinéas, du traité CECA énonce:

«Dans tous les cas non prévus au présent traité, dans lesquels une décision ou une recommandation de la Commission apparaît nécessaire pour réaliser dans le fonctionnement du marché commun du charbon et de l'acier et conformément aux dispositions de l'article 5 l'un des objets de la Communauté, tels qu'ils sont définis aux articles 2, 3 et 4, cette décision ou cette recommandation peut être prise sur avis conforme du Conseil, statuant à l'unanimité et après consultation du Comité consultatif.

La même décision ou recommandation, prise dans la même forme, détermine éventuellement les sanctions applicables.»

3.
    Afin de répondre aux exigences de la restructuration du secteur de la sidérurgie, la Commission s'est fondée sur les dispositions de l'article 95 du traité pour mettre en place, à partir du début des années 80, un régime communautaire autorisant l'octroi d'aides d'État à la sidérurgie dans certains cas limitativement énumérés. Ce régime a fait l'objet d'adaptations successives, en vue de faire face aux difficultés conjoncturelles de l'industrie sidérurgique. Les décisions successivement adoptées à cet égard sont communément appelées «codes des aides à la sidérurgie».

4.
    La décision n° 257/80/CECA de la Commission, du 1er février 1980, instituant des règles communautaires pour les aides spécifiques à la sidérurgie (JO L 29, p. 5), constitue le premier code des aides à la sidérurgie. Il était applicable jusqu'au 31 décembre 1981. Il a été remplacé par la décision n° 2320/81/CECA de la Commission, du 7 août 1981, instituant des règles communautaires pour les aides à la sidérurgie (JO L 228, p. 14), modifiée par la décision n° 1018/85/CECA de laCommission, du 19 avril 1985 (JO L 110, p. 5, ci-après «deuxième code»), applicable jusqu'au 31 décembre 1985.

5.
    Le troisième code des aides à la sidérurgie [décision n° 3484/85/CECA de la Commission, du 27 novembre 1985, instituant des règles communautaires (JO L 340, p. 1, ci-après «troisième code»)], était applicable entre le 1er janvier 1986 et le 31 décembre 1988. Le quatrième code des aides à la sidérurgie [décision n° 322/89/CECA de la Commission, du 1er février 1989, instituant des règles communautaires pour les aides à la sidérurgie (JO L 38, p. 8)], était applicable entre le 1er janvier 1989 et le 31 décembre 1991.

6.
    Le cinquième code des aides à la sidérurgie, institué par la décision n° 3855/91/CECA de la Commission, du 27 novembre 1991, instituant des règles communautaires pour les aides à la sidérurgie (JO L 362, p. 57, ci-après «cinquième code»), était applicable du 1er janvier 1992 au 31 décembre 1996. Il a été remplacé, le 1er janvier 1997, par la décision n° 2496/96/CECA de la Commission, du 18 décembre 1996, instituant des règles communautaires pour les aides à la sidérurgie (JO L 338, p. 42), laquelle constitue le sixième code des aides à la sidérurgie.

Antécédents du litige

7.
    La requérante, l'Acciaierie di Bolzano (ci-après «ACB»), est une entreprise fabriquant des produits sidérurgiques en aciers spéciaux, qui relèvent du numéro de code 4400 de l'annexe I du traité CECA et donc des dispositions du traité CECA. Jusqu'au 31 juillet 1995, l'ACB était contrôlée par le groupe sidérurgique Falck SpA, société de droit italien (ci-après «Falck»). Cependant, à cette date, la société requérante a été vendue à la société Valbruna Srl.

8.
    Par lettre du 5 juillet 1982, la Commission a informé le gouvernement italien qu'elle avait décidé d'autoriser le régime d'aides régionales créé par la loi n° 25/81 de la province autonome de Bolzano, du 8 septembre 1981, sur les interventions financières en faveur du secteur industriel (ci-après «loi provinciale n° 25/81»). Dans cette lettre, la Commission soulignait, toutefois, qu'elle devait également se prononcer sur l'application sectorielle de la loi nationale n° 675, du 12 août 1977, portant mesures pour la coordination de la politique industrielle, la restructuration, la reconversion et le développement du secteur (1/a) (ci-après «loi n° 675) applicable en la matière, et qu'elle se réservait, par conséquent, le droit de préciser les conditions dans lesquelles ce régime s'appliquerait à la province de Bolzano, en fonction de la décision qu'elle adopterait au niveau national. Elle a, en outre, précisé que les autorités de Bolzano devaient respecter intégralement la discipline et les codes communautaires concernant l'octroi d'aides en faveur de la sidérurgie.

9.
    L'article 1er de la décision 91/176/CECA de la Commission, du 25 juillet 1990, concernant des aides octroyées par la province de Bolzano en faveur de l'aciériede Bolzano (JO 1991, L 86, p. 28, ci-après «décision 91/176»), dispose: «La bonification d'intérêt pour un prêt [de 6 milliards de LIT] accordé en décembre 1987 par la province de Bolzano, en Italie, à l'entreprise Acciaierie di Bolzano, en application de la loi provinciale n° 25 du 8 septembre 1981 est une aide d'État illégale parce qu'elle a été mise en oeuvre sans autorisation préalable de la Commission, et elle est de plus incompatible avec le marché commun au sens de la décision n° 3484/85/CECA [troisième code]». Toutefois, la Commission n'a, dans cette décision, pas exigé le remboursement des montants déjà versés, mais s'est contentée d'enjoindre aux autorités de la province de Bolzano de cesser de bonifier les annuités du prêt litigieux jusqu'à l'expiration de celui-ci.

10.
    Au point II, deuxième alinéa, des motifs de cette décision, la Commission rappelle que, le 25 mai 1983, elle a approuvé, en vertu du deuxième code, des aides à la restructuration de certaines entreprises du secteur privé italien de l'ordre de 40 milliards de LIT, dont un montant de deux milliards de LIT qui devait être versé aux aciéries de Bolzano au titre de la loi n° 675/77. En particulier, un projet d'amélioration qualitative des produits du train à fil machine de Bolzano devait bénéficier, dans ce cadre, entres autres, d'un prêt bonifié de 6 milliards de LIT. Au point II, troisième alinéa, de ladite décision, elle souligne, toutefois, que le gouvernement italien lui a indiqué que, en raison de la structure administrative de l'Italie, qui prévoit une large autonomie pour les provinces de Trente et de Bolzano notamment, la loi nationale n° 675/77 n'était pas applicable dans ces territoires et que c'était la loi provinciale n° 25/81 qui s'appliquait dans la province de Bolzano. Cette circonstance aurait retardé l'octroi effectif de l'aide. La Commission en conclut, au point III, deuxième alinéa, de la décision, que, l'aide approuvée n'ayant pas été versée à la date impérative prévue à cet effet par l'article 2, paragraphe 1, dernier tiret, du deuxième code, à savoir le 31 décembre 1985, et n'ayant pas été renotifiée ni approuvée par elle conformément au troisième code, elle était devenue illégale.

11.
    Le 21 décembre 1994, à la suite d'une plainte formelle, la Commission a demandé aux autorités italiennes des informations concernant les interventions publiques dont avait bénéficié la requérante. Le gouvernement italien y a répondu par lettres du 6 avril et du 2 mai 1995.

12.
    Par lettre du 1er août 1995, la Commission a informé le gouvernement italien de sa décision d'engager la procédure prévue à l'article 6, paragraphe 4, du cinquième code et l'a invité à présenter ses observations. La décision portant ouverture de la procédure a été publiée le 22 décembre 1995 au Journal officiel des Communautés européennes (JO C 344, p. 8, ci-après «décision d'ouverture») et les autres États membres ainsi que les autres intéressés ont été invités à présenter leurs observations.

13.
    Par lettre du 18 janvier 1996, la requérante a, en sa qualité d'intéressée, demandé à la Commission d'être consultée et entendue dans le cadre de la procédureengagée. Cette lettre étant restée sans réponse, la requérante lui a envoyé une deuxième lettre, datée du 28 mars 1996, dans laquelle elle lui demandait de lui indiquer l'état de la procédure et, en particulier, si elle estimait devoir l'entendre ou recueillir des informations auprès d'elle.

14.
    L'association des producteurs d'acier allemands, la Wirtschaftsvereinigung Stahl, et l'association des producteurs d'acier britanniques, The British Iron and Steel Producers Association, ont respectivement communiqué leurs observations à la Commission par lettres des 19 et 22 janvier 1996. La Commission a transmis lesdites lettres aux autorités italiennes par courrier du 20 février 1996.

15.
    Par lettre du 27 mars 1996, les autorités italiennes ont communiqué leurs observations à la Commission.

Décision attaquée

16.
    Le 17 juillet 1996, la Commission a adopté la décision 96/617/CECA concernant des aides octroyées par la province autonome de Bolzano à la société Acciaierie di Bolzano (JO L 274, p. 30, ci-après «décision attaquée»).

17.
    Le point I, troisième alinéa, des motifs de la décision attaquée dresse la liste des aides publiques accordées à la requérante par la province autonome de Bolzano, en vertu de la loi provinciale n° 25/81, au cours de la période 1982/1990, en ces termes:

-    décision n° 784 du 14 février 1983:

    -    prêt de 5,6 milliards de LIT;

    -    subvention à fonds perdus de 8 milliards de LIT;

-    décision n° 3082 du 1er juillet 1985:

    -    prêt de 12,941 milliards de LIT;

-    décision n° 6346 du 3 décembre 1985:

    -    subvention à fonds perdus de 10,234 milliards de LIT;

-    décision n° 7673 du 14 décembre 1987:

    -    prêt de 6,321 milliards de LIT;

-    décision n° 2429 du 2 mai 1988:

    -    subvention à fonds perdus de 3,750 milliards de LIT;

-    décision n° 4158 du 4 juillet 1988:

    -    prêt de 987 millions de LIT;

    -    subvention à fonds perdus de 650 millions de LIT.

18.
    Le même point des motifs de la décision attaquée précise que ces aides ont été accordées, d'une part, sous forme de prêts sur dix ans au taux de 3 %, soit un taux inférieur d'environ 9 points au taux normal du marché appliqué à l'époque en Italie (environ 12 %), pour un montant total de 25,849 milliards de LIT (12,025 millions d'écus), et, d'autre part, sous forme de subventions à fonds perdus, c'est-à-dire sans obligations de remboursement, pour un montant total de 22,634 milliards de LIT (10,5 millions d'écus).

19.
    La Commission a estimé que, même dans l'hypothèse où les aides accordées avant le 31 décembre 1985 seraient examinées à la lumière des dispositions du deuxième code, elles ne pourraient pas être considérées comme compatibles avec le marché commun. Elle a rappelé, à cet égard, que l'article 2, paragraphe 1, de ce code prévoyait que les aides à la sidérurgie pouvaient être considérées comme compatibles avec le marché commun à condition, notamment, que l'entreprise bénéficiaire soit engagée dans l'exécution d'un programme de restructuration apte à rétablir sa compétitivité et à la rendre financièrement viable sans aides dans des conditions de marché normales, et que ce programme ait pour résultat de réduire la capacité globale de production de l'entreprise. Or, aucune de ces deux conditions n'aurait été remplie dans le cas d'espèce.

20.
    Ensuite, la Commission a rappelé que le code des aides à la sidérurgie applicable à la date de l'adoption de la décision énumérait explicitement les dérogations existantes à l'article 4, sous c), du traité CECA, à savoir les aides destinées à couvrir les coûts de projets de recherche et de développement ainsi que les aides en faveur de la protection de l'environnement et les aides à la fermeture. Elle a conclu que ces dérogations n'étaient pas applicables en l'espèce.

21.
    La Commission a, toutefois, tenu compte, pour les aides publiques accordées avant le 1er janvier 1986, de certaines circonstances particulières qui avaient pu induire les autorités italiennes en erreur sur les règles à respecter, à l'époque, pour la notification des aides en question. Aussi la Commission n'a-t-elle pas exigé la restitution des aides octroyées avant le 1er janvier 1986.

22.
    La décision attaquée dispose:

«Article premier

Les mesures d'aides dont a bénéficié l'entreprise Acciaierie di Bolzano en vertu de la loi provinciale n° 25/81 sont illégales, du fait qu'elles n'ont pas été notifiées avant d'être octroyées. Ces mesures sont en outre incompatibles avec le marché commun en vertu de l'article 4, point c), du traité CECA.

Article 2

L'Italie procède, conformément aux dispositions de la législation italienne relative au recouvrement des créances de l'État, à la récupération des aides accordées à la société Acciaierie di Bolzano à partir du 1er janvier 1986, au titre de la loi provinciale n° 25/81, en vertu des décisions n° 7673 du 14 décembre 1987, n° 2429 du 2 mai 1988 et n° 4158 du 4 juillet 1988. Afin d'éliminer les effets résultant de ces aides, leur montant est majoré d'intérêts courant à compter du jour du versement des aides jusqu'à la date de leur remboursement. Le taux d'intérêt applicable est le taux utilisé par la Commission pour le calcul de l'équivalent-subvention net des aides à finalité régionale au cours de la période considérée.

[...]»

Procédure

23.
    Par requête déposée au greffe du Tribunal le 12 octobre 1996, la requérante a introduit le présent recours.

24.
    Par requêtes, respectivement, déposées au greffe les 17 et 28 mai 1997, la société Falck et la République italienne ont demandé à intervenir au soutien des conclusions de la requérante.

25.
    Ces demandes ont été admises par ordonnance du président de la quatrième chambre élargie du 11 juillet 1997.

26.
    Par mémoires déposés, respectivement, les 25 septembre et 27 octobre 1997, Falck et la République italienne ont présenté leurs observations. La requérante et la Commission ont déposé leurs observations sur ces mémoires en intervention le 16 mars 1998.

27.
    Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (cinquième chambre élargie) a décidé, d'une part, d'adopter des mesures d'organisation de la procédure en invitant certaines parties à répondre par écrit à des questions et à produire des documents et, d'autre part, d'ouvrir la procédure orale.

28.
    Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal à l'audience du 25 mars 1999.

Conclusions des parties

29.
    L'ACB, partie requérante, conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    annuler la décision attaquée;

-    à titre subsidiaire, déclarer inexistante l'obligation de procéder à la récupération et, par conséquent, non due la récupération des aides octroyées après le 1er janvier 1986, telle qu'elle est prévue à l'article 2 de la décision attaquée, et, de même, non dus les intérêts prévus dans le même article 2;

-    condamner la Commission aux dépens.

30.
    Falck et la République italienne, parties intervenantes, concluent dans le même sens que la requérante et invitent le Tribunal à condamner la partie défenderesse à l'entièreté des dépens, en ce compris ceux afférents à la procédure en intervention.

31.
    La Commission, partie défenderesse, conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    rejeter le recours;

-    condamner la requérante aux dépens.

Sur la recevabilité de l'intervention

32.
    La Commission, qui ne s'est initialement pas opposée à la demande d'intervention de Falck, estime, dans ses observations sur les mémoires en intervention, que Falck ne dispose plus d'un intérêt direct, concret et juridiquement important à intervenir. Par conséquent, elle conclut à ce qu'il plaise au Tribunal déclarer sa demande en intervention irrecevable.

33.
    Or, s'il n'est pas exclu que le Tribunal, après avoir admis Falck à intervenir au soutien des conclusions de la requérante, procède à un nouvel examen de la recevabilité de son intervention (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 29 octobre 1980, Roquette Frères/Conseil, 138/79, Rec. p. 3333), les circonstances du cas d'espèce ne sont pas de nature à imposer un tel réexamen.

34.
    En effet, d'une part, le fait que Falck ne détenait plus la société requérante était connu lors de l'introduction de sa demande en intervention, sans que la Commission ait, à ce moment-là, soulevé d'objections. D'autre part, l'ordonnance du 11 juillet 1997 du président de la quatrième chambre élargie accueillant l'intervention de Falck, contient une motivation qui tient compte du fait qu'elle ne détient plus la société requérante. En effet, cette ordonnance expose:

«A l'appui de sa demande, Falck SpA fait valoir que, à l'époque des faits qui sont à l'origine de la décision de la Commission, elle contrôlait directement la requérante qui, à son tour, était le bénéficiaire des aides déclarées incompatibles avec le marché commun par ladite décision. Le 31 juillet 1995, Falck SpA et les aciéries Valbruna Srl auraient conclu des accords de transfert du capital social de la requérante. Au cas où le présent recours ne serait pas accueilli et où, par conséquent, il serait procédé, conformément à la décision de la Commission, à la récupération des sommes versées à titre d'aide à la requérante, les aciéries Valbruna Srl, ou la requérante, seraient habilitées, en vertu des dispositions desdits accords, à introduire une action récursoire à l'encontre de Falck SpA [...]»

35.
    Dès lors, il n'y a pas lieu pour le Tribunal de remettre à nouveau en question l'intérêt de Falck à intervenir.

Sur les conclusions en annulation

36.
    La requérante soulève six moyens au soutien de ses conclusions en annulation, tirés, en substance, d'une violation de ses droits de la défense, d'une application rétroactive des règles communautaires, d'une violation des principes de coopération loyale, de bonne foi, de protection de la confiance légitime et de proportionnalité, d'une erreur de droit dans l'appréciation de la compatibilité des aides avec le marché commun de l'acier et d'une appréciation erronée des éléments de fait, d'une erreur commise dans la fixation du taux d'intérêt et, enfin, d'un défaut de motivation.

Sur le premier moyen, tiré d'une violation des droits de la défense

Arguments des parties

37.
    La requérante affirme que, dès qu'elle a eu connaissance de la décision d'ouverture, publiée au Journal officiel des Communautés européennes le 22 décembre 1995, elle a informé la Commission, par lettres du 18 janvier et du 28 mars 1996, de la nécessité de la consulter et de l'entendre dans le cadre de la procédure. Toutefois, les deux lettres étant restées sans réponse, c'est par le biais de la décision attaquée qu'elle aurait pris connaissance des observations présentées par le gouvernement italien et par les deux organisations de producteurs sidérurgiques. Dans sa réplique, elle souligne que, dans sa lettre du 18 janvier 1996,elle a expressément demandé à participer à la procédure de sorte qu'elle aurait disposé d'un droit d'accès au dossier.

38.
    Elle fait observer que le respect des droits de la défense exige que la personne contre laquelle la Commission a engagé une procédure administrative ait été mise en mesure, pendant cette procédure, de faire connaître utilement son point de vue sur la réalité et la pertinence des faits et circonstances allégués et sur les documents retenus par la Commission à l'appui de son allégation dénonçant l'existence d'une violation du droit communautaire (voir, notamment, arrêt de la Cour du 10 juillet 1986, Belgique/Commission, 234/84, Rec. p. 2263, point 27).

39.
    En l'espèce, la violation de ces principes serait particulièrement évidente, dans la mesure où, loin de rester inactive, elle a manifesté à deux reprises son intérêt à participer à la procédure.

40.
    La Commission relève que la requérante n'a pas demandé à avoir accès au dossier. En effet, dans ses deux lettres du 18 janvier et du 28 mars 1996, elle se serait simplement enquise de l'état de la procédure et bornée à indiquer qu'elle était disposée à coopérer avec la Commission dans le cadre de son instruction.

41.
    Par ailleurs, la Commission n'aurait pas méconnu les droits procéduraux de la requérante, puisqu'elle est seulement tenue de mettre les intéressés en demeure de présenter leurs observations, afin de pouvoir disposer de toutes les informations nécessaires pour prendre sa décision (voir arrêt de la Cour du 12 juillet 1973, Commission/Allemagne, 70/72, Rec. p. 813, point 19). A la différence de l'État membre concerné, qui est le seul destinataire de la décision, les tiers à la procédure ne se verraient reconnaître ni l'accès au dossier ni le droit d'être entendus (voir arrêt de la Cour du 20 mars 1984, Allemagne/Commission, 84/82, Rec. p. 1451, point 13).

Appréciation du Tribunal

42.
    La procédure administrative en matière d'aide est seulement ouverte à l'encontre de l'État membre concerné. Le bénéficiaire de l'aide, tel que la requérante, n'est considéré que comme «intéressé» dans cette procédure.

43.
    En effet, l'article 6, paragraphe 4, du cinquième code prévoit: «Si, après avoir mis les intéressés en demeure de présenter leurs observations, la Commission constate qu'une aide n'est pas compatible avec les dispositions de la présente décision, elle informe l'État membre intéressé de sa décision.»

44.
    Il ne ressort ni du libellé de cet article, ni d'aucune autre disposition relative aux aides d'État, ni de la jurisprudence communautaire que la Commission serait tenued'entendre le bénéficiaire des aides d'État sur l'appréciation juridique qu'elle porte sur les aides en cause.

45.
    En effet, le bénéficiaire, sans pouvoir se prévaloir des droits de la défense reconnus aux personnes à l'encontre desquelles une procédure administrative est ouverte, dispose du seul droit d'être associé à la procédure administrative, dans une mesure adéquate tenant compte des circonstances du cas d'espèce (voir, par analogie, arrêt du Tribunal du 25 juin 1998, British Airways e.a. et British Midland Airways/Commission, T-371/94 et T-394/94, Rec. p. II-2405, point 60).

46.
    En l'espèce, la requérante a été mise en mesure de présenter ses observations sur les faits retenus et les appréciations portées par la Commission dans la décision d'ouverture de la procédure en cause, même si elle n'a pas fait usage de cette possibilité.

47.
    Par conséquent, la Commission n'a violé aucun droit procédural de la requérante.

48.
    Il en résulte que le premier moyen doit être rejeté.

Sur le deuxième moyen, tiré d'une application rétroactive des règles communautaires

Arguments des parties

49.
    La requérante dénonce le manque de clarté de la décision attaquée à l'égard de la réglementation applicable. Il semble, selon elle, qu'elle ait été adoptée en application du code des aides à la sidérurgie en vigueur au moment de son adoption, tout en n'excluant pas l'application du code en vigueur au moment de l'octroi de l'aide concernée. Par ailleurs, les considérations développées dans la décision 91/176, qui distinguaient artificiellement le moment de l'attribution-octroi de celui du versement de l'aide, n'auraient pas été respectées.

50.
    Elle considère que l'application en l'espèce du code en vigueur au moment de l'adoption de la décision attaquée est contraire aux principes de protection de la confiance légitime et de sécurité juridique. Dans le domaine des aides d'État, ces principes limiteraient l'action de la Commission (voir arrêts de la Cour du 24 février 1987, Deufil/Commission, 310/85, Rec. p. 901, points 20 et suivants, et du 24 novembre 1987, RSV/Commission, 223/85, Rec. p. 4617, points 15 et suivants). En effet, le comportement adopté par la Commission en l'espèce aurait placé les intéressés dans une position telle qu'ils n'auraient pas été en mesure de déterminer quel droit leur serait applicable.

51.
    Il ressortirait de la pratique administrative de la Commission que le code applicable était celui en vigueur à la date de l'octroi de l'aide, date à laquelle les effets de l'aide sur le marché commun doivent être appréciés.

52.
    Enfin, la requérante s'oppose à la thèse de la Commission selon laquelle, d'une part, aucune limite temporelle, telle qu'un délai de prescription, ne s'imposerait à l'exercice de ses pouvoirs et, d'autre part, son pouvoir de vérification et de contrôle serait conditionné par, ou limité à, la période durant laquelle la règle régissant le régime d'aides est en vigueur. Le système communautaire, qui présente le caractère fondamental d'une «communauté de droit», s'opposerait à pareille thèse (voir, notamment, arrêt de la Cour du 23 avril 1986, Les Verts/Parlement, 294/83, Rec. p. 1339).

53.
    La République italienne fait valoir que la compatibilité avec le marché commun d'aides notifiées est appréciée au regard de la réglementation en vigueur à la date à laquelle elles doivent être octroyées. Par conséquent, l'appréciation a posteriori de la compatibilité avec le marché commun d'aides non notifiées devrait également, bien qu'elles soient illégales, être effectuée au regard de la réglementation en vigueur à la date de leur octroi.

54.
    La Commission conteste avoir procédé à l'application rétroactive d'un nouveau régime.

55.
    Elle souligne que l'interdiction des aides posée par l'article 4, sous c), du traité CECA, à la différence de celle prévue par le traité CE, présente un caractère général et absolu. Les codes des aides à la sidérurgie institueraient, certes, des dérogations à l'article 4, sous c), du traité CECA ouvrant la possibilité d'obtenir, dans certains cas précis et pour des périodes limitées dans le temps, une autorisation spécifique de la Commission. Toutefois, cette autorisation serait limitée à la période pendant laquelle elle a estimé devoir déroger, dans certaines circonstances tout à fait exceptionnelles, à la règle de l'interdiction absolue.

56.
    En effet, une fois la période d'applicabilité du code révolue, la Commission perdrait son pouvoir d'autoriser, en dérogation à l'interdiction générale, une aide à la sidérurgie. L'exercice ultérieur de ce pouvoir serait subordonné à l'adoption de nouvelles mesures dérogatoires, auxquelles elle devrait se conformer. L'État membre, qui n'a pas respecté son obligation de notification dans le délai fixé par le code, ne pourrait donc pas demander à la Commission d'exercer un pouvoir de contrôle dont elle ne dispose plus. Il s'exposerait, dès lors, au risque d'une restriction du régime d'aide, voire de son interdiction absolue. A supposer que les aides litigieuses n'aient été appréciées qu'au regard des seules dispositions du cinquième code, il ne s'agirait point de l'application rétroactive de règles qui n'étaient pas encore en vigueur au moment de l'octroi des aides en cause, mais de l'application des seules règles permettant à la Commission de déroger à l'interdiction générale d'aides à la sidérurgie.

57.
    La Commission récuse l'argument de la requérante, selon lequel l'exercice de ses pouvoirs serait soumis à un délai de prescription. A cet égard, elle a fait observer, lors de l'audience, que le Conseil a adopté, le 22 mars 1999, le règlement (CE)n° 659/1999 portant modalités d'application de l'article 93 du traité CE (JO L 83, p. 1), dont l'article 15, paragraphe 1, prévoit que les pouvoirs de la Commission en matière de récupération d'une aide illégale sont soumis à un délai de prescription de dix ans. Or, l'inexistence, à la date de l'adoption de la décision attaquée, de règles de prescription signifierait précisément que la condition de prescription n'existait pas à cette époque.

58.
    Enfin, la Commission conteste l'argument de la requérante, selon lequel il ressortirait de sa pratique administrative que le code applicable doit être celui en vigueur à la date de l'octroi de l'aide. Des règles qui ne sont plus applicables à la date à laquelle elle adopte une décision ne pourraient jouer un rôle dans cette adoption que dans des circonstances très particulières. En tout état de cause, il ne serait pas exact de considérer que la date de versement d'une aide exerce une influence sur les règles applicables. A l'audience, la Commission a affirmé que la décision 91/176 laissait erronément supposer que tel était le cas.

Appréciation du Tribunal

59.
    Il importe de rappeler que l'article 4, sous c), du traité CECA prévoit que toutes les subventions ou aides accordées par les États membres, sous quelque forme que ce soit, sont interdites.

60.
    Il est vrai que certaines dérogations à cette interdiction ont été adoptées en vertu de l'article 95 du traité CECA, dont notamment les codes des aides à la sidérurgie. Toutefois, ces codes ont pour seul objet d'autoriser, sous certaines conditions, des dérogations à l'interdiction en faveur de catégories déterminées d'aides qu'ils énumèrent de manière exhaustive. Les aides ne relevant pas des catégories que le code applicable exonère de cette interdiction demeurent donc exclusivement soumises à l'article 4, sous c), du traité (voir arrêt du Tribunal du 24 octobre 1997, EISA/Commission, T-239/94, Rec. p. II-1839, point 72).

61.
    Par ailleurs, contrairement aux dispositions du traité CE relatives aux aides d'État, qui habilitent de façon permanente la Commission à statuer sur leur compatibilité, les dérogations au principe de l'interdiction absolue des aides posée par l'article 4, sous c), du traité édictées par les codes ne peuvent être accordées que pendant une période qu'ils déterminent (voir arrêt du Tribunal du 31 mars 1998, Preussag Stahl/Commission, T-129/96, Rec. p. II-609, point 43).

62.
    Ainsi, une fois que la période d'applicabilité du code a expiré, la Commission n'a plus le pouvoir d'autoriser, en vertu des dérogations prévues, une aide à la sidérurgie non notifiée dans le cadre de ce code (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 3 octobre 1985, Allemagne/Commission, 214/83, Rec. p. 3053, point 47).

63.
    En l'espèce, il est constant que les aides en cause n'ont pas été notifiées.

64.
    Dans une telle hypothèse, l'État membre qui a méconnu son obligation de notification ne saurait exiger que la Commission exerce un contrôle de la compatibilité avec le marché commun d'une aide au regard d'un code abrogé. De même, un tel État membre, qui n'a pas respecté les conditions formulées par ledit code, n'est pas fondé à invoquer le principe de sécurité juridique afin de bénéficier des dérogations qui y sont mentionnées (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 15 octobre 1997, IPK/Commission, T-331/94, Rec. p. II-1665, point 45).

65.
    Il en est de même pour la requérante. Celle-ci n'est pas fondée à exiger que la Commission exerce un contrôle de la compatibilité avec le marché commun des aides accordées en sa faveur au regard d'un code abrogé. La Commission a, en effet, exercé son contrôle conformément au seul code autorisant un tel examen. La Commission affirme donc à juste titre que, en l'espèce, elle n'a nullement appliqué rétroactivement des règles qui n'étaient pas en vigueur au moment de l'octroi des aides en cause.

66.
    La requérante invoque également le principe de protection de la confiance légitime.

67.
    A cet égard, il convient de rappeler que, dans des circonstances exceptionnelles, le bénéficiaire d'une aide déclarée illégale ou incompatible avec le marché commun peut invoquer ce principe afin d'en contester la récupération. Or, cette question est sans rapport avec la question de savoir quel code était applicable en l'espèce et sera examinée dans le cadre du troisième moyen.

68.
    Il y a donc lieu de conclure que la Commission n'était pas tenue de se référer aux anciens codes des aides à la sidérurgie. Le fait de s'y être référé à titre surabondant ne saurait modifier cette situation de droit.

69.
    Par ailleurs, l'argument de la requérante tendant à affirmer que la décision de récupérer les aides était illégale en raison du fait que la Commission n'avait pas respecté un délai de prescription ne saurait être retenu. En effet, au moment de l'adoption de la décision attaquée, aucun délai de prescription n'avait été fixé par le législateur communautaire en matière d'actions de la Commission à l'égard d'aides étatiques non notifiées. Ainsi, la Commission n'était pas tenue de respecter un délai de prescription lorsqu'elle a adopté cette décision (voir, notamment, arrêt du Tribunal du 15 septembre 1998, BFM et EFIM/Commission, T-126/96 et T-127/96, Rec. p. II-3437, point 67).

70.
    Il s'ensuit que le deuxième moyen doit être rejeté.

Sur le troisième moyen, tiré d'une violation des principes de coopération loyale, de bonne foi, de protection de la confiance légitime et de proportionnalité

Arguments des parties

71.
    La requérante soutient que la décision attaquée doit être examinée conjointement avec la décision 91/176, les faits et les éléments relatifs à cette dernière étant les mêmes que ceux faisant l'objet de la décision attaquée. Elle expose que l'aide concernée par cette décision a été estimée incompatible avec le marché commun de l'acier au seul motif que le versement du prêt constitutif de l'aide aurait été effectué après l'expiration, le 31 décembre 1985, de la période au cours de laquelle le deuxième code était applicable. Ainsi, un simple aspect formel aurait revêtu une importance substantielle, car l'aide concernée aurait été examinée en vertu du troisième code, entré en vigueur le 1er janvier 1986.

72.
    La requérante relève ensuite que, en 1982, elle avait préparé un plan de restructuration dans le cadre de la loi provinciale n° 25/81. Elle fait observer que ce plan a été approuvé par la Commission en 1983. En outre, la province de Bolzano aurait interrogé la Commission sur la nécessité de notifier ou non les projets d'aides relevant de la loi provinciale n° 25/81. En l'absence de réponse, la province aurait estimé que la notification n'était pas nécessaire. Cette position serait d'autant plus compréhensible que, d'une part, la lettre envoyée par la Commission le 5 juillet 1982 au gouvernement italien indiquait qu'elle se réservait «le droit de préciser les conditions dans lesquelles ce régime pourra être appliqué à la province de Bolzano, en fonction de la décision qu'elle adoptera au niveau national» et, d'autre part, la Commission n'a jamais précisé ces conditions.

73.
    La requérante ajoute que, à la date de l'adoption de la décision 91/176, le 25 juillet 1990, toutes les décisions de la province de Bolzano avaient été adoptées et les aides octroyées avaient été versées. Il serait anormal que, à cette époque, malgré le temps écoulé, à savoir sept années à compter de la première décision et deux années à compter de la dernière, lesdites décisions n'aient pas été connues de la Commission ni prises en considération par celle-ci.

74.
    Compte tenu de ces circonstances, la Commission aurait violé, en premier lieu, le principe de coopération loyale [voir article 86 du traité CECA, qui correspondrait substantiellement à l'article 5 du traité CE (devenu article 10 CE)]. En effet, elle n'aurait pas déployé l'activité nécessaire de coopération prévue par le traité CECA non seulement en omettant de collaborer avec les autorités nationales, mais également en retardant l'ouverture de la procédure tout en ayant connaissance des faits qui auraient dû en exiger l'ouverture, et en retardant l'issue de cette procédure en adoptant une décision négative d'incompatibilité.

75.
    En second lieu, elle aurait violé les principes de bonne foi et de protection de la confiance légitime. En effet, le comportement de la Commission, et en particulier la longueur de la procédure, aurait fait naître la confiance légitime des autoritésnationales et de la requérante dans la légalité des aides litigieuses. Elles auraient agi en conformité avec le principe de bonne foi, puisqu'elles ne pouvaient pas raisonnablement s'imaginer que la Commission pourrait contester les aides. En effet, non seulement cette dernière n'avait rien objecté lorsque la question lui avait été soumise mais, en outre, elle n'avait, longtemps après l'octroi des aides, pas estimé nécessaire de soulever des objections (voir arrêts de la Cour du 15 janvier 1986, Commission/Belgique, 52/84, Rec. p. 89, point 16, et RSV/Commission, précité).

76.
    Falck se rallie à la thèse de la requérante en affirmant qu'il ressort des pièces de procédure présentées par cette dernière que, une fois que le plan de restructuration a été notifié et en l'absence de toute réaction de la part de la Commission (malgré les démarches entreprises par la province de Bolzano et par le gouvernement italien), la confiance de la requérante dans la régularité des aides versées était tout à fait légitime. Le plan initial et le plan complémentaire de restructuration se situeraient indubitablement dans la continuité d'un projet et d'un programme d'interventions. Le fait de compléter et d'exécuter ce plan par rapport au régime «existant» ne nécessiterait donc ni communication ni notification, car il ne s'agirait pas de «nouvelles» aides (voir arrêt de la Cour du 9 août 1994, Namur-Les assurances du crédit, C-44/93, Rec. p. I-3829).

77.
    Ensuite, la requérante soutient qu'elle a fait preuve de diligence pour contrôler les aides dont elle a été bénéficiaire à plusieurs reprises. D'ailleurs, la Commission ne fournirait aucune preuve démontrant que tel n'était pas le cas. Ainsi, la confiance légitime et la bonne foi de la requérante devraient être considérées comme présumées.

78.
    La requérante soutient encore que le fait qu'une période si longue se soit écoulée entre l'octroi des aides et l'adoption de la décision attaquée transforme la récupération des aides en sanction, non prévue par le droit communautaire. La récupération ne poursuivrait plus le but de rétablir l'équilibre du marché et d'éliminer les effets de distorsion des aides versées, étant donné que, pendant ce temps, les conditions de marché ainsi que les situations de fait et même de droit auraient changé. Par ailleurs, il aurait pu y avoir prescription selon le droit national.

79.
    L'effet de transformation de la récupération en sanction serait renforcé par le fait que la récupération est grevée d'intérêts commençant à courir à compter de la date d'octroi des aides et non pas de la date d'adoption de la décision attaquée. Cela serait également contraire au principe de proportionnalité, car, même dans l'hypothèse où la récupération serait un acte dû, le sacrifice imposé à la requérante serait excessif, et donc disproportionné, eu égard aux circonstances de l'espèce.

80.
    Enfin, la requérante fait valoir que les motifs d'équité, d'opportunité et de justice, qui avaient amené la Commission à ne pas ordonner la récupération des trois premières aides, auraient également dû l'amener à ne pas demander larécupération des trois dernières aides. La seule prise en considération du temps écoulé, à savoir treize années à compter de la première décision et huit à compter de la dernière, aurait dû conduire à l'adoption d'une décision différente par la Commission.

81.
    La Commission conteste tous ces arguments. Elle fait observer notamment que si, en mai 1983, elle avait autorisé, sur le fondement du deuxième code des aides à la sidérurgie, les aides aux investissements accordées à la requérante dans le cadre d'un plan de restructuration adopté sous couvert de la loi provinciale n° 25/81 et notifié en septembre 1980, cette décision ne pouvait pas être considérée comme autorisant l'octroi de toute aide en application dudit plan. Une autorisation spécifique de la Commission serait nécessaire dans chaque cas.

82.
    Par ailleurs, la décision de la Commission de 1983 aurait fixé comme délai impératif pour l'octroi de l'aide, un prêt bonifié de 6,5 milliards de LIT, avec une différence de 2 milliards par rapport au taux du marché, le 31 décembre 1985, sous peine d'incompatibilité avec le marché commun. L'octroi tardif dudit prêt aurait ensuite entraîné l'adoption de la décision 91/176 déclarant l'aide incompatible avec le marché commun. Toutefois, compte tenu de la bonne foi des autorités italiennes et des difficultés opérationnelles dues à la répartition des compétences entre autorités provinciales et nationales, il n'en aurait pas été demandé la restitution. Il s'ensuivrait qu'il s'agissait d'une décision négative qui n'autorisait aucune aide et ne créait aucune confiance légitime, pour l'avenir, à propos d'autres mesures de soutien en l'absence de circonstances particulières justifiant la décision de ne pas procéder à la récupération.

Appréciation du Tribunal

83.
    Il convient d'examiner, en premier lieu, l'argument de la requérante tiré d'une violation du principe de protection de la confiance légitime.

84.
    Selon une jurisprudence constante, les entreprises bénéficiaires d'une aide d'État ne sauraient avoir une confiance légitime dans la régularité de l'aide que si celle-ci a été accordée dans le respect de la procédure, dont un opérateur économique diligent doit être en mesure de s'assurer (voir arrêt de la Cour du 20 septembre 1990, Commission/Allemagne, C-5/89, Rec. p. I-3437, point 14, et arrêt Preussag Stahl/Commission, précité, point 77). Le bénéficiaire d'une aide illégale ne saurait utilement invoquer ce principe que dans des circonstances exceptionnelles ayant pu légitimement fonder sa confiance dans le caractère régulier de cette aide (voir arrêt de la Cour du 10 juin 1993, Commission/Grèce, C-183/91, Rec. p. I-3131, point 18).

85.
    En l'espèce, le Tribunal a constaté, au point 63 ci-dessus, que les aides en cause n'ont pas été notifiées et, par conséquent, que celles-ci n'ont pas été accordées dans le respect de la procédure applicable. Par ailleurs, la requérante n'a pas établil'existence d'une circonstance exceptionnelle ayant pu fonder sa confiance dans le caractère régulier des aides.

86.
    Premièrement, il est constant que, après l'entrée en vigueur du troisième code, le 1er janvier 1986, l'obligation de notifier une mesure financière était inconditionnelle. En effet, l'article 6 de ce code prévoyait que la Commission devait être informée en temps utile pour présenter ses observations sur des projets tendant à instituer ou à modifier des aides ainsi que tout autre projet d'interventions financières des États membres, des collectivités territoriales ou des organismes utilisant à cette fin des ressources d'État au bénéfice d'entreprises sidérurgiques. Enfin, cet article disposait que tous les cas concrets d'application des aides devaient être notifiés.

87.
    Il s'ensuit que la requérante n'est pas fondée à alléguer qu'elle n'était pas informée de l'obligation pour l'État de notifier les projets concrets d'aides qui s'inscrivaient dans son plan de restructuration, postérieurement au 1er janvier 1986, ni qu'il ne serait pas nécessaire d'informer la Commission du développement de la restructuration de l'entreprise, et notamment du programme complémentaire de restructuration du 26 juin 1986.

88.
    Deuxièmement, il convient d'observer que la Commission a indiqué, dans la lettre du 5 juillet 1982, qu'elle devrait se prononcer sur l'application sectorielle de la loi n° 675/77, et qu'elle se réservait le droit de préciser les conditions dans lesquelles ce régime s'appliquerait à la province de Bolzano, en fonction de la décision qu'elle adopterait au niveau national. Dans cette même lettre, la Commission a également précisé que les autorités de Bolzano devaient respecter intégralement la discipline et les codes communautaires concernant l'octroi d'aides en faveur de la sidérurgie (voir point 8 ci-dessus).

89.
    Au surplus, dans sa décision de 1983, la Commission a précisé que l'autorisation des aides visées par cette décision était conditionnée par les résultats de contrôles qu'elle avait mis en place et, en outre, que tout versement d'aides au-delà de la date du 31 décembre 1984 était exclu.

90.
    Il s'ensuit que la Commission n'a nullement donné une autorisation définitive pour toutes les aides octroyées dans le cadre du régime général en cause et que l'autorisation était limitée dans le temps. Dans ces conditions, l'absence de réponse de la Commission à une lettre de la province de Bolzano ne saurait justifier le non-respect de l'exigence de notification, d'autant plus que les conditions d'exemption des aides à la sidérurgie ont été modifiées entre-temps.

91.
    Troisièmement, le délai dans lequel la Commission était en droit d'autoriser une aide, conformément au deuxième code, était le 31 décembre 1985. Dès lors, les aides versées postérieurement au 1er janvier 1986, dont la Commission a demandé la restitution, n'étaient plus couvertes par le deuxième code, de sorte que larequérante ne pouvait avoir, au titre dudit code, une confiance légitime dans leur légalité.

92.
    Enfin, quatrièmement, il convient de préciser que la décision 91/176 constate que la bonification d'intérêt pour un prêt accordé en décembre 1987 est une aide d'État illégale, parce qu'elle a été mise en oeuvre sans autorisation préalable de la Commission, et qu'elle est, en outre, incompatible avec le marché commun au sens du troisième code. Il n'existe donc aucune contradiction entre cette décision et la décision attaquée, de sorte que la requérante n'est pas fondée à se prévaloir de cette décision afin d'établir l'existence de sa confiance légitime. Le fait que la Commission a estimé équitable de ne pas ordonner la restitution de l'aide visée par la décision 91/176, en raison des circonstances particulières qui y sont exposées, ne saurait impliquer qu'elle soit liée par ces considérations dans l'examen de la compatibilité des aides avec le marché commun dans la présente espèce.

93.
    En deuxième lieu, l'argument de la requérante selon lequel elle a fait preuve de diligence doit être rejeté. En effet, il suffit de constater que le seul élément de preuve qu'elle a fourni à cet égard est une déclaration du 2 février 1999 de son directeur administratif, M. Sergio Moresetti, dont il ressort que des contacts entre celui-ci et les fonctionnaires de Bolzano avaient été établis. Or, en prenant des contacts avec les autorités locales, la requérante ne s'est, compte tenu des circonstances de l'espèce, nullement assurée que la procédure de notification avait été respectée.

94.
    En troisième lieu, il convient de constater que la requérante ne saurait, dans les circonstances de l'espèce, utilement invoquer une violation des principes de coopération loyale et de bonne foi. En effet, le contrôle des aides suppose que les États membres remplissent leur obligation de notification. Ainsi, la requérante n'est pas fondée à tirer argument du fait que la Commission n'a pas antérieurement découvert l'existence d'aides illégales. Dans le cas contraire, les dispositions du traité CECA relatives aux aides d'État seraient privées de tout effet utile. En tout état de cause, l'allégation selon laquelle la Commission aurait dû avoir connaissance de l'existence des aides en cause n'est étayée par aucune preuve.

95.
    Enfin, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le principe de proportionnalité exige que les actes des institutions communautaires ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire pour atteindre le but recherché, étant entendu que, lorsqu'un choix s'offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante (voir, par exemple, arrêts de la Cour du 17 mai 1984, Denkavit Nederland, 15/83, Rec. p. 2171, point 25, et du 11 juillet 1989, Schräder, 265/87, Rec. p. 2237, point 21).

96.
    Or, la suppression d'une aide illégale par voie de récupération étant la conséquence logique de la constatation de son illégalité (voir arrêts de la Cour du 21 mars 1990, Belgique/Commission, C-142/87, Rec. p. I-959, point 66, du 21 mars 1991, Italie/Commission, C-305/89, Rec. p. I-1603, point 41, et du Tribunal du 8 juin 1995,Siemens/Commission, T-459/93, Rec. p. II-1675, point 96), une telle mesure ne peut, en principe, être considérée comme disproportionnée par rapport aux objectifs des dispositions du traité CECA en matière d'aides d'État. Il en résulte également qu'une telle mesure, même si elle est mise en oeuvre longtemps après l'octroi de l'aide, ne saurait constituer une sanction non prévue par le droit communautaire.

97.
    Il en va de même pour la récupération des intérêts. Étant donné que les effets utiles du traité CECA seraient déjoués s'il était permis aux entreprises bénéficiaires de profiter de la disponibilité de l'argent au cours de la période comprise entre l'octroi et la restitution réelle des aides (voir, par analogie, arrêt du Tribunal du 14 juillet 1995, CB/Commission, T-275/94, Rec. p. II-2169, points 46 à 54), une décision de la Commission ordonnant la restitution d'aides illégales peut légitimement imposer le recouvrement d'intérêts sur les sommes octroyées aux fins d'éliminer les avantages financiers accessoires auxdites aides (voir arrêt Siemens/Commission, précité, point 97).

98.
    En outre, pour ce qui est de la détermination de la date à partir de laquelle ces intérêts doivent être calculés, il convient de constater que ces intérêts représentent l'équivalent de l'avantage financier provenant de la mise à disposition gratuite du capital en cause pour une certaine période. En conséquence, la Commission a considéré à bon droit que lesdits intérêts devaient courir à compter de la date de versement des aides (voir arrêt Siemens/Commission, précité, point 101).

99.
    Il résulte de tout ce qui précède que le troisième moyen doit être rejeté.

Sur le quatrième moyen, tiré d'une erreur de droit dans l'appréciation de la compatibilité des aides avec le marché commun de l'acier et d'une appréciation erronée des éléments de fait

Arguments des parties

100.
    La requérante fait valoir que la Commission a commis une erreur de droit en considérant que le traité CECA, à la différence du traité CE, ne prévoit pour son application aucune «incidence sur les échanges intracommunautaires». Une telle condition devrait, en effet, nécessairement être remplie pour que des aides puissent être déclarées incompatibles avec le marché commun dans le cadre du traité CE. Les deux traités poursuivant des finalités communes, il serait contraire à l'esprit et à la ratio du droit communautaire d'interpréter les «normes CECA» comme distinctes et séparées des «normes CE» (voir arrêts de la Cour du 13 juin 1958, Meroni/Haute Autorité, 9/56, Rec. p. 11, du 22 octobre 1987, Foto-Frost, 314/85, Rec. p. 4199, et du 22 février 1990, Busseni, C-221/88, Rec. p. I-495). La Commission aurait donc dû tenir compte du montant et de l'intensité des aides, de leur proportion par rapport aux besoins effectifs de la requérante, du fait que leseffets des aides ne provoquent pas une distorsion de concurrence et ne produisent pas d'altération des conditions des échanges ainsi que de la conformité de ces effets avec les objectifs communs (voir article 2 du deuxième code).

101.
    Par ailleurs, la Commission n'aurait pas tenu compte du fait que la requérante a été victime d'une grave discrimination par rapport à l'industrie sidérurgique publique, qui aurait obtenu des aides bien plus importantes. Les aides octroyées ultérieurement aux industries constitueraient une tentative insuffisante pour rétablir l'égalité de traitement entre les deux catégories d'opérateurs, également garantie par la réglementation communautaire.

102.
    La requérante, soutenue par le gouvernement italien, invoque également une appréciation erronée des éléments de fait. Elle fait, à cet égard, valoir que les investissements effectués étaient destinés à réaliser des économies d'énergie, à améliorer l'environnement, la sécurité et les conditions de travail, à favoriser la recherche et le développement et à améliorer la rentabilité de l'entreprise, ce qui ressortirait des tableaux joints à la requête. Or, la Commission aurait refusé de considérer ces investissements comme des aides compatibles avec le marché commun de l'acier, sans procéder à une comparaison entre l'investissement total, l'investissement réalisé et l'investissement imputable à l'aide. Elle se serait bornée à affirmer, dans la décision attaquée, que la «majeure partie» des investissements pour la recherche et le développement «semble plutôt» constituer des investissements productifs. La Commission aurait commis une erreur d'appréciation des éléments de fait en considérant comme insuffisants les éléments fournis, établissant l'emploi des investissements pour la recherche et le développement et pour la sauvegarde de l'environnement.

103.
    Afin de démontrer que les aides reçues par la requérante sont compatibles avec le marché commun, la partie intervenante Falck a demandé à la société Arthur Andersen de rédiger un rapport destiné à être produit devant le Tribunal (ci-après «rapport Andersen»). Ce rapport démontrerait que les investissements engagés par la requérante sont en grande partie compatibles avec les codes des aides, dans la mesure où ils étaient destinés à couvrir les frais engagés pour la recherche et le développement, la protection de l'environnement, les économies d'énergie, l'amélioration de la qualité des produits et/ou des techniques de production, le rétablissement de la compétitivité et d'une situation financière viable, au moyen également d'une réduction des coûts de production.

104.
    Ensuite, Falck affirme que la Commission s'est trompée lorsqu'elle a pris en considération, et déclaré incompatibles, des aides qu'elle avait déjà estimé être «couvertes» par la décision 91/176. Il s'agirait notamment de l'aide visée par la décision n° 7673 du 14 décembre 1987 (6,321 milliards de LIT) et celle visée par la décision n° 4158 du 4 juillet 1988 (987 millions de LIT). Cette dernière aide, rattachée par erreur à la décision de 1988, relèverait en réalité de la décision du 14 décembre 1987. Falck prétend, enfin, que la décision n° 2429 du 2 mai 1988 aété erronément appréciée et conclut que, en définitive, la récupération éventuelle des aides aurait dû être limitée à la somme de 4 400 millions de LIT.

105.
    La Commission conteste tous ces arguments.

106.
    Elle nie, tout d'abord, avoir commis une erreur dans l'interprétation du traité CECA. Elle rappelle, notamment, que, à la différence du traité CE, la réglementation CECA en matière d'aides ne fait aucune référence à la perturbation des échanges ou à la distorsion de la concurrence et ne permet pas non plus à la Commission de mettre en balance les effets de perturbation de la concurrence et les intérêts de la Communauté. Dans le régime instauré par le traité CECA, compte tenu en particulier, de la sensibilité particulière du secteur, la Commission ne disposerait d'aucun pouvoir discrétionnaire pour apprécier avec une certaine souplesse la compatibilité des aides.

107.
    La Commission estime, par ailleurs, que la différence de traitement entre le secteur privé et le secteur public de l'industrie sidérurgique en Italie, même si elle existe, ne saurait lui être imputée.

108.
    La Commission conteste avoir commis une erreur d'appréciation des aides concernées. Elle aurait constaté que les aides n'étaient pas destinées à soutenir des projets de recherche et de développement ni de protection de l'environnement. En l'absence d'éléments concrets, il serait inutile d'affirmer que les aides étaient censées favoriser la réalisation d'économies d'énergie et l'amélioration de la qualité des produits.

109.
    Cette conclusion ne serait pas contredite par le rapport Andersen. A cet égard, elle fait observer, tout d'abord, que l'intervenant doit accepter le litige dans l'état où il se trouve lors de son intervention. Or, rien ne permettrait de penser que la requérante ait demandé une expertise pour apporter des preuves utiles à sa défense. En outre, la production du rapport Andersen n'aurait pas la valeur d'une «offre de preuve» au sens de l'article 116, paragraphe 4, sous c), du règlement de procédure du Tribunal. Ce rapport contiendrait, en effet, une série d'affirmations apodictiques qui prétendent se substituer à une constatation qu'il incombe à la Commission de faire.

110.
    Enfin, la Commission conteste l'allégation de Falck, selon laquelle le prêt de 6,321 milliards, de décembre 1987, aurait déjà fait l'objet de la décision 91/176, ainsi que les autres prétendues erreurs d'appréciation invoquées par Falck. Elle estime avoir apprécié correctement toutes les aides visées par la décision attaquée. Par ailleurs, la Commission s'étonne du fait que ni la requérante ni le gouvernement italien n'ont jamais soulevé ce point lors de la procédure administrative, bien que cet élément fasse également l'objet de la décision d'ouverture.

Appréciation du Tribunal

111.
    Il convient, en premier lieu, d'examiner l'argument de la requérante selon lequel la Commission aurait, en considérant que le traité CECA ne prévoit, pour son application, aucune «incidence sur les échanges intracommunautaires», commis une erreur de droit.

112.
    A cet égard, il y a lieu de relever que l'article 4, sous c), du traité CECA interdit les subventions ou aides accordées par les États «sous quelque forme que ce soit». Ces termes ne figurant pas à l'article 4, sous a), sous b), et sous d), cette disposition confère une généralité peu commune à l'interdiction qu'elle qualifie (voir arrêt de la Cour du 23 février 1961, De Gezamenlijke Steenkolenmijnen in Limburg/Haute Autorité, 30/59, Rec. p. 1, 42).

113.
    Contrairement à l'article 92, paragraphe 1, du traité CE (devenu, après modification, article 87, paragraphe 1, CE), cette prohibition est générale et inconditionnelle. Par conséquent, les aides relevant du traité CECA sont réputées incompatibles avec le marché commun sans qu'il soit nécessaire d'établir ni même de rechercher si, en fait, une atteinte aux conditions de concurrence existe ou risque de se produire (voir conclusions de l'avocat général M. Lagrange sous l'arrêt De Gezamenlijke Steenkolenmijnen in Limburg/Haute Autorité, précité, Rec. p. 59, 76).

114.
    Il s'ensuit que la Commission n'a pas commis d'erreur de droit en considérant que les aides en cause entrent dans le champ d'application du traité CECA sans avoir préalablement vérifié qu'elles ont une «incidence sur les échanges intracommunautaires».

115.
    Il convient, en deuxième lieu, d'examiner l'argument tiré de la prétendue erreur commise par la Commission dans l'application des dérogations du cinquième code, seules dérogations à l'interdiction des aides prévue à l'article 4, sous c), du traité CECA que cette dernière était habilitée à appliquer en l'espèce (voir point 68 ci-dessus).

116.
    A cet égard, il y a lieu de relever, à titre préliminaire, d'une part, qu'il est constant en l'espèce que les mesures en cause constituent des aides qui auraient dû être notifiées à la Commission et, d'autre part, que celles-ci ont été accordées entre 1983 et 1988, c'est-à-dire huit à treize ans avant l'adoption de la décision attaquée. Dans ces conditions, il est évident que la requérante, bénéficiaire de ces aides, et le gouvernement italien étaient les mieux placés afin de recueillir et de vérifier les données nécessaires démontrant que les aides satisfaisaient aux conditions posées par le cinquième code. En outre, dans sa décision d'ouverture, la Commission a souligné qu'elle était tenue d'évaluer les aides d'État au regard des dispositions et des critères d'interprétation applicables à la date de l'adoption de la décision et en fonction des données et des informations disponibles à cette date. Elle a égalementconclu que les aides en cause devaient être examinées sur la base du cinquième code.

117.
    Il incombait, en conséquence, au gouvernement italien et à la requérante d'apporter, au cours de la procédure administrative, les éléments de preuve susceptibles de démontrer que les aides en cause pouvaient bénéficier des dérogations prévues par ce code (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 28 avril 1993, Italie/Commission, C-364/90, Rec. p. I-2097, points 35 et 36).

118.
    Il convient de rappeler ensuite que, dans l'exercice de sa compétence pour connaître des recours en annulation formés contre les décisions et recommandations de la Commission, l'examen du juge communautaire ne peut, en vertu de l'article 33, premier alinéa, deuxième phrase, du traité CECA, porter sur l'appréciation de la situation découlant des faits ou circonstances économiques au vu de laquelle sont intervenues lesdites décisions ou recommandations, sauf s'il est fait grief à la Commission d'avoir commis un détournement de pouvoir ou d'avoir méconnu d'une manière patente les dispositions du traité ou toute règle de droit relative à son application.

119.
    Afin d'établir que la Commission a méconnu d'une manière patente les dispositions du traité CECA ou le cinquième code des aides de nature à justifier l'annulation de la décision attaquée, les éléments de preuve apportés par la requérante doivent être suffisants pour priver de plausibilité l'appréciation des faits retenue dans la décision (voir, par analogie, arrêt du Tribunal du 12 décembre 1996, AIUFFASS et AKT/Commission, T-380/94, Rec. p. II-2169, point 59).

120.
    C'est à la lumière de ces considérations qu'il convient d'examiner les arguments tirés de l'erreur prétendument commise par la Commission dans l'application des dérogations du cinquième code.

121.
    Pour autant que la requérante affirme avoir été victime d'une grave discrimination par rapport à l'industrie sidérurgique publique, qui aurait obtenu des aides bien plus importantes, cet argument doit être rejeté comme étant dénué de pertinence en l'espèce. En effet, à supposer même qu'une différence de traitement entre le secteur privé et le secteur public de l'industrie sidérurgique existe en Italie, elle ne saurait influencer l'appréciation par la Commission de la légalité d'aides octroyées par un État membre dans un cas particulier.

122.
    Il est certes vrai que la Commission a, dans la décision attaquée, simplement affirmé que la majeure partie des dépenses d'investissements de la requérante et les aides correspondantes ne pouvaient bénéficier de la dérogation relative à la recherche et au développement, mais semblaient plutôt constituer des investissements productifs qui ne pouvaient, en tant que tels, bénéficier d'aucune dérogation à l'interdiction prévue à l'article 4, sous c), du traité CECA,conformément aux règles communautaires en vigueur dans le domaine des aides d'État à la recherche et au développement.

123.
    Cependant, cette même constatation figurait déjà dans la décision d'ouverture de la procédure. Il était donc nécessaire que le gouvernement italien et la requérante présentent des observations susceptibles d'infirmer cette constatation, faute de quoi ils devaient s'attendre à ce que celle-ci soit effectivement retenue par la Commission dans la décision finale.

124.
    Il convient d'observer, à cet égard, que l'encadrement communautaire des aides d'État à la recherche et au développement (JO 1986, C 83, p. 2), auquel le cinquième code fait référence, précise que les objectifs poursuivis par un programme relatif à la recherche et au développement doivent être clairement indiqués. En outre, les différentes catégories de coûts que les aides sont appelées à réduire doivent être spécifiées, et les aides doivent être accordées sous une forme qui permette de calculer leur intensité par rapport à ces coûts (point 4.31). Il ressort également de ce texte que la Commission veillera particulièrement à ce que ces aides ne soient pas équivalentes à des aides au fonctionnement (point 8.2).

125.
    Or, force est de constater que, au cours de la procédure administrative, le gouvernement italien s'est borné à énoncer que les aides accordées par les décisions n° 7673 du 14 décembre 1987, n° 2429 du 2 mai 1988 et n° 4158 du 4 juillet 1988 étaient conformes aux dispositions relatives à la recherche et au développement, sans fournir d'explication justifiant l'application de cette exemption.

126.
    Il s'ensuit que la Commission était fondée, sur la base des informations dont elle disposait, complétées notamment par la lettre du gouvernement italien du 27 mars 1996, à conclure qu'il n'existait pas d'éléments démontrant que les aides en cause étaient susceptibles de bénéficier de la dérogation du cinquième code relative à la recherche et au développement.

127.
    Les arguments de la requérante ne sauraient remettre en cause cette constatation. Elle a allégué, d'une part, qu'une grande partie des aides accordées après le 1er janvier 1986, bien qu'illégales parce qu'elles n'avaient jamais été notifiées à la Commission, devaient être considérées comme compatibles avec le marché commun, car elles étaient destinées à des investissements effectués notamment dans le domaine de la recherche et du développement et, d'autre part, que le montant des investissements pour la recherche et le développement était de presque 32 milliards de LIT, c'est-à-dire plus de la moitié du montant total des aides octroyées (55 milliards de LIT). Au soutien de cette allégation, la requérante s'est bornée à produire son bilan, qui procède à une répartition de ses investissements indiquant notamment des investissements destinés à la recherche et au développement.

128.
    Or, ces éléments n'infirment nullement l'appréciation de la Commission selon laquelle une majeure partie des dépenses d'investissements de la requérante relatifsà la recherche et au développement semblent constituer des investissements productifs qui ne peuvent, en tant que tels, bénéficier d'aucune dérogation à l'interdiction prévue à l'article 4, sous c), du traité CECA.

129.
    La Commission a également constaté, dans la décision attaquée, que la requérante avait effectué des dépenses d'investissements ayant eu des répercussions dans le domaine de la protection de l'environnement pour un montant d'environ 15 milliards de LIT. Néanmoins, elle a souligné que les autorités italiennes n'étaient pas parvenues à démontrer que les conditions d'application de l'article 3 du cinquième code étaient réunies.

130.
    La requérante fait valoir, notamment, que la Commission a commis une erreur d'appréciation des éléments de fait en considérant comme insuffisants les éléments fournis par elle et le gouvernement italien.

131.
    Toutefois, les éléments fournis par le gouvernement italien lors de la procédure administrative ne permettent pas d'établir que les conditions d'application de la dérogation relative à la protection de l'environnement étaient remplies. En effet, dans sa lettre du 27 mars 1996, le gouvernement italien s'est borné à dresser une liste des actes normatifs qui ont été mis en oeuvre durant la période qui a précédé l'octroi des aides en matière d'environnement. Cela ne démontre pas que les investissements réalisés avaient pour but principal la sauvegarde de l'environnement et devaient permettre de rendre conformes aux nouvelles normes de protection de l'environnement les installations en service depuis au moins deux ans avant l'entrée en vigueur de ces normes. Or, ces conditions sont prévues par l'article 3 du cinquième code et ont été rappelées par la Commission dans sa décision d'ouverture, dont il ressort que les autorités italiennes n'avaient pas, jusqu'alors, démontré qu'elles étaient réunies.

132.
    La Commission a, enfin, estimé que les investissements destinés à la réalisation d'économies d'énergie et à l'amélioration de la qualité des produits ne pouvaient, sur le fondement du cinquième code, bénéficier d'aucune dérogation aux dispositions de l'article 4, sous c), du traité CECA. La requérante n'a fourni aucun élément contredisant cette constatation de la Commission.

133.
    Il convient, en troisième lieu, d'examiner les arguments tirés du rapport d'expertise déposé par Falck. A cet égard, il y a lieu de constater préliminairement que Falck, contrairement à ce que soutient la Commission, n'a pas dépassé le cadre du litige au sens de l'article 116, paragraphe 3, du règlement de procédure.

134.
    Néanmoins, force est de constater que le rapport Andersen, intitulé «Rapport sur les procédures de vérifications choisies et mises en oeuvre portant sur le tableau d'analyse des investissements pour la période comprise entre le 1er janvier 1986 et le 30 juin 1988» comporte, en réalité, une vérification purement comptable d'un tableau produit par Falck et reprenant certains investissements. La société ArthurAndersen n'a donc pas analysé les investissements en tant que tels. Elle n'a, en particulier, pas vérifié s'ils étaient de nature à être exemptés de l'interdiction prévue à l'article 4, sous c), du traité CECA en vertu du cinquième code.

135.
    Il échet de préciser, à cet égard, que le fait que les dépenses d'achat de matériel sont inscrites dans le bilan conformément à la législation nationale et qu'elles y sont décrites comme des investissements à la recherche et au développement ou autre ne démontre pas, à lui seul, que les aides en cause sont susceptibles d'être exemptées en vertu du traité CECA. En effet, l'octroi de dérogations à l'article 4, sous c), du traité CECA suppose un examen impliquant des appréciations qui doivent être effectuées par la Commission dans un contexte communautaire (voir, par analogie, arrêt de la Cour du 17 septembre 1980, Philip Morris/Commission, 730/79, Rec. p. 2671, point 24, et arrêt Siemens/Commission, précité, point 53).

136.
    Il s'ensuit que le rapport Andersen n'a pas fourni d'éléments établissant que les investissements en cause sont de nature à être exemptés de l'interdiction prévue à l'article 4, sous c), du traité CECA et, par conséquent, que ce rapport ne permet pas d'écarter les constatations effectuées ci-dessus, selon lesquelles la Commission n'a pas commis une erreur manifeste d'appréciation en concluant que les aides en cause n'étaient pas susceptibles de bénéficier des dérogations prévues par le cinquième code.

137.
    S'agissant, en quatrième lieu, des arguments invoqués par Falck, tirés d'erreurs d'appréciation en ce que, d'une part, la Commission n'aurait pas dû demander la récupération de l'aide visée par la décision de 1987, du fait que cette aide était couverte par la décision 91/176 et, d'autre part, que la Commission n'a pas apprécié correctement les aides visées par les décisions de 1988, il convient de relever que l'énumération de toutes les aides mises en cause dans la présente affaire figurait déjà dans la décision d'ouverture et, partant, que Falck a été mise en demeure de présenter sa critique à ce stade.

138.
    Par ailleurs, tant dans ses lettres du 6 avril et du 2 mai 1995 en réponse à la demande d'information de la Commission que dans sa lettre du 27 mars 1996 faisant suite à la décision d'ouverture, le gouvernement italien a fait référence aux décisions n° 7673 du 14 décembre 1987, n° 2429 du 2 mai 1988 et n° 4158 du 4 juillet 1988 sans fournir la moindre indication selon laquelle l'aide visée par la décision de 1987 aurait déjà été couverte par la décision 91/176, ni faire apparaître que les aides visées par les décisions de 1988 n'auraient pas été correctement appréciées. Dans sa lettre du 27 mars 1996 (p. 4), le gouvernement italien a même reconnu qu'une partie des aides visées par ces décisions pouvait légitimement être récupérée en affirmant que:

«Les griefs soulevés à bon droit, et à l'égard desquels des précisions devraient être données, concernent uniquement les interventions de la province autonome de Bolzano effectuées postérieurement à l'année 1985 et qui se rapportent respectivement aux décisions n° 7673 du 14 [décembre] 1987, n° 2429 du 2 mai1988 et n° 4158 du 4 juillet 1988, qui font apparaître un bénéfice total, compte tenu de la différence d'intérêt entre le taux de référence et le taux de 3 %, égal à 8,704 milliards en ce qui concerne les prêts.»

139.
    La critique de Falck n'est donc pas pertinente, dans la mesure où il appartient au Tribunal de vérifier si la Commission s'est fondée sur des faits matériels exacts et si ces derniers n'ont pas été appréciés d'une façon manifestement erronée dans le cadre de la situation telle qu'elle se présentait à la date de l'adoption de la décision attaquée et en fonction des seuls éléments dont la Commission disposait à ce moment (voir arrêts du Tribunal du 22 janvier 1997, Opel Austria/Conseil, T-115/94, Rec. p. II-39, point 87, et British Airways e.a. et British Midland Airways/Commission, précité, point 81).

140.
    Par conséquent, il n'y a pas lieu de prendre en considération les arguments de Falck tirés des prétendues erreurs d'appréciation des aides visées par les décisions de 1987 et 1988.

141.
    Il convient d'ajouter que, à supposer même que Falck ait raison en affirmant que l'aide visée par la décision de 1987 était déjà couverte par la décision 91/176, il n'en reste pas moins que, dans sa décision 91/176, la Commission est partie du fait qu'un prêt de 6 milliards de LIT, bien qu'approuvé en 1983, n'a été versé qu'en 1987 et, en raison de la succession des codes des aides à la sidérurgie, est devenu incompatible lors de son attribution. Toutefois, il ressort des allégations de Falck que la décision n° 7673 du 14 décembre 1987 a accordé des aides et que cette décision a été reconnue par acte récognitif le 10 mars 1988. Dès lors, l'argument de Falck laisse à supposer que l'«octroi» de l'aide en 1987 visé par la décision 91/176 était, en réalité, une nouvelle décision autonome et, partant, que cette aide n'est pas devenue incompatible uniquement en raison du retard pris pour son attribution. Une telle thèse donne à penser que la Commission n'était pas correctement informée lors de l'adoption de la décision 91/176 et ne saurait, de ce fait, être utilement invoquée par Falck au soutien des conclusions de la requérante dans la présente procédure.

142.
    Il résulte de tout ce qui précède que le quatrième moyen doit être rejeté.

Sur le cinquième moyen, tiré d'une erreur de droit commise dans la fixation du taux d'intérêt

Arguments des parties

143.
    La requérante soutient que le taux d'intérêt fixé par la Commission est, d'une part, indéterminable et, d'autre part, dépourvu de base légale.

144.
    Elle fait observer qu'une décision qui ordonne la récupération d'une aide illégale peut uniquement imposer le recouvrement d'intérêts sur les sommes versées, afin de supprimer les avantages financiers accessoires à ces aides, et que ce recouvrement doit être strictement proportionné aux avantages dont l'entreprise intéressée a illégalement bénéficié (voir arrêt Siemens/Commission, précité, points 95 et suivants). Ainsi, la Commission aurait dû fixer les intérêts sur la base des dispositions du droit national ou en se fondant sur le taux du marché que la requérante aurait dû payer si les aides n'avaient pas été octroyées.

145.
    Dans sa réplique, elle soutient que la Commission ne peut pas prévoir des obligations sur la base d'une communication, qui n'est pas un acte typique ni un acte obligatoire au titre des articles 14, 15 et 33 du traité CECA. Il serait, en tout état de cause, contradictoire, d'une part, de se référer, par analogie, à des critères communautaires et, d'autre part, de renvoyer à l'ordre juridique national. Une coopération entre le système communautaire et le système national exigerait que, à défaut d'une règle communautaire, le soin de déterminer et d'appliquer des intérêts à verser soit laissé à la juridiction nationale, conformément à la règle nationale.

146.
    Enfin, à la suite d'une question écrite du Tribunal, la requérante a indiqué que le taux qui aurait dû être appliqué est celui qu'elle aurait pu obtenir en Allemagne à l'époque. Étant donné qu'elle était très active en Allemagne à cette époque, le marché allemand serait le marché réel de référence.

147.
    La Commission souligne que, dans le contexte des aides régionales, les intérêts correspondent au coût de l'argent dans l'État membre au cours de la période considérée, ainsi qu'il est précisé dans la communication de la Commission du 21 décembre 1978 sur les régimes d'aides à finalité régionale (JO 1979, C 31, p. 9, ci-après «communication sur les aides régionales»). L'annexe de ladite communication fixerait les modalités d'application des principes de coordination des régimes d'aides à finalité régionale. En vertu du point 14 de cette annexe, le taux de référence applicable à l'Italie serait constitué du «taux de référence moyen applicable aux bonifications d'intérêts versées par le gouvernement central aux organismes de crédit». La valeur du critère appliqué aurait été admise par les autorités italiennes elles-mêmes, qui auraient, dans la demande de remboursement des aides, calculé les intérêts en se fondant sur les taux communiqués par la Banca d'Italia pour les différentes périodes considérées.

Appréciation du Tribunal

148.
    En l'absence de dispositions communautaires portant sur la procédure de recouvrement des montants indûment versés, la récupération des aides irrégulièrement octroyées doit, selon une jurisprudence constante, être effectuée selon les modalités prévues par le droit national. Toutefois, l'application du droit national ne doit pas porter atteinte à la portée et à l'efficacité du droitcommunautaire. En d'autres termes, l'application des dispositions nationales, d'une part, ne doit pas rendre la récupération des sommes irrégulièrement octroyées pratiquement impossible et, d'autre part, ne doit pas être discriminatoire par rapport à des cas comparables régis uniquement par la législation nationale (voir arrêts de la Cour du 21 septembre 1983, Deutsche Milchkontor e.a., 205/82 à 215/82, Rec. p. 2633, points 18 à 25, et du 2 février 1989, Commission/Allemagne, 94/87, Rec. p. 175, point 12, et arrêt Siemens/Commission, précité, point 82).

149.
    Par ailleurs, la récupération d'une aide étatique incompatible avec le marché commun a pour but le rétablissement de la situation antérieure, ce qui suppose que tous les avantages financiers résultant de l'aide ayant des effets anticoncurrentiels sur le marché commun aient été éliminés. Une décision de la Commission, portant restitution d'aides illégales, peut donc imposer le recouvrement d'intérêts sur les sommes octroyées aux fins d'éliminer les avantages financiers accessoires auxdites aides (voir arrêt Siemens/Commission, précité, point 97).

150.
    En effet, ne pas réclamer, lors de la récupération, les intérêts sur les sommes octroyées illégalement reviendrait à maintenir, au bénéfice de l'entreprise destinataire de ces sommes, des avantages financiers dus à l'octroi de l'aide illégale, ces avantages consistant dans l'octroi d'un prêt sans intérêts. Il s'agirait donc, en soi, d'une aide qui fausserait ou menacerait de fausser la concurrence (voir arrêt Siemens/Commission, précité, point 98).

151.
    Cependant, le recouvrement des intérêts ne peut être opéré que pour compenser les avantages financiers découlant effectivement de la mise à la disposition du bénéficiaire des aides et doit être proportionnel à ceux-ci (voir arrêt Siemens/Commission, précité, point 99).

152.
    C'est à la lumière de ces considérations qu'il y a lieu d'examiner l'argument de la requérante, selon lequel la Commission a commis une erreur en fixant le taux d'intérêt en l'espèce.

153.
    L'article 2 de la décision attaquée dispose:

«L'Italie procède, conformément aux dispositions de la législation italienne relative au recouvrement des créances de l'État, à la récupération des aides accordées à la société Acciaierie di Bolzano [...]. Afin d'éliminer les effets résultant de ces aides, leur montant est majoré d'intérêts courant à compter du jour du versement des aides jusqu'à la date de leur remboursement. Le taux d'intérêt applicable est le taux utilisé par la Commission pour le calcul de l'équivalent-subvention net des aides à finalité régionale au cours de la période considérée.»

154.
    La requérante ayant bénéficié d'un avantage en disposant gratuitement d'une certaine somme pendant une période déterminée, le paiement des intérêts qui luiest imposé répond à l'exigence d'éliminer un avantage financier qui est accessoire par rapport au montant des aides initialement octroyées.

155.
    Il importe de relever que, bien que la décision attaquée laisse à supposer que le taux d'intérêt applicable afin d'éliminer cet avantage est directement fixé par la Commission, il n'en demeure pas moins que, en réalité, le taux visé est le taux de référence moyen applicable aux bonifications d'intérêts versées par le gouvernement central aux organismes de crédit en Italie. En effet, la mention, dans la décision attaquée, du «taux utilisé par la Commission pour le calcul de l'équivalent-subvention net des aides à finalité régionale» trouve son origine dans la communication sur les aides régionales. En vertu du point 14 de l'annexe à ladite communication, le taux de référence applicable à l'Italie est constitué du «taux de référence moyen applicable aux bonifications d'intérêts versées par le gouvernement central aux organismes de crédit». En tout état de cause, il n'est pas contesté que le taux appliqué en l'espèce a été calculé sur la base d'informations provenant de la Banca d'Italia.

156.
    Dans ces conditions, la Commission n'a pas fixé les modalités d'exécution de l'obligation de l'État de réclamer les intérêts, la procédure de recouvrement des montants indûment versés étant toujours régie par le droit national. La référence au taux d'intérêt applicable pour le calcul de l'équivalent-subvention net des aides à finalité régionale en Italie permet seulement d'assurer qu'un taux représentant l'équivalent de l'avantage financier provenant de la mise à disposition gratuite du capital en cause soit appliqué, tout en respectant les conditions du marché italien et les principes de droit italien relatifs au recouvrement des montants indûment versés.

157.
    Par conséquent, la Commission était fondée à imposer au gouvernement italien d'utiliser le taux d'intérêt applicable pour le calcul de l'équivalent-subvention net des aides à finalité régionale.

158.
    Enfin, s'agissant de l'allégation de la requérante selon laquelle le marché allemand serait le marché réel de référence, il y a lieu de relever que la légalité d'une décision en matière d'aides doit être appréciée en fonction des éléments d'information dont la Commission disposait au moment où elle l'a arrêtée (voir point 139 ci-dessus).

159.
    Or, en l'espèce, la requérante a été mise en mesure de présenter ses observations sur les faits retenus et les appréciations portées par la Commission dans la décision d'ouverture. Dans cette décision, la Commission a indiqué que la requérante avait bénéficié d'interventions publiques sous forme de prêts d'une durée de dix ans à un taux inférieur de 10 % environ au taux du marché. Il apparaissait donc clairement pour la requérante que la Commission s'est fondée sur le taux du marché en Italie pour calculer le montant des aides en cause. Il est donc légitime que la Commission ait fait référence au taux du marché italien également pour ce qui est du recouvrement de ces aides.

160.
    Dans ces conditions, la requérante n'ayant pas communiqué à la Commission des observations à ce sujet, elle ne saurait pas lui reprocher de ne pas avoir évalué la possibilité d'utiliser le marché allemand comme marché de référence.

161.
    En tout état de cause, la requérante n'a pas, par son argument, démontré que la Commission a commis une erreur manifeste d'appréciation en faisant référence au taux du marché italien pour ce qui est du recouvrement des aides en cause.

162.
    Il s'ensuit que le cinquième moyen doit être rejeté.

Sur le sixième moyen, tiré d'un défaut de motivation

Arguments des parties

163.
    La requérante fait valoir que la décision attaquée ne contient aucune motivation expliquant pourquoi la Commission a considéré comme déterminante pour la restitution des aides la date du 31 décembre 1985, correspondant à la fin de la période d'applicabilité du deuxième code, ni pourquoi elle a estimé que le cinquième code était applicable aux décisions n° 7673, n° 2429 et n° 4158 de la province de Bolzano.

164.
    En outre, la Commission aurait fixé le taux d'intérêt selon une formule énigmatique et sans donner aucune motivation concernant la proportionnalité du taux par rapport aux avantages dont elle aurait bénéficié.

165.
    La Commission considère que la date du 31 décembre 1985 n'a pas été arbitrairement choisie, car elle correspond au jour précédant l'entrée en vigueur, le 1er janvier 1986, du troisième code, ce qui ressortirait clairement de la décision attaquée. Ce code prévoirait expressément le caractère obligatoire de la notification pour toute intervention publique en faveur des entreprises sidérurgiques, ce qui expliquerait pourquoi, toujours dans le contexte d'aides illégales et incompatibles, elle a considéré que, à partir de cette date, les raisons avancées par les autorités italiennes afin d'établir la prétendue bonne foi de l'administration provinciale et de l'entreprise étaient dénuées de fondement et a estimé que les mesures d'aide devaient faire l'objet d'une restitution. Quant au critère utilisé pour le calcul des intérêts, la Commission fait observer que, à défaut d'une réglementation spécifique en la matière, elle a choisi d'appliquer celui fixé pour les aides régionales. Aucune règle ni aucun principe n'imposeraient que leur détermination soit laissée au juge national.

Appréciation du Tribunal

166.
    Il convient de rappeler que l'article 5, deuxième alinéa, quatrième tiret, du traité CECA prévoit, notamment, que la Communauté «rend publics les motifs de son action». L'article 15, premier alinéa, dudit traité précise que «les décisions, recommandations et avis de la Commission sont motivés et visent les avis obligatoirement recueillis».

167.
    Selon une jurisprudence constante, la motivation doit être adaptée à la nature de l'acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l'institution, auteur de l'acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et au juge communautaire d'exercer son contrôle. Il n'est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents. Elle doit être appréciée non seulement au regard du libellé de l'acte, mais aussi de son contexte ainsi que de l'ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêts de la Cour du 29 février 1996, Belgique/Commission, C-56/93, Rec. p. I-723, point 86, et du Tribunal du 22 octobre 1996, Skibsværftsforeningen e.a./Commission, T-266/94, Rec. p. II-1399, point 230).

168.
    En l'espèce, il ressort clairement de la décision attaquée que la date du 31 décembre 1985 a été choisie en raison de l'entrée en vigueur du troisième code prévoyant expressément l'obligation de notification préalable de toute aide accordée à des entreprises sidérurgiques. Sur ce point, il n'existe donc aucun défaut de motivation.

169.
    S'il est vrai que la Commission n'a, dans la décision attaquée, pas indiqué les motifs pour lesquels elle a appliqué le cinquième code, elle a, toutefois, précisé que «la question soulevée par les autorités italiennes en ce qui concerne la détermination du régime juridique applicable aux aides en question, et notamment à celles accordées avant 1985, n'est pas déterminante dans le cas présent. En effet, même si la Commission examinait les aides accordées avant le 31 décembre 1985, à la lumière des dispositions de la décision n° 2320/81 [le deuxième code], elles ne pourraient pas non plus être considérées comme compatibles avec le marché commun, compte tenu des conditions figurant dans les dispositions de cette décision».

170.
    En outre, dans la décision d'ouverture, il a été précisé que «la Commission se considère tenue d'évaluer les aides d'État - qu'il s'agisse d'aides individuelles ou de régimes d'aides - au regard des dispositions et de critères d'interprétation applicables au moment où elle prend sa décision [...] Il s'ensuit que les aides en cause doivent être examinées sur la base des règles communautaires pour les aides à la sidérurgie actuellement en vigueur, c'est-à-dire la décision n° 3855/91 [le cinquième code]».

171.
    La décision attaquée devant être appréciée non seulement au regard de son libellé, mais aussi de son contexte, il est clair que la Commission a adopté la décision sur le fondement du cinquième code.

172.
    Il ressort également de la décision attaquée que «le taux d'intérêt applicable est le taux utilisé par la Commission pour le calcul de l'équivalent-subvention net des aides à finalité régionale au cours de la période considérée».

173.
    Cette manière de calculer le taux est prévue par la communication sur les aides régionales, publiée au Journal officiel des Communautés européennes. En outre, la décision d'ouverture dispose: «La restitution de l'aide illégalement perçue comprend le paiement des intérêts calculés au taux fixé pour l'évaluation des aides à finalité régionale à partir du jour où l'aide a été accordée à l'entreprise bénéficiaire, en vue d'éliminer tout avantage dont l'entreprise aurait pu bénéficier du fait de l'octroi illégal de l'aide.»

174.
    Dans ces conditions, la Commission n'était pas tenue de détailler ses appréciations relatives au taux applicable dans la décision attaquée, afin de donner à la requérante la possibilité d'en examiner le bien-fondé.

175.
    Il s'ensuit que la Commission a exposé d'une manière suffisante et complète les éléments de fait et de droit qui ont joué un rôle fondamental dans l'adoption de la décision attaquée. Cette décision a donc fourni les indications nécessaires à la requérante et permis au juge communautaire d'exercer son contrôle.

176.
    Par conséquent, le sixième moyen doit être rejeté.

177.
    Il résulte de tout ce qui précède que le recours doit être rejeté dans son ensemble.

Sur les dépens

178.
    Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé en ses conclusions, et la Commission ayant conclu en ce sens, il y a lieu de condamner la requérante aux dépens exposés par celle-ci.

179.
    Conformément à l'article 87, paragraphe 4, du règlement de procédure, la République italienne, partie intervenante au litige, supportera ses propres dépens.

180.
    Le Tribunal peut, en vertu de l'article 87, paragraphe 4, troisième alinéa, du règlement de procédure, ordonner qu'une partie intervenante, autre que les États membres, les États parties à l'accord sur l'Espace économique européen (EEE), les institutions et l'Autorité de surveillance de l'Association européenne de libre-échange (AELE), supportera ses propres dépens.

181.
    En l'espèce, il convient de condamner Falck, partie intervenant au soutien de la partie requérante, à supporter ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre élargie)

déclare et arrête:

1)    Le recours est rejeté.

2)    La requérante supportera ses propres dépens ainsi que les dépens de la Commission.

3)    Chaque partie intervenante supportera ses propres dépens.

Cooke            García-Valdecasas                Lindh    

        Pirrung                    Vilaras

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 16 décembre 1999.

Le greffier

Le président

H. Jung

J. D. Cooke


1: Langue de procédure: l'italien.