Language of document : ECLI:EU:T:2012:91

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre)

28 février 2012 (*)

« Aides d’État – Aide accordée par les autorités autrichiennes au groupe Grazer Wechselseitige (GRAWE) dans le cadre de la privatisation de la Bank Burgenland – Décision déclarant l’aide incompatible avec le marché commun et ordonnant sa récupération – Critère de l’investisseur privé en économie de marché – Application dans la situation où l’État agit comme vendeur – Détermination du prix du marché »

Dans l’affaire T‑282/08,

Grazer Wechselseitige Versicherung AG, établie à Graz (Autriche), représentée par Me H. Wollmann, avocat,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée initialement par MM. V. Kreuschitz, N. Khan et K. Gross, puis par MM. Kreuschitz, Khan et T. Maxian Rusche, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision 2008/719/CE de la Commission, du 30 avril 2008, sur l’aide d’État C 56/06 (ex NN 77/06) accordée par l’Autriche dans le cadre de la privatisation de Bank Burgenland (JO L 239, p. 32),

LE TRIBUNAL (sixième chambre),

composé de MM. M. Jaeger, président, N. Wahl (rapporteur) et S. Soldevila Fragoso, juges,

greffier : Mme T. Weiler, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 18 mai 2011,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        La requérante, Grazer Wechselseitige Versicherung AG, est une entreprise autrichienne offrant un éventail de services d’assurance ainsi que de services financiers et de leasing. Elle détenait en 2006 des participations directes importantes dans deux entreprises financières du secteur bancaire et de l’investissement, à savoir Hypo Group Alpe Adria et Capital Bank.

 Hypo Bank Burgenland AG et Ausfallhaftung

2        Jusqu’à sa privatisation, Hypo Bank Burgenland AG (ci-après « BB ») était une banque régionale prenant la forme d’une société par actions de droit autrichien et ayant son siège à Eisenstadt (Autriche). Ses activités, qui initialement consistaient à titre principal à octroyer des prêts hypothécaires et à émettre des obligations foncières et communales, se sont peu à peu étendues à toutes sortes de services bancaires et financiers. En 2005, BB avait un bilan total de 3,3 milliards d’euros et était détenue à 100 % par le Land Burgenland.

3        Conformément à l’article 4 du Landes-Hypothekenbank Burgenland-Gesetz (loi autrichienne sur les banques hypothécaires du Land Burgenland, LGBl n° 58/1991), dans la version issue de la loi LGBl n° 63/1998, le Land Burgenland était garant, au sens de l’article 1356 de l’Allgemeines Bürgerliches Gesetzbuch (code civil autrichien), en cas de cessation de paiements de BB, de l’ensemble de ses engagements. En application de ces dispositions, les créanciers de la banque bénéficient de droits directs à l’égard du garant, qui n’est toutefois tenu d’agir que lorsque les actifs de la banque ne suffisent pas pour couvrir les créances.

4        Ce régime de garantie de bonne fin destinée aux institutions publiques de crédit (dénommée l’« Ausfallhaftung »), en particulier celle du Land en faveur de BB et de ses prédécesseurs, existe d’une manière pratiquement inchangée depuis 1928. Il ne couvrait ni une période ni un montant spécifiques. Conformément au régime légal de la garantie (Gewährträgerhaftung) qui est entré en vigueur le 29 juin 1991, le Land Burgenland obtenait une provision pour offrir cette garantie légale. En vertu d’un accord conclu entre la Commission des Communautés européennes et la République d’Autriche, sur la base duquel la décision C (2003) 1329 final de la Commission, du 30 avril 2003, relative à l’aide E 8/02, a été adoptée (JO C 175, p. 8), l’Ausfallhaftung devait être abrogée pour le 1er avril 2007. Pour toutes les obligations existantes au 2 avril 2003, l’Ausfallhaftung restait en principe valable jusqu’à leur échéance. Pendant la période allant du 2 avril 2003 au 1er avril 2007, l’Ausfallhaftung pouvait, en ce qui concerne les nouvelles obligations, être maintenue, à condition qu’elles arrivent à échéance avant le 30 septembre 2017.

 Aides à la restructuration de BB autorisées par la Commission en 2004

5        À la suite d’une fraude liée aux crédits accordés à HOWE Bau AG et constatée lors de la vérification des comptes annuels pour l’exercice 1999, BB s’est trouvée confrontée à de graves difficultés financières. Le Land Burgenland a dès lors conclu, le 20 juin 2000, un accord de garantie d’un montant de 171 millions d’euros, majoré d’un intérêt de 5 %, afin de couvrir les créances irrécouvrables contre BB qui auraient entraîné un surendettement de cette société. Par ailleurs, afin de couvrir les créances douteuses supplémentaires décelées lors d’un contrôle approfondi, un accord-cadre a été conclu, le 23 octobre 2000, avec le créancier principal de BB, à savoir la Bank Austria Creditanstalt AG. Cet accord prévoyait une renonciation par la Bank Austria Creditanstalt au remboursement des prêts en faveur de BB, un arrangement sur les bénéfices futurs conclu entre ces deux parties et une garantie du Land Burgenland d’un montant de 189 millions d’euros.

6        Par lettre du 18 juin 2002, suivie de compléments d’informations les 3 juillet et 9 septembre 2002, la République d’Autriche a notifié à la Commission les garanties accordées par le Land Burgenland et lui a soumis un plan de restructuration de BB.

7        Par lettre du 26 juin 2003, la Commission a fait connaître aux autorités autrichiennes sa décision d’ouvrir la procédure prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE à l’égard des aides décrites.

8        Par lettre du 19 décembre 2003, les autorités autrichiennes ont fait savoir qu’elles avaient l’intention, dans le cadre de la privatisation de BB, de modifier les aides en cause.

9        Par lettre du 21 janvier 2004, la Commission a fait connaître à la République d’Autriche sa décision d’étendre la procédure formelle ouverte en vertu de l’article 88, paragraphe 2, CE aux modifications prévues des aides à la restructuration de BB.

10      Le 7 mai 2004, la Commission a adopté la décision 2005/691/CE relative à l’aide d’État n° C 44/03 (ex NN 158/01) que l’Autriche entend accorder à BB (JO 2005, L 263, p. 8) (ci-après la « décision de 2004 »). En substance, la Commission a considéré que les deux accords de garantie du Land Burgenland en faveur de BB constituaient des aides d’État, en particulier parce que ces mesures avaient été prises à des conditions qui n’auraient pas été acceptables pour un investisseur privé et conféraient donc à BB un avantage artificiel par rapport à ses concurrents. En outre, lesdites mesures et leurs effets sur les concurrents actuels et potentiels d’autres États membres faussent ou menacent de fausser la concurrence et d’affecter les échanges entre les États membres. Cependant, la Commission a conclu que les mesures de restructuration litigieuses étaient compatibles avec le marché commun, conformément à l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE en liaison avec les lignes directrices communautaires pour les aides d’État au sauvetage et à la restructuration d’entreprises en difficulté (JO 1999, C 288, p. 2). Dans le cadre de son examen de la viabilité à long terme de l’entreprise bénéficiaire de l’aide, la Commission a souligné qu’elle avait fondé son appréciation sur les renseignements fournis par les autorités autrichiennes, notamment sur le calendrier d’achèvement de la privatisation prévue de BB.

 Mesure litigieuse prise dans le cadre de la privatisation de BB

11      Après deux tentatives infructueuses en 2003 et en 2005, le Land Burgenland a lancé une troisième procédure de privatisation de BB, dont l’exécution a été confiée à la banque d’investissement HSBC Trinkaus & Burkhardt KGaA de Düsseldorf (Allemagne), en collaboration avec HSBC plc de Londres (Royaume-Uni) (ci-après, prises ensemble, « HSBC »). Cette procédure a commencé en octobre 2005 par la publication dans la presse d’un appel d’offres.

12      Parmi les 14 soumissionnaires ayant formellement manifesté leur intérêt à déposer une offre, seuls trois d’entre eux ont présenté dans le délai requis des offres indicatives complètes, s’élevant respectivement à 65, 100 et 140 millions d’euros, et ont pris part à la deuxième étape de l’appel d’offres, à l’issue de laquelle une offre contraignante devait être présentée au plus tard le 6 février 2006. Deux soumissionnaires, à savoir la requérante conjointement avec la GW Beteiligungserwerbs- und -verwaltungs-GmbH (ci-après « GRAWE ») et un consortium austro-ukrainien associant les entreprises autrichiennes SLAV AG et SLAV Finanzbeteiligung GmbH et les sociétés par actions ukrainiennes Ukrpodshipnik et Ilyich (ci-après le « consortium »), ont présenté des offres contraignantes. Ces offres ont par la suite fait l’objet d’un examen individuel et de négociations contractuelles qui se sont achevées le 4 mars 2006.

13      Le 5 mars 2006, le Land Burgenland a procédé à l’attribution de BB à GRAWE, bien que le prix d’achat qu’elle avait proposé (100,3 millions d’euros) ait été nettement inférieur à celui proposé par le consortium (155 millions d’euros). Cette décision s’appuyait notamment sur une recommandation écrite d’HSBC du 4 mars 2006, qui a été complétée par des éclaircissements oraux destinés aux membres du gouvernement du Land Burgenland le jour même de la décision. La recommandation d’HSBC énonce, en substance, que, si, eu égard au prix d’achat proposé, la décision devait favoriser le consortium, il était recommandé que BB soit cédée à GRAWE compte tenu des autres critères de sélection, à savoir la sûreté du paiement du prix, la poursuite de la gestion de BB en évitant le recours à l’Ausfallhaftung, les augmentations de capital et la sécurité des transactions.

14      La vente de BB, qui a formellement été approuvée par les autorités du Burgenland le 7 mars 2006, a été close le 12 mai 2006. Avant cette clôture, BB a émis, dans le cadre de l’Ausfallhaftung, des titres pour un montant de 700 millions d’euros, dont 350 millions ont été souscrits par une filiale de GRAWE. Enfin, du fait de la privatisation, la période transitoire d’application de l’Ausfallhaftung visée au point 4 ci-dessus s’est achevée prématurément le jour de cette clôture.

 Procédure administrative

15      Le 4 avril 2006, la Commission a été saisie d’une plainte du consortium selon laquelle la République d’Autriche aurait enfreint les règles sur les aides d’État lors de la privatisation de BB. Le plaignant soutenait notamment que la procédure d’appel d’offres, qui n’avait pas été équitable, transparente et non discriminatoire envers lui, ne se serait pas soldée par la cession de BB au plus offrant (à savoir le consortium), mais à GRAWE.

16      Par lettres des 15 mai et 1er juin 2006, les autorités autrichiennes ont répondu à une demande de renseignements de la Commission du 12 avril 2006. Par la suite, le 27 juin 2006, une rencontre entre des représentants de la République d’Autriche et de la Commission a été organisée et, le 17 juillet 2006, la Commission a envoyé une deuxième demande de renseignements, à laquelle les autorités autrichiennes ont répondu le 18 septembre 2006. Le consortium a, quant à lui, communiqué des informations supplémentaires à la Commission les 21 avril et 2 juin 2006.

17      Par lettre du 21 décembre 2006, la Commission a informé les autorités autrichiennes de sa décision, concernant la cession de BB à GRAWE, d’ouvrir la procédure formelle d’examen prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE. Cette décision a été publiée au Journal officiel de l’Union européenne le 8 février 2007 (JO C 28, p. 8).

18      Le 1er mars 2007, la République d’Autriche a fait part à la Commission de ses observations sur cette décision d’ouverture. Par ailleurs, la Commission a reçu un certain nombre d’observations et d’informations de tiers intéressés, parmi lesquels figuraient GRAWE et le consortium, sur lesquelles les autorités autrichiennes se sont exprimées. De plus, plusieurs réunions ont eu lieu entre les représentants de la République d’Autriche et de la Commission. Enfin, les autorités autrichiennes ont, à plusieurs reprises, envoyé à la Commission des observations et des documents supplémentaires.

19      Le 30 avril 2008, la Commission a adopté la décision 2008/719/CE sur l’aide d’État C 56/06 (ex NN 77/06) accordée par l’Autriche dans le cadre de la privatisation de BB (JO L 239, p. 32) (ci-après la « décision attaquée »).

 Décision attaquée

20      Dans la décision attaquée, la Commission rappelle notamment que, pour apprécier une mesure prise dans le cadre d’une privatisation au regard des règles relatives aux aides d’État, elle s’appuie sur plusieurs principes qu’elle a fixés dans le XXIIIe Rapport sur la politique de concurrence de 1993 (points 402 et suivants) ainsi que dans sa pratique antérieure. Or, les conditions rappelées dans ce rapport pour pouvoir considérer qu’il n’y pas d’aide d’État au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE n’auraient pas été respectées dans le cas d’espèce.

21      Se prononçant sur le point de savoir si la cession de BB à GRAWE constitue une aide d’État, la Commission relève, tout d’abord, que les ressources du Land Burgenland (qui est un des neuf Bundesländer de l’Autriche) doivent être considérées comme des moyens « accordés par les États ou au moyen de ressources d’État ». En outre, la Commission constate que GRAWE est active à l’échelle internationale, si bien qu’un éventuel avantage accordé au moyen de ressources publiques entraverait la concurrence dans le secteur bancaire et aurait un effet sur le commerce intracommunautaire. Quant à la question de savoir si GRAWE a bénéficié d’un avantage sélectif, la Commission souligne qu’il convient de déterminer si le Land Burgenland s’est comporté comme tout vendeur opérant dans une économie de marché (private vendor test).

22      Sur ce dernier aspect, rappelant que le Land Burgenland avait reçu une offre du consortium dont la valeur nominale dépassait de 54,7 millions d’euros l’offre de GRAWE, la Commission indique qu’un opérateur économique opérant en économie de marché peut néanmoins choisir l’offre la plus basse dans deux hypothèses.

23      La première vise la situation où il est clair que la cession au plus offrant n’est pas réalisable, ce qui implique en l’occurrence d’examiner, en premier lieu, la sécurité de la transaction à travers la solidité économique du consortium et, en second lieu, la probabilité que ledit consortium n’obtienne finalement pas l’autorisation requise de la part de la Finanzmarktaufsicht (autorité autrichienne de surveillance des marchés financiers, ci-après la « FMA »). Or, de l’avis de la Commission, non seulement il n’y avait aucune raison de douter du fait que le prix d’achat de 155 millions d’euros proposé par le consortium pouvait être financé, mais rien n’indique ni ne prouve que la FMA aurait interdit la cession de BB au consortium.

24      La seconde hypothèse couvre le cas où la prise en considération d’autres facteurs que le prix est justifiée, étant entendu que les seuls facteurs à prendre en considération sont ceux dont un investisseur opérant dans une économie de marché aurait tenu compte, ce qui, selon la Commission, exclut les risques qui résultent d’une obligation de versement d’une garantie devant être qualifiée d’aide d’État éventuellement en vigueur, telle que l’Ausfallhaftung, unique facteur dont les autorités autrichiennes se sont prévalues. La Commission précise sur ce point qu’il ressort notamment de la jurisprudence que, lorsqu’est évaluée la façon dont un investisseur opérant dans une économie de marché se serait comporté, le rôle de l’État en tant que vendeur d’une entreprise, d’une part, et les obligations qui lui incombent en tant que pouvoir public, d’autre part, ne doivent pas être confondus. Or, aucun investisseur opérant dans une économie de marché n’aurait accepté une garantie qui n’aurait pas respecté le principe de l’investisseur opérant dans une économie de marché et la décision sur la suppression de l’Ausfallhaftung confirme que cette dernière ne fait pas partie des conditions du marché.

25      Eu égard à l’ensemble de ces considérations, la Commission a estimé que l’autorité autrichienne compétente ne s’était pas comportée comme un vendeur opérant dans une économie de marché. L’avantage économique accordé à GRAWE correspond au moins à la différence entre l’offre du consortium et le prix d’achat réel.

26      La Commission ajoute, aux fins d’examiner les arguments présentés par la République d’Autriche quant à l’importance de l’Ausfallhaftung, que, même si le Land Burgenland aurait pu tenir compte de cette garantie comme critère d’évaluation des offres, l’offre de GRAWE n’était pas la meilleure.

27      Enfin, la Commission a considéré que l’aide d’État consistant en la cession de BB à GRAWE ne pouvait pas être déclarée compatible avec le marché commun.

28      Le dispositif de la décision attaquée est ainsi libellé :

« Article premier

L’aide d’État que l’Autriche a accordée à GRAWE en violation de l’article 88, paragraphe 3, [CE], et par conséquent illégalement, est incompatible avec le marché commun. Cette aide correspond à la différence entre les deux offres de prix définitives présentées dans le cadre de la procédure d’appel d’offres, qui doit être ajustée de manière appropriée conformément aux paramètres présentés aux [considérants] 167 à 174 de la présente décision.

Article 2

1. L’Autriche récupère l’aide mentionnée à l’article [1er] auprès du bénéficiaire.

2. Le montant de l’aide récupérée comprend les intérêts, depuis le moment où l’aide a été mise à disposition du bénéficiaire jusqu’à son remboursement effectif.

3. Les intérêts seront calculés sur une base établie conformément au règlement (CE) n° 794/2004.

Article 3

1. L’aide mentionnée à l’article 1er sera restituée immédiatement et effectivement.

2. L’Autriche veille à ce que la présente décision soit exécutée dans un délai de quatre mois après sa publication.

Article 4

1. Dans un délai de deux mois après la publication de la présente décision, l’Autriche communiquera les informations suivantes à la Commission :

a)       le montant total (montant principal et intérêts) à récupérer auprès du bénéficiaire et à ajuster conformément aux paramètres présentés par la Commission dans la présente décision, ainsi qu’une explication détaillée de la méthode de calcul de ce montant et l’évaluation des biens par des experts indépendants ;

b)       la description détaillée des mesures prises ou prévues en vue de se conformer à la présente décision ;

c)       les documents prouvant qu’une demande de récupération a été envoyée au bénéficiaire.

2. L’Autriche notifiera à la Commission les progrès accomplis dans la mise en œuvre de ses mesures d’exécution de la présente décision, jusqu’au remboursement de l’aide mentionnée à l’article [1er]. À la demande de la Commission, l’Autriche présentera sans délai des informations sur les mesures prises ou prévues pour se conformer à la présente décision. En outre, l’Autriche transmettra des informations détaillées sur le montant des aides et des intérêts que le bénéficiaire a déjà remboursés. 

Article 5

La République d’Autriche est destinataire de la présente décision. »

 Procédure et conclusions des parties

29      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 17 juillet 2008, la requérante a introduit le présent recours.

30      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (sixième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale.

31      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 18 mai 2011.

32      Un membre de la sixième chambre ayant été empêché de siéger, le président du Tribunal s’est désigné, en application de l’article 32, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, pour compléter la chambre.

33      Par ordonnance du 18 novembre 2011, le Tribunal (sixième chambre), dans sa nouvelle composition, a rouvert la procédure orale et les parties ont été informées qu’elles seraient entendues lors d’une nouvelle audience.

34      Par lettres, respectivement, des 23 et 28 novembre 2011, la Commission et la requérante ont informé le Tribunal qu’elles renonçaient à être entendues une nouvelle fois.

35      En conséquence, le président du Tribunal a décidé de clore la procédure orale.

36      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

37      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme non fondé ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

38      À l’appui de son recours, la requérante avance divers moyens et griefs qui visent, en substance, à dénoncer une violation des dispositions de l’article 87, paragraphes 1 et 3, CE et de l’obligation de motivation.

39      Elle soutient, à titre principal, que la Commission a commis diverses erreurs ou méconnu son obligation de motivation, premièrement, dans la constatation de certains faits, deuxièmement, dans la détermination du cadre juridique applicable aux privatisations, troisièmement, dans l’application du critère de l’investisseur privé en économie de marché dans l’examen de l’autorisation devant être accordée par la FMA, quatrièmement, dans l’appréciation de la sécurité financière d’une cession de BB au consortium, cinquièmement, dans le refus de la Commission de tenir compte de l’Ausfallhaftung, sixièmement, dans la prise en compte, à titre subsidiaire, de cette dernière garantie dans l’évaluation des offres d’achat de BB présentées respectivement par GRAWE et par le consortium, septièmement, dans l’évaluation du montant de l’avantage qui lui a prétendument été accordé. Elle fait valoir, huitièmement, que la décision attaquée est entachée de graves erreurs d’appréciation.

40      À titre subsidiaire, la requérante avance que la Commission a, en violation de l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE et de son obligation de procéder à un examen diligent et impartial des mesures dont elle a à connaître, omis d’apprécier la compatibilité de la mesure de privatisation litigieuse avec le marché commun.

41      Avant d’aborder l’examen proprement dit de l’argumentation des parties, il importe de procéder à un certain nombre d’observations liminaires sur la notion d’aide d’État au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE ainsi que sur la nature et la portée du contrôle juridictionnel que le juge de l’Union européenne est amené à effectuer en l’espèce.

 Observations liminaires sur la notion d’aide d’État au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE ainsi que sur la nature et la portée du contrôle juridictionnel

42      L’article 87, paragraphe 1, CE dispose que, « [s]auf dérogations prévues par le présent traité, sont incompatibles avec le marché commun, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d’État sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions ».

43      Il ressort d’une jurisprudence constante que la qualification d’aide, au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE, requiert que toutes les conditions visées à cette disposition soient remplies. Premièrement, il doit s’agir d’une intervention de l’État ou au moyen de ressources d’État. Deuxièmement, cette intervention doit être susceptible d’affecter les échanges entre États membres. Troisièmement, elle doit accorder un avantage à son bénéficiaire en favorisant certaines entreprises ou certaines productions. Quatrièmement, elle doit fausser ou menacer de fausser la concurrence (arrêt de la Cour du 24 juillet 2003, Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg, C‑280/00, Rec. p. I‑7747, points 74 et 75, et arrêt du Tribunal du 22 février 2006, Le Levant 001 e.a./Commission, T‑34/02, Rec. p. II‑267, point 110).

44      En l’occurrence, force est de constater que seule la condition relative à l’existence d’un avantage économique est visée par la requérante. Il apparaît, en effet, que les moyens et arguments soulevés à titre principal à l’appui du présent recours visent, en substance, à démontrer que c’est à tort que la Commission a conclu à l’existence d’un avantage en faveur de GRAWE, avantage qui correspondrait à la différence entre l’offre présentée par cette dernière et celle soumise par le consortium.

45      À cet égard, il importe de rappeler que, conformément à une jurisprudence bien établie, la fourniture de biens ou de services à des conditions préférentielles est susceptible de constituer une aide d’État au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 2 février 1988, Van der Kooy e.a./Commission, 67/85, 68/85 et 70/85, Rec. p. 219, points 28 et 29 ; du 20 novembre 2003, GEMO, C‑126/01, Rec. p. I‑13769, point 29 ; du Tribunal du 16 septembre 2004, Valmont/Commission, T‑274/01, Rec. p. II‑3145, point 44, et du 1er juillet 2010, Italie/Commission, T‑53/08, non encore publié au Recueil, point 79).

46      Appliqué à l’hypothèse d’une vente d’un bien par une entité publique à une personne privée, ce principe a pour conséquence que doit être déterminé si, notamment, le prix de cession de ce bien équivaut au prix du marché en ce qu’il correspond à celui qui aurait pu être obtenu par l’acquéreur dans des conditions normales de marché (voir, en ce sens, arrêt Valmont/Commission, point 45 supra, point 45, et la jurisprudence citée). Dans cette perspective, il y a lieu, pour la Commission, d’appliquer le critère de l’investisseur privé dans une économie de marché, afin de vérifier si le prix payé par le présumé bénéficiaire de l’aide correspond au prix qu’un opérateur privé, agissant dans des conditions de concurrence normales, aurait pu fixer (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 2 septembre 2010, Commission/Scott, C‑290/07 P, non encore publié au Recueil, point 68, et du 16 décembre 2010, Seydaland Vereinigte Agrarbetriebe, C‑239/09, non encore publié au Recueil, point 34, et la jurisprudence citée). L’application concrète dudit critère implique, en principe, une appréciation économique complexe (arrêt Commission/Scott, précité, point 68).

47      S’agissant de la portée et de la nature du contrôle juridictionnel, premièrement, il importe de rappeler que la notion d’aide d’État, telle qu’elle est définie dans le traité, présente un caractère juridique et doit être interprétée sur la base d’éléments objectifs. Pour cette raison, le juge de l’Union doit, en principe et compte tenu tant des éléments concrets du litige qui lui est soumis que du caractère technique ou complexe des appréciations portées par la Commission, exercer un entier contrôle en ce qui concerne la question de savoir si une mesure entre dans le champ d’application de l’article 87, paragraphe 1, CE (arrêts de la Cour du 16 mai 2000, France/Ladbroke Racing et Commission, C‑83/98 P, Rec. p. I‑3271, point 25, et du 22 décembre 2008, British Aggregates/Commission, C‑487/06 P, Rec. p. I‑10515, point 111). Le juge de l’Union doit notamment vérifier non seulement l’exactitude matérielle des éléments de preuve invoqués, leur fiabilité et leur cohérence, mais également contrôler si ces éléments constituent l’ensemble des données pertinentes devant être prises en considération pour apprécier une situation complexe et s’ils sont de nature à étayer les conclusions qui en sont tirées (voir arrêt Commission/Scott, point 46 supra, point 65, et la jurisprudence citée).

48      Toutefois, il n’appartient pas au juge de l’Union, dans le cadre de ce contrôle, de substituer son appréciation économique à celle de la Commission. En effet, le contrôle que les juridictions de l’Union exercent sur les appréciations économiques complexes faites par la Commission est un contrôle restreint qui se limite nécessairement à la vérification du respect des règles de procédure et de motivation, de l’exactitude matérielle des faits ainsi que de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation et de détournement de pouvoir (voir arrêt Commission/Scott, point 46 supra, point 66, et la jurisprudence citée, et arrêt du Tribunal du 17 décembre 2008, Ryanair/Commission, T‑196/04, Rec. p. II‑3643, point 41).

49      Deuxièmement, il doit être précisé que la légalité d’une décision de la Commission en matière d’aides d’État doit s’apprécier en fonction des éléments d’information dont la Commission pouvait disposer au moment où elle a arrêté celle-ci (arrêts de la Cour du 10 juillet 1986, Belgique/Commission, 234/84, Rec. p. 2263, point 16, et du 14 septembre 2004, Espagne/Commission, C‑276/02, Rec. p. I-8091, point 31 ; arrêt Valmont/Commission, point 45 supra, point 38). Il en ressort en particulier que, dès lors que la notion d’aide d’État répond à une situation objective qui s’apprécie à la date à laquelle la Commission prend sa décision, ce sont les appréciations portées à cette date qui doivent être prises en compte pour opérer le contrôle juridictionnel (arrêt de la Cour du 1er juillet 2008, Chronopost et La Poste/UFEX e.a., C‑341/06 P et C‑342/06 P, Rec. p. I‑4777, point 144).

 Sur les moyens et griefs, présentés à titre principal, relatifs à l’existence d’un avantage économique au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE

 Sur la présentation de certains faits retenue par la Commission dans la décision attaquée

–       Argumentation des parties

50      La requérante soutient que la Commission a commis des erreurs dans la présentation de points factuels essentiels à la compréhension de l’affaire, en omettant, notamment, de faire état de précisions relatives au report fiscal des pertes de BB, au dédommagement des actionnaires du flottant effectué en 2006 et à l’importance des émissions privilégiées.

51      S’agissant, tout d’abord, du report des pertes de BB décrit au considérant 18 de la décision attaquée, ce serait à tort que la Commission a laissé entendre que celui-ci aurait avantagé GRAWE. De l’avis de la requérante, l’imputation du report des pertes sur le bénéfice résultant de la vente n’aurait profité qu’à BB. Par ailleurs, elle souligne que le consortium a, tout comme elle, non seulement obtenu du Land Burgenland des garanties en ce qui concerne l’existence des reports de pertes de BB, mais que les garanties exigées par le consortium étaient beaucoup plus importantes. Dans la réplique, la requérante fait valoir que la Commission a commis une erreur d’appréciation résultant d’un examen insuffisant du droit fiscal autrichien. Les dispositions nationales applicables ne prévoiraient pas de possibilité de compensation des pertes et des bénéfices de sociétés d’un même groupe. GRAWE ne pouvait donc, du fait de sa seule qualité d’acquéreur de BB, être indirectement avantagée par le report des pertes dont a bénéficié cette même banque.

52      Ensuite, en ce qui concerne le dédommagement des actionnaires effectué au début de l’année 2006, à la suite de la décision de rachat en masse du flottant en 2005 (évoqué au considérant 19, note en bas de page n° 8, de la décision attaquée), la Commission aurait omis, à tort, de se référer à l’expertise de gmc-unitreu Wirtschaftsprüfungs- und Steuerberatungs GmbH, dont il ressortirait que la valeur en Bourse de BB s’élevait à 53 930 646 euros. Ainsi qu’il ressortirait du XXIIIe Rapport sur la politique de concurrence sur lequel la Commission se fonde, la valeur en Bourse d’une entreprise constituerait un indicateur de la valeur du marché de celle-ci tout aussi approprié que le résultat d’un appel d’offres. Il y aurait également lieu de souligner que les actionnaires minoritaires de BB ont considéré que le prix payé par GRAWE était équitable. La requérante est d’avis que, en passant sous silence le fait que la valeur d’une action de BB a été estimée à un prix inférieur de 50 % du prix payé par GRAWE, la Commission a commis une erreur dans la constatation d’un fait essentiel.

53      Enfin, la requérante fait grief à la Commission d’avoir considéré que GRAWE avait été la seule à bénéficier de l’offre du Land Burgenland relative à l’émission des titres supplémentaires d’un montant de 380 millions d’euros garantis par l’Ausfallhaftung et que, ce faisant, GRAWE avait obtenu un avantage supplémentaire (voir considérants 35, 44 et 171 de la décision attaquée). Les constatations de la Commission seraient non seulement erronées, mais contradictoires, puisque la Commission aurait elle-même admis qu’une émission comparable de titres supplémentaires aurait également été effectuée en cas de vente de BB au consortium (voir considérant 148 de la décision attaquée). Les constatations de la Commission seraient à cet égard en contradiction avec celles effectuées par le Landesgericht Eisenstadt (tribunal régional d’Eisenstadt, Autriche) dans le cadre de l’instruction de l’affaire ayant donné lieu à une ordonnance du 20 mai 2006, citée au considérant 142 de la décision attaquée. Les constats factuels effectués par le Landesgericht Eisenstadt, qui doivent se voir reconnaître une valeur importante, justifieraient même une adaptation du prix d’achat de BB en faveur de GRAWE compte tenu de la notation de cette dernière sur le marché des capitaux. De l’avis de la requérante, le refus de la Commission de tenir compte de ces constatations est incompatible avec les principes rappelés dans la communication relative à la coopération entre la Commission et les juridictions nationales dans le domaine des aides d’État (JO 1995, C 312, p. 8). Par ailleurs, la Commission aurait méconnu son devoir de motivation au sens de l’article 253 CE.

54      Dans la réplique, la requérante fait valoir que toutes les parties à la procédure auraient admis qu’une éventuelle vente de BB au consortium aurait impliqué une sortie de liquidités significative entre la signature du contrat de cession et la clôture de la vente. La requérante souligne que cette circonstance, qui serait évoquée au point 5.4 de la version finale du contrat d’achat négocié entre le Land Burgenland et le consortium, impliquerait l’assurance d’une émission de titres supplémentaires par BB avant la clôture de la vente, et ce quand bien même ledit contrat ne prévoirait pas le montant exact de cette émission.

55      La Commission rejette ces allégations.

–       Appréciation du Tribunal

56      Il importe de rappeler que, conformément à la jurisprudence rappelée au point 47 ci-dessus, le Tribunal doit vérifier l’exactitude matérielle des faits retenus par la Commission en l’espèce, et ce indépendamment de la question de savoir si sont en cause ou non des appréciations économiques complexes.

57      Force est toutefois de constater que, plus qu’une critique portant sur des constatations de faits, la requérante reproche en réalité à la Commission, dans le cadre de cette branche de son argumentation, d’avoir, notamment aux considérants 18, 19, 35 et 71 de la décision attaquée, fait des suppositions erronées en rapport avec certains constats factuels.

58      Premièrement, la requérante fait valoir que la Commission a laissé entendre que GRAWE aurait été particulièrement avantagée par le report des pertes de BB évoqué au considérant 18 de la décision attaquée.

59      Ce considérant est ainsi rédigé :

« En 2007, GRAWE a vendu environ 15 % de sa participation à Hypo Group Alpe Adria et obtenu des bénéfices comptables considérables. Avec le report fiscal des pertes de BB de […] millions EUR, GRAWE avait déjà réalisé des économies d’impôts, qui pouvaient compenser le prix d’achat de […] millions EUR payé pour BB. »

60      L’argumentation de la requérante ne remet nullement en cause ces constatations. La Commission s’est en effet limitée à indiquer que, du fait du report fiscal des pertes dont avait bénéficié BB, l’acquéreur de cette dernière pouvait être en mesure (« qui pouvaient compenser ») de bénéficier indirectement d’un avantage complémentaire. L’affirmation de la requérante selon laquelle la Commission a voulu donner l’impression que GRAWE n’a rien dû payer pour l’acquisition de BB ne trouve, par conséquent, aucun appui solide.

61      De surcroît, il convient de souligner que la question du report fiscal des pertes de BB n’a pas été abordée dans la suite de la décision attaquée aux fins de l’appréciation d’un avantage au profit de GRAWE. Le considérant 174 de la décision attaquée indique clairement que, « [e]n ce qui concerne la question, qui figure dans la décision d’ouverture, de savoir si le report fiscal des pertes doit être pris en considération dans la détermination du montant de l’aide, la Commission l’a examinée et en a conclu que non ».

62      Deuxièmement, s’agissant du grief de la requérante selon lequel la Commission a, à tort, omis de tenir compte du prix payé, en mars 2006, pour le rachat en masse des actions du flottant eu égard à l’expertise gmc-unitreu, il ne saurait davantage être retenu.

63      Tout d’abord, ainsi qu’il ressort clairement de la décision attaquée, la Commission a estimé que, dès lors que le prix du marché avait été déterminé dans le cadre de la mise en place d’une procédure d’adjudication ouverte, inconditionnelle et transparente, il n’était nullement besoin de se référer à une quelconque expertise (voir notamment considérant 112 de la décision attaquée) et, en particulier, à l’expertise gmc-unitreu qui avait été élaborée, dans le cadre des actes préparatoires de la privatisation de BB, en vue du dédommagement des actionnaires du flottant. La raison pour laquelle la Commission ne s’est pas fondée sur ladite expertise pour la détermination du prix du marché de BB est donc sans rapport avec la valeur intrinsèque de celle-ci, mais tient davantage au fait qu’il a été jugé préférable de se référer aux offres valablement soumises dans le cadre de la procédure d’appel d’offres en cause. C’est donc à tort que la requérante suggère que la Commission a passé sous silence le montant du dédommagement accordé aux actionnaires du flottant en mars 2006. Force est à cet égard de relever que la question du dédommagement des actionnaires du flottant en 2006 ainsi que l’expertise gmc-unitreu sont expressément mentionnées et examinées dans la décision attaquée [voir considérant 19, considérant 68, sous b), et considérant 113 de la décision attaquée].

64      Au demeurant, la requérante n’a pas apporté d’élément convaincant en vue de démontrer que l’expertise gmc-unitreu méritait une attention particulière en vue de la détermination de la valeur de marché de BB. Elle est notamment restée en défaut d’établir en quoi l’évaluation de la valeur autonome de BB effectuée à l’occasion du dédommagement des actionnaires du flottant, qui vise une situation bien antérieure à la date effective de vente de BB et qui consiste en une cession de valeurs mobilières effectuée en dehors du marché financier, devait prévaloir sur les évaluations de la valeur du marché de BB découlant des autres expertises indépendantes mentionnées au considérant 68 de la décision attaquée. Ainsi que la Commission l’a relevé, si, aux termes du point 403 du XXIIIe Rapport sur la politique de concurrence, lorsqu’une privatisation s’opère par la vente d’actions en Bourse, il peut être présumé que ladite vente se fait aux conditions du marché, la vente partielle d’actions en dehors du marché financier n’est pas forcément représentative de la valeur globale de l’entreprise.

65      Troisièmement, en ce qui concerne l’importance des émissions privilégiées de titres et la prétendue contradiction entre l’affirmation selon laquelle l’avantage résultant d’une émission supplémentaire de titres à hauteur de 380 millions d’euros n’aurait bénéficié qu’à GRAWE (voir considérants 35, 44 et 171 de la décision attaquée) et la considération selon laquelle le montant de l’émission privilégiée aurait été le même quel que soit l’acquéreur de BB (voir considérant 148 de la décision attaquée et tout particulièrement les constats effectués dans l’ordonnance du 20 mai 2006 par le Landesgericht Eisenstadt), il convient de souligner que la Commission a conclu, au considérant 171 de la décision attaquée, ce qui suit :

« L’émission de titres supplémentaires d’un montant de 380 millions EUR dans le cadre de la garantie de l’État n’a été mentionnée ni dans la lettre de procédure, ni dans le projet de contrat avec GRAWE. La Commission estime que cet accord a joué un rôle considérable dans le processus de vente et aurait dû figurer dans le projet de contrat avec le consortium. En outre, le consortium a confirmé que l’émission de titres supplémentaires n’avait pas été prise en considération dans son offre. La Commission estime que l’avantage de GRAWE, dû à sa meilleure situation de refinancement résultant de la mise à disposition de 380 millions EUR supplémentaires, nécessite donc un ajustement sous la forme d’une augmentation de la différence entre l’offre du consortium et le prix d’achat réel. Le calcul repose sur les intérêts que BB paie pour les titres supplémentaires d’un montant de 380 millions EUR, en comparaison avec les coûts de refinancement de BB après la clôture. »

66      Or, si, ainsi qu’il ressort des considérants 148 et 171 de la décision attaquée, la Commission n’a pas refusé d’intégrer cette émission supplémentaire de titres dans l’examen, effectué à titre subsidiaire, du scénario de liquidation proposé par les autorités autrichiennes en cas de cession au consortium, elle s’est limitée, dans le cadre de l’évaluation du montant de l’avantage accordé à GRAWE, à indiquer que, concrètement, l’offre présentée par le consortium ne tenait pas compte de l’émission des titres supplémentaires. Dans ce contexte, indépendamment des constats factuels dressés à l’occasion de l’instruction du Landesgericht Eisenstadt, la Commission a tenu compte du fait, d’une part, que l’émission de titres supplémentaires d’une valeur de 380 millions d’euros n’était mentionnée ni dans la lettre de procédure ni dans le projet de contrat avec le consortium et, d’autre part, que ce dernier avait confirmé qu’il n’avait effectivement pas pris en considération cette émission.

67      L’argumentation de la requérante selon laquelle, compte tenu des profils de risque très différents présentés par le consortium et par GRAWE, cette dernière n’a bénéficié d’aucun avantage complémentaire est purement spéculative et non étayée et doit, pour cette seule raison, être rejetée. Ainsi que la Commission l’a mentionné, le point décisif est que, contrairement à l’offre présentée par le consortium, l’offre présentée par GRAWE englobait indubitablement l’émission de titres supplémentaires pour un montant de 380 millions d’euros. Il en résulte donc un avantage financier complémentaire qui devait être pris en compte dans le calcul du montant de l’aide éventuellement accordée par le Land Burgenland à GRAWE.

68      S’agissant, enfin, de l’argumentation selon laquelle la Commission aurait méconnu son devoir de motivation, il ressort d’une jurisprudence bien établie qu’il y a lieu de distinguer le grief tiré du défaut ou de l’insuffisance de la motivation de celui pris de l’inexactitude des motifs de la décision, en raison d’une erreur sur les faits ou dans l’appréciation juridique. Ce dernier aspect relève de l’examen de la légalité au fond de la décision attaquée et non de la violation des formes substantielles et ne peut donc constituer une violation de l’article 253 CE (arrêt de la Cour du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, Rec. p. I‑1719, points 67 et 72, et arrêt du Tribunal du 7 novembre 1997, Cipeke/Commission, T‑84/96, Rec. p. II‑2081, point 47). Par conséquent, le Tribunal ne saurait examiner, au titre du contrôle du respect de l’obligation de motivation, la légalité au fond des motifs invoqués par la Commission pour justifier sa décision (arrêt du Tribunal du 15 juin 2005, Corsica Ferries France/Commission, T‑349/03, Rec. p. II‑2197, points 52, 58 et 59).

69      Or, en l’espèce, les arguments formulés par la requérante concernent, en réalité, de prétendues erreurs d’appréciation commises par la Commission. En effet, la décision attaquée contient une motivation suffisante, au moins sous l’angle de l’article 253 CE, en ce qui concerne les aspects visés par la requérante.

70      Il convient donc de rejeter les griefs de la requérante dirigés contre la présentation de certains faits exposés dans la décision attaquée.

 Sur le cadre juridique applicable

–       Argumentation des parties

71      La requérante soutient que, dans le cadre de la détermination du prix du marché d’une entreprise publique sous l’angle du droit des aides d’État, toutes les méthodes qui permettent une évaluation fiable de la valeur commerciale doivent être considérées comme étant valables. Or, la Commission aurait méconnu ce principe en refusant de tenir compte d’expertises présentées ex ante et en se référant aux offres présentées par le consortium et par la requérante lors de la procédure d’adjudication de BB. Ces offres, qui auraient été largement influencées par les conditions fixées par le Land Burgenland dans la lettre de procédure en rapport notamment avec l’Ausfallhaftung, ne constitueraient pas des données fiables en vue de la détermination de la valeur de marché de BB. L’offre présentée par le consortium contiendrait notamment une « prime de risque » importante destinée à compenser le maintien de l’Ausfallhaftung du Land pour les dettes anciennes ainsi que le caractère incertain de l’autorisation de la FMA.

72      La requérante souligne que le raisonnement exposé dans la décision attaquée est contradictoire, puisque, tout en concluant au caractère irrégulier de la procédure d’adjudication suivie en vue de privatiser BB, la Commission se réfère aux résultats de cette même procédure aux fins de l’évaluation du prix du marché de BB. La Commission ne se serait pas interrogée sur le point de savoir si les conditions d’adjudication visées en l’espèce ont pu aboutir à une augmentation artificielle du montant de l’offre présentée par le consortium. De l’avis de la requérante, une procédure d’adjudication constituerait un instrument peu fiable d’évaluation des biens patrimoniaux lorsqu’elle est viciée par des conditions réprouvées par le droit des aides d’État.

73      La requérante en conclut que la Commission n’était pas en droit de considérer le résultat de ladite procédure comme l’un, voire l’unique, indicateur de la valeur du marché de BB, mais aurait dû, compte tenu de son obligation d’examen impartial des faits qui lui sont soumis, se référer aux nombreux autres éléments dont elle disposait tels que l’évaluation indépendante par HSBC, la propre estimation du consortium ainsi que la valeur réelle des actions de BB déterminée par le prix du dédommagement payé par le Land Burgenland aux actionnaires du flottant (voir considérant 68 de la décision attaquée).

74      La Commission conteste l’ensemble des allégations de la requérante.

–       Appréciation du Tribunal

75      La requérante concède que la vente d’un bien ou d’une entreprise à une valeur inférieure à sa valeur du marché revient à avantager économiquement l’acquéreur, et ce en violation des dispositions de l’article 87, paragraphe 1, CE. Elle fait toutefois grief à la Commission de s’être exclusivement fondée sur le résultat de la procédure d’adjudication lancée en vue de la privatisation de BB, alors que, premièrement, il existait de nombreux autres éléments et expertises qui permettaient d’évaluer ce prix du marché et, deuxièmement, la procédure d’adjudication était faussée du fait notamment de l’exigence d’un évitement du recours à l’Ausfallhaftung.

76      S’agissant du point de savoir si la Commission était en droit de se référer aux offres présentées dans le cadre de la procédure d’adjudication menée en vue de la vente de BB, il doit être rappelé que le prix du marché d’une entreprise, qui est généralement fonction du jeu de l’offre et de la demande, correspond au prix le plus élevé qu’un investisseur privé agissant dans des conditions normales de concurrence serait prêt à payer pour cette société dans la situation où elle se trouve (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 29 avril 2004, Allemagne/Commission, C‑277/00, Rec. p. I‑3925, point 80, ainsi que la jurisprudence citée au point 46 ci-dessus).

77      Lorsqu’une autorité publique envisage de vendre une entreprise lui appartenant et qu’elle a recours, pour ce faire, à une procédure d’appel d’offres ouverte, transparente et inconditionnelle, il peut être donc présumé que le prix du marché correspond à l’offre la plus élevée, étant entendu qu’il doit être établi, premièrement, que cette offre a valeur d’engagement et qu’elle est crédible et, deuxièmement, que la prise en compte de facteurs économiques autres que le prix n’est pas justifiée, tels que les risques hors bilan existant entre les offres. Dès lors, la Commission ne commet pas d’erreur manifeste d’appréciation en concluant que l’élément d’aide peut être évalué à partir du prix du marché, qui est lui-même, en principe, fonction des offres concrètement présentées dans le cadre d’un appel d’offres.

78      Dans de telles conditions, il ne saurait être fait grief à la Commission de ne pas avoir tenu compte des expertises indépendantes, mentionnées au considérant 68 de la décision attaquée, qui corroboreraient l’idée défendue par la requérante selon laquelle le prix proposé par GRAWE pour le rachat de BB serait conforme au prix du marché.

79      En effet, le recours à de telles expertises en vue de la détermination du prix du marché de BB n’aurait de sens que dans l’hypothèse où aucune procédure d’appel d’offres en vue de la vente de celle-ci n’aurait été suivie ou, éventuellement, dans l’hypothèse où il aurait été conclu que la procédure d’appel d’offres mise en place n’aurait pas été ouverte, transparente et inconditionnelle. À cet égard, il est incontestable que les offres valablement et effectivement soumises dans le cadre de la procédure d’appels d’offres lancée en vue de la privatisation d’une entreprise donnée constituent, en principe, une meilleure valeur approximative du prix du marché de ladite entité que des expertises indépendantes. En effet, de telles expertises, indépendamment de la méthode et des paramètres choisis pour leur élaboration, reposent sur un examen prospectif et aboutissent, dès lors, à une évaluation du prix du marché de l’entreprise en cause d’une valeur moindre que celle qui découle d’offres concrètement et valablement soumises dans le cadre d’un appel d’offres régulièrement mis en place.

80      Pour les mêmes raisons, il ne saurait être reproché à la Commission d’avoir failli à son devoir d’examen impartial et diligent des mesures dont elle a à connaître. Ainsi qu’il ressort clairement des considérants 112 et 113 de la décision attaquée, la Commission est partie du constat, que, en présence d’offres d’achat contraignantes de BB, les expertises indépendantes, quels que soient leur auteur, leur date d’élaboration ou la méthode d’analyse choisie, étaient, en tant que telles, dénuées de pertinence pour déterminer si le prix payé par GRAWE pour la reprise de BB correspondait au prix du marché.

81      Quant à l’argumentation selon laquelle la Commission ne pouvait pas se fonder sur les résultats d’une procédure d’adjudication qu’elle a elle-même jugée irrégulière, il suffit de rappeler que, alors que, au stade de l’ouverture de la procédure formelle d’examen, elle avait émis des doutes sur la régularité de l’appel d’offres, en particulier sous l’angle du respect de l’égalité de traitement entre soumissionnaires (voir, à cet égard, considérant 42 de la décision attaquée), la Commission est finalement parvenue à la conclusion que les carences entachant les conditions de l’appel d’offres n’avaient pas influé sur le montant des offres concrètement soumises et que, partant, l’offre nominale la plus élevée constituait une bonne valeur approximative du prix du marché (voir considérant 143 de la décision attaquée).

82      Il résulte de l’ensemble de ces considérations que c’est à tort que la requérante soutient que la Commission a méconnu le cadre juridique applicable aux privatisations.

 Sur la prise en compte de la probabilité d’une autorisation de la FMA dans l’application du critère du vendeur privé

–       Argumentation des parties

83      La requérante reproche à la Commission de ne pas avoir suffisamment tenu compte, lors de l’application du principe du vendeur privé, de l’issue incertaine de la procédure d’autorisation devant la FMA en cas de cession de BB au consortium. Elle avance que, ainsi que cela résulterait des constatations de la Commission (voir considérants 125 et suivants de la décision attaquée), il régnait une grande incertitude quant à la question de savoir si cette autorité autoriserait cette cession. En réalité, la situation aurait été telle que, dans un premier temps, la FMA aurait, compte tenu du délai requis pour effectuer le test d’aptitude et d’honorabilité d’un acquéreur originaire d’un pays n’ayant pas encore conclu un accord d’assistance mutuelle avec les autorités de surveillance des marchés financiers de l’Union, refusé l’acquisition de BB par le consortium. Par la suite, ainsi que la Commission le mentionne au considérant 127 de la décision attaquée, l’issue de la procédure d’autorisation aurait été, dans le meilleur des cas, pleinement ouverte. Les chances que le consortium soit autorisé par la FMA à reprendre BB aurait été, tout au plus, de 50 %. Quant à la décision finale d’autorisation, faute de procédure de coopération entre l’Autriche et l’Ukraine, elle aurait duré au moins 12 mois. Confronté à une telle situation, un vendeur privé en économie de marché, qui cherche à minorer les risques, aurait, de tout évidence, considéré que l’offre de GRAWE était plus avantageuse que celle du consortium. En l’espèce, si l’on multiplie la valeur nominale des offres par le pourcentage de probabilité d’obtention de l’autorisation de la FMA, l’offre présentée par la requérante serait meilleure que celle du consortium.

84      Dans la réplique, la requérante souligne que, en vertu des règles régissant la charge de la preuve dans les procédures d’examen des mesures d’aides, il appartenait à la Commission d’apporter des éléments concrets, et non de faire de simples suppositions, en vue d’apprécier les chances d’obtenir de la FMA une autorisation d’acquisition par le consortium de BB, et ce d’autant plus que la décision attaquée porte atteinte à son droit de propriété. Par ailleurs, rappelant que le Land Burgenland était amené à prendre une décision dans une situation d’incertitude, la requérante fait valoir que la Commission a, au mépris de l’article 295 CE, exigé en l’espèce du Land une prise de risque non conforme au critère de l’investisseur privé en économie de marché.

85      La Commission conteste l’ensemble des griefs soulevés par la requérante.

–       Appréciation du Tribunal

86      Ainsi qu’il ressort des considérations exposées au point 77 ci-dessus, dès lors qu’une procédure d’appel d’offres ouverte, transparente et inconditionnelle est lancée en vue de la privatisation d’un bien ou d’une entité, il peut être présumé que le prix du marché correspond à l’offre la plus élevée et que, dans la perspective de l’opérateur privé en économie de marché, c’est au soumissionnaire correspondant que doit être cédé le bien en cause. Encore faut-il, premièrement, que la cession au plus offrant soit réalisable et, deuxièmement, que la prise en considération d’autres facteurs que le prix ne soit pas justifiée.

87      Ces dernières réserves sont précisément évoquées par la Commission aux considérants 120 à 122 de la décision attaquée dans les termes suivants :

« (120) Le Land de Burgenland avait reçu une offre du consortium dont la valeur nominale dépassait de 54,7 millions EUR l’offre de GRAWE. Un opérateur économique opérant selon les principes de l’économie de marché peut néanmoins choisir l’offre la plus basse :

a)       premièrement, s’il est clair que la cession au plus offrant n’est pas réalisable, et

b)       deuxièmement, si la prise en considération d’autres facteurs que le prix est justifiée. Le fait que l’offre retenue n’ait pas été celle du mieux-disant sur le prix facial proposé n’est pas en soi une preuve irréfutable d’aide, la notion de mieux-disant pouvant être interprétée plus largement, compte tenu des différences de risques hors bilan entre les offres.

(121) Concernant le premier aspect, il s’agit pour l’essentiel de savoir si le Land de Burgenland aurait pu se fier au fait qu’il obtiendrait effectivement le paiement du prix de vente (cet aspect est de manière générale appelé ‘sécurité de la transaction’ – premier élément), et s’il pouvait en déduire que le consortium obtiendrait l’autorisation nécessaire de la part de l’autorité de surveillance des marchés financiers (ou de toute autre autorité participant au processus) (deuxième élément).

(122) Pour le deuxième aspect, il s’agit de savoir s’il existe d’autres facteurs tels que des garanties ou des risques hors bilan, dont le Land de Burgenland peut tenir compte en tant que vendeur public et qui compenseraient la différence de prix par rapport à l’offre la plus élevée. »

88      Force est de constater que la requérante ne conteste pas les principes dégagés par la Commission à cet égard, mais l’application qui en a été faite dans le cas d’espèce. Il importe également de souligner qu’il n’est pas contesté en l’occurrence que la Commission a clairement reconnu, au considérant 125 de la décision attaquée, le fait qu’un vendeur en économie de marché n’aurait pas opté pour un acheteur, qui, selon toute probabilité, n’aurait pas reçu les autorisations requises auprès des autorités compétentes.

89      Le présent grief se rapporte tout particulièrement au second élément du premier aspect évoqué au considérant 121 de la décision attaquée, qui vise la procédure d’autorisation devant la FMA. La requérante soutient en effet que l’issue incertaine et la longueur de la procédure d’autorisation dans le cas où BB aurait été vendue au consortium ont justifié que BB soit, en définitive, cédée à GRAWE.

90      Il revient donc au Tribunal de déterminer si la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en concluant que les éléments avancés lors de la procédure administrative – en vue de démontrer, premièrement, que l’autorisation par la FMA de la cession de BB au consortium était grevée d’incertitude et, deuxièmement, que la procédure d’autorisation devant la FMA dans le cas d’une cession de BB au consortium serait plus longue – ne justifiaient pas, eu égard au critère de l’opérateur privé en économie de marché, qu’il ait été décidé de céder BB à GRAWE.

91      S’agissant, en premier lieu, de la teneur proprement dite de la procédure d’autorisation, il ressort des éléments du dossier que, en vertu de l’article 20, paragraphe 3, de la Bankwesengesetz (BWG, loi fédérale sur le système bancaire), applicable à l’époque des faits, l’acquisition d’une participation qualifiée dans un établissement de crédit autrichien est soumise à déclaration et à autorisation.

92      L’examen de l’acquisition d’une participation qualifiée s’effectue selon un test d’aptitude et d’honorabilité (« Fit & Proper ») qui est défini à l’article 5, paragraphe 1, de la BWG. Ainsi qu’il ressort notamment des considérants 125 et 126 de la décision attaquée, non contestés par les parties, la FMA ne peut, au titre de l’article 20 de la BWG, soumettre le repreneur d’une banque à des critères de qualification et d’expérience que lorsque les parties à la négociation ont conclu un accord de vente contraignant. Il en résulte qu’une évaluation concomitante de plusieurs repreneurs potentiels ne peut, en pratique, être effectuée par la FMA. Cette dernière autorité a en outre confirmé à la Commission qu’elle n’entamait l’examen de l’acquisition d’une participation qualifiée que s’il existait une intention concrète et ouvertement manifestée d’acquisition et de vente chez les deux parties à la transaction. En l’espèce, le Land Burgenland devait donc définitivement opter pour une des offres d’achat de BB avant que la procédure d’autorisation de la reprise puisse être entamée devant la FMA. En outre, selon les informations fournies par les autorités autrichiennes elles-mêmes, la FMA est, en tant qu’autorité administrative indépendante, soumise à des obligations de confidentialité et d’impartialité. Elle ne peut donc formuler a priori des pronostics sur l’issue d’une procédure d’autorisation engagée.

93      Par ailleurs, les parties s’accordent sur le fait que la FMA peut interdire l’acquisition dans un délai de trois mois après la déclaration, à défaut de quoi l’acquisition est réputée autorisée. Si la FMA estime qu’elle a besoin, pour son examen, de plus de temps que les trois mois qui lui sont impartis, elle doit d’abord interdire l’acquisition avant l’écoulement du délai de trois mois. Cette dernière interdiction ne préjuge toutefois pas de la décision définitive de la FMA sur l’acquisition de la participation qualifiée.

94      S’agissant, en second lieu, des arguments spécifiquement avancés par la requérante, ils sont tirés, pour l’essentiel, du fait que la procédure d’autorisation devant la FMA dans le cas d’une vente au consortium, d’une part, serait d’une durée d’au moins douze mois et, d’autre part, serait d’une issue fortement incertaine (la probabilité que le consortium soit autorisé à reprendre BB aurait été inférieure ou égale à 50 %), raisons qui pouvaient à elles seules justifier que le Land Burgenland décide finalement de céder BB à GRAWE.

95      En ce qui concerne l’issue de la procédure d’autorisation devant la FMA, force est de constater que la requérante s’est limitée à indiquer qu’ « il régnait une grande incertitude quant à la question de savoir si la FMA autoriserait un transfert de la participation de BB au consortium ». La requérante est notamment restée en défaut d’établir comment elle est parvenue à la conclusion qu’il existait une probabilité de 50 % que la vente de BB au consortium ne soit pas réalisée (et a contrario de 50 % qu’elle le soit). Par ailleurs, ainsi que la Commission l’a mentionné au considérant 127 de la décision attaquée, en indiquant, de manière informelle, que l’issue de la procédure d’autorisation était ouverte, la FMA n’a pas préjugé du caractère négatif ou non de cette issue. Aussi la Commission ne s’est-elle pas méprise sur le sens des informations fournies par les autorités autrichiennes.

96      Quant à la durée probable de la procédure d’autorisation, il y a lieu de constater que la Commission s’est ralliée à l’évaluation des autorités autrichiennes, selon laquelle, en cas d’acquisition de BB par le consortium, il fallait s’attendre à une procédure d’autorisation d’une durée pouvant aller jusqu’à un an (même si une durée de six mois lui semblait plus probable), alors que, en cas de reprise de BB par GRAWE, cette durée aurait été de trois mois (voir considérant 130 de la décision attaquée).

97      À cet égard, il ressort de l’exposé des faits que les démarches accomplies par le Land Burgenland en vue d’une vente de BB dataient de 2003 et que, dans un tel contexte, le Land Burgenland ne voulait pas perdre une occasion supplémentaire de céder BB. Aussi ne peut-il être exclu que, eu égard aux doutes qu’il éprouvait quant à l’issue de la procédure d’autorisation devant la FMA, le Land Burgenland ait préféré céder BB à GRAWE, dont l’offre était d’une durée limitée. Cependant, encore fallait-il que la requérante apporte des éléments concrets en vue de démontrer que la longueur de la procédure devant la FMA en cas de cession de BB au consortium aurait compromis les possibilités de privatisation, ce qu’elle a omis de faire.

98      Enfin, s’agissant de l’argumentation selon laquelle la Commission aurait méconnu la charge de la preuve lui incombant en omettant d’apporter des éléments concrets en rapport avec la procédure d’autorisation devant la FMA, elle ne saurait davantage être retenue. Certes, la Commission a l’obligation d’établir que sont réunies les conditions requises par l’article 87, paragraphe 1, CE, parmi lesquelles figure l’existence d’un avantage économique, pour pouvoir qualifier une mesure donnée d’aide d’État et, pour ce faire, elle est notamment tenue, dans l’intérêt d’une bonne administration des règles fondamentales du traité CE relatives aux aides d’État, de conduire la procédure d’examen des mesures incriminées de manière diligente et impartiale, afin qu’elle dispose, lors de l’adoption de la décision finale, des éléments les plus complets et fiables possible (voir, en ce sens, arrêt Commission/Sytraval et Brink’s France, point 68 supra, point 62).

99      Cependant, en l’espèce, dès lors qu’il pouvait être légitimement présumé que le refus de céder BB au plus offrant, à savoir le consortium, dans le cadre de la procédure d’adjudication menée par les autorités autrichiennes était constitutif d’une aide, il incombait à ces dernières d’établir que l’issue incertaine et la plus longue durée de la procédure d’autorisation justifiaient qu’elles renoncent, ainsi que l’aurait fait tout vendeur privé en économie de marché, à une somme de près de 55 millions d’euros (soit plus de 50 % de l’offre proposée par GRAWE). En d’autres termes, sans qu’il puisse être nié que les autorités autrichiennes étaient amenées à prendre une décision de nature prévisionnelle, il convenait d’apporter des éléments convaincants en vue d’établir que le bilan coûts/avantages, que tout opérateur économique est amené à opérer, faisait clairement pencher la balance au profit de l’offre de GRAWE.

100    Au demeurant, il ne saurait être fait grief à la Commission d’avoir omis, en violation de son devoir d’examen diligent et impartial des faits, d’examiner des éléments essentiels dans la détermination de l’issue probable d’une procédure d’autorisation devant la FMA dans la perspective d’une cession de BB au consortium. La Commission s’est penchée sur la problématique de l’autorisation de la privatisation de la FMA de manière suffisamment approfondie, ainsi qu’en témoignent les considérants 125 à 133 de la décision attaquée. En particulier, contrairement à ce que laisse supposer la requérante, la Commission a admis que la procédure d’autorisation devant la FMA serait probablement plus longue pour le consortium que pour GRAWE (voir début du considérant 130 de la décision attaquée). Elle a, en revanche, considéré non seulement que cette durée ne préjugeait pas de l’issue de la procédure d’autorisation en cas de cession de BB au consortium, mais ainsi qu’elle ne devait pas être considérée comme décisive sous l’angle de l’application du principe du vendeur privé en économie de marché.

101    Partant, il y a lieu de conclure que c’est sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation que la Commission a conclu que ni l’issue incertaine ni la durée probablement plus longue de la procédure devant la FMA – dans le cas où il aurait été décidé de céder BB au consortium – n’a justifié que le consortium soit exclu en tant qu’acquéreur.

102    Compte tenu de ces considérations, il y a lieu de rejeter l’ensemble des griefs se rapportant à la procédure d’autorisation devant la FMA comme non fondés.

 Sur les doutes portant sur la sécurité de la transaction

–       Argumentation des parties

103    La requérante soutient que la Commission n’a pas suffisamment examiné s’il existait des doutes quant à la capacité financière du consortium à s’acquitter du prix proposé pour le rachat de BB, et ce indépendamment de la question de savoir si les autorités autrichiennes ont avancé des éléments déterminants dans ce contexte. En l’occurrence, il aurait existé des éléments concrets qui compromettaient la sécurité de la transaction en cas de vente de BB au consortium. En particulier, les propriétaires économiques du consortium seraient des personnes « politiquement exposées » au sens de la directive 2005/60/CE du Parlement européen et du Conseil, du 26 octobre 2005, relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment des capitaux et du financement du terrorisme (JO L 309, p. 15). Par ailleurs et surtout, l’indication figurant au point 2.3 du contrat d’achat négocié entre le Land Burgenland et le consortium, selon laquelle SLAV Finanzbeteiligung aurait disposé d’un capital social libéré supérieur à 140 millions d’euros, en vue de l’achat du consortium, serait inexacte, ainsi que cela résulterait de l’extrait du registre du commerce de cette société qui fait mention d’un capital social n’ayant jamais excédé 50 000 euros. Par conséquent, le consortium n’aurait pas respecté un engagement essentiel au moment de la présentation de son offre d’achat.

104    Dans la réplique, la requérante souligne que, dans le cadre des affaires relevant du droit des aides d’État, la Commission est tenue de procéder à un examen diligent et impartial des faits, ce qui implique qu’elle ne saurait, au risque de méconnaître les exigences d’un procès équitable à l’égard notamment du bénéficiaire présumé des mesures litigieuses, se limiter à examiner l’argumentation développée par l’État membre concerné.

105    En tout état de cause, la solvabilité du consortium aurait été largement remise en cause par des éléments existant à la date de l’adoption de la décision attaquée, parmi lesquels figure le contrat d’achat négocié par le consortium, qui aurait dû être soigneusement examiné à la lumière du registre des sociétés autrichien. Ce serait, en outre, à tort que la Commission affirme que la vérification du respect de l’engagement du consortium concernant le capital social de SLAV Finanzbeteiligung ne devait être effectuée qu’au moment de la vente, puisque, conformément au point 6 du contrat d’achat, les engagements doivent être respectés à compter du jour de la signature. Dans ce contexte, la puissance financière des membres actionnaires du consortium, à la supposer avérée, quod non, ne jouerait qu’un rôle secondaire. Eu égard aux doutes portant sur la solvabilité du consortium, la Commission était d’autant plus tenue d’approfondir son examen.

106    La Commission conteste le bien-fondé de cette argumentation.

–       Appréciation du Tribunal

107    La requérante conteste, en substance, la conclusion reprise au considérant 124 de la décision attaquée en rapport avec la sécurité de la transaction, c’est-à-dire la capacité du consortium à s’acquitter du prix d’achat proposé pour acquérir BB.

108    Or, ainsi que la requérante l’a, dans un premier temps, reconnu, il apparaît que les autorités autrichiennes n’ont pas apporté au cours de la procédure formelle d’examen d’éléments en vue de démontrer que le consortium n’était pas en mesure de s’acquitter du prix d’achat de 155 millions d’euros qu’il avait proposé en vue du rachat de BB.

109    À cet égard, il suffit de rappeler qu’il est de jurisprudence constante que la légalité d’une décision en matière d’aides d’État doit être appréciée en fonction des éléments d’information dont la Commission pouvait disposer au moment où elle a été arrêtée (voir la jurisprudence citée au point 49 ci-dessus).

110    Aussi les indices de non-solvabilité du consortium avancés a posteriori par la requérante ne sauraient-ils être retenus pour infirmer la conclusion de la Commission selon laquelle elle n’avait aucune raison de douter du fait que le prix d’achat de 155 millions d’euros pouvait être financé.

111    La question se pose néanmoins de savoir si la Commission a omis, en violation de son obligation d’examen impartial et diligent, de tenir compte d’éléments contemporains à la transaction litigieuse qui ont été portés à sa connaissance au cours de la procédure précontentieuse.

112    Sur ce point, il importe de préciser que l’examen de la Commission est tributaire des éléments avancés par les parties à la procédure formelle d’examen, procédure qui repose essentiellement sur un échange d’informations apportées, à titre principal, par l’État membre concerné et, éventuellement, par le bénéficiaire de l’aide, qui sont tous deux tenus, en vertu de la jurisprudence, de faire preuve de « diligence » quant à la communication de tout élément pertinent (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 11 septembre 2003, Belgique/Commission, C‑197/99 P, Rec. p. I‑8461, points 86 à 88, et la jurisprudence citée).

113    Cette considération est d’autant plus valable en l’espèce que ce sont les autorités autrichiennes, en particulier le Land Burgenland, en sa qualité de vendeur de BB et d’autorité adjudicatrice, qui étaient indubitablement les mieux placées pour démontrer que les engagements financiers auxquels le consortium avait souscrit ne pouvaient pas être honorés et que, partant, une vente de BB audit consortium n’était pas réalisable.

114    La circonstance, évoquée par la requérante, selon laquelle les autorités autrichiennes n’ont certainement pas jugé nécessaire de mettre en cause la solvabilité du consortium, car une cession de BB à ce dernier était, en tout état de cause, exclue, ne plaide pas davantage en faveur de la requérante.

115    Enfin, c’est à tort que la requérante avance qu’il serait contraire à son droit d’être entendue de l’empêcher d’avancer, dans le cadre de la présente procédure, des éléments en vue de mettre en cause la solvabilité et la solidité du consortium. Contrairement à ce que la requérante suggère, elle était en mesure, en sa qualité de partie intéressée, de s’exprimer au cours de la procédure formelle d’examen et a, d’ailleurs, fait usage de ce droit, notamment, en transmettant à plusieurs reprises des informations à la Commission et en participant à une rencontre avec la Commission le 8 janvier 2008 (voir exposé repris au considérant 7 de la décision attaquée).

116    Il ressort de tout ce qui précède que les griefs de la requérante portant sur la solvabilité du consortium doivent être rejetés.

 Sur le droit pour le Land Burgenland de tenir compte de l’Ausfallhaftung dans sa décision de céder BB à GRAWE

–       Argumentation des parties

117    La requérante considère que la Commission a appliqué de manière erronée le critère du vendeur privé en concluant que le Land Burgenland n’était pas en droit de tenir compte du risque de recours à l’Ausfallhaftung en cas de cession de BB au consortium. Contrairement à l’interprétation défendue par la Commission, en tenant compte du maintien de l’Ausfallhaftung, le Land Burgenland n’aurait nullement poursuivi des objectifs de politique économique ou sociale – comme ce fut le cas dans l’affaire ayant donné lieu à la décision 2008/717/CE de la Commission, du 27 février 2008, concernant l’aide d’État C 46/07 (ex NN 59/07) mise à exécution par la Roumanie en faveur de l’entreprise automobile Craiova (anciennement Daewo România) (JO L 239, p. 12) –, mais un objectif purement financier et commercial, et ce de la même manière qu’un opérateur privé qui, s’étant porté garant pour une de ses filiales, exige de l’acheteur d’être libéré de cette caution au moment de la vente de ladite entreprise. Dans une telle hypothèse, il n’y aurait pas confusion entre le rôle de l’État en tant qu’autorité publique et son rôle en tant que vendeur d’une entreprise.

118    Par ailleurs, de l’avis de la requérante, la position de la Commission serait en contradiction avec la prise en compte de cette même garantie d’État à divers endroits de la décision attaquée (voir notamment considérants 170 et 171 de la décision attaquée). En effet, la Commission ne pourrait pas, d’une part, considérer que l’Ausfallhaftung ne pouvait être prise en compte dans la décision de privatiser BB tout en exigeant, d’autre part, que le calcul de la valeur du marché de BB intègre des facteurs qui résultent exclusivement de l’Ausfallhaftung.

119    En outre, la conception défendue par la Commission aux considérants 134 et suivants de la décision attaquée reposerait sur une prémisse erronée, à savoir que l’Ausfallhaftung constitue une aide d’État au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE et serait entachée d’un défaut de motivation. Dans ce cadre, la requérante soutient qu’aucune conclusion quant à la qualification d’aide d’État de cette garantie ne saurait être déduite de la décision C (2003) 1329 final, qui, selon elle, résulte d’un accord politique entre la République d’Autriche et la Commission. L’Ausfallhaftung devrait être assimilée à une garantie personnelle et illimitée dont l’usage est tout à fait courant lorsque l’État participe à la vie économique. En outre, la Commission méconnaîtrait le fait que la mesure ayant fait l’objet de la décision C (2003) 1329 a été, depuis lors, considérablement modifiée, en ce sens que ses effets dans le temps ont été limités à deux reprises. Enfin, l’Ausfallhaftung, qui a été exclusivement maintenue pour les dettes anciennes, ne conférerait aucun avantage pour les nouveaux créanciers de BB à la date de la cession à GRAWE et, par conséquent, ne pourrait pas (ou plus) être qualifiée d’aide d’État (voir affaire C 14/08 (ex NN 1/08) – Aide à la restructuration en faveur de Northern Rock, ainsi que l’affaire ayant donné lieu à la décision 2008/214/CE de la Commission, du 18 juillet 2007, concernant l’aide d’État C 27/2004 mise à exécution par la République tchèque en faveur des sociétés GE Capital Bank a.s. et GE Capital International Holdings Corporation, USA (JO 2008, L 67, p. 3). Cette garantie aurait donc pu être prise en considération par le Land Burgenland dans le cadre du processus de privatisation de BB.

120    Dans la réplique, la requérante soutient que, dès lors qu’elle n’était pas en droit de former un recours contre la décision C (2003) 1329, la Commission ne saurait prétendre qu’elle est dans l’impossibilité de remettre en cause la régularité de ladite décision en l’espèce.

121    La Commission conteste les arguments de la requérante.

–       Appréciation du Tribunal

122    La Commission a décrit, dans la décision attaquée (voir, en particulier, note en bas de page n° 9 sous le considérant 21), l’Ausfallhaftung comme un régime de garantie légale, qui comporte l’obligation pour les autorités étatiques, notamment régionales, d’intervenir en cas d’insolvabilité ou de liquidation de l’établissement de crédit en cause. Conformément à cette garantie, les créanciers des établissements de crédit peuvent exercer un droit direct à l’égard de l’autorité publique garante dans l’hypothèse où l’établissement de crédit se trouverait dans une situation de liquidation ou d’insolvabilité et que les actifs dudit établissement ne suffiraient pas à leur donner satisfaction. Cette description de l’Ausfallhaftung n’a pas été formellement contestée par la requérante.

123    Il ressort de la proposition de la Commission de mesures utiles portant sur l’Ausfallhaftung que la République d’Autriche s’était engagée à supprimer cette garantie au terme d’une période transitoire. Concrètement et ainsi qu’il ressort du point 4 ci-dessus, les obligations existant à la date du 2 avril 2003 sont couvertes par l’Ausfallhaftung jusqu’à leur date d’échéance. Au cours de la période transitoire, qui courait jusqu’au 1er avril 2007, à moins que les établissements financiers visés ne soient privatisés à une date antérieure, l’Ausfallhaftung est maintenue pour les nouvelles obligations dont la date d’échéance survient avant le 30 septembre 2017.

124    Il en résulte que, quand bien même BB serait privatisée, le Land Burgenland devrait continuer à se porter garant de celle-ci à l’égard, d’une part, des obligations souscrites avant le 2 avril 2003 (et quelle que soit la date d’échéance de ces obligations) et, d’autre part, des obligations contractées au cours de la période transitoire (qui expire à la date de la privatisation) dont l’échéance survient avant le 30 septembre 2017.

125    C’est dans cette perspective que la requérante soutient que la Commission devait nécessairement tenir compte, dans son évaluation des offres d’achat, de l’Ausfallhaftung, qui, au moment de la vente, couvrait près de 3,1 milliards d’euros du passif de BB. Le Land Burgenland pouvant être amené à se porter garant des pertes que BB viendrait à subir même après sa privatisation, il aurait été en droit de s’assurer que ledit repreneur présentait des gages de sérieux et de solvabilité suffisants, allant au-delà de sa simple capacité à s’acquitter du prix d’achat, en vue de contrecarrer tout risque de liquidation ou de redressement de BB. En définitive, les autorités autrichiennes ont prétendu que la cession de la banque à GRAWE à un prix nettement inférieur à celui proposé par le consortium était totalement justifiée par un risque moindre de devoir s’acquitter de l’obligation de garantie en vertu de l’Ausfallhaftung.

126    Or, de l’avis de la Commission, l’Ausfallhaftung, qui avait précédemment été qualifiée d’aide existante, ne pouvait pas être prise en compte lorsqu’il s’agit, comme en l’espèce, d’examiner une transaction donnée à l’aune du principe de l’opérateur privé en économie de marché. La raison avancée réside dans le fait que, par définition, cette garantie, qui a été qualifiée d’aide, n’est pas de celles qu’un vendeur privé serait amené à octroyer. La Commission a donc rejeté, dans la décision attaquée, la prise en compte de l’Ausfallhaftung dans les termes suivants :

« (135) La Commission estime que le Land de Burgenland ne devrait pas tenir compte de l’Ausfallhaftung. Si celle-ci était prise en compte, comme indiqué dans la décision d’ouverture, le rôle du Burgenland en tant que donateur d’aides d’État et celui en tant que vendeur de la banque seraient confondus.

[…]

(137) […] Le point de vue de l’Autriche n’est étayé par aucun précédent selon lequel un investisseur opérant dans une économie de marché aurait tenu compte d’une garantie considérée comme une aide d’État : par hypothèse, aucun investisseur opérant dans une économie de marché n’aurait accepté une garantie qui n’aurait pas respecté le principe de l’investisseur opérant dans une économie de marché, et la décision sur la suppression de l’Ausfallhaftung confirme que l’Ausfallhaftung ne fait pas partie des conditions du marché. La Cour de justice a jugé que les garanties classées comme des aides illégales ne doivent pas être prises en considération dans le calcul du coût de la liquidation à prévoir. Cela ne signifie toutefois pas inversement qu’une aide existante puisse être prise en considération. La Commission estime que le fait qu’il s’agisse d’une aide illégale ou existante n’est pas pertinent. Tant que la mesure est à classer parmi les aides d’État, aucun vendeur opérant dans une économie de marché n’y aurait droit et ne tiendrait donc compte de cette mesure. »

127    Cette prise de position de la Commission doit être approuvée.

128    En effet, il ressort de la jurisprudence qu’il convient, dans l’application du critère de l’investisseur privé, d’opérer une distinction entre les obligations que l’État doit assumer en tant que propriétaire actionnaire d’une société et les obligations qui peuvent lui incomber en tant que puissance publique (arrêt de la Cour du 14 septembre 1994, Espagne/Commission, C‑278/92 à C‑280/92, Rec. p. I‑4103, point 22).

129    C’est ainsi que, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 28 janvier 2003, Allemagne/Commission (C‑334/99, Rec. p. I‑1139, points 133 à 141), la Cour a exclu que divers prêts et garanties, qu’un investisseur privé n’aurait jamais accordés aux mêmes conditions et qui devaient être qualifiés d’aides d’État illégales, puissent être pris en considération dans le cadre de l’examen de la question de savoir si la liquidation de Gröditzer Stahlwerke était plus onéreuse que sa privatisation à un prix négatif.

130    Le fait que cette affaire concernait une aide d’État illégale et non une aide existante, comme c’est le cas en l’espèce, n’est pas pertinent. En effet, ce qui est déterminant dans le cadre de l’application du critère de l’opérateur privé, c’est de savoir si les mesures en cause sont de celles qu’un opérateur privé en économie de marché, qui escompte réaliser, à plus ou moins long terme, des bénéfices, aurait pu octroyer. Aussi, indépendamment de la qualification des engagements litigieux qui aurait pu être retenue, la question fondamentale qui se pose est celle de savoir si lesdits engagements sont de ceux qui auraient pu être souscrits par un opérateur privé en économie de marché.

131    Or, compte tenu des caractéristiques décrites ci-dessus du régime mis en place par l’Ausfallhaftung, cette dernière n’a pas été souscrite aux conditions normales du marché et ne peut, dès lors, être prise en compte dans l’appréciation du comportement desdites autorités à l’aune du critère de l’investisseur privé en économie de marché.

132    Enfin, s’agissant de l’affirmation selon laquelle la position défendue serait entachée d’un défaut de motivation, il est fait observer, à l’instar de ce qui a été relevé aux points 68 et 69 ci-dessus, que les arguments formulés par la requérante concernent, en réalité, de prétendues erreurs d’appréciation commises par la Commission au regard de la problématique de l’influence de l’Ausfallhaftung sur la décision de vente de BB. En effet, ainsi qu’il ressort de ses considérants 134 à 143, la décision attaquée contient une motivation suffisante, sous l’angle de l’article 253 CE, en ce qui concerne tous les aspects liés à la non-prise en compte de l’Ausfallhaftung dans l’examen de la mesure litigieuse sous l’angle du droit des aides d’État.

133    Eu égard à l’ensemble de ces considérations, il ne saurait être reproché à la Commission d’avoir écarté la prise en compte de l’Ausfallhaftung dans le cadre des évaluations des offres présentées respectivement par le consortium et par GRAWE en vue de la reprise de BB.

 Sur les conséquences de la prise en compte de l’Ausfallhaftung

134    La requérante conteste l’appréciation subsidiaire de la Commission selon laquelle, même s’il était tenu compte de l’Ausfallhaftung, l’offre présentée par GRAWE ne pouvait être considérée comme étant la meilleure. Le raisonnement suivi par la Commission à cet égard serait erroné et entaché d’un défaut de motivation. En effet, de l’avis de la requérante, les créanciers pourraient ainsi se prévaloir de cette garantie pour intenter une action contre le Land Burgenland, sans que la liquidation de BB soit requise. Il en découlerait que l’intervention potentielle du Land Burgenland au titre de l’Ausfallhaftung ne concernerait pas seulement les 270 millions d’euros mentionnés au considérant 154 de la décision attaquée, mais viserait la totalité des dettes de la banque existant au moment de la clôture, à savoir environ 3,5 milliards d’euros.

135    À cet égard, le Tribunal rappelle que la Commission a, à titre surabondant, examiné les arguments de la requérante en liaison avec la prise en compte de l’Ausfallhaftung (voir considérants 144 à 157 de la décision attaquée). Au terme de cet examen, elle est parvenue à la conclusion que l’offre de GRAWE, quand bien même le point de vue de la République d’Autriche serait suivi et l’Ausfallhaftung prise en considération, ne constituait pas la meilleure offre.

136    Or, dès lors qu’il convient de confirmer l’argumentation principale exposée par la Commission, à savoir celle qui aboutit à conclure que l’Ausfallhaftung ne pouvait être prise en compte dans l’évaluation des offres d’achat de BB, il n’y a pas lieu d’examiner le bien-fondé des présents griefs, qui sont uniquement dirigés contre l’argumentation exposée à titre subsidiaire et qui, par définition, ne sont pas susceptibles de remettre en cause la solution retenue en définitive par la Commission. En effet, selon une jurisprudence bien établie, un motif erroné ne saurait justifier l’annulation de l’acte qui en est entaché s’il revêt un caractère surabondant et qu’il existe d’autres motifs qui suffisent à le fonder (voir arrêt de la Cour du 7 avril 2011, Grèce/Commission, C‑321/09 P, non publié au Recueil, point 61, et la jurisprudence citée).

137    Les griefs de la requérante dirigés contre l’évaluation des offres de rachat de BB à l’aune d’un éventuel déclenchement de l’Ausfallhaftung doivent, par conséquent, être déclarés inopérants.

 Sur la possibilité évoquée par la requérante d’une différence négative au niveau du prix

–       Argumentation des parties

138    La requérante fait grief à la Commission de ne pas avoir examiné si, après avoir procédé aux ajustements nécessaires, conformément aux considérants 167 à 174 de la décision attaquée, l’offre présentée par GRAWE était, in fine, économiquement plus avantageuse que celle présentée par le consortium. En constatant l’existence d’une aide alors qu’il n’était pas certain que la requérante ait été effectivement favorisée, la Commission aurait violé non seulement son obligation d’examen diligent et impartial des faits, mais également l’article 87, paragraphe 1, CE.

139    Selon la requérante, en tenant compte de plusieurs éléments, qui ont été expressément évoqués par les autorités autrichiennes dans une communication adressée à la Commission et datée du 8 juillet 2008, à savoir les pénalités de remboursement anticipé (considérant 168 de la décision attaquée), la garantie pour les biens fonciers, la provision de garantie (considérant 170 de la décision attaquée), les émissions privilégiées (considérant 171 de la décision attaquée) et les intérêts, le montant de l’aide prétendument octroyée à GRAWE serait en réalité négatif (– 48,1 millions d’euros). En d’autres termes, une cession de BB au consortium aurait constitué une aide en faveur de ce dernier, et ce malgré le caractère nominalement plus élevé de son offre. La requérante souligne que, s’il est vrai que la procédure devant le Tribunal ne se prête pas à une vérification détaillée de ces paramètres, force serait de constater que la Commission a commis de graves erreurs en concluant à l’existence d’une aide en faveur de GRAWE.

140    La Commission conteste cette argumentation.

–       Appréciation du Tribunal

141    Il convient de rappeler que l’article 1er, deuxième phrase, de la décision attaquée précise que l’aide correspond à la différence entre les deux offres de prix définitives présentées respectivement par le consortium et par GRAWE, montant qui doit être ensuite ajusté de manière appropriée conformément aux paramètres présentés aux considérants 167 à 174 de la décision attaquée. Ces ajustements, qui correspondent aux différences concrètement constatées dans les conditions reprises dans les projets de contrats négociés respectivement avec GRAWE et le consortium (voir considérant 167 de la décision attaquée), tiennent, premièrement, à la différence constatée dans la pénalité de remboursement anticipé (considérant 168 de la décision attaquée), deuxièmement, aux effets éventuels des accords de garantie (considérant 169 de la décision attaquée), troisièmement, à la provision annuelle de 100 000 euros devant être payée par le consortium jusqu’en 2017 (considérant 170 de la décision attaquée), quatrièmement, à l’avantage complémentaire dont GRAWE a pu bénéficier du fait de l’émission de titres supplémentaires pour un montant de 380 millions d’euros (considérant 171 de la décision attaquée) et, cinquièmement, à l’avantage résultant éventuellement du transfert, avant la clôture, de quatre sociétés immobilières de BB (considérant 172 de la décision attaquée).

142    Or, s’il est tenu compte du fait que c’est sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation que la Commission a estimé que seul devait être pris en considération l’avantage supplémentaire que GRAWE avait tiré de l’émission complémentaire de titres pour un montant de 380 millions d’euros (voir points 65 à 67 ci-dessus), la requérante n’a pas été en mesure de démontrer que lesdits ajustements aboutiraient à neutraliser l’avantage financier que GRAWE a obtenu en l’espèce.

143    En effet, le montant de départ de l’aide à récupérer résulte en principe de la différence de 54,7 millions d’euros entre l’offre de prix du consortium et le prix d’achat effectivement payé par GRAWE, montant qui doit être ajusté en fonction des différences dans les paramètres dont respectivement GRAWE et le consortium ont concrètement tenus compte dans la présentation de leurs offres de reprise de BB. La décision attaquée ne prévoit toutefois que deux sortes d’ajustements à la baisse, à savoir celui d’un montant de 2,1 millions d’euros qui résulte de la différence dans le montant de la pénalité de remboursement anticipé (voir considérant 168 de la décision attaquée) et celui, d’un montant à définir, qui correspond au transfert au Land Burgenland de quatre sociétés immobilières (voir considérants 18 et 172 de la décision attaquée).

144    Il en résulte que la requérante n’a pas apporté d’éléments convaincants à l’appui de l’allégation selon laquelle il était possible d’aboutir à la conclusion qu’aucun avantage économique n’avait, en définitive, été accordé à GRAWE.

 Sur l’existence prétendue de graves erreurs d’appréciation

–       Argumentation des parties

145    La requérante avance, tout d’abord, que c’est précisément lorsqu’elle doit apprécier des faits économiquement complexes, comme c’est le cas en l’espèce, que la Commission est tenue d’« exercer son pouvoir en se fondant sur des critères objectifs », et ce afin d’éviter tout détournement de pouvoir.

146    En l’occurrence, les affirmations relatives à la taille modeste de BB et aux conséquences éventuelles d’une insolvabilité ou liquidation de celle-ci (voir considérant 153 de la décision attaquée) témoigneraient de ce que la Commission s’est principalement fondée sur des critères politiques et non sur des critères juridiques objectifs. Rappelant les différents événements ayant conduit le Land Burgenland à choisir GRAWE comme acquéreur de BB, la requérante souligne qu’elle n’a jamais cherché à influer sur le choix dudit Land de lui octroyer BB et qu’elle a effectivement présenté une offre correspondant au prix du marché. La position de la Commission, qui accorde en définitive un traitement plus favorable aux entreprises de taille importante, serait sans rapport avec les principes devant régir l’examen diligent et impartial des mesures d’aides. De plus, l’interprétation de la Commission priverait le droit des aides d’État de toute prévisibilité.

147    La Commission conteste cette argumentation.

–       Appréciation du Tribunal

148    L’approche défendue par la requérante n’est pas convaincante et doit être écartée pour plusieurs raisons.

149    Tout d’abord, elle méconnaît le large pouvoir d’appréciation reconnu à la Commission et le fait que, s’agissant d’appréciations économiques complexes, le contrôle du Tribunal est limité à la vérification du respect des règles de procédure et de motivation, de l’exactitude matérielle des faits ainsi que de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation ou de détournement de pouvoir.

150    Ensuite, elle se focalise sur une affirmation, avancée à titre subsidiaire au considérant 153 de la décision attaquée, dans le cadre de l’examen des risques financiers liés à l’Ausfallhaftung.

151    Par ailleurs, à supposer que, par son argumentation, la requérante entende en réalité dénoncer un détournement de pouvoir, il suffit de constater que les conditions requises par la jurisprudence pour pouvoir qualifier un comportement donné comme tel ne sont manifestement pas réunies en l’occurrence. En effet, selon la jurisprudence, une décision n’est entachée de détournement de pouvoir que si elle apparaît, sur la base d’indices objectifs, pertinents et concordants, avoir été prise dans le but exclusif, ou tout au moins déterminant, d’atteindre des fins autres que celles excipées (arrêts du Tribunal du 6 mars 2002, Diputación Foral de Álava e.a./Commission, T‑92/00 et T‑103/00, Rec. p. II‑1385, point 84, et du 12 septembre 2007, Olympiaki Aeroporia Ypiresies/Commission, T‑68/03, Rec. p. II‑2911, point 484). En l’espèce, il y a lieu de relever que la requérante n’invoque aucun indice permettant de supposer que la Commission aurait procédé, pour des raisons d’opportunité, à une application particulièrement rigoureuse des règles communautaires en matière d’aides d’État et qu’elle n’aurait pas suivi la procédure et mis en œuvre les critères applicables, conformément aux règles pertinentes du traité et du droit dérivé.

152    Enfin, l’allégation de la requérante selon laquelle la décision attaquée reviendrait à la sanctionner alors même qu’elle n’a méconnu aucune règle ne saurait davantage prospérer. Compte tenu du caractère impératif du contrôle des aides étatiques opéré par la Commission au titre de l’article 88 CE, d’une part, les entreprises bénéficiaires d’une aide ne sauraient avoir, en principe, une confiance légitime dans la régularité de l’aide que si celle-ci a été accordée dans le respect de la procédure prévue par ledit article et, d’autre part, un opérateur économique diligent doit normalement être en mesure de s’assurer que cette procédure a été respectée.

153    En particulier, lorsqu’une aide est mise à exécution sans notification préalable à la Commission, de sorte qu’elle est illégale en vertu de l’article 88, paragraphe 3, CE, le bénéficiaire de l’aide ne peut avoir, à ce moment, une confiance légitime dans la régularité de l’octroi de celle-ci. Ni l’État membre en cause ni l’opérateur concerné ne sauraient davantage invoquer ensuite le principe de sécurité juridique en vue de faire obstacle à la restitution de l’aide, le risque d’un contentieux interne étant prévisible dès la mise à exécution de celle-ci. La récupération d’une aide accordée sans respect de la procédure prévue à l’article 88, paragraphe 3, CE constitue un risque prévisible pour l’opérateur qui en bénéficie et celui-ci ne saurait donc invoquer la protection de la confiance légitime pour s’y soustraire. En outre, les entreprises bénéficiaires d’une aide illégale tiennent généralement compte du montant de celle-ci dans leurs choix économiques et la récupération ultérieure de cette aide a, en règle générale, un effet défavorable sur leurs finances. Si une telle situation devait faire obstacle au recouvrement, les aides demeureraient ainsi définitivement acquises aux bénéficiaires dans la quasi-totalité des cas et le contrôle communautaire des aides d’État serait vidé de son efficacité. En considération de tels éléments, le bénéficiaire d’une aide illégale ne saurait donc revendiquer la possibilité d’invoquer des circonstances exceptionnelles ayant pu légitimement fonder sa confiance légitime dans le caractère régulier de cette aide (voir arrêt de la Cour du 15 décembre 2005, Unicredito Italiano, C‑148/04, Rec. p. I‑11137, points 104, 108 à 111, et la jurisprudence citée).

154    Il convient donc de rejeter également cette dernière argumentation.

155    Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que les moyens et griefs soulevés à titre principal, relatifs à l’existence d’un avantage économique au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE, doivent être rejetés.

 Sur le moyen, soulevé à titre subsidiaire, se rapportant à la compatibilité de l’aide avec le marché commun

–       Argumentation des parties

156    La requérante fait valoir, à titre subsidiaire, que la Commission n’a pas suffisamment examiné si l’aide litigieuse était compatible avec le marché commun, conformément à l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE. Elle considère que cette compatibilité résulte de l’obligation d’exécution de la décision de 2004. De l’avis de la requérante, cette décision, qui a autorisé les aides à la restructuration de BB, exigerait que la vocation régionale de la banque soit maintenue lors de sa privatisation. Or, le consortium aurait modifié le profil commercial de BB et n’aurait pas garanti la poursuite de son exploitation en conformité avec ladite décision. En omettant d’examiner ces éléments, la Commission aurait violé son obligation d’examen diligent et impartial des mesures d’aides dont elle a à connaître.

157    La Commission conteste cette argumentation

–       Appréciation du Tribunal

158    S’agissant de l’appréciation de la validité des aides au regard des dispositions de l’article 87, paragraphe 3, sous a) et c), CE, relatives aux aides destinées à favoriser ou à faciliter le développement économique de certaines régions ou de certaines activités, il convient de rappeler que la Commission jouit, pour l’application de ces dispositions, d’un large pouvoir d’appréciation dont l’exercice implique des évaluations d’ordre économique et social qui doivent être effectuées dans un contexte communautaire et que le Tribunal, en contrôlant la légalité de l’exercice d’une telle liberté, ne saurait substituer son appréciation à celle de l’autorité compétente, mais doit se limiter à examiner si cette dernière appréciation est entachée d’erreur manifeste ou de détournement de pouvoir (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 23 février 2006, Atzeni e.a., C‑346/03 et C‑529/03, Rec. p. I‑1875, point 84, et la jurisprudence citée). Afin d’établir que la Commission a commis une erreur manifeste dans l’appréciation des faits de nature à justifier l’annulation de la décision attaquée, les éléments de preuve apportés par la partie requérante doivent être suffisants pour priver de plausibilité les appréciations des faits retenus dans la décision (arrêt du Tribunal du 12 décembre 1996, AIUFFASS et AKT/Commission, T-380/94, Rec. p. II‑2169, point 59).

159    En l’occurrence, la requérante s’est limitée à indiquer que, conformément à ce qui ressort de la décision de 2004, BB devait, même privatisée, conserver sa vocation régionale, condition que seule GRAWE aurait été en mesure de garantir.

160    Or, une lecture attentive de la décision de 2004 ne permet aucunement d’inférer une telle conclusion. Si la Commission a, ainsi qu’il ressort du considérant 87 de la décision de 2004, vraisemblablement tablé sur la réussite du processus de privatisation de BB et évoqué le fait qu’en cas de liquidation de BB il était fort probable que certaines zones rurales du Land Burgenland auront à souffrir d’une insuffisance de services financiers de base (voir considérant 80 de la même décision), les mesures en cause dans cette décision, à savoir les garanties accordées par le Land Burgenland d’un montant de 171 millions d’euros (majoré d’un intérêt de 5 %) et de 189 millions d’euros, ont été envisagées strictement comme des aides à la restructuration et non comme des aides à vocation régionale. En outre, à aucun endroit de la décision attaquée, n’est évoquée l’exigence que la privatisation éventuelle de BB tienne compte de la nécessité d’un maintien de services financiers dans des zones rurales. Enfin et surtout, à supposer qu’il soit admis que les aides à la privatisation de BB s’inséraient dans le plan de restructuration autorisé par la Commission en 2004, la requérante est restée en défaut de démontrer pour quelles raisons précises GRAWE était plus à même de préserver la vocation régionale de BB.

161    À cet égard, il doit être rappelé que les dérogations au principe général d’incompatibilité des aides d’État avec le marché commun, énoncées à l’article 87, paragraphe 1, CE, doivent faire l’objet d’une interprétation stricte (arrêts de la Cour Atzeni e.a., point 158 supra, point 79, et du 14 octobre 2010, Nuova Agricast et Cofra/Commission, C‑67/09 P, non encore publié au Recueil, point 74). Dans le cas d’espèce, il s’ensuit que, à tout le moins, devait être démontré que l’avantage accordé à GRAWE dans le cadre de la privatisation de BB était justifié par la nécessité de maintenir la vocation générale de BB. Or, cette démonstration fait précisément défaut en l’espèce.

162    Quant à l’allégation selon laquelle la Commission aurait méconnu son obligation d’examen diligent et impartial des mesures dont elle a à connaître, il importe de rappeler que c’est en premier chef aux autorités nationales qu’il incombe, en vertu de leur devoir de collaboration avec la Commission, d’apporter des éléments de nature à permettre à cette institution de vérifier que les conditions de la dérogation sollicitée sont remplies.

163    Partant, le moyen soulevé à titre subsidiaire, se rapportant à la compatibilité de l’aide avec le marché commun, doit être rejeté.

164    Il résulte de ces considérations que le recours doit être rejeté.

 Sur les dépens

165    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Grazer Wechselseitige Versicherung AG est condamnée aux dépens.

Jaeger

Wahl

Soldevila Fragoso

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 28 février 2012.

Signatures


* Langue de procédure : l’allemand.