Language of document : ECLI:EU:T:2000:209

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

13 septembre 2000 (1)

«Décision 94/90/CECA, CE, Euratom - Accès du public aux documents de la Commission - Rapport d'inspection - Exceptions relatives à la protection de l'intérêt public (activités d'inspection et d'enquête) et du secret en matière commerciale»

Dans l'affaire T-20/99,

Denkavit Nederland BV, établie à Voorthuizen (Pays-Bas), représentée par Me E. A. Buys, avocat au barreau d'Arnhem,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. P. van Nuffel, U. Wölker et W. Wils, membres du service juridique, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. C. Goméz de la Cruz, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d'annulation de la décision de la Commission du 17 novembre 1998 refusant d'accorder à la requérante l'accès à un rapport relatif à la lutte contre la peste porcine aux Pays-Bas,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (première chambre),

composé de MM. B. Vesterdorf, président, M. Vilaras et N. Forwood, juges,

greffier: M. H. Jung,

vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale du 14 avril 2000,

rend le présent

Arrêt

Cadre juridique

1.
    Le 6 décembre 1993, la Commission et le Conseil ont approuvé un code de conduite commun concernant l'accès du public aux documents de la Commission et du Conseil (JO L 340, p. 41, ci-après le «code de conduite»).

2.
    Pour en assurer la mise en oeuvre, la Commission a adopté, le 8 février 1994, la décision 94/90/CECA, CE, Euratom, relative à l'accès du public aux documents de la Commission (JO L 46, p. 58). L'article 1er de cette décision adopte formellement le code de conduite dont le texte est annexé à celle-ci.

3.
    Le code de conduite énonce le principe général suivant:

«Le public aura le plus large accès possible aux documents détenus par la Commission et le Conseil.»

    

4.
    Les circonstances qui peuvent être invoquées par une institution pour justifier le rejet d'une demande d'accès à des documents sont énumérées, sous la rubrique du code de conduite intitulée «Régime des exceptions», dans les termes suivants:

«Les institutions refusent l'accès à tout document dont la divulgation pourrait porter atteinte à:

-    la protection de l'intérêt public (sécurité publique, relations internationales, stabilité monétaire, procédures juridictionnelles, activités d'inspection et d'enquête),

-    la protection de l'individu et de la vie privée,

-    la protection du secret en matière commerciale et industrielle,

-    la protection des intérêts financiers de la Communauté,

-    la protection de la confidentialité demandée par la personne physique ou morale qui a fourni l'information ou requise par la législation de l'État membre qui a fourni l'information.

Elles peuvent aussi le refuser pour assurer la protection de l'intérêt de l'institution relatif au secret de ses délibérations.»

Faits à l'origine du recours

5.
    Dans la perspective de la réalisation du marché intérieur et afin de garantir la protection de la santé publique et de la santé animale, la Communauté a arrêté un ensemble de mesures, dont la décision 90/424/CEE du Conseil, du 26 juin 1990, relative à certaines dépenses dans le domaine vétérinaire (JO L 224 p. 19), modifiée par la décision 94/370/CE du Conseil, du 21 juin 1994 (JO L 168 p. 31), qui établit notamment les modalités de la participation financière de la Communauté à des programmes d'éradication de certaines maladies animales.

6.
    En vertu de l'article 3, paragraphe 2, de la décision 90/424, l'État membre concerné doit bénéficier de la participation financière de la Communauté pour l'éradication de maladies animales à condition que les mesures immédiatement appliquées comportent au moins la mise sous séquestre de l'exploitation dès la suspicion et que, dès la confirmation officielle de la maladie, certaines mesures, définies par cet article, soient adoptées.

7.
    L'article 9 de la décision 90/424 dispose:

«1. La Commission procède, en collaboration avec les autorités nationales compétentes, à des contrôles sur place pour s'assurer, du point de vue vétérinaire, de l'application des mesures prévues.

2. Les États membres prennent les dispositions nécessaires pour faciliter ces contrôles et, notamment, pour garantir que les experts disposent, sur leur demande,de toutes les informations et documents nécessaires pour juger de la réalisation des actions.»

8.
    En 1997, des cas de peste porcine classique ont été signalés dans différentes régions de production situées aux Pays-Bas. Plusieurs centaines de foyers d'infection ont été rapidement recensés.

9.
    Le 3 mars 1997, la Commission a adopté le règlement (CE) n° 413/97 arrêtant des mesures exceptionnelles de soutien du marché dans le secteur de la viande de porc aux Pays-Bas (JO L 62 p. 26), par lequel les autorités néerlandaises étaient autorisées à accorder des aides, dont 70 % du montant était pris en charge par le budget des Communautés.

10.
    À la suite de l'un des contrôles effectués par la Commission, au mois d'août 1997, les constatations et propositions des membres de l'équipe d'inspection ont été consignées dans un document intitulé «Rapport de visite d'inspection - La lutte contre la fièvre porcine classique aux Pays-Bas en 1997 - Vérification des dépenses dans le cadre des contrôles relatifs à la mise en oeuvre technique et financière» (ci-après le «rapport» ou le «rapport d'inspection»).

11.
    Se fondant sur la décision 90/424, et notamment sur son article 3, la Commission a adopté, le 15 décembre 1997, la décision 98/25/CE relative à une aide financière de la Communauté dans le cadre de l'éradication de la peste porcine classique aux Pays-Bas (JO L 8 p. 28).

12.
    En vertu de la décision 98/25, les Pays-Bas se voyaient octroyer une première avance de 31,3 millions d'écus, destinés à indemniser les propriétaires des 195 premières exploitations touchées par la maladie en cause, le versement de cette participation étant effectué sur production des pièces justificatives. Par ailleurs, aux termes du cinquième considérant de ladite décision, cette «première avance [était] décidée sans préjudice de la décision finale concernant le montant global de la participation et des réductions possibles». Le septième considérant de la décision 98/25 prévoyait également la possibilité d'une participation financière ultérieure en faveur des autres propriétaires d'animaux contaminés par la maladie, en fonction de la vérification, effectuée par la Commission, du respect des règles communautaires en matière vétérinaire et des conditions pour l'octroi d'un concours financier de la Communauté.

13.
    Par lettre du 7 août 1998, la requérante a demandé à la Commission l'accès au rapport d'inspection.

14.
    En l'absence de réponse, la requérante a, par lettre du 5 octobre 1998, adressé au secrétaire général de la Commission une demande confirmative au sens de l'article 2, point 2, de la décision 94/90.

15.
    Par lettre du 17 novembre 1998 (ci-après la «décision attaquée»), le secrétaire général de la Commission a rejeté la demande confirmative de la requérante dans les termes suivants:

«1.    La divulgation dudit rapport pourrait porter atteinte à la protection de l'intérêt public (notamment inspections et enquêtes).

    Le travail d'inspection de la Commission sur la peste porcine classique aux Pays-Bas n'est pas terminé et des contacts sont en cours entre la Commission et l'État membre concerné. Ce travail doit être mené à bien dans un climat de confiance mutuelle. De plus, le rapport que vous demandez porte sur des infractions présumées aux règles communautaires. Ces allégations doivent être examinées et la divulgation du rapport risquerait de porter préjudice à une procédure en justice qui pourrait devoir être engagée.

2.    En outre, la divulgation pourrait affecter la protection du secret en matière commerciale, étant donné que le rapport contient des données détaillées sur des exploitations nommément citées.»

16.
    Postérieurement à la décision attaquée, la Commission a adopté la décision 1999/18/CE, du 22 décembre 1998, relative à une aide financière de la Communauté dans le cadre de l'éradication de la peste porcine classique aux Pays-Bas (JO L 6 p. 18), par laquelle les Pays-Bas se voyaient accorder une participation complémentaire au titre du concours financier de la Communauté. En vertu de l'article 1er de la décision, cette participation était octroyée «sans préjudice de la décision finale concernant le montant total de l'aide et les corrections éventuellement nécessaires».

17.
    Aux termes des troisième et quatrième considérants de cette décision, il était également souligné que «la Commission [était] encore en train de vérifier, pour l'ensemble des cas concernés, si, d'une part, toutes les règles communautaires en matière vétérinaire [avaient] été respectées et, d'autre part, si toutes les conditions du concours financier de la Communauté [étaient] remplies», et que «les Pays-Bas [devaient soumettre] les déclarations qu'ils [avaient] faites auprès de la Commission à des contrôles complémentaires pour vérifier si les conditions énoncées dans la décision 90/424/CEE [étaient] remplies, notamment à la lumière des remarques formulées à ce stade par les services de la Commission».

     Procédure

18.
    C'est dans ces circonstances que, par requête déposée au greffe du Tribunal le 21 janvier 1999, la requérante a introduit le présent recours.

19.
    Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (première chambre) a décidé d'ouvrir la procédure orale sans ordonner de mesures d'instruction préalables.

20.
    Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l'audience du 14 avril 2000.

Conclusions des parties

21.
    La requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    annuler la décision attaquée;

-    condamner la Commission aux dépens.

22.
    La Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    rejeter le recours comme non fondé;

-    condamner la requérante aux dépens.

Sur le fond

Sur les premier et second moyens, tirés de la violation de la décision 94/90 et de l'article 190 du traité CE (devenu article 253 CE)

Arguments des parties

- Sur l'exception tirée de la protection de l'intérêt public (activités d'inspection et d'enquête)

23.
    La requérante soutient que la Commission a violé la décision 94/90 en faisant application de l'exception relative à la protection de l'intérêt public.

24.
    La première raison invoquée par la Commission dans la décision attaquée, à savoir la nécessité de maintenir un climat de confiance mutuelle avec les Pays-Bas pendant la période d'inspection, serait erronée en fait. À cet égard, la requérante fait valoir que l'enquête était terminée lors de l'adoption de la décision attaquée et qu'il n'y avait donc plus aucune concertation avec les Pays-Bas. Dès le mois de novembre 1998, le porte-parole de la Commission aurait d'ailleurs déclaré qu'une réduction de 25 % du concours financier communautaire initialement prévu avait été décidée à titre de sanction.

25.
    Ne serait pas pertinent le fait que le processus menant à l'adoption d'une décision quant au montant final du concours financier à accorder aux Pays-Bas n'est pas achevé. Bien qu'il ne soit pas contesté que l'adoption d'une décision sur ce pointn'est pas encore intervenue, seul serait déterminant le fait que l'inspection ayant donné lieu au rapport est effectivement close.

26.
    Quant au second motif d'application de l'exception, à savoir le risque de porter atteinte à une éventuelle procédure juridictionnelle, la requérante l'estime également dénué de fondement dans la mesure où l'État membre concerné disposait déjà du rapport d'inspection et où l'existence de divergences entre cet État et la Commission était de notoriété publique. Les autorités néerlandaises auraient d'ailleurs rejeté la demande d'accès au rapport d'inspection introduite par la requérante en invoquant une instruction de la Commission.

27.
    Par ailleurs, il résulterait de l'arrêt du Tribunal du 5 mars 1997, WWF UK/Commission (T-105/95, Rec. p. II-313, point 64), que la Commission ne peut pas se contenter d'invoquer l'éventuelle ouverture d'une procédure en manquement pour justifier un refus d'accès à l'ensemble des documents visés par la demande d'un citoyen. Or, l'hypothèse d'une procédure en manquement ne pourrait pas être invoquée dans un cas portant seulement sur le contrôle des dépenses communautaires. En effet, en l'espèce, la seule conséquence défavorable pouvant être envisagée en ce qui concerne les Pays-Bas, à la suite de ce contrôle, serait l'éventuel refus de certaines dépenses dans le cadre de la procédure d'apurement définitif des comptes présentés par les États membres au titre des dépenses financées par le Fonds européen d'orientation et de garantie agricole (FEOGA).

28.
    Enfin, il serait inexact de soutenir que la référence, dans la décision attaquée, à des «infractions présumées» signifierait aussi que des infractions pouvaient avoir été commises par des particuliers. La décision ne viserait ces derniers que dans le cadre de la prétendue protection de leurs données commerciales.

29.
    La Commission souligne, à titre liminaire, que chacune des exceptions obligatoires invoquées constitue, à elle seule, un motif suffisant pour refuser l'accès au rapport. En conséquence, le recours ne pourrait être accueilli que s'il était jugé que la Commission a invoqué à tort les deux exceptions.

30.
    S'agissant de l'exception tirée de la protection de l'intérêt public, la Commission soutient qu'elle devait l'appliquer en l'espèce dès lors que le document auquel l'accès était demandé était directement lié à une activité d'inspection. Elle relève, en particulier, que l'objet de cette inspection était de vérifier la bonne application par les autorités néerlandaises de mesures sanitaires qui sont en partie supportées par le budget des Communautés, ou pour lesquelles le concours financier de la Communauté était demandé. Par conséquent, la protection de l'intérêt public impliquait, selon la Commission, de garantir le déroulement serein de la procédure devant conduire à l'adoption d'une décision sur le refus ou la prise en charge des dépenses par le budget communautaire, voire d'une décision d'ouverture d'une procédure en manquement.

31.
    À cet égard, il résulterait de la jurisprudence que les États membres sont en droit d'attendre de la Commission qu'elle protège la confidentialité des documents relatifs aux activités d'inspection pouvant éventuellement déboucher sur une procédure en manquement, même après un certain laps de temps après la clôture des enquêtes (arrêt WWF UK/Commission, précité, points 63 et 64). Il en irait de même lorsque l'inspection en cause ne vise pas, au premier chef, à constater des manquements en vue d'engager une procédure au titre de l'article 169 du traité CE (devenu article 226 CE), mais à déterminer si certaines dépenses peuvent être prises en charge par le budget des Communautés. En effet, il existerait un lien étroit entre une procédure en manquement et le contrôle des dépenses effectuées par la Commission, un tel contrôle pouvant être exercé à la fois par l'ouverture d'une procédure au titre de l'article 169 du traité et dans le cadre de l'apurement des comptes du FEOGA. Le principe posé dans l'arrêt WWF UK/Commission, précité, serait d'autant plus applicable en l'espèce que le processus décisionnel concernant les conséquences pouvant découler de l'inspection n'était pas encore achevé lors de l'adoption de la décision attaquée.

32.
    Enfin, la Commission fait valoir que les «infractions présumées» au droit communautaire, mentionnées dans la décision attaquée, visent principalement celles imputables aux Pays-Bas, mais aussi celles concernant des particuliers. Le rapport contiendrait en effet des données individuelles et des observations sur les mesures prises dans différentes exploitations. Dès lors, sa divulgation risquerait de perturber l'adoption, le cas échéant, de mesures par les autorités néerlandaises ainsi que le déroulement de procédures nationales.

- Sur l'exception tirée de la protection du secret en matière commerciale

33.
    En ce qui concerne l'application de cette exception, la requérante soutient, tout d'abord, que la décision attaquée est insuffisamment motivée. Plutôt que d'affirmer que le rapport contient des informations détaillées relatives à des exploitations pratiquant l'élevage de porcs individuellement nommées, la décision aurait dû préciser la nature desdites informations.

34.
    En tout état de cause, la décision attaquée violerait les dispositions de la décision 94/90. La notion de «secret en matière commerciale» viserait les données relatives à l'activité commerciale d'une entreprise. Or, des données de cet ordre ne pourraient pas figurer dans le rapport d'inspection. L'objet de cette inspection étant en effet de contrôler l'efficacité des mesures prises par les autorités néerlandaises pour lutter contre la peste porcine, la seule information relative aux entreprises du secteur concerné porterait seulement sur la manière dont elles ont accueilli lesdites mesures.

35.
    À supposer même que le rapport comporte des données qualifiées de secrets commerciaux, un refus d'accès à l'ensemble du rapport ne serait pas justifié. Il suffirait, en effet, que les noms des exploitations citées dans le rapport soient rendus illisibles. Le risque de reconnaître les entreprises concernées serait alorsinexistant eu égard au nombre d'exploitations pratiquant l'élevage de porcs, évalué à 10 000 aux Pays-Bas.

36.
    La requérante relève que la Commission n'était pas, certes, tenue d'examiner si elle pouvait, ou devait, lui donner accès à une version du rapport comportant des passages rendus illisibles, dans la mesure où elle invoquait une autre exception, tirée de la protection de l'intérêt public. Toutefois, dans l'hypothèse où le Tribunal estimerait, d'une part, que la Commission a invoqué à tort l'exception tirée de la protection de l'intérêt public et, d'autre part, que le rapport comportait effectivement des secrets en matière commerciale, il lui appartiendrait d'examiner si la requérante devait avoir un accès partiel au rapport.

37.
    La Commission estime que la décision expose de manière suffisamment explicite la raison pour laquelle les informations contenues dans le rapport ne peuvent pas être divulguées: il s'agit de données commerciales concernant des exploitations nommément citées. Compte tenu de l'objet du rapport, il apparaîtrait clairement que les données en cause concernent le nombre d'animaux abattus, les indemnités versées et le non-respect de certaines obligations. L'application, à titre subsidiaire, de l'exception tirée de la protection du secret en matière commerciale serait donc justifiée en l'espèce.

38.
    Quant à l'argument selon lequel elle aurait dû fournir une version non confidentielle du rapport, la Commission rétorque que, dans les circonstances de l'espèce, il n'était pas nécessaire d'examiner si un accès partiel pouvait être accordé dans la mesure où l'accès à l'ensemble du document devait être refusé pour d'autres raisons.

Appréciation du Tribunal

39.
    Il y a lieu de rappeler, à titre liminaire, que le code de conduite adopté par la décision 94/90 prévoit deux catégories d'exceptions au droit d'accès aux documents de la Commission. La première catégorie, rédigée dans des termes impératifs, rassemble les «exceptions obligatoires» qui visent à protéger soit les intérêts de tiers, soit l'intérêt du public en général. La seconde, rédigée dans des termes facultatifs, porte sur les délibérations internes de l'institution qui mettent uniquement en jeu les intérêts de celle-ci (arrêt WWF UK/Commission, précité, point 60).

40.
    À cet égard, il importe de souligner que, de même qu'elle est en droit d'invoquer conjointement une exception relevant de la première catégorie et une exception relevant de la seconde pour refuser de donner accès aux documents qu'elle détient (arrêt WWF UK/Commission, précité, point 61; en ce qui concerne le Conseil, voir arrêt du Tribunal du 17 juin 1998, Svenska Journalistförbundet/Conseil, T-174/95, Rec. p. II-2289, point 114), la Commission peut également être amenée à invoquer conjointement plusieurs exceptions relevant de la première catégorie. En effet, ilne saurait être exclu que la divulgation de certains documents risque de porter atteinte tant à l'intérêt public qu'aux intérêts particuliers de tiers.

41.
    En l'espèce, la décision attaquée, rejetant la demande d'accès de la requérante à un rapport d'inspection de la Commission, est fondée sur une application conjointe de deux exceptions obligatoires relatives à la protection, l'une de l'intérêt public, l'autre du secret en matière commerciale.

42.
    S'agissant d'une demande d'accès à un seul et même document, il convient donc d'examiner si la Commission était en droit d'invoquer l'une ou l'autre des exceptions obligatoires pour la rejeter, chaque exception constituant, en vertu de la décision 94/90, un motif suffisant de refus d'accès.

43.
    En ce qui concerne la première exception invoquée, tirée de la protection de l'intérêt public, il convient de rappeler que, parmi les cas relevant de cette exception, le code de conduite vise expressément l'hypothèse de documents ayant trait à des «activités d'inspection et d'enquête».

44.
    Or, force est de constater que le document auquel l'accès est demandé a effectivement trait à une telle activité. Il est, en effet, constant entre les parties que ce document est un rapport d'inspection élaboré par les services de la Commission à la suite de l'un des contrôles effectués aux Pays-Bas, en application de l'article 9 de la décision 90/424, pour s'assurer de la mise en oeuvre des mesures prévues par celle-ci afin d'éradiquer la peste porcine classique.

45.
    Toutefois, la circonstance que le document en cause concerne une activité d'inspection ne saurait, à elle seule, suffire à justifier l'application de l'exception invoquée. En effet, selon la jurisprudence, toute exception au droit d'accès aux documents de la Commission relevant de la décision 94/90 doit être interprétée et appliquée strictement (arrêt de la Cour du 11 janvier 2000, Pays-Bas et van der Wal/Commission, C-174/98 P, non encore publié au recueil, point 27).

46.
    Il appartient dès lors au Tribunal de vérifier si, en l'espèce, la Commission n'a pas commis d'erreur d'appréciation en estimant que la divulgation du rapport pourrait porter atteinte à la protection de l'intérêt public.

47.
    À cet égard, il convient de relever que la procédure dans laquelle s'inscrivait la mission d'inspection ayant fait l'objet dudit rapport n'était pas encore achevée lors de l'adoption de la décision attaquée, le 17 novembre 1998. À cette date, la Commission n'avait pris qu'une seule décision relative à l'aide financière de la Communauté devant être octroyée aux Pays-Bas, décision autorisant une première avance en faveur dudit pays sans préjuger du montant final de l'aide à accorder, ni de possibles réductions à venir, en fonction du résultat des vérifications devant encore être effectuées (voir ci-dessus point 12).

48.
    Dès lors, si l'inspection particulière ayant donné lieu au rapport auquel l'accès est demandé était certes terminée, il n'en demeure pas moins que, à la date du 17 novembre 1998, la Commission poursuivait ses «activités d'inspection et d'enquête» en vue de s'assurer du respect des règles communautaires en matière vétérinaire et des conditions nécessaires à l'octroi d'un concours financier. Ce constat est confirmé par la décision 1999/18 octroyant une deuxième avance provisoire aux Pays-Bas qui, bien que postérieure à la décision attaquée, souligne que la Commission procédait encore à des contrôles (voir ci-dessus point 17).

49.
    Il en résulte que la Commission a pu légitimement estimer que la poursuite du travail d'inspection devant être effectué aux Pays-Bas exigeait de ne pas divulguer le rapport auquel l'accès était demandé afin de maintenir un climat de confiance mutuelle nécessaire au déroulement serein d'une telle procédure.

50.
    Il s'ensuit que le recours doit être rejeté, sans qu'il soit nécessaire d'examiner si le refus d'accès au rapport est également justifié par l'autre exception obligatoire invoquée, relative à la protection du secret en matière commerciale.

Sur les dépens

51.
    Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, elle sera condamnée aux dépens exposés par la partie défenderesse, conformément aux conclusions de celle-ci.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête:

1)    Le recours est rejeté.

2)    La requérante supportera, outre ses propres dépens, les dépens de la défenderesse.

Vesterdorf
Vilaras
Forwood

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 13 septembre 2000.

Le greffier

Le président

H. Jung

B. Vesterdorf


1: Langue de procédure: le néerlandais.