Language of document : ECLI:EU:C:2015:336

ARRÊT DE LA COUR (sixième chambre)

21 mai 2015 (*)

«Renvoi préjudiciel – Égalité de traitement en matière d’emploi et de travail – Directive 2000/78/CE – Articles 2, 3, paragraphe 1, et 6 – Interdiction des discriminations fondées sur l’âge – Discrimination opérée en fonction de l’appartenance à une catégorie socioprofessionnelle ou du lieu de travail – Législation nationale interdisant, sous certaines limites, le cumul d’une pension de retraite avec des revenus salariaux tirés de l’exercice d’une activité professionnelle dans le secteur public – Cessation d’office de la relation de travail ou de la relation de service»

Dans l’affaire C‑262/14,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Tribunalul Neamț (Roumanie), par décision du 18 juillet 2012, parvenue à la Cour le 2 juin 2014, dans la procédure

Sindicatul Cadrelor Militare Disponibilizate în rezervă și în retragere (SCMD)

contre

Ministerul Finanțelor Publice,

LA COUR (sixième chambre),

composée de M. S. Rodin, président de chambre, MM. A. Borg Barthet et F. Biltgen (rapporteur), juges,

avocat général: M. Y. Bot,

greffier: M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées:

–        pour le Sindicatul Cadrelor Militare Disponibilizate în rezervă și în retragere (SCMD), par Me G. Bârlă, avocat,

–        pour le gouvernement roumain, par Mmes A. Buzoianu et A.‑G. Vacaru ainsi que par M. R. Radu, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement hellénique, par M. K. Georgiadis et Mme S. Lekkou, en qualité d’agents,

–        pour la Commission européenne, par Mme C. Gheorghiu et M. D. Martin, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 2, paragraphe 2, 3, paragraphe 1, et 6 de la directive 2000/78/CE du Conseil, du 27 novembre 2000, portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail (JO L 303, p. 16).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant le Sindicatul Cadrelor Militare Disponibilizate în rezervă şi în retragere (SCMD) (syndicat des cadres militaires mis en disponibilité, en position de non-activité ou radiés), agissant au nom et pour le compte de certains de ses membres, au Ministerul Finanţelor Publice (ministère des Finances publiques), au sujet de l’interdiction faite aux employés du secteur public bénéficiant d’une pension de retraite d’un montant supérieur au salaire moyen brut national de cumuler cette pension avec des revenus tirés de l’exercice de leur activité professionnelle.

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

3        Conformément à son article 1er, la directive 2000/78 «a pour objet d’établir un cadre général pour lutter contre la discrimination fondée sur la religion ou les convictions, [le] handicap, l’âge ou l’orientation sexuelle, en ce qui concerne l’emploi et le travail, en vue de mettre en œuvre, dans les États membres, le principe de l’égalité de traitement».

4        L’article 2, paragraphes 1 et 2, de ladite directive prévoit:

«1.      Aux fins de la présente directive, on entend par ‘principe de l’égalité de traitement’ l’absence de toute discrimination directe ou indirecte, fondée sur un des motifs visés à l’article 1er.

2.      Aux fins du paragraphe 1:

a)      une discrimination directe se produit lorsqu’une personne est traitée de manière moins favorable qu’une autre ne l’est, ne l’a été ou ne le serait dans une situation comparable, sur la base de l’un des motifs visés à l’article 1er;

b)      une discrimination indirecte se produit lorsqu’une disposition, un critère ou une pratique apparemment neutre est susceptible d’entraîner un désavantage particulier pour des personnes d’une religion ou de convictions, d’un handicap, d’un âge ou d’une orientation sexuelle donnés, par rapport à d’autres personnes [...]»

5        L’article 3, paragraphe 1, de cette même directive dispose:

«Dans les limites des compétences conférées à la Communauté, la présente directive s’applique à toutes les personnes, tant pour le secteur public que pour le secteur privé, y compris les organismes publics, en ce qui concerne:

[...]

c)      les conditions d’emploi et de travail, y compris les conditions de licenciement et de rémunération;

[...]»

6        Aux termes de l’article 6 de la directive 2000/78:

«1.      Nonobstant l’article 2, paragraphe 2, les États membres peuvent prévoir que des différences de traitement fondées sur l’âge ne constituent pas une discrimination lorsqu’elles sont objectivement et raisonnablement justifiées, dans le cadre du droit national, par un objectif légitime, notamment par des objectifs légitimes de politique de l’emploi, du marché du travail et de la formation professionnelle, et que les moyens de réaliser cet objectif sont appropriés et nécessaires.

Ces différences de traitement peuvent notamment comprendre:

a)      la mise en place de conditions spéciales d’accès à l’emploi et à la formation professionnelle, d’emploi et de travail, y compris les conditions de licenciement et de rémunération, pour les jeunes, les travailleurs âgés et ceux ayant des personnes à charge, en vue de favoriser leur insertion professionnelle ou d’assurer leur protection;

b)      la fixation de conditions minimales d’âge, d’expérience professionnelle ou d’ancienneté dans l’emploi, pour l’accès à l’emploi ou à certains avantages liés à l’emploi;

c)      la fixation d’un âge maximum pour le recrutement, fondée sur la formation requise pour le poste concerné ou la nécessité d’une période d’emploi raisonnable avant la retraite.

2.      Nonobstant l’article 2, paragraphe 2, les États membres peuvent prévoir que ne constitue pas une discrimination fondée sur l’âge la fixation, pour les régimes professionnels de sécurité sociale, d’âges d’adhésion ou d’admissibilité aux prestations de retraite ou d’invalidité, y compris la fixation, pour ces régimes, d’âges différents pour des travailleurs ou des groupes ou catégories de travailleurs et l’utilisation, dans le cadre de ces régimes, de critères d’âge dans les calculs actuariels, à condition que cela ne se traduise pas par des discriminations fondées sur le sexe.»

 Le droit roumain

7        L’article 17 de la loi n° 329/2009, sur la réorganisation de certaines autorités et institutions publiques, la rationalisation des dépenses publiques, l’appui au milieu des affaires et le respect des accords-cadres conclus avec la Commission européenne et le Fonds monétaire international (Legea nr. 329/2009 privind reorganizarea unor autorităţi şi instituţii publice, raţionalizarea cheltuielilor publice, susţinerea mediului de afaceri şi respectarea acordurilor‑cadru cu Comisia Europeană şi Fondul Monetar Internaţional), du 5 novembre 2009 (Monitorul Oficial al României, partie I, n° 761 du 9 novembre 2009, ci-après la «loi n° 329/2009»), dispose:

«(1)      Les personnes bénéficiant d’un droit à pension relevant du système public de pensions ou des systèmes non intégrés dans le système public, qui perçoivent des revenus salariaux ou, le cas échéant, assimilés aux salaires, conformément à la loi, tirés de l’exercice d’une activité en vertu d’un contrat individuel de travail, d’une relation de service ou d’un acte de nomination, conformément à la loi, auprès d’une autorité ou d’institution publique centrale ou locale, quel que soit le mode de financement et le niveau de subordination de celle-ci, auprès d’une régie autonome, d’une société nationale, d’une compagnie nationale ou d’une société commerciale dont le capital social appartient intégralement ou majoritairement à l’État ou à une entité administrative ou territoriale, peuvent cumuler leur pension nette avec les revenus ainsi perçus, si le niveau de celle-ci n’est pas supérieur au salaire moyen brut national, qui a servi de base pour l’établissement du budget de la sécurité sociale de l’État et qui a été approuvé par la loi sur le budget de la sécurité sociale de l’État.

(2)      Les dispositions du paragraphe (1) sont applicables aux personnes qui:

a)      sont des retraités en situation de cumul à la date d’entrée en vigueur du présent chapitre;

b)      deviennent des retraités en situation de cumul après la date d’entrée en vigueur du présent chapitre.»

8        L’article 18 de la loi n° 329/2009 prévoit:

«(1)      Les retraités visés à l’article 17, paragraphe 2, sous a), qui exercent des activités professionnelles en vertu d’un contrat individuel de travail, d’une relation de service ou d’un acte de nomination sont tenus, dans un délai de quinze jours après l’entrée en vigueur du présent chapitre, d’exprimer par écrit leur option entre la suspension du paiement de la pension durant l’exercice de leur activité et la cessation de la relation de travail, de la relation de service ou [des effets] de l’acte de nomination, si le niveau de la pension nette qui leur est versée est supérieur au salaire moyen brut national, qui a servi de base pour l’établissement du budget de la sécurité sociale de l’État et qui a été approuvé par la loi sur le budget de la sécurité sociale de l’État.

(2)      Les personnes visées à l’article 17, paragraphe 2, sous b), sont tenues, dans un délai de quinze jours après la survenance de la situation de cumul, d’exprimer par écrit leur option entre la suspension du paiement de la pension durant l’exercice de leur activité et la cessation de la relation de travail, de la relation de service ou [des effets] de l’acte de nomination, si le niveau de la pension nette qui leur est versée est supérieur au salaire moyen brut national, qui a servi de base pour l’établissement du budget de la sécurité sociale de l’État et qui a été approuvé par la loi sur le budget de la sécurité sociale de l’État.»

9        Conformément à l’article 20 de la loi n° 329/2009:

«Le manquement à l’obligation d’exprimer son option dans le délai prévu à l’article 18 et à l’article 19, paragraphes 3 et 4, constitue une cause de cessation de plein droit de la relation de travail établie en vertu du contrat individuel de travail ou de l’acte de nomination, ainsi que de la relation de service.»

 Les faits du litige au principal et les questions préjudicielles

10      Le SCMD, syndicat de militaires ayant cessé leurs fonctions, représente, dans le cadre du litige au principal, des militaires réservistes ayant acquis le droit à une pension de retraite en vertu de la loi nº 164/2001 relative aux pensions militaires, aujourd’hui abrogée. Ces derniers, après avoir été mis en position de non-activité, ont été recrutés pour une durée indéterminée par des organismes publics, ce qui leur a permis de cumuler, ainsi que l’autorisait cette loi, une pension de retraite militaire avec leurs revenus salariaux, sans qu’aucune limitation ne soit imposée au montant de ces revenus.

11      À la suite d’un protocole d’accord conclu le 23 juin 2009 entre la Commission européenne et la Roumanie relatif à un concours financier communautaire mis à la disposition de cet État membre, la Roumanie a adopté la loi n° 329/2009. L’article 17 de cette loi interdit le cumul d’une pension de retraite avec un revenu lorsque, d’une part, la personne bénéficiant d’une pension de retraite est employée dans le secteur public et que, d’autre part, le montant de la pension perçue est supérieur au salaire moyen brut national qui a servi de base pour l’établissement du budget de la sécurité sociale de l’État. La personne qui remplit ces conditions est tenue d’opter soit pour le maintien du droit de percevoir la pension et la renonciation à son emploi, soit pour le maintien de son emploi et la suspension du paiement de la pension jusqu’à la cessation de la situation de cumul. Dans l’hypothèse où aucun choix n’est exprimé dans un délai de quinze jours ouvrables après l’entrée en vigueur de ladite loi ou après la survenance de la situation de cumul, l’article 20 de cette même loi prévoit la cessation d’office de la relation de travail ou de la relation de service.

12      À la suite de l’entrée en vigueur de la loi n° 329/2009, les militaires réservistes que représente le SCMD dans le litige au principal ont été contraints d’opter, dans le délai prévu à l’article 18, paragraphe 1, de cette loi, d’exprimer par écrit leur option entre la suspension du paiement de la pension durant l’exercice de leur activité et la renonciation à cette activité.

13      Le 22 décembre 2009, le SCMD a introduit, au nom et pour le compte de ces militaires réservistes, une requête dans laquelle il excipait de la non-conformité de la loi n° 329/2009 avec le droit de l’Union et enjoignait l’État roumain d’en laisser inappliquées les dispositions interdisant le cumul d’une pension de retraite avec un revenu tiré de l’exercice d’une activité professionnelle auprès d’un organisme public. Devant cette juridiction, le SCMD fait valoir, d’une part, que ces dispositions placent certains militaires retraités employés par des organismes publics dans une situation défavorable par rapport aux militaires retraités employés dans le secteur privé et que cette différence de traitement constitue une discrimination interdite par la directive 2000/78. D’autre part, le SCMD considère que l’interdiction du cumul d’une pension de retraite avec un revenu tiré d’une activité professionnelle auprès d’un organisme public constitue une violation grave des droits de propriété acquis avant l’entrée en vigueur de la loi n° 329/2009 et méconnaît les principes de sécurité juridique et de prévisibilité.

14      Il ressort de la décision de renvoi que le Ministerul Finanțelor Publice conteste l’existence d’un conflit entre la loi nationale en cause au principal et le droit de l’Union. En tout état de cause, il estime que les différences de traitement alléguées, à les supposer établies, seraient justifiées au regard des objectifs légitimes poursuivis par la loi n° 329/2009, à savoir dégrever les budgets de la sécurité sociale et de l’État de certaines dépenses dans un contexte de profonde crise économique généralisée et créer les prémisses d’une véritable relance économique.

15      Selon la juridiction de renvoi, la cessation «forcée» de la relation de travail pour les personnes cumulant le statut de retraité avec celui d’employé du secteur public et percevant un certain niveau de revenu place celles-ci dans une situation défavorable par rapport aux retraités qui sont employés dans le secteur privé. Bien qu’elle ne fasse pas explicitement référence à une discrimination fondée sur l’âge au sens de la directive 2000/78, la juridiction de renvoi nourrit des doutes quant au point de savoir si l’objectif de réduction des dépenses publiques poursuivi par la loi n° 329/2009 constitue un objectif légitime pouvant justifier une différence de traitement au sens de l’article 6, paragraphe 1, de cette directive. Sur ce point, la juridiction de renvoi se réfère à l’arrêt Age Concern England (C‑388/07, EU:C:2009:128, point 52), dans lequel il est précisé que seules les mesures justifiées par des objectifs légitimes de politique sociale permettent de déroger au principe d’égalité de traitement en matière d’emploi mis en œuvre par la directive 2000/78.

16      Dans ces conditions, le Tribunalul Neamț (tribunal de grande instance de Neamț) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)      L’article 2, paragraphe 2, de la directive 2000/78 peut-il être interprété en ce sens que la notion de ʻdiscriminationʼ mentionnée par cette disposition inclut également le fait de créer une situation d’inégalité de traitement fondée sur le statut de retraité de la personne qui est employée ou qui souhaite le devenir?

2)      L’article 3, paragraphe 1, de la directive 2000/78 peut-il être interprété en ce sens que les notions de ‘conditions d’accès à l’emploi’, de ‘critères de sélection’ et de ‘conditions de licenciement’ incluent également la notion de retraité parmi leurs critères et conditions?

3)      L’article 6 de la directive 2000/78 peut-il être interprété en ce sens qu’il permet à un État membre qui a transposé cette disposition en droit interne de vérifier, dans l’exercice de son pouvoir judiciaire, la transposition inadéquate ou incomplète des directives européennes dans la législation nationale, en ce qui concerne l’appréciation du caractère ‘objectivement et raisonnablement justifi[é]’ de l’application d’un traitement différencié, ainsi que de l’‘objectif légitime’ poursuivi par le législateur lors de l’adoption de l’acte normatif qui prévoit un traitement différencié?»

 Sur les questions préjudicielles

 Sur les première et deuxième questions

17      Par ses première et deuxième questions, qu’il y a lieu d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande en substance si des dispositions nationales telles que celles en cause au principal, qui imposent la cessation de plein droit de la relation de travail ou de la relation de service des employés du secteur public bénéficiant par ailleurs d’une pension de retraite supérieure au salaire moyen brut, lorsque ceux-ci n’ont pas opté pour la poursuite de cette relation de travail ou de cette relation de service dans un délai déterminé, instituent une discrimination au sens des articles 2, paragraphe 2, et 3, paragraphe 1, de la directive 2000/78.

18      D’emblée, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, il ressort tant de l’intitulé et du préambule que du contenu et de la finalité de la directive 2000/78 que celle-ci tend à établir un cadre général pour assurer à toute personne l’égalité de traitement «en matière d’emploi et de travail», en lui offrant une protection efficace contre les discriminations fondées sur l’un des motifs visés à son article 1er, au nombre desquels figure l’âge (voir, notamment, arrêt Hennigs et Mai, C‑297/10 et C‑298/10, EU:C:2011:560, point 49).

19      Plus particulièrement, il ressort de l’article 3, paragraphe 1, sous c), de cette directive que celle-ci s’applique, dans les limites des compétences conférées à l’Union européenne, «à toutes les personnes, tant pour le secteur public que pour le secteur privé, y compris les organismes publics», en ce qui concerne, notamment, «les conditions d’emploi et de travail, y compris les conditions de licenciement et de rémunération».

20      Afin de répondre aux deux premières questions, il convient de rechercher si une différence de traitement telle que celle décrite par la juridiction de renvoi relève du droit de l’Union.

21      À cet égard, il importe de vérifier si la législation nationale en cause au principal institue une différence de traitement fondée sur l’âge.

22      En vertu de l’article 2, paragraphe 1, de la directive 2000/78, le «principe de l’égalité de traitement» doit être entendu comme l’absence de toute discrimination directe ou indirecte, fondée sur l’un des motifs visés à l’article 1er de ladite directive, au nombre desquels figure l’âge.

23      L’article 2, paragraphe 2, sous b), de cette même directive précise qu’une discrimination indirecte au sens de son article 2, paragraphe 1, se produit, en principe, lorsqu'une disposition, un critère ou une pratique apparemment neutre est susceptible d’entraîner un désavantage particulier pour des personnes d’un âge donné, par rapport à d’autres personnes.

24      En l’occurrence, la cessation de la relation de travail ou de la relation de service est, conformément aux dispositions nationales en cause, uniquement imposée aux personnes employées dans le secteur public qui bénéficient d’une pension de retraite d’un montant supérieur au salaire moyen brut national et n’ayant pas opté, dans un délai déterminé, pour la poursuite de la relation de travail ou de la relation de service.

25      Par ailleurs, force est de constater, ainsi qu’il ressort du point 17 du présent arrêt, que la juridiction de renvoi se borne, dans ses questions préjudicielles, à faire état d’une différence de traitement fondée sur le statut de retraité et qu’elle n’établit aucun lien entre ce statut et l’un des motifs de discrimination visés à l’article 1er de la directive 2000/78, en particulier l’âge.

26      En outre, il ne ressort pas des éléments soumis à la Cour qu’il existerait, dans l’affaire au principal, un désavantage particulier pour des personnes d’un âge donné.

27      Au contraire, ainsi que l’a relevé la Commission, la catégorie des retraités visés par la législation nationale en cause au principal est composée de personnes dont l’âge se situe entre 34 ans et 65 ans. Il ne saurait dès lors être valablement soutenu que cette législation serait à l’origine d’une discrimination indirecte fondée sur l’âge, au sens de l’article 2, paragraphe 2, sous b), de la directive 2000/78.

28      De surcroît, il ressort de la décision de renvoi que la différence de traitement en cause au principal n’est aucunement fondée sur l’un des motifs énumérés par la directive 2000/78, mais qu’elle s’applique en fonction de la catégorie socioprofessionnelle dont relèvent les intéressés au niveau national.

29      Or, conformément à l’article 2, paragraphe 1, de la directive 2000/78, le principe de l’égalité de traitement consacré par cette directive s’applique en fonction des motifs énumérés de manière exhaustive à son article 1er (voir, en ce sens, arrêt Coleman, C‑303/06, EU:C:2008:415, points 38 et 46), ce qui a amené la Cour à juger que ladite directive ne vise pas les discriminations fondées sur la catégorie professionnelle ou le lieu de travail (voir arrêt Agafiţei e.a., C‑310/10, EU:C:2011:467, point 35, ainsi que, en ce sens, ordonnance Rivas Montes, C‑178/12, EU:C:2013:150, point 44).

30      En l’occurrence, la différence de traitement en cause au principal n’est pas fondée sur l’âge de la personne concernée, puisque l’interdiction du cumul d’une pension de retraite avec un revenu tiré d’une activité professionnelle, prévue à l’article 17, paragraphe 1, de la loi n° 329/2009, s’applique, d’une part, en fonction de la qualité d’employé du secteur public ou du secteur privé et, d’autre part, en fonction du montant de la pension dont l’employé du secteur public peut bénéficier.

31      Il s’ensuit qu’une situation telle que celle en cause au principal ne relève pas du cadre général établi par l’article 2, paragraphe 2, de la directive 2000/78 en vue de lutter contre certaines discriminations.

32      Au demeurant, il ressort également de la jurisprudence de la Cour que la cessation forcée du contrat de travail constitue, conformément à une jurisprudence constante de la Cour, une condition d’emploi et de travail au sens de l’article 3, paragraphe 1, sous c), de cette directive (arrêt Prigge e.a., C‑447/09, EU:C:2011:573, point 41).

33      À cet égard, il y a lieu de relever que, en l’occurrence, la cessation de la relation de travail d’une personne visée par la disposition nationale en cause au principal n’intervient de plein droit que lorsque cette personne n’a pas fait connaître, dans un délai déterminé, son choix entre la suspension du paiement de sa pension de retraite durant l’exercice de son activité professionnelle et la cessation de la relation de travail ou de la relation de service.

34      Dès lors que la réglementation en cause au principal n’empêche ni ne limite la participation à la vie active des personnes qu’elle vise (voir, notamment, en ce sens, a contrario, arrêts Palacios de la Villa, C‑411/05, EU:C:2007:604, point 45, et Age Concern England, C‑388/07, EU:C:2009:128, point 27), elle ne saurait être considérée comme contraignant automatiquement ces personnes à se retirer du marché du travail (voir, par analogie, arrêt Rosenbladt, C‑45/09, EU:C:2010:601, point 75).

35      Cette conclusion s’impose d’autant plus, en l’occurrence, que la disposition en cause au principal n’empêche pas les personnes concernées de rester actives dans le secteur privé et ainsi de continuer à cumuler une pension de retraite avec un revenu tiré de l’exercice d’une activité professionnelle.

36      Il s’ensuit qu’une situation telle que celle en cause au principal ne relève pas davantage de l’article 3, paragraphe 1, sous c), de la directive 2000/78.

37      Eu égard à toutes ces considérations, il convient de répondre aux première et deuxième questions que les articles 2, paragraphe 2, et 3, paragraphe 1, de la directive 2000/78 ne trouvent pas à s’appliquer à une législation nationale telle que celle en cause au principal qui impose la cessation de plein droit de la relation de travail ou de la relation de service des employés du secteur public bénéficiant, par ailleurs, d’une pension de retraite supérieure au salaire moyen brut et n’ayant pas opté pour la poursuite de cette relation de travail ou de cette relation de service dans un délai déterminé.

 Sur la troisième question

38      Eu égard à la réponse apportée aux deux premières questions, il n’y a pas lieu de répondre à la troisième question.

 Sur les dépens

39      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (sixième chambre) déclare et arrête:

Les articles 2, paragraphe 2, et 3, paragraphe 1, de la directive 2000/78/CE du Conseil, du 27 novembre 2000, portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail, ne trouvent pas à s’appliquer à une législation nationale telle que celle en cause au principal qui impose la cessation de plein droit de la relation de travail ou de la relation de service des employés du secteur public bénéficiant, par ailleurs, d’une pension de retraite supérieure au salaire moyen brut et n’ayant pas opté pour la poursuite de cette relation de travail ou de cette relation de service dans un délai déterminé.

Signatures


* Langue de procédure: le roumain.