Language of document : ECLI:EU:C:2017:443

Édition provisoire

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

MME ELEANOR SHARPSTON

présentées le 8 juin 2017 (1)

Affaire C490/16

A.S.

contre

République de Slovénie

[demande de décision préjudicielle formée par le Vrhovno sodišče Republike Slovenije (Cour suprême de la République de Slovénie)]

et

Affaire C‑646/16

Jafari

[demande de décision préjudicielle formée par le Verwaltungsgerichtshof Wien (Cour administrative suprême, Vienne) (Autriche)]

« Espace de liberté, de sécurité et de justice – Frontières, asile et immigration – Détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande d’asile formée par un ressortissant de pays tiers – Critères de détermination de l’État membre responsable de l’examen des demandes de protection internationale – Interprétation des articles 12, 13 et 14 du règlement (UE) no 604/2013 – Interprétation de l’article 5, paragraphe 4, sous c), du règlement (CE) no 562/2006 »






 Introduction

1.        Si l’on examine une carte de l’Europe et que l’on y superpose une carte de l’Union européenne en traçant avec soin les frontières extérieures de l’UE, certaines vérités évidentes s’imposent. Une longue frontière terrestre borde à l’est neuf États membres de l’UE (2). Lorsque l’on pénètre dans les Balkans, la géographie – comme l’histoire – devient un peu compliquée (3). Le point essentiel à souligner ici est qu’un « pont terrestre » mène directement de la Turquie vers l’Union européenne. Au sud du territoire de l’Union européenne se trouve la mer Méditerranée – qui peut être traversée par embarcation de fortune si les conditions de vie dans son propre pays sont suffisamment épouvantables pour qu’une personne puisse être amenée à tenter cette entreprise désespérée. Les points de passage les plus proches conduisent à toucher terre en Grèce, à Malte et en Italie – ou, à la pointe ouest, en Espagne. Les frontières extérieures sud et sud-est de l’Union européenne sont donc potentiellement ouvertes à la migration par voie terrestre (4), tandis que la frontière sud est potentiellement ouverte à la migration par la mer Méditerranée.

2.        La frontière occidentale de l’Union européenne est nettement moins ouverte à la migration. L’ensemble de la frontière occidentale du territoire de l’Union européenne est marqué premièrement par la façade atlantique. Il y a ensuite au nord encore plus d’espaces maritimes – la mer d’Irlande, la Manche, la mer du Nord (5), le Skagerrak (6), le Kattegat et la mer Baltique (7). En plus de la mer Baltique à sa frontière sud, la Suède a une frontière terrestre au nord avec son voisin, la Norvège. La Finlande a quant à elle des frontières tant maritimes (8) que terrestres (9). À l’ouest et au nord, la géographie et le climat s’associent donc pour rendre la migration significativement plus difficile.

3.        Le « système de Dublin » (10) ne reprend pas la carte de l’Europe que je viens de décrire comme point de départ. Il assume plutôt, tacitement, que tous les demandeurs de protection internationale arriveront par la voie aérienne. S’ils le faisaient, il y aurait, du moins en théorie, une plus grande chance que des nombres (très approximativement) équivalents de demandeurs arrivent dans chacun des 28 États membres (11). Dans ce contexte, le système mis en place semble très sensé.

4.        Un autre élément essentiel du système de Dublin est qu’il se concentre sur le demandeur individuel de protection internationale. C’est ce demandeur individuel [tel que défini à l’article 2, sous c), du règlement Dublin III] qui est apprécié à l’aune des critères énoncés au chapitre III afin de déterminer quel État membre est responsable de l’examen de sa demande de protection internationale. L’ensemble du règlement est forgé autour de l’individu. Cette approche est bien entendu correcte. Les êtres humains qui cherchent à obtenir une protection ne sont pas des statistiques ; ils doivent être traités de manière humaine dans le respect de leurs droits fondamentaux. En temps normal, une coordination et une coopération administrative entre les autorités compétentes de différents États membres peut s’avérer nécessaire pour donner effet à l’approche consacrée par le règlement Dublin III, mais cela ne présente pas une difficulté intrinsèque ou insurmontable.

5.        Entre septembre 2015 et mars 2016, les temps étaient toutefois tout sauf normaux.

6.        Voici comment le Vice-président de la Commission européenne a décrit la raison profonde de la migration soudaine et massive vers l’Union européenne :

« Il y a un enfer sur terre. C’est la Syrie. Le fait que des millions de personnes cherchent à fuir cet enfer est compréhensible. Le fait qu’ils cherchent à rester le plus près possible de leur pays est également compréhensible. Il est évident qu’ils tenteront de trouver abri ailleurs si cela n’est pas possible […] De plus en plus de gens fuient. La situation dans les pays voisins n’offre que peu et parfois aucun espoir. Les gens cherchent donc à trouver refuge en Europe [via la Turquie qui abrite elle-même plus de deux millions de réfugiés]. Le problème ne se résoudra pas tout seul. L’afflux de réfugiés ne cessera pas tant que la guerre persistera. Beaucoup doit être fait pour mettre un terme à ce conflit et le monde entier sera impliqué. Dans le même temps, nous devons faire tout ce qui est possible pour gérer le flux de réfugiés, pour offrir aux personnes un endroit sûr où rester, dans la région, dans l’UE, et dans le reste du monde » (12).

7.        Un nombre très important de syriens déplacés a donc rejoint les réseaux existants empruntés par les personnes en route vers l’Union européenne à partir d’autres parties du globe déchirées par la guerre ou frappées par la famine (13): l’Afghanistan et l’Iraq. Les épouvantables tragédies en mer de ces embarcations gonflables surchargées, prenant l’eau et qui ont coulé durant la traversée de la Méditerranée durant les mois de l’été 2015 ont majoritairement concentré l’attention des médias. Il y avait cependant une deuxième route, majeure, de migration par voie terrestre vers l’Union européenne : « la route des Balkans occidentaux ».

8.        Cette route impliquait un périple par voie maritime et/ou terrestre de Turquie en direction de l’ouest vers la Grèce, puis les Balkans occidentaux. Les personnes ont principalement voyagé à travers l’ancienne République yougoslave de Macédoine, la Serbie, la Croatie, la Hongrie et la Slovénie (14). Cette route est devenue pour la première fois une voie de passage populaire pour entrer dans l’Union européenne en 2012 lorsque les restrictions pour les visas Schengen ont été assouplies pour cinq États des Balkans – Albanie, Bosnie-Herzégovine, Monténégro, Serbie et ancienne République yougoslave de Macédoine. Jusqu’au mois de mars 2016, de nombreuses personnes pouvaient ainsi voyager le long d’une unique route importante de Turquie vers la Grèce et ensuite vers le nord à travers les Balkans occidentaux (15).

9.        Les personnes voyageant le long de la route des Balkans occidentaux ne voulaient pas rester dans les pays qu’elles devaient traverser afin d’atteindre leur destination souhaitée. Ces pays ne voulaient pour leur part pas non plus qu’elles restent. Les autorités de l’ancienne République yougoslave de Macédoine et de la Serbie ont fourni des moyens de transport (payés par les personnes les utilisant) (16) et ont autorisé les personnes empruntant cette route à franchir la frontière avec la Croatie, en particulier après la fermeture de la frontière avec la Hongrie. Les autorités croates et slovènes ont également fourni des moyens de transport (cette fois gratuits) et ont autorisé les personnes à franchir leurs frontières respectives vers l’Autriche et l’Allemagne. La politique des États des Balkans occidentaux d’autoriser les ressortissants de pays tiers à entrer sur leur territoire et de fournir des moyens comme le transport pour les amener à la frontière en route vers leur destination souhaitée a été décrite comme une politique de « laisser passer ».

10.      Le 27 mai 2015, la Commission a proposé, entre autres, une décision du Conseil fondée sur l’article 78, paragraphe 3, TFUE pour établir un mécanisme d’urgence afin d’assister principalement l’Italie et la Grèce dans la mesure où il s’agissait en général des premiers États membres d’entrée et qu’ils étaient ainsi confrontés à un afflux soudain de ressortissants de pays tiers. Il s’agissait là de la première proposition de déclencher cette disposition. Le 14 septembre 2015, le Conseil a adopté une décision sur la base de cette proposition (17). Ce faisant, le Conseil a noté que la situation spécifique de la Grèce et de l’Italie avait des implications dans d’autres régions géographiques comme la « route migratoire des Balkans occidentaux » (18). Les objectifs de la décision 2015/1523 comprenaient notamment la relocalisation des demandeurs de protection internationale qui déposaient des demandes d’asile dans l’un de ces pays. Un autre objectif était de permettre une suspension temporaire des règles du règlement Dublin III, et notamment du critère désignant comme responsable de l’examen des demandes de protection internationale l’État membre de première entrée où le demandeur avait franchi la frontière de manière irrégulière à partir d’un État tiers. L’objectif déclaré de la mesure était de relocaliser vers d’autres États membres 40 000 demandeurs dans un délai de deux ans. La décision a été adoptée à l’unanimité.

11.      Une semaine plus tard, le Conseil a adopté une deuxième décision prévoyant un mécanisme de relocalisation de 120 000 ressortissants de pays tiers ayant besoin de protection internationale (19) La décision 2015/1601 a également introduit un système de répartition indiquant comment les ressortissants de pays tiers concernés devaient être distribués entre les États membres (20). Cette décision était politiquement controversée et a été adoptée à la majorité qualifiée (21). Le 25 octobre 2015, une réunion de haut niveau à laquelle ont participé tant des États membres de l’UE que des États tiers (22) s’est tenue sur invitation du président de la Commission. Les participants se sont entendus sur une série de mesures (exposées dans une « déclaration ») afin d’améliorer la coopération et d’établir une consultation entre les pays situés le long de la route des Balkans occidentaux. Ils ont également décidé de mesures (à mettre en œuvre immédiatement) visant à limiter les mouvements secondaires, à fournir des abris aux ressortissants de pays tiers, à gérer les frontières et à lutter contre la traite et le trafic des êtres humains (23). La base juridique précise ainsi que l’effet juridique précis de ces mesures sont incertains (24).

12.      Entre temps, le 21 août 2015, il a été rapporté dans la presse que l’Allemagne aurait « exempté » les ressortissants syriens de l’application du règlement Dublin III (25). En septembre 2015, l’Allemagne a rétabli ses contrôles à la frontière avec l’Autriche après avoir reçu des centaines de milliers de personnes en quelques jours. Elle a supprimé ladite « exemption » en novembre 2015.

13.      Le 15 septembre 2015, la Hongrie a fermé sa frontière avec la Serbie. Une conséquence de cette fermeture a été qu’un flux important de personnes a été redirigé vers la Slovénie. Le 16 octobre 2015, la Hongrie a érigé une clôture le long de sa frontière avec la Croatie. Entre novembre 2015 et février 2016, l’ancienne République yougoslave de Macédoine a érigé une clôture le long de sa frontière avec la Grèce.

14.      À la fin du mois d’octobre 2015, 700 000 personnes avaient voyagé le long de la route des Balkans occidentaux de Grèce vers l’Europe centrale. Les chiffres ont été diversement décrits comme étant « sans précédent », un « afflux massif » et « exceptionnels ». Les statistiques relatives à l’entrée et l’enregistrement varient selon les pays le long de la route. Le nombre approximatif des arrivées quotidiennes en Serbie était de 10 000 (octobre) et de 5 000 (novembre) (26).

15.      Le 11 novembre 2015, la Slovénie a commencé à ériger une clôture le long de sa frontière avec la Croatie. En décembre 2015, l’Autriche a érigé une clôture à son principal poste frontière avec la Slovénie. L’Autriche avait entre-temps temporairement réintroduit des contrôles aux frontières intérieures le 16 septembre 2015.

16.      Le 14 février 2016, l’Autriche a annoncé qu’elle n’acceptait que les personnes provenant d’Afghanistan, d’Iraq et de Syrie. Le 18 février 2016, les chefs de divers services de police ont tenu à Zagreb une réunion au cours de laquelle une déclaration a été adoptée (27). La politique du laisser passer à travers les États des Balkans occidentaux a cessé lorsque l’Autriche a modifié sa politique libérale d’asile (à savoir en février 2016).

17.      En ce qui concerne les autres États, la France a temporairement réintroduit les contrôles aux frontières intérieures entre juillet 2016 et janvier 2017. Le Danemark a introduit une initiative similaire, prolongeant par la suite les contrôles du 4 janvier 2016 au 12 novembre 2016. La Norvège a réintroduit les contrôles aux frontières intérieures du 26 novembre 2015 au 11 février 2017 et la Suède a adopté des mesures de même nature du 12 novembre 2015 au 11 novembre 2016.

18.      Le nombre considérable des personnes qui ont voyagé le long de la route des Balkans occidentaux au cours d’une période relativement courte à la fin de l’année 2015 et au début de l’année 2016, couplé aux difficultés politiques qui en ont découlé, sont communément décrits comme la « crise des réfugiés » ou la « crise humanitaire » dans les Balkans occidentaux. Il s’est agi du plus grand mouvement de masse de personnes à travers l’Europe depuis la Seconde Guerre mondiale. Voici les circonstances totalement exceptionnelles qui forment le contexte des deux présentes demandes de décisions préjudicielles.

 Le droit international

 La convention de Genève

19.      L’article 31, paragraphe 1, de la convention de Genève relative au statut des réfugiés (28) interdit l’imposition de sanctions pénales, du fait de leur entrée ou de leur séjour irréguliers, aux réfugiés qui, arrivant d’un territoire où leur vie ou leur liberté était menacée, entrent ou se trouvent sur leur territoire sans autorisation, sous la réserve qu’ils se présentent sans délai aux autorités et leur exposent des raisons reconnues valables de leur entrée ou présence irrégulières. Conformément à l’article 31, paragraphe 2, les États ne devraient pas appliquer aux déplacements des réfugiés d’autres restrictions que celles qui sont nécessaires. Toute restriction devrait être appliquée seulement en attendant que le statut de ces réfugiés dans le pays d’accueil ait été régularisé ou qu’ils aient réussi à se faire admettre dans un autre. En vue de cette admission les États contractants doivent accorder aux réfugiés un délai raisonnable ainsi que toutes facilités nécessaires.

 La convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales

20.      Aux termes de l’article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (29), nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants.

 Règlementation de l’Union européenne

 La Charte

21.      L’article 4 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (30) correspond à l’article 3 de la CEDH. L’article 18 de la Charte garantit le droit d’asile dans le respect des règles de la convention de Genève.

 Le système de Dublin

 Le règlement Dublin III

22.      Les règles régissant le champ d’application territorial du règlement Dublin III sont complexes. Son prédécesseur, le règlement Dublin II est devenu applicable au Danemark à partir de 2006 en vertu de l’accord entre la Communauté européenne et le Royaume de Danemark concernant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande d’asile présentée par un ressortissant d’un pays tiers au Danemark ou dans tout autre État membre de l’Union européenne et le système « Eurodac » pour la comparaison des empreintes digitales aux fins de l’application efficace de la convention de Dublin (31). Il n’y a pas d’accord correspondant en ce qui concerne le règlement Dublin III. Conformément aux articles 3 et 4bis, paragraphe 1, du protocole no 21 sur la position du Royaume-Uni et de l’Irlande à l’égard de l’espace de liberté, de sécurité et de justice, annexé au TUE et au TFUE, ces États membres ont notifié leur souhait de participer à l’adoption et à l’application du règlement Dublin III. Le règlement s’applique aux autres États membres de l’UE de manière ordinaire et sans réserve.

23.      En vertu de l’accord entre l’Union européenne et la Confédération suisse relatif aux critères et aux mécanismes permettant de déterminer l’État responsable de l’examen d’une demande d’asile introduite dans un État membre ou en Suisse, le règlement Dublin III est applicable dans ce dernier État (32).

24.      Le préambule du règlement Dublin III comporte les déclarations suivantes :

–        Le régime d’asile européen commun (ci-après le « RAEC »), est un élément constitutif de l’objectif de l’Union européenne visant à mettre en place progressivement un espace de liberté, de sécurité et de justice ouvert à ceux qui, poussés par les circonstances, recherchent légitimement une protection dans l’Union européenne. Il est fondé sur l’application intégrale et globale de la convention de Genève. Le RAEC devrait comporter à court terme une méthode claire et opérationnelle pour déterminer l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale (33).

–        Une telle méthode devrait être fondée sur des critères objectifs et équitables tant pour les États membres que pour les personnes concernées. Elle devrait, en particulier, permettre une détermination rapide de l’État membre responsable afin de garantir un accès effectif aux procédures d’octroi d’une protection internationale et ne pas compromettre l’objectif de célérité dans le traitement des demandes de protection internationale (34).

–        Le système de Dublin est la pierre angulaire du RAEC en ce qu’il répartit clairement la responsabilité entre les États membres pour l’examen des demandes de protection internationale (35).

–        Il convient, dans l’application du système de Dublin, de tenir compte des dispositions de l’acquis de l’Union européenne en matière d’asile (36).

–        La protection de l’intérêt supérieur de l’enfant et le respect de la vie familiale devraient être des considérations primordiales lors de l’application du règlement Dublin III (37). Le traitement conjoint des demandes de protection internationale des membres d’une famille par un même État est conforme au respect du principe d’unité de la famille (38).

–        Afin de garantir une protection efficace des droits des personnes concernées, il y a lieu d’instaurer des garanties juridiques et le droit à un recours effectif à l’égard de décisions de transfert vers l’État membre responsable conformément, notamment, à l’article 47 de la Charte. Afin de garantir le respect du droit international, un recours effectif contre de telles décisions devrait porter à la fois sur l’examen de l’application du présent règlement et sur l’examen de la situation en fait et en droit dans l’État membre vers lequel le demandeur est transféré (39).

–        La réalisation progressive d’un espace sans frontières intérieures au sein duquel la libre circulation des personnes est garantie conformément au traité instituant la Communauté européenne, et l’établissement de politiques communautaires concernant les conditions d’entrée et de séjour de ressortissants d’un pays tiers, y compris des efforts communs de gestion des frontières extérieures, rendent nécessaire l’établissement d’un équilibre entre les critères de responsabilité dans un esprit de solidarité (40).

–        Pour ce qui concerne le traitement des personnes qui relèvent du règlement Dublin III, les États membres sont liés par les obligations qui leur incombent en vertu des instruments de droit international, y compris par la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme en la matière (41).

–        Le règlement Dublin III respecte les droits fondamentaux et observe les principes qui sont reconnus notamment, par la Charte (42).

25.      Comme l’indique son article 1er, le règlement Dublin III « établit les critères et les mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride (ci-après dénommé “État membre responsable”) ».

26.      Les définitions suivantes sont énoncées à l’article 2 :

« a)      “ressortissant de pays tiers”, toute personne qui n’est pas un citoyen de l’Union au sens de l’article 20, paragraphe 1, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et qui n’est pas un ressortissant d’un État participant au [règlement Dublin III] en vertu d’un accord avec l’Union européenne ;

b)      “demande de protection internationale”, une demande de protection internationale au sens de l’article 2, point h), de la [directive relative aux conditions] ;

c)      “demandeur”, le ressortissant de pays tiers ou l’apatride ayant présenté une demande de protection internationale sur laquelle il n’a pas encore été statué définitivement ;

d)      “examen d’une demande de protection internationale”, l’ensemble des mesures d’examen, des décisions ou des jugements rendus par les autorités compétentes sur une demande de protection internationale conformément à la [directive procédures] et à la [directive relative aux conditions], à l’exception des procédures de détermination de l’État membre responsable en vertu du [règlement Dublin III] ;

[…]

l)      “titre de séjour”, toute autorisation délivrée par les autorités d’un État membre autorisant le séjour d’un ressortissant de pays tiers ou d’un apatride sur son territoire, y compris les documents matérialisant l’autorisation de se maintenir sur le territoire dans le cadre d’un régime de protection temporaire ou en attendant que prennent fin les circonstances qui font obstacle à l’exécution d’une mesure d’éloignement, à l’exception des visas et des autorisations de séjour délivrés pendant la période nécessaire pour déterminer l’État membre responsable en vertu du présent règlement ou pendant l’examen d’une demande de protection internationale ou d’une demande d’autorisation de séjour ;

m)      “visa”, l’autorisation ou la décision d’un État membre, exigée en vue du transit ou de l’entrée pour un séjour envisagé dans cet État membre ou dans plusieurs États membres. La nature du visa s’apprécie selon les définitions suivantes :

–        “visa de long séjour”, l’autorisation ou la décision délivrée par un des États membres conformément à son droit national ou au droit de l’Union exigée en vue de l’entrée pour un séjour envisagé dans cet État membre pour une durée supérieure à trois mois ;

–        “visa de court séjour”, l’autorisation ou la décision d’un État membre en vue d’un transit ou d’un séjour envisagé sur le territoire d’un, de plusieurs ou de tous les États membres pour une durée n’excédant pas trois mois sur une période de six mois à compter de la date de la première entrée sur le territoire des États membres ;

–        “visa de transit aéroportuaire”, un visa valable pour passer par la zone internationale de transit d’un ou plusieurs aéroports des États membres ;

[…] »

27.      En vertu de l’article 3, paragraphe 1, les États membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l’un quelconque d’entre eux, y compris à la frontière ou dans une zone de transit. La demande est examinée par un seul État membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable.

28.      L’article 3, paragraphe 2, dispose ce qui suit :

« Lorsque aucun État membre responsable ne peut être désigné sur la base des critères énumérés dans le présent règlement, le premier État membre auprès duquel la demande de protection internationale a été introduite est responsable de l’examen.

Lorsqu’il est impossible de transférer un demandeur vers l’État membre initialement désigné comme responsable parce qu’il y a de sérieuses raisons de croire qu’il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d’asile et les conditions d’accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l’article 4 de la [Charte], l’État membre procédant à la détermination de l’État membre responsable poursuit l’examen des critères énoncés au chapitre III afin d’établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable.

Lorsqu’il est impossible de transférer le demandeur en vertu du présent paragraphe vers un État membre désigné sur la base des critères énoncés au chapitre III ou vers le premier État membre auprès duquel la demande a été introduite, l’État membre procédant à la détermination de l’État membre responsable devient l’État membre responsable.»

29.      Les critères de détermination de l’État membre responsable (aux fins de l’article 1er) sont indiqués au chapitre III (ci-après les « critères du chapitre III »). Selon l’article 7, paragraphe 1, les critères de détermination de l’État membre responsable s’appliquent dans l’ordre dans lequel ils sont présentés dans ce chapitre. Aux termes de l’article 7, paragraphe 2, la détermination de l’État membre responsable se fait sur la base de la situation qui existait au moment où le demandeur a introduit sa demande de protection internationale pour la première fois auprès d’un État membre. La hiérarchie est dominée par les critères liés aux mineurs (article 8) et les membres de la famille (articles 9, 10 et 11). Ces critères ne sont pas directement en cause dans les deux procédures au principal (43).

30.      Suit dans la hiérarchie l’article 12 qui pose les conditions pour le critère lié à la délivrance de titres de séjour ou de visas. En vertu de l’article 12, paragraphe 1, si le demandeur est titulaire d’un titre de séjour en cours de validité, l’État membre qui a délivré ce titre est responsable de l’examen de la demande de protection internationale. Aux termes de l’article 12, paragraphe 2, si le demandeur est titulaire d’un visa en cours de validité, l’État membre qui l’a délivré est responsable de l’examen de la demande de protection internationale, sauf si ce visa a été délivré au nom d’un autre État membre en vertu d’un accord de représentation prévu à l’article 8 du règlement (CE) no 810/2009 (44). Dans un tel cas, l’État membre représenté sera responsable de l’examen de la demande de protection internationale.

31.      L’article 13 est intitulé « Entrée et/ou séjour ». L’article 13, paragraphe 1, énonce :

« Lorsqu’il est établi, sur la base de preuves ou d’indices tels qu’ils figurent dans les deux listes mentionnées à l’article 22, paragraphe 3, du présent règlement, notamment des données visées au règlement (UE) no 603/2013 [(45)], que le demandeur a franchi irrégulièrement, par voie terrestre, maritime ou aérienne, la frontière d’un État membre dans lequel il est entré en venant d’un État tiers, cet État membre est responsable de l’examen de la demande de protection internationale. Cette responsabilité prend fin douze mois après la date du franchissement irrégulier de la frontière. »

32.      L’avant-dernier critère, énoncé à l’article 14, concerne l’« entrée sous exemption de visa ». Cet article dispose :

« 1.      Lorsqu’un ressortissant de pays tiers ou un apatride entre sur le territoire d’un État membre dans lequel il est exempté de l’obligation de visa, l’examen de sa demande de protection internationale incombe à cet État membre.

2.      Le principe énoncé au paragraphe 1 ne s’applique pas lorsque le ressortissant de pays tiers ou l’apatride introduit sa demande de protection internationale dans un autre État membre dans lequel il est également exempté de l’obligation d’être en possession d’un visa pour y entrer. Dans ce cas, c’est cet autre État membre qui est responsable de l’examen de la demande de protection internationale. »

33.      Le dernier critère (article 15) concerne les demandes présentées dans une zone de transit international d’un aéroport et est dépourvu de pertinence pour les présentes demandes de décision préjudicielle.

34.      Les États membres jouissent en vertu de l’article 17, paragraphe 1, d’un pouvoir d’appréciation pour déroger à l’article 3, paragraphe 1, du règlement Dublin III et décider d’examiner une demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers même si, en vertu des critères du chapitre III, un tel examen ne relève de la responsabilité de l’État membre concerné.

35.      Le chapitre V contient les dispositions régissant les obligations de l’« État membre responsable ». Dans ce chapitre, l’article 18 énumère certaines obligations dont notamment la prise en charge d’un demandeur qui a déposé une demande dans un autre État membre [article 18, paragraphe 1, sous a)], ou la reprise en charge d’un demandeur dont la demande est en cours d’examen dans un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d’un autre État membre [article 18, paragraphe 1, sous b)].

36.      L’article 20, paragraphe 1, dispose que le processus de détermination de l’État membre responsable doit être engagé dès qu’une demande de protection internationale est introduite pour la première fois auprès d’un État membre. Les demandes de protection internationale sont réputées avoir été introduites à partir du moment où un formulaire présenté par le demandeur ou un procès-verbal dressé par les autorités est parvenu aux autorités compétentes de l’État membre concerné, comme le prévoit l’article 20, paragraphe 2 (46).

37.      En vertu de l’article 21, lorsqu’un État membre auprès duquel une demande de protection internationale a été déposée considère qu’un autre État membre est responsable de l’examen de la demande, il peut requérir ce dernier aux fins de prise en charge dans les plus brefs délais et, en tout état de cause, dans un délai de trois mois après l’introduction de la demande au sens de l’article 20, paragraphe 2. Conformément à l’article 22, paragraphe 1 (47), l’État membre requis procède aux vérifications nécessaires et doit statuer sur la requête aux fins de la prise en charge d’un demandeur dans un délai de deux mois à compter de la réception d’une telle demande. En vertu de l’article 22, paragraphe 7, l’absence de réponse à l’expiration de ce délai équivaut à l’acceptation de la requête (48).

38.      De même, une demande au titre de l’article 23 de reprise en charge d’un demandeur qui introduit une nouvelle demande de protection internationale doit être faite aussi rapidement que possible. En vertu de l’article 25, l’État membre requis doit répondre aussi rapidement que possible – en tout état de cause dans un délai n’excédant pas un mois à compter de la date de réception de la requête. D’après l’article 25, paragraphe 2, l’absence de réponse est traitée comme une acceptation de la requête.

39.      Certaines garanties procédurales sont posées aux articles 26 et 27. L’article 26 dispose que lorsque l’État membre requis accepte de prendre en charge ou de reprendre en charge un demandeur, l’État membre requérant doit notifier à la personne concernée la décision de la transférer vers l’État membre responsable. Cette décision doit contenir des informations concernant les voies de recours disponibles.

40.      Aux termes de l’article 27, paragraphe 1, les demandeurs disposent d’un droit de recours effectif, sous la forme d’un recours contre la décision de transfert ou d’une révision, en fait et en droit, de cette décision devant une juridiction.

41.      L’article 29 dispose ce qui suit :

« 1.      Le transfert du demandeur ou d’une autre personne visée à l’article 18, paragraphe 1, point c) ou d), de l’État membre requérant vers l’État membre responsable s’effectue conformément au droit national de l’État membre requérant, après concertation entre les États membres concernés, dès qu’il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l’acceptation par un autre État membre de la requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l’effet suspensif est accordé conformément à l’article 27, paragraphe 3.

[…]

2.      Si le transfert n’est pas exécuté dans le délai de six mois, l’État membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l’État membre requérant. Ce délai peut être porté à un an au maximum s’il n’a pas pu être procédé au transfert en raison d’un emprisonnement de la personne concernée ou à dix-huit mois au maximum si la personne concernée prend la fuite.

[…] » (49)

42.      L’article 33 est intitulé « Mécanisme d’alerte rapide, de préparation et de gestion de crise ». D’après l’article 33, paragraphe 1, « [l]orsque, sur la base notamment des informations recueillies par le [Bureau européen d’appui en matière d’asile – “BEAA”] en vertu du règlement (UE) no 439/2010 [(50)], la Commission établit que l’application du présent règlement peut être compromise soit en raison d’un risque sérieux de pression particulière exercée sur le régime d’asile d’un État membre et/ou en raison de problèmes de fonctionnement du régime d’asile d’un État membre, elle adresse, en coopération avec le BEAA, des recommandations à cet État membre en l’invitant à élaborer un plan d’action préventif.

[…] »

 Règles mettant en œuvre le règlement Dublin III

43.      Le règlement (UE) no 603/2013 (51) a établi le système Eurodac. Son objectif est d’aider à déterminer l’État membre responsable, en vertu du règlement Dublin III, de l’examen d’une demande de protection internationale déposée dans un État membre par un ressortissant de pays tiers.

44.      L’annexe II du règlement d’exécution (UE) no 118/2014 de la Commission posant des règles détaillées pour l’application du règlement Dublin III (52) contient deux listes indiquant les moyens de preuve permettant de déterminer l’État membre responsable aux fins du règlement Dublin III. La liste « A » fait référence à la preuve formelle qui détermine la responsabilité tant qu’elle n’est pas réfutée par la preuve du contraire. La liste « B » fait référence aux indices : des éléments qui bien que réfutables pourraient être suffisants dans certaines circonstances pour déterminer la responsabilité.

 Schengen

45.      Sous une forme ou une autre, la libre circulation entre les nations européennes a été une réalité depuis le Moyen Âge (53). L’accord de Schengen, signé le 14 juin 1985, couvrait la suppression progressive des frontières intérieures et prévoyait le contrôle des frontières extérieures des États signataires. Le 19 juin 1990, la convention d’application de l’accord de Schengen a été signée (54). La convention couvrait des questions comme l’organisation et la gestion des contrôles de la frontière extérieure ainsi que la suppression des contrôles aux frontières intérieures, les procédures de délivrance d’un visa uniforme et l’exploitation d’une base de données unique pour tous les membres (le système d’information Schengen, « SIS »), et établissait un moyen de coopération entre les services d’immigration des membres. Ces questions ont été intégrées dans le cadre de l’acquis de l’UE par le traité d’Amsterdam. Tous les 28 États membres de l’UE ne participent pas pleinement à l’acquis de Schengen (55). Il existe des arrangements particuliers pour l’Irlande et le Royaume-Uni (56).

 Le code frontières Schengen

46.      Les considérants du code frontières Schengen (57) contiennent les déclarations pertinentes suivantes. La création d’un espace dans lequel les personnes peuvent circuler librement doit être accompagnée d’autres mesures comme une politique commune sur le franchissement des frontières extérieures (58). À cet égard, l’établissement d’un « corpus commun » de législation est l’un des éléments fondamentaux de la politique commune de gestion des frontières extérieures (59). Le contrôle aux frontières n’existe pas seulement dans l’intérêt de l’État membre aux frontières extérieures duquel il s’exerce, mais dans l’intérêt de l’ensemble des États membres ayant aboli les contrôles à leurs frontières intérieures.

47.      Les considérants poursuivent en affirmant que les contrôles aux frontières devraient contribuer à la lutte contre l’immigration illégale et la traite des êtres humains ainsi qu’à la prévention de toute menace sur la sécurité intérieure, l’ordre public, la santé publique et les relations internationales des États membres (60). Les contrôles aux frontières devraient être effectués de façon professionnelle et respectueuse et être proportionnés aux objectifs poursuivis (61). Ils comprennent non seulement l’inspection des personnes aux postes frontières et la surveillance entre ces postes frontières, mais également une analyse des risques pour la sécurité intérieure ainsi qu’une analyse des menaces qui pourraient affecter la sécurité des frontières extérieures. Il convient donc d’établir les conditions, les critères ainsi que les règles détaillées régissant à la fois les vérifications aux points de passage frontaliers et la surveillance (62). Il devrait être prévu d’assouplir les contrôles aux frontières extérieures en cas de circonstances exceptionnelles et imprévisibles afin d’éviter des temps d’attente excessifs aux points de passage frontaliers. Néanmoins, même si les contrôles aux frontières sont assouplis, les documents des ressortissants de pays tiers doivent obligatoirement se voir apposer un cachet. L’apposition du cachet permet d’établir avec certitude la date et le lieu du franchissement de la frontière, sans qu’il soit établi dans tous les cas que toutes les mesures de contrôle des documents de voyage requises ont été effectuées (63).

48.      L’article 1er, dans les faits, expose un double objectif pour le code frontières Schengen. Premièrement, il prévoit l’absence de contrôles aux frontières des personnes franchissant les frontières entre deux États membres participants. Deuxièmement, il établit des règles régissant les contrôles aux frontières des personnes franchissant la frontière extérieure des États membres de l’UE.

49.      L’article 2 expose les définitions suivantes :

« […]

2)      “frontières extérieures” : les frontières terrestres des États membres, y compris les frontières fluviales et lacustres, les frontières maritimes, ainsi que leurs aéroports, ports fluviaux, ports maritimes et ports lacustres, pour autant qu’ils ne soient pas des frontières intérieures ;

[…]

5)      “personnes jouissant du droit à la libre circulation au titre du droit de l’Union” :

a)      les citoyens de l’Union, au sens de l’[article 20, paragraphe 1], du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, ainsi que les ressortissants de pays tiers membres de la famille d’un citoyen de l’Union exerçant son droit à la libre circulation, auxquels s’applique la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil [(64);

b)      les ressortissants de pays tiers et les membres de leur famille, quelle que soit leur nationalité, qui, en vertu d’accords conclus entre l’Union et ses États membres, d’une part, et ces pays tiers, d’autre part, jouissent de droits en matière de libre circulation équivalents à ceux des citoyens de l’Union ;

6)      “ressortissant de pays tiers” : toute personne qui n’est pas citoyen de l’Union au sens de l’article 20, paragraphe 1, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et qui n’est pas visée par le point 5) [de l’article 2] ;

7)      “personne signalée aux fins de non-admission” : tout ressortissant de pays tiers signalé dans le système d’information Schengen (SIS) conformément à l’article 96 de la [CAAS] ;

8)      “point de passage frontalier” : tout point de passage autorisé par les autorités compétentes pour le franchissement des frontières extérieures ;

[…]

9)      “contrôle aux frontières” : les activités effectuées aux frontières, conformément au présent règlement et aux fins de celui-ci, en réponse exclusivement à l’intention de franchir une frontière ou à son franchissement indépendamment de toute autre considération, consistant en des vérifications aux frontières et en une surveillance des frontières ;

10)      “vérifications aux frontières” : les vérifications effectuées aux points de passage frontaliers afin de s’assurer que les personnes, y compris leurs moyens de transport et les objets en leur possession, peuvent être autorisés à entrer sur le territoire des États membres ou à le quitter ;

11)      “surveillance des frontières” : la surveillance des frontières entre les points de passage frontaliers et la surveillance des points de passage frontaliers en dehors des heures d’ouverture fixées, en vue d’empêcher les personnes de se soustraire aux vérifications aux frontières ;

[…]

13)      “garde-frontière” : tout agent public affecté, conformément au droit national, soit à un point de passage frontalier, soit le long de la frontière ou à proximité immédiate de cette dernière et qui exerce, conformément au présent règlement et au droit national, des fonctions de contrôle aux frontières ;

[…]

15)      “titre de séjour” :

a)      tous les titres de séjour délivrés par les États membres selon le format uniforme prévu par le règlement (CE) no 1030/2002 du Conseil [(65)] ainsi que les cartes de séjour délivrées conformément à la directive 2004/38/CE ;

b)      tous les autres documents délivrés par un État membre aux ressortissants de pays tiers et leur autorisant le séjour sur son territoire qui ont fait l’objet d’une notification puis d’une publication conformément à l’article 34, à l’exception des documents suivants :

(i)      titres temporaires délivrés dans l’attente de l’examen d’une première demande de titre de séjour tel que visé au point a) ou de l’examen d’une demande d’asile ; et

(ii)      visas délivrés par les États membres selon le format uniforme prévu par le règlement (CE) no 1683/95 du Conseil ;

[…] [(66)] »

50.      En vertu de son article 3, le code frontières Schengen couvre « toute personne franchissant les frontières intérieures ou extérieures d’un État membre, sans préjudice a) des droits des personnes jouissant du droit à la libre circulation au titre du droit de l’Union ; et b) des droits des réfugiés et des personnes demandant une protection internationale, notamment en ce qui concerne le non-refoulement ».

51.      Aux termes de l’article 3 bis, les États membres doivent agir dans le plein respect du droit de l’Union pertinent, dont notamment la Charte, la convention de Genève et les droits fondamentaux dans l’application de ce règlement. Cela recouvre l’obligation de prendre les décisions à titre individuel.

52.      L’article 5 est intitulé « Conditions d’entrée pour les ressortissants de pays tiers ». En vertu de l’article 5, paragraphe 1, les conditions pour une personne dont le séjour prévu est d’une durée n’excédant pas 90 jours sur toute période de 180 jours (67) sont les suivantes : a) être en possession d’un document de voyage en cours de validité autorisant son titulaire à franchir la frontière ; b) être en possession d’un visa en cours de validité ; c) justifier l’objet et les conditions du séjour envisagé, et disposer de moyens de subsistance suffisants, tant pour la durée du séjour envisagé que pour le retour dans le pays d’origine ou le transit vers un pays tiers dans lequel l’admission est garantie, ou être en mesure d’acquérir légalement ces moyens ; d) ne pas être signalé aux fins de non-admission dans le SIS ; et e) ne pas être considéré, entre autres, comme constituant une menace pour l’ordre public ou la sécurité intérieure (68).

53.      Par dérogation à ces exigences, l’article 5, paragraphe 4, sous c), dispose que « les ressortissants de pays tiers qui ne remplissent pas une ou plusieurs conditions énoncées au paragraphe 1 peuvent être autorisés par un État membre à entrer sur son territoire pour des motifs humanitaires ou d’intérêt national ou en raison d’obligations internationales. Lorsque le ressortissant de pays tiers concerné fait l’objet d’un signalement visé au paragraphe 1, point d), l’État membre qui autorise son entrée sur son territoire en informe les autres États membres ».

54.      L’article 8 autorise les gardes-frontières à assouplir, dans des circonstances exceptionnelles et imprévues, les contrôles qui doivent être effectués aux frontières extérieures. Ces circonstances exceptionnelles et imprévues sont supposées se présenter lorsque des évènements imprévisibles entraînent une telle intensité du trafic que celle-ci rend excessif le délai d’attente au point de passage frontalier, alors que toutes les ressources en personnel, en moyens et en organisation ont été épuisées.

55.      L’article 8, paragraphe 3, dispose cependant que même en cas d’assouplissement des contrôles, le garde-frontière doit apposer un cachet sur les documents de voyage des ressortissants de pays tiers à l’entrée et à la sortie, conformément à l’article 10, paragraphe 1, en vertu duquel un cachet est systématiquement apposé sur les documents de voyage des ressortissants de pays tiers à l’entrée et à la sortie. Les cachets doivent être apposés : a) sur les documents, revêtus d’un visa en cours de validité, permettant aux ressortissants de pays tiers de franchir la frontière ; b) sur les documents permettant aux ressortissants de pays tiers auxquels un visa est délivré à la frontière par un État membre de franchir la frontière ; et c) sur les documents permettant aux ressortissants de pays tiers qui ne sont pas soumis à l’obligation de visa de franchir la frontière.

56.      Aux termes de l’article 13, l’entrée sur le territoire des États membres est refusée au ressortissant de pays tiers qui ne remplit pas l’ensemble des conditions d’entrée, telles qu’énoncées à l’article 5, paragraphe 1, et qui n’appartient pas à l’une des catégories de personnes visées à l’article 5, paragraphe 4. Cette disposition est sans préjudice de l’application des dispositions particulières relatives au droit d’asile et à la protection internationale ou à la délivrance de visas de long séjour.

 Le SIS

57.      Le SIS est en substance un système d’information qui soutient les activités de contrôle des frontières extérieures et de coopération policière dans les États participant au code frontières Schengen (ci-après les « États Schengen »). Son objectif principal est d’aider à préserver la sécurité intérieure dans ces États en l’absence de contrôles aux frontières intérieures (69). Cet objectif est assuré, entre autres, par le biais d’une procédure de recherche automatisée qui donne accès aux signalements de personnes aux fins des contrôles aux frontières. En ce qui concerne les ressortissants de pays tiers (c’est-à-dire de personnes qui ne sont ni citoyens de l’UE ni ressortissants d’un pays tiers jouissant, en vertu d’accords entre l’Union européenne et ses États membres, d’une part, et le pays en question, d’autre part, de droits de libre circulation équivalents à ceux des citoyens de l’UE) (70) les États membres doivent procéder à un signalement dans le SIS lorsqu’une autorité compétente ou une juridiction adopte une décision refusant l’entrée ou le séjour, en raison de la menace pour l’ordre public, la sécurité publique ou la sécurité nationale que constitue la présence de cet individu (71). Les signalements peuvent également être effectués lorsque de telles décisions sont fondées sur le fait que le ressortissant de pays tiers a fait l’objet d’une mesure impliquant l’expulsion, le renvoi ou l’éloignement qui n’a pas été abrogée ou suspendue (72).

 Règlement (CE) no 1683/95

58.      Le règlement (CE) no 1683/95 du Conseil (73) établit un modèle type (vignette adhésive) pour les visas délivrés par les États membres qui doivent être conformes aux spécifications figurant dans l’annexe. Ces spécifications couvrent les « dispositifs de sécurité » comme une photographie intégrée, une marque optique variable, un logo de l’État membre de délivrance, le terme « visa » et un numéro national à neuf chiffres.

 Règlement (CE) no 539/2001

59.      L’annexe I du règlement (CE) no 539/2001 énumère les États tiers dont les ressortissants doivent être en possession de visas lorsqu’ils franchissent les frontières extérieures et ceux dont les ressortissants sont exemptés de cette obligation (74). Cette obligation existe sans préjudice de l’accord européen relatif à la suppression des visas pour les réfugiés (75). Les ressortissants des États tiers énumérés dans l’annexe II sont exemptés de l’obligation pour les visas de courte durée. Les États membres sont également autorisés à prévoir des exceptions à l’obligation de visas pour certaines catégories limitées de personnes (76).

 Système d’information sur les visas

60.      Le système d’information sur les visas (ci-après le « VIS ») a été créé par la décision du Conseil 2004/512/CE (77). En vertu de l’article 1er du règlement (CE) no 767/2008 (78), le VIS permet aux États Schengen d’échanger des données sur les demandes de visas de courte durée et sur les décisions y relatives. L’article 2, sous f), dispose que les objectifs du VIS consistent également à faciliter l’application du règlement Dublin II. Conformément à l’article 4, un « visa » est défini par référence à la CAAS. Une vignette visa fait référence au modèle type pour les visas tel que défini dans le règlement no 1683/95. L’expression « document de voyage » signifie un passeport ou un document équivalent autorisant son titulaire à franchir les frontières extérieures et pouvant revêtir un visa.

61.      L’article 21 dispose qu’à la seule fin de déterminer l’État membre responsable de l’examen d’une demande d’asile lorsque cela implique de déterminer si un État membre a délivré un visa ou si le demandeur de protection internationale a « franchi de manière irrégulière la frontière d’un État membre » (en vertu de ce que sont désormais les articles 12 et 13 du règlement Dublin III respectivement), les autorités compétentes doivent pouvoir faire des recherches dans les bases de données à l’aide des empreintes digitales du demandeur d’asile concerné.

 Règlement no 810/2009

62.      Ainsi que l’indique l’article 1er, paragraphe 1, du règlement no 810/2009, ce texte fixe les procédures et les conditions de délivrance des visas pour les transits ou les séjours prévus sur le territoire des États membres d’une durée maximale de 90 jours sur toute période de 180 jours. Les exigences s’appliquent à tout ressortissant de pays tiers qui doit être en possession d’un visa en cours de validité lorsqu’il franchit les frontières extérieures d’un État membre.

63.      L’article 2 définit un ressortissant de pays tiers comme une personne qui n’est pas un citoyen de l’UE. Un visa est une autorisation accordée par un État membre en vue du transit ou du séjour prévu sur le territoire des États membres, pour une durée totale n’excédant pas trois mois sur une période de six mois à compter de la date de la première entrée sur le territoire des États membres ou le passage par la zone internationale de transit des aéroports des États membres. Une « vignette visa » est le modèle type de visa tel qu’il est défini par le règlement no 1683/95. Les documents de voyage reconnus sont les documents reconnus par un ou plusieurs États membres aux fins de l’apposition d’un visa (79).

 La directive procédures

64.      Ainsi que le titre le suggère, la directive procédures fixe des procédures communes pour l’octroi et le retrait de la protection internationale en application de la directive relative aux conditions. L’article 3 dispose que la directive s’applique à toutes les demandes présentées sur le territoire de l’Union européenne.

65.      Conformément à l’article 31, les États membres doivent assurer que les demandes de protection internationale seront traitées conformément à la procédure d’examen énoncée dans la directive dans les meilleurs délais (80). La règle générale est que la procédure d’examen devrait être conclue dans un délai de six mois après le dépôt d’une demande. Toutefois, lorsque les demandes sont soumises à la procédure définie dans le règlement Dublin III, le délai de six mois commence à courir à compter du moment où l’État membre responsable de l’examen de la demande de l’individu est déterminé en vertu de ce règlement (81). Les États membres peuvent prévoir que la procédure d’examen doit être accélérée et/ou conduite à la frontière ou dans les zones de transit si, notamment, un demandeur entre de manière « irrégulière » sur le territoire de l’État membre concerné ou s’il refuse que ses empreintes digitales ne soient prises conformément au règlement Eurodac (82).

 La directive retour

66.      Aux termes de l’article 1er de la directive 2008/115/CE (83), celle-ci fixe les normes et procédures communes à appliquer dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, conformément aux droits fondamentaux en tant que principes généraux du droit communautaire ainsi qu’au droit international, y compris aux obligations en matière de protection des réfugiés et de droits de l’homme.

67.      L’article 2 prévoit que la directive s’applique aux ressortissants de pays tiers qui résident de manière irrégulière sur le territoire d’un État membre. Les États membres peuvent décider de ne pas appliquer la directive aux ressortissants de pays tiers qui font l’objet d’un refus d’entrée sur le territoire conformément à l’article 13 du code frontières Schengen ou qui sont arrêtés ou interceptés par les autorités compétentes à l’occasion du franchissement irrégulier par voie terrestre, maritime ou aérienne de la frontière extérieure d’un État membre et qui n’ont pas obtenu par la suite l’autorisation ou le droit de séjourner dans ledit État membre.

68.      Conformément à l’article 3, un ressortissant de pays tiers est toute personne qui n’est, ni un citoyen de l’UE, ni une personne jouissant du droit communautaire à la libre circulation, telle que définie à l’article 2, point 5), du code frontières Schengen. L’expression « séjour irrégulier » est définie comme « la présence sur le territoire d’un État membre d’un ressortissant d’un pays tiers qui ne remplit pas, ou ne remplit plus, les conditions d’entrée énoncées à l’article 5 du code frontières Schengen, ou d’autres conditions d’entrée, de séjour ou de résidence dans cet État membre » (84).

 Les demandes de décision préjudicielle

69.      Dans les deux demandes de décision préjudicielle en cause en l’espèce, il est demandé à la Cour de fournir des orientations pour l’interprétation du règlement Dublin III et du code frontières Schengen. A.S. (85) est un renvoi préjudiciel du Vrhovno sodišče Republike Slovenije (Cour suprême de la République de Slovénie). Jafari (86) a fait l’objet d’un renvoi du Verwaltungsgerichtshof Wien (Cour administrative supérieure, Vienne) (Autriche).

70.      Les questions soulevées par les deux juridictions de renvoi sont liées et se recoupent en grande partie. C’est la raison pour laquelle j’examinerai ces deux affaires dans le cadre des mêmes conclusions. J’utiliserai le terme de « migration » de manière générique pour décrire l’afflux de ressortissants de pays tiers entre septembre 2015 et mars 2016 (« l’époque des faits »). Sont arrivés à ce moment tant des réfugiés ou des personnes qui entendaient demander la protection internationale au sein de l’Union européenne que des migrants dans le sens plus général du terme (87).

 L’affaire C‑490/16 A.S.

 Les faits, la procédure et les questions préjudicielles

71.      La juridiction de renvoi indique que M. A.S., un ressortissant syrien, a quitté la Syrie pour le Liban et, de là, s’est rendu en Turquie, puis en Grèce, dans l’ancienne République yougoslave de Macédoine, en Serbie, en Croatie et en Slovénie. Il est constant entre les parties qu’il a traversé la Serbie de manière organisée en empruntant ce qui est décrit comme le « train de migrants », qu’il est entré en Croatie à partir de la Serbie et que, au point de passage désigné de la frontière nationale, il a été accompagné par les autorités nationales serbes. Il a été remis aux autorités nationales croates de contrôle des frontières. Ces dernières ne l’ont pas empêché d’entrer en Croatie, n’ont pas engagé à son encontre de procédure d’éloignement du territoire croate et n’ont pas vérifié s’il remplissait les conditions d’entrée régulière sur le territoire croate. Les autorités croates ont au contraire organisé son transport jusqu’à la frontière nationale slovène.

72.      Le 20 février 2016, M. A.S est entré en Slovénie avec le flux de personnes à bord du « train de migrants » au poste frontière de Dobova où il a été enregistré. Le jour suivant (le 21 février 2016), avec d’autres ressortissants de pays tiers traversant les Balkans occidentaux, il a été remis, à la frontière slovène avec l’Autriche, aux autorités de sécurité autrichiennes qui l’ont renvoyé en Slovénie. Le 23 février 2016, M. A. S. a introduit une demande de protection internationales auprès des autorités slovènes. Le même jour, les autorités slovènes ont adressé une lettre aux autorités croates conformément à l’article 2, paragraphe 1, de l’accord entre les deux États concernant l’extradition et le retour des personnes qui sont entrées ou qui ont séjourné de manière irrégulière sur le territoire slovène (un accord international). La Slovénie a demandé à la Croatie de reprendre en charge 66 personnes dont M. A. S. faisait partie. Par lettre du 25 février 2016, les autorités croates ont confirmé qu’elles reprendraient en charge ces personnes. Une demande formelle de reprise en charge au titre du règlement Dublin III a été présentée par la Slovénie le 19 mars 2016. Le 18 mai 2016, les autorités croates ont confirmé qu’elles acceptaient que la Croatie était l’État membre responsable.

73.      Par décision du 14 juin 2016, le ministère de l’intérieur slovène (ci-après le « ministère slovène ») a informé M. A. S. que sa demande de protection internationale ne serait pas examinée par la Slovénie et qu’il serait remis à la Croatie en tant qu’État membre responsable (ci‑après la « décision du ministère slovène »).

74.      Cette décision était fondée sur le critère énoncé à l’article 13, paragraphe 1, du règlement Dublin III. Conformément à cette disposition, lorsqu’un ressortissant de pays tiers a franchi irrégulièrement la frontière d’un État membre, cet État est responsable de l’examen d’une demande de protection internationale. Il est établi sur la base de preuves et d’indices, tels que décrits dans les deux listes mentionnées dans l’annexe II au règlement d’application de Dublin qui inclut toute donnée disponible dans Eurodac, si dans un cas particulier la frontière a été franchie irrégulièrement.

75.      Le ministère slovène était d’avis que M. A. S. était entré irrégulièrement en Croatie au cours du mois de février 2016. Il a également tenu compte du fait que le 18 mai 2016, les autorités croates ont répondu positivement à la demande des autorités slovènes de prendre en charge la demande de M. A. S. au titre du règlement Dublin III sur la base du critère énoncé à l’article 13, paragraphe 1, de ce règlement en ce sens que la Croatie est l’État membre compétent pour examiner la demande de M. A.S (88). Le système Eurodac n’a pas fourni de résultat positif en Croatie pour M. A.S., mais ce fait n’est pas décisif pour l’interprétation de l’article 13, paragraphe 1, du règlement Dublin III. L’action des autorités nationales, lorsque des personnes du « train de migrants » ont franchi la frontière nationale pour entrer en Croatie, avait été la même que dans les cas où les migrants avaient été enregistrés dans le système Eurodac.

76.      Le 27 juin 2016, M. A. S. a contesté cette décision devant le Upravno sodišče (tribunal de première instance) au motif que le critère de l’article 13, paragraphe 1, avait été mal appliqué. Le comportement des autorités publiques croates devrait être interprété en ce sens qu’il serait entré régulièrement en Croatie.

77.      Le 4 juillet 2016, ce recours a été rejeté, mais M. A. S. a néanmoins obtenu la suspension de la décision du ministère.

78.      Il a formé recours contre la décision de première instance auprès de la juridiction de renvoi le 7 juillet 2016. Cette dernière estime que, afin de déterminer quel État membre est responsable de l’examen de la demande de protection internationale de M. A.S., elle a besoin d’éclaircissements sur l’interprétation de la condition énoncée à l’article 13, paragraphe 1, du règlement Dublin III que « le demandeur a franchi irrégulièrement […] la frontière d’un État membre ». La juridiction de renvoi souhaiterait en particulier savoir si les termes « franchi irrégulièrement » devraient être interprétés de manière autonome ou en conjonction avec l’article 3, paragraphe 2, de la directive retour et l’article 5 du code frontières Schengen. La juridiction de renvoi souhaite également voir préciser si le fait que M. A. S. a franchi la frontière de Serbie vers la Croatie sous le contrôle des autorités croates, bien qu’il ne remplisse pas les conditions de l’article 5, paragraphe 1, du code frontières Schengen (parce qu’il n’était pas en possession des documents nécessaires comme un visa en cours de validité), est pertinent pour déterminer si son entrée sur le territoire de l’UE était irrégulière.

79.      La juridiction de renvoi cherche par ailleurs à obtenir des précisions sur l’application de certains aspects procéduraux du règlement Dublin III, notamment si le droit de M. A. S. à un recours effectif en vertu de l’article 27 de ce règlement couvre l’appréciation en droit de la manière dont les termes d’entrée « irrégulière » ou « illégale » dans un État membre à l’article 13, paragraphe 1, doivent être appliqués. Si la réponse à cette question est positive, il doit alors être établi comment s’appliquent les délais posés à l’article 13, paragraphe 1, et à l’article 29, paragraphe 2, du règlement Dublin III. La juridiction de renvoi souhaiterait en substance savoir si les délais continuent à courir lorsqu’un recours est formé en application de l’article 27, paragraphe 1, et en particulier lorsqu’un transfert a été exclu en vertu de l’article 27, paragraphe 3.

80.      Le 13 septembre 2016, la juridiction de renvoi a donc déféré les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      La protection juridictionnelle au titre de l’article 27 du [règlement Dublin III] concerne-t-elle également l’interprétation des conditions du critère au titre de l’article 13, paragraphe 1, lorsqu’il en va d’une décision qu’un État membre n’examinera pas la demande de protection internationale, qu’un autre État membre a déjà assumé la responsabilité pour l’examen de la demande du demandeur sur la même base et lorsque le demandeur le conteste ?

2)      Convient-il d’interpréter la condition du franchissement irrégulier au titre de l’article 13, paragraphe 1, du [règlement Dublin III] de manière indépendante et autonome ou bien en combinaison avec l’article 3, point 2), de la [directive retour] et l’article 5 du code frontières Schengen qui définissent le franchissement irrégulier de la frontière et cette interprétation doit-elle être appliquée à l’égard de l’article 13, paragraphe 1, de [ce règlement] ?

3)      Vue la réponse à la deuxième question, convient-il d’interpréter la notion de franchissement irrégulier au titre de l’article 13, paragraphe 1, du [règlement Dublin III] dans les circonstances de la présente affaire en ce sens qu’il n’y a pas de franchissement irrégulier de la frontière lorsque les autorités publiques d’un État membre organisent le franchissement de la frontière dans le but d’un transit vers un autre État membre de l’UE ?

4)      Dans l’hypothèse où la réponse à la troisième question serait positive, convient-il par voie de conséquence d’interpréter l’article 13, paragraphe 1, du [règlement Dublin III] en ce sens qu’il interdit le renvoi d’un ressortissant d’un État tiers vers l’État [membre] où il est initialement entré sur le territoire de l’UE ?

5)      Convient-il d’interpréter l’article 27 du [règlement Dublin III] en ce sens que les délais de l’article 13, paragraphe 1 et de l’article 29, paragraphe 2, ne courent pas lorsque le demandeur exerce le droit à la protection juridictionnelle, a fortiori lorsque cela implique aussi une question préjudicielle ou lorsque la juridiction nationale attend la réponse de la [Cour] à une telle question qui a été posée dans une autre affaire ? À titre subsidiaire, les délais courraient-ils dans un tel cas, l’État membre responsable n’ayant cependant pas le droit de rejeter l’accueil ? »

 La procédure devant la Cour

81.      La juridiction de renvoi a demandé à la Cour d’appliquer la procédure préjudicielle d’urgence. La Cour a rejeté cette demande par ordonnance du 27 septembre 2016. L’affaire a néanmoins reçu par la suite un traitement prioritaire par décision du 22 décembre 2016 dans la mesure où elle soulève des questions communes à l’affaire C‑646/16 Jafari qui fait l’objet d’une procédure accélérée.

82.      Des observations écrites ont été présentées par M. A.S., la Grèce, la Hongrie, la Slovénie, le Royaume-Uni et la Suisse ainsi que par la Commission européenne. Compte tenu des similitudes avec l’affaire C‑646/16, Jafari, la Cour a décidé d’organiser une audience commune pour les deux affaires (89).

 Affaire C646/16 Jafari

 Les faits, la procédure et les questions préjudicielles

83.      Mme Khadija Jafari et Mme Zainab Jafari sont ressortissantes afghanes. Elles sont sœurs. Mme Khadija Jafari a un fils né en 2014 et Mme Zainab Jafari a deux filles nées respectivement en 2011 et 2007. Ces enfants sont eux aussi ressortissants afghans.

84.      Les deux sœurs, accompagnées de leurs enfants (ci-après les « familles Jafari »), ont fui l’Afghanistan parce que leurs maris respectifs avaient été saisis par les talibans et sommés de se battre dans l’armée talibane. Ces derniers s’y sont refusés et ont été tués par les talibans. Les beaux-pères respectifs des sœurs Jafari ont alors séquestré les deux femmes : le premier considérait que garder sa belle-fille séquestrée était approprié pour des raisons religieuses ; l’autre estimait qu’il serait plus sûr pour sa belle-fille d’être enfermée. Le père des sœurs Jafari a réussi à organiser leur fuite d’Afghanistan. Les sœurs craignent que si elles devaient retourner en Afghanistan elles seraient de nouveau séquestrées par leurs familles respectives et elles risquent aussi d’être lapidées à mort.

85.      Les familles Jafari ont quitté l’Afghanistan au cours du mois de décembre 2015. Avec l’aide d’un « passeur », elles ont d’abord voyagé via l’Iran (où elles ont séjourné trois mois), à travers la Turquie (où elles ont passé environ 20 jours) vers la Grèce (où elles sont restées 3 jours). Les autorités grecques ont relevé les données biométriques de Mme Zainab Jafari et ont transmis ses empreintes digitales par le biais de Eurodac. Les familles Jafari ont alors voyagé à travers l’ancienne République yougoslave de Macédoine, la Serbie, la Croatie et la Slovénie avant d’atteindre enfin l’Autriche. Il ne s’est pas écoulé plus de cinq jours entre leur départ de Grèce et leur nouvelle entrée sur le territoire de l’UE.

86.      À compter du 18 novembre 2015, la Croatie a commencé à filtrer les arrivées de ressortissants de pays tiers. Elle n’a autorisé que les personnes venant d’Afghanistan, d’Iraq et de Syrie – qui rempliraient probablement les conditions pour se voir reconnaitre le statut de réfugiés – à traverser son territoire. Les familles Jafari satisfaisaient aux conditions de ce test. En Croatie, elles ont demandé à avoir accès à un docteur pour traiter l’une des filles de Mme Zainab Jafari. Aucune assistance n’a été apportée. Elles ont attendu un bus pendant une heure avant qu’on ne leur fasse ensuite franchir la frontière avec la Slovénie.

87.      Le 15 février 2016, les autorités compétentes en Slovénie ont établi un document enregistrant les données personnelles des familles Jafari. Ce document indiquait « NEMČIJA/DEU » (« destination Allemagne ») pour Mme Zainab Jafari. Pour Mme Khadija Jafari, les lettres « DEU » avaient été rayées manuellement et remplacées par « AUT » à la main (ainsi « NEMČIJA/AUT » « destination Autriche ») (90). Le même jour, les sœurs ont franchi ensemble la frontière autrichienne et ont déposé pour elles-mêmes et leurs enfants leurs demandes de protection internationale dans cet État. Les autorités autrichiennes affirment que les sœurs avaient initialement indiqué vouloir se rendre en Suède, ce qui est néanmoins contesté par les sœurs.

88.      L’autorité autrichienne compétente [l’Office fédéral pour l’immigration et l’asile (Bundesamt für Fremdenwesen und Asyl), ci–après l’« Office fédéral » ou le « BFA »)] n’a pas vérifié les déclarations des sœurs quant à leur fuite d’Afghanistan parce qu’elle a considéré que la Croatie était l’État membre responsable de l’examen de leur demande de protection internationale. Après avoir d’abord contacté les autorités slovènes, le BFA a, par lettre du 16 avril 2016, demandé à l’autorité compétente croate de prendre en charge les sœurs et leurs enfants conformément à l’article 18, paragraphe 1, sous a), du règlement Dublin III. Le BFA a affirmé que, dans la mesure où les familles Jafari étaient entrées de manière irrégulière sur le territoire des États membres via la Croatie, cet État membre était responsable de l’examen de leurs demandes. L’autorité croate compétente n’y a pas répondu. Le BFA l’a donc informée par lettre du 18 juin 2016 que, conformément à l’article 22, paragraphe 7, du règlement Dublin III, la responsabilité de l’examen des demandes de protection internationale reposait désormais irrévocablement sur la Croatie.

89.      Par décisions du 5 septembre 2016, l’Office fédéral a rejeté les demandes de protection internationale comme étant « irrecevables », il a noté que la Croatie était responsable de l’examen des demandes en vertu de l’article 13, paragraphe 1, du règlement Dublin III et a émis un arrêté d’expulsion pour que les familles Jafari soient renvoyées en Croatie. Dans sa motivation, l’Office fédéral s’est fondé sur la présomption que les sœurs et leurs enfants étaient entrés pour la première fois sur le territoire de l’Union européenne en Grèce. D’après le BFA, ils avaient cependant ensuite quitté le territoire de l’UE et étaient ultérieurement de nouveau entrés sur le territoire des États membres par la Croatie. Les entrées par la Grèce et la Croatie ont été déclarées avoir été irrégulières. Il y avait cependant en Grèce des défaillances systémiques dans la procédure d’asile. Par conséquent, en application de l’article 13, paragraphe 1, du règlement Dublin III, la Croatie devait être considérée comme l’État membre responsable. Il était considéré qu’il n’y avait pas de défaillances systémiques dans le système d’asile de cet État. Les sœurs Jafari contestent cette conclusion (91).

90.      Tant les autorités administratives que le Bundesverwaltungsgericht (Cour administrative fédérale, Autriche), qui ont statué sur leur recours contestant les décisions attaquées, ont considéré que les déclarations des familles Jafari et les informations fournies quant à leur périple à partir de l’Afghanistan étaient plausibles. Il n’est pas non plus contesté que l’odyssée vécue par les familles Jafari s’est déroulée lors de l’afflux massif de ressortissants de pays tiers sur le territoire de l’UE en provenance des Balkans occidentaux entre septembre 2015 et mars 2016.

91.      Par décisions du 10 octobre 2016, le Bundesverwaltungsgericht (Cour administrative fédérale) a rejeté les recours des familles Jafari. Ce faisant, il a en substance accueilli les constatations du BFA. Il a estimé que lorsque les familles Jafari sont entrées en Croatie à partir de la Serbie, elles avaient franchi la frontière sans visa d’entrée alors qu’en tant que ressortissants afghans elles auraient dû en posséder un. Le franchissement de la frontière était donc irrégulier. Pour autant que cela ait pu être établi, l’entrée sur le territoire autrichien s’est également faite sans visa et était donc elle aussi « irrégulière ».

92.      Les deux sœurs (mais pas leurs enfants) ont contesté cette décision en appel devant la juridiction de renvoi. Elles soutiennent que les circonstances particulières de leurs cas respectifs devraient être prises en compte pour établir quel État membre est responsable de l’examen de leur demande de protection internationale. Elles affirment être entrées sur le territoire de l’UE en vertu de l’article 5, paragraphe 4, sous c), du code frontières Schengen (à savoir pour des motifs humanitaires). Le franchissement de la frontière n’était donc pas une « entrée irrégulière » aux fins de l’article 13, paragraphe 1, du règlement Dublin III. C’était là le raisonnement à la base de l’accord du 18 février 2016 autorisant les ressortissants de pays tiers à entrer sur le territoire des États membres afin d’atteindre l’État dans lequel ils souhaitaient déposer une demande d’asile (92). En vertu de l’article 14, paragraphe 2, du règlement Dublin III, l’Autriche serait donc l’État membre responsable de l’examen de leur demande de protection internationale.

93.      La juridiction de renvoi avait conscience du fait qu’une demande de décision préjudicielle avait déjà été présentée par le Vrhovno sodišče Republike Slovenije (Cour suprême de la République de Slovénie) dans l’affaire C‑490/16, A. S. Elle estime néanmoins que les circonstances à la base de la demande de protection internationale des familles Jafari sont différentes de celles de l’affaire A. S. Dans le cas des familles Jafari, l’autorité compétente croate n’a pas répondu à la demande de prise en charge faite en vertu de l’article 18, paragraphe 1, sous a), du règlement Dublin III. La juridiction de renvoi considère que l’article 13, paragraphe 1, du règlement Dublin III est le critère pertinent du chapitre III qui s’applique pour la détermination de l’État membre responsable. Ce règlement ne définit cependant pas le « franchissement irrégulier » de la frontière. La juridiction de renvoi demande donc des précisions sur le point de savoir si ce concept devrait être interprété de manière autonome ou référence faite à d’autres actes de l’UE qui énoncent des règles régissant les exigences en ce qui concerne les ressortissants de pays tiers qui franchissent les frontières extérieures de l’UE, comme celles dans le code frontières Schengen. Dans la mesure où les autorités croates ont autorisé les familles Jafari à entrer sur le territoire de leur État et ont contrôlé leur transport vers la frontière slovène, la juridiction de renvoi demande si un tel comportement est dans les faits un « visa » aux fins de l’article 2, sous m), et de l’article 12 du règlement Dublin III.

94.      Les familles Jafari soutiennent que le critère pertinent du chapitre III est l’article 14 (entrée sous exemption de visa). La juridiction de renvoi n’est pas convaincue de la justesse de cette opinion. Elle souhaiterait donc savoir si le bon critère pour déterminer l’État membre responsable est cette disposition ou l’article 13, paragraphe 1. Eu égard aux arrêts de la Cour dans les affaires Ghezelbash et Karim (93), la juridiction de renvoi observe qu’un demandeur peut s’appuyer sur une mauvaise application des critères du règlement Dublin III dans un recours contre une décision de transfert prise sur le fondement de ce règlement. Il est donc nécessaire de déterminer le bon critère à appliquer.

95.      La juridiction de renvoi doute également de l’assertion des familles Jafari selon laquelle elles relèvent du champ d’application de l’article 5, paragraphe 4, sous c), du code frontières Schengen. Elle cherche par conséquent aussi à avoir l’avis de la Cour sur l’interprétation correcte de cette disposition.

96.      La juridiction de renvoi pose donc les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      L’article 2, sous m), l’article 12 et l’article 13 du [règlement Dublin III], doivent-ils se lire en tenant compte d’autres instruments juridiques que recoupe le règlement Dublin III ou convient-il de donner une signification autonome à ces dispositions ?

2)      Dans l’hypothèse où les dispositions du règlement Dublin III doivent être interprétées indépendamment d’autres instruments juridiques :

a)      Dans les circonstances des affaires au principal, caractérisées par le fait qu’elles se sont produites à un moment où les autorités nationales des États principalement impliqués faisaient face à un nombre exceptionnellement élevé de personnes sollicitant le transit par leur territoire, faut-il assimiler à un “visa”, au sens de l’article 2, sous m), et de l’article 12 du règlement Dublin III, l’entrée sur le territoire, tolérée en fait par un État membre, aux seules fins de traverser cet État membre et de présenter une demande de protection internationale dans un autre État membre ?

Si la question 2.a) appelle une réponse affirmative :

b)      Si l’entrée sur le territoire aux fins de transit est tolérée en fait, convient-il de considérer que la sortie du territoire de l’État membre en cause rend le “visa” caduc ?

c)      Si l’entrée sur le territoire aux fins de transit est tolérée en fait, convient-il de considérer que le “visa” reste valable lorsque la sortie du territoire de l’État membre en cause n’est pas encore intervenue ou le “visa” devient-il caduc, indépendamment de l’absence de sortie du territoire, au moment où le demandeur abandonne définitivement le projet de se rendre dans un autre État membre ?

d)      L’abandon par le demandeur du projet de se rendre dans l’État membre initialement choisi comme destination conduit-il à devoir parler de fraude après la délivrance du “visa”, au sens de l’article 12, paragraphe 5, du règlement Dublin III, de sorte que l’État membre qui a délivré le “visa” n’est pas responsable ?

Si la question 2.a) appelle une réponse négative :

e)      L’expression “a franchi irrégulièrement, par voie terrestre, maritime ou aérienne, la frontière d’un État membre dans lequel il est entré en venant d’un État tiers” contenue à l’article 13, paragraphe 1, du règlement Dublin III, doit–elle se comprendre en ce sens que, dans les circonstances spéciales décrites des affaires au principal, il convient de considérer qu’il n’y a pas eu de franchissement irrégulier de la frontière extérieure ?

3)      Dans l’hypothèse où les dispositions du règlement Dublin III doivent être interprétées en tenant compte d’autres instruments juridiques :

a)      Pour apprécier s’il y a eu “franchissement irrégulier” de la frontière au sens de l’article 13, paragraphe 1, du règlement Dublin III, faut-il considérer en particulier si l’entrée sur le territoire répond aux conditions du code frontières Schengen et en particulier de l’article 5 [de cette disposition qui est] applicable aux affaires au principal en raison de la date d’entrée sur le territoire ?

Si la question 3.a) appelle une réponse négative :

b)      Quelles dispositions du droit de l’Union convient-il de prendre particulièrement en compte pour apprécier s’il y a “franchissement irrégulier” de la frontière au sens de l’article 13, paragraphe 1, du règlement Dublin III ?

Si la question 3.a) appelle une réponse affirmative :

c)      Dans les circonstances des affaires au principal, caractérisées par le fait qu’elles se sont produites à un moment où les autorités nationales des États principalement impliqués faisaient face à un nombre exceptionnellement élevé de personnes sollicitant le transit par leur territoire, faut-il assimiler à une autorisation d’entrée sur le territoire au sens de l’article 5, paragraphe 4, sous c), du code frontières Schengen, l’entrée sur le territoire, tolérée en fait, sans examen des circonstances individuelles, par un État membre, aux seules fins de traverser cet État membre et de présenter une demande de protection internationale dans un autre État membre ?

Si les questions 3.a) et 3.c) appellent une réponse affirmative :

d)      L’autorisation d’entrer sur le territoire au titre de l’article 5, paragraphe 4, sous c), du code frontières Schengen conduit-elle à devoir considérer qu’il existe une autorisation équivalant à un visa au sens de l’article 5, paragraphe 1, sous b), du code frontières Schengen et, partant, un “visa” répondant à l’article 2, sous m), du règlement Dublin III, de sorte qu’il convient d’appliquer les dispositions relatives à la détermination de l’État membre responsable au titre du règlement Dublin III en prenant également en compte son article 12 ?

Si les questions 3.a), 3.c) et 3.d), appellent une réponse affirmative :

e)      Si l’entrée sur le territoire aux fins de transit est tolérée en fait, convient-il de considérer que la sortie du territoire de l’État membre en cause rend caduc le “visa” ?

f)      Si l’entrée sur le territoire aux fins de transit est tolérée en fait, convient-il de considérer que le “visa” reste valable lorsque la sortie du territoire de l’État membre en cause n’est pas encore intervenue ou le visa devient-il caduc, indépendamment de l’absence de sortie du territoire, au moment où le demandeur abandonne définitivement le projet de se rendre dans un autre État membre ?

g)      L’abandon par le demandeur du projet de se rendre dans l’État membre initialement choisi comme destination conduit-il à devoir parler de fraude après la délivrance du “visa”, au sens de l’article 12, paragraphe 5, du règlement Dublin III, de sorte que l’État membre qui a délivré le “visa” n’est pas responsable ?

Si les questions 3.a) et 3.c) appellent une réponse affirmative, mais que la question 3.d) appelle une réponse négative :

h)      L’expression “a franchi irrégulièrement, par voie terrestre, maritime ou aérienne, la frontière d’un État membre dans lequel il est entré en venant d’un État tiers” contenue à l’article 13, paragraphe 1, du règlement Dublin III, doit–elle se comprendre en ce sens que, dans les circonstances spéciales décrites des affaires au principal, il convient de considérer que le franchissement de la frontière, qui sera qualifié d’autorisation d’entrer sur le territoire au sens de l’article 5, paragraphe 4, sous c), du code frontières Schengen, ne doit pas s’analyser en un franchissement irrégulier de la frontière extérieure ? »

 La procédure devant la Cour

97.      Conformément à l’article 105 du règlement de procédure, la juridiction de renvoi a demandé à ce que cette affaire fasse l’objet d’une procédure accélérée. Cette demande a été accueillie par ordonnance de M. le Président de la Cour du 15 février 2017.

98.      Des observations écrites ont été présentées par les familles Jafari, l’Autriche, la France, la Hongrie, l’Italie, la Suisse ainsi que par la Commission européenne.

99.      Lors de l’audience qui s’est tenue le 28 mars 2017 conjointement avec l’affaire C‑490/16, A. S. conformément à l’article 77 du règlement de procédure, M. A. S. et les familles Jafari ainsi que l’Autriche, la France, la Grèce, l’Italie, le Royaume-Uni et la Commission ont présenté des observations orales.

 En droit

 Observations préliminaires

 Le système de Dublin : aperçu succinct

100. Le système de Dublin établit une procédure pour déterminer l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale (94). La possibilité que des ressortissants de pays tiers puissent voyager librement au sein de l’espace Schengen (95) créait des difficultés potentielles et un mécanisme a donc été conçu pour garantir que, en principe, un seul État participant sera responsable de l’examen de chaque demande d’asile. Les objectifs sont, entre autres, de déterminer rapidement l’État membre responsable, de prévenir et de décourager le « forum shopping » (96), de prévenir et de décourager les mouvements secondaires (97) et d’éviter le phénomène des demandeurs d’asile « en orbite » – c’est-à-dire de prévenir une situation dans laquelle chaque État membre rejette sa responsabilité parce qu’un autre État membre constituerait un pays tiers sûr et devrait donc être responsable (98). Le règlement Eurodac sous-tend le règlement Dublin III.

101. Le premier groupe de critères dans le chapitre III du règlement Dublin III attribue la responsabilité de l’examen des demandes sur la base de l’exigence de garantir le respect de l’unité familiale (99). Les critères suivants visent à déterminer quel État a contribué dans la plus grande mesure à l’entrée du demandeur sur le territoire des États membres en délivrant un visa ou un permis de séjour, en manquant de diligence dans le contrôle de ses frontières ou en exemptant le ressortissant de pays tiers concerné de l’exigence d’être en possession d’un visa (100).

 Schengen

102. En vertu du code frontières Schengen, les États membres ont une obligation de maintenir l’intégrité des frontières extérieures de l’UE qui ne devraient être franchies qu’à certains points de passage autorisés. Les ressortissants de pays tiers doivent répondre à certaines exigences (101). Un ressortissant de pays tiers qui a franchi la frontière de manière irrégulière et qui n’a pas le droit de rester sur le territoire de l’État membre concerné doit être arrêté et soumis à une procédure de retour (102). En pratique, les ressortissants de pays tiers qui arrivent aux frontières extérieures des États membres n’ont souvent pas l’intention d’y demander asile et refusent que leurs empreintes digitales soient prises si les autorités compétentes tentent effectivement de le faire (103). En principe, à compter de ce moment, les personnes concernées pourraient être désignées comme des ressortissants de pays tiers séjournant irrégulièrement et ne remplissant pas les conditions d’entrée énoncées à l’article 5, paragraphe 1, du code frontières Schengen conformément à l’article 3, paragraphe 2, de la directive retour (104).

103. La procédure préférée en vertu de la directive retour est le retour volontaire. Dans les cas de retour forcé, l’État membre concerné doit prononcer une interdiction d’entrée valable pour l’ensemble de l’Union européenne et peut enregistrer cette information dans le SIS.

104. Le système de Dublin, l’acquis de Schengen et la directive retour semblent prévoir un ensemble complet de mesures. Les deux affaires en cause ici exposent néanmoins les lacunes et les difficultés pratiques dans l’application de telles règles lorsqu’un nombre extraordinairement élevé de personnes voyage par voie terrestre, plutôt que par voie aérienne, vers l’Union européenne au cours d’une période relativement brève afin d’y trouver refuge. J’ai déjà décrit les circonstances qui se sont présentées entre septembre 2015 et mars 2016 (105).

 Les thèmes généraux évoqués par les questions des juridictions de renvoi

105. Les questions soulevées par les deux juridictions de renvoi abordent un certain nombre de thèmes communs.

106. Premièrement, quelle méthodologie générale devrait être appliquée lors de l’interprétation des critères énoncés dans les articles 12, 13 et 14, du règlement Dublin III ? En particulier, ces dispositions devraient-elles être lues en combinaison avec l’acquis de Schengen (106) ? Deuxièmement, la coopération et la logistique fournies par les États de transit de l’UE (en particulier la Croatie et la Slovénie) équivalent elles dans les faits à des visas au sens de l’article 2, sous m), et de l’article 12 de ce règlement ? (Cette question n’est pas soulevée explicitement dans l’affaire A.S., mais la réponse de la Cour pourrait néanmoins être utile à la juridiction de renvoi pour statuer dans la procédure au principal (107).) Troisièmement, comment l’article 13, paragraphe 1, du règlement Dublin III devrait-il être interprété ? En particulier, quel est le sens de la phrase « a franchi irrégulièrement […] la frontière » et quel est le lien (si tant est qu’il y en ait un) entre cette disposition et l’article 5, paragraphe 1, du code frontières Schengen ainsi que l’article 3, paragraphe 2, de la directive retour (108) ? Quatrièmement, les ressortissants de pays tiers qui ont été autorisés à entrer dans l’espace Schengen durant la crise humanitaire dans les Balkans occidentaux relèvent-ils de l’exception prévue à l’article 5, paragraphe 4, sous c), du code frontières Schengen aux conditions d’entrée pour les ressortissants de pays tiers (109) ? Cinquièmement, que constitue une « entrée sous exemption de visa » au sens de l’article 14 du règlement Dublin III ?

107. Dans l’affaire A.S., il est également demandé à la Cour d’examiner certains aspects procéduraux du règlement Dublin III (110). Il faut enfin apprécier les conséquences pratiques de l’interprétation des dispositions en cause dans les deux affaires (111).

108. Ces questions sont soulevées dans un contexte dans lequel un État membre a été décrit comme ayant suspendu l’application du règlement Dublin III pour une certaine période de temps tandis que d’autres ont été décrits comme ayant « suspendu Schengen » dans la mesure où ils avaient érigé des barrières le long de leurs frontières intérieures avec d’autres États membres de l’UE qui se trouvent également dans l’espace Schengen (112).

109. La fonction de la Cour est exclusivement judiciaire : garantir, conformément à l’article 19, paragraphe 1, TUE, le « respect du droit dans l’interprétation et l’application des traités ». Il n’appartient bien évidemment pas à la Cour de s’engager sur le terrain politique pour traiter de la question (épineuse) de la manière dont il convient, compte tenu de la géographie de l’Europe, de répartir les demandeurs de protection internationale entre les États membres de l’Union européenne. Les circonstances sans précédent qui se sont présentées dans les Balkans occidentaux entre septembre 2015 et mars 2016 mettent néanmoins en lumière le décalage entre la géographie et les critères détaillés énoncés au chapitre III du règlement Dublin III. Pour le dire sans ambages, il est désormais demandé à la Cour de fournir une solution juridique et de l’adapter rétrospectivement à une situation de fait que les règles de droit applicables sont mal armées pour traiter. Quelle que soit la solution choisie, il est probable qu’elle sera controversée pour certains.

 Première question : méthodologie à appliquer lors de l’interprétation des critères énoncés dans les articles 12, 13 et 14 du règlement Dublin III

110. Les juridictions de renvoi dans les affaires A. S. et Jafari cherchent à établir s’il est nécessaire de tenir compte d’autres actes de l’UE liés au règlement Dublin III ou si ce règlement [en particulier ses articles 2, sous m), 12, 13 et 14] devrait être interprété de manière indépendante de tels actes. Il est constant que le transit a été arrangé avec la coopération des États concernés. La question se pose donc nécessairement de savoir si les règles relatives aux ressortissants de pays tiers qui franchissent les frontières extérieures de l’Union européenne viennent empiéter sur l’interprétation du règlement Dublin III.

111. Les requérantes dans l’affaire Jafari, à l’instar de l’Autriche, la France, la Grèce, la Hongrie, la Suisse et la Commission, soutiennent que les critères du chapitre III devraient être interprétés en combinaison avec d’autres actes, à savoir le code frontières Schengen et la directive retour.

112. M. A. S. allègue quant à lui que l’interprétation des critères du chapitre III ne devrait pas être fondée sur les seules règles nationales ou internationales. Elle devrait tenir compte de la situation de fait et des obligations des États de transit de l’UE qui ont agi en conformité avec l’article 33 de la convention de Genève et l’article 3 CEDH (interdiction de la torture) ainsi qu’avec l’article 4, paragraphe 2, et l’article 5, paragraphe 4, du code frontières Schengen.

113. L’Italie considère que la question décisive n’est pas de savoir si l’approche générale quant à l’interprétation tient compte ou non d’autres actes de l’UE. Elle affirme, premièrement, qu’entre septembre 2015 et mars 2016, les États de transit de l’UE n’ont pas délivré de visas aux personnes traversant leur territoire. Deuxièmement, elle souligne que l’article 13, paragraphe 1, du règlement Dublin III devrait être interprété à la lumière de la convention de Genève.

114. De l’avis du Royaume-Uni, le code frontières Schengen et la directive retour n’ont aucune incidence juridique sur le terme de « franchissement irrégulier » à l’article 13, paragraphe 1, du règlement Dublin III. Ce dernier devrait donc être interprété de manière indépendante de ces actes.

115. Je ne crois pas que l’approche quant à l’interprétation des critères du chapitre III soit un choix binaire entre deux options : interpréter le règlement Dublin III de manière parfaitement isolée ou l’interpréter d’une manière conduisant à ce que les termes de ce règlement soient définis référence faite aux dispositions de mise en œuvre d’autres actes de l’UE.

116. Il est de jurisprudence constante que pour interpréter une disposition de droit de l’UE, il y a lieu de tenir compte non seulement des termes de celle-ci, mais également de son contexte et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie (113). Le premier des « principes généraux » dans le « guide pratique commun concernant la rédaction des textes législatifs de l’Union » (114) dispose que la législation doit être claire, simple et précise ne laissant aucune place au doute dans l’esprit du lecteur. Lorsqu’un acte partage des définitions communes avec d’autres actes législatifs de l’UE, il serait raisonnable de s’attendre à trouver les références croisées expresses dans la mesure où le concept de définition à intégrer implicitement est contraire au principe de sécurité juridique (115). Ni le code frontières Schengen, ni la directive retour n’incluent de définitions qui font des références croisées aux critères du chapitre III du règlement Dublin III.

117. Les termes de l’article 12 du règlement Dublin III sont différents de ceux des articles 13 et 14 en ce qu’ils font explicitement des références croisées au code des visas qui fait partie de l’acquis de Schengen. Cette référence est suffisamment claire, simple et précise pour indiquer que le code des visas est pertinent pour l’interprétation de cette disposition (116). Cela étant dit, il ne s’ensuit pas que le terme « visa » à l’article 12 serait limité à la définition de ce qui relève du champ d’application du code des visas (117).

118. Premièrement, le règlement Dublin III s’applique à des États membres qui ne font pas partie de l’acquis de Schengen, notamment l’Irlande et le Royaume-Uni. En ce qui concerne ces États, le « visa » doit faire référence à un document reconnu en tant que tel en vertu des règles nationales. Deuxièmement, le « visa » couvre des catégories de documents allant au-delà du visa de court séjour qui relève du champ d’application du code des visas. Il ressort clairement des termes de l’article 2, sous m), du règlement Dublin III que cette disposition s’applique à trois types différents de visas (118).

119. Ce raisonnement s’applique également à l’article 14 où le terme « visa » est également utilisé. Ce terme doit également être interprété de la même manière que l’article 12 dans l’intérêt de la cohérence.

120. Il s’ensuit que l’acquis de Schengen est un élément pertinent à prendre en compte lors de l’interprétation du terme « visa », mais qu’il ne détermine pas le sens de ce terme aux fins de l’article 2, sous m), et de l’article 12 du règlement Dublin III.

121. L’article 13 du règlement Dublin III ne fait aucune référence expresse à la moindre mesure dans l’acquis de Schengen ou à la directive retour.

122. Toutefois, le contexte réglementaire indique que le règlement Dublin III fait partie intégrante du RAEC qui est fondé sur l’application intégrale et globale de la convention de Genève (119). Cette convention crée le cadre international pour la protection des réfugiés et de ceux qui cherchent à obtenir le statut de réfugié. En vertu de son article 31, paragraphe 2, les États ne devraient pas en principe restreindre les mouvements des réfugiés sur leur territoire et toute restriction qui serait jugée nécessaire ne devrait être appliquée que jusqu’à ce que le statut des réfugiés soit régularisé ou qu’ils réussissent à se faire admettre dans un autre pays. Il y a lieu de garder cette disposition à l’esprit lors de l’interprétation du règlement Dublin III (120). Le règlement devrait donc être interprété à la lumière de son contexte et de son objet et d’une manière conforme à la convention de Genève. Cela découle de l’article 78, paragraphe 1, TFUE. Il ressort également de son considérant 39 que le règlement Dublin III doit être interprété dans le respect des droits reconnus par la Charte (121).

123. Puisque le règlement Dublin III fait partie intégrante du RAEC, l’acquis de l’UE en matière d’asile est également un facteur pertinent (122). Il y a des références expresses à la directive relative aux conditions, la directive accueil et la directive procédures (123). Le RAEC a été conçu dans un contexte dans lequel il semblait raisonnable de penser que tous les États participants, qu’ils soient États membres ou États tiers, respectaient des droits fondamentaux dont les droits fondés sur la convention de Genève et le protocole de 1967 ainsi que sur la CEDH (124), et que les États membres pouvaient par conséquent avoir confiance les uns envers les autres à cet égard (125). « C’est précisément en raison de ce principe de confiance mutuelle que le législateur de l’Union a adopté le [règlement Dublin II] en vue de rationaliser le traitement des demandes d’asile et d’éviter l’engorgement du système par l’obligation, pour les autorités des États, de traiter des demandes multiples introduites par un même demandeur, d’accroître la sécurité juridique en ce qui concerne la détermination de l’État responsable du traitement de la demande d’asile et ainsi d’éviter le « forum shopping », l’ensemble ayant pour objectif principal d’accélérer le traitement des demandes dans l’intérêt tant des demandeurs d’asile que des États participants (126). Ces questions touchent au cœur de l’idée d’un « espace de liberté, de sécurité et de justice » (127) et en particulier du RAEC fondé sur une confiance mutuelle et une présomption de respect par les États membres du droit de l’Union et en particulier des droits fondamentaux (128).

124. Les objectifs principaux du règlement Dublin III attestent de l’intention du législateur de l’Union de poser des règles organisationnelles régissant les relations entre les États membres en ce qui concerne la détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande d’asile, tel que c’était le cas pour la convention de Dublin précédente (129). Les considérants 4, 5 et 7, du règlement Dublin III font également référence à l’établissement d’une méthode claire et applicable pour déterminer rapidement l’État membre responsable du traitement d’une demande d’asile afin de garantir un accès effectif aux procédures de détermination du statut de réfugié et ne pas compromettre l’objectif de traiter les demandes d’asile rapidement (130).

125. Dans quelle mesure les mesures ne relevant pas du RAEC, comme le code frontières Schengen et la directive retour, sont-elles pertinentes pour l’interprétation des critères du chapitre III énoncés aux articles 12, 13, paragraphe 1, et 14 ?

126. J’ai déjà expliqué que je considère que les articles 12 et 14 devraient être interprétés de manière autonome bien que le code des visas soit pertinent pour le sens à donner au terme « visa » à certains égards (131).

127. En ce qui concerne l’interprétation du « franchissement irrégulier » à l’article 13, paragraphe 1, du règlement Dublin III, il n’existe pas de terme correspondant dans le code frontières Schengen. Il est donc hors de propos de tenter de transposer ce terme du code frontières Schengen au règlement Dublin III.

128. En outre, le champ d’application personnel des règles contenues dans le titre II, chapitre I, du code frontières Schengen concernant les conditions d’entrée pour les ressortissants de pays tiers franchissant les frontières extérieures de l’UE n’est pas le même que pour le règlement Dublin III. Ce dernier s’applique uniquement aux ressortissants de pays tiers qui demandent la protection internationale (132): il s’agit d’une catégorie de personnes qui jouissent d’un statut spécial en droit international en vertu de la convention de Genève.

129. La genèse de ce texte montre que les arrangements visant à déterminer la responsabilité pour l’examen des demandes d’asile, et que la convention de Dublin a remplacés, faisaient initialement partie de la convention intergouvernementale de Schengen (133) tandis que le règlement Dublin III et le code frontières Schengen trouvent tous deux leurs origines dans le RAEC. Le champ d’application des deux dispositions diffère et leurs objectifs respectifs ne sont pas non plus les mêmes. Il ne devrait donc pas y avoir de présomption selon laquelle du fait de l’existence d’un lien historique entre les deux dispositions elles doivent être interprétés de la même manière.

130. Le Royaume-Uni souligne que le code frontières Schengen et la directive retour ne s’appliquent pas à certains États membres (dont le Royaume-Uni lui-même). Il considère qu’il serait donc erroné d’interpréter le règlement Dublin III en faisant référence à une législation qui ne couvre pas l’ensemble de l’Union européenne.

131. Il est vrai que le champ d’application d’une législation qui ne s’applique pas à tous les États membres ne devrait pas être étendu aux États non couverts par une porte dérobée. Toutefois, la géométrie variable que l’on rencontre dans le domaine de la liberté, de la sécurité et de la justice et qui est le résultat, entre autres, de la position spéciale du Royaume-Uni n’a pas créé un schéma cohérent. Le Royaume-Uni a choisi d’adopter certains éléments de l’acquis de Schengen tout en rejetant d’autres (134). Le fait que le Royaume-Uni ne soit pas lié par le code frontières Schengen ou la directive retour ne saurait altérer la nature contraignante du règlement Dublin III (135). L’absence d’adhésion du Royaume-Uni à certains instruments de l’UE ne peut pas non plus de facto placer une mainmise sur l’interprétation qui devrait normalement être donnée de mesures qui font partie d’un ensemble. Le Royaume-Uni ne saurait mener la danse dans l’Union européenne.

132. Cela étant dit, il n’y a aucune référence à la directive retour dans l’article 13, paragraphe 1, du règlement Dublin III. Le législateur a fait une telle référence à l’article 24 de ce règlement qui concerne la présentation d’une demande de reprise en charge alors qu’aucune nouvelle demande n’a été introduite dans l’État membre requérant. Ainsi, si le législateur avait voulu faire expressément référence à la directive retour dans l’article 13, paragraphe 1, il aurait vraisemblablement pu et effectivement fait ce choix.

133. Le concept de « séjour irrégulier » à l’article 3, paragraphe 2, de la directive retour concerne une catégorie de personnes plus large que le champ d’application personnel du règlement Dublin III. La directive couvre tous les ressortissants de pays tiers (tels que définis). Son champ d’application n’est pas limité à une catégorie particulière de ressortissants étrangers demandant la protection internationale pendant que leurs demandes sont pendantes (136).

134. Le terme de « séjour irrégulier » dans la directive retour traite d’une situation différente du « franchissement irrégulier de la frontière » tel qu’envisagé par l’article 13, paragraphe 1, du règlement Dublin III. La Cour a jugé dans l’affaire Affum (137) qu’un ressortissant de pays tiers dans un bus en transit traversant un État membre relève du champ d’application de l’article 3, paragraphe 2, de la directive retour parce que si la personne concernée est présente sur le territoire d’un État membre en violation des conditions d’entrée, de séjour ou de résidence elle « se trouve […] en séjour irrégulier ». Cela reste vrai, mais ce n’est pas la question qui est en jeu dans les affaires A. S. et Jafari. Ici, les juridictions de renvoi cherchent à établir si les ressortissants de pays tiers concernés ont franchi irrégulièrement la frontière extérieure de l’UE.

135. Bien entendu, il peut parfois y avoir un chevauchement des circonstances qui donnent lieu à un franchissement irrégulier de la frontière et à un « séjour irrégulier » aux fins de la directive retour, mais il ne s’agit pas de la même chose (138). Fusionner les deux concepts présents dans deux actes juridiques différents ne saurait faciliter la compréhension.

136. En outre, en vertu de l’article 288, deuxième alinéa, TFUE, les règlements sont de portée générale, obligatoires dans tous leurs éléments et directement applicables pour tous les États membres. Compte tenu de leur nature même et de leur place dans le système des sources de droit de l’Union, les règlements confèrent aux particuliers des droits que les juridictions nationales ont l’obligation de protéger (139). Eu égard à la hiérarchie des normes, il serait étrange d’interpréter un règlement en faisant référence à une directive qui ne prévoit même pas de définition précise des termes utilisés dans les deux dispositions.

137. Je rejette donc l’argument selon lequel le règlement Dublin III devrait être interprété en faisant référence au code frontières Schengen et à l’article 3, paragraphe 2, de la directive retour.

138. Enfin, bien que le règlement Dublin III, le code frontières Schengen et la directive retour relèvent tous du titre V du TFUE concernant l’espace de liberté, de sécurité et de justice, ces trois actes n’ont pas la même base juridique. L’absence de base juridique commune est un indicateur que le contexte et les objectifs des trois actes ne sont pas entièrement les mêmes (140).

139. Cela étant dit, les articles 77, 78 et 79, TFUE concernent des politiques qui font partie du même chapitre et l’article 80 TFUE pose clairement que ces politiques sont régies par le principe de « solidarité et de partage équitable de responsabilités entre les États membres, y compris sur le plan financier ». Le considérant 25 du règlement Dublin III affirme de même que les politiques de l’Union européenne concernant les conditions d’entrée et de séjour de ressortissants de pays tiers, y compris des efforts communs de gestion des frontières extérieures, rendent nécessaire l’établissement d’un équilibre entre les critères de responsabilité dans un esprit de solidarité.

140. Compte tenu des instructions explicites dans le TFUE pour garantir la coordination entre les différentes politiques relevant de l’espace de liberté, de sécurité et de justice, il serait dès lors aussi clairement erroné d’interpréter le règlement Dublin III comme si l’acquis de Schengen était totalement dénué de pertinence.

141. Je conclus par conséquent que le règlement Dublin III devrait être interprété en faisant uniquement référence aux termes, au contexte et aux objectifs de ce règlement, plutôt qu’en combinaison avec d’autres actes de l’UE – dont en particulier le code frontières Schengen et la directive retour – sans préjudice du fait que lors de l’interprétation du règlement Dublin III, les dispositions de ces actes devraient être prises en compte dans la mesure nécessaire pour garantir la cohérence entre les différentes politiques citées au chapitre 2 du titre V du TFUE.

 Deuxième question : article 12 du règlement Dublin III

142. Entre septembre 2015 et mars 2016, les autorités croates et slovènes, confrontées à un afflux de ressortissants de pays tiers demandant à transiter par leur territoire, ont autorisé à entrer ceux qui souhaitaient introduire une demande de protection internationale dans un autre État membre (141). Dans l’affaire Jafari, la juridiction de renvoi cherche à déterminer si l’autorisation accordée par ces États membres de traverser leur territoire devrait être considérée comme étant un « visa » au sens de l’article 2, sous m), et de l’article 12 du règlement Dublin III. Elle demande également quelles pourraient être les conséquences d’un tel visa [question 2, sous b) à d)].

143. Il n’y a pas dans l’affaire A. S. de question visant expressément le sens de l’article 2, sous m), et de l’article 12 du règlement Dublin III. Cependant, M. A. S. a voyagé lui aussi le long de la route des Balkans occidentaux et a été autorisé à entrer sur le territoire de divers États membres afin d’atteindre la destination de son choix. La question de savoir si l’approche du « laisser passer » équivaut à un visa aux fins des critères du chapitre III est donc également pertinente pour sa situation et elle est implicite dans la question 3 dans son affaire. De plus, la Cour a jugé de manière constante que le fait qu’une question présentée par une juridiction de renvoi ne fasse référence qu’à certaines dispositions du droit de l’UE ne signifie pas que la Cour ne peut pas fournir à la juridiction nationale tous les éléments d’interprétation qui peuvent être utiles au jugement de l’affaire dont elle est saisie, qu’elle y ait fait ou non référence dans l’énoncé de ses questions (142).

144. Les requérantes dans l’affaire Jafari, tous les États membres qui ont soumis des observations écrites ainsi que la Commission s’accordent à dire que la réponse à la question de la juridiction de renvoi devrait être « non ». L’article 2, sous m), et l’article 12 du règlement Dublin III lus ensemble ne signifient pas que les États membres qui autorisent des ressortissants de pays tiers à entrer sur leur territoire et à y transiter en route vers un État membre où ils souhaitent introduire une demande de protection internationale devraient être considérés comme ayant délivré des visas. La Suisse n’a pas présenté d’observations écrites sur ce point.

145. Je partage ce point de vue général.

146. Les sœurs Jafari soulignent tout d’abord qu’elles n’étaient pas en possession de permis de séjour en cours de validité lorsqu’elles sont entrées sur le territoire de l’UE. L’article 12, paragraphe 1, du règlement Dublin III n’est donc pas pertinent à leur égard.

147. En tant que ressortissants afghans, les membres des familles Jafari étaient tenus de posséder des visas lorsqu’ils ont franchi les frontières extérieures des États membres de l’UE (143). Ils ne remplissaient pas cette condition (144). La question est de savoir si dans les circonstances de leur passage à travers divers États membres avant leur arrivée en Slovénie ou en Autriche, selon les cas, ils devraient être considérés comme s’étant fait délivrer des visas eu égard aux termes de la législation applicable.

148. Si tel est le cas, l’article 12 du règlement Dublin III serait le critère pertinent pour déterminer l’État membre responsable.

149. Les règles régissant la délivrance des visas sont compliquées et impliquent le respect d’un certain nombre de formalités. Cela est justifié. Le point fondamental est qu’elles exigent la délivrance d’un document papier. Aucune des ordonnances de renvoi ne vient cependant suggérer qu’un État membre aurait délivré un visa en conformité avec le sens ordinaire de ces termes c’est-à-dire qu’un État membre aurait agi en envoyant formellement ou en remettant physiquement un visa à un demandeur (145). Il est constant qu’aucune des autres conditions n’était remplie. Il n’y avait aucun tampon indiquant que la demande de visa était recevable, aucune période de validité et aucune vignette (146). Ainsi, aucune des exigences énoncées dans le règlement no 1683/95 n’aurait vraisemblablement pu être remplie.

150. Les formalités sont particulièrement importantes pour la bonne application du VIS qui permet aux gardes-frontières de vérifier qu’une personne présentant un visa est son détenteur légitime et d’identifier les personnes saisies dans l’espace Schengen avec des documents frauduleux (147).

151. Je suis par conséquent d’avis que les circonstances décrites par les juridictions de renvoi dans leurs ordonnances de renvoi respectives dans les affaires A. S. et Jafari ne peuvent pas être interprétées comme ayant donné lieu à la délivrance d’un « visa » aux fins de l’article 2, sous m), et de l’article 12 du règlement Dublin III.

152. Interpréter autrement les termes « délivré le visa » à l’article 12 serait contraire à leur sens naturel. Il faut reconnaître un certain mérite à l’argument des requérants que si un « laisser passer » informel équivalait à un visa, il serait impossible d’appliquer l’article 12, paragraphes 4 et 5, du règlement Dublin III. Ce serait incohérent avec le règlement. Une telle interprétation aurait des effets dévastateurs sur les règles précises et complexes relatives aux visas dans le code des visas et les actes liés et cela saperait le fonctionnement du VIS (148).

153. Ainsi, dans les circonstances totalement exceptionnelles dans le cadre desquelles un nombre massif de ressortissants de pays tiers est entré dans l’Union européenne entre la fin de l’année 2015 et le début de l’année 2016 et a été autorisé à franchir les frontières extérieures de l’UE à partir de pays tiers, le fait que certains États membres aient autorisé les ressortissants de pays tiers concernés à franchir la frontière extérieure de l’Union européenne et ensuite à transiter vers d’autres États membres afin d’introduire des demandes de protection internationale dans un État membre donné n’équivaut pas à la délivrance d’un « visa » aux fins de l’article 2, sous m), et de l’article 12 du règlement Dublin III.

154. Eu égard à la conclusion à laquelle je viens de parvenir, il n’est pas nécessaire de répondre aux questions 2, sous b), c) et d), dans l’affaire Jafari.

 Troisième question : interprétation des termes « a franchi irrégulièrement […] la frontière d’un État membre » à l’article 13, paragraphe 1, du règlement Dublin III.

155. Les deux juridictions de renvoi demandent des précisions quant au sens des termes « le demandeur a franchi irrégulièrement […] la frontière d’un État membre » à l’article 13, paragraphe 1, du règlement Dublin III. Elles souhaitent en substance savoir si la situation totalement exceptionnelle à l’époque des faits, au cours de laquelle les États membres ont expressément autorisé l’entrée de ressortissants de pays tiers sur leurs territoires afin de leurs permettre de transiter et de demander la protection internationale dans un État membre de l’UE de leur choix, constitue un « franchissement irrégulier » et relève donc de cette disposition.

156. La France, la Grèce, la Hongrie, la Slovénie, le Royaume-Uni, la Suisse ainsi que la Commission soutiennent que l’article 13, paragraphe 1, du règlement Dublin III s’applique dans de telles circonstances. L’Autriche est d’avis que compte tenu des circonstances à l’époque des faits, cette disposition devrait être interprétée en combinaison avec l’article 5, paragraphe 4, sous c) du code frontières Schengen qui autorise les ressortissants de pays tiers qui ne satisfont pas aux exigences de l’article 5, paragraphe 1, pour l’admission sur le territoire de l’Union européenne à entrer néanmoins pour des motifs humanitaires. L’Italie considère qu’il n’y a pas eu de « franchissement irrégulier » aux fins du règlement Dublin III puisque les critères du chapitre III devraient être interprétés référence faite à l’article 31 de la convention de Genève.

157. Les requérants dans les deux affaires soulignent qu’ils ont franchi la frontière extérieure de l’UE avec l’autorisation expresse et l’assistance des autorités nationales pertinentes. Ils n’ont par conséquent pas « franchi irrégulièrement la frontière » au sens de l’article 13, paragraphe 1, du règlement Dublin III.

158. Le contexte de ces deux demandes de décision préjudicielle fait naître une question complexe et controversée (149). Lorsque des ressortissants de pays tiers franchissent une frontière extérieure de l’UE d’une manière qui n’est pas conforme aux dispositions du code frontières Schengen, cela déclenche-t-il automatiquement des conséquences dans le cadre du régime de Dublin de telle sorte que le premier État membre sur le territoire duquel ils entrent demeure responsable de l’examen de leur demande de protection internationale ? Bien qu’il ressorte clairement de ses termes que l’article 13, paragraphe 1, du règlement Dublin III s’applique lorsqu’un demandeur a franchi irrégulièrement la frontière d’un État membre, il n’est pas du tout clair si le législateur souhaitait que cette disposition s’applique dans les circonstances sans précédent des deux présentes affaires.

159. Les gouvernements hongrois, italien, slovène et suisse signalent que certaines versions du texte font référence à une « frontière franchie illégalement » (150) tandis que d’autres évoquent une « frontière franchie irrégulièrement » (151).

160. Les adjectifs « irrégulier » et « illégal » ne sont pas considérés comme des synonymes en droit international des réfugiés et ce tout particulièrement dans le contexte du franchissement des frontières par des ressortissants de pays tiers. Le terme « irrégulier » est plus large que celui d’« illégal ». Il a également le mérite d’être moins tendancieux dans la mesure où il n’a pas la connotation ou le sous-entendu d’un acte (implicitement) criminel en ce qui concerne la personne ainsi décrite (152).

161. Cela étant dit, je souscris à l’observation des parties selon laquelle les différences linguistiques ne signifient pas qu’il existe une ambiguïté en ce sens qu’elles donnent nécessairement lieu à des interprétations divergentes des termes un « demandeur a franchi irrégulièrement […] la frontière d’un État membre » (153). Les différences identifiées sont le résultat de différentes traductions du texte original. Ce point de vue est confirmé par le fait que le texte anglais de l’annexe II du règlement d’application de Dublin n’est pas conforme au texte anglais de l’article 13, paragraphe 1, du règlement Dublin III. Le point 7) de la liste A de la première de ces dispositions est intitulé « Entrée illégale sur le territoire par une frontière extérieure (article 13, paragraphe 1) ». Il énumère les preuves probantes qui sont pertinentes dans le cadre d’une telle appréciation (voir le point 44 ci-dessus). Il fait une référence croisée expresse à l’article 13, paragraphe 1, du règlement Dublin III ; le terme « illégal » est cependant utilisé au lieu de « irrégulier » (le terme que l’on retrouve dans l’article 13, paragraphe 1). Il n’est pas crédible que le législateur ait souhaité qu’il y ait une différence de fond entre les deux adjectifs dans les deux textes.

162. J’ajoute qu’aux termes du considérant 12, la directive procédures s’applique en plus, et sans préjudice des garanties procédurales énoncées dans le règlement Dublin III. L’article 31, paragraphe 8, sous h), de cette directive prévoit qu’une demande de protection internationale peut être examinée en vertu d’une procédure accélérée et/ou conduite à la frontière ou dans les zones de transit lorsqu’un demandeur entre sur le territoire de l’État membre « illégalement ». Le terme « illégalement » est de nouveau un adjectif appliqué par le législateur à la manière dont le ressortissant de pays tiers concerné par cette disposition a franchi la frontière d’un État membre. Il doit probablement être lu d’une manière qui est cohérente avec les termes « a franchi irrégulièrement » de l’article 13, paragraphe 1, du règlement Dublin III qui sont assez larges pour le recouvrir (154).

163. Le règlement Dublin III ne définit pas le concept de « franchissement irrégulier de la frontière ».

164. Les références aux éléments de preuve à l’article 22, paragraphe 3, du règlement Dublin III et dans le règlement d’application de Dublin indiquent clairement que le fait de savoir s’il y a une entrée irrégulière dans un cas particulier donné est avant tout une question matérielle à déterminer par les autorités nationales.

165. Ainsi donc, le point de savoir si un franchissement de frontière est « irrégulier » est établi référence faite à l’annexe II du règlement d’application de Dublin qui contient deux listes de critères à utiliser afin de déterminer l’État responsable d’une demande de protection internationale (155). La liste A expose les éléments de preuve formels pertinents. Les éléments indicatifs (ou indices) sont contenus dans la liste B (156). Les preuves probantes énumérées incluent « cachet d’entrée sur un passeport ; cachet de sortie d’un État limitrophe d’un État membre, en tenant compte de l’itinéraire utilisé par le demandeur ainsi que de la date du franchissement de la frontière ; titre de transport permettant formellement d’établir l’entrée par une frontière extérieure ; cachet d’entrée ou annotation correspondante dans le document de voyage ».

166. L’objet du système Eurodac est également d’aider à la détermination de l’État membre qui sera responsable de l’examen d’une demande de protection internationale en vertu du règlement Dublin III (157). Les États membres sont tenus de relever sans tarder les empreintes digitales des demandeurs âgés de 14 ans au moins et à les transmettre (au plus tard 72 heures suivant l’introduction de la demande) au système central Eurodac (158). Les États membres sont soumis à une obligation similaire de relever les empreintes digitales des ressortissants de pays tiers qui sont arrêtés lors d’un franchissement irrégulier de la frontière (159).

167. Le règlement d’application de Dublin spécifie qu’un résultat positif fourni par Eurodac crée une présomption qu’il y a eu entrée irrégulière (160).

168. Pour l’espace Schengen, le code frontières Schengen est également un outil qui s’avère utile pour déterminer si l’entrée d’un ressortissant de pays tiers sur le territoire de l’UE était régulière. Les conditions d’entrée sont énoncées à l’article 5, paragraphe 1, tandis que l’article 7 définit les règles relatives aux contrôles aux frontières. Il est probable que si de tels contrôles montrent que les conditions de l’article 5, paragraphe 1, du code frontières Schengen n’étaient pas remplies, les preuves énumérées au point 7) de la liste A à l’annexe II du règlement d’application de Dublin ou les indices évoqués au point 7) de la liste B seront apportés.

169. Par conséquent, dans les cas dans lesquels les exigences juridiques formelles pour que les ressortissants de pays tiers puissent franchir la frontière extérieure ne sont pas remplies, le franchissement de la frontière aura normalement et probablement été irrégulier.

170. Il est admis que les requérants dans les deux affaires au principal n’ont pas respecté les formalités exigées par le code frontières Schengen.

171. Le règlement Dublin III n’a cependant pas été conçu comme un instrument destiné à déterminer l’État membre responsable en cas d’arrivée d’un nombre massif de personnes (161). Les circonstances au moment de l’époque des faits sombrent dans un vide pour lequel il n’existe pas de disposition juridique précise que ce soit dans les traités ou dans le droit dérivé.

172. Les dispositions existantes peuvent-elles être interprétées d’une manière qui couvre ces circonstances ?

173. La convention de Genève ne contient pas de modèle de système permettant de déterminer l’État responsable de l’examen des demandes de protection internationale (162). Cet acte (à la différence de l’acquis de l’UE) est fondé sur un système distinct de droit international. Je souscris néanmoins à la position du gouvernement italien selon lequel vu l’article 78, paragraphe 1, TFUE, il est juste de renvoyer aux articles 31 et 33 de la convention de Genève comme point de départ pour l’interprétation de l’article 13, paragraphe 1, du règlement Dublin III. Les États qui ont autorisé les requérants à transiter par leurs territoires ont donc ce faisant agi en conformité avec leurs obligations au titre de la convention de Genève.

174. Le droit à l’asile ancré à l’article 18 de la Charte et l’interdiction de la torture et des traitements inhumains et dégradants de l’article 4 devraient également être pris en compte (163). Cette interdiction est particulièrement pertinente en ce qui concerne la possibilité de soumettre de nouveau des ressortissants de pays tiers demandant la protection internationale à des conditions qui violeraient l’article 4 ou le fait de les forcer à rester dans une situation en suspens à la frontière nationale dans des conditions qui sont dégradantes (164).

175. La question véritablement difficile est celle de la mise en balance des intérêts.

176. D’une part, il semble clair que les ressortissants de pays tiers dans la position de M. A. S. et des familles Jafari n’auront probablement pas rempli les conditions de l’article 5, paragraphe 1. Ils ne peuvent donc pas être considérés comme ayant franchi « régulièrement » la frontière extérieure de l’Union européenne. D’autre part, il est tout aussi clair qu’à l’époque des faits, les autorités des États membres de transit de l’UE n’ont pas seulement toléré les franchissements en masse des frontières, les autorisant ainsi tacitement ; ils ont activement facilité tant l’entrée sur que le transit à travers leurs territoires. Un tel franchissement de la frontière est-il « irrégulier » au sens ordinaire de ce terme ? Bien évidemment non. Comment alors définir ce terme et cette définition décrit-elle raisonnablement ce qui s’est déroulé ?

177. L’article 13, paragraphe 1, du règlement Dublin III est le critère du chapitre III le plus communément utilisé pour déterminer l’État membre responsable de l’examen des demandes de protection internationale (165). L’objectif de cette disposition est d’encourager les États membres à être vigilants et à assurer l’intégrité de la frontière extérieure de l’UE. Elle vise également à décourager les mouvements secondaires et la pratique du forum shopping par les demandeurs (166).

178. Prenons un instant un peu de recul et observons la situation normale au titre du règlement Dublin III avant de se pencher de nouveau sur les deux affaires en cause.

179. Dans des circonstances normales, l’article 13, paragraphe 1, du règlement Dublin III s’applique à une personne qui, par subterfuge ou moyen clandestin, est entré sur le territoire d’un État membre sans que cette entrée ne soit autorisée (du point de vue procédural et matériel) par les autorités compétentes. L’entrée et le séjour subséquent de cette personne sont clairement « irréguliers ». Un ensemble de règles aurait dû être respecté, mais ne l’a pas été. L’entrée n’a pas été approuvée par l’État membre en question, mais cet État n’a pas empêché que l’entrée sur son territoire ne se fasse. Peut-être que si l’État membre avait été plus vigilant au sujet de la défense de la frontière extérieure de l’UE, cette personne n’aurait pas réussi à se faufiler sur le territoire de l’UE.

180. Dans de telles circonstances, la logique voulant que l’on rende cet État membre responsable en vertu de l’article 13, paragraphe 1, du règlement Dublin III pour statuer sur la demande subséquente de protection internationale de cette personne est parfaitement compréhensible.

181. Il nous faut désormais retourner à la crise humanitaire qui s’est déroulée durant la période de septembre 2015 à mars 2016.

182. Une marée humaine de personnes désespérées – les personnes fuyant la guerre en Syrie venant gonfler le nombre de celles qui se sont mises en route à partir d’Irak et d’Afghanistan – est venue s’écraser au poste frontière croate. Ces personnes se comptent par centaines, par milliers (167). Elles n’ont rien ou presque avec elles. Si l’entrée leur est refusée, elles organiseront des camps improvisés avec l’assistance internationale – dans la mesure où et lorsqu’elle est offerte – d’organismes comme le HCR, la Croix Rouge et Médecins sans frontières pour les nourrir, les héberger et leurs apporter des soins. Il y aura alors une crise humanitaire aux portes de l’Union européenne. Il y a un risque manifeste que les États des Balkans voisins soient déstabilisés créant ainsi un réel danger pour la paix et la sécurité dans la région. L’hiver approche.

183. C’est la géographie et non le choix qui dicte quels États membres se trouvent en première ligne. Ces États membres – comme tous les États membres de l’UE – ont des obligations internationales en vertu de la convention de Genève. Clairement, ils devraient autoriser ces êtres humains dans la souffrance à entrer sur leur territoire pour des raisons humanitaires. Mais s’ils le font, ces États membres ne seront pas en mesure de garantir à chacun des conditions d’accueil adéquates (168). Ils ne peuvent pas non plus examiner promptement la demande de protection internationale de chacun si leurs administrations sont submergées par le nombre de demandes à traiter (169).

184. Il y a eu dès l’introduction de la convention de Dublin une tension entre deux objectifs différents (170). D’une part, le système de Dublin cherche à établir un système fournissant un mécanisme interétatique permettant aux États membres de déterminer rapidement le pays responsable de l’examen d’une demande de protection internationale. En poursuivant cet objectif, les États membres cherchent à prévenir deux phénomènes : le forum shopping et les mouvements secondaires. La Commission a également affirmé récemment : « Il est particulièrement important que tous les États membres s’engagent à mettre fin à l’approche consistant à laisser passer les personnes qui indiquent qu’elles souhaitent demander l’asile ailleurs. Les personnes arrivant dans l’Union doivent savoir que si elles ont besoin d’une protection, elles la recevront, mais que ce n’est pas à elles de décider où » (171). D’autre part, cette approche est en contradiction avec l’objectif défendu par de nombreuses organisations de la société civile et le HCR qui repose sur l’attribution de la responsabilité selon l’endroit où une demande de protection internationale est faite. Ce dernier objectif n’a jamais progressé en raison de l’absence, jusqu’à présent, de la volonté politique nécessaire (172).

185. Rien ne vient suggérer que M. A.S ou les familles Jafari entendent faire plusieurs demandes dans plusieurs États membres (173). De même, les inquiétudes quant aux mouvements secondaires sont également injustifiées dans les deux affaires. L’entrée de M. A.S et des familles Jafari dans l’Union européenne a été documentée. Leurs voyages respectifs n’étaient pas illicites au sens où la législation le prévoit (174).

186. Il est évident que les franchissements de frontières qui ont eu lieu dans les présentes affaires n’étaient pas « réguliers ». Je ne saurais cependant admettre que ces franchissements de frontières devraient être considérés comme « irréguliers » au sens de l’article 13, paragraphe 1, du règlement Dublin III avec pour conséquence que l’État membre dont la frontière a été franchie de manière « irrégulière » devient responsable pour statuer sur une demande subséquente de protection internationale.

187. Je note ici une difficulté supplémentaire au sujet des arguments avancés en particulier par la France et la Commission. M. A. S. et les familles Jafari sont entrés pour la première fois sur le territoire de l’UE à partir d’un État tiers lorsqu’ils ont franchi la frontière pour entrer en Grèce, pays qui est donc le premier État membre d’entrée. En vertu d’une interprétation stricte de l’article 13, paragraphe 1, du règlement Dublin III, la Grèce serait donc l’État membre responsable de l’examen de leurs demandes respectives de protection internationale. Il a cependant été reconnu depuis 2011 que les demandeurs de protection internationale ne peuvent pas être renvoyés en Grèce (175).

188. Dans le cadre du même voyage par voie terrestre, M. A. S. et les familles Jafari ont brièvement quitté le territoire de l’UE avant d’y entrer de nouveau en franchissant la frontière croate. Cet État est donc le deuxième État membre dans lequel ils sont entrés à partir d’un État tiers. Au risque d’énoncer ce qui semble relever de l’évidence, tous les États membres de l’UE n’ont pas des frontières terrestres contiguës avec d’autres États membres (176). Rien dans les termes de l’article 13, paragraphe 1, du règlement Dublin III ne soutient une interprétation en vertu de laquelle la responsabilité au titre de cette disposition est transférée au deuxième État membre d’entrée.

189. La vérité est tout simplement que l’article 13, paragraphe 1, du règlement Dublin III était destiné à traiter la situation normale des franchissements de frontières individuels et des demandes individuelles lorsque le ressortissant de pays tiers en cause entre sur le territoire de l’UE illégalement à partir d’un État tiers. Ni cette disposition ni le règlement Dublin III dans son ensemble n’était conçu pour couvrir une situation dans laquelle des masses de demandeurs potentiels de protection internationale franchissaient de manière autorisée la frontière. Ce règlement ne vise pas à assurer une répartition durable de la responsabilité pour les demandeurs de protection internationale à travers l’Union européenne en réponse à un tel afflux de personnes. C’est là cependant précisément le contexte des présents renvois préjudiciels (177).

190. Je conclus par conséquent que les termes « un demandeur a franchi irrégulièrement la frontière d’un État membre » à l’article 13, paragraphe 1, du règlement Dublin III ne couvrent pas une situation dans laquelle, en conséquence d’un afflux massif de ressortissants de pays tiers cherchant à obtenir la protection internationale dans l’Union européenne, des États membres autorisent les ressortissants de pays tiers concernés à franchir la frontière extérieure de l’Union européenne et à transiter par la suite vers d’autres États membres de l’UE afin d’introduire des demandes de protection internationale dans un État membre déterminé.

 Quatrième question : article 5, paragraphe 4, sous c), du code frontières Schengen

191. La juridiction de renvoi cherche à déterminer si l’approche du « laisser passer » signifie que les ressortissants de pays tiers concernés ont été « autorisés » à franchir la frontière extérieure de l’UE au sens de l’article 5, paragraphe 4, sous c), du code frontières Schengen.

192. Compte tenu de l’approche que je propose au sujet de l’interprétation du règlement Dublin III (telle qu’exposée au point 141 ci-dessus), il n’est, à proprement parler, nul besoin d’examiner cette disposition du code frontières Schengen. Je le ferai néanmoins dans un souci d’exhaustivité.

193. M. A. S. et les familles Jafari ont initialement franchi la frontière extérieure de l’UE en Grèce. Ils ont ensuite franchi la frontière extérieure pour entrer dans un États tiers, l’ancienne République yougoslave de Macédoine. Ils ont enfin franchi la frontière extérieure de l’UE pour entrer en Croatie à partir de la Serbie. Ils semblent à première vue relever du champ d’application du code frontières Schengen (178).

194. L’article 5, paragraphe 1, du code frontières Schengen pose les conditions d’entrée, de « court séjour », pour les ressortissants de pays tiers (179). Un ressortissant de pays tiers (ici un ressortissant afghan ou syrien) doit remplir les conditions suivantes : i) être en possession d’un document de voyage en cours de validité (180) ; ii) être en possession d’un visa en cours de validité (181) ; et iii) pouvoir justifier l’objet et les conditions du séjour envisagé (182). Le ressortissant de pays tiers concerné ne doit pas non plus faire l’objet d’un signalement dans le SIS et ne doit pas être considéré comme constituant une menace pour l’ordre public, la sécurité intérieure, la santé publique ou les relations internationales de l’État concerné (183). Les conditions énumérées à l’article 5, paragraphe 1, sont cumulatives.

195. Le code frontières Schengen prévoit que les contrôles aux frontières seront effectués conformément à ses articles 6 et 7. Il est prévu que de tels contrôles soient assouplis en cas de circonstances exceptionnelles et imprévues (184). Les documents de voyage des ressortissants de pays tiers devraient néanmoins se voir apposer un cachet de manière systématique lors de l’entrée ou de la sortie conformément à l’article 10. L’objectif principal de la surveillance des frontières exposé à l’article 12, paragraphe 1, du code frontières Schengen est de prévenir les franchissements non autorisés de la frontière, de lutter contre la criminalité transfrontalière et de prendre des mesures à l’encontre des personnes ayant franchi « illégalement » la frontière (185). Un ressortissant de pays tiers qui ne remplit pas toutes les conditions de l’article 5, paragraphe 1, doit se voir refuser l’entrée à moins que l’une des exceptions de l’article 5, paragraphe 4, ne s’applique.

196. La première phrase de l’article 5, paragraphe 4, sous c), permet aux États membres d’autoriser l’entrée, notamment, pour des motifs humanitaires ou pour respecter des obligations internationales.

197. La France et la Commission sont d’avis que l’article 5, paragraphe 4, sous c), du code frontières Schengen ne s’applique pas aux deux cas d’espèce. Elles soutiennent que les États membres sont tenus de procéder à une évaluation au cas par cas pour établir si la disposition s’applique. Une telle évaluation n’a pas été effectuée dans l’affaire A. S. ou l’affaire Jafari. Elles concluent par conséquent que l’article 5, paragraphe 4, sous c), ne saurait être invoqué.

198. Je ne suis pas d’accord.

199. Premièrement, les termes utilisés dans la dérogation à l’article 5, paragraphe 4, sous c), sont similaires à ceux utilisés à l’article 5, paragraphe 2, de la CAAS. Le deuxième sous-paragraphe de cette disposition contient les termes supplémentaires suivants : « Ces règles ne font pas obstacle à l’application des dispositions particulières relatives au droit d’asile […] ».

200. La genèse du texte montre que la proposition de la Commission pour le code frontières Schengen expliquait que le règlement proposé reproduisait en grande partie les articles 3 à 8 du chapitre 1 de la CAAS (186). Le texte de l’article 5, paragraphe 2, de la CAAS était exposé dans l’article 5, paragraphe 6, et dans l’article 11, paragraphe 1, de la proposition de la Commission. Le Parlement européen a introduit la dérogation qui est désormais l’article 5, paragraphe 4, sous c), afin de préciser les règles (187).

201. Je ne conçois pas l’absence de référence spécifique aux « dispositions spéciales concernant le droit d’asile » comme signifiant que la dérogation ne peut s’appliquer dans des circonstances comme celles qui se sont déroulées entre septembre 2015 et mars 2016. Il se peut que le législateur ait considéré que les termes de l’article 5, paragraphe 4, sous c), lus en combinaison avec ceux de l’article 3 bis, et à la lumière du considérant 7, étaient suffisamment clairs sans l’insertion de termes supplémentaires.

202. Deuxièmement, le terme « motifs humanitaires » n’est pas défini dans le code frontières Schengen. M. l’avocat général Mengozzi a récemment indiqué que l’expression est une notion autonome du droit de l’UE (188). Je souscris à son opinion. Il s’agit d’une expression large qui couvre la situation de personnes fuyant les persécutions et soumises au principe de non-refoulement. En outre, l’interprétation de cette expression à l’article 5, paragraphe 4, sous c), devrait tenir compte de l’obligation inscrite à l’article 3 bis que les États membres doivent agir dans le plein respect du droit pertinent de l’UE, y compris celui de la Charte, de la convention de Genève et des droits fondamentaux.

203. Il me semble par conséquent que les situations respectives de M. A. S. et des familles Jafari relèvent des termes de la première phrase de l’article 5, paragraphe 4, sous c), du code frontières Schengen.

204. Rien ne vient indiquer qu’une évaluation au cas par cas aurait eu lieu dans l’une ou l’autre affaire. Il semble fort probable qu’il n’y en ait pas eu. Cette disposition s’applique-t-elle néanmoins ?

205. Je considère que oui.

206. Il est vrai que la deuxième phrase de l’article 5, paragraphe 4, sous c), du code frontières Schengen exige une évaluation individuelle afin d’établir si la personne concernée fait l’objet d’un signalement dans le SIS. Les termes employés n’indiquent cependant pas que la première phrase de cette disposition ne peut être appliquée que si les conditions de la deuxième phrase ont déjà été remplies. Les deux parties de l’article 5, paragraphe 4, sous c), sont indéniablement liées, mais la première peut être lue indépendamment de la seconde.

207. Je suis par conséquent d’avis que même si le critère de l’article 13, paragraphe 1, du règlement Dublin III doit être lu en combinaison avec le code frontières Schengen, un État membre frontalier aurait le droit de choisir de s’appuyer sur la dérogation de l’article 5, paragraphe 4, sous c), de ce dernier texte pour autoriser des ressortissants de pays tiers à franchir ses frontières extérieures sans procéder à des évaluation individuelles dans les circonstances de l’époque des faits. Bien qu’un tel État membre devrait, si possible, s’efforcer de respecter les termes de la deuxième phrase de cette disposition, l’application de la première phrase de l’article 5, paragraphe 4, sous c), ne dépend pas d’un tel respect.

208. Lorsqu’un État membre autorise un ressortissant de pays tiers à entrer sur son territoire sur le fondement de l’article 5, paragraphe 4, sous c), la personne concernée est quelqu’un qui, par définition, ne remplit pas les conditions d’entrée énoncées à l’article 5, paragraphe 1, du code frontières Schengen. Dans la mesure où ces conditions d’entrée ne sont pas remplies, le franchissement de la frontière extérieure par le ressortissant de pays tiers concerné doit, au sens formel, être irrégulier. L’entrée de cette personne est cependant de facto autorisée et le fondement juridique de cette autorisation est la dérogation inscrite à l’article 5, paragraphe 4, sous c).

209. Cette autorisation ne saurait être ignorée aux fins de l’article 13, paragraphe 1, du règlement Dublin III.

210. Dès lors, je conclus dans l’alternative que, lorsqu’un État membre autorise un ressortissant de pays tiers à entrer sur son territoire sur le fondement de l’article 5, paragraphe 4, sous c), du code frontières Schengen, le ressortissant de pays tiers concerné est, par définition, une personne qui ne remplit pas les conditions d’entrée énoncées à l’article 5, paragraphe 1, de ce règlement. Pour autant que ces conditions d’entrée ne sont pas remplies, le franchissement de la frontière extérieure par le ressortissant de pays tiers concerné doit au sens formel être irrégulier. Son entrée aura néanmoins été de facto autorisée et le fondement juridique de cette autorisation est la dérogation de l’article 5, paragraphe 4, sous c), du code frontières Schengen.

 Cinquième question : article 14 du règlement Dublin III

211. Il découle de mes conclusions aux points 152 et 190 ci-dessus que je considère que les critères du chapitre III à l’article 12 (visas) et à l’article 13 (entrée irrégulière) du règlement Dublin III ne s’appliquent pas dans les circonstances qui se sont présentées dans les Balkans occidentaux entre septembre 2015 et mars 2016.

212. Les requérantes dans l’affaire Jafari soutiennent que l’article 14 du règlement Dublin III (entrée sous exemption de visa) est le critère pertinent.

213. Je ne trouve pas ce point de vue convaincant.

214. Premièrement, le règlement no 539/2001 pose des règles énumérant les États tiers dont les ressortissants doivent être en possession d’un visa lorsqu’ils franchissent les frontières extérieures de l’UE pour entrer sur son territoire. Lorsque ces règles s’appliquent (comme en l’espèce), le ressortissant de pays tiers concerné doit être en possession du visa requis (189). Le règlement comprend certaines exceptions à cette exigence générale comme celles qui s’appliquent aux ressortissants de pays tiers des États énumérés dans l’annexe II du règlement no 539/2001 qui entendent faire un « court séjour » dans l’Union européenne (190). Il est également possible de faire des exceptions à la règle générale lorsque les conditions de l’article 4 de ce règlement s’appliquent (191). Cependant, en dehors de ces exceptions expresses à la règle générale, il n’y a pas d’autres circonstances dans lesquelles un ressortissant de pays tiers peut être libéré de l’obligation de posséder un visa.

215. Deuxièmement, en l’absence de mention explicite dans l’article 14 du règlement Dublin III, il me semble que les termes « [le ressortissant de pays tiers est] exempté de l’obligation de visa » ne peuvent pas être interprétés en ce sens qu’un État membre peut unilatéralement cesser d’appliquer pour d’autres motifs ou des motifs supplémentaires l’obligation générale d’être en possession d’un visa telle que posée qu’énoncée à l’article 1er du règlement no 539/2001 (lu en combinaison avec son annexe I pour certains États tiers). Le règlement est après tout directement applicable dans tous les États membres conformément à l’article 288 TFUE. Je lis ces termes au contraire comme renvoyant à titre premier aux exigences de visa qui ne sont pas régies par le règlement no 539/2001 comme les visas de long séjour.

216. Troisièmement, en tant que ressortissants afghans, les membres des familles Jafari étaient tenus de posséder des visas pour entrer dans l’Union européenne (192). Cette exigence est obligatoire tant pour le ressortissant de pays tiers que pour l’État membre concerné en ce qui concerne les pays énumérés dans l’annexe I du règlement no 539/2001. Il semble acquis que les familles Jafari ne relèvent pas des exceptions de l’article 1er, paragraphe 2, ou de l’article 4 de ce règlement (193).

217. Une interprétation alternative de l’article 14 du règlement Dublin III pourrait être qu’un État membre peut écarter l’obligation de visa dans un cas individuel spécifique tout en reconnaissant que, ce faisant, il assume la responsabilité de statuer sur la demande de protection internationale de cette personne. Une telle exemption exigerait cependant, selon moi, une évaluation au cas par cas. Il n’est noté nulle part qu’une telle évaluation aurait eu lieu en l’espèce. Les circonstances suggèrent en fait le contraire, à savoir qu’il y avait une politique consistant à autoriser les ressortissants de pays tiers venant d’Afghanistan, d’Iraq et de Syrie à franchir les frontières intérieures des États membres sans la moindre évaluation au cas par cas (194).

218. Je rejette par conséquent l’argument selon lequel dans les circonstances de l’affaire des familles Jafari, l’autorisation donnée aux ressortissants de pays tiers pour entrer sur le territoire des États membres de l’UE constitue une entrée sous exemption de visa aux fins de l’article 14, paragraphe 1, du règlement Dublin III. Je ne souscris pas non plus à l’idée que l’article 14, paragraphe 2, s’applique en ce qui concerne la situation de l’Autriche (l’État membre dans lequel la demande de protection internationale a été introduite). Il me semble que le même raisonnement s’applique en toute logique tant à l’article 14, paragraphe 1 qu’à l’article 14, paragraphe 2.

 Application du règlement Dublin III aux deux affaires en cause

219. Les critères de la relation familiale énoncés aux articles 8 à 11 et 15 du règlement Dublin III sont sans pertinence pour les situations de M. A.S et des familles Jafari.

220. Je parviens à la conclusion qu’aucun des critères du chapitre III ne s’applique à ces deux affaires dans les circonstances qui se sont présentées entre septembre 2015 et mars 2016 dans les Balkans occidentaux. Ces critères ne peuvent pas être interprétés et appliqués de manière à atteindre l’objectif décrit au considérant 5 du règlement Dublin III, à savoir établir une « méthode […] fondée sur des critères objectifs et équitables tant pour les États membres que pour les personnes concernées. Elle devrait, en particulier, permettre une détermination rapide de l’État membre responsable afin de garantir un accès effectif aux procédures d’octroi d’une protection internationale et ne pas compromettre l’objectif de célérité dans le traitement des demandes de protection internationale ».

221. Il n’y a pas de critère dans le chapitre III qui vise spécifiquement la situation dans laquelle un ou plusieurs États membres sont confrontés à un afflux soudain et massif de ressortissants de pays tiers. Il semble improbable que le législateur, lorsqu’il a adopté un nouveau règlement pour mettre à jour le règlement Dublin II et a conservé son approche pour désigner l’État membre responsable (sur le fondement d’un examen au cas par cas de chaque demande de protection internationale), ait jamais envisagé qu’une telle situation puisse se présenter.

222. Il est vrai que l’article 78, paragraphe 3, TFUE fournit une base juridique pour une action commune de l’UE afin de faire face à une telle situation d’urgence. Il est également vrai qu’il y a eu certaines initiatives comme les mesures adoptées pour relocaliser les ressortissants de pays tiers de Grèce et d’Italie (195). Il y a également eu des initiatives moins formelles comme la réunion sur la « route migratoire des Balkans occidentaux » qui s’est tenue à Bruxelles le 25 octobre 2015 à l’invitation de la Commission et qui a conduit à l’adoption d’une déclaration visant à améliorer la coopération et la consultation entre les États concernés (196). Il a été demandé à la Commission de surveiller la mise en œuvre de la déclaration.

223. Le point fondamental est qu’il n’y avait pas de consensus politique au sujet d’une solution pour les Balkans occidentaux (197).

224. La position libérale de l’Allemagne a été décrite dans les grandes titres de la presse en ce sens que « [l]’Allemagne suspend l’accord de Dublin pour les réfugiés syriens » (198) et le règlement Dublin III a été critiqué comme étant « en panne ». La politique initiale en Allemagne (voir le point 12 ci-dessus) d’accueillir les syriens demandant la protection internationale sans restriction a été décrite comme « [l]’Allemagne a arrêté d’utiliser [Dublin] » (199). L’Allemagne n’a cependant pas été le seul État membre à avoir pris des initiatives à l’époque des faits. D’autres ont adopté une approche plutôt différente (200).

225. Les États membres ont ainsi parfois agi de manière unilatérale, parfois de manière bilatérale et parfois en groupe, avec ou sans des États tiers. Le statut juridique précis des divers accords par rapport au cadre juridique de l’UE n’est pas tout à fait clair même si les dispositions régissant l’espace de liberté, de sécurité et de justice dans le titre V du TFUE laissent une certaine marge de manœuvre pour faire preuve de flexibilité.

226. En tout état de cause, il n’en demeure pas moins qu’aucun critère sur mesure n’a été inséré dans le règlement Dublin III pour couvrir la situation dans les Balkans occidentaux à l’époque des faits. Aucun autre acte juridique n’a par ailleurs été proposé ou adopté pour combler le vide.

227. C’est le contexte dans lequel la Cour est désormais appelée à fournir une interprétation cohérente du règlement Dublin III.

228. D’une part (et contrairement aux points de vue que j’ai exprimés ci-dessus), la France et la Commission soutiennent que l’article 5, paragraphe 4, sous c), du code frontières Schengen ne s’applique pas et que le critère de l’article 13, paragraphe 1, du chapitre III est pertinent et devrait être appliqué strictement. Il découle de cette observation que les ressortissants de pays tiers qui ont franchi la frontière extérieure de l’UE doivent soumettre leur demande de protection internationale dans l’État membre dans lequel ils sont arrivés en premier de manière « irrégulière ».

229. D’autre part, si la politique du « laisser-passer » signifie que les ressortissants de pays tiers ont le droit de transiter à travers un ou plusieurs États membres afin d’introduire leur demande de protection internationale dans un autre État membre de leur choix, la question se pose de savoir si cela est éventuellement incompatible avec l’objectif du règlement Dublin III de prévenir les mouvements secondaires et le forum shopping.

230. Il s’agit une fois de plus d’une question de mise en balance des intérêts entre deux perspectives opposées (201).

231. La difficulté majeure soulevée par l’interprétation stricte défendue par la France et la Commission est qu’elle ne tient pas compte de manière réaliste des circonstances qui se sont présentées dans les Balkans occidentaux à l’époque des faits et elle ignore les éléments matériels liés aux franchissements de frontières. Du fait de leur situation géographique, les États membres frontaliers – en particulier la Croatie et la Slovénie (qui n’a pas de frontière avec un États tiers mais qui est le premier État Schengen (202)) – auraient été submergés par le nombre de demandeurs qu’ils devaient accueillir et le nombre correspondant de demandes de protection internationale qu’ils auraient été obligés de traiter. Entre le 16 septembre 2015 et le 5 mars 2016, 685 068 personnes sont entrées en Croatie. Les arrivées quotidiennes étaient en moyenne d’environ 5 500 ressortissants de pays tiers ; le 17 septembre 2015 ce chiffre a grimpé jusqu’à atteindre 11 000 (203).

232. Une telle issue ne saurait correspondre à l’objectif de fonder la décision sur des « critères équitables tant pour les États membres que pour les personnes concernées » (204). Lorsque le système national d’asile d’un État membre est surchargé, cet État membre ne peut pas garantir un accès effectif aux procédures d’octroi de la protection internationale ; l’objectif de traiter rapidement les demandes de protection internationale, tel qu’énoncé dans la directive procédures, est inévitablement compromis. Il est probable que l’État membre concerné fera aussi face à une grande difficulté voire une impossibilité de se conformer aux règles de la directive accueil définissant les standards pour l’accueil des demandeurs de protection internationale (205).

233. Dans l’affaire N. S. e.a. (206), la Cour a affirmé qu’une violation de la directive procédures ou de la directive accueil n’est pas un facteur à prendre en compte pour déterminer l’État membre responsable dans la mesure où agir ainsi ajouterait, par une porte dérobée, un critère à ceux énumérés dans le chapitre III du règlement Dublin III (207). La Cour a néanmoins poursuivi en jugeant que « dans l’hypothèse où il y aurait lieu de craindre sérieusement qu’il existe des défaillances systémiques de la procédure d’asile et des conditions d’accueil des demandeurs d’asile dans l’État membre responsable, impliquant un traitement inhumain ou dégradant, au sens de l’article 4 de la Charte, des demandeurs d’asile transférés vers le territoire de cet État membre, ce transfert serait incompatible avec [le règlement Dublin II] » (208). Cette affaire concernait la situation en Grèce et le prédécesseur du règlement Dublin III.

234. Je perçois un risque réel résultant du fait que si les États membres frontaliers comme la Croatie sont considérés comme étant responsables de l’accueil et du traitement d’un nombre exceptionnellement élevé de demandeurs d’asile, ils seront confrontés à une charge disproportionnée en ce qui concerne le retour des ressortissants de pays tiers qui ont bénéficié de la politique de « laisser passer » entre septembre 2015 et mars 2016. Certains de ces demandeurs comme M. A. S. et les familles Jafari ont par la suite fait l’objet de demandes de transfert que l’État membre frontalier concerné doit ensuite traiter. Cet État membre devra alors selon toute vraisemblance examiner la demande de protection internationale au fond. Il est évident que l’accroissement du nombre de demandeurs d’asile retournés en vertu du règlement Dublin III a déjà accru la pression pesant sur le système d’asile croate (209). Il est tout à fait possible que la Croatie – comme c’est déjà le cas pour la Grèce – sera tout simplement incapable de faire face à la situation si elle est en plus tenue d’accueillir de grands nombres de demandeurs qui avaient auparavant transité par cet État membre.

235. La Slovénie a été confrontée à des nombres similaires de personnes cherchant à entrer sur son territoire et ses ressources administratives pour l’accueil des demandeurs étaient sollicitées au-delà de leurs capacités (210). Le gouvernement slovène a décrit la situation comme constituant l’un des plus grands défis humanitaires auquel il a dû faire face depuis la Seconde Guerre mondiale (211). Cela pourrait par voie de conséquence placer cet État membre dans une situation où il est incapable de se conformer à ses obligations au titre de l’article 4 de la Charte et de l’article 3 CEDH (212).

236. Je ne pense pas qu’à l’époque des faits, il pouvait raisonnablement être attendu ou exigé des demandeurs de protection internationale qu’ils fassent une demande dans le premier État membre dans lequel ils entraient comme la Commission a semblé le suggérer lors de l’audience. Il est vrai que le système de Dublin est conçu pour fonctionner sur la base de cette prémisse et que les empreintes digitales d’un demandeur individuel sont prises et enregistrées dans Eurodac sur ce fondement. Néanmoins, rien de cela ne reflète la réalité de la situation entre septembre 2015 et mars 2016 où les autorités compétentes ont dû traiter un afflux massif de personnes. J’ajoute qu’en vertu des règles actuelles il n’est nullement question de forcer les personnes à donner leurs empreintes digitales (peut-être parce que le règlement Dublin III et le règlement Eurodac respectent les droits fondamentaux et qu’une telle pratique pourrait ne pas être compatible avec cet objectif) alors que cela aurait probablement été le seul moyen de garantir que chacun ait ses empreintes digitales prises lors du transit.

237. C’est précisément parce que la situation était à ce point sans précédent que je ne pense pas que les inquiétudes (légitimes) liées aux mouvements secondaires et au forum shopping se matérialisent de la même manière qu’elles le feraient dans des circonstances normales. Les présentes affaires ne concernent pas des individus qui ont franchi clandestinement la frontière pour entrer sur le territoire de l’UE. Les franchissements de la frontière étaient dans les deux cas autorisés. Les personnes concernées ont fait part de leurs intentions aux autorités et elles ont été enregistrées (213). Il n’en va pas ici de mouvements secondaires illégaux. Rien dans le dossier devant la Cour ne vient suggérer que les demandeurs souhaitaient se livrer au « forum shopping ». Ils souhaitaient simplement faire leurs demandes respectives dans certains États membres qui avaient manifesté leur disposition à examiner de telles demandes. La situation ne correspond pas aux archétypes existants. Il ne s’ensuit donc pas nécessairement que les préoccupations liées aux mouvements secondaires et au forum shopping – des préoccupations qui s’appliquent légitimement au demandeur individuel conventionnel – sont ici pertinentes.

238. Les critères du chapitre III n’ont pas été conçus en ayant la situation dans les Balkans occidentaux à l’esprit (214). Insister sur une application rigoureuse de ces critères va à l’encontre d’un autre objectif déclaré du règlement Dublin III, à savoir garantir que les États membres ne maintiennent pas les demandeurs de protection internationale « en orbite » (215).

239. Cela signifie-t-il que le règlement Dublin III est « en panne » ?

240. Je ne le crois pas.

241. L’article 3 du règlement Dublin III introduit certains principes généraux et certaines mesures de protection auxquelles les États membres peuvent recourir. La règle à l’article 3, paragraphe 1, que les demandes doivent être examinées par un unique État membre continue à s’appliquer. L’article 3, paragraphe 2, prévoit que dans des circonstances « [l]orsque aucun État membre responsable ne peut être désigné sur la base des critères énumérés dans le présent règlement, le premier État membre auprès duquel la demande de protection internationale a été introduite est responsable de l’examen. » Les États membres peuvent également décider d’utiliser la clause discrétionnaire de l’article 17, paragraphe 1, en vertu duquel ils peuvent examiner les demandes de protection internationale introduites par des ressortissants de pays tiers, même si un tel examen ne relève pas de leur responsabilité en vertu des critères du chapitre III.

242. Eu égard aux circonstances totalement exceptionnelles dans les Balkans occidentaux durant la période de septembre 2015 à mars 2016, l’État membre responsable peut être déterminé sur la base de l’une quelconque de ces dispositions du règlement Dublin III. Dans aucune des deux affaires devant la Cour, l’État membre concerné n’a volontairement assumé la responsabilité en vertu de l’article 17, paragraphe 1. L’État membre responsable devrait donc être désigné sur le fondement de l’article 3, paragraphe 2. Ce point de vue respecte la sauvegarde des droits fondamentaux introduite par le législateur de l’Union et est conforme à l’objectif général énoncé au considérant 7 dans la mesure où il attribue clairement la responsabilité pour l’examen des demandes de protection internationale entre les États membres.

243. Je conclus que les faits dans les affaires au principal ne permettent de désigner aucun « État membre responsable » en vertu du chapitre III du règlement Dublin III. Il s’ensuit que les demandes de protection internationale respectives devraient être examinées par le premier État membre dans lequel ces demandes ont été introduites conformément à l’article 3, paragraphe 2, de ce règlement.

 Affaire C‑490/16 A.S.

244. La juridiction de renvoi évoque un problème supplémentaire dans son ordonnance au sujet du droit à une protection juridictionnelle effective et de la manière dont les délais sont calculés.

245. Par sa première question, la juridiction de renvoi demande en substance si M. A. S. a le droit de contester, en application de l’article 27 du règlement Dublin III, la décision des autorités slovènes compétentes demandant à ce que la Croatie assume la responsabilité de l’examen de sa demande d’asile sur le fondement de l’article 13, paragraphe 1, de ce règlement.

246. Vu l’arrêt de la Cour dans l’affaire Ghezelbash (216) la réponse à cette question doit être sans ambiguïté « oui ». La Cour a affirmé dans cet arrêt que « l’article 27, paragraphe 1, du [règlement Dublin III], lu à la lumière du considérant 19 de ce règlement, doit être interprété en ce sens que, dans une situation telle que celle en cause au principal, un demandeur d’asile peut invoquer, dans le cadre d’un recours exercé contre une décision de transfert prise à son égard, l’application erronée d’un critère de responsabilité énoncé au chapitre III dudit règlement. […] » (217).

247. Je conclus que lorsqu’un demandeur de protection internationale conteste une décision de transfert au motif que le critère de l’article 13, paragraphe 1, a été mal appliqué, l’article 27, paragraphe 1, du règlement Dublin III doit être interprété en ce sens que cette personne a le droit d’invoquer, dans un recours contre une décision de transfert le visant, la mauvaise application de ce critère de détermination de la responsabilité énoncé dans le chapitre III de ce règlement.

248. Par sa cinquième question, la juridiction de renvoi vise à déterminer si les délais fixés à l’article 13, paragraphe 1, et à l’article 29, paragraphe 2, du règlement Dublin III continuent à s’appliquer lorsqu’un demandeur de protection internationale conteste une décision de transfert en vertu de l’article 27, paragraphe 1.

249. L’article 13, paragraphe 1, dispose que dans les cas dans lesquels la désignation de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale est fondée sur le fait que le demandeur a irrégulièrement franchi la frontière et est entré dans cet État à partir d’un État tiers, la responsabilité pour l’examen de la demande cesse douze mois après la date du franchissement irrégulier de la frontière.

250. Compte tenu du fait que M. A. S. a exercé son droit de recours contre la décision de transfert, le délai indiqué à l’article 13, paragraphe 1, aurait expiré avant que le litige ne soit tranché. Cela est d’autant plus vrai que la procédure nationale est actuellement suspendue dans l’attente de la décision de la Cour.

251. Il me semble ressortir des termes de l’article 13, paragraphe 1, que le délai qui y est fixé vise uniquement à garantir que l’État membre qui demande le transfert (« l’État membre requérant ») à l’État où le ressortissant de pays tiers a franchi pour la première fois la frontière extérieure et est entré sur le territoire de l’UE agisse rapidement (218). Si l’État membre requérant n’agit pas dans un délai de douze mois, il devient alors par défaut l’État membre responsable de l’examen de la demande de protection internationale. Ce délai n’est pas lié à un droit de recours du demandeur. Voir le délai de douze mois comme fonctionnant de cette manière serait contraire à l’objectif de déterminer rapidement l’État membre responsable dans le cadre du régime de Dublin.

252. L’article 29, paragraphe 2, prévoit que dans les cas dans lesquels le transfert d’un demandeur de protection internationale de l’État membre requérant (ici la Slovénie) à l’État membre responsable (ici la Croatie) n’a pas lieu dans un délai de six mois à compter de l’accueil de la demande de transfert, l’État membre responsable est libéré de ses obligations. En vertu de l’article 27, paragraphe 3, l’introduction d’un recours ou d’une demande de révision contestant une décision de transfert a un effet suspensif pour le demandeur. Le règlement ne dit cependant rien sur le point de savoir si une contestation de cette nature suspend le cours des délais énoncés à l’article 29, paragraphe 2, du règlement Dublin III.

253. Lorsque des recours contre des décisions de transfert au titre de l’article 27, paragraphe 1, du règlement Dublin III ont des effets suspensifs au sens de l’article 27, paragraphe 3, sous a) et b), toute décision de transfert est suspendue conformément aux termes exprès de ces dispositions. Il semble clair que dans de telles circonstances le délai de l’article 29, paragraphe 2, ne court pas.

254. La situation est moins évidente lorsque l’article 27, paragraphe 3, sous c), s’applique. Dans un tel cas, les États membres doivent accorder à un demandeur la possibilité de demander la suspension de la décision de transfert. Le délai au titre de l’article 29, paragraphe 2, ne peut pas courir durant la période de suspension. Si le demandeur échoue cependant, la suspension est levée et le délai de six mois recommence à courir.

255. Il me semble que lire les articles 27 et 29 en ce sens que le délai de six mois continue à courir indépendamment de tout recours contre la décision de transfert serait incompatible avec l’objectif et l’économie du règlement. Cela signifierait que le processus de transfert pourrait être contrecarré par des procédures juridiques prolongées.

256. Je considère par conséquent que le délai de six mois indiqué par l’article 29, paragraphe 2, du règlement Dublin III cesse de courir lorsqu’un recours au titre de l’article 27, paragraphe 1, a un effet suspensif au sens de l’article 27, paragraphe 3, de ce règlement.

257. Il n’est pas tout à fait clair quelles implications cela pourrait avoir pour M. A. S. La Cour ne dispose d’aucune information quant à la manière dont la Slovénie a choisi de mettre en œuvre l’article 27, paragraphe 3, du règlement Dublin III.

258. Il est néanmoins constant que les conditions dans lesquelles M. A. S. est entré dans l’Union européenne étaient sans précédent. Il est également admis qu’il a été autorisé à entrer en Croatie par les autorités de cet État et qu’il a de la même manière été autorisé à entrer dans l’espace Schengen lorsqu’il a franchi la frontière entre la Croatie et la Slovénie. Lors de l’audience, la Slovénie a indiqué que l’autorisation avait été accordée sur la base de l’article 5, paragraphe 4, sous c), du code frontières Schengen. Dans ces circonstances, comme je l’ai indiqué, il me semble que l’entrée de M. A. S. n’était pas « irrégulière » aux fins de l’article 13, paragraphe 1, du règlement Dublin III. Il a été enregistré lors de son passage à la frontière extérieure et rien ne vient indiquer qu’il faisait l’objet d’un signalement dans le SIS. Il ne peut pas être renvoyé en Grèce (son point d’entrée initial dans l’Union européenne)(219). Il s’ensuit que la Slovénie est l’État membre responsable de l’examen de sa demande de protection internationale conformément à l’article 3, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement Dublin III.

 Affaire C‑646/16 Jafari

259. Il découle du point 244 ci-dessus que je considère que les demandes de protection internationale des familles Jafari devraient être examinées par les autorités autrichiennes sur le fondement de l’article 3, paragraphe 2, du règlement Dublin III. Je ne pense pas que la politique de « laisser passer » des États des Balkans occidentaux équivalait à un visa aux fins de l’article 12 du règlement Dublin III. Il n’y avait pas non plus d’exemption de visa au sens de l’article 14 du règlement Dublin III.

260. Cependant, l’entrée des familles Jafari sur le territoire de l’Union européenne à partir d’un État tiers a été autorisée tout comme l’a été leurs franchissements subséquents des frontières intérieures de l’UE. Il n’est pas clair si cela a été expressément fait sur le fondement juridique de l’article 5, paragraphe 4, sous c), du code frontières Schengen. Il est néanmoins irréfutable qu’il leur a été permis d’entrer et qu’elles ont été aidées à le faire par les autorités nationales compétentes. Dans les circonstances sans précédent qui se sont déroulées dans les Balkans occidentaux entre septembre 2015 et mars 2016, cela suffit pour rendre le critère de l’article 13, paragraphe 1, du règlement Dublin III inapplicable.

261. Les familles Jafari ne peuvent pas être renvoyées en Grèce (leur point d’entrée initial dans l’Union européenne) (220). Il s’ensuit que l’Autriche est l’État membre responsable de l’examen de leurs demandes de protection internationale conformément à l’article 3, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement Dublin III.

 Conclusion

262. Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, je suis d’avis que la Cour devrait se prononcer comme suit :

En ce qui concerne tant l’affaire C‑490/16 A. S. que l’affaire C‑646/16 Jafari :

1)      Le règlement (UE) no 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride devrait être interprété par référence aux termes, au contexte et aux objectifs de ce seul règlement, plutôt qu’en combinaison avec d’autres actes de l’UE – dont en particulier le règlement (CE) no 562/2006 du Parlement européen et du Conseil du 15 mars 2006 établissant un code communautaire relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen) et la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier – sans préjudice du fait qu’en interprétant le règlement no 604/2013 les dispositions de ces actes devraient être pris en compte dans la mesure nécessaire pour assurer la cohérence entre les différentes politiques dans le chapitre 2, titre V, TFUE.

2)      Dans les circonstances totalement exceptionnelles dans lesquelles un nombre massif de ressortissants de pays tiers est entré dans l’Union européenne entre la fin de l’année 2015 et le début de l’année 2016 et a été autorisé à franchir la frontière extérieure de l’UE à partir d’États tiers, le fait que certains États membres aient autorisé les ressortissants de pays tiers concernés à franchir la frontière extérieure de l’Union européenne et à transiter par la suite vers d’autres États membres de l’UE afin d’introduire des demandes de protection internationale dans un État membre déterminé n’équivaut pas à la délivrance d’un « visa » aux fins de l’article 2, sous m), et de l’article 12 du règlement no 604/2013.

3)      Les termes « un demandeur a franchi irrégulièrement la frontière d’un État membre » à l’article 13, paragraphe 1, du règlement no 604/2013 ne couvrent pas une situation dans laquelle en conséquence d’un afflux massif de ressortissants de pays tiers cherchant à obtenir la protection internationale dans l’Union européenne, les États membres autorisent les ressortissants de pays tiers concernés à franchir la frontière extérieure de l’Union européenne et à transiter par la suite vers d’autres États membres de l’UE afin d’introduire des demandes de protection internationale dans un État membre déterminé.

4)      À titre subsidiaire, lorsqu’un État membre autorise un ressortissant de pays tiers à entrer sur son territoire sur la base de l’article 5, paragraphe 4, sous c), du code frontières Schengen, le ressortissant de pays tiers concerné est, par définition, une personne qui ne remplit pas les conditions d’entrée énoncées par l’article 5, paragraphe 1, de ce règlement. Dans la mesure où ces conditions d’entrée ne sont pas remplies, le franchissement de la frontière extérieure par le ressortissant de pays tiers concerné doit, au sens formel, être irrégulier. Cette entrée aura cependant de facto été autorisée et la base juridique de cette autorisation est la dérogation prévue à l’article 5, paragraphe 4, sous c), du code frontières Schengen.

5)      Dans les circonstances qui se sont présentées dans les Balkans occidentaux entre la fin de l’année 2015 et le début de l’année 2016, l’autorisation accordée aux ressortissants de pays tiers pour entrer sur le territoire des États membres de l’UE ne constitue pas une entrée sous exemption de visa aux fins de l’article 14, paragraphe 1, du règlement no 604/2013.

6)      Les faits des affaires au principal ne permettent de désigner aucun « État membre responsable » en vertu du chapitre III du règlement no 604/2013. Il s’ensuit que les demandes de protection internationale respectives devraient être examinées par le premier État membre dans lequel ces demandes ont été introduites conformément à l’article 3, paragraphe 2, de ce règlement.

En ce qui concerne l’affaire C‑490/16 A.S. :

7)      Lorsqu’un demandeur de protection internationale conteste une décision de transfert au motif que le critère de l’article 13, paragraphe 1, a été mal appliqué, l’article 27, paragraphe 1, du règlement no 604/2013 doit être interprété en ce sens que cette personne a le droit d’invoquer, dans un recours contre une décision de transfert le visant, la mauvaise application de ce critère pour la détermination de la responsabilité énoncé dans le chapitre III de ce règlement.

8)      Le délai de six mois indiqué à l’article 29, paragraphe 2, du règlement no 604/2013 cesse de courir lorsqu’un recours au titre de l’article 27, paragraphe 1, a un effet suspensif au sens de l’article 27, paragraphe 3, de ce règlement.


1      Langue originale : l’anglais.


2      En allant du nord au sud : Finlande, Estonie, Lettonie, Lituanie, Pologne, Slovaquie, Hongrie, Bulgarie et Roumanie. L’enclave russe de Kaliningrad Oblast est entourée par la Pologne, la Lituanie et la mer Baltique.


3      Ainsi, la Croatie, en plus de ses frontières avec ses voisins de l’UE, la Slovénie et la Hongrie, a également des frontières extérieures avec la Bosnie-Herzégovine, la Serbie et le Monténégro. La Grèce a une frontière intérieure de l’UE avec la Bulgarie et des frontières extérieures avec l’Albanie, l’ancienne République yougoslave de Macédoine et la Turquie.


4      La convention de Genève (voir point 19 ci-dessous) définit les réfugiés comme les personnes fuyant les conflits et les persécutions ; le terme de « réfugiés » est également utilisé dans un sens large pour couvrir les personnes qui font partie d’un flux quittant un pays ou une région affectée par un conflit avant d’avoir eu une chance de demander formellement et d’obtenir le statut de réfugié. La migration est un concept très différent. Il n’existe aucune définition universellement acceptée au niveau international du terme de « migrant ». Le terme est habituellement compris comme couvrant tous les cas dans lesquels la décision de migrer a été prise librement par la personne concernée pour des raisons de « convenance personnelle » et sans l’intervention d’un facteur déterminant extérieur. Il s’agit là d’une différence fondamentale entre les « migrants » et les « réfugiés ». L’expression de « migrant » est régulièrement utilisée dans la presse pour couvrir les migrants dits « économiques » qui quittent leur pays d’origine uniquement pour des raisons économiques qui ne sont pas liées au concept de « réfugié » afin de chercher à améliorer matériellement leur qualité de vie ; voir le glossaire du Réseau européen des migrations ainsi que la déclaration du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (ci-après le « HCR ») du 11 juillet 2016, « “Réfugié” ou “migrant”, quel est le terme juste ? »


5      Entre (respectivement) : l’Irlande et le Royaume-Uni ; le Royaume-Uni et la France et la Belgique ; le Royaume-Uni et les Pays-Bas et l’Allemagne.


6      Le Skagerak sépare le Danemark de son voisin de l’EEE, la Norvège.


7      Le Kattegat et la mer Baltique séparent le Danemark et l’Allemagne de la Suède.


8      La mer Baltique, le golfe de Botnie et le golfe de Finlande.


9      La Finlande a des frontières terrestres avec la Suède (un autre État membre de l’UE), la Norvège (un État membre de l’EEE) et la Russie (un État tiers).


10      J’utilise ce terme pour décrire, successivement une série d’instruments juridiques. Il y a eu tout d’abord la convention de Dublin (convention relative à la détermination de l’État responsable de l’examen d’une demande d’asile présentée dans l’un des États membres des Communautés européennes, JO 1997, C 254, p. 1). Les États membres ont signé cette convention à Dublin le 15 juin 1990. La convention de Dublin est entrée en vigueur le 1er septembre 1997 pour les 12 signataires initiaux, le 1er octobre 1997 pour la République d’Autriche et le Royaume de Suède et le 1er janvier 1998 pour la République de Finlande. Elle a été remplacée par le règlement du Conseil (CE) no 343/2003 du 18 février 2003 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande d’asile présentée dans l’un des États membres par un ressortissant d’un pays tiers (JO 2003, L 50, p. 1 ; ci-après le « règlement Dublin II »). Le règlement (UE) no 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride (JO 2013, L 180, p. 31 ; ci-après le « règlement Dublin III ») a abrogé le règlement Dublin II et est la version actuellement en vigueur.


11      Je note qu’en pratique la question de savoir quel État membre est aisément desservi par quelles compagnies aériennes en provenance de quelle destination jouera un rôle dans la détermination de l’État membre dans lequel un demandeur de protection internationale arrivant par avion atterrira en premier.


12      « Editorial Comments », Common Market Law Review 52, no 6, du 6 décembre 2015, p. 1437 à 1450, citant la lettre du premier Vice-Président Frans Timmermans au groupe S & D au Parlement européen du 21 octobre 2015.


13      Voir la communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil du 10 février 2016 sur l’état d’avancement de la mise en œuvre des actions prioritaires prévues par l’agenda européen en matière de migration [COM(2016) 85 final].


14      Décrits ensemble comme les « États de transit ».


15      Migration to Europe through the Western Balkans – Serbia & the Former Yugoslav Republic of Macedonia, Report, December 2015 to May 2016, REACH, p. 4. La route est décrite comme un passage relativement aisé et sûr par rapport aux autres routes ; voir p. 19 de ce rapport.


16      At the Gate of Europe, un rapport sur les réfugiés sur la route des Balkans occidentaux de Senado Šelo Šabić et Sonja Borić. Après l’arrivée des ressortissants de pays tiers à Šid, une ville frontière le long de la frontière croate, un transport gratuit leur a été fourni pour leur faire franchir la frontière et les amener à un centre d’accueil en Croatie.


17      Décision (UE) 2015/1523 du Conseil du 14 septembre 2015 instituant des mesures provisoires en matière de protection internationale au profit de l’Italie et de la Grèce (JO 2015, L 239, p. 146).


18      Considérant 7 de la décision 2015/1523.


19      Décision (UE) 2015/1601 du Conseil du 22 septembre 2015 instituant des mesures provisoires en matière de protection internationale au profit de l’Italie et de la Grèce (JO 2015, L 248, p. 80).


20      En février 2017 (au 18ème mois de la période de relocalisation) un total de 11 966 demandeurs d’asile avait été relocalisé de Grèce et d’Italie : voir le rapport de la direction générale des politiques internes de l’Union, Mise en œuvre des décisions du Conseil de 2015 instituant des mesures provisoires en matière de protection internationale au profit de l’Italie et de la Grèce, publié par le Parlement européen. La Commission a décrit le niveau de mise en œuvre du programme de relocalisation d’« insatisfaisant » : communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil européen et au Conseil du 16 mars 2016 intitulée « Premier rapport sur la relocalisation et la réinstallation » [COM(2016) 165 final].


21      La Hongrie ne s’est pas considérée comme un État en première ligne et a estimé qu’elle ne bénéficierait pas de la mesure. La République tchèque, la Hongrie, la Slovaquie et la Roumanie ont voté contre, la Finlande s’est abstenue. Service de recherche du Parlement européen, « Législation sur la relocalisation d’urgence des demandeurs d’asile dans l’Union européenne ».


22      Les États participants étaient l’Albanie, l’Autriche, la Bulgarie, la Croatie, l’ancienne République yougoslave de Macédoine, l’Allemagne, la Grèce, la Hongrie, la Roumanie, la Serbie et la Slovénie.


23      Communiqué de presse de la Commission IP/15/5904 du 25 octobre 2015.


24      L’analyse la plus plausible est peut-être qu’elle était destinée à être une action intergouvernementale en vertu du droit international plutôt qu’en vertu du droit de l’UE. Cela étant dit, il n’est pas clair que les États membres avaient la compétence nécessaire pour prendre une telle action.


25      Cela ne me semble pas être une présentation parfaitement exacte de la position du pays. Cela démontre néanmoins la manière dont la situation a été perçue par certains.


26      Les différents rapports sur la situation incluent la « déclaration de Frontex sur les tendances et les routes concernant la route des Balkans occidentaux ».


27      Les chefs des services de police de l’Autriche, de la Croatie, de l’ancienne République yougoslave de Macédoine, de la Serbie et de la Slovénie se sont réunis. Les points 5, 6 et 7 de cette déclaration notent que les participants se sont entendus pour n’autoriser la première entrée qu’à des personnes répondant aux conditions d’entrée du code frontières Schengen. Les ressortissants iraquiens et syriens devaient être autorisés à entrer pour motifs humanitaires à condition qu’ils remplissent certaines conditions (comme la preuve de la nationalité) et que des critères communs à vérifier au cours de l’enregistrement aient été établis. Il y a aussi eu un certain nombre d’initiatives au niveau de l’Union européenne (soulignées aux points 12 à 17 ci-dessus). J’ai cité cette déclaration en particulier parce qu’elle est liée aux questions préjudicielles déférées.


28      Signée à Genève le 28 juillet 1951 et entrée en vigueur le 22 avril 1954 (Recueil des traités des Nations unies, vol. 189, p. 150, no 2545, 1954), telle que complétée par le protocole relatif au statut des réfugiés, conclu à New York le 31 janvier 1967, lui-même entré en vigueur le 4 octobre 1967 (ci-après ensemble la « convention de Genève »).


29      Signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la « CEDH »).


30      JO 2010, C 83, p. 389 (ci-après la « Charte »). Avec l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne le 1er décembre 2009, la charte a été élevée au rang de droit primaire (article 6, paragraphe 1, TUE).


31      Décision du Conseil 2006/188/CE du 21 février 2006 relative à la conclusion de l’accord entre la Communauté européenne et le Royaume de Danemark, étendant au Danemark les dispositions du règlement (CE) no 343/2003 du Conseil établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande d’asile présentée dans l’un des États membres par un ressortissant d’un pays tiers, et du règlement (CE) n° 2725/2000 du Conseil concernant la création du système Eurodac pour la comparaison des empreintes digitales aux fins de l’application efficace de la convention de Dublin (JO 2006, L 66, p. 38).


32      L’accord et le protocole avec la Confédération Suisse et la Principauté de Liechtenstein sont entrés en vigueur le 1er mars 2008 (JO 2008, L 53, p. 5). Ils ont été approuvés par la décision 2008/147/CE du Conseil du 28 janvier 2008 (JO 2008, L 53, p. 3) et par la décision 2009/487/CE du Conseil du 24 octobre 2008 (JO 2009, L 161, p. 6). Dès lors, le système de Dublin s’appliquait aussi à la Principauté de Liechtenstein. L’Islande et la Norvège appliquent le système de Dublin en vertu d’accords bilatéraux avec l’Union européenne qui ont été approuvés par la décision 2001/258/CE du Conseil du 15 mars 2001 (JO 2001, L 93, p. 38).


33      Considérants 2, 3 et 4.


34      Considérant 5.


35      Considérant 7.


36      Les considérants 10, 11 et 12 font référence aux actes suivants : i) directive 2011/95/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 concernant les normes relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d’une protection internationale, à un statut uniforme pour les réfugiés ou les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, et au contenu de cette protection (JO 2011, L 337, p. 9 ; ci‑après la « directive relative aux conditions ») ; ii) directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l’octroi et le retrait de la protection internationale (JO 2013, L 180, p. 6 ; ci–après la « directive procédures ») ; et iii) directive 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant des normes pour l’accueil des personnes demandant la protection internationale (JO 2013, L 180, p. 96 ; ci–après la « directive accueil »).


37      Considérants 13 et 14.


38      Considérants 15 et 16.


39      Considérant 19.


40      Considérant 25.


41      Considérant 32.


42      Considérant 39.


43      Voir en outre point 88 ci-dessous.


44      Règlement du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 établissant un code communautaire des visas (code des visas) (JO 2009, L 243, p. 1) (ci-après le « code des visas »).


45      Le « règlement Eurodac » : voir point 43 ci-dessous.


46      Le sens précis de cette disposition est discuté dans l’affaire C‑670/16 Mengesteab, actuellement pendante devant la Cour.


47      L’article 22, paragraphe 3, autorise la Commission à introduire des actes d’exécution qui établissent les listes indiquant les éléments de preuve et indices pertinents déterminant la responsabilité pour l’examen d’une demande de protection internationale en vertu du règlement Dublin III ; voir en outre point 44 ci-dessous.


48      Des questions concernant l’interprétation de ces dispositions ont de même été soulevées dans l’affaire C‑670/16 Mengesteab (pendante devant la Cour).


49      Des questions concernant l’interprétation de l’article 29 du règlement Dublin III ont été soulevées dans l’affaire C‑201/16, Shiri (pendant devant la Cour).


50      Règlement du Parlement européen et du Conseil du 19 mai 2010 portant création d’un Bureau européen d’appui en matière d’asile (JO 2010, L 132, p. 11).


51      Règlement (UE) no 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relatif à la création d’Eurodac pour la comparaison des empreintes digitales aux fins de l’application efficace du règlement (UE) no 604/2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride et relatif aux demandes de comparaison avec les données d’Eurodac présentées par les autorités répressives des États membres et Europol à des fins répressives, et modifiant le règlement (UE) no 1077/2011 portant création d’une agence européenne pour la gestion opérationnelle des systèmes d’information à grande échelle au sein de l’espace de liberté, de sécurité et de justice (JO 2013, L 180, p. 1 ; ci–après le « règlement Eurodac ») ; voir article 1er.


52      Règlement du 30 janvier 2014 modifiant le règlement (CE) no 1560/2003 portant modalités d’application du règlement no 343/2003 (JO 2014, L 39, p. 1 ; ci–après le « règlement d’application de Dublin »).


53      Voir à titre d’exemple la ligue hanséatique créée pour protéger certains intérêts commerciaux et privilèges diplomatiques dans ses villes et pays affiliés, ce faisant facilitant et régulant la libre circulation des personnes liée au commerce. Fondée officiellement en 1356, les origines de la ligue remontent à la reconstruction de Lübeck en 1159 par Henri XII de Bavière (dit Henri le Lion). Elle a joué un rôle majeur en façonnant les économies, le commerce et la politique dans la région de la mer du Nord et la mer Baltique pendant plus de 300 ans.


54      Convention d’application de l’accord de Schengen du 14 juin 1985 entre les gouvernements des États de l’Union économique Benelux, de la République fédérale d’Allemagne et de la République française relatif à la suppression graduelle des contrôles aux frontières communes (JO 2000, L 239, p. 19 ; ci–après la « CAAS »). La convention est encore en vigueur bien qu’elle ait été remplacée en partie par le code frontières Schengen qui a abrogé les articles 2 à 8.Voir en outre point 46 ci-dessous.


55      Sur les 28 États membres de l’UE, 22 participent pleinement dans l’acquis de Schengen tandis que la Bulgarie, la Croatie, Chypre et la Roumanie sont en voie de devenir participants à part entière. En vertu de l’article 4, paragraphe 2, de l’acte d’adhésion de la Croatie à l’Union européenne, certaines dispositions de l’acquis de Schengen s’appliquent déjà à la Croatie. Le SIS II ne s’y applique pas encore, mais une proposition de décision du Conseil pour modifier cette situation est actuellement en discussion : proposition de décision du Conseil du 18 janvier 2017 sur l’application en République de Croatie des dispositions de l’acquis de Schengen relatives au système d’information Schengen [COM(2017) 17 final]. Le Liechtenstein, l’Islande, la Norvège et la Suisse participent également à l’acquis de Schengen en vertu d’accords bilatéraux avec l’Union européenne.


56      En vertu de l’article 4 du protocole (no 19) sur l’acquis de Schengen, intégré dans la cadre de l’Union européenne, annexé au TUE et au TFUE, l’Irlande et le Royaume-Uni sont autorisés à demander à participer à certaines ou toutes les mesures Schengen. Le Royaume-Uni peut effectuer des contrôles aux frontières des personnes cherchant à entrer sur son territoire s’il le juge nécessaire [article 1er du protocole (no 20) sur l’application de certains aspects de l’article 26 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne au Royaume-Uni et à l’Irlande, annexé au TUE et au TFUE]. Le Royaume-Uni jouit d’une dérogation expresse à l’article 77 TFUE (concernant la politique de l’Union au sujet des contrôles aux frontières intérieures et extérieures). Les traités reconnaissent ainsi que le Royaume-Uni contrôle ses propres frontières. En vertu de l’article 1er du protocole (no 22) sur la position du Danemark, annexé au TUE et au TFUE, cet État membre ne participe pas à l’adoption par le Conseil de mesures proposées en vertu du titre V, troisième partie, TFUE (Politiques de l’Union et actions intérieures dans le domaine de la liberté, de la sécurité et de la justice).


57      Règlement (CE) no 562/2006 du Parlement européen et du Conseil du 15 mars 2006 établissant un code communautaire relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen) (JO 2006, L 105, p. 1). Ce règlement a depuis été remplacé par le règlement (UE) 2016/399 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 (JO 2016, L 77, p. 1) également intitulé « Code frontières Schengen ». Durant la période pertinente (c’est-à-dire entre septembre 2015 et mars 2016) la version en vigueur du code frontières Schengen était la version antérieure telle que modifiée par le règlement (UE) no 1051/2013 du Parlement européen et du Conseil du 22 octobre 2013 (JO 2013, L 295, p. 1). Je ferai référence dans les présentes conclusions à cette version du code frontières Schengen.


58      Considérant 2.


59      Considérant 4.


60      Considérant 6.


61      Considérant 7.


62      Considérant 8.


63      Considérant 9.


64      Directive du 29 avril 2004 relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres (JO 2004, L 158, p. 77).


65      Règlement du 13 juin 2002 établissant un modèle uniforme de titre de séjour pour les ressortissants de pays tiers (JO 2002, L 157, p. 1).


66      L’article 34 du code frontières Schengen énumère les questions que les États membres doivent notifier à la Commission européenne comme les permis de séjour et les points de passage frontaliers. Voir point 58 ci-dessous en ce qui concerne les visas.


67      La Cour a brièvement évoqué la relation entre de tels visas et le règlement Dublin III au point 48 de son arrêt récent du 7 mars 2017, X et X (C‑638/16 PPU, EU:C:2017:173).


68      L’article 5, paragraphe 2, dispose qu’une liste non exhaustive des justificatifs que le garde-frontière peut exiger du ressortissant de pays tiers afin de vérifier le respect des conditions posées au paragraphe 1, sous c), figure à l’annexe I. 


69      Article 1er du règlement (CE) no 1987/2006 du Parlement européen et du Conseil du 20 décembre 2006 sur l’établissement, le fonctionnement et l’utilisation du système d’information Schengen de deuxième génération (SIS II) (JO 2006, L 381, p. 4). Ce règlement a remplacé les articles 92 à 119 de la CAAS.


70      Article 3, sous d), du règlement SIS II.


71      Article 24, paragraphes 1 et 2, du règlement SIS II. Je présente des commentaires plus détaillées sur le système d’alerte SIS dans mes conclusions dans l’affaire Ouhrami (C‑255/16, EU:C:2017:398).


72      Article 24, paragraphe 3, du règlement SIS II.


73      Règlement du 29 mai 1995 établissant un modèle type de visa (JO 1995, L 164 p. 1).


74      Règlement du 15 mars 2001 (JO 2001, L 81, p. 1).


75      Article 3 du règlement no 539/2001.


76      Ces catégories sont énumérées dans l’article 4, paragraphe 1 : elles incluent, par exemple, les détendeurs de passeports diplomatiques.


77      Décision du 8 juin 2004 portant création du système d’information sur les visas (VIS) (JO 2004, L 213, p. 5).


78      Règlement du Parlement européen et du Conseil, du 9 juillet 2008, concernant le système d’information sur les visas (VIS) et l’échange de données entre les États membres sur les visas de court séjour (règlement VIS) (JO 2008, L 218, p. 60).


79      Voir article 2, paragraphes 1, 2, 6 et 7, du code visa, respectivement.


80      Article 31, paragraphes 1 et 2.


81      Article 31, paragraphe 3.


82      Article 31, paragraphe 8, sous h) et i), de la directive procédures.


83      Directive du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier (JO 2008, L 348, p. 48 ; ci-après la « directive retour »)


84      Article 3, paragraphes 1 et 2, respectivement de la directive retour.


85      Affaire C‑490/16.


86      Affaire C‑646/16.


87      Voir note de bas de page 4 ci-dessus.


88      L’article 22, paragraphe 3, du règlement Dublin III prévoit qu’il est établi sur la base de preuves et d’indices au titre du règlement d’application de Dublin si la frontière a été franchie de manière irrégulière. Le Upravno sodišče Republike Slovenije (Tribunal administrative de première instance de la République de Slovénie) indique qu’il n’y a, il est vrai, dans les documents du dossier de M. A.S., aucune preuve formelle que ce dernier serait entré irrégulièrement en Croatie.


89      Voir plus loin point 99 sur la participation à l’audience commune et les observations orales.


90      Dans la mesure où cette modification (écrite en slovène uniquement) semble avoir été apportée par un fonctionnaire agissant sans l’information ou l’accord des demanderesses, il s’agit d’une indication de la pression sous laquelle les garde-frontières travaillaient. La séparation de la famille de cette manière soulèverait des problèmes en vertu des articles 7 et 24 de la Charte eu égard au droit à la vie familiale et aux droits de l’enfant. Si les deux sœurs s’étaient retrouvées avec leurs enfants dans des États membres différents, cela aurait aussi potentiellement soulevé des questions liées à d’autres critères du chapitre III énoncés dans le règlement Dublin III.


91      Voir les points 231 et 232 ci-dessous.


92      Il se peut qu’il s’agisse d’une référence à la déclaration adoptée par les chefs des services de police du 18 février 2016 (voir point 16 ci-dessus). Il pourrait cependant s’agir d’une référence aux conclusions du Conseil européen du même jour. Il ne ressort pas clairement de l’ordonnance de renvoi lequel des deux documents sert de fondement.


93      Arrêts du 7 juin 2016, Ghezelbash (C‑63/15, EU:C:2016:409), et du 7 juin 2016, Karim (C‑155/15, EU:C:2016:410).


94      Article 1er du règlement Dublin III.


95      Voir point 45 ci-dessus.


96      Le « forum shopping » fait référence à un détournement des procédures d’asile qui prend la forme d’un dépôt par la même personne de plusieurs demandes d’asile dans différents États membres avec pour unique objectif d’étendre son séjour dans les États membres ; voir, par exemple, proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil du 3 décembre 2008 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale présentée dans l’un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride [COM(2008) 820 final].


97      Les « mouvements secondaires » sont les situations dans lesquelles des migrants, réfugiés et demandeurs d’asile, pour différentes raisons, se déplacent de l’État dans lequel ils sont initialement arrivés pour demander la protection ou la relocalisation permanente ailleurs (voir Réseau européen des migrations – Glossaire « Asile et Migration »).


98      Considérants 2, 3, 4 et 5, du règlement Dublin III.


99      Articles 8 à 11 du règlement Dublin III.


100      Articles 12, 13 et 14, du règlement Dublin III. Lorsqu’un ressortissant de pays tiers présente une demande de protection internationale dans la zone de transit international d’un aéroport d’un État membre, ce dernier État est responsable de l’examen d’une telle demande (article 15 du règlement Dublin III).


101      Voir articles 7 et 5, paragraphe 1, du code frontières Schengen.


102      Article 12, paragraphe 1, du code frontières Schengen. Cette obligation existe sans préjudice pour les personnes qui cherchent à obtenir le statut de réfugié et le principe de non-refoulement. Voir article 9, paragraphe 1, de la directive procédures en ce qui concerne le droit de rester dans un État membre en attendant l’examen d’une demande de statut de réfugié et article 6 de la directive retour en ce qui concerne les obligations des États membres de refouler les ressortissants de pays tiers séjournant de manière irrégulière sur leur territoire.


103      En pratique, le règlement Eurodac n’est pas appliqué de manière systématique ; la Commission a adressé un certain nombre de lettres administratives aux États membres (la lettre précédant la lettre de mise en demeure qui elle-même précède la procédure en manquement au titre de l’article 258 TFUE). Voir COM(2015) 510 final du 14 octobre 2015 ; Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil européen et au Conseil « Managing the refugee crisis : State of the implimitation of the priority actions under the European Agenda on Migration ».


104      Article 2, paragraphe 2, sous a), de la directive retour. Les États membres peuvent décider de ne pas appliquer la directive lorsque l’entrée est refusée conformément à l’article 13 du code frontières Schengen ou lorsqu’une personne est arrêtée ou interceptée au cours d’un franchissement irrégulier de la frontière.


105      Voir points 7 à 18 ci-dessus.


106      Question 2 dans l’affaire C‑490/16 et question 1 dans l’affaire C‑646/16.


107      Question 2, sous a) à d), question 3, sous e), f) et g), dans l’affaire C‑646/16.


108      Question 2 dans l’affaire C‑490/16 et question 2, sous e), ainsi que question 3, sous a) et b), dans l’affaire C‑646/16.


109      Question 3 dans l’affaire C‑490/16 and question 3, sous a) à h), dans l’affaire C‑646/16.


110      Questions 1 et 5.


111      Question 4 dans l’affaire C‑490/16.


112      Voir points 12 à 17 et 45 ci-dessus.


113      Arrêt du 6 juin 2013, MA e.a. (C‑648/11, EU:C:2013:367, point 50 et jurisprudence citée) ; voir aussi arrêt du 7 juin 2016, Ghezelbash (C‑63/15, EU:C:2016:409, point 35).


114      Accord interinstitutionnel du 22 décembre 1998 sur les lignes directrices communes relatives à la qualité rédactionnelle de la législation communautaire (JO 1999, C 73, p. 1).


115      Voir par analogie, arrêt du 11 décembre 2007, Skoma-Lux (C‑161/06, EU:C:2007:773, point 38).


116      Voir points 142 à 153 ci-dessous.


117      Voir points 62 et 63 ci-dessus. Le « visa » à l’article 2, sous m), du règlement Dublin III est un concept plus large que celui figurant dans le code.


118      Voir point 26 ci-dessus.


119      Considérant 3 du règlement Dublin III.


120      Considérant 3 du règlement Dublin III.


121      Voir par analogie, arrêt du 1er mars 2016, Alo et Osso (C‑443/14 et C‑444/14, EU:C:2016:127, points 29 et 30).


122      Ainsi, dans l’exposé des motifs de sa proposition de règlement du Conseil du 26 juillet 2001 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande d’asile présentée dans l’un des États membres par un ressortissant d’un pays tiers [COM(2001) 447 final], la Commission a révélé la proposition décrite comme une mesure ajoutant « une pierre à l’édification du régime d’asile européen commun … ». Voir par ailleurs, par analogie, arrêt du 17 mars 2016, Mirza (C‑695/15 PPU, EU:C:2016:188, point 41) ; voir aussi considérants 10 à 12 du règlement Dublin III.


123      Voir, par exemple, article 2, sous b) et d), du règlement Dublin III par rapport à la directive relative aux conditions et la directive procédures ainsi que l’article 28 en ce qui concerne la directive accueil.


124      Considérant 32.


125      Arrêts du 21 décembre 2011, N. S. e.a. (C‑411/10 et C‑493/10, EU:C:2011:865, points 78 et 79), et du 10 décembre 2013, Abdullahi (C‑394/12, EU:C:2013:813, point 52).


126      Arrêt du 10 décembre 2013, Abdullahi (C‑394/12, EU:C:2013:813, point 53).


127      Arrêts du 21 décembre 2011, N. S. e.a. (C‑411/10 et C‑493/10, EU:C:2011:865, point 83).


128      Arrêt du 6 juin 2013, MA e.a. (C‑648/11, EU:C:2013:367, points 56 à 58). Voir aussi considérants 2, 19 et 39, du règlement Dublin III.


129      Arrêt du 10 décembre 2013, Abdullahi (C‑394/12, EU:C:2013:813, point 56).


130      Arrêt du 10 décembre 2013, Abdullahi (C‑394/12, EU:C:2013:813, point 59).


131      Voir points 117 à 120 ci-dessus.


132      Article 2, sous c), du règlement Dublin III.


133      Voir l’exposé des motifs de la proposition de la Commission COM(2008) 820 final. Les dispositions concernant la « responsabilité pour le traitement des demandes d’asile » se trouvaient dans les articles 28 à 38 du chapitre 7 du RAEC.


134      Voir, par exemple, directive 2002/90/CE du Conseil du 28 novembre 2002 définissant l’aide à l’entrée, au transit et au séjour irréguliers (JO 2002, L 328, p. 17).


135      Voir articles 3 et 4 bis, paragraphe 1, du protocole (no 21) annexé au TUE et au TFUE ainsi que considérant 41 du règlement Dublin III.


136      Dans de tels cas, le ressortissant de pays tiers concerné relève du champ d’application de la directive procédures et jouit de la protection accordée par son article 9.


137      Arrêt du 7 juin 2016, Affum (C‑47/15, EU:C:2016:408, point 48 et 49).


138      Voir points 155 et suivants ci-dessous.


139      Arrêt du 10 décembre 2013, Abdullahi (C‑394/12, EU:C:2013:813, point 48).


140      Les mesures du RAEC ont la même base juridique à savoir l’article 78, paragraphe 2, TFUE [en particulier la directive relative aux conditions, article 78, paragraphe 2, sous a) et b), TFUE, la directive procédures article 78, paragraphe 2, sous d), TFUE ; et la directive accueil article 78, paragraphe 2, sous f), TFEU]. La base juridique du règlement Dublin III est bien entendu l’article 78, paragraphe 2, sous e), TFUE. L’article 63, paragraphe 2, sous a) et b), CE est cité comme base juridique de la directive 2001/55/CE du Conseil du 20 juillet 2001 relative à des normes minimales pour l’octroi d’une protection temporaire en cas d’afflux massif de personnes déplacées et à des mesures tendant à assurer un équilibre entre les efforts consentis par les États membres pour accueillir ces personnes et supporter les conséquences de cet accueil (JO 2001, L 212, p. 12). Cette disposition n’a pas encore été mise à jour : la bonne base juridique serait désormais l’article 78, paragraphe 2, sous g), depuis l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne. La base juridique du code frontières Schengen est l’article 77 TFUE et celle de la directive retour est l’article 79 TFUE.


141      L’Allemagne était d’habitude la destination préférée des personnes interrogées dans une enquête conduite par REACH dans son rapport Migration to Europe through the Western Balkans – Serbia & the Former Yugoslav Republic of Macedonia, December 2015 to May 2016.


142      Arrêt du 7 mars 2017, X et X (C‑638/16 PPU, EU:C:2017:173, point 39 et jurisprudence citée).


143      Annexe I du règlement no 539/2001.


144      Il en va de même pour M. A. S. puisque la Syrie est reprise dans l’annexe 1 du règlement no 539/2001 en tant que pays tiers dont les ressortissants doivent posséder un visa lorsqu’ils franchissent la frontière extérieure de l’UE à partir d’un pays tiers.


145      Voir points 62 et 63 ci-dessus.


146      Tel qu’exigé respectivement par les articles 20 et 24 du code des visas.


147      Article 21 du code des visas ; voir point 60 ci-dessus.


148      Voir article 21 du règlement no 767/2008 et considérant 31 du règlement Dublin III.


149      Voir points 1 à 9 ci-dessus.


150      Allemande et slovène.


151      Anglaise et française.


152      Le Conseil de l’Europe fait la distinction entre l’immigration illégale et l’immigration irrégulière. Faisant référence à la résolution 1509 (2006) de l’assemblée générale du Conseil de l’Europe, on préfèrera « illégal » lorsqu’il est renvoyé au statut ou à la procédure, mais « irrégulier » lorsqu’il est question d’une personne. En conséquence, vue l’association avec la criminalité, on considère que le terme d’« immigration illégale » devrait être évité puisque la plupart des migrants ne sont pas des criminels. Le fait de se trouver dans un pays sans les documents requis n’est dans la plupart des États pas une infraction pénale mais une infraction administrative. Longtemps, la Commission a préféré le terme d’« immigration illégale », mais fait plus récemment aussi référence à la « migration irrégulière » : « illégal » et « irrégulier » semblent être utilisés de manière interchangeable dans la recommandation de la Commission (UE) 2017/432 du 7 mars 2017 « visant à rendre les retours plus effectifs dans le cadre de la mise en œuvre de la [directive retour] » (JO 2017, L 66, p. 15).


153      Arrêt du 1er mars 2016, Alo et Osso (C‑443/14 et C‑444/14, EU:C:2016:127).


154      Le texte français utilise lui aussi un adjectif différent, utilisant le terme « irrégulièrement » à l’article 13, paragraphe 1, du règlement Dublin III. À l’article 31, paragraphe 8, sous h), de la directive procédures, il est recouru à l’expression « est entré ou a prolongé son séjour illégalement ». Il en va de même pour le texte allemand qui utilise « illegal » à l’article 13, paragraphe 1, du règlement Dublin III et « unrechtmäßig » à l’article 31, paragraphe 8, sous h), de la directive procédures.


155      L’objectif de ces deux listes est de garantir une continuité entre la convention de Dublin et les actes la remplaçant : voir considérant 2 du règlement d’application de Dublin.


156      L’article 22, paragraphe 4, du règlement Dublin III dispose que l’exigence de preuve ne devrait pas aller au-delà de ce qui est nécessaire à la bonne application du règlement : voir aussi article 22, paragraphe 5.


157      Article 1er du règlement Eurodac.


158      Article 9 du règlement Eurodac.


159      Article 14, paragraphe 1, du règlement Eurodac.


160      Premier tiret du point 7) dans la liste A de l’annexe II du règlement d’application de Dublin. Compte tenu du fait que l’État membre prenant les empreintes digitales devient ensuite responsable en vertu de l’article 13, paragraphe 1, du règlement Dublin III, pour statuer sur toute future demande de protection internationale cela pourrait en réalité jouer comme un facteur dissuasif à l’application rigoureuse du règlement Eurodac.


161      La base juridique du règlement Dublin III est l’article 78, paragraphe 2, sous e), TFUE. Je note que l’article 78, paragraphe 2, sous c), traite d’un système commun de protection temporaire pour les personnes déplacées en cas d’arrivée massive : voir directive 2001/55. Dans la mesure où cette directive a été adoptée avant le traité de Lisbonne de 2009, la numérotation citée dans les considérants de cet acte fait référence à l’article 63, sous a) et b), CE.


162      Le HCR affirme que « le règlement de Dublin constitue l’unique instrument régional régissant l’attribution de responsabilité pour les demandeurs d’asile et est un outil important pour les demandeurs d’asile afin d’être réunis avec leur famille au sein de l’UE ». LE HCR commente la proposition de la Commission européenne pour un règlement du Parlement européen et du Conseil établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride [COM(2016) 270 final, p. 6]


163      L’article 3 de la CEDH est le droit correspondant.


164      Arrêt du 21 décembre 2011, N. S. e.a. (C‑411/10 et C‑493/10, EU:C:2011:865 point 94).


165      La réforme du système de Dublin, publié par la Commission européenne, direction générale de la migration et des affaires intérieures.


166      Les critères du chapitre III concernant les conditions d’entrée, en particulier ce qui est désormais l’article 13, paragraphe 1, du règlement Dublin III ont été développés sur la base des mêmes principes qui étaient dans la CAAS [en particulier ce qui était l’article 30, sous e)] à savoir l’idée que dans une zone dans laquelle la libre circulation des personnes est garantie par le traité, chaque État membre est responsable vis-à-vis de tous les autres pour ses actes concernant l’entrée et le séjour de ressortissants de pays tiers et doit en supporter les conséquences dans un esprit de solidarité et de coopération loyale. Voir au sujet du règlement Dublin II l’exposé des motifs de la proposition de la Commission [COM(2001) 447] ; voir aussi l’exposé des motifs de la proposition de la Commission [COM(2008) 820]. Voir par ailleurs point 129 ci-dessus quant à l’importance des origines des actes de Dublin.


167      Cette vague incluait également des personnes qui n’étaient pas ressortissants de ces pays ainsi que des personnes qui n’étaient pas contraintes de migrer pour des raisons de persécution ; voir en particulier notes 4 et 7 ci-dessus.


168      Conformément à la directive accueil, les États membres sont tenus de respecter certains standards pour l’accueil des demandeurs de protection internationale qui garantissent un niveau de vie digne et des conditions de vie comparables à travers l’Union européenne. Les États membres sont ce faisant tenus par les obligations au titre des instruments de droit international comme la convention de Genève et la CEDH.


169      Voir note 207 ci-dessous.


170      Arrêt du 21 décembre 2011, N. S. e.a. (C‑411/10 et C‑493/10, EU:C:2011:865, point 86), désormais codifié en tant qu’article 3, paragraphe 2, du règlement Dublin III.


171      Communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil sur l’état d’avancement de la mise en œuvre des actions prioritaires prévues par l’agenda européen en matière de migration, COM(2016) 85 final.


172      COM(2008) 820 final.


173      Voir note 94 ci-dessus.


174      M. A.S est entré en Croatie à partir de la Serbie au point de passage frontalier désigné : voir point 71 ci-dessus. Les familles Jafari sont entrées en Croatie à partir de la Serbie après avoir été soumises à certaines vérifications pour établir que leurs membres étaient effectivement ressortissants afghans et donc susceptibles de bénéficier de la protection internationale : voir point 86 ci-dessus.


175      Arrêt du 21 décembre 2011, N. S. e.a. (C‑411/10 et C‑493/10, EU:C:2011:865, point 94) ; voir en outre points 232 à 243 ci-dessous.


176      Voir points 1 et 2 ci-dessus.


177      Voir en outre l’exposé des motifs de la proposition de la Commission pour un « règlement Dublin IV » – proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil du 4 mai 2016 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride [COM(2016) 270 final].


178      Article 3 du code frontières Schengen.


179      C’est à dire l’entrée pour une période n’excédant pas 90 jours au cours d’une période de 180 jours (voir le code des visas). Il n’y a pas de règles pour les séjours de longue durée dans le code frontières Schengen.


180      Voir article 5, paragraphe 1, sous a), du code frontières Schengen.


181      Voir article 5, paragraphe 1, sous b), du code frontières Schengen.


182      Voir article 5, paragraphe 1, sous c), du code frontières Schengen.


183      Voir respectivement article 5, paragraphe 1, sous d) et e), du code frontières Schengen.


184      Voir point 54 ci-dessus.


185      Une personne qui a franchi « illégalement » une frontière et qui n’a pas le droit de séjourner sur le territoire de l’État membre concerné est arrêtée et fait l’objet de procédures respectant la directive retour.


186      Proposition de règlement du Conseil du 26 mai 2004 établissant le code communautaire relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes [COM(2004) 391 final, p. 8].


187      L’amendement introduit par le Parlement européen a été jugé nécessaire pour tenir compte des « questions humanitaires ou des situations d’urgence comme raisons valides de déroger aux dispositions de base » : voir rapport du Parlement européen sur la proposition de règlement du Conseil établissant le code communautaire relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes, A 6-0188/2005 final, p. 71 et 74.


188      Conclusions présentées dans l’affaire X et X (C‑638/16 PPU, EU:C:2017:93, point 130), en ce qui concerne l’article 25 du code des visas.


189      Article 1er, paragraphe 1, du règlement no 539/2001.


190      Article 1er, paragraphe 2, du règlement no 539/2001 et annexe II. Une sélection aléatoire des États énumérés inclut l’Albanie, Andorre, le Brésil, le Canada, Israël et le Japon.


191      Voir point 59 ci-dessus.


192      Voir article 1er et annexe I du règlement no 539/2001 mentionnés au point 59 ci-dessus.


193      M. A. S. ne s’appuie pas sur l’article 14 du règlement Dublin III. Néanmoins, dans un souci d’exhaustivité, je note que la situation serait la même dans cette affaire dans la mesure où un ressortissant syrien serait tenu lui aussi de posséder un visa afin d’entrer dans l’Union européenne ; voir annexe I au règlement no 539/2001, et voir aussi point 194 ci-dessus.


194      Voir point 16 ci-dessus.


195      Voir points 10 et 11 ci-dessus.


196      Ont participé à la réunion les dirigeants représentant l’Albanie, l’Autriche, la Bulgarie, la Croatie, l’ancienne République yougoslave de Macédoine, l’Allemagne, la Grèce, la Hongrie, la Roumanie, la Serbie et la Slovénie. La déclaration a pris la forme d’un « plan en 17 points proposant des mesures opérationnelles pragmatiques pour veiller à ce que les réfugiés ne soient pas abandonnés à leur sort dans la pluie et le froid ». Elle a été adoptée comme communiqué de presse IP/15/5904.


197      Certaines mesures qui étaient considérées comme étant des actes de solidarité au sens de l’article 80 TFUE ont été introduites, à savoir les décisions du Conseil 2015/1523 et 2015/1601. L’article 33 du règlement Dublin III n’a cependant pas été déclenché.


198      Der Tagespiegel (Andrea Dernbach) du 26 août 2015.


199      The Financial Times du 20 janvier 2016. Quant à l’exactitude de cette conclusion, voir mon commentaire à la note de bas de page 25 ci-dessus.


200      Voir points 13 à 17 ci-dessus.


201      Voir point 175 ci-dessus concernant l’appréciation de l’article 13, paragraphe 1, du règlement Dublin III.


202      Voir note 54 ci-dessus.


203      At the Gate of Europe, un rapport sur les réfugiés sur la route des Balkans occidentaux de Senado Šelo Šabić and Sonja Borić, p. 11. D’après les chiffres de Eurostat cités dans « The Balkan route reversed – the return of asylum seekers to Croatia under the Dublin System » le rapport du 15 décembre 2016 et publié par le European Council for Refugees and Exiles and the Asylum Information Database affirme que le système d’accueil croate et la procédure d’asile pour les ressortissants de pays tiers demandant la protection internationale n’était pas conçu pour répondre à des « populations de demandeurs d’asile de taille conséquente ».


204      Voir considérant 5 du règlement Dublin III ; voir aussi article 31, paragraphes 1 à 3, de la directive procédures.


205      La directive accueil : voir aussi considérants 10 et 12 du règlement Dublin III.


206      Arrêt du 21 décembre 2011, N. S. e.a. (C‑411/10 et C‑493/10, EU:C:2011:865).


207      Arrêt du 21 décembre 2011, N. S. e.a. (C‑411/10 et C‑493/10, EU:C:2011:865, points 84 et 85).


208      Arrêt du 21 décembre 2011, N. S. e.a. (C‑411/10 et C‑493/10, EU:C:2011:865, point 86). Ce principe a désormais été codifié dans l’article 3, paragraphe 2, du règlement Dublin III.


209      En 2015, il y avait un total de 943 de demandes de prise en charge ou de reprise en charge « Dublin » de demandeurs de protection internationale et pas plus de 24 transferts [Eurostat]. Entre le 1er janvier et le 30 novembre 2016, la Croatie a reçu 3 793 demandes de ce genre provenant principalement d’Autriche, d’Allemagne et de Suisse. En 2015, l’office croate de l’asile ne comptait que trois fonctionnaires. Ce chiffre a augmenté pour atteindre cinq fonctionnaires traitant les dossiers « Dublin » au pic de la crise. Voir « The Balkan route reversed – the return of asylum seekers to Croatia under the Dublin System », cité à la note de bas de page 201, p. 27.


210      At the Gate of Europe, un rapport sur les réfugiés sur la route des Balkans occidentaux de Senado Šelo Šabić et Sonja Borić, p. 14 à 16.


211      Sur les 447 791 ressortissants de pays tiers qui ont voyagé à travers la Slovénie entre la fin 2015 et le début de 2016, seuls 471 y ont introduit une demande de protection internationale.


212      Voir, par analogie, arrêt du 21 décembre 2011, N. S. e.a., C‑411/10 et C‑493/10, EU:C:2011:865, points 88 à 90 et la jurisprudence citée. Voir plus récemment Cour EDH, 4 novembre 2014, Tarakhelcontre Suisse (EC :ECHR :2014 :1104JUD 002921712). Il n’y a – pour l’instant – pas de telle constatation de défaillance systémique dans le système d’asile en ce qui concerne la Croatie et la Slovénie.


213      En ce qui concerne M. A.S., voir points 71 et 72 ci-dessus ; en ce qui concerne les familles Jafari, voir points 85 à 88 ci-dessus.


214      Voir points 186 à 189 ci-dessus.


215      Gil Mogades, S., « The discretion of States in the Dublin III system for determining responsibility for examining applications for asylum », International Journal of Refugee law, vol. 27, no 3, p. 433 à 456.


216      Arrêt du 7 juin 2016, Ghezelbash (C‑63/15, EU:C:2016:409).


217      Arrêt du 7 juin 2016, Ghezelbash (C‑63/15, EU:C:2016:409, point 61).


218      Voir article 18 du règlement Dublin III et article 31 de la directive procédures.


219      Voir point 187 ci-dessus.


220      Voir point 187 ci-dessus.