Language of document : ECLI:EU:C:2016:630

Affaire C‑182/15

Aleksei Petruhhin

(demande de décision préjudicielle, introduite par l’Augstākā tiesa)

« Renvoi préjudiciel – Citoyenneté de l’Union européenne – Extradition vers un État tiers d’un ressortissant d’un État membre ayant exercé son droit de libre circulation – Champ d’application du droit de l’Union – Protection des ressortissants d’un État membre contre l’extradition – Absence de protection des ressortissants des autres États membres – Restriction à la libre circulation – Justification fondée sur la prévention de l’impunité – Proportionnalité – Vérification des garanties prévues à l’article 19 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne »

Sommaire – Arrêt de la Cour (grande chambre) du 6 septembre 2016

1.        Questions préjudicielles – Recevabilité – Limites – Questions manifestement dénuées de pertinence et questions hypothétiques posées dans un contexte excluant une réponse utile – Absence

(Art. 267 TFUE)

2.        Citoyenneté de l’Union – Droit de libre circulation et de libre séjour sur le territoire des États membres – Demande adressée à un État membre par un État tiers visant à extrader un citoyen de l’Union, ressortissant d’un autre État membre ayant exercé son droit de libre circulation dans le premier État membre – Obligation pour cet État membre d’informer l’État membre de la nationalité dudit citoyen, et le cas échéant, à la demande de ce dernier État, de lui remettre ce citoyen, conformément aux dispositions relatives au mandat d’arrêt européen et aux procédures de remise entre États membres – Admissibilité – Condition

(Art. 18 TFUE et 21 TFUE ; décision-cadre du Conseil 2002/584, telle que modifiée par la décision-cadre 2009/299)

3.        Citoyenneté de l’Union – Droit de libre circulation et de libre séjour sur le territoire des États membres – Demande adressée à un État membre par un État tiers visant à extrader un citoyen de l’Union, ressortissant d’un autre État membre ayant exercé son droit de libre circulation dans le premier État membre – Obligation de vérification des garanties prévues à l’article 19 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Éléments d’appréciation

(Art. 18 TFUE et 21 TFUE ; charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, art. 19 ; décision-cadre du Conseil 2002/584, telle que modifiée par la décision-cadre 2009/299)

1.      Voir le texte de la décision.

(voir points 20, 23, 24)

2.      Les articles 18 et 21 TFUE doivent être interprétés en ce sens que, lorsqu’un État membre, dans lequel un citoyen de l’Union, ressortissant d’un autre État membre, s’est déplacé, se voit adresser une demande d’extradition par un État tiers avec lequel le premier État membre a conclu un accord d’extradition, il est tenu d’informer l’État membre dont ledit citoyen a la nationalité et, le cas échéant, à la demande de ce dernier État membre, de lui remettre ce citoyen, conformément aux dispositions de la décision-cadre 2002/584, relative au mandat d’arrêt européen et aux procédures de remise entre États membres, telle que modifiée par la décision-cadre 2009/299, pourvu que cet État membre soit compétent, en vertu de son droit national, pour poursuivre cette personne pour des faits commis en dehors de son territoire national.

À cet égard, une situation dans laquelle un ressortissant d’un État membre se déplace dans un autre État membre en faisant usage, en sa qualité de citoyen de l’Union, de son droit de circuler librement dans l’Union relève du domaine d’application des traités, au sens de l’article 18 TFUE, qui contient le principe de non-discrimination en fonction la nationalité. Or, des règles nationales permettant l’extradition d’un tel ressortissant introduisent une différence de traitement selon que la personne concernée est un ressortissant national ou un ressortissant d’un autre État membre, en ce qu’elles conduisent à ne pas accorder aux ressortissants d’autres États membres la protection contre l’extradition dont jouissent les ressortissants nationaux. Ce faisant, de telles règles sont susceptibles d’affecter la liberté des premiers de circuler dans l’Union et constituent une restriction à leur liberté de circulation, au sens de l’article 21 TFUE.

Une telle restriction ne peut être justifiée que si elle se fonde sur des considérations objectives et est proportionnée à l’objectif légitimement poursuivi par le droit national. L’extradition est une procédure qui vise à lutter contre l’impunité d’une personne se trouvant sur un territoire autre que celui sur lequel elle a prétendument commis une infraction. En effet, si la non-extradition des ressortissants nationaux est généralement compensée par la possibilité pour l’État membre requis de poursuivre ses propres ressortissants pour des infractions graves commises hors de son territoire, cet État membre est, en règle générale, incompétent pour juger de tels faits lorsque ni l’auteur ni la victime de l’infraction supposée n’ont la nationalité dudit État membre. Dans ce contexte, des règles nationales qui permettent de répondre favorablement à une demande d’extradition aux fins de poursuites et de jugement dans l’État tiers où l’infraction est supposée avoir été commise, apparaissent appropriées pour atteindre l’objectif recherché.

En l’absence de règles du droit de l’Union régissant l’extradition entre les États membres et un État tiers, il importe, afin de préserver les ressortissants de l’Union de mesures susceptibles de les priver des droits de libre circulation et de séjour prévus à l’article 21 TFUE, tout en luttant contre l’impunité à l’égard d’infractions pénales, de mettre en œuvre tous les mécanismes de coopération et d’assistance mutuelle existant en matière pénale en vertu du droit de l’Union. Ainsi, il importe de privilégier l’échange d’informations avec l’État membre dont l’intéressé a la nationalité en vue de donner aux autorités de cet État membre, pour autant qu’elles sont compétentes, en vertu de leur droit national, pour poursuivre cette personne pour des faits commis en dehors du territoire national, l’opportunité d’émettre un mandat d’arrêt européen aux fins de poursuites. L’article 1er, paragraphes 1 et 2, de la décision-cadre 2002/584 n’exclut pas, en effet, dans un tel cas, la possibilité pour l’État membre dont l’auteur présumé de l’infraction a la nationalité d’émettre un mandat d’arrêt européen en vue de la remise de cette personne à des fins de poursuites. En coopérant de la sorte avec l’État membre dont l’intéressé a la nationalité et en donnant priorité à ce mandat d’arrêt sur la demande d’extradition, l’État membre d’accueil agit de manière moins attentatoire à l’exercice du droit à la libre circulation tout en évitant, dans la mesure du possible, le risque d’impunité.

(voir points 31-34, 39, 40, 47-50, disp. 1)

3.      Dans l’hypothèse où un État membre est saisi d’une demande d’un État tiers visant à extrader un ressortissant d’un autre État membre, ce premier État membre doit vérifier que l’extradition ne portera pas atteinte aux droits visés à l’article 19 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

En effet, dans la mesure où l’autorité compétente de l’État membre requis dispose d’éléments attestant d’un risque réel de traitement inhumain ou dégradant des personnes dans l’État tiers requérant, elle est tenue d’apprécier l’existence de ce risque lorsqu’elle doit décider de l’extradition d’une personne vers cet État. À cette fin, ladite autorité doit se fonder sur des éléments objectifs, fiables, précis et dûment actualisés. Ces éléments peuvent résulter, notamment, de décisions judiciaires internationales, telles que des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme, de décisions judiciaires de l’État tiers requérant ainsi que de décisions, de rapports et d’autres documents établis par les organes du Conseil de l’Europe ou relevant du système des Nations unies.

(voir points 58-60, disp. 2)