Language of document : ECLI:EU:T:2012:172

ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre)

29 mars 2012 (*)

« Concurrence — Abus de position dominante — Marchés espagnols de l’accès à l’internet à large bande — Décision constatant une infraction à l’article 82 CE — Fixation des prix — Ciseau tarifaire — Définition des marchés — Position dominante — Abus — Calcul de la compression des marges — Effets de l’abus — Compétence de la Commission — Droits de la défense — Subsidiarité — Proportionnalité — Sécurité juridique — Coopération loyale — Principe de bonne administration — Amendes »

Dans l’affaire T‑336/07,

Telefónica, SA, établie à Madrid (Espagne)

Telefónica de España, SA, établie à Madrid,

représentées initialement par Mes F. González Díaz et S. Sorinas Jimeno, puis par Me González Díaz, avocats,

parties requérantes,

contre

Commission européenne, représentée par MM. F. Castillo de la Torre, É. Gippini Fournier et Mme K. Mojzesowicz, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

France Telecom España, SA, établie à Pozuelo de Alarcón (Espagne), représentée par Mes S. Martínez Lage, H. Brokelmann et M. Ganino, avocats,

par

Asociación de Usuarios de Servicios Bancarios (Ausbanc Consumo), établie à Madrid, représentée par Mes L. Pineda Salido et M. I. Cámara Rubio, avocats,

et par

European Competitive Telecommunications Association, établie à Wokingham (Royaume-Uni), représentée par Mes M. Di Stefano et A. Salerno, avocats,

parties intervenantes,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision C (2007) 3196 final de la Commission, du 4 juillet 2007, relative à une procédure d’application de l’article 82 [CE] (affaire COMP/38.784 — Wanadoo España contre Telefónica) et, à titre subsidiaire, une demande d’annulation ou de réduction du montant de l’amende infligée aux requérantes,

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de M. L. Truchot, président, Mme M. E. Martins Ribeiro (rapporteur) et M. H. Kanninen, juges,

greffier : M. J. Palacio González, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 23 mai 2011,

rend le présent

Arrêt

 Présentation des requérantes

1        Telefónica SA, partie requérante dans la présente affaire, est la société mère du groupe Telefónica, ancien monopole d’État dans le secteur des télécommunications en Espagne. Durant la période concernée par la décision C (2007) 3196 final de la Commission, du 4 juillet 2007, relative à une procédure d’application de l’article 82 [CE] (affaire COMP/38.784 — Wanadoo España contre Telefónica) (ci-après la « décision attaquée »), soit de septembre 2001 à décembre 2006, Telefónica a fourni des services de haut débit par l’intermédiaire de sa filiale Telefónica de España SAU (ci-après « TESAU »), également partie requérante dans la présente affaire, ainsi que de deux autres filiales, Telefónica Data de España SAU et Terra Networks España SA, qui ont fusionné avec TESAU respectivement le 30 juin 2006 et le 7 juillet 2006 (considérants 11, 13 et 19 à 21 de la décision attaquée). Telefónica et ses filiales (ci-après dénommées ensemble « Telefónica ») ont constitué une seule et même entité économique pendant toute la période concernée par l’investigation (considérant 12 de la décision attaquée).

2        Avant la libéralisation totale des marchés des télécommunications en 1998, Telefónica était détenue par l’État espagnol et bénéficiait d’un monopole légal pour la fourniture au détail de services de télécommunications à ligne fixe. Actuellement, elle exploite le seul réseau de téléphonie fixe de dimension nationale (considérant 13 de la décision attaquée).

 Procédure administrative

3        Le 11 juillet 2003, Wanadoo España SL (devenue France Telecom España SA) (ci-après « France Telecom ») a adressé une plainte à la Commission des Communautés européennes, alléguant que la marge entre les prix de gros que les filiales de Telefónica appliquaient à leurs concurrents pour la fourniture en gros d’accès à haut débit en Espagne et les prix de détail qu’elles appliquaient aux utilisateurs finals n’était pas suffisante pour que les concurrents de Telefónica puissent lui faire concurrence (considérant 26 de la décision attaquée).

4        Après une analyse de la plainte et après avoir reçu des informations complémentaires, la Commission a, le 20 février 2006, adressé une communication des griefs à Telefónica. Celle-ci y a répondu le 19 mai 2006. Une audition s’est tenue les 12 et 13 juin 2006 (considérants 27 et 30 de la décision attaquée).

5        Le 11 janvier 2007, la Commission a adressé à Telefónica une lettre l’invitant à lui communiquer ses commentaires sur les conclusions qu’elle envisageait de tirer sur la base de faits nouveaux non mentionnés dans la communication des griefs (ci-après la « lettre factuelle »). Telefónica y a répondu le 12 février 2007 (considérant 31 de la décision attaquée).

 Décision attaquée

6        Le 4 juillet 2007, la Commission a adopté la décision attaquée, qui fait l’objet du présent recours.

7        En premier lieu, dans la décision attaquée, la Commission a identifié trois marchés de produits en cause, soit un marché de détail de haut débit et deux marchés de gros de haut débit (considérants 145 à 208 de la décision attaquée).

8        Le marché de détail en cause comprend, selon la décision attaquée, tous les produits à haut débit non différenciés, qu’ils soient fournis par ADSL (Asymetric Digital Subscriber Line, ligne numérique à paire asymétrique) ou par toute autre technologie, commercialisés sur le « marché grand public » à l’attention des utilisateurs résidentiels et non résidentiels. En revanche, il ne comprend pas les services d’accès à haut débit sur mesure ciblant principalement les « grands comptes » (considérant 153 de la décision attaquée).

9        S’agissant des marchés de gros, la Commission a indiqué que trois principales offres de gros étaient disponibles, à savoir une offre de référence pour le dégroupage de la boucle locale, commercialisée uniquement par Telefónica, une offre de gros régionale (GigADSL, ci-après le « produit de gros régional »), également commercialisée uniquement par Telefónica, et plusieurs offres de gros nationales commercialisées tant par Telefónica (ADSL-IP et ADSL-IP Total, ci-après le « produit de gros national ») que par les autres opérateurs sur la base du dégroupage de la boucle locale et/ou du produit de gros régional (considérant 75 de la décision attaquée).

10      Aux fins de définir les marchés de gros en cause en l’espèce, la Commission a analysé si les produits d’accès de gros décrits au point précédent appartenaient au même marché de produits ou à des marchés de produits distincts (considérant 162 de la décision attaquée).

11      À cet égard, la Commission a tout d’abord estimé que le produit de gros régional et le dégroupage de la boucle locale n’étaient pas substituables (considérants 163 à 182 de la décision attaquée). Pour fonder cette conclusion, la Commission s’est référée, s’agissant de la substituabilité du côté de la demande, aux importants investissements de déploiement de réseau (considérants 163 et 164 de la décision attaquée) et aux différences fonctionnelles entre ces deux types d’accès de gros (considérant 165 de la décision attaquée). La Commission a également considéré qu’il n’y avait pas de substituabilité du côté de l’offre entre ces produits, dès lors qu’elle impliquerait qu’un opérateur alternatif soit en mesure de proposer un réseau de boucles locales identique à celui de Telefónica sur l’ensemble du territoire espagnol, ce qui serait économiquement impossible dans un délai raisonnable (considérant 167 de la décision attaquée).

12      Ensuite, la Commission a estimé qu’il n’y avait pas de substituabilité suffisante entre les produits de gros régional et national (considérants 183 à 195 de la décision attaquée), tout en précisant que les limites précises entre les marchés de gros national et régional n’étaient pas déterminantes, eu égard à la position dominante de Telefónica sur chacun de ces marchés (considérant 195 de la décision attaquée). S’agissant de la substituabilité du côté de la demande, elle a considéré que l’opérateur alternatif souhaitant fournir des services de détail ADSL à l’échelle nationale en utilisant le produit de gros régional devait assumer des coûts récurrents et préalables importants de déploiement et d’entretien d’un réseau permettant de s’interconnecter aux 109 points d’accès indirects de Telefónica (considérant 183 de la décision attaquée). En outre, la migration du produit de gros régional vers le produit de gros national n’aurait pas de sens d’un point de vue économique, puisqu’il serait illogique et peu probable que des opérateurs ayant déjà investi dans le déploiement d’un réseau supportent le coût de ne pas utiliser leur réseau et d’utiliser le produit de gros national, qui ne leur donnerait pas les mêmes possibilités en termes de contrôle sur la qualité du service du produit de détail que le produit de gros régional (considérant 187 de la décision attaquée). S’agissant de la substituabilité du côté de l’offre, la Commission a indiqué que, si, certes, un opérateur souhaitant proposer une offre de gros nationale pouvait le faire sur la base de l’offre de gros régionale, ce qui impliquait des investissements considérables, ces derniers étaient sans commune mesure avec ceux nécessaires pour le dégroupage de la boucle locale qui était, en amont, requis pour que l’opérateur puisse offrir un produit d’accès de gros régional concurrent de celui de Telefónica (considérant 191 de la décision attaquée).

13      Enfin, la Commission a estimé que les technologies d’accès à haut débit, autres que l’ADSL, et en particulier le câble, ne pouvaient être considérées comme étant substituables aux offres ADSL (considérants 196 à 207 de la décision attaquée). S’agissant de la substituabilité du côté de la demande, la Commission a relevé les coûts considérables devant être engagés en cas de migration entre une offre de gros ADSL et une offre de gros basée sur le câble, ainsi que la faible couverture et la fragmentation des réseaux câblés en Espagne (considérant 199 de la décision attaquée). La Commission a également indiqué que, même s’il était techniquement possible pour les câblo-opérateurs de fournir à des tiers un accès de gros à haut débit équivalent aux produits de gros régional et national, des difficultés pratiques et économiques les empêcheraient de le faire, en sorte qu’une telle offre ne serait pas économiquement viable.

14      La Commission a conclu que les marchés de gros en cause aux fins de la décision attaquée comprenaient le produit de gros régional et le produit de gros national, à l’exclusion des services de gros par câble et des technologies différentes de l’ADSL (considérants 6 et 208 de la décision attaquée).

15      Les marchés géographiques pertinents de gros et de détail sont, selon la décision attaquée, de dimension nationale (territoire espagnol) (considérant 209 de la décision attaquée).

16      En deuxième lieu, la Commission a constaté que Telefónica occupait une position dominante sur les deux marchés de gros en cause (considérants 223 à 242 de la décision attaquée). Ainsi, pendant la période considérée, Telefónica aurait détenu le monopole de la fourniture du produit de gros régional et plus de 84 % du marché du produit de gros national (considérants 223 et 235 de la décision attaquée). Selon la décision attaquée (considérants 243 à 277), Telefónica serait également en position dominante sur le marché de détail.

17      En troisième lieu, la Commission a examiné si Telefónica avait abusé de sa position dominante sur les marchés en cause (considérants 278 à 694 de la décision attaquée). À cet égard, la Commission a considéré que Telefónica avait enfreint l’article 82 CE en imposant des prix inéquitables à ses concurrents sous la forme d’un ciseau tarifaire entre les prix de l’accès à haut débit de détail sur le marché « grand public » espagnol et les prix de l’accès à haut débit de gros aux niveaux régional et national, durant la période comprise entre septembre 2001 et décembre 2006 (considérant 694 de la décision attaquée).

18      Aux fins d’établir l’existence d’un ciseau tarifaire en l’espèce, la Commission a, premièrement, rappelé le contexte réglementaire dans lequel Telefónica avait fourni les produits de gros régional et national, notamment l’obligation imposée à Telefónica par le droit espagnol de fournir dans des conditions équitables un accès de gros aux niveaux régional et national. La Commission a également rappelé l’obligation imposée par la Comisión del Mercado de las Telecomunicaciones (CMT, commission du marché des télécommunications espagnole) à Telefónica depuis mars 1999 de fournir le produit de gros régional et a indiqué que Telefónica avait commencé à offrir son produit ADSL-IP Total de sa propre initiative dès septembre 1999, tandis que la CMT avait imposé à Telefónica de fournir l’accès à l’ADSL-IP à partir d’avril 2002 (considérants 288 et 289 de la décision attaquée).

19      Deuxièmement, s’agissant de la méthode de calcul du ciseau tarifaire, la Commission a considéré, primo, que le niveau d’efficacité des concurrents de Telefónica devait être estimé en fonction des coûts avals de cette dernière (méthode du « concurrent aussi efficace ») (considérants 311 à 315 de la décision attaquée) ; secundo, que la méthode pertinente de valorisation des coûts était, en l’espèce, celle des coûts moyens incrémentaux à long terme (ci-après les « CMILT ») (considérants 316 à 324 de la décision attaquée) ; tertio, que l’évaluation de la rentabilité au fil du temps pouvait être établie selon deux méthodes, à savoir la méthode dite « période par période » et la méthode des flux de trésorerie actualisés (ci-après les « FTA ») (considérants 325 à 385 de la décision attaquée) ; quarto, que le calcul du ciseau tarifaire devait être effectué sur la base du portefeuille de services commercialisés par Telefónica sur le marché de détail pertinent (considérants 386 à 388 de la décision attaquée) ; et, quinto, s’agissant du choix des inputs en amont pour le calcul de la reproductibilité des prix en aval, que les tarifs de Telefónica devaient être reproductibles par un concurrent aussi efficace utilisant au moins un produit de gros de Telefónica sur chacun des marchés de gros pertinents (considérants 389 à 396 de la décision attaquée).

20      Troisièmement, la Commission a calculé si la différence entre les prix en aval et en amont de Telefónica couvrait à tout le moins les CMILT en aval de Telefónica (considérants 397 à 511 de la décision attaquée). En appliquant la méthodologie décrite au point précédent, la Commission a calculé que les prix de détail de Telefónica n’ont pas été reproductibles sur la base des produits de gros national ou régional de celle-ci, de septembre 2001 à décembre 2006 (considérants 512 à 542 de la décision attaquée).

21      Quatrièmement, s’agissant des effets de l’abus, la Commission a considéré que le comportement de Telefónica avait probablement limité la capacité des opérateurs ADSL à croître durablement sur le marché de détail et avait probablement porté préjudice aux utilisateurs finaux. Elle a également estimé que le comportement de Telefónica avait eu des effets concrets d’exclusion et avait porté préjudice aux consommateurs (considérants 544 à 618 de la décision attaquée).

22      Cinquièmement, la Commission a relevé que le comportement de Telefónica n’était pas objectivement justifié et n’avait pas produit de gains d’efficacité (considérants 619 à 664 de la décision attaquée).

23      Enfin, sixièmement, la Commission a indiqué que Telefónica disposait d’une marge pour éviter le ciseau tarifaire. Ainsi, Telefónica aurait pu augmenter ses prix de détail ou baisser ses redevances de gros. La Commission a ajouté que les décisions de la CMT relatives au ciseau tarifaire adressées à Telefónica n’étaient pas de nature à écarter la responsabilité de cette dernière (considérants 665 à 694 de la décision attaquée).

24      En quatrième lieu, la Commission a constaté que, en l’espèce, les échanges entre États membres étaient affectés, puisque la politique tarifaire de Telefónica concernait les services d’accès d’un opérateur en position dominante qui couvraient l’ensemble du territoire espagnol, lequel constitue une partie substantielle du marché intérieur (considérants 695 à 697 de la décision attaquée).

25      Aux fins du calcul du montant de l’amende, la Commission a fait application, dans la décision attaquée, de la méthodologie exposée dans les lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 15, paragraphe 2, du règlement no 17 et de l’article 65, paragraphe 5, du traité [CA] (JO 1998, C 9, p. 3, ci-après les « lignes directrices de 1998 »).

26      Premièrement, la Commission a évalué la gravité et l’impact de l’infraction ainsi que la taille du marché géographique en cause. Tout d’abord, s’agissant de la gravité de l’infraction, elle a considéré qu’il s’agissait d’un abus caractérisé de la part d’une entreprise détenant une position virtuellement monopolistique, devant être qualifié de « très grave » au regard des lignes directrices de 1998 (considérants 739 à 743 de la décision attaquée). Aux considérants 744 à 750 de la décision attaquée, la Commission distingue notamment la présente affaire de la décision 2003/707/CE de la Commission, du 21 mai 2003, relative à une procédure d’application de l’article 82 CE (Affaire COMP/C 1/37.451, 37.578, 37.579 — Deutsche Telekom AG) (JO L 263, p. 9, ci-après la « décision Deutsche Telekom »), dans laquelle l’abus de Deutsche Telekom consistant également en une compression des marges n’avait pas été qualifié de « très grave » au sens des lignes directrices de 1998. Ensuite, pour ce qui concerne l’impact de l’infraction constatée, la Commission a tenu compte du fait que les marchés en cause étaient d’une valeur économique considérable, qu’ils jouaient un rôle crucial dans la mise en place de la société de l’information et que l’impact de l’abus de Telefónica sur le marché de détail avait été significatif (considérants 751 et 753 de la décision attaquée). Enfin, s’agissant de la taille du marché géographique en cause, la Commission a notamment relevé que le marché espagnol du haut débit était le cinquième plus grand marché national du haut débit dans l’Union européenne et que, si les cas de ciseau tarifaire étaient nécessairement circonscrits à un seul État membre, il empêchait les opérateurs issus d’autres États membres d’entrer sur un marché en forte croissance (considérants 754 et 755 de la décision attaquée).

27      Selon la décision attaquée, le montant de départ de l’amende, de 90 000 000 euros, tient compte du fait que la gravité de la pratique abusive s’est précisée au fil de la période considérée et, plus particulièrement, après l’adoption de la décision Deutsche Telekom (considérants 756 et 757 de la décision attaquée). Un facteur multiplicateur de 1,25 a été appliqué audit montant pour tenir compte de la capacité économique significative de Telefónica et pour assurer à l’amende un caractère suffisamment dissuasif, en sorte que le montant de départ de l’amende a été porté à 112 500 000 euros (considérant 758 de la décision attaquée).

28      Deuxièmement, l’infraction ayant duré de septembre 2001 à décembre 2006, soit cinq ans et quatre mois, la Commission a majoré le montant de départ de l’amende de 50 %. Le montant de base de l’amende a ainsi été porté à 168 750 000 euros (considérants 759 à 761 de la décision attaquée).

29      Troisièmement, au vu des éléments de preuve disponibles, la Commission a considéré que l’existence de certaines circonstances atténuantes pouvait être retenue en l’espèce dès lors que l’infraction avait à tout le moins été commise par négligence. Une réduction du montant de l’amende de 10 % a ainsi été accordée à Telefónica, ce qui a porté le montant de l’amende à 151 875 000 euros (considérants 765 et 766 de la décision attaquée).

30      Le dispositif de la décision attaquée se lit comme suit :

« Article premier

[Telefónica] et [TESAU] ont commis une infraction à l’article 82 CE, en ayant appliqué des tarifs non équitables prenant la forme d’une disproportion entre les prix de gros et les prix de détail pour l’accès à la large bande entre septembre 2001 et décembre 2006.

Article 2

Pour l’infraction constatée, à l’article 1er, une amende de 151 875 000 euros est imposée conjointement et solidairement à [Telefónica] et à [TESAU]. »

 Procédure et conclusions des parties

31      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 1er octobre 2007, les requérantes ont introduit le présent recours.

32      Par actes déposés au greffe du Tribunal, respectivement, les 10 et 24 décembre 2007, France Telecom et l’Asociación de usuarios de servicios bancarios (Ausbanc Consumo) (ci-après l’« Ausbanc ») ont demandé à intervenir au soutien des conclusions de la Commission.

33      Par lettre du 7 janvier 2008, les requérantes ont demandé le traitement confidentiel vis-à-vis d’éventuelles parties intervenantes de certains éléments contenus dans la requête et ses annexes.

34      Par lettre du 22 février 2008, les requérantes ont demandé le traitement confidentiel vis-à-vis de l’Ausbanc de certains éléments contenus dans la requête et ses annexes.

35      Par lettres du 15 avril 2008, les requérantes ont demandé le traitement confidentiel vis-à-vis de l’Ausbanc et de France Telecom de certains éléments contenus dans le mémoire en défense et ses annexes.

36      Par lettres du 25 juillet 2008, les requérantes ont demandé le traitement confidentiel vis-à-vis de l’Ausbanc et de France Telecom de certains éléments contenus dans la réplique et ses annexes.

37      Par ordonnance du président de la huitième chambre du Tribunal du 31 juillet 2008, France Telecom et l’Ausbanc ont été admises à intervenir à l’appui des conclusions de la Commission. La décision sur le bien-fondé de la demande de traitement confidentiel a été réservée.

38      Des versions non confidentielles des pièces de procédure, préparées par les requérantes, ont été communiquées aux parties intervenantes.

39      Par lettre du 12 septembre 2008, l’Ausbanc a contesté la confidentialité des passages occultés dans les versions non confidentielles des pièces de procédure qu’elle avait reçues.

40      Par lettre du 15 septembre 2008, France Telecom a contesté les demandes de traitement confidentiel pour autant que celles-ci portaient sur l’intégralité de différentes annexes jointes à la requête, au mémoire en défense et à la réplique.

41      Le 28 octobre 2008, France Telecom et l’Ausbanc ont déposé leurs mémoires en intervention.

42      Par lettre du 25 novembre 2008, les requérantes ont informé le Tribunal que les mémoires en intervention ne comportaient pas de données confidentielles.

43      Par lettre du 27 novembre 2008, les requérantes ont demandé le traitement confidentiel vis-à-vis de l’Ausbanc et de France Telecom de certains éléments contenus dans la duplique et ses annexes.

44      Le 6 février 2009, les requérantes ont déposé leurs observations sur les mémoires en intervention.

45      Par lettre du 6 février 2009, les requérantes ont demandé le traitement confidentiel de certains éléments contenus dans leurs observations sur le mémoire en intervention de France Telecom et dans une annexe jointe à celles-ci.

46      Par lettre du 9 février 2009, la Commission a renoncé à formuler des observations sur les mémoires en intervention.

47      Par ordonnance du 2 mars 2010, le président de la huitième chambre a partiellement fait droit à la demande de confidentialité des requérantes.

48      Par acte déposé au Tribunal le 4 novembre 2010, la European Competitive Telecommunications Association (ci-après l’« ECTA ») a également demandé à intervenir au soutien des conclusions de la Commission.

49      Par lettre du 7 décembre 2010, les requérantes se sont opposées à cette demande.

50      Par ordonnance du président de la huitième chambre du Tribunal du 28 février 2011, l’ECTA a été admise à intervenir à l’appui des conclusions de la Commission.

51      Les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        à titre principal, annuler, en vertu de l’article 230 CE, la décision attaquée ;

–        à titre subsidiaire, annuler ou réduire, en vertu de l’article 229 CE, le montant de l’amende qui leur a été infligée par la décision attaquée ;

–        dans tous les cas, condamner la Commission aux dépens.

52      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner les requérantes aux dépens.

53      L’Ausbanc conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter les demandes principale et subsidiaire des requérantes ;

–        condamner les requérantes aux dépens.

54      France Telecom conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter totalement la requête des requérantes ;

–        condamner les requérantes à la totalité des dépens résultant de l’intervention.

55      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (huitième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale. Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 23 mai 2011.

56      Lors de l’audience, l’ECTA a conclu à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner les requérantes aux dépens.

 En droit

A –  Sur la recevabilité des arguments des requérantes prétendument contenus dans les annexes

57      Dans la duplique, la Commission a contesté la recevabilité de certains arguments des requérantes prétendument contenus dans les annexes à leur requête et à leur réplique. Elle a fait valoir que les requérantes auraient ainsi présenté des arguments de nature juridique ou économique qui ne se limiteraient pas à appuyer ou à compléter des éléments de fait ou de droit expressément allégués dans le texte de ces actes de procédure, mais qui ajouteraient de nouvelles allégations. Ainsi, selon la Commission, des « pans entiers des mémoires des requérantes » renverraient intégralement à ces annexes, sans lesquelles ils seraient vidés de leur contenu.

58      Il résulte de l’article 21 du statut de la Cour de justice et de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du Tribunal que toute requête introductive d’instance doit indiquer l’objet du litige et l’exposé sommaire des moyens invoqués. Cette indication doit être suffisamment claire et précise pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant sans autres informations à l’appui. Afin de garantir la sécurité juridique et une bonne administration de la justice, il faut, pour qu’un recours soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celui-ci se fonde ressortent, à tout le moins sommairement, mais d’une façon cohérente et compréhensible, du texte de la requête elle-même. Si le corps de la requête peut être étayé et complété, sur des points spécifiques, par des renvois à des passages déterminés de pièces qui y sont annexées, un renvoi global à d’autres écritures, même annexées à la requête, ne saurait pallier l’absence des éléments essentiels de l’argumentation en droit, qui doivent figurer dans la requête (voir arrêt du Tribunal du 17 septembre 2007, Microsoft/Commission, T‑201/04, Rec. p. II‑3601, point 94, et la jurisprudence citée).

59      En outre, il n’appartient pas au Tribunal de rechercher et d’identifier, dans les annexes, les moyens et arguments qu’il pourrait considérer comme constituant le fondement du recours, les annexes ayant une fonction purement probatoire et instrumentale (arrêts du Tribunal du 7 novembre 1997, Cipeke/Commission, T‑84/96, Rec. p. II‑2081, point 34 ; du 21 mars 2002, Joynson/Commission, T‑231/99, Rec. p. II‑2085, point 154, et du 14 décembre 2005, Honeywell/Commission, T‑209/01, Rec. p. II‑5527, point 57). La fonction purement probatoire et instrumentale des annexes implique que, pour autant que celles-ci comportent des éléments de droit sur lesquels certains moyens articulés dans la requête sont fondés, de tels éléments doivent figurer dans le texte même de celle-ci ou, à tout le moins, être suffisamment identifiés dans ce mémoire (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, C‑189/02 P, C‑202/02 P, C‑205/02 P à C‑208/02 P et C‑213/02 P, Rec. p. I‑5425, point 99). La requête doit, de ce fait, expliciter en quoi consiste le moyen sur lequel le recours est fondé, de sorte que sa seule énonciation abstraite ne répond pas aux exigences du règlement de procédure (arrêts du Tribunal du 12 janvier 1995, Viho/Commission, T‑102/92, Rec. p. II‑17, point 68, et du 22 novembre 2006, Italie/Commission, T‑282/04, non publié au Recueil, point 60).

60      Les annexes ne sauraient dès lors servir à développer un moyen sommairement exposé dans la requête en avançant des griefs ou des arguments ne figurant pas dans celle‑ci (voir, arrêt du Tribunal du 30 janvier 2007, France Télécom/Commission, T‑340/03, Rec. p. II‑107, point 167, et la jurisprudence citée).

61      Cette interprétation de l’article 21 du statut de la Cour et de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure vise également les conditions de recevabilité de la réplique, qui est destinée, selon l’article 47, paragraphe 1, du même règlement, à compléter la requête (voir arrêt Microsoft/Commission, point 58 supra, point 95, et la jurisprudence citée).

62      En l’espèce, dans leurs écritures, les requérantes ont opéré de nombreux renvois à des documents, parfois volumineux, annexés à celles-ci. Toutefois, certains de ces renvois ne visent les pièces annexées concernées que de manière globale et ne permettent donc pas au Tribunal d’identifier précisément les éléments qu’il pourrait considérer comme étayant ou complétant sur des points spécifiques, par des renvois à des passages déterminés desdites pièces, les moyens et arguments développés dans la requête ou dans la réplique. En outre, en particulier, les pièces auxquelles certains renvois se réfèrent ne visent pas uniquement à étayer et à compléter sur des points spécifiques certains arguments du corps du mémoire auquel elles sont annexées, mais comportent l’explication même de l’énoncé desdits arguments, en sorte que, sans l’analyse de ces pièces, ceux-ci ne sont pas compréhensibles.

63      Il s’ensuit que, en l’espèce, les annexes de la requête et de la réplique ne seront prises en considération que dans la mesure où elles étayent ou complètent des moyens ou arguments expressément invoqués par les requérantes dans le corps de leurs écritures et où il est possible de déterminer avec précision quels sont les éléments qu’elles contiennent qui étayent ou complètent lesdits moyens ou arguments (voir, en ce sens, arrêt Microsoft/Commission, point 58 supra, point 99).

B –  Sur le fond

64      Dans leur recours, les requérantes formulent des conclusions à titre principal et des conclusions à titre subsidiaire.

65      Au soutien de leurs conclusions principales, tendant à l’annulation de la décision attaquée, les requérantes invoquent six moyens. Le premier moyen est tiré d’une violation des droits de la défense. Le deuxième moyen est tiré d’erreurs de fait et de droit dans la définition des marchés de gros en cause. Le troisième moyen est tiré d’erreurs de fait et de droit dans l’établissement de la position dominante de Telefónica sur les marchés en cause. Le quatrième moyen est tiré d’erreurs de droit dans l’application de l’article 82 CE en ce qui concerne le comportement abusif de Telefónica. Le cinquième moyen est tiré d’erreurs de fait et/ou d’erreurs d’appréciation des faits et d’erreurs de droit en ce qui concerne le comportement abusif de Telefónica ainsi que son impact anticoncurrentiel. Enfin, le sixième moyen est tiré d’une application ultra vires de l’article 82 CE et d’une violation des principes de subsidiarité, de proportionnalité, de sécurité juridique, de coopération loyale et de bonne administration.

66      À titre subsidiaire, les requérantes invoquent deux moyens tendant à l’annulation de l’amende ou à la réduction de son montant. Le premier moyen est tiré d’erreurs de fait et de droit et d’une violation de l’article 15, paragraphe 2, du règlement no 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d’application des articles [81 CE] et [82 CE] (JO 1962, 13, p. 204), et de l’article 23, paragraphe 2, du règlement (CE) no 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 [CE] et 82 [CE] (JO 2003, L 1, p. 1), et des principes de sécurité juridique et de confiance légitime. Le deuxième moyen, formulé à titre plus subsidiaire, est tiré d’erreurs de fait et de droit et d’une violation des principes de proportionnalité, d’égalité de traitement, d’individualisation des peines et de l’obligation de motivation, lors de la détermination du montant de l’amende.

1.     Sur les conclusions principales, tendant à l’annulation de la décision attaquée

a)     Sur l’étendue du contrôle du juge de l’Union et la charge de la preuve

67      Il ressort de l’article 2 du règlement no 1/2003 ainsi que d’une jurisprudence constante, rendue dans le cadre de l’application des articles 81 CE et 82 CE, que dans le domaine du droit de la concurrence, en cas de litige sur l’existence d’une infraction, il appartient à la Commission de rapporter la preuve des infractions qu’elle constate et d’établir les éléments de preuve propres à démontrer, à suffisance de droit, l’existence des faits constitutifs d’une infraction (arrêts de la Cour du 17 décembre 1998, Baustahlgewebe/Commission, C‑185/95 P, Rec. p. I‑8417, point 58, et du 6 janvier 2004, BAI et Commission/Bayer, C‑2/01 P et C‑3/01 P, Rec. p. I‑23, point 62 ; voir également, en ce sens, arrêt Microsoft/Commission, point 58 supra, point 688). À cet effet, elle doit réunir des éléments de preuve suffisamment précis et concordants pour fonder la ferme conviction que l’infraction alléguée a été commise (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 25 octobre 2005, Groupe Danone/Commission, T‑38/02, Rec. p. II‑4407, point 217, et la jurisprudence citée).

68      Ensuite, il doit être rappelé que, dans le cadre d’un recours en annulation introduit en vertu de l’article 230 CE, il n’appartient au juge de l’Union que de contrôler la légalité de l’acte attaqué (arrêt du Tribunal du 8 juillet 2004, JFE Engineering e.a./Commission, T‑67/00, T‑68/00, T‑71/00 et T‑78/00, Rec. p. II‑2501, point 174). Ainsi, le rôle du juge saisi d’un recours en annulation dirigé contre une décision de la Commission constatant l’existence d’une infraction dans le domaine du droit de la concurrence et infligeant des amendes aux destinataires consiste à apprécier si les preuves et autres éléments invoqués par la Commission dans sa décision sont suffisants pour établir l’existence de l’infraction reprochée (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 20 avril 1999, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, T‑305/94 à T‑307/94, T‑313/94 à T‑316/94, T‑318/94, T‑325/94, T‑328/94, T‑329/94 et T‑335/94, Rec. p. II‑931, point 891, et JFE Engineering e.a./Commission, précité, point 175).

69      En outre, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, si le juge de l’Union exerce de manière générale un entier contrôle sur le point de savoir si les conditions d’application des dispositions relatives à la concurrence se trouvent ou non réunies, le contrôle qu’il exerce sur les appréciations économiques complexes faites par la Commission se limite nécessairement à la vérification du respect des règles de procédure et de motivation, ainsi que de l’exactitude matérielle des faits, de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation et de détournement de pouvoir (arrêts de la Cour du 11 juillet 1985, Remia e.a./Commission, 42/84, Rec. p. 2545, point 34 ; du 17 novembre 1987, British American Tobacco et Reynolds Industries/Commission, 142/84 et 156/84, Rec. p. 4487, point 62, et du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission, C‑204/00 P, C‑205/00 P, C‑211/00 P, C‑213/00 P, C‑217/00 P et C‑219/00 P, Rec. p. I‑123, point 279 ; arrêt du Tribunal du 10 avril 2008, Deutsche Telekom/Commission, T‑271/03, Rec. p. II‑477, point 185).

70      De même, pour autant que la décision de la Commission soit le résultat d’appréciations techniques complexes, celles-ci font en principe également l’objet d’un contrôle juridictionnel limité, qui implique que le juge de l’Union ne saurait substituer son appréciation des éléments de fait à celle de la Commission (arrêts du Tribunal Microsoft/Commission, point 58 supra, point 88, et du 9 septembre 2009, Clearstream/Commission, T‑301/04, Rec. p. II‑3155, point 94).

71      Cependant, si le juge de l’Union reconnaît à la Commission une marge d’appréciation en matière économique, cela n’implique pas qu’il doit s’abstenir de contrôler l’interprétation, par la Commission, de données de cette nature. En effet, le juge de l’Union doit notamment non seulement vérifier l’exactitude matérielle des éléments de preuve invoqués, leur fiabilité et leur cohérence, mais également contrôler si ces éléments constituent l’ensemble des données pertinentes devant être prises en considération pour apprécier une situation complexe et s’ils sont de nature à étayer les conclusions qui en sont tirées (arrêt de la Cour du 15 février 2005, Commission/Tetra Laval, C‑12/03 P, Rec. p. I‑987, point 39 ; arrêts Microsoft/Commission, point 58 supra, point 89, et Clearstream/Commission, point 70 supra, point 95).

72      À cet égard, l’existence d’un doute dans l’esprit du juge doit profiter à l’entreprise destinataire de la décision constatant une infraction (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 14 février 1978, United Brands et United Brands Continentaal/Commission, 27/76, Rec. p. 207, point 265). Le juge ne saurait donc conclure que la Commission a établi l’existence de l’infraction en cause à suffisance de droit si un doute subsiste encore dans son esprit sur cette question, notamment dans le cadre d’un recours tendant à l’annulation d’une décision infligeant une amende (arrêt JFE Engineering e.a./Commission, point 68 supra, point 177).

73      En effet, dans cette dernière situation, il est nécessaire de tenir compte du principe de présomption d’innocence, tel qu’il résulte notamment de l’article 6, paragraphe 2, de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950, lequel fait partie des droits fondamentaux qui, selon la jurisprudence de la Cour, par ailleurs réaffirmée par le préambule de l’Acte unique européen et par l’article 6, paragraphe 2, UE ainsi que par l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, proclamée le 7 décembre 2000 à Nice (JO C 364, p. 1), sont protégés dans l’ordre juridique de l’Union. Eu égard à la nature des infractions en cause ainsi qu’à la nature et au degré de sévérité des sanctions qui s’y rattachent, le principe de présomption d’innocence s’applique notamment aux procédures relatives à des violations des règles de concurrence applicables aux entreprises susceptibles d’aboutir à la prononciation d’amendes ou d’astreintes (voir arrêt JFE Engineering e.a./Commission, point 68 supra, point 178, et la jurisprudence citée ; voir également, en ce sens, arrêts de la Cour du 8 juillet 1999, Hüls/Commission, C‑199/92 P, Rec. p. I‑4287, points 149 et 150, et Montecatini/Commission, C‑235/92 P, Rec. p. I‑4539, points 175 et 176).

74      C’est à la lumière des considérations qui précèdent qu’il y a lieu d’examiner la légalité de la décision attaquée eu égard aux moyens des requérantes.

b)     Sur le premier moyen, tiré d’une violation des droits de la défense

75      Les requérantes font valoir que, dans la décision attaquée, la Commission a utilisé pour la première fois, à l’appui de sa conclusion selon laquelle Telefónica a commis une infraction, plusieurs éléments de preuve qui ne lui auraient pas été communiqués pendant la procédure administrative et sur lesquels elle n’aurait pas eu l’occasion de faire connaître son point de vue. Ces éléments lui seraient inopposables et devraient être écartés comme éléments de preuve étayant la décision attaquée. Par ailleurs, ces éléments de preuve seraient viciés par de graves erreurs et lacunes. Selon les requérantes, si Telefónica avait été en mesure de faire connaître son point de vue sur celles-ci, elle aurait pu en indiquer l’existence à la Commission et, partant, permettre leur rectification avant l’adoption de la décision attaquée, en sorte que son contenu et ses conclusions auraient nécessairement été différents.

76      Il y a lieu de rappeler qu’il est de jurisprudence constante que le respect des droits de la défense dans toute procédure susceptible d’aboutir à des sanctions, notamment à des amendes ou à des astreintes, constitue un principe fondamental du droit de l’Union, qui doit être observé, même s’il s’agit d’une procédure ayant un caractère administratif (arrêts de la Cour du 13 février 1979, Hoffmann-La Roche/Commission, 85/76, Rec. p. 461, point 9, et du 3 septembre 2009, Papierfabrik August Koehler e.a./Commission, C‑322/07 P, C‑327/07 P et C‑338/07 P, Rec. p. I‑7191, point 34).

77      Corollaire du principe du respect des droits de la défense, le droit d’accès au dossier implique que la Commission doit donner à l’entreprise concernée la possibilité de procéder à un examen de la totalité des documents figurant au dossier d’instruction qui sont susceptibles d’être pertinents pour sa défense. Ceux-ci comprennent tant les pièces à conviction que celles à décharge, sous réserve des secrets d’affaires d’autres entreprises, des documents internes de la Commission et d’autres informations confidentielles (voir arrêt Aalborg Portland e.a./Commission, point 69 supra, point 68, et la jurisprudence citée).

78      L’absence de communication d’un document ne constitue une violation des droits de la défense que si l’entreprise concernée démontre, d’une part, que la Commission s’est fondée sur ce document pour étayer son grief relatif à l’existence d’une infraction et, d’autre part, que ce grief ne pourrait être prouvé que par référence audit document. S’il existait d’autres preuves documentaires dont les parties ont eu connaissance au cours de la procédure administrative qui appuient spécifiquement les conclusions de la Commission, l’élimination en tant que moyen de preuve du document à conviction non communiqué n’infirmerait pas le bien-fondé des griefs retenus dans la décision contestée. Il incombe ainsi à l’entreprise concernée de démontrer que le résultat auquel la Commission est parvenue dans sa décision aurait été différent si devait être écarté comme moyen de preuve à charge un document non communiqué sur lequel la Commission s’est fondée pour incriminer cette entreprise (voir arrêt Aalborg Portland e.a./Commission, point 69 supra, points 71 à 73, et la jurisprudence citée).

79      En outre, l’article 27, paragraphe 1, du règlement no 1/2003 prévoit l’envoi aux parties d’une communication des griefs qui doit énoncer, de manière claire, tous les éléments essentiels sur lesquels la Commission se fonde à ce stade de la procédure. Une telle communication des griefs constitue la garantie procédurale appliquant le principe fondamental du droit de l’Union qui exige le respect des droits de la défense dans toute procédure (voir, en ce sens, arrêt Papierfabrik August Koehler e.a./Commission, point 76 supra, point 35, et la jurisprudence citée).

80      Ce principe exige notamment que la communication des griefs adressée par la Commission à une entreprise à l’encontre de laquelle elle envisage d’infliger une sanction pour violation des règles de concurrence contienne les éléments essentiels retenus à l’encontre de cette entreprise, tels que les faits reprochés, la qualification qui leur est donnée et les éléments de preuve sur lesquels la Commission se fonde, afin que cette entreprise soit en mesure de faire valoir utilement ses arguments dans le cadre de la procédure administrative engagée à son encontre (voir arrêt Papierfabrik August Koehler e.a./Commission, point 76 supra, point 36, et la jurisprudence citée).

81      Cette exigence est respectée dès lors que la décision de la Commission ne met pas à la charge des intéressés des infractions différentes de celles visées dans la communication des griefs et ne retient que des faits sur lesquels les intéressés ont eu l’occasion de s’expliquer (arrêt de la Cour du 15 juillet 1970, ACF Chemiefarma/Commission, 41/69, Rec. p. 661, point 94 ; arrêts du Tribunal du 19 mars 2003, CMA CGM e.a./Commission, T‑213/00, Rec. p. II‑913, point 109, et France Télécom/Commission, point 60 supra, point 18).

82      La décision finale de la Commission ne doit toutefois pas nécessairement être une copie de l’exposé des griefs. Sont ainsi admissibles des ajouts à la communication des griefs effectués à la lumière du mémoire en réponse des parties, dont les arguments démontrent qu’elles ont effectivement pu exercer les droits de la défense. La Commission peut également, au vu de la procédure administrative, réviser ou ajouter des arguments de fait ou de droit à l’appui des griefs qu’elle a formulés (voir arrêts du Tribunal du 28 février 2002, Compagnie générale maritime e.a./Commission, T‑86/95, Rec. p. II‑1011, point 442, et France Télécom/Commission, point 60 supra, point 18, et la jurisprudence citée).

83      En effet, la Commission doit tenir compte des éléments résultant de la procédure administrative soit pour abandonner des griefs qui se seraient révélés mal fondés, soit pour aménager ou compléter, tant en fait qu’en droit, son argumentation à l’appui des griefs qu’elle retient (voir arrêts de la Cour du 29 octobre 1980, van Landewyck e.a./Commission, 209/78 à 215/78 et 218/78, Rec. p. 3125, point 68, et du 3 septembre 2009, Prym et Prym Consumer/Commission, C‑534/07 P, Rec. p. I‑7415, point 40, et la jurisprudence citée).

84      Ainsi, les droits de la défense ne sont violés du fait d’une discordance entre la communication des griefs et la décision finale qu’à condition qu’un grief retenu dans cette décision n’ait pas été exposé dans ladite communication d’une manière suffisante pour permettre aux destinataires de se défendre (voir arrêt du Tribunal du 8 juillet 2004, Corus UK/Commission, T‑48/00, Rec. p. II‑2325, point 100, et la jurisprudence citée).

85      Tel n’est pas le cas lorsque les différences alléguées entre la communication des griefs et la décision attaquée ne portent pas sur des comportements autres que ceux sur lesquels les requérantes s’étaient déjà expliquées et qui, partant, sont étrangers à tout nouveau grief (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, C‑238/99 P, C‑244/99 P, C‑245/99 P, C‑247/99 P, C‑250/99 P à C‑252/99 P et C‑254/99 P, Rec. p. I‑8375, point 103).

86      En premier lieu, les requérantes font valoir que la Commission s’est fondée, dans la décision attaquée, sur de « nouveaux éléments » dans le cadre du test « période par période » du ciseau tarifaire.

87      Premièrement, elles soutiennent que la Commission a utilisé de « nouveaux éléments » pour défendre la nécessité de retenir, au titre de la durée moyenne de la relation commerciale entre Telefónica et ses abonnés sur le marché du détail, une « durée de vie moyenne » de [confidentiel](1) ans, d’une part, en se référant au plan d’affaires initial de Telefónica, lequel prévoyait de récupérer les frais exposés pour attirer la clientèle en un ou deux ans et, d’autre part, en indiquant que la formule de calcul proposée par Telefónica n’aurait pas été adéquate pour un marché en expansion (considérants 474 à 489 de la décision attaquée). Elles font ainsi valoir que si elles avaient pu se prononcer à cet égard avant l’adoption de la décision attaquée, elles auraient pu démontrer que la longévité moyenne de ses abonnés était [confidentiel].

88      À cet égard, force est tout d’abord de constater que la durée d’amortissement des coûts d’acquisition d’abonnés de [confidentiel] ans utilisée au considérant 489 de la décision attaquée est identique à celle figurant au point 383 de la communication des griefs. L’annexe H de la communication des griefs (points 595 à 598), intitulée « [e]stimation de la longévité moyenne des abonnés de Telefónica » a fait état à cet égard des estimations de Telefónica relatives à ladite longévité, ainsi que des raisons pour lesquelles la Commission considérait que lesdites estimations sous-estimaient cette longévité (point 598 de la communication des griefs). Telefónica a d’ailleurs fait valoir ses arguments à cet égard dans la section 4.1 et à l’annexe 5 de sa réponse à la communication des griefs.

89      Ensuite, s’agissant de la référence, au considérant 476 de la décision attaquée, à la récupération des coûts d’acquisition des abonnés sur la base du plan d’affaires initial de Telefónica, il convient de relever que celle-ci, qui se fonde sur l’annexe 10iii à la lettre de Telefónica du 21 juillet 2006, postérieure à la communication des griefs (note de bas de page 492 de la décision attaquée), n’a pas été utilisée pour fixer la durée d’amortissement des coûts d’acquisition d’abonnés dans la décision attaquée (considérants 476 et 489 de la décision attaquée), cette indication permettant néanmoins de constater que la durée de [confidentiel] ans, utilisée par la Commission pour le calcul du test « période par période », est plus favorable à Telefónica que celle qui figurait dans ledit plan d’affaires.

90      Enfin, pour ce qui concerne l’affirmation de la Commission, au considérant 482 de la décision attaquée, selon laquelle la formule de calcul proposée par Telefónica n’était pas adéquate pour un marché en expansion, il y a lieu de relever que les requérantes ont été dûment informées, dans la communication des griefs, de l’importance du calcul de l’amortissement approprié des dépenses d’acquisition des nouveaux clients de Telefónica, notamment dans les marchés en expansion. Ainsi, au point 380 de la communication des griefs, la Commission avait déjà relevé que, dans un marché en expansion tel que le marché de détail dans la présente affaire, les coûts de captation des clients constituaient des coûts importants devant être amortis sur une période appropriée, en sorte que des ajustements dans la comptabilité de Telefónica devraient être opérés. L’affirmation figurant au considérant 482 de la décision attaquée ne constitue, à cet égard, qu’une réponse aux calculs proposés par Telefónica dans sa lettre du 26 mars 2004, auxquels la Commission faisait déjà référence à l’annexe H (point 595, note en bas de page no 504) de la communication des griefs.

91      En tout état de cause, l’argument des requérantes, formulé dans leur réplique, selon lequel, si elles avaient eu connaissance du fait que la Commission ne tiendrait pas compte de la longévité moyenne des abonnés de Telefónica, elles auraient pu démontrer que ladite longévité était très [confidentiel] à celle retenue par la Commission dans la décision attaquée et selon lequel la pratique des autorités réglementaires nationales (ci-après les « ARN ») était sans pertinence, doit également être rejeté. En effet, ainsi qu’il a déjà été mentionné au point 88 ci-dessus, la durée d’amortissement des coûts d’acquisition d’abonnés de [confidentiel] ans figurait déjà au point 383 de la communication des griefs, et la Commission se référait déjà à la pratique des autorités de concurrence nationales et des ARN au point 382 de celle-ci. En outre, la Commission avait également indiqué, dans ladite communication, qu’il était possible que, en raison du comportement anticoncurrentiel de Telefónica, la durée moyenne de ses abonnements soit supérieure à celle qui aurait existé dans un marché concurrentiel (point 381 de la communication des griefs).

92      Le grief des requérantes selon lequel la Commission se serait fondée sur de « nouveaux éléments » pour défendre la nécessité de retenir une longévité moyenne de [confidentiel] ans doit donc être rejeté.

93      Deuxièmement, dans la décision attaquée, la Commission aurait considéré que l’affectation des coûts réalisés par Telefónica sous-estimait les coûts marginaux de commercialisation des services de haut débit alors qu’auparavant elle aurait indiqué que cette affectation constituait la « limite supérieure » (points 407 et 424 de la communication des griefs) ou qu’elle incluait une partie raisonnable de la structure commerciale (point 27 de la lettre factuelle).

94      À cet égard, il convient de relever que la Commission avait déjà indiqué, aux points 401 à 407 et 424 de la communication des griefs, que Telefónica avait sous-estimé les coûts de commercialisation dans son analyse des CMILT. Ainsi, la Commission avait relevé, au point 401 de la communication des griefs, que Telefónica avait « sous-estimé les [CMILT] de certaines activités, notamment les coûts de commercialisation ». Elle précisait que « TESAU [avait] seulement inclus le coût directement imputable à chaque nouvel abonné (‘primes et commission’ octroyées au réseau de vente), mais n’[avait] inclus aucun coût lié à sa structure commerciale ». Par ailleurs, au point 403 de la communication des griefs, la Commission avait également indiqué que « l’activité de détail ADSL de TESAU [générait] une partie importante de la structure commerciale de TESAU et [qu’]une partie de cette structure [devait] donc être prise en considération dans les [CMILT] de TESAU ». Enfin, au point 29 de la lettre factuelle, la Commission avait souligné que la structure commerciale de TESAU était principalement dédiée à la croissance de la large bande. Les requérantes ont d’ailleurs présenté des observations à cet égard, dans leur réponse à la communication des griefs et à la lettre factuelle.

95      S’agissant de l’affirmation des requérantes relative aux coûts de commercialisation selon laquelle la Commission aurait « abandonné l’hypothèse inférieure [figurant au point 406 de la communication des griefs] en faveur de l’hypothèse supérieure [figurant au point 407 de celle-ci] », en se fondant pour la première fois, au considérant 468 de la décision attaquée, sur l’évolution de la capacité commerciale de Telefónica, il y a lieu de souligner que ladite évolution avait déjà été clairement mentionnée au point 402 de la communication des griefs et au point 27 de la lettre factuelle. Au point susmentionné de la communication des griefs, la Commission avait par ailleurs déjà indiqué que l’« hypothèse inférieure », à savoir le calcul du niveau minimal probable des CMILT, présentait le risque de réduire ceux-ci à un niveau inférieur aux véritables CMILT. Elle avait aussi relevé, au point 30 de la lettre factuelle, en s’appuyant sur le point 407 de la communication des griefs, qui lui-même se référait au niveau maximal des CMILT, qu’elle estimait qu’il était justifié d’inclure une partie des coûts de commercialisation de Telefónica dans son évaluation des CMILT en vue d’une éventuelle décision. En outre, au point 424 de la communication des griefs, la Commission avait souligné que les coûts de réseau de commercialisation ne comprenaient pas seulement les coûts relatifs à ce réseau (hypothèse inférieure), mais également la hausse des coûts de la structure commerciale de TESAU dus à son activité ADSL de détail (hypothèse supérieure). Le grief des requérantes ne saurait dès lors prospérer.

96      En deuxième lieu, les requérantes font valoir que, dans la décision attaquée, la Commission a introduit des éléments relatifs à la méthode des FTA, sur lesquels Telefónica n’aurait pas été entendue.

97      Premièrement, les requérantes soutiennent que, en modifiant les sources de référence dans le cadre de l’analyse « période par période », la Commission a également modifié les « sources de la plupart des coûts et recettes utilisés dans son analyse [des] FTA », en sorte que les considérations des requérantes relatives à l’analyse « période par période » seraient également pertinentes aux fins de l’analyse des FTA. Toutefois, dès lors que les arguments des requérantes à cet égard ont été rejetés (voir points 86 à 95 ci-dessus) et en l’absence de précisions supplémentaires de la part des requérantes, dans le cadre du présent moyen, sur d’éventuelles autres modifications des sources des coûts et recettes utilisés dans l’analyse des FTA, le présent grief doit également être écarté.

98      Deuxièmement, la Commission aurait, dans la décision attaquée, procédé pour la première fois à une « analyse de sensibilité » de la valeur terminale utilisée dans son analyse des FTA, puisqu’elle aurait calculé une telle valeur sur la base d’une estimation hypothétique du niveau de rentabilité future du commerce de détail de Telefónica, à partir des bénéfices futurs escomptés pour la période 2007-2011 tirés de clients attirés avant 2006, et ce sans l’avoir mentionné dans la lettre factuelle. Dans leur réplique, les requérantes affirment à cet égard qu’il ressort du considérant 372 de la décision attaquée que la Commission s’est fondée sur ces « nouveaux calculs » pour justifier le choix de la valeur terminale.

99      Toutefois, cet argument est fondé sur une prémisse erronée. En effet, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, la Commission n’a pas calculé une valeur terminale basée sur une estimation hypothétique du niveau de rentabilité future du commerce de détail de Telefónica, à partir des bénéfices futurs escomptés pendant la période 2007-2011. Au considérant 370 de la décision attaquée, la Commission a précisément indiqué qu’il « n’[était] pas pertinent dans le cas d’espèce d’établir si les pertes de Telefónica sur la période 2001‑2006 [pouvaient] être compensées par de futurs profits hypothétiques à partir de 2007 ». En outre, il convient de relever que le considérant 372 de la décision attaquée vise à réfuter l’approche alternative proposée par Telefónica dans le cadre de la procédure administrative aux fins de calculer la valeur terminale (considérant 368 de la décision attaquée) et à démontrer que le calcul de celle-ci comporterait plusieurs erreurs majeures qui auraient pour effet de surestimer la valeur terminale (considérant 371 de la décision attaquée). Or, ainsi qu’il a été relevé aux points 82 et 83 ci-dessus, dans sa décision finale, la Commission doit tenir compte des éléments résultant de la procédure administrative pour aménager ou compléter, tant en fait qu’en droit, son argumentation à l’appui des griefs qu’elle retient.

100    En tout état de cause, la Commission a souligné que la méthode employée par elle pour calculer la valeur terminale dans la décision attaquée avait déjà été annoncée au point 446, en note en bas de page no 302 et dans le tableau 47 de la communication des griefs (voir également les points 21 et 22 de la lettre factuelle). Celle-ci a d’ailleurs été critiquée par Telefónica dans la section 6.3 de sa réponse à ladite communication et dans la section 5.1.2 de sa réponse à la lettre factuelle.

101    Interrogées sur cette affirmation lors de l’audience, d’abord, les requérantes ont précisé qu’il y avait une différence évidente entre le tableau 47 de la communication des griefs et le tableau 67 de la décision attaquée, dès lors que les données relatives à 2006 ne seraient pas mentionnées dans ladite communication. Toutefois, il y a lieu de considérer que l’absence de telles données, qui s’explique par la date de la communication des griefs, du 21 février 2006, n’infirme pas l’affirmation de la Commission relative à l’utilisation d’une même méthode dans la communication des griefs et la décision attaquée. Ensuite, les requérantes ont réitéré que le tableau 67 de la décision attaquée comportait une « analyse de sensibilité » (se rapportant aux années 2007 à 2011) destinée à « confirmer » l’analyse de la valeur terminale, ce qui serait nouveau. Toutefois, cet argument doit être rejeté pour les motifs figurant au point 99 ci-dessus. Enfin, les requérantes ont affirmé que la Commission avait utilisé les CMILT minimaux dans la communication des griefs tandis qu’elle aurait utilisé les CMILT maximaux dans la décision attaquée. Cet argument a néanmoins déjà été écarté aux points 93 à 95 ci-dessus.

102    Troisièmement, la Commission aurait critiqué l’emploi des multiples de recettes proposés par Telefónica dans sa réponse à la communication des griefs et réajusté les calculs des FTA présentés par Telefónica dans ladite réponse, sans que Telefónica soit entendue à cet égard (considérants 367 à 377 et 533 à 536 de la décision attaquée). La Commission se référerait également, dans la décision attaquée, aux acquisitions récentes de Terra Networks SA et de O2 plc par Telefónica (considérant 377 de la décision attaquée), s’appuyant ainsi sur des documents ne figurant pas au dossier.

103    À cet égard, le considérant 377 de la décision attaquée ne vise qu’à réfuter l’argumentation présentée par Telefónica dans sa réponse à la communication des griefs. Or, ainsi qu’il a été rappelé aux points 82 et 83 ci-dessus, sont admissibles des ajouts à la communication des griefs effectués à la lumière du mémoire en réponse des parties, dont les arguments démontrent qu’elles ont effectivement pu exercer les droits de la défense. En outre, la méthode d’évaluation utilisée lors des acquisitions de Terra Networks et de O2 par Telefónica elle-même n’a été mentionnée, de manière surabondante, audit considérant, qu’à titre d’exemple, aux fins de réfuter la méthode des multiples des recettes adoptée par Telefónica pour l’évaluation de ses activités en aval dans sa réponse à la communication des griefs. La Commission ne s’est dès lors pas fondée sur les documents en cause pour étayer, en l’espèce, son grief relatif à l’existence d’une infraction. Conformément à la jurisprudence figurant au point 78 ci-dessus, le grief des requérantes ne saurait donc être accueilli. Par ailleurs, il ressort de la documentation relative à l’audition du 12 juin 2006, jointe au dossier du Tribunal, que le calcul de la valeur terminale en tant que multiple des recettes évoqué par les requérantes a fait l’objet de débats au cours de l’audition en cause.

104    En troisième lieu, les requérantes font valoir que la Commission effectuerait, dans la décision attaquée, une comparaison des parts de marché des produits de large bande et de bande étroite (considérants 574 à 578 de la décision attaquée) qui n’aurait pas figuré dans la communication des griefs et qui n’aurait pas été évoquée dans la lettre factuelle.

105    Il y a lieu de relever que la Commission n’a pas contesté dans ses écritures ni, interrogée sur ce point, lors de l’audience que ladite comparaison ne figurait pas dans la communication des griefs, ni dans la lettre factuelle. Toutefois, l’appréciation des effets concrets de l’infraction aux considérants 564 à 573 et 579 à 613 de la décision attaquée se fonde sur de nombreux autres éléments déjà exposés aux points 475 à 532 de la communication des griefs. Or, alors qu’il n’est pas démontré que l’élimination en tant que moyen de preuve de la comparaison entre les parts de marché des produits de haut débit et celles des produits de bas débit infirmerait le bien-fondé des griefs retenus dans la décision attaquée, il y a lieu de considérer que la communication des griefs contenait en l’espèce les éléments essentiels sur lesquels reposait la conclusion de la Commission relative à l’existence des effets concrets de l’infraction.

106    En quatrième lieu, selon les requérantes, pour établir l’existence d’effets concrets sur le marché de gros, la Commission aurait utilisé de nouvelles données concernant les parts supplémentaires nettes de Telefónica par rapport à ses concurrents (considérants 579 à 581 et schéma 18 de la décision attaquée).

107    Ainsi que la Commission l’a relevé lors de l’audience, celle-ci avait déjà indiqué, au point 38 et en note en bas de page no 45 de la lettre factuelle, [confidentiel]. En outre, il y a lieu de considérer, ainsi que le souligne la Commission, que le graphique 18 de la décision attaquée constitue une représentation des données relatives aux parts de marchés ou aux volumes figurant déjà au tableau 64 de la communication des griefs. À cet égard, l’argument formulé par les requérantes lors de l’audience, selon lequel, à la différence du graphique 18 de la décision attaquée, le tableau 64 de la communication des griefs se réfère également à l’année 2001 ainsi qu’à l’opérateur British Telecom, doit être rejeté, ces éléments ne figurant pas dans la décision attaquée. L’argument des requérantes ne saurait dès lors prospérer.

108    En cinquième lieu, la Commission aurait émis des critiques (considérants 606 à 609 de la décision attaquée) sur l’étude des prix jointe par Telefónica à sa réponse à la communication des griefs, qui seraient nouvelles et différentes de celles formulées par l’économiste en chef de la Commission lors de l’audition. Il suffit de constater à cet égard que, dès lors que les critiques de la Commission ne constituent qu’une réfutation des calculs proposés par Telefónica dans le rapport d’expert joint en annexe 6 de sa réponse à la communication des griefs et non de nouveaux éléments pour étayer la conclusion de la Commission relative aux effets concrets du comportement de Telefónica sur les marchés concernés, aucune violation des droits de la défense de Telefónica ne saurait être constatée.

109    Il s’ensuit que le présent moyen doit être rejeté dans son intégralité.

c)     Sur le deuxième moyen, tiré d’erreurs de fait et de droit dans la définition des marchés de gros en cause

110    Dans le cadre du présent moyen, les requérantes contestent la définition des marchés de gros en cause exposée par la Commission aux considérants 162 à 208 de la décision attaquée (voir points 9 à 14 ci-dessus).

111    Selon une jurisprudence constante, aux fins de l’examen de la position, éventuellement dominante, d’une entreprise sur un marché sectoriel déterminé, les possibilités de concurrence doivent être appréciées dans le cadre du marché regroupant l’ensemble des produits qui, en fonction de leurs caractéristiques, sont particulièrement aptes à satisfaire des besoins constants et sont peu interchangeables avec d’autres produits. En outre, étant donné que la détermination du marché en cause sert à évaluer si l’entreprise concernée a la possibilité de faire obstacle à une concurrence effective et de se comporter, dans une mesure appréciable, indépendamment de ses concurrents, de ses clients et des consommateurs, on ne saurait, à cette fin, se limiter à l’examen des seules caractéristiques objectives des produits en cause, mais il convient également de prendre en considération les conditions de concurrence et la structure de la demande et de l’offre sur le marché (voir arrêt de la Cour du 9 novembre 1983, Nederlandsche Banden-Industrie-Michelin/Commission, 322/81, Rec. p. 3461, point 37, et arrêts France Télécom/Commission, point 60 supra, point 78, et Clearstream/Commission, point 70 supra, point 48, et la jurisprudence citée).

112    La notion de marché en cause implique qu’une concurrence effective puisse exister entre les produits qui en font partie, ce qui suppose un degré suffisant d’interchangeabilité en vue du même usage entre tous les produits faisant partie d’un même marché (arrêts Hoffmann-La Roche/Commission, point 76 supra, point 28, et Clearstream/Commission, point 70 supra, point 49).

113    Il ressort également de la communication de la Commission sur la définition du marché en cause aux fins du droit communautaire de la concurrence (JO 1997, C 372, p. 5, paragraphe 7), qu’« [u]n marché de produits en cause comprend tous les produits et/ou services que le consommateur considère comme interchangeables ou substituables en raison de leurs caractéristiques, de leur prix et de l’usage auquel ils sont destinés ». D’un point de vue économique, pour une définition du marché en cause, la substitution du côté de la demande est le facteur de discipline le plus immédiat et le plus efficace vis-à-vis des fournisseurs d’un produit donné, en particulier en ce qui concerne leurs décisions en matière de fixation des prix (paragraphe 13 de cette communication). En outre, la substituabilité du côté de l’offre peut également être prise en considération pour définir le marché en cause dans les opérations où cette substituabilité a des effets équivalents à ceux de la substituabilité du côté de la demande en termes d’immédiateté et d’efficacité. Il faut, pour cela, que les fournisseurs puissent réorienter leur production vers les produits en cause et les commercialiser à court terme, sans encourir de coûts ou de risques supplémentaires substantiels, en réaction à des variations légères, mais permanentes, des prix relatifs (paragraphe 20 de ladite communication).

114    En premier lieu, les requérantes font valoir que le dégroupage de la boucle locale, le produit de gros régional et le produit de gros national appartiennent au même marché de produits en cause. S’agissant de la substituabilité du côté de la demande de ces produits, elles affirment que ceux-ci permettent aux opérateurs alternatifs d’offrir les mêmes services de détail à haut débit. La Commission aurait d’ailleurs reconnu, aux considérants 154 et 155 de la décision attaquée, que lesdits produits appartiennent au même marché de détail en cause.

115    Premièrement, les requérantes font valoir que la Commission a erronément considéré que les coûts de substitution des produits de gros national et régional par le dégroupage de la boucle locale étaient « extrêmement élevés » et qu’une telle substitution était un « long processus » et requérait une « masse critique minimale ». Les requérantes affirment également que les opérateurs alternatifs ont pu recourir à la boucle locale depuis 2001 et que celle-ci a connu un progrès considérable entre 2004 et 2006.

116    Il y a lieu de rappeler que, dans la décision attaquée, la Commission a souligné les investissements considérables nécessités par le passage du produit de gros national au produit de gros régional (considérant 185 de la décision attaquée). La Commission a également constaté que le passage du produit de gros régional au dégroupage de la boucle locale était extrêmement coûteux, dès lors qu’il impliquait le déploiement d’un réseau, du point d’interconnexion régional aux lignes locales de Telefónica, des prix de gros importants imposés par Telefónica pour effectuer cette migration et l’obtention de la colocalisation et d’autres services associés pour pouvoir fournir des services d’accès de détail à haut débit. En outre, selon la Commission, une telle migration prend beaucoup de temps, n’est pas une option viable pour l’ensemble du territoire espagnol et requiert d’avoir une masse critique minimale. (considérants 173 à 177 de la décision attaquée). La Commission a également rappelé, au considérant 180 de la décision attaquée, que, dans une lettre à la Commission datée du 2 mars 2005, Telefónica elle-même avait fait référence au fait que les opérateurs alternatifs devaient atteindre une masse critique avant de commencer à investir dans leur propre infrastructure qui leur permettrait d’utiliser le dégroupage de la boucle locale.

117    Or, tout d’abord, les requérantes n’ont pas contesté les constatations de la décision attaquée selon lesquelles, aux fins de procéder au dégroupage de la boucle locale, les opérateurs alternatifs devaient être physiquement présents et colocaliser leurs équipements avec ceux de Telefónica, qui est la seule entreprise à posséder un réseau d’accès local sur l’ensemble du territoire espagnol, ce qui les a contraints à installer ceux-ci dans les 6 836 répartiteurs principaux de Telefónica et impliquait de très lourds investissements préalables (considérants 80, 81 et tableau 8 de la décision attaquée ; voir également le considérant 132 de la décision attaquée). Elles n’ont pas non plus contesté, dans leurs écritures ou lors de l’audience, que les investissements de Telefónica à cet effet se sont élevés à plus de 1 500 millions d’euros, auxquels il conviendrait d’ajouter les investissements nécessaires aux fins de se connecter aux 109 points d’accès indirect du produit de gros régional, qui représenteraient [confidentiel] millions d’euros (considérants 164, 185, tableau 9 et notes en bas de page no 73 et 74 de la décision attaquée). Or, ainsi que le relève à juste titre la Commission, ces investissements sont considérables. Ainsi, la Commission a indiqué, sans être contredite par les requérantes, que même l’investissement de 200 millions d’euros qui, selon Telefónica, aurait été nécessaire pour qu’un opérateur alternatif puisse déployer son réseau local, représentait plus de 130 % des recettes cumulées par Jazztel sur le marché de détail entre 2001 et 2006.

118    Ensuite, il convient de rejeter l’argument des requérantes selon lequel Jazztel, en dépit du fait qu’elle serait dépourvue de la « masse critique minimale » (considérant 177 de la décision attaquée) et n’aurait eu qu’une part de marché inférieure à 1 % au début de la période 2001-2006, aurait néanmoins été en mesure de réaliser un investissement de 200 millions d’euros, ce qui contredirait l’affirmation figurant au considérant 164 de la décision attaquée, selon laquelle il faudrait entre 580 et 670 millions d’euros pour déployer un réseau de boucle locale comprenant entre 550 et 575 centrales.

119    D’une part, l’argument des requérantes repose exclusivement sur une communication de Jazztel à la comisión nacional del mercado de valores (commission nationale du marché des valeurs espagnole) du 27 juillet 2007, dans laquelle Jazztel aurait affirmé que, « pendant les exercices 2005 et 2006, l’entreprise [avait] investi plus de 200 millions d’euros dans le déploiement du réseau de boucle locale de dernière génération le plus étendu et le plus moderne d’Espagne » et que « l’entreprise [avait] l’intention de réduire ses investissements de manière significative en 2007, lorsque les travaux de développement du réseau ser[aie]nt terminés ». Or, il ne ressort pas de cette affirmation que la totalité des frais de déploiement du réseau de Jazztel se soit élevée à « plus de 200 millions d’euros », mais uniquement que cette somme a été investie dans le déploiement du réseau en 2005 et 2006. Ainsi que le relève la Commission, sans être contredite à cet égard par les requérantes, le montant des investissements mentionné dans ladite communication n’inclut pas les investissements déjà réalisés par Jazztel avant 2005 aux fins du déploiement de son réseau, parmi lesquels notamment les 2 718 km du réseau de boucle locale déployés par Jazztel dès la fin 2004, ni les investissements que Jazztel devra encore réaliser pour finaliser le déploiement dudit réseau.

120    D’autre part, même à supposer, comme le soutiennent les requérantes, que, en date du 28 février 2007, Jazztel ait effectivement réussi à se placer dans 607 répartiteurs de Telefónica, outre que cette donnée est postérieure à la période infractionnelle, cela ne signifie pas nécessairement que Jazztel ait déjà effectivement réalisé les investissements nécessaires pour déployer son réseau jusqu’à ces répartiteurs. Ainsi, en mars 2006, Jazztel avait raccordé à son réseau 38 ou 44 % (selon la Commission) ou 53 % (selon les requérantes) des 470 « échanges locaux » qu’elle avait installés. Or, l’argument des requérantes, dont l’exactitude est contestée par la Commission, selon lequel la connexion des répartiteurs au réseau de Jazztel serait un service indépendant du dégroupage, que les opérateurs alternatifs peuvent obtenir auprès d’un autre opérateur que Telefónica, ne remet pas en cause le fait que cet investissement fait partie des investissements nécessaires pour qu’un opérateur alternatif puisse bénéficier du service de dégroupage de la boucle locale (considérant 132 de la décision attaquée). En outre, dès lors que Telefónica possède 6 836 répartiteurs principaux, le fait de se placer dans 607 répartiteurs de Telefónica couvre, d’un point de vue géographique, moins de 10 % des centrales de Telefónica et permet seulement, selon Telefónica elle-même, d’atteindre environ 60 % des clients potentiels. Par ailleurs, cette couverture n’a été atteinte qu’à la fin de l’année 2006, soit six années après que la boucle locale a été rendue disponible.

121    À cet égard, l’argument des requérantes selon lequel, même si les investissements requis aux fins d’utiliser un autre produit de gros étaient effectivement importants, la Commission serait restée en défaut de calculer les bénéfices résultant de l’utilisation de la boucle locale (recettes supérieures, diversité de services finals de détail et indépendance technologique de Telefónica) doit également être rejeté. En effet, ainsi que la Commission l’a, à juste titre, indiqué au considérant 176 de la décision attaquée, un opérateur alternatif qui veut substituer le produit de gros régional par le dégroupage de la boucle locale devra réaliser les investissements nécessaires aux fins du déploiement de son réseau, mais ne réalisera les bénéfices de ce changement qu’après avoir atteint une clientèle suffisante, ce qui n’est ni certain ni immédiat.

122    Enfin, il y a lieu d’écarter l’argument des requérantes selon lequel les progrès considérables et rapides de la boucle locale entre 2004 et 2006, aboutissant à une couverture de plus de 60 % des installations de Telefónica, démontrent que le « facteur temps » ne constitue pas un obstacle à la substitution des produits de gros national ou régional par le dégroupage de la boucle locale.

123    Ainsi qu’il ressort notamment des paragraphes 16, 20, 21 et 23 de la communication sur la définition du marché en cause aux fins du droit communautaire de la concurrence visée au point 113 ci-dessus, et ainsi que la Commission l’a rappelé à juste titre au considérant 172 de la décision attaquée, la substituabilité nécessaire aux fins de la définition du marché en cause doit se matérialiser à court terme, ce qui, selon les considérants 172 à 175 de la décision attaquée, n’est pas le cas en l’espèce.

124    L’argument des requérantes tendant à infirmer cette conclusion, selon lequel les opérateurs alternatifs n’auraient pas jugé opportun de demander l’accès à la boucle locale avant 2004, à une période où ils auraient atteint une couverture de plus de 60 % des installations de Telefónica, doit à cet égard être rejeté.

125    En effet, si TESAU est soumise à une obligation réglementaire de location de la paire de cuivre aux opérateurs alternatifs depuis le mois de décembre 2000 (considérant 81 de la décision attaquée), l’utilisation effective de la boucle locale n’a commencé, dans une mesure limitée, qu’à la fin de l’année 2004 et au début de l’année 2005 (considérant 96 et schéma 2 de la décision attaquée). D’une part, eu égard aux investissements nécessaires (voir points 117 à 121 ci-dessus) et ainsi que Telefónica elle-même l’a reconnu (considérant 180 de la décision attaquée), ce n’est qu’en 2004 que les opérateurs alternatifs ont atteint une masse critique en termes de connexions et d’expérience du marché, qui leur a permis d’investir dans les infrastructures du réseau et ainsi de commencer à migrer leurs connexions d’accès de gros indirect vers l’accès dégroupé à la boucle locale (voir également considérants 177 à 180 de la décision attaquée et point 129 ci-dessus). D’autre part, ainsi qu’il ressort notamment du considérant 143 de la décision attaquée, des délais importants étaient constatés entre le moment où les opérateurs alternatifs demandaient l’accès dégroupé à la boucle locale de Telefónica et le moment où un tel accès leur était accordé. Il y a à cet égard lieu de relever que, ainsi qu’il ressort du tableau 60 de la décision attaquée, dont les données n’ont pas été contestées par les requérantes, la prétendue couverture de plus de 60 % des installations de Telefónica n’a été réalisée qu’en décembre 2006, soit à la fin de la période infractionnelle.

126    À cet égard, l’argument des requérantes selon lequel l’existence de barrières d’accès à la boucle locale aurait été démentie par la Comisión Nacional de la Competencia (commission nationale de la concurrence espagnole) dans sa décision du 22 octobre 2007 doit également être rejeté. Même à supposer qu’il ressorte de cette décision que, dans cette affaire, l’organisme chargé de la défense de la concurrence n’ait, à aucun moment de l’instruction, « accrédité que les retards présumés le furent réellement », cette décision ne remet pas en cause les constatations figurant aux considérants 139 et 140 de la décision attaquée, qui n’ont pas été contestées par Telefónica dans ses écritures, selon lesquelles, depuis 2002, 55 conflits sur l’accès à la boucle locale ont été portés devant la CMT, dont la plupart ont abouti à une décision en défaveur de Telefónica.

127    Deuxièmement, les requérantes soutiennent qu’il existe des produits de gros, autres que le dégroupage de la boucle locale, qui permettent de présenter une offre « différente », par exemple des services de téléphonie via le protocole IP (Internet Protocol). Toutefois, les parties ont confirmé, en substance, lors de l’audience, qu’il existait des différences fonctionnelles entre les produits de gros national, régional et le dégroupage de la boucle locale, ce qui ressort d’ailleurs des considérants 66, 70, 82, 85, 87, 89, 165 et 171 et de la note en bas de page no 47 de la décision attaquée. Si, certes, lors de l’audience, les requérantes ont soutenu que le produit de gros régional permettait un « certain niveau de différenciation », il doit être considéré, ainsi que la Commission le précise aux considérants susmentionnés, qu’un opérateur optant pour le dégroupage de la boucle locale de Telefónica peut contrôler une part substantielle de la chaîne de valeur et de nombreux aspects de son service de détail. Ainsi qu’il ressort des considérants 82, 87, 89 et 171 de la décision attaquée, contrairement au dégroupage de la boucle locale, l’accès aux produits de gros national et régional ne permet pas aux opérateurs alternatifs de différencier de manière significative leur produit de détail de celui de Telefónica, en sorte qu’ils doivent se limiter à faire concurrence à Telefónica par les prix. À cet égard, les requérantes elles-mêmes, dans leur réplique, soulignent que l’investissement dans la boucle locale procure une diversité plus grande des services finals de détail. Elles se réfèrent à cet effet aux exemples de France Telecom, qui aurait été la première entreprise à offrir en Espagne un produit incluant les communications vocales et Internet, et de Jazztel, qui aurait été la première entreprise à commercialiser un produit de détail d’une vitesse de connexion pouvant aller jusqu’à 20 mégaoctets par seconde.

128    Troisièmement, il y a lieu de rejeter l’argument des requérantes selon lequel une « substituabilité suffisante » existerait entre le produit de gros régional, le produit de gros national et le dégroupage de la boucle locale, en raison du fait que, dans chaque centrale de Telefónica, un nombre suffisant d’opérateurs alternatifs utiliseraient une combinaison de différents produits de gros qui correspond le mieux à leurs besoins et que cette substituabilité « sur la marge » suffirait aux fins de considérer en l’espèce que ces produits appartiennent au même marché de produits en cause.

129    Tout d’abord, il y a lieu de relever, à l’instar de la Commission, que le fait que certains opérateurs aient investi pour déployer leurs propres réseaux et aient pu accroître à partir de 2004 l’utilisation de la boucle locale ne confirme pas l’existence d’une substituabilité effective entre les produits de gros national et régional et le dégroupage de la boucle locale au cours de la période infractionnelle, mais est le résultat d’un processus de migration progressive, décrit par la Commission notamment aux considérants 93 à 103 de la décision attaquée. Or, d’une part, une telle migration requiert des investissements considérables s’étendant sur plusieurs années. D’autre part, en raison des coûts substantiels irrécupérables associés à cette migration et à la progression sur l’« échelle des investissements » (voir note en bas de page no 82 de la décision attaquée), il est peu probable qu’un opérateur alternatif substitue au dégroupage de la boucle locale les produits de gros national ou régional en cas de hausse légère, mais significative et permanente, du prix du dégroupage de la boucle locale.

130    Ensuite, l’utilisation par les opérateurs alternatifs, pendant la période infractionnelle, dans chaque centrale, d’une combinaison optimale de produits de gros, qui inclurait le dégroupage de la boucle locale, n’est pas avérée. Ainsi, il ressort des considérants 102 et 103 de la décision attaquée, qui n’ont pas été contestés par les requérantes dans leurs écritures, que, jusqu’en 2002, France Telecom a presque exclusivement acheté le produit de gros national de Telefónica, celui-ci ayant été remplacé, à la fin de l’année 2002, par une offre de gros nationale alternative basée sur le produit de gros régional de Telefónica. Ce n’est qu’à compter de février 2005 que le nombre de boucles locales dégroupées de France Telecom s’est significativement accru tandis qu’il y avait une diminution du nombre de lignes nationales alternatives de gros basées sur le produit de gros régional de Telefónica. En outre, jusqu’au dernier trimestre de 2004, Ya.com a exclusivement acheté le produit de gros national de Telefónica et n’a commencé à utiliser progressivement le dégroupage de la boucle locale qu’à partir de juillet 2005, avec son acquisition d’Albura.

131    Enfin, l’argument des requérantes ne saurait s’appliquer qu’aux concurrents de Telefónica disposant d’un réseau leur permettant le dégroupage de la boucle locale, à l’exclusion des concurrents potentiels de Telefónica qui n’auraient pas encore effectué d’investissements aux fins d’utiliser le produit de gros régional ou le dégroupage de la boucle locale.

132    Quatrièmement, s’agissant de l’argument des requérantes selon lequel le Servicio de Defensa de la Competencia (service de protection de la concurrence espagnol) aurait admis l’existence d’un seul marché de gros pertinent dans l’affaire Telefónica/Iberbanda (rapport du service de défense de la concurrence N‑06038, Telefónica/Iberbanda), il suffit de relever que les requérantes ne contestent pas l’affirmation de la Commission, formulée dans ses écritures, selon laquelle, dans cette affaire, l’appréciation de l’opération ne dépendait pas d’une limitation plus ou moins étroite des marchés, les parts de marché d’Iberbanda étant très réduites, et que cette autorité, dans sa décision finale, s’est expressément référée à la différenciation opérée par la CMT entre le dégroupage de la boucle locale et les accès de gros indirects.

133    Cinquièmement, il convient de rappeler que les requérantes ont elles-mêmes exposé, dans leur réponse initiale à la plainte de France Telecom, que le dégroupage de la boucle locale et les produits de gros d’accès indirect n’étaient pas substituables (considérant 170 de la décision attaquée). En outre, ainsi que la Commission l’a indiqué au considérant 182 de la décision attaquée, toutes les ARN qui ont analysé le marché de gros d’accès à haut débit dans leurs pays respectifs, en ce compris la CMT s’agissant du marché espagnol, ont, pour des raisons similaires, considéré que le dégroupage de la boucle locale et les produits de gros d’accès indirect constituaient des marchés distincts. Une telle approche est, ainsi que le relève à juste titre la Commission, également conforme à la recommandation 2003/311/CE de la Commission, du 11 février 2003, concernant les marchés pertinents de produits et de services dans le secteur des communications électroniques susceptibles d’être soumis à une réglementation ex ante conformément à la directive 2002/21/CE du Parlement européen et du Conseil relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques (JO L 114, p. 45), qui distingue le marché de la fourniture en gros d’accès dégroupé (y compris l’accès partagé) aux boucles et sous-boucles sur lignes métalliques pour la fourniture de services à large bande et de services vocaux (marché 11) du marché de la fourniture en gros d’accès à large bande (marché 12).

134    Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de considérer que c’est à bon droit que la Commission a estimé, aux considérants 163 à 182 de la décision attaquée, que le dégroupage de la boucle locale ne faisait pas partie du marché en cause en l’espèce.

135    En second lieu, les requérantes contestent la conclusion de la décision attaquée selon laquelle les produits de gros régional et national n’appartiennent pas au même marché. Premièrement, elles font valoir que la Commission a recours à des exemples théoriques et étrangers à la réalité du marché espagnol.

136    À cet égard, certes, la Commission se réfère, au considérant 185 de la décision attaquée, aux estimations de l’autorité de régulation des télécommunications française (ART) relatives aux coûts engendrés par le passage de produits de gros nationaux aux produits de gros régionaux, lesquels seraient compris entre 150 et 300 millions d’euros, alors même qu’il est estimé que, en France, une couverture nationale pourrait être atteinte via l’interconnexion au niveau de 20 points d’accès indirects.

137    Toutefois, les estimations de l’ART, bien que relatives à un marché géographique différent, sont pertinentes aux fins d’illustrer les investissements nécessaires au déploiement d’un tel réseau. En effet, ainsi qu’il ressort de la note en bas de page no 166 de la décision attaquée, le nombre de points d’accès indirect est environ cinq fois plus élevé en Espagne qu’en France et il est dès lors permis de considérer que les coûts relatifs au déploiement d’un réseau en Espagne seraient, partant, manifestement plus élevés qu’en France. En outre, ainsi qu’il a été relevé au considérant 723 de la décision attaquée, le marché du haut débit en France est caractérisé par une structure semblable à celle de l’Espagne, eu égard à l’existence d’un accès de gros aux niveaux local, national et régional.

138    Deuxièmement, les requérantes soutiennent que la Commission fonde sa définition de deux marchés distincts sur l’absence de justification économique à passer du produit de gros régional au produit de gros national, alléguée par France Telecom (considérant 187 de la décision attaquée), alors que France Telecom aurait elle-même contredit cette affirmation dans des documents versés au dossier en affirmant qu’un opérateur alternatif pourrait décider de migrer du produit de gros régional au produit de gros national si le prix de ce dernier venait à baisser. En outre, Albura aurait réussi à reproduire le réseau d’accès régional de Telefónica.

139    À cet égard, il y a tout d’abord lieu de relever que, ainsi qu’il ressort du considérant 187 de la décision attaquée, en tenant compte des coûts non récupérables, les opérateurs alternatifs, qui ont déjà fait les investissements nécessaires pour se connecter aux 109 points d’accès indirects, capitaliseront sur leurs investissements et choisiront le produit de gros régional plutôt que de concentrer le trafic en un point unique d’accès national. En effet, eu égard aux coûts associés au passage du produit de gros national au produit de gros régional, même dans le cas d’une augmentation légère, mais significative et permanente, du prix du produit de gros régional, il serait peu probable, et illogique d’un point de vue économique, que les opérateurs, qui ont déjà investi dans le déploiement d’un réseau, supportent le coût de ne pas utiliser ce réseau et décident d’utiliser le produit de gros national, qui ne leur donnerait pas les mêmes possibilités en termes de contrôle sur la qualité de service du produit de détail que le produit de gros régional. En outre, interrogée à cet égard lors de l’audience, France Telecom a effectivement confirmé qu’elle estimait qu’il n’y avait pas de justification économique à passer du produit de gros régional au produit de gros national. Si, certes, une telle migration a été effectuée à une reprise, de manière exceptionnelle, c’est en raison d’une contrainte technique liée aux nécessités pour France Telecom d’obtenir des capacités additionnelles au niveau du produit de gros régional. L’argument des requérantes ne saurait dès lors être retenu.

140    Troisièmement, il convient de rejeter l’argument des requérantes selon lequel la Commission aurait, par le passé, accepté la « substitution asymétrique » aux fins de délimiter le marché de produits en cause, dès lors qu’il ne saurait être question d’une telle substitution en l’espèce, le passage du produit de gros national au produit de gros régional prenant du temps et nécessitant des investissements très importants (voir point 129 ci-dessus) et le passage du produit de gros régional au produit de gros national étant illogique d’un point de vue économique (voir point 139 ci-dessus). Au demeurant, il ressort de la jurisprudence du Tribunal qu’une forte disproportion dans les taux de migration entre deux produits n’accrédite pas la thèse de leur interchangeabilité aux yeux des consommateurs (arrêt France Télécom/Commission, point 60 supra, points 86 à 91).

141    Quatrièmement, les requérantes soutiennent que la Commission aurait reconnu, dans sa recommandation 2003/311, que les deux produits d’accès indirect de gros relèvent du même marché. Toutefois, il y a lieu de rappeler que la recommandation 2003/311, dans son exposé des motifs, d’une part, exclut explicitement de son champ d’application le marché de gros de la revente à haut débit, c’est-à-dire les produits d’accès national en un point unique comme le produit de gros national, dans lequel le trafic de l’opérateur alternatif passe intégralement par le réseau de Telefónica, et, d’autre part, souligne l’existence de très importantes barrières à l’entrée en ce qui concerne la fourniture en gros de l’accès à large bande, dans la mesure où il faut déployer un réseau pour fournir le service. Par ailleurs, l’article 15 de la directive 2002/21/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques (directive « cadre ») (JO L 108, p. 33), auquel le préambule de la recommandation 2003/311 se réfère expressément, et le considérant 18 de ladite recommandation disposent que les marchés définis aux fins de l’intervention régulatrice le sont sans préjudice des marchés qui pourraient être définis dans le cadre d’affaires spécifiques en droit de la concurrence.

142    Cinquièmement, les requérantes font valoir que la CMT, dans sa décision du 6 avril 2006, ratifiée par sa décision du 1er juin 2006, aurait également considéré que le produit de gros régional et le produit de gros national font partie du même marché. À cet égard, contrairement à la décision attaquée, la décision de la CMT du 1er juin 2006 s’inscrit dans le cadre d’une analyse prospective. En outre, la Commission, dans ses observations formulées au sujet du projet de décision de la CMT, avait d’ailleurs indiqué que les caractéristiques actuelles et les conditions du marché espagnol du haut débit pourraient potentiellement justifier une segmentation du marché de gros de l’accès haut débit en deux marchés de produits en cause. Enfin, la CMT, dans sa décision du 1er juin 2006, a elle-même exclu l’ADSL-IP Total du marché 12. Or, Telefónica ne conteste pas que l’ADSL-IP et l’ADSL-IP Total font partie du même marché d’accès de gros national (voir, à cet égard, considérants 88 à 95, 109 et 110 de la décision attaquée).

143    Eu égard aux développements qui précèdent, il y a lieu de conclure que c’est à bon droit que la Commission a considéré, aux considérants 183 à 195 de la décision attaquée, que les produits de gros national et régional n’appartenaient pas au même marché.

144    Par conséquent, il y a lieu de rejeter le deuxième moyen.

d)     Sur le troisième moyen, tiré d’erreurs de fait et de droit dans l’établissement de la prétendue position dominante de Telefónica sur les marchés en cause

145    Dans le cadre de leur troisième moyen, les requérantes font valoir que la Commission a commis des erreurs de fait et de droit dans l’établissement de la prétendue position dominante de Telefónica sur les marchés en cause.

146    À titre liminaire, il y a lieu de rejeter les arguments des requérantes selon lesquels, pour constater un abus de position dominante de Telefónica sous la forme d’un ciseau tarifaire, la Commission aurait dû établir que Telefónica disposait d’une position dominante à la fois sur le marché de gros et sur le marché de détail. En effet, ainsi qu’il résulte de la jurisprudence de la Cour, le caractère abusif d’une pratique tarifaire mise en place par une entreprise verticalement intégrée en position dominante sur un marché de gros pertinent et aboutissant à la compression des marges des concurrents de cette entreprise sur le marché de détail ne dépend pas de l’existence d’une position dominante de cette entreprise sur ce dernier marché (arrêt de la Cour du 17 février 2011, TeliaSonera, C‑52/09, Rec. p. I‑527, point 89). Il n’y a donc lieu d’examiner les arguments des requérantes relatifs à l’établissement de la position dominante de Telefónica qu’en ce qui concerne les marchés de gros en cause.

147    Selon une jurisprudence constante, une position dominante peut être définie comme une position de puissance économique détenue par une entreprise qui lui donne le pouvoir de faire obstacle au maintien d’une concurrence effective sur le marché de référence en lui fournissant la possibilité de comportements indépendants dans une mesure appréciable vis-à-vis de ses concurrents, de ses clients et, finalement, des consommateurs (arrêts de la Cour United Brands et United Brands Continentaal/Commission, point 72 supra, point 65, et du 15 décembre 1994, DLG, C‑250/92, Rec. p. I‑5641, point 47 ; arrêts du Tribunal du 22 novembre 2001, AAMS/Commission, T‑139/98, Rec. p. II‑3413, point 51 ; du 23 octobre 2003, Van den Bergh Foods/Commission, T‑65/98, Rec. p. II‑4653, point 154, et France Télécom/Commission, point 60 supra, point 99).

148    En règle générale, l’existence d’une position dominante peut résulter de plusieurs facteurs qui, pris isolément, ne seraient pas nécessairement déterminants (arrêts United Brands et United Brands Continentaal/Commission, point 72 supra, point 66, et DLG, point 147 supra, point 47). Parmi ces facteurs, l’existence de parts de marché d’une grande ampleur est hautement significative (arrêts du Tribunal du 12 décembre 1991, Hilti/Commission, T‑30/89, Rec. p. II‑1439, point 90, et du 25 juin 2010, Imperial Chemical Industries/Commission, T‑66/01, Rec. p. II‑2631, points 255 et 256).

149    Ainsi, il est de jurisprudence constante que des parts de marché extrêmement importantes constituent par elles-mêmes, et sauf circonstances exceptionnelles, la preuve de l’existence d’une position dominante. La possession d’une part de marché extrêmement importante met l’entreprise qui la détient pendant une période d’une certaine durée, par le volume de production et d’offre qu’elle représente — sans que les détenteurs de parts sensiblement plus réduites soient en mesure de satisfaire rapidement la demande qui désirerait se détourner de l’entreprise détenant la part la plus considérable —, dans une situation de force qui fait d’elle un partenaire obligatoire et qui, déjà de ce fait, lui assure, tout au moins pendant des périodes relativement longues, l’indépendance de comportement caractéristique de la position dominante (arrêts Hoffmann-La Roche/Commission, point 76 supra, point 41 ; Van den Bergh Foods/Commission, point 147 supra, point 154, et Imperial Chemical Industries/Commission, point 148 supra, point 256 ; voir, également, arrêt France Télécom/Commission, point 60 supra, point 100).

150    Selon la jurisprudence, une part de marché de 50 % constitue, par elle-même, et sauf circonstances exceptionnelles, une position dominante (arrêt de la Cour du 3 juillet 1991, AKZO/Commission, C‑62/86, Rec. p. I‑3359, point 60, et arrêt Imperial Chemical Industries/Commission, point 148 supra, point 256). De même, une part de marché de 70 à 80 % constitue, en elle-même, un indice clair de l’existence d’une position dominante (arrêts du Tribunal Hilti/Commission, point 148 supra, point 92 ; du 30 septembre 2003, Atlantic Container Line e.a./Commission, T‑191/98, T‑212/98 à T‑214/98, Rec. p. II‑3275, point 907, et Imperial Chemical Industries/Commission, point 148 supra, point 257).

151    En l’espèce, les requérantes soutiennent que Telefónica ne dispose pas d’une position dominante sur le « marché de gros » du haut débit.

152    S’agissant des marchés de gros de l’accès à Internet à haut débit, il y a lieu de rappeler que, ainsi qu’il ressort des considérants 162 à 208 de la décision attaquée et des points 110 à 143 ci-dessus, le produit de gros régional et le produit de gros national n’appartiennent pas au même marché de produits, en sorte qu’il y a lieu d’évaluer séparément l’existence éventuelle d’une position dominante de Telefónica sur chacun de ces marchés.

153    En premier lieu, la Commission a considéré, au considérant 232 de la décision attaquée, que Telefónica était en position dominante sur le marché de gros régional. Pour parvenir à cette conclusion, elle s’est fondée sur la part de marché de 100 % de Telefónica et sur sa position de monopole de fait sur ce marché (considérant 223 de la décision attaquée). La Commission s’est également référée aux barrières à l’entrée considérables sur ce marché, en particulier au fait que les opérateurs alternatifs devaient construire un réseau d’accès local alternatif nouveau ou dégrouper les boucles locales de Telefónica.

154    Ainsi, aux considérants 224 à 226 de la décision attaquée, la Commission a souligné les coûts irrécupérables significatifs pour les nouveaux opérateurs cherchant à fournir des services à haut débit de gros d’accès régional via la boucle locale de Telefónica ainsi que les économies d’échelle et de gamme considérables dont bénéficiait Telefónica. Par ailleurs, au considérant 227 de la décision attaquée, la Commission a exposé qu’il existait des obstacles et des retards considérables dans l’accès au dégroupage de la boucle locale pendant la période infractionnelle, en sorte que même un opérateur qui aurait déployé son propre réseau n’aurait pas été en mesure de concurrencer Telefónica. Au considérant 228 de la décision attaquée, la Commission a relevé que la nécessité de disposer d’un nombre suffisant de clients pour les services à haut débit représentait une barrière à l’entrée sur le marché supplémentaire pour les opérateurs qui investissaient dans le dégroupage de la boucle locale, en sorte qu’ils avaient probablement des coûts unitaires plus élevés que Telefónica lors du déploiement de leurs réseaux locaux. La Commission a conclu que les opérateurs alternatifs investissant actuellement dans le dégroupage de la boucle locale n’auront aucun impact significatif sur la concurrence sur le marché de gros d’accès régional même à moyen terme et que cet impact ne sera jamais national (considérants 229 et 230 de la décision attaquée).

155    Premièrement, il y a lieu de relever que les requérantes ne contestent pas que Telefónica ait été le seul opérateur à fournir le produit de gros régional en Espagne depuis 1999 (considérant 223 de la décision attaquée), disposant ainsi sur ce marché d’un monopole de fait.

156    Deuxièmement, les requérantes soutiennent que, malgré sa part de marché, Telefónica a été soumise à une pression concurrentielle constante de la part de ses concurrents, lesquels ont augmenté de manière constante et progressive leur présence sur le « marché de gros ». À cet égard, ainsi qu’il a été rappelé au point 152 ci-dessus, c’est à bon droit que la Commission a considéré que les produits de gros national et régional n’appartenaient pas au même marché. Partant, les exemples cités par les requérantes dans leur réplique, relatifs à Arsys, qui aurait lancé un produit de détail à haut débit en utilisant exclusivement l’offre de gros de Uni2, à Tele2, à Tiscali et à Auna, qui auraient utilisé les services de gros d’Albura, ne sauraient être retenus, ceux-ci étant relatifs à l’offre de gros nationale.

157    Troisièmement, l’argument des requérantes selon lequel le « marché de gros » serait un « marché contestable », sur lequel les clients et les concurrents de Telefónica pouvaient reproduire son réseau, en sorte qu’ils se trouvaient en mesure d’exercer une pression concurrentielle effective indépendamment de leurs parts de marché, ne saurait non plus être accepté, eu égard aux investissements nécessaires pour construire un réseau d’accès local alternatif nouveau ou dégrouper les boucles locales de Telefónica, ce qui est indispensable pour qu’un opérateur alternatif puisse offrir un produit de gros d’accès régional concurrent du produit de gros régional de Telefónica (voir notamment point 129 ci-dessus).

158    Il s’ensuit que les requérantes n’ont avancé aucun élément de nature à remettre en cause la conclusion de la Commission selon laquelle Telefónica était en position dominante sur le marché de gros régional pendant la période infractionnelle.

159    En second lieu, la Commission a estimé que Telefónica disposait d’une position dominante sur le marché de l’accès de gros national. Ainsi, elle affirme, au considérant 234 de la décision attaquée que, jusqu’au dernier trimestre de 2002, il n’existait aucune alternative réelle au produit de gros national de Telefónica. Par ailleurs, depuis 2002 et pendant toute la période infractionnelle, la part de marché de Telefónica serait restée constamment au-dessus de 84 % (considérant 235 de la décision attaquée). Aux considérants 236 à 241 de la décision attaquée, la Commission s’est également référée, primo, à l’important écart entre la part de marché détenue par Telefónica et celle de ses concurrents principaux, la part de marché de Telefónica ayant été plus de onze fois supérieure à celle de son concurrent principal (considérant 236 de la décision attaquée), secundo, aux économies d’échelle et de gamme ainsi qu’à l’intégration verticale dont bénéficiait Telefónica, qui lui permettaient de récupérer ses coûts grâce aux volumes importants de trafic générés par le biais de sa large base d’abonnés (considérant 237 de la décision attaquée), tertio, à son contrôle de la boucle locale, qui lui permettait d’influencer de manière significative la disponibilité des produits de gros concurrents (considérant 240 de la décision attaquée) et, quarto, à son réseau hérité d’un ancien monopole, qui n’était pas facilement reproductible (considérant 241 de la décision attaquée).

160    Aux fins de démontrer l’absence de position dominante de Telefónica sur le marché de gros national, les requérantes font valoir plusieurs arguments. Premièrement, elles soutiennent que le réseau de Telefónica serait susceptible d’être reproduit.

161    Ainsi, elles affirment que le réseau de Telefónica a été reproduit intégralement par plusieurs opérateurs alternatifs. Toutefois, ainsi que la Commission l’a constaté à juste titre au considérant 239 de la décision attaquée, ces exemples ne démontrent pas l’absence de position dominante de Telefónica sur le marché de gros national.

162    Certes, l’éventuelle existence d’une concurrence sur le marché est une circonstance pertinente aux fins d’apprécier l’existence d’une position dominante. Toutefois, l’existence d’une concurrence, même vive, sur un marché donné n’exclut pas celle d’une position dominante sur ce même marché, ladite position étant essentiellement caractérisée par la capacité de se comporter sans avoir à tenir compte, dans sa stratégie de marché, de cette concurrence et sans, pour autant, subir des effets préjudiciables du fait de cette attitude (voir arrêt du Tribunal du 14 décembre 2005, General Electric/Commission, T‑210/01, Rec. p. II‑5575, point 117, et la jurisprudence citée ; arrêt France Télécom/Commission, point 60 supra, point 101).

163    Or, en l’espèce, les exemples avancés par les requérantes ne remettent pas en cause les éléments évoqués par la Commission aux considérants 235 à 241 de la décision attaquée, tenant notamment au fait que Telefónica a maintenu une part de marché supérieure à 84 % pendant toute la période infractionnelle, au fait que, depuis 2001, cette part de marché est demeurée onze fois supérieure à celle de son principal concurrent ou encore au fait que des obstacles empêchaient les concurrents de Telefónica de proposer de manière rentable un produit de gros national en concurrence avec le sien.

164    Deuxièmement, les requérantes affirment que la Commission adopterait une « position essentiellement dogmatique ». Celle-ci serait incohérente avec la position adoptée par la Commission dans ses communications à d’autres autorités de régulation européennes. En effet, dans ces communications, la Commission aurait considéré qu’une concurrence exercée au niveau du marché de détail par des entreprises intégrées verticalement peut exercer une pression concurrentielle indirecte sur le marché de gros. Partant, la Commission aurait dû analyser la question de savoir si les opérateurs du câble et de la boucle locale auraient exercé une pression concurrentielle indirecte sur le comportement de Telefónica sur le marché de gros d’accès indirect.

165    À cet égard, il suffit de relever qu’un tel argument est sans fondement, dès lors que, d’une part, la Commission a effectivement analysé la pression concurrentielle des câblo-opérateurs et a indiqué, aux considérants 268 à 276 de la décision attaquée, que les câblo-opérateurs n’avaient pas exercé de discipline tarifaire sur Telefónica sur le marché de détail et, d’autre part, ainsi qu’il ressort des considérants 264 à 266 de la décision attaquée, que le dégroupage de la boucle locale n’a connu un réel essor qu’à partir de septembre 2004 et qu’il a été limité sur le plan géographique.

166    Troisièmement, le fait que Telefónica ait été obligée, depuis l’année 2000, de fournir l’accès à la boucle locale à des prix fondés sur les coûts ne suffit pas à démontrer l’absence de position dominante de celle-ci. En effet, si la capacité d’imposer des augmentations de prix régulières constitue incontestablement un élément susceptible d’indiquer l’existence d’une position dominante, elle n’en constitue nullement un élément indispensable, l’indépendance dont jouit une entreprise dominante en matière de prix tenant davantage à la capacité de fixer ces derniers sans devoir tenir compte de la réaction des concurrents, clients et fournisseurs que dans la capacité de les augmenter (voir arrêt Atlantic Container Line e.a./Commission, point 150 supra, point 1084, et la jurisprudence citée). Or, étant donné que l’ensemble des produits concurrents d’accès de gros sont basés sur les boucles locales de Telefónica ou sur son produit de gros régional, la disponibilité de produits concurrents dépend non seulement de la disponibilité réelle de boucles locales dégroupées et/ou du produit de gros régional, mais aussi des conditions économiques dans lesquelles ceux-ci sont fournis (considérant 240 de la décision attaquée).

167    Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de conclure que c’est à bon droit que la Commission a considéré que Telefónica était en position dominante sur le marché de gros national.

168    Partant, et dès lors que, ainsi qu’il a été relevé au point 146 ci-dessus, la Commission n’avait pas l’obligation, aux fins d’établir l’existence d’un ciseau tarifaire, de démontrer que Telefónica détenait une position dominante sur le marché de détail, le présent moyen doit être rejeté dans son ensemble.

e)     Sur le quatrième moyen, tiré d’erreurs de droit dans l’application de l’article 82 CE en ce qui concerne le comportement prétendument abusif de Telefónica

169    Dans le cadre du présent moyen, les requérantes font valoir que la décision attaquée est viciée par deux graves erreurs dans l’application de l’article 82 CE en ce qui concerne le comportement prétendument abusif de Telefónica.

170    À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que, en interdisant l’exploitation abusive d’une position dominante sur le marché, dans la mesure où le commerce entre États membres est susceptible d’en être affecté, l’article 82 CE vise les comportements qui sont de nature à influencer la structure du marché où, à la suite précisément de la présence de l’entreprise en question, le degré de concurrence est déjà affaibli et qui ont pour effet de faire obstacle, par le recours à des moyens différents de ceux qui gouvernent une compétition normale des produits ou des services sur la base des prestations des opérateurs économiques, au maintien du degré de concurrence existant encore sur le marché ou au développement de cette concurrence (arrêts de la Cour Hoffman-La Roche/Commission, point 76 supra, point 91 ; Nederlandsche Banden-Industrie-Michelin/Commission, point 111 supra, point 70 ; du 2 avril 2009, France Télécom/Commission, C‑202/07 P, Rec. p. I‑2369, point 104, et du 14 octobre 2010, Deutsche Telekom/Commission, C‑280/08 P, Rec. p. I‑9555, point 174).

171    Dès lors, l’article 82 CE visant non seulement les pratiques susceptibles de causer un préjudice immédiat aux consommateurs, mais également celles qui leur causent préjudice en portant atteinte à une structure de concurrence effective, il incombe à l’entreprise qui détient une position dominante une responsabilité particulière de ne pas porter atteinte par son comportement à une concurrence effective et non faussée dans le marché commun (voir arrêts du 2 avril 2009, France Télécom/Commission, point 170 supra, point 105, et TeliaSonera, point 146 supra, point 24, et la jurisprudence citée).

172    Ainsi que la Cour l’a déjà précisé, il s’ensuit que l’article 82 CE interdit à une entreprise en position dominante d’éliminer un concurrent et de renforcer ainsi sa position en recourant à des moyens autres que ceux qui relèvent d’une concurrence par les mérites. Dans cette perspective, toute concurrence par les prix ne peut être considérée comme légitime (voir arrêt du 2 avril 2009, France Télécom/Commission, point 170 supra, point 106, et la jurisprudence citée).

173    En ce qui concerne le caractère abusif d’une pratique tarifaire telle que celle en cause en l’espèce, il y a lieu de relever que l’article 82, second alinéa, sous a), CE interdit explicitement le fait pour une entreprise dominante d’imposer de façon directe ou indirecte des prix non équitables (arrêt TeliaSonera, point 146 supra, point 25).

174    Par ailleurs, la liste des pratiques abusives figurant à l’article 82 CE n’est pas limitative, de sorte que l’énumération des pratiques abusives contenue dans cette disposition n’épuise pas les modes d’exploitation abusive de position dominante interdits par le droit de l’Union (voir arrêt TeliaSonera, point 146 supra, point 26, et la jurisprudence citée).

175    Afin de déterminer si l’entreprise occupant une position dominante a exploité de manière abusive cette position par l’application de ses pratiques tarifaires, il y a lieu d’apprécier l’ensemble des circonstances et d’examiner si cette pratique tend à enlever à l’acheteur, ou à restreindre pour celui-ci, les possibilités de choix en ce qui concerne ses sources d’approvisionnement, à barrer l’accès du marché aux concurrents, à appliquer à des partenaires commerciaux des conditions inégales à des prestations équivalentes ou à renforcer la position dominante par une concurrence faussée (voir arrêt TeliaSonera, point 146 supra, point 28, et la jurisprudence citée).

176    En premier lieu, les requérantes soutiennent qu’il ressort clairement de la décision attaquée que la Commission analyse le prétendu ciseau tarifaire comme un abus dont les effets d’exclusion sont analogues à ceux du refus de facto de conclure un contrat. Or, la Commission n’aurait pas appliqué le critère juridique correspondant à ce type de comportements, établi par la Cour dans son arrêt du 26 novembre 1998, Bronner (C‑7/97, Rec. p. I‑7791). En particulier, la Commission n’aurait pas démontré que les produits de gros en cause constituaient des intrants ou des infrastructures essentiels, ni que le refus de fourniture serait de nature à éliminer toute concurrence sur le marché de détail.

177    Un tel argument ne saurait être accueilli.

178    Il convient en effet de relever que, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, la Commission, dans la décision attaquée, n’a pas analysé le ciseau tarifaire comme un refus de facto de contracter. En effet, la Commission y a rappelé le concept d’abus au sens de l’article 82 CE et les obligations qui en découlent (considérants 279 et 280 de la décision attaquée). Elle y a également défini la pratique de ciseau tarifaire, se fondant notamment sur la jurisprudence du juge de l’Union et sur sa pratique décisionnelle (considérants 281 à 284 de la décision attaquée). Elle a, à cet égard, souligné, au considérant 285 de la décision attaquée, que, de septembre 2001 à décembre 2006, Telefónica avait abusé de sa position dominante sur les marchés espagnols de l’accès à la large bande par un ciseau tarifaire dû à la disproportion entre les redevances de détail et de gros pour l’accès à la large bande, avec pour conséquence une restriction probable de la concurrence sur le marché de détail. La Commission a également, aux considérants 299 à 309 de la décision attaquée, considéré que les critères dégagés dans l’arrêt Bronner, point 176 supra, n’étaient pas applicables au cas d’espèce.

179    En particulier, il doit être relevé que, dans la décision attaquée, la Commission n’a pas imposé à Telefónica de donner l’accès aux produits de gros à ses concurrents, cette obligation résultant du cadre réglementaire espagnol. Ainsi, Telefónica avait l’obligation de fournir le produit de gros régional depuis mars 1999 et le produit de gros national (ADSL-IP) depuis avril 2002, cette obligation résultant de la volonté des autorités publiques d’inciter Telefónica et ses concurrents à investir et à innover (considérants 88, 111, 287 et 303 de la décision attaquée).

180    En outre, la Cour a rappelé, dans son arrêt TeliaSonera, point 146 supra, qu’il ne saurait être déduit de son arrêt Bronner, point 176 supra, que les conditions nécessaires afin d’établir l’existence d’un refus abusif de fourniture doivent nécessairement s’appliquer également dans le cadre de l’appréciation du caractère abusif d’un comportement consistant à soumettre la fourniture de services ou la vente de produits à des conditions désavantageuses ou auxquelles l’acheteur pourrait ne pas être intéressé. En effet, de tels comportements pourraient, en soi, être constitutifs d’une forme autonome d’abus différent du refus de fourniture (arrêt TeliaSonera, point 146 supra, points 55 et 56).

181    L’interprétation contraire de l’arrêt Bronner, point 176 supra, reviendrait à exiger, afin que tout comportement d’une entreprise dominante concernant les conditions commerciales de celle-ci puisse être considéré comme étant abusif, que soient toujours remplies les conditions requises pour établir l’existence d’un refus de contracter, ce qui réduirait indûment l’effet utile de l’article 82 CE (voir, en ce sens, arrêt TeliaSonera, point 146 supra, point 58).

182    À cet égard, si, certes, dans son arrêt TeliaSonera, point 146 supra (point 69), la Cour a relevé que le caractère indispensable du produit de gros peut être pertinent dans le cadre de l’appréciation des effets de la compression des marges, force est de constater que les requérantes n’ont invoqué le caractère indispensable des produits de gros qu’à l’appui de leur allégation selon laquelle la Commission n’aurait pas appliqué le critère juridique adéquat au prétendu refus de facto de contracter sanctionné dans la décision attaquée. Leur argument doit donc être écarté.

183    En second lieu, les requérantes font valoir que, même à supposer que l’article 82 CE soit applicable, la Commission n’aurait pas appliqué le critère juridique correspondant à la notion de ciseau tarifaire.

184    Premièrement, les requérantes font valoir que la Commission a commis une erreur de droit en appliquant son test de ciseau tarifaire à un intrant non essentiel. Toutefois, un tel argument doit être rejeté, pour les motifs exposés aux points 180 à 182 ci-dessus. 

185    Deuxièmement, les requérantes affirment que la Commission, pour établir l’existence d’un ciseau tarifaire abusif, aurait dû prouver que Telefónica était également en position dominante sur le marché de détail. Un tel argument a néanmoins été écarté au point 146 ci-dessus.

186    Troisièmement, les requérantes affirment que, conformément à l’arrêt du Tribunal du 30 novembre 2000, Industrie des poudres sphériques/Commission (T‑5/97, Rec. p. II‑3755, point 179), il ne saurait y avoir de pratique de ciseau tarifaire que si le prix de gros facturé aux concurrents pour le produit en amont est excessif ou si le prix de détail pour le produit dérivé a un caractère prédateur.

187    À cet égard, il y a lieu de rappeler que c’est la compression des marges qui est, en l’absence de toute justification objective, susceptible, en elle-même, de constituer un abus au sens de l’article 82 CE. Or, la compression des marges résulte de l’écart entre les prix pour les prestations de gros et ceux pour les prestations de détail et non du niveau de ces prix en tant que tels. En particulier, cette compression peut résulter non seulement d’un prix anormalement bas sur le marché de détail, mais également d’un prix anormalement élevé sur le marché de gros (voir, en ce sens, arrêt TeliaSonera, point 146 supra, points 97 et 98). Dès lors, la Commission n’était pas tenue de démontrer dans la décision attaquée que Telefónica pratiquait des prix excessifs pour ses produits de gros d’accès indirect ou des prix prédateurs pour ses produits de détail (voir, en ce sens, arrêt du 14 octobre 2010, Deutsche Telekom/Commission, point 170 supra, point 169, et arrêt du 10 avril 2008, Deutsche Telekom/Commission, point 69 supra, point 167).

188    Quatrièmement, il y a lieu de rejeter l’argument des requérantes selon lequel la Commission aurait dû compléter son analyse du caractère abusif du comportement de Telefónica fondée sur le critère du « concurrent aussi efficace » par une étude des marges des principaux opérateurs alternatifs sur le marché espagnol.

189    En effet, il y a lieu de rappeler que la Cour a déjà précisé que l’article 82 CE interdit, notamment, à une entreprise en position dominante de se livrer à des pratiques tarifaires produisant des effets d’éviction pour ses concurrents aussi efficaces, actuels ou potentiels. Exploite, ainsi, de façon abusive sa position dominante une entreprise qui met en œuvre une politique de prix visant à écarter du marché des concurrents qui sont peut-être aussi efficaces que cette même entreprise, mais qui, en raison de leur capacité financière moindre, sont incapables de résister à la concurrence qui leur est faite (voir, en ce sens, arrêt TeliaSonera, point 146 supra, points 39 et 40, et la jurisprudence citée).

190    Or, afin d’apprécier la licéité de la politique de prix appliquée par une entreprise dominante, il convient, en principe, de se référer à des critères de prix fondés sur les coûts encourus par l’entreprise dominante elle-même et sur la stratégie de celle-ci (voir arrêts du 14 octobre 2010, Deutsche Telekom/Commission, point 170 supra, point 198, et TeliaSonera, point 146 supra, point 41, et la jurisprudence citée ; voir, également, arrêt du 10 avril 2008, Deutsche Telekom/Commission, point 69 supra, points 188 à 191).

191    En particulier, s’agissant d’une pratique tarifaire aboutissant à la compression des marges, l’utilisation de tels critères d’analyse permet de vérifier si cette entreprise aurait été suffisamment efficace pour proposer ses prestations de détail aux clients finals autrement qu’à perte, si elle avait été préalablement obligée d’acquitter ses propres prix de gros pour les prestations intermédiaires (arrêts du 14 octobre 2010, Deutsche Telekom/Commission, point 170 supra, point 201, et TeliaSonera, point 146 supra, point 42).

192    Une telle approche est d’autant plus justifiée, d’une part, qu’elle est également conforme au principe général de sécurité juridique dès lors que la prise en compte des coûts de l’entreprise dominante permet à celle-ci, eu égard à la responsabilité particulière qui lui incombe au titre de l’article 82 CE, d’apprécier la légalité de ses propres comportements. En effet, si une entreprise dominante connaît ses propres coûts et tarifs, elle ne connaît pas en principe ceux de ses concurrents (arrêts du 14 octobre 2010, Deutsche Telekom/Commission, point 170 supra, point 202, et TeliaSonera, point 146 supra, point 44). D’autre part, un abus d’exclusion affecte également les concurrents potentiels de l’entreprise dominante, que la perspective d’un manque de rentabilité pourrait dissuader de faire leur entrée sur le marché.

193    Certes, il résulte également de la jurisprudence qu’il ne peut être exclu que les coûts et les prix des concurrents puissent être pertinents dans l’examen de la pratique tarifaire en cause. Toutefois, ce n’est que lorsqu’il n’est pas possible, compte tenu des circonstances indiquées par la Cour, de faire référence aux prix et coûts de l’entreprise dominante qu’il convient d’examiner ceux des concurrents sur le même marché (arrêt TeliaSonera, point 146 supra, points 45 et 46), ce qui n’a pas été soutenu par les requérantes.

194    C’est donc à bon droit que la Commission a considéré que le test adéquat pour établir le ciseau tarifaire consistait à établir si un concurrent ayant la même structure de coûts que celle de l’activité en aval de l’entreprise verticalement intégrée serait en mesure d’offrir des services en aval sans enregistrer des pertes si ladite entreprise verticalement intégrée devait payer le prix d’accès en amont facturé à ses concurrents, en se référant aux coûts encourus par Telefónica (considérants 311 à 315 de la décision attaquée), sans effectuer une étude des marges des principaux opérateurs alternatifs sur le marché espagnol.

195    Cinquièmement, les requérantes soulignent que, même à supposer que le critère du « concurrent hypothétique aussi efficace » soit adéquat pour démontrer l’existence d’une infraction en l’espèce, l’analyse de la Commission serait viciée par une erreur dans le choix des intrants de gros. Selon elles, un concurrent aussi efficace utiliserait, pour développer ses activités de détail, uniquement la boucle locale ou une combinaison optimale de produits de gros. Toutefois, il a été relevé aux points 130 et 131 ci-dessus que l’utilisation par les opérateurs alternatifs, pendant la période infractionnelle, dans chaque centrale, d’une combinaison optimale de produits de gros, qui inclurait le dégroupage de la boucle locale, n’est pas avérée.

196    Sixièmement, les requérantes soutiennent que la théorie de l’échelle des investissements n’exige pas que tous les échelons soient accessibles. Un tel argument doit toutefois être rejeté. En effet, ainsi que le relève à juste titre la Commission, le processus qui permet aux opérateurs alternatifs d’investir graduellement dans leur propre infrastructure ne saurait constituer une stratégie viable que s’il n’existe aucune pratique de ciseau tarifaire aux différents niveaux de l’échelle. Or, le ciseau tarifaire imposé par Telefónica a probablement retardé l’entrée et la croissance de ses concurrents et leur capacité à atteindre un niveau suffisant d’économies d’échelle afin de justifier des investissements dans une infrastructure propre et l’utilisation du dégroupage de la boucle locale (considérant 554 de la décision attaquée).

197    Eu égard aux développements qui précèdent, il y a lieu de rejeter le présent moyen.

f)     Sur le cinquième moyen, tiré d’erreurs de fait et/ou d’erreurs d’appréciation des faits et d’erreurs de droit en ce qui concerne le comportement prétendument abusif de Telefónica et son impact prétendument anticoncurrentiel

198    Ce moyen, formulé à titre subsidiaire, comporte deux branches. La première est tirée d’erreurs de fait et/ou d’erreurs d’appréciation des faits dans l’application du test de ciseau tarifaire. La seconde est prise de ce que la Commission n’aurait pas établi à suffisance de droit les effets probables ou concrets du comportement examiné.

 Sur la première branche du cinquième moyen, tirée d’erreurs de fait et/ou d’erreurs d’appréciation des faits dans l’application du test de ciseau tarifaire

199    Dans le cadre de la présente branche, les requérantes formulent trois griefs. Le premier grief est pris d’une erreur dans le choix des intrants de gros. Le deuxième grief est tiré d’erreurs et d’omissions commises dans l’analyse des FTA. Enfin, le troisième grief est tiré d’erreurs et d’omissions commises dans l’analyse « période par période ».

–       Sur le premier grief de la première branche du cinquième moyen, pris d’une erreur dans le choix des intrants de gros

200    Par ce grief, étayé par référence aux développements relatifs aux deuxième et quatrième moyens, les requérantes font valoir que la Commission ne devait pas examiner l’existence d’un ciseau tarifaire pour chaque produit de gros pris séparément, eu égard au fait que les opérateurs alternatifs utiliseraient une combinaison optimale de produits de gros, en ce compris le dégroupage de la boucle locale, permettant des économies de coûts. Dans leur réplique et lors de l’audience, les requérantes ont également fait valoir que c’est en vertu du principe du « concurrent aussi efficace » que la Commission aurait dû appliquer le test du ciseau tarifaire sur la base de la combinaison de produits de gros qu’utiliseraient les opérateurs alternatifs.

201    Premièrement, il convient de rappeler que l’article 82 CE interdit notamment à une entreprise en position dominante sur un marché déterminé de se livrer à des pratiques tarifaires produisant des effets d’éviction pour ses concurrents aussi efficaces, actuels ou potentiels (voir point 189 ci-dessus). À cet égard, l’examen d’une telle position requiert une appréciation des possibilités de concurrence dans le cadre du marché regroupant l’ensemble des produits qui, en fonction de leurs caractéristiques, sont particulièrement aptes à satisfaire des besoins constants et sont peu interchangeables avec d’autres produits, la détermination du marché en cause servant à évaluer si l’entreprise concernée a la possibilité de faire obstacle à une concurrence effective sur ledit marché (voir point 111 ci-dessus). Or, il a été constaté, d’une part, dans le cadre du deuxième moyen (voir points 110 à 144 ci-dessus), que c’est à bon droit que la Commission a considéré que le dégroupage de la boucle locale, le produit de gros national et le produit de gros régional n’appartenaient pas au même marché et, d’autre part, dans le cadre du quatrième moyen (voir points 169 à 197 ci-dessus), qu’une compression des marges sur un marché pertinent était susceptible, en elle-même, de constituer un abus au sens de l’article 82 CE.

202    La détermination du marché en cause servant à évaluer si l’entreprise concernée a la possibilité de faire obstacle à une concurrence effective sur ledit marché, les requérantes ne sauraient prétendre, en se fondant sur les développements présentés dans le cadre de leur deuxième moyen, que l’utilisation d’une combinaison optimale de produits de gros permettrait aux concurrents de Telefónica d’améliorer leur rentabilité. En effet, ces produits de gros ne font pas partie du même marché de produits (voir points 114 à 134 ci-dessus).

203    Deuxièmement, il y a lieu de relever que l’argument des requérantes reviendrait à considérer qu’un opérateur alternatif pourrait compenser des pertes subies en raison du ciseau tarifaire au niveau d’un produit de gros par des revenus provenant de l’utilisation, dans certaines zones géographiques plus rentables, d’autres produits de Telefónica qui ne feraient pas l’objet d’un ciseau tarifaire et qui appartiendraient à un autre marché, à savoir le dégroupage de la boucle locale, dont l’utilisation nécessitait d’ailleurs de lourds investissements et qui n’était, du reste, pas immédiatement disponible (voir point 125 ci-dessus et considérants 227, 231, 266 et 562 de la décision attaquée), ce qui ne saurait être admis.

204    Selon la jurisprudence, un système de concurrence non faussée tel que celui prévu par le traité ne peut être garanti que si l’égalité des chances entre les différents opérateurs économiques est assurée. Or, l’égalité des chances implique que Telefónica et ses concurrents au moins aussi efficaces soient placés sur un pied d’égalité sur le marché de détail. Tel ne serait pas le cas, d’une part, si les prix des produits de gros national et régional payés par les opérateurs alternatifs à Telefónica ne pouvaient être répercutés sur leurs prix des produits de détail et, d’autre part, si les opérateurs alternatifs, eu égard aux prix des produits de gros national et régional de Telefónica, ne pourraient offrir ces derniers qu’en subissant des pertes, qu’ils devraient chercher à compenser par des revenus provenant d’autres marchés (voir, en ce sens, arrêt du 14 octobre 2010, Deutsche Telekom/Commission, point 170 supra, point 230, et arrêt du 10 avril 2008, Deutsche Telekom/Commission, point 69 supra, points 198 et 199, et la jurisprudence citée).

205    En outre, ainsi que l’a souligné la Commission, l’argument des requérantes tiré de l’utilisation par les opérateurs alternatifs, pendant la période infractionnelle, dans chaque centrale, d’une combinaison optimale de produits de gros, qui inclurait le dégroupage de la boucle locale, va à l’encontre de la position exprimée par Telefónica elle-même dans sa réponse du 22 septembre 2003 à la plainte de France Telecom, dans laquelle Telefónica avait soutenu que l’analyse de l’existence éventuelle du ciseau tarifaire devait se faire sur la seule base du produit de gros régional.

206    Troisièmement, ainsi qu’il a été souligné au point 131 ci-dessus, une telle combinaison optimale ne saurait être utilisée que par des concurrents de Telefónica disposant d’un réseau leur permettant le dégroupage de la boucle locale, à l’exclusion des concurrents potentiels de Telefónica.

207    Quatrièmement, si les requérantes soutiennent qu’un concurrent aussi efficace qui utiliserait uniquement la boucle locale obtiendrait des bénéfices et que, par voie de conséquence, un concurrent aussi efficace qui utiliserait une combinaison optimale d’intrants obtiendrait également des résultats positifs, cet argument doit être rejeté. En effet, ainsi qu’il a été relevé au point 125 ci-dessus, l’utilisation effective de la boucle locale n’a commencé, dans une mesure limitée, qu’à la fin de l’année 2004 et au début de l’année 2005. En outre, eu égard aux investissements nécessaires, ce n’est qu’en 2004 que les opérateurs alternatifs ont commencé à migrer leurs connexions d’accès de gros indirect vers l’accès dégroupé à la boucle locale.

208    Cinquièmement, l’argumentation des requérantes selon laquelle une éventuelle combinaison optimale de produits de gros empêcherait l’établissement d’un ciseau tarifaire est en contradiction avec les obligations réglementaires imposées par la CMT à Telefónica, visant notamment à veiller à ce que toutes ses offres de détail soient reproductibles sur la base de son produit de gros régional (considérant 114 de la décision attaquée).

209    Sixièmement, il y a lieu de rejeter l’argument des requérantes visant à contester la définition des caractéristiques du réseau du concurrent aussi efficace, selon lequel il importerait uniquement de savoir si, avec les économies d’échelle et les coûts de réseau de Telefónica, un opérateur alternatif pourrait ou non être rentable. En effet, ainsi que la Commission l’a relevé au considérant 315 de la décision attaquée, l’application de la méthode du concurrent aussi efficace n’implique pas que les concurrents de Telefónica puissent reproduire les actifs en amont de cette dernière. En effet, le test du ciseau tarifaire s’applique dans la perspective d’un opérateur en aval aussi efficace, à savoir un opérateur utilisant le produit de gros de l’entreprise dominante, en concurrence avec cette dernière sur le marché en aval et dont les coûts sur ce dernier marché sont identiques à ceux de l’entreprise dominante.

210    En tout état de cause, l’utilisation par les opérateurs alternatifs, pendant la période infractionnelle, dans chaque centrale, d’une combinaison optimale de produits de gros, qui inclurait le dégroupage de la boucle locale, n’est pas avérée. Ainsi, alors que TESAU est soumise à une obligation réglementaire de location de la paire de cuivre aux opérateurs alternatifs depuis décembre 2000 (considérant 81 de la décision attaquée), il ressort des considérants 102 et 103 de la décision attaquée, dont les données n’ont pas été contestées par les requérantes, que, jusqu’en 2002, France Telecom a presque exclusivement acheté le produit de gros national de Telefónica, celui-ci ayant été remplacé, à la fin de l’année 2002, par une offre de gros nationale alternative basée sur le produit de gros régional de Telefónica. Ce n’est qu’à compter de février 2005 que le nombre de boucles locales dégroupées de France Telecom s’est significativement accru tandis qu’il y avait une diminution du nombre de lignes nationales alternatives de gros basées sur le produit de gros régional de Telefónica. En outre, jusqu’au dernier trimestre de 2004, Ya.com a exclusivement acheté le produit de gros national de Telefónica et n’a commencé à utiliser progressivement le dégroupage de la boucle locale qu’à partir de juillet 2005, avec son acquisition d’Albura.

211    Il résulte des développements qui précèdent que la Commission n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation dans sa sélection des intrants de gros aux fins du calcul du ciseau tarifaire. Le premier grief de la première branche du cinquième moyen ne peut donc être accueilli.

–       Sur le deuxième grief de la première branche du cinquième moyen, tiré d’erreurs et d’omissions commises dans la mise en œuvre de l’analyse des FTA

212    Dans le cadre du présent grief, les requérantes formulent plusieurs critiques à l’égard de l’application par la Commission, en l’espèce, de l’analyse des FTA (considérants 350 à 385 de la décision attaquée).

213    Il convient de relever, ainsi que la Commission l’a indiqué au considérant 315 de la décision attaquée, que le test de ciseau tarifaire vise, en l’espèce, à établir si un concurrent ayant la même structure de coûts que celle de l’activité en aval de l’entreprise verticalement intégrée peut être rentable sur le marché en aval étant donné les prix de gros et de détail de cette entreprise. Dans la décision attaquée, la Commission a rappelé que, selon la jurisprudence de la Cour et selon sa propre pratique décisionnelle en matière de prix abusifs, la rentabilité d’une entreprise en position dominante a toujours été évaluée sur la base de l’analyse « période par période », la méthode des FTA pour calculer un ciseau tarifaire présentant certains défauts (considérants 331 et 332 de la décision attaquée). Dans le cadre du calcul du ciseau tarifaire, la Commission a néanmoins décidé de calculer la rentabilité de Telefónica par le biais des deux méthodes, à savoir la méthode « période par période » et la méthode des FTA, proposée par Telefónica, dans le but, d’une part, d’éviter de conclure à l’existence d’un ciseau tarifaire en raison de distorsions comptables résultant de l’immaturité du marché espagnol de la large bande et, d’autre part, de s’assurer que la méthode proposée par Telefónica ne remettait pas en cause la conclusion relative à l’existence d’un ciseau tarifaire résultant de l’analyse « période par période » (considérant 349 de la décision attaquée).

214    La Commission explique également que, dans une analyse des FTA, une valeur terminale est calculée afin de refléter le fait qu’il y a des actifs clés qui continueront à être utilisés même au-delà de la période de référence. Ainsi, la prise en compte dans le cadre de l’analyse d’une valeur terminale peut s’avérer nécessaire étant donné que certains coûts ne sont pas totalement couverts pendant la période de référence. Selon la Commission, tant la valeur terminale appropriée à inclure dans le calcul des FTA que la période de référence appropriée visent à déterminer une date limite après laquelle la récupération des pertes n’est plus prise en compte dans le cadre de l’analyse (considérants 360 et 361 de la décision attaquée). Dès lors que la méthode des FTA autorise des pertes initiales à court terme, mais impose leur récupération sur une période raisonnablement longue, la Commission a dû déterminer la période de récupération appropriée en l’espèce (considérant 351 de la décision attaquée).

215    À cet égard, la Commission a estimé, au considérant 354 de la décision attaquée, que l’approche la plus raisonnable consistait à limiter la période d’analyse à la durée de vie économique des actifs employés par l’entreprise concernée. Au considérant 359 de la décision attaquée, la Commission a considéré que, en l’espèce, la période appropriée pour l’analyse des FTA était celle comprise entre les mois de septembre 2001 et de décembre 2006 (cinq ans et quatre mois) et, en outre, que cette période était favorable à Telefónica parce que la marge de ses activités en aval avait augmenté au fil du temps.

216    En premier lieu, les requérantes contestent la méthode de calcul de la valeur terminale utilisée par la Commission dans le cadre de l’analyse des FTA (considérant 363 de la décision attaquée). Elles font valoir que la méthode de calcul de la valeur terminale des services de détail à haut débit de la Commission diverge des méthodes d’évaluation habituellement appliquées aux entreprises. L’approche de la Commission serait incorrecte, dans la mesure où il s’agirait, en l’espèce, d’évaluer une entreprise disposant d’actifs incorporels complexes. Ainsi, les dépenses de Telefónica dans son activité commerciale de détail à haut débit permettraient de valoriser, outre la base de clients, des actifs tels que ses marques, ses relations avec ses clients, son savoir-faire et sa capacité d’organisation. Or, de tels actifs auraient une vie économique bien plus longue que les cinq ans et quatre mois retenus par la Commission, en sorte que la période de référence aurait dû être étendue au-delà du mois de décembre 2006.

217    Premièrement, il convient de rejeter l’argument des requérantes par lequel elles soutiennent que l’allongement de la période de référence dans l’analyse des FTA n’augmenterait pas le risque d’erreurs de prévision ou de prise en compte dans le cadre de cette analyse des récompenses d’un comportement anticoncurrentiel.

218    Ainsi que la Commission l’a souligné à juste titre aux considérants 333 et 334 de la décision attaquée, dès lors que la méthode des FTA permet de compenser des pertes initiales par de profits futurs, les résultats de cette méthode risquent effectivement soit de dépendre de prévisions déraisonnables de l’entreprise dominante s’agissant de ses profits futurs escomptés, qui seraient susceptibles d’aboutir à un résultat erroné, soit d’inclure des profits à long terme qui seraient le résultat d’un renforcement du pouvoir de marché de l’entreprise dominante.

219    À cet égard, il convient également de rejeter les arguments des requérantes selon lesquels le fait de réduire la période analysée conduirait à sous-estimer la « valeur commerciale » de Telefónica et ignorerait la valeur des actifs de Telefónica au-delà de 2006.

220    Il y a en effet lieu de considérer que la Commission n’a pas ignoré la valeur des actifs de Telefónica au-delà de 2006. Elle a, en revanche, considéré, à bon droit, que, en l’espèce, à la différence d’une méthode qui aurait pour objectif d’évaluer une société en vue de son achat ou de sa vente, il n’était pas pertinent d’établir si les pertes de Telefónica sur la période 2001-2006 pouvaient être compensées par de futurs profits hypothétiques à partir de 2007. En effet, c’est sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation que la Commission a estimé que l’activité en aval de l’entreprise dominante se devait d’être rentable sur une durée correspondant à la durée de vie de ses actifs. Dans le cas contraire, la politique de prix de Telefónica serait susceptible d’avoir un effet négatif sur la concurrence (considérant 370 de la décision attaquée).

221    Deuxièmement, l’argument selon lequel la Commission ne donnerait aucune explication sur la durée de la période choisie pour l’analyse des FTA, qui serait de ce fait arbitraire, doit aussi être rejeté.

222    Tout d’abord, aux considérants 351 à 359 de la décision attaquée, la Commission a indiqué que l’approche la plus raisonnable consistait à limiter la période d’analyse à la durée de vie des actifs employés par l’entreprise concernée, l’ensemble des bénéfices économiques envisagés découlant de l’utilisation de ces actifs étant alors pris en compte dans l’évaluation de sa rentabilité. Elle a également ajouté qu’une période de cinq ans coïncidait avec la durée de vie économique moyenne des éléments de réseau de TESAU nécessaires pour fournir des services ADSL de détail sur la base du produit de gros régional, telle qu’elle ressortait de son plan d’affaires initial, ainsi qu’avec la durée de vie moyenne des éléments de réseau des opérateurs alternatifs, tels France Telecom et Auna. La Commission a également mentionné que cette durée était supérieure à la période d’amortissement des coûts d’acquisition d’abonnés de TESAU et qu’elle était cohérente avec la période utilisée par le régulateur des télécommunications au Royaume-Uni. Compte tenu de ces éléments, qui, en tout état de cause, ne sauraient permettre aux requérantes de prétendre que la Commission n’a donné aucune explication concernant la durée de la période d’analyse qu’elle a utilisée, il y a lieu de considérer que cette durée de la période d’analyse n’a pas été fixée de manière arbitraire et qu’elle n’est pas entachée d’une erreur manifeste d’appréciation.

223    À cet égard, s’agissant de la fixation de la durée de la période au cours de laquelle la rentabilité devrait être atteinte, les requérantes contestent la référence aux plans d’affaires de Telefónica, en soutenant que l’analyse sur laquelle la Commission s’appuie [confidentiel], ce qui confirmerait que les pertes détectées par la Commission sur la période [confidentiel] seraient dues au manque de maturité du marché espagnol de la large bande. Toutefois, d’une part, il ressort du dossier que le plan d’affaires [confidentiel] concerne effectivement la valeur totale de l’ensemble de l’activité. D’autre part, ainsi que le relève à juste titre la Commission, la comptabilité des coûts et le plan d’affaires de Telefónica démontrent, d’abord, que Telefónica [confidentiel], celle-ci ayant calculé que son seuil de rentabilité se situait à [confidentiel] d’utilisateurs finaux ADSL, chiffre qui a été atteint [confidentiel], ensuite, qu’elle prévoyait un seuil de rentabilité en termes de résultat avant impôts, intérêts, amortissements et provisions (EBITDA) et de bénéfices avant impôt et charges financières (EBIT) en [confidentiel] et, enfin, qu’elle s’attendait à une valeur actualisée nette (ci-après la « VAN ») [confidentiel] (en excluant toute valeur terminale) sur la période [confidentiel]. C’est donc sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation que la Commission a considéré que les pertes détectées sur la période [confidentiel] ne sauraient être considérées comme étant dues au manque de maturité du marché espagnol de la large bande.

224    Troisièmement, les requérantes soutiennent qu’il n’est pas exact que la méthodologie adoptée par la Commission, qui inclut une valeur terminale reflétant la vie économique résiduelle des immobilisations et des clients acquis, est plus favorable à Telefónica que celle utilisée par celle-ci dans son plan d’affaires initial (considérants 362 et 363 de la décision attaquée), en raison de l’horizon temporel plus vaste ([confidentiel] ans) retenu par Telefónica dans celui-ci. Elles soutiennent également que lesdites méthodologies ne sont pas similaires (note en bas de page no 810 de la décision attaquée), Telefónica ayant considéré que sa base de clients était constante et non en baisse. En outre, selon les requérantes, les plans de développement de Telefónica, mentionnés au considérant 367 de la décision attaquée, seraient sans pertinence dans le cadre du calcul de la valeur terminale.

225    Il convient à cet égard de relever que les requérantes ne précisent pas, dans leurs écritures, les raisons pour lesquelles leur argument, quand bien même il serait fondé, serait de nature à entraîner l’illégalité de la décision attaquée. En effet, d’une part, même à supposer, ainsi que le soutiennent les requérantes, que la méthodologie adoptée par la Commission ne soit pas plus favorable à Telefónica que celle qu’elle aurait utilisée dans son plan d’affaires initial ou que les méthodologies en cause ne soient pas similaires, il n’en résulterait pas que les constatations relatives à la valeur terminale, figurant notamment aux considérants 360 à 362 de la décision attaquée, et à la détermination de la valeur terminale dans le cadre du calcul des FTA seraient erronées. D’autre part, il doit être relevé que les plans de développement de Telefónica ont été mentionnés au considérant 367 de la décision attaquée aux fins de démontrer que, contrairement à ce que soutenait Telefónica, le calcul par la Commission de la valeur terminale n’était pas sans précédent. Or, même à supposer qu’une telle constatation soit erronée, cela n’entraînerait pas l’illégalité du calcul de la valeur terminale figurant dans la décision attaquée.

226    En outre, si, certes, l’horizon temporel envisagé par Telefónica dans son plan d’affaires [confidentiel] était effectivement de [confidentiel] ans (période [confidentiel]), ce qui a été admis par la Commission dans son mémoire en défense, il y a lieu de considérer que c’est sans commettre d’erreur manifeste que la Commission a décidé qu’une telle durée était trop longue pour envisager la rentabilité d’un hypothétique opérateur en aval (voir à cet égard les points 216 à 220 ci-dessus).

227    En tout état de cause, il y a lieu de souligner qu’il ressort du dossier qu’un calcul de la VAN pour l’activité de détail pour la période [confidentiel], effectué selon la même méthode que celle employée par Telefónica dans son plan d’affaires « Objetivo Verne 2002 », [confidentiel]. L’argument des requérantes, formulé lors de l’audience, selon lequel la Commission n’aurait pas dû utiliser les prévisions de Telefónica figurant dans ledit plan, mais aurait dû demander à cette dernière ses prévisions mises à jour au moment où elle a réalisé le calcul de la valeur terminale ne saurait être retenu. En effet, il est raisonnable de considérer que de telles prévisions, mises à jour au moment dudit calcul, augmenteraient le risque de prise en compte dans le cadre de l’analyse des récompenses d’un comportement anticoncurrentiel.

228    En second lieu, les requérantes font valoir que la Commission aurait pu calculer une valeur terminale davantage appropriée, fondée sur des données de marché. D’une part, une approche alternative destinée à évaluer les flux de trésorerie à partir de 2006 aurait consisté à utiliser des informations sur des valeurs transactionnelles comparables, en application de la « méthode des multiples », dont l’objectif est d’évaluer l’activité d’une entreprise en comparant celle-ci avec le prix versé pour des activités commerciales similaires. L’emploi d’une telle méthode aurait l’avantage de n’exiger aucun postulat concernant la durée de l’activité considérée. D’autre part, l’application de multiples de l’EBITDA, au considérant 377 de la décision attaquée, n’aurait pas de sens pour les entreprises disposant d’un potentiel élevé de croissance. Dans ces conditions, outre le multiple des recettes utilisé par Telefónica dans sa réponse à la communication des griefs, la Commission aurait pu utiliser un multiple propre au secteur.

229    Il y a lieu de considérer que c’est à bon droit que la Commission a estimé, au considérant 369 de la décision attaquée, que l’utilisation, en l’espèce, d’une valeur terminale englobant tous les bénéfices futurs de l’entreprise concernée n’était ni raisonnable ni appropriée dans le cadre du calcul d’un ciseau tarifaire.

230    En effet, tout d’abord, une telle approche, dans le cadre de laquelle l’ensemble des bénéfices futurs de l’entreprise concernée seraient pris en considération, ne permettrait pas de déterminer si, eu égard notamment aux redevances payées par les opérateurs alternatifs à Telefónica pour les produits de gros national et régional, un opérateur en aval aussi efficace que Telefónica pourrait récupérer ses pertes initiales et atteindre l’équilibre grâce aux bénéfices engendrés par son activité sur le marché en aval au cours d’une période de référence déterminée. Ensuite, une telle méthode ne tiendrait pas non plus compte de la durée de vie moyenne des actifs concernés, ni du fait que, sur un marché concurrentiel, un nouvel entrant n’est pas en mesure de compter sur la totalité de ses éventuels bénéfices futurs afin de compenser les pertes initiales enregistrées lors de son entrée sur le marché. Enfin, ainsi que la Commission l’a relevé au considérant 334 de la décision attaquée, une telle approche permettrait, le cas échéant, à une entreprise d’adopter avec succès une stratégie de ciseau tarifaire en fixant, dans un premier temps, des prix susceptibles, après une période donnée, d’exclure les concurrents et en procédant, dans un second temps, soit à une hausse des prix lui permettant, à terme, de récupérer ses pertes initiales soit à un maintien desdits prix au-dessus du niveau concurrentiel, cela étant rendu possible par l’absence d’entrée ou de croissance significative de concurrents sur le marché en cause (voir également considérant 334 de la décision attaquée).

231    En troisième lieu, les requérantes affirment que « l’application d’une méthode d’évaluation correcte, qui se base sur les chiffres du marché pour calculer la valeur terminale, aurait montré que l’activité d’un éventuel concurrent aussi efficace que Telefónica aurait été rentable ». Toutefois, un tel argument n’est aucunement expliqué, ni développé, dans les écritures, les requérantes se référant, de manière globale, à dix pages d’une étude économique jointe en annexe. Il doit dès lors, eu égard aux points 58 à 63 ci-dessus, être écarté.

232    Eu égard aux développements qui précèdent, le deuxième grief de la première branche du cinquième moyen doit être rejeté.

–       Sur le troisième grief de la première branche du cinquième moyen, tiré d’erreurs commises dans l’analyse « période par période »

233    Dans le cadre du présent grief, les requérantes formulent plusieurs critiques à l’égard de l’analyse « période par période » effectuée par la Commission.

234    En premier lieu, les requérantes soutiennent que la Commission n’a pas estimé correctement les CMILT de commercialisation.

235    À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que, dans la décision attaquée, la Commission a constaté que les coûts marginaux de commercialisation étaient un poste des coûts d’acquisition d’abonnés de Telefónica (considérants 458 à 463 de la décision attaquée), qui inclut non seulement les primes et les commissions (à l’exclusion des salaires) accordées au réseau de vente de Telefónica pour chaque nouvel abonné, mais également le développement de la structure commerciale de Telefónica, dès lors qu’une telle expansion a été possible grâce à son activité de large bande.

236    S’agissant de l’estimation des coûts de commercialisation, la Commission a affirmé, aux considérants 464 à 473 de la décision attaquée, que Telefónica avait sous-estimé les CMILT, puisqu’elle n’y avait inclus que les primes et les commissions octroyées au réseau de vente pour chaque nouvel abonné, à l’exclusion de toute dépense relative à la structure commerciale de la société. Selon la Commission, même si la structure commerciale de Telefónica fait partie de ses coûts communs, il ne pourrait être affirmé qu’elle aurait la même taille (en nombre d’employés) si la société n’offrait pas de services de détail de large bande (considérants 465 et 470 de la décision attaquée). Au considérant 472 de la décision attaquée, la Commission affirme que, si, certes, pour estimer de manière raisonnable le surcoût de la commercialisation, il aurait été possible de se baser sur l’affectation effective de l’équipe commerciale de Telefónica à la commercialisation de services de détail de large bande, en l’espèce, Telefónica, s’agissant du chiffre d’affaires de chacune de ses activités, sous-estime nettement le surcoût de l’activité de détail de la large bande, ce qui avait déjà été critiqué par la CMT. Par conséquent, la Commission conclut, au considérant 473 de la décision attaquée, que, en l’espèce, au vu des informations divulguées par Telefónica et du fait qu’il n’existe aucune étude, pourtant demandée par la CMT, analysant l’attention portée par l’équipe commerciale à chacun des marchés de détail de la société, le calcul des frais de commercialisation par rapport au chiffre d’affaires devait être utilisé comme un chiffre approximatif des CMILT qui est favorable à la société.

237    Premièrement, il convient de rejeter l’argument des requérantes selon lequel la Commission n’aurait pas dû estimer les CMILT de commercialisation sur la base des données comptables de Telefónica, mais aurait dû utiliser des sources de données alternatives, telles que les tableaux de bord de Telefónica.

238    Ainsi qu’il ressort des considérants 319 et 320 de la décision attaquée, le coût incrémental à long terme d’un produit correspond aux charges spécifiques du produit supportées par l’entreprise à long terme liées au volume total de la production dudit produit et, dès lors, aux coûts que l’entreprise aurait évités à long terme si elle avait décidé de ne pas produire ce produit. La Commission a ainsi relevé que le coût incrémental à long terme du produit devait comprendre non seulement tous les coûts fixes et variables directement liés à la production du produit concerné, mais également une proportion des coûts communs liés à cette activité. Les requérantes ne contestent pas cette constatation. Il s’ensuit que le CMILT correctement calculé doit inclure une proportion des coûts liés à la structure commerciale de Telefónica que la société aurait évitée à long terme si elle n’avait pas fourni les services de détail à haut débit.

239    Or, les requérantes ne contestent pas que l’estimation des CMILT de commercialisation, tels que figurant dans l’analyse des pertes et des bénéfices de l’activité de détail (Economics ADSL) (considérant 407 de la décision attaquée) et dans le tableau de bord (ADSL Scorecard) de l’activité de large bande (considérants 408 à 410 de la décision attaquée), n’inclut comme coûts de commercialisation [confidentiel], sous-estimant ainsi les CMILT du produit de détail de large bande de Telefónica. Si, certes, les requérantes affirment que [confidentiel], il doit être relevé que celui-ci [confidentiel], en sorte que c’est à bon droit que la Commission a estimé que les CMILT du produit de détail de large bande de Telefónica étaient sous-évalués.

240    Deuxièmement, ainsi que le relève à juste titre la Commission, l’approche des requérantes n’est pas soutenable en l’espèce, dès lors qu’elle revient à considérer que les délégués commerciaux ne vouent pas une partie de leur temps à la commercialisation des produits de détail de large bande de Telefónica. D’ailleurs, dans une lettre du 1er avril 2005 adressée à la Commission, citée en note en bas de page no 472 de la décision attaquée, Telefónica a elle-même reconnu qu’il était « évident que la dépense en primes n’épuis[ait] pas le chapitre intitulé ‘coûts de commercialisation’ » et qu’« il fa[llait] ajouter tous les coûts découlant de la structure commerciale de TESAU (à savoir, dépenses de personnel autre que celui qui [était] affecté directement à la vente et les coûts d’immobilisation, de structure et de support) dans ce qui [était] imputable à l’offre ADSL de détail ».

241    À cet égard, il y a lieu de rejeter les arguments des requérantes selon lesquels, d’une part, la structure commerciale de Telefónica serait restée stable depuis l’entrée de l’entreprise sur le marché de détail de haut débit et, d’autre part, les effectifs de Telefónica représenteraient un coût fixe, difficilement ajustable en raison de la rigidité du marché de l’emploi.

242    En effet, ainsi que la Commission l’a relevé au considérant 468 de la décision attaquée, le fait que Telefónica n’ait pas augmenté ses effectifs commerciaux depuis 1999 n’implique pas qu’une part de la structure commerciale de Telefónica ne puisse être directement imputable à l’activité de détail de large bande de la société. Ainsi que la Commission l’a indiqué au considérant 469 de la décision attaquée, indépendamment de la prétendue rigidité du marché de l’emploi en Espagne, il est probable que la taille de la structure commerciale de Telefónica n’aurait pas été maintenue si l’entreprise n’avait pas offert ses produits de large bande de détail, les revenus générés par les activités traditionnelles (voix et abonnement) ayant baissé entre 2002 et 2006 (considérant 466 de la décision attaquée). Il doit d’ailleurs être considéré, à l’instar de la Commission (considérant 466 de la décision attaquée, in fine), que la force commerciale de TESAU est principalement vouée à la croissance de son activité de large bande, ce que les requérantes ne contestent pas. Ainsi, Telefónica elle-même a considéré que la croissance du groupe serait alimentée par la large bande. En outre, les revenus générés par les services de large bande ont considérablement augmenté entre 2002 et 2006, tandis que les revenus générés par les activités traditionnelles ont diminué pendant cette même période (considérants 466 et 467 de la décision attaquée).

243    En outre, il ressort du dossier que Telefónica a, entre 1999 et 2006, diminué de manière significative le nombre de ses employés (Telefónica elle-même ayant, entre 2003 et 2007, réduit ses effectifs de quelque 14 000 employés), tout en conservant un effectif commercial relativement stable, et que le pourcentage du personnel affecté à des fonctions commerciales est passé de [confidentiel] en 2001 à [confidentiel] de ses effectifs en 2006.

244    Dès lors qu’il n’existait pas d’estimation fiable de l’affectation effective de l’équipe commerciale de Telefónica à la commercialisation de produits de détail à haut débit, en termes de somme totale allouée à ladite commercialisation par rapport au temps consacré par l’équipe commerciale à ceux-ci (considérants 472 et 473 de la décision attaquée), la Commission n’a pas excédé sa marge d’appréciation en considérant comme une approximation raisonnable des CMILT de commercialisation la partie des coûts que Telefónica imputait elle-même à l’activité de détail ADSL [confidentiel] dans sa comptabilité de 2005. Il convient en effet de relever à cet égard que la règle d’assignation utilisée par Telefónica jusqu’en 2004 avait été considérée comme inadéquate par la CMT, car elle ne se basait pas sur l’assignation du coût total de commercialisation au prorata du temps consacré par le personnel commercial aux produits de détail de la large bande.

245    En deuxième lieu, les requérantes font valoir que la Commission a sous-estimé la longévité moyenne de la clientèle de Telefónica.

246    Il y a lieu, à titre liminaire, de rappeler que, dans la décision attaquée, la Commission a indiqué qu’un certain nombre d’ajustements des coûts de Telefónica avaient été réalisés afin de fournir une mesure adéquate, pour ce qui est du test de la compression des marges, de l’équilibre économique des services ADSL de détail de Telefónica. Elle a ainsi souligné que, sur le marché de détail, les coûts d’acquisition de nouveaux clients représentaient une partie importante des dépenses qui serait vite amortie et qui générerait des bénéfices supplémentaires à long terme. Partant, la Commission a réalisé des ajustements sur les comptes de Telefónica en amortissant les coûts d’acquisition de nouveaux abonnés sur une période adéquate (considérant 474 de la décision attaquée). Dans la décision attaquée, la Commission a, à cet égard, estimé que la période appropriée pour amortir les coûts d’acquisition des abonnés de Telefónica, aux fins de la présente affaire, était de [confidentiel] ans, cette durée constituant la période maximale utilisée par les autorités de concurrence nationales et les ARN, y compris la CMT, et étant plus longue que le temps prévu par Telefónica dans son plan d’affaires initial pour récupérer ces coûts. La Commission n’a donc pas utilisé la longévité moyenne de la clientèle de Telefónica, proposée par cette dernière, pour les raisons exposées aux considérants 476 à 485 de la décision attaquée.

247    Premièrement, les requérantes font valoir que la Commission n’explique pas pourquoi la période d’amortissement de certaines ARN et autorités de concurrence est plus pertinente que les estimations retenues dans la décision de la Commission du 16 juillet 2003 (affaire COMP/38.233 — Wanadoo Interactive), d’autant que la durée maximale utilisée par certaines autorités nationales, en particulier l’autorité française, serait de [confidentiel] ans en partant de la longévité moyenne des abonnés (considérant 488 de la décision attaquée). Un tel argument doit toutefois être rejeté, dès lors que la Commission a clairement expliqué les motifs de ce choix aux considérants 486 à 489 de la décision attaquée.

248    Deuxièmement, selon les requérantes, la Commission n’analyserait pas les plans d’affaires de Telefónica de manière adéquate, dès lors qu’une telle analyse montrerait que les hypothèses sous-jacentes à ceux-ci seraient fondées sur des estimations de la valeur créée pour [confidentiel]. Interrogées sur la portée et le sens de cette affirmation lors de l’audience, les requérantes ont déclaré, en substance, que la Commission se serait fondée sur une mauvaise interprétation des plans d’affaires de Telefónica pour ne pas retenir la longévité moyenne réelle des abonnés de Telefónica, qui serait, selon elle, de [confidentiel]. Leur argument ne devrait toutefois pas être compris comme visant à établir une longévité moyenne des abonnés de Telefónica de [confidentiel] ans.

249    Il y a lieu, à cet égard, de rejeter l’argument des requérantes, dès lors qu’il est fondé sur une prémisse erronée. Ainsi qu’il ressort des considérants 477 à 489 de la décision attaquée, la Commission a rejeté les données relatives à la longévité moyenne réelle des clients de Telefónica en raison du fait, primo, que la durée de vie moyenne des abonnés de Telefónica était très probablement supérieure à ce qu’elle devrait être dans un marché concurrentiel, secundo, que la durée de vie proposée par Telefónica était en contradiction avec les affirmations mêmes de celle-ci selon lesquelles le marché de détail se caractérisait par des coûts relativement bas pour changer de fournisseur et selon lesquelles le taux de renouvellement de ses abonnés (« churn rate ») serait de [confidentiel] % par mois, ce qui correspondrait à une durée de vie de [confidentiel] ans, tertio, que la formule de Telefónica ne pouvait s’appliquer dans un marché en développement et, quarto, que la durée retenue par la Commission constituait la durée maximale retenue par les autorités de concurrence nationales. Ainsi, la Commission ne s’est pas fondée sur les plans d’affaires de Telefónica pour rejeter la longévité moyenne proposée par celle-ci, mais s’est limitée à affirmer, au considérant 489 de la décision attaquée, que la période d’amortissement choisie in fine était [confidentiel] à celle figurant dans lesdits plans et, partant, plus favorable à Telefónica.

250    Troisièmement, les requérantes soutiennent que l’hypothèse de la Commission ne correspond pas à la réalité du comportement des clients de Telefónica, la durée moyenne des abonnements de Telefónica étant supérieure à [confidentiel]. À cet égard, les requérantes se limitent à affirmer que l’application des techniques de statistiques courantes à l’estimation de la longévité moyenne de la clientèle permet d’obtenir un chiffre supérieur à [confidentiel]. Toutefois, un tel argument n’est aucunement expliqué ni développé dans les écritures et fait l’objet d’un renvoi visant, de manière globale, dix pages d’une étude économique jointe en annexe. Il doit dès lors être écarté.

251    Quatrièmement, les requérantes font valoir que la Commission aurait pu choisir d’appliquer un autre critère d’amortissement. Toutefois, elles se limitent à évoquer une possibilité, ce qui n’est pas suffisant pour considérer que la Commission aurait commis une erreur manifeste d’appréciation dans le choix des critères d’amortissement. Cet argument doit donc être rejeté.

252    En troisième lieu, les requérantes soutiennent que la Commission surestime les coûts de réseau.

253    Premièrement, les requérantes font valoir que la Commission aurait calculé de manière erronée la valeur nette comptable de l’investissement, laquelle aurait des répercussions sur le calcul du coût de capital du réseau IP de Telefónica. La Commission, dans son mémoire en défense, a reconnu l’erreur de calcul alléguée par Telefónica. Elle affirme néanmoins que ladite erreur n’affecte en rien le calcul du ciseau tarifaire au niveau du produit de gros national, qu’elle ne modifie en rien les résultats de l’analyse des FTA et qu’elle n’a, sur l’analyse « période par période », qu’une incidence limitée qui n’affecte pas le constat de l’existence d’un ciseau tarifaire au niveau du produit de gros régional. Dans leur réplique, les requérantes ne font plus valoir d’arguments relatifs au calcul par la Commission de la valeur nette comptable de l’investissement. Elles ont en outre confirmé, lors de l’audience, que la correction de l’erreur de la Commission n’avait pas d’impact sur le résultat du recours. Il n’y a dès lors plus lieu d’examiner cet argument.

254    Deuxièmement, les requérantes font valoir que la Commission applique un coût moyen pondéré du capital (WACC) excessif et constant pendant toute la période examinée.

255    Il convient de rappeler que le coût du capital est le prix estimé que l’entreprise doit payer pour lever le capital employé, lequel reflète également le retour attendu par les investisseurs pour investir dans les activités de l’entreprise (considérant 383 de la décision attaquée). Au considérant 447 de la décision attaquée, la Commission précise que le coût du capital est calculé grâce au WACC utilisé par la CMT lors de la réglementation du secteur de la large bande de TESAU et avancé par Telefónica elle-même, laquelle aurait prétendu que les coûts du secteur ADSL présentaient un risque plus important par rapport aux autres secteurs. Le WACC a ainsi été fixé, dans la décision attaquée, à [confidentiel] %. Ce WACC est également celui qui a été utilisé par Telefónica dans sa réponse à la communication des griefs (considérants 384, 385, 447 et 451 de la décision attaquée).

256    Tout d’abord, les requérantes soutiennent, en substance, que le WACC officiel, approuvé par la CMT, n’a jamais dépassé [confidentiel] %. En outre, le WACC moyen utilisé par Telefónica dans son plan d’affaires pour la période 2002-2011 serait de [confidentiel] %. De tels arguments ne sauraient toutefois être retenus, la Commission ayant expliqué, dans ses écritures, sans être contredite sur ce point par les requérantes, que le WACC auquel se réfère Telefónica correspond à un WACC moyen, calculé non seulement pour les activités de haut débit de gros et de détail de Telefónica, mais également pour ses activités de téléphonie fixe. En outre, il ressort du dossier que Telefónica elle-même considère que le WACC pour l’activité de haut débit de détail est beaucoup plus élevé ([confidentiel] %) que le WACC moyen pour l’activité de TESAU dans son ensemble. De la même manière, il y a lieu de rejeter l’argument des requérantes selon lequel les taux de rémunération du capital approuvés par les organismes de régulation ou par les analystes lors de l’évaluation d’entreprises se consacrant à la fourniture de services de haut débit n’atteindraient pas le niveau du taux retenu par la Commission dans la décision attaquée, lesdits taux de rémunération ne portant pas spécifiquement sur les activités de haut débit de gros et de détail desdites entreprises.

257    Ensuite, selon les requérantes, la CMT n’aurait jamais reconnu à Telefónica un taux de rémunération supérieur pour le marché du haut débit par rapport aux autres activités. Un tel argument ne saurait non plus être retenu. En effet, le WACC utilisé dans la décision attaquée, qui a été utilisé par la CMT dans son modèle « retail minus », est le WACC pour l’activité haut débit en aval de TESAU, ce qui a été confirmé par la CMT en réponse à une demande de renseignements de la Commission du 18 novembre 2004. Il ressort de cette réponse que la CMT a opéré une distinction entre, d’une part, le WACC utilisé dans le calcul des prix du service d’accès indirect orienté sur les coûts (de [confidentiel] %) et, d’autre part, le WACC utilisé pour le calcul des prix de gros fixés selon le modèle « retail minus » (de [confidentiel] %). De surcroît, les requérantes reconnaissent que Telefónica elle-même a utilisé un WACC de [confidentiel] % dans sa réponse à la communication des griefs.

258    Enfin, les requérantes affirment que leurs allégations relatives au WACC formulées dans le cadre de l’offre d’accès à la boucle de l’abonné en 2002 ne justifieraient pas que celles-ci soient utilisées pendant toute la période examinée, dès lors que ladite offre aurait été formulée à un moment où Telefónica effectuait d’importants investissements dans des conditions d’incertitude technologique maximale et de demande de développement du haut débit. Toutefois, ainsi que le relève la Commission, sans avoir été contredite à cet égard par les requérantes lors de l’audience, lorsque ladite offre a été formulée par Telefónica en 2002, son activité de haut débit était déjà rentable.

259    En quatrième lieu, les requérantes soutiennent que la Commission comptabilise deux fois plusieurs postes de coûts [à savoir, les coûts non récurrents de la plateforme FAI (fournisseur d’accès à Internet) et les coûts des études du marché ADSL] et que les postes de coûts sont fréquemment incohérents dans le temps.

260    D’une part, s’agissant de la double comptabilisation de certains postes de coûts, les requérantes prétendent que les frais d’acquisition de la plateforme FAI repris dans le tableau 29 de la décision attaquée figurent déjà dans le poste correspondant aux coûts récurrents de cette plateforme, inclus dans la tableau 27 de la décision attaquée. Par ailleurs, les coûts figurant dans le poste « Observation du marché » auraient également été comptabilisés deux fois.

261    À cet égard, force est de constater que les données contestées, figurant dans les tableaux 27 et 29 de la décision attaquée, sont conformes aux données qui ont été communiquées par les requérantes elles-mêmes à la Commission dans leur réponse à la communication de griefs.

262    Par ailleurs, il y a lieu de relever que, dans leur requête, les requérantes se limitent à soutenir que la Commission estime de manière erronée les coûts de Telefónica en ayant recours à des sources incohérentes et se réfèrent à quatre pages d’une annexe. Dans leur réplique, elles estiment qu’elles ne peuvent que s’en remettre aux explications sur les coûts fournies dans la requête et se réfèrent également à trois pages d’une annexe jointe à celle-ci. Il convient de souligner que, dans leurs écritures, les requérantes ne fournissent aucune explication relative à cette prétendue double comptabilisation. Pour sa part, la Commission explique que les coûts figurant dans le tableau 27 sont récurrents, tandis que les coûts figurant dans le tableau 29 sont non récurrents. Interrogées à cet égard lors de l’audience, les requérantes ont soutenu que la Commission aurait utilisé des données provenant des tableaux de bord de Telefónica, lesquels ne feraient pas de distinction entre les coûts récurrents et les coûts non récurrents en cause. Toutefois, les documents figurant dans le dossier du Tribunal auxquels les requérantes se sont expressément référées lors de l’audience afin d’étayer leur propos proviennent du document « Economics ADSL », qui est l’analyse effectuée par Telefónica des pertes et des bénéfices de son activité de détail. Or, il ressort expressément du considérant 407 de la décision attaquée, non contesté par les requérantes, que ce document est une analyse « basée sur [l]a propre évaluation [de Telefónica] des coûts incrémentaux de ses frais hors réseau (coûts d’acquisition des abonnés et redevances récurrentes des FAI) » et que, partant, les coûts de la plateforme FAI figurant dans cette étude n’incluent pas les coûts non récurrents. S’agissant de la prétendue double comptabilisation des coûts récurrents d’« observation du marché », figurant dans le tableau 27 de la décision attaquée, qui seraient déjà compris dans les « autres coûts de production », figurant dans le même tableau, force est de constater qu’elle n’est nullement étayée. L’argument des requérantes ne saurait dès lors prospérer.

263    D’autre part, s’agissant de l’argument selon lequel les postes de coûts seraient incohérents dans le temps, il y a lieu de relever que Telefónica n’a pas fourni ses coûts unitaires pour 2001 malgré des demandes en ce sens de la Commission (note en bas de page no 464 de la décision attaquée). Par suite, la Commission n’a commis aucune erreur manifeste d’appréciation en déterminant les coûts de Telefónica pour l’année 2001 à partir des données comptables en sa possession ou, à défaut, sur la base des estimations figurant soit dans le document intitulé « Economics ADSL », soit dans les tableaux de bord de l’intéressée. Les requérantes n’ont d’ailleurs pas contesté cette approche dans la réponse à la communication des griefs ou dans la lettre factuelle. Leur argument ne saurait dès lors être retenu.

264    Eu égard aux développements qui précèdent, le troisième grief de la première branche du cinquième moyen doit être rejeté dans son ensemble, sans qu’il y ait lieu de se prononcer sur les incidences, sur le calcul du ciseau tarifaire, des erreurs alléguées.

265    La première branche du cinquième moyen doit donc être rejetée dans son intégralité.

 Sur la seconde branche du cinquième moyen, tirée de ce que la Commission n’aurait pas établi à suffisance de droit les effets probables ou concrets du comportement examiné

266    Dans le cadre de la présente branche, les requérantes font valoir que la Commission n’a pas établi à suffisance de droit les effets probables ou concrets du comportement de Telefónica.

267    Conformément à la jurisprudence rappelée au point 170 ci-dessus, en interdisant l’exploitation abusive d’une position dominante, dans la mesure où le commerce entre États membres est susceptible d’en être affecté, l’article 82 CE vise les comportements d’une entreprise en position dominante qui, sur un marché où, à la suite précisément de la présence de l’entreprise en question, le degré de concurrence est déjà affaibli, ont pour effet de faire obstacle, par le recours à des moyens différents de ceux qui gouvernent une compétition normale des produits ou des services sur la base des prestations des opérateurs économiques, au maintien du degré de concurrence existant encore sur le marché ou au développement de cette concurrence.

268    L’effet dont fait état la jurisprudence rappelée au point précédent ne concerne pas nécessairement l’effet concret du comportement abusif dénoncé. Aux fins de l’établissement d’une violation de l’article 82 CE, il suffit de démontrer que le comportement abusif de l’entreprise en position dominante tend à restreindre la concurrence ou, en d’autres termes, que le comportement est de nature à, ou susceptible de, avoir un tel effet (arrêts du Tribunal du 30 septembre 2003, Michelin/Commission, T‑203/01, Rec. p. II‑4071, point 239 ; du 17 décembre 2003, British Airways/Commission, T‑219/99, Rec. p. II‑5917, point 293, et Microsoft/Commission, point 58 supra, point 867). Ainsi, l’effet anticoncurrentiel de la pratique tarifaire concernée sur le marché doit exister, mais ne doit pas nécessairement être concret, étant suffisante la démonstration d’un effet anticoncurrentiel potentiel de nature à évincer les concurrents au moins aussi efficaces que l’entreprise en position dominante (arrêt TeliaSonera, point 146 supra, point 64).

269    Il ressort également de la jurisprudence de la Cour que, afin de déterminer si l’entreprise occupant une position dominante a exploité de manière abusive cette position par l’application de ses pratiques tarifaires, il y a lieu d’apprécier l’ensemble des circonstances et d’examiner si cette pratique tend à enlever à l’acheteur, ou à restreindre pour celui-ci, les possibilités de choix en ce qui concerne ses sources d’approvisionnement, à barrer l’accès du marché aux concurrents, à appliquer à des partenaires commerciaux des conditions inégales à des prestations équivalentes, en leur infligeant de ce fait un désavantage dans la concurrence, ou à renforcer la position dominante par une concurrence faussée (voir arrêts du 14 octobre 2010, Deutsche Telekom/Commission, point 170 supra, point 175, et TeliaSonera, point 146 supra, point 28, et la jurisprudence citée).

270    L’article 82 CE visant ainsi non seulement les pratiques susceptibles de causer un préjudice immédiat aux consommateurs, mais également celles qui leur causent préjudice en portant atteinte au jeu de la concurrence, il incombe à l’entreprise qui détient une position dominante une responsabilité particulière de ne pas porter atteinte par son comportement à une concurrence effective et non faussée dans le marché commun (voir arrêt du 14 octobre 2010, Deutsche Telekom/Commission, point 170 supra, point 176, et la jurisprudence citée).

271    Il s’ensuit que l’article 82 CE interdit, notamment, à une entreprise en position dominante de se livrer à des pratiques tarifaires produisant des effets d’éviction pour ses concurrents aussi efficaces, actuels ou potentiels, c’est-à-dire à des pratiques qui sont à même de rendre plus difficile, voire impossible, l’accès au marché de ces derniers, ainsi qu’à rendre plus difficile, voire impossible, pour ses cocontractants, le choix entre plusieurs sources d’approvisionnement ou partenaires commerciaux, renforçant ainsi sa position dominante en recourant à des moyens autres que ceux qui relèvent d’une concurrence par les mérites. Dans cette perspective, toute concurrence par les prix ne peut donc être considérée comme légitime (voir arrêt du 14 octobre 2010, Deutsche Telekom/Commission, point 170 supra, point 177, et la jurisprudence citée).

272    Premièrement, eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter l’argument des requérantes selon lequel, étant donné le laps de temps écoulé entre le commencement du comportement incriminé et l’adoption de la décision attaquée, il n’était pas approprié de faire un test d’effets probables, la Commission disposant du temps nécessaire pour démontrer la matérialité des prétendus effets anticoncurrentiels liés au comportement en cause. Un tel argument ne trouve, du reste, aucun fondement dans la jurisprudence.

273    Deuxièmement, il convient d’écarter l’argument des requérantes fondé sur l’arrêt du Tribunal du 25 octobre 2002, Tetra Laval/Commission (T‑5/02, Rec. p. II‑4381, point 153), selon lequel, même en se fondant sur une analyse d’effets probables, la Commission aurait dû établir que le comportement de Telefónica aurait eu, « selon toute vraisemblance », des effets négatifs sur la concurrence ainsi que sur les consommateurs. En effet, cet arrêt a été rendu dans une affaire relative au contrôle des concentrations, dans laquelle le Tribunal a considéré que la Commission, dans le cadre d’une analyse prospective, se devait d’interdire une opération de concentration de type conglomérat si elle « [était] en mesure de conclure, en raison des effets de conglomérat qu’elle [constatait], qu’une position dominante serait, selon toute vraisemblance, créée ou renforcée dans un avenir proche et aurait comme conséquence que la concurrence effective sur le marché concerné serait entravée de manière significative ». Ainsi que la Cour l’a relevé dans son arrêt Commission/Tetra Laval, point 71 supra (points 42 et 43), une analyse prospective de la création ou du renforcement d’une position dominante, telle que celle qui est nécessaire en matière de contrôle des concentrations, nécessite d’être effectuée avec une grande attention, dès lors qu’il ne s’agit pas d’examiner des événements du passé, au sujet desquels il existe souvent de nombreux éléments permettant d’en comprendre les causes. Or, une telle situation n’est pas comparable au cas d’espèce.

274    Troisièmement, eu égard à la jurisprudence rappelée au point 268 ci-dessus, il y a lieu de vérifier l’allégation des requérantes selon laquelle les constatations de la Commission relatives aux effets probables du comportement de Telefónica seraient purement théoriques et ne seraient pas étayées.

275    À cet égard, il y a lieu de relever que les effets probables du comportement de Telefónica ont été examinés aux considérants 545 à 563 de la décision attaquée. D’une part, la Commission y a constaté que celui-ci avait probablement limité la capacité des opérateurs ADSL à croître durablement sur le marché de détail. Tout d’abord, pour fonder cette conclusion, elle s’est référée au fait que les opérateurs ADSL ont dû pratiquer des prix inférieurs aux prix de détail de Telefónica dans le but de capter des clients. Elle a souligné qu’il en était résulté des pertes qui n’étaient pas récupérables sur une durée raisonnable dans un marché concurrentiel (considérant 546 de la décision attaquée). Elle s’est notamment fondée, à cet effet, sur les constatations opérées aux considérants 251 à 253 de la décision attaquée. Ensuite, se référant aux constatations effectuées aux considérants 223 à 242 de la décision attaquée, elle a notamment considéré que les concurrents ADSL sur le marché de détail ne disposaient pas d’input alternatif viable. Elle s’est ainsi référée à la relation de dépendance des opérateurs alternatifs aux produits de gros de Telefónica (considérants 547 et 548 de la décision attaquée). Partant, elle a considéré que le comportement de Telefónica avait probablement rendu difficile le maintien continu de la présence sur le marché de concurrents aussi efficaces et que Telefónica avait été en mesure, par son comportement, de contraindre les opérateurs alternatifs à chercher un équilibre entre leur rentabilité et la croissance de leur part de marché, limitant ainsi la pression concurrentielle exercée sur elle (considérants 549 à 552 de la décision attaquée). D’autre part, la Commission a considéré que le comportement de Telefónica avait probablement porté préjudice aux consommateurs finaux, dès lors que la concurrence, qui a été restreinte au moyen du ciseau tarifaire, aurait pu faire baisser les prix de détail (considérants 556 à 559 de la décision attaquée).

276    Les constatations de la Commission figurant aux considérants 545 à 563 de la décision attaquée ne sauraient être considérées comme étant « purement théoriques » ou insuffisamment étayées. Au contraire, elles démontrent à suffisance de droit les entraves éventuelles que les pratiques tarifaires de Telefónica ont pu causer sur le degré de concurrence du marché de détail. Ainsi, c’est sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation que la Commission a conclu que le comportement de Telefónica avait probablement renforcé les barrières à l’entrée et à l’expansion sur ce marché et que, en l’absence des distorsions résultant du ciseau tarifaire, la concurrence aurait probablement été plus vive sur le marché de détail, ce qui aurait profité aux consommateurs en termes de prix, de choix et d’innovations.

277    Les arguments soulevés par les requérantes visant à remettre en cause cette conclusion ne sauraient prospérer.

278    Ainsi, il convient de rejeter l’argument des requérantes selon lequel le test de ciseau tarifaire utilisé par la Commission serait étranger aux critères qui déterminent les décisions stratégiques des opérateurs alternatifs sur le marché de détail.

279    D’une part, s’agissant de l’argument selon lequel un concurrent aussi efficace que Telefónica n’adopterait pas ses décisions stratégiques en fonction de la seule durée de vie de ses actifs, mais également en fonction de la période nécessaire pour rentabiliser l’investissement dans de nouvelles infrastructures et attirer sa clientèle, il y a lieu de relever, à l’instar de la Commission, que la démonstration de l’effet anticoncurrentiel de l’abus se fonde dans une large mesure sur la tendance de la pratique envisagée à augmenter les coûts d’entrée des concurrents et à retarder leurs perspectives de rentabilité, en rendant précisément plus difficile la constitution d’une base de clients propre à justifier le déploiement de leur propre infrastructure. Or, une telle situation a nécessairement influencé les décisions stratégiques, le comportement sur le marché et les résultats des concurrents de Telefónica et des nouveaux entrants potentiels.

280    D’autre part, il convient d’écarter les arguments des requérantes visant à démontrer que l’analyse de la Commission ignore le fait que les concurrents de Telefónica auraient accès à des stratégies concurrentielles telles que celle de pénétrer le marché de détail sur la base de leurs propres infrastructures ou à l’aide d’une combinaison de leurs propres infrastructures et de celle de Telefónica, ou encore en menant une concurrence agressive, leur permettant de gravir progressivement l’échelle des investissements. Tout d’abord, s’agissant de l’argument des requérantes selon lequel un opérateur alternatif optimiserait ses investissements en mettant en place son infrastructure seulement dans les zones géographiques rentables, il y a lieu de considérer que, en pareille hypothèse, un tel opérateur serait contraint de supporter des pertes dans certaines zones géographiques du territoire espagnol par des revenus obtenus dans d’autres zones. Ensuite, l’argument selon lequel les investissements effectués par les opérateurs alternatifs dans leurs propres réseaux ne seraient pas si importants, d’autant que les intéressés utiliseraient une combinaison optimale de produits de gros, doit également être écarté. En effet, ainsi qu’il a été rappelé au point 117 ci-dessus, le développement d’infrastructures propres entraîne des coûts considérables. Par ailleurs, ainsi qu’il a été relevé au point 130 ci-dessus, l’utilisation d’une combinaison de produits de gros n’est pas avérée. Enfin, l’argument selon lequel la théorie de l’échelle des investissements n’exigerait pas que tous les échelons soient accessibles doit être rejeté pour les motifs figurant au point 196 ci-dessus.

281    En outre, il y a lieu de rejeter l’allégation selon laquelle la Commission aurait, dans la décision attaquée, ignoré la pression concurrentielle des câblo-opérateurs sur le marché de détail. En effet, la Commission a examiné ce phénomène non seulement dans la section de la décision attaquée relative aux effets probables du comportement de Telefónica (considérants 559 et 560 de la décision attaquée), mais également aux considérants 268 à 276 de ladite décision relatifs à la définition du marché de détail.

282    Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de conclure que, aux considérants 545 à 563 de la décision attaquée, la Commission a démontré à suffisance de droit l’existence des entraves éventuelles que les pratiques tarifaires de Telefónica ont pu causer sur le développement de l’offre sur le marché de détail et, partant, sur le degré de concurrence de celui-ci.

283    Dès lors que, aux fins de l’établissement d’une violation de l’article 82 CE, il suffit de démontrer que le comportement abusif tend à restreindre la concurrence (voir point 268 ci-dessus) et que, selon une jurisprudence bien établie, dans la mesure où certains motifs d’une décision sont à eux seuls de nature à justifier celle-ci à suffisance de droit, les vices dont pourraient être entachés d’autres motifs de l’acte sont, en tout état de cause, sans influence sur son dispositif (arrêt du Tribunal du 21 septembre 2005, EDP/Commission, T‑87/05, Rec. p. II‑3745, point 144 ; voir également, en ce sens, arrêt de la Cour du 12 juillet 2001, Commission et France/TF1, C‑302/99 P et C‑308/99 P, Rec. p. I‑5603, points 26 à 29), les allégations des requérantes relatives à l’absence de preuve des effets concrets du comportement de Telefónica sur le marché doivent être rejetées comme inopérantes dans le cadre de l’établissement de l’infraction alléguée.

284    Il s’ensuit que la seconde branche du cinquième moyen doit être rejetée.

285    Le cinquième moyen doit dès lors être rejeté dans son intégralité.

g)     Sur le sixième moyen, tiré d’une application ultra vires de l’article 82 CE et d’une violation des principes de subsidiarité, de proportionnalité, de sécurité juridique, de coopération loyale et de bonne administration

286    Le présent moyen comporte trois branches. La première branche est tirée d’une application ultra vires de l’article 82 CE. La deuxième branche, formulée à titre subsidiaire, est prise d’une violation des principes de subsidiarité, de proportionnalité et de sécurité juridique. Enfin, la troisième branche est tirée d’une violation des principes de coopération loyale et de bonne administration.

 Sur la première branche du sixième moyen, tirée d’une application ultra vires de l’article 82 CE

287    Dans le cadre de la présente branche, les requérantes font valoir que la Commission, en adoptant la décision attaquée, a fait une application ultra vires de l’article 82 CE.

288    S’agissant de la recevabilité de la présente branche, contestée par la Commission, il y a lieu de relever qu’il ressort du texte de la requête que les arguments des requérantes avancés dans le cadre de la présente branche visent à démontrer que la Commission a appliqué l’article 82 CE au-delà des compétences qui lui ont été imparties dans le domaine du droit de la concurrence. En outre, dans leur réplique, les requérantes ont affirmé que, contrairement à ce qu’a suggéré la Commission, elles n’invoquent aucun détournement de pouvoir. Dès lors que la présente branche vise à établir que la Commission, en l’espèce, a excédé ses compétences, elle doit être déclarée recevable.

289    S’agissant du bien-fondé de la présente branche, premièrement, il y a lieu de rejeter l’argument des requérantes, fondé sur les développements qu’elles ont présentés dans le cadre de leur quatrième moyen, selon lequel la Commission aurait ignoré les critères juridiques applicables à l’article 82 CE, dès lors que cet argument, qui ne vise en tout état de cause pas à démontrer que la Commission a excédé ses compétences, est non fondé (voir points 169 à 197 ci-dessus). En outre, le fait que le comportement abusif se soit produit sur un marché qualifié par les requérantes de marché « instrumentaire », c’est-à-dire un marché « créé à des fins de régulation », est dénué de pertinence pour l’application de l’article 82 CE, dès lors que le droit de la concurrence s’applique également auxdits marchés (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 13 novembre 1975, General Motors Continental/Commission, 26/75, Rec. p. 1367, points 4 à 10, et du 11 novembre 1986, British Leyland/Commission, 226/84, Rec. p. 3263, point 5).

290    Deuxièmement, en ce qui concerne l’argument des requérantes selon lequel la Commission, dans son appréciation du comportement de Telefónica dans la décision attaquée, aurait empiété sur les compétences des ARN et se serait référée à des notions à caractère réglementaire, telle que celle d’« échelle des investissements », il y a lieu de relever que les requérantes se limitent à affirmer que ladite notion, dont l’utilisation dans le cadre de l’application de l’article 82 CE serait dénuée de tout fondement, ne reflète pas l’évolution du marché espagnol, ni l’évolution de la stratégie concurrentielle des opérateurs alternatifs. Or, si les requérantes affirment que cette notion à caractère réglementaire n’appartiendrait pas au droit de la concurrence, elles n’expliquent pas pourquoi l’utilisation par la Commission de ce concept économique, aux fins de décrire l’évolution du marché espagnol de la large bande depuis la libéralisation du secteur des télécommunications, démontrerait que la Commission a excédé ses compétences ou appliqué l’article 82 CE « à des fins réglementaires », en sorte que leur affirmation ne saurait être retenue. D’ailleurs, ainsi qu’il ressort du considérant 180 de la décision attaquée, Telefónica elle-même, dans une lettre à la Commission du 2 mars 2005, s’est référée au concept d’« échelle des investissements » pour décrire l’évolution du marché espagnol de l’Internet depuis 2001 et a confirmé que « le marché espagnol du haut débit évolu[ait] selon le rythme espéré dans l’‘échelle des investissements’ ». Si les requérantes soutiennent que le recours à cette notion aurait amené la Commission à ignorer que les opérateurs alternatifs utiliseraient une combinaison optimale de produits de gros, ou que, ainsi que le démontrerait l’exemple de Jazztel, ils ont pu et peuvent réaliser des investissements importants sans disposer d’une base significative de clients, un tel argument, qui ne vise pas non plus à démontrer que la Commission a excédé ses compétences, doit être rejeté pour les raisons mentionnées aux points 120 et 201 à 211 ci-dessus.

291    Troisièmement, s’agissant de l’argument, soulevé dans la réplique, selon lequel la Commission aurait disposé d’un instrument formel ad hoc d’intervention résultant de l’article 7 de la directive « cadre » lui permettant d’intervenir dans une situation telle que celle en cause en l’espèce, et sans qu’il y ait lieu de se prononcer sur la recevabilité de celui-ci, contestée par la Commission, force est de constater qu’il n’est pas fondé.

292    Il convient de souligner que, aux termes de l’article 1er, paragraphe 1, de la directive « cadre », celle-ci « crée un cadre harmonisé pour la réglementation des services de communications électroniques, des réseaux de communications électroniques et des ressources et services associés, [...] fixe les tâches incombant aux [ARN] et établit une série de procédures visant à garantir l’application harmonisée du cadre réglementaire dans l’ensemble de la Communauté ». Il y a également lieu de relever que le législateur de l’Union a voulu attribuer un rôle central aux ARN pour atteindre les objectifs visés par la directive « cadre », comme l’attestent le recours à l’instrument juridique de la directive, dont les États membres sont les seuls destinataires, la structure de celle-ci, qui comporte notamment deux chapitres intitulés, respectivement, « [ARN] » (Chapitre 2 : articles 3 à 7) et « Tâches des [ARN] » (Chapitre 3 : articles 8 à 13), et les compétences précises attribuées aux ARN. À cet égard, l’article 7 de la directive « cadre » décrit la participation de la Commission et des ARN à la procédure de consolidation du marché intérieur des communications électroniques et vise, conformément au considérant 15 de ladite directive, à « garantir que les décisions prises au niveau national n’aient pas d’effet néfaste sur le marché unique ou sur d’autres objectifs du traité ».

293    L’existence de cet instrument n’affecte donc nullement la compétence que la Commission tire directement de l’article 3, paragraphe 1, du règlement no 17 et, depuis le 1er mai 2004, de l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 1/2003, pour constater les infractions aux articles 81 CE et 82 CE (voir, en ce sens, arrêt du 10 avril 2008, Deutsche Telekom/Commission, point 69 supra, point 263). Ainsi, les règles relatives à la concurrence prévues par le traité CE complètent, par l’exercice d’un contrôle ex post, le cadre réglementaire adopté par le législateur de l’Union en vue de réguler ex ante les marchés des télécommunications (arrêt du 14 octobre 2010, Deutsche Telekom/Commission, point 170 supra, point 92).

294    En outre, les requérantes ne sauraient prétendre qu’il aurait incombé à la Commission, selon l’article 7 de la directive « cadre », de contrôler les mesures réglementaires adoptées par la CMT. En effet, ainsi que l’a relevé la Commission dans ses écritures, seules les mesures adoptées en juin 2006, à la suite de la mise en œuvre par la CMT de la directive « cadre » et des lignes directrices de la Commission sur l’analyse du marché et l’évaluation de la puissance sur le marché en application du cadre réglementaire communautaire pour les réseaux et les services de communications électroniques (JO 2002, C 165, p. 6) (ci-après, pris ensemble, le « cadre réglementaire de 2002 »), ont été notifiées à la Commission par le biais de la procédure prévue audit article.

295    Il s’ensuit que la première branche du sixième moyen doit être rejetée.

 Sur la deuxième branche du sixième moyen, tirée d’une violation des principes de subsidiarité, de proportionnalité et de sécurité juridique

296    Dans le cadre de la deuxième branche du présent moyen, les requérantes font valoir que, à supposer même que la Commission puisse utiliser l’article 82 CE à des fins réglementaires, quod non, son intervention dans la présente affaire serait contraire aux principes de subsidiarité, de proportionnalité et de sécurité juridique, dès lors qu’elle s’immiscerait sans motif dans l’exercice des compétences de la CMT.

297    Il convient de rappeler que le principe de subsidiarité est énoncé à l’article 5, deuxième alinéa, CE et concrétisé par le protocole sur l’application des principes de subsidiarité et de proportionnalité, annexé au traité CE, aux termes duquel la Communauté n’intervient, dans les domaines qui ne relèvent pas de sa compétence exclusive, que si et dans la mesure où les objectifs de l’action envisagée ne peuvent pas être réalisés de manière suffisante par les États membres et peuvent donc, en raison des dimensions ou des effets de l’action envisagée, être mieux réalisés au niveau communautaire. Ce protocole établit également, à son paragraphe 5, des lignes directrices pour déterminer si ces conditions sont remplies.

298    Ledit protocole précise en outre, à son paragraphe 3, que le principe de subsidiarité ne remet pas en question les compétences conférées à la Communauté par ledit traité, telles qu’interprétées par la Cour. Ainsi, ce principe ne remet pas en cause les compétences qui ont été conférées à la Commission par le traité CE, parmi lesquelles figure l’application des règles de concurrence nécessaires au fonctionnement du marché intérieur [article 3, paragraphe 1, sous g) CE] énoncées aux articles 81 CE et 82 CE et mises en oeuvre par le règlement no 17 et, depuis le 1er mai 2004, par le règlement no 1/2003 (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 8 mars 2007, France Télécom/Commission, T‑339/04, Rec. p. II‑521, points 88 et 89).

299    Eu égard aux développements figurant au point 293 ci-dessus, Telefónica ne pouvait ignorer que le respect de la réglementation espagnole en matière de télécommunications ne la prémunissait pas contre une intervention de la Commission sur le fondement de l’article 82 CE, d’autant que plusieurs instruments juridiques du cadre réglementaire de 2002 reflètent la possibilité de procédures parallèles devant les ARN et les autorités de concurrence (voir, à cet égard, article 15, paragraphe 1, de la directive « cadre » et points 28, 31 et 70 des lignes directrices de la Commission sur l’analyse du marché et l’évaluation de la puissance sur le marché en application du cadre réglementaire communautaire pour les réseaux et les services de communications électroniques).

300    Il s’ensuit que les décisions adoptées par les ARN sur la base du cadre réglementaire de 2002 ne privent pas la Commission de sa compétence d’intervenir à un stade ultérieur pour appliquer l’article 82 CE en vertu du règlement no 17, et, depuis le 1er mai 2004, du règlement no 1/2003. En outre, aucune disposition dudit cadre n’impose à la Commission d’établir l’existence de circonstances exceptionnelles pour justifier son intervention dans un tel cas, comme le prétendent les requérantes. Partant, il y a lieu de rejeter l’argument des requérantes selon lequel, en substance, ni la Commission ni les autorités nationales de concurrence ne devraient analyser, au titre du droit de la concurrence, des comportements soumis à des mesures réglementaires ayant des objectifs similaires.

301    En tout état de cause, tout d’abord, la CMT n’est pas une autorité de concurrence, mais une autorité de régulation, et elle n’est jamais intervenue pour faire respecter l’article 82 CE, ni n’a adopté de décisions portant sur les pratiques sanctionnées par la décision attaquée (considérants 678 et 683 de la décision attaquée). À supposer même que la CMT ait été tenue d’examiner la compatibilité des pratiques de Telefónica avec l’article 82 CE, une telle circonstance n’empêcherait pas qu’une infraction imputée à celle-ci puisse être constatée par la Commission. En effet, la Commission ne saurait être liée par une décision rendue par une autorité nationale en application de l’article 82 CE (voir, en ce sens, arrêt du 10 avril 2008, Deutsche Telekom/Commission, point 69 supra, point 120).

302    Ensuite, la CMT a affirmé, à plusieurs reprises, qu’elle ne disposait pas de certaines informations requises pour procéder à l’examen du ciseau tarifaire relatif aux prix de Telefónica pour l’accès, de gros et de détail, à la large bande au niveau régional (voir notamment les considérants 494, 495, 509 et 511 de la décision attaquée).

303    Enfin, selon le considérant 494 de la décision attaquée, le modèle de coûts utilisés par la CMT dans ses décisions ex ante ayant pour objectif de s’assurer de l’absence de ciseau tarifaire n’était pas non plus adéquat, aux fins de l’application de l’article 82 CE, puisque, d’une part, il ne se basait pas sur des estimations récentes pour ce qui est des coûts historiques de Telefónica, mais sur des estimations réalisées par des consultants externes sur la base d’informations fournies par la société en octobre 2001 et, d’autre part, le modèle de coûts desdits consultants avait sous-estimé les surcoûts du réseau en aval de Telefónica et n’avait pas pris en compte les dépenses de promotion de cette dernière. Les arguments selon lesquels la CMT se serait montrée particulièrement active à l’égard de la politique de prix de Telefónica et aurait agi ex post à de multiples reprises en réglementant et en contrôlant la politique de prix de Telefónica depuis les premières phases du développement espagnol du marché de la large bande doivent donc également être rejetés.

304    Dans ce contexte, l’argument des requérantes selon lequel la Commission ne serait pas compétente pour examiner l’action des ARN au titre de l’article 82 CE s’il n’est pas démontré que celles-ci n’ont pas agi dans le cadre de leurs compétences ou ont agi de manière manifestement erronée doit également être rejeté. En effet, dans la décision attaquée, la Commission n’a pas examiné l’action de la CMT au regard de l’article 82 CE, mais bien celle de Telefónica.

305    Partant, il n’est pas établi que le principe de subsidiarité a été violé.

306    Quant aux prétendues violations des principes de proportionnalité et de sécurité juridique, les requérantes ne démontrent pas en quoi ces principes ont été violés. Elles se limitent en effet à soulever la violation du principe de sécurité juridique résultant de l’intervention de la Commission sur le fondement de l’article 82 CE, alors même qu’elle n’aurait pas mis en cause l’action de la CMT. Ainsi, Telefónica aurait pu avoir la conviction que, si elle respectait le cadre réglementaire en vigueur, son comportement serait conforme au droit de l’Union. Toutefois, un tel argument doit être rejeté, pour les motifs exposés aux points 299 à 304 ci-dessus.

307    S’agissant finalement de l’argument des requérantes selon lequel la Commission aurait dû intenter un recours en manquement contre le Royaume d’Espagne au titre de l’article 226 CE, si elle était parvenue à la conclusion que les décisions de la CMT, en tant qu’organe d’un État membre, ne permettaient pas d’éviter un ciseau tarifaire et, partant, ne respectaient pas le cadre réglementaire de 2002, il convient de relever que, dans la décision attaquée, la Commission n’a pas effectué une telle constatation. Par ailleurs, à supposer même que la CMT ait violé une norme de l’Union et que la Commission ait pu à ce titre intenter une procédure en manquement à l’encontre du Royaume d’Espagne, de telles éventualités ne seraient nullement de nature à affecter la légalité de la décision attaquée. Dans cette décision, en effet, la Commission s’est bornée à constater que Telefónica avait commis une infraction à l’article 82 CE, disposition qui concerne non les États membres, mais les seuls opérateurs économiques (voir, en ce sens, arrêt du 10 avril 2008, Deutsche Telekom/Commission, point 69 supra, point 271). Au surplus, selon la jurisprudence de la Cour, dans le système établi par l’article 226 CE, la Commission dispose d’un pouvoir discrétionnaire pour intenter un recours en manquement et il n’appartient pas aux juridictions de l’Union d’apprécier l’opportunité de son exercice (arrêt du 14 octobre 2010, Deutsche Telekom/Commission, point 170 supra, point 47).

308    Il s’ensuit que la deuxième branche du sixième moyen doit être rejetée.

 Sur la troisième branche du sixième moyen, tirée d’une violation des principes de coopération loyale et de bonne administration

309    À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que le principe de coopération loyale, consacré par l’article 10 CE, s’impose à toutes les autorités des États membres agissant dans le cadre de leurs compétences ainsi qu’aux institutions de l’Union, qui sont tenues à des devoirs réciproques de coopération loyale avec les États membres (ordonnance de la Cour du 13 juillet 1990, Zwartveld e.a., C‑2/88 IMM, Rec. p. I‑3365, point 17 ; voir arrêt de la Cour du 22 octobre 2002, Roquette Frères, C‑94/00, Rec. p. I‑9011, point 31, et la jurisprudence citée). Lorsque, comme en l’espèce, les autorités de l’Union et les autorités nationales sont appelées à concourir à la réalisation des objectifs du traité par un exercice coordonné de leurs compétences respectives, une telle coopération revêt un caractère particulièrement essentiel (arrêt Roquette Frères, précité, point 32).

310    Contrairement à ce que prétendent les requérantes, la CMT a effectivement été associée à la procédure administrative qui a conduit à la décision attaquée. Premièrement, la Commission lui a envoyé trois demandes de renseignements, datant respectivement des 18 novembre et 17 décembre 2004 et du 17 janvier 2005. Deuxièmement, la Commission a communiqué à la CMT, le 24 mai 2006, une version non confidentielle de la communication des griefs. Elle l’a également informée qu’il lui était loisible, le cas échéant, de lui adresser des commentaires écrits sur la communication des griefs ou encore de formuler des observations ou des questions de manière orale lors de l’audition. Or, aucune observation écrite n’a été formulée par la CMT. Troisièmement, plusieurs représentants de la CMT étaient présents lors de l’audition des 12 et 13 juin 2006 et la CMT est également intervenue oralement lors de celle-ci. Quatrièmement, le 26 juin 2006, la CMT a également répondu par écrit à une série de questions posées par la plaignante au cours de l’audition. Cinquièmement, les requérantes ne contestent pas l’affirmation de la Commission selon laquelle les membres de l’équipe chargée du dossier ont rencontré la CMT à plusieurs reprises afin de discuter de l’enquête. Sixièmement, les requérantes ne contestent pas les affirmations de la Commission selon lesquelles, le 14 juin 2007, plusieurs représentants de la CMT ont rencontré celle-ci et ont formulé des observations sur le libellé de certains considérants de la décision attaquée, qui ont été prises en considération en vue de la deuxième réunion du comité consultatif visé à l’article 14 du règlement no 1/2003. La CMT n’a pas présenté des commentaires additionnels à cet égard. Un expert de la CMT a d’ailleurs participé à une réunion dudit comité consultatif, qui s’est tenue le 15 juin 2007.

311    À cet égard, l’argument des requérantes selon lequel les demandes de renseignements adressées par la Commission à la CMT auraient eu un caractère technique et n’auraient pas concerné les griefs reprochés à Telefónica, la réalité des marchés prétendument concernés, la méthodologie suivie pour réaliser les tests de ciseau tarifaire ou encore l’existence éventuelle d’un tel ciseau ne saurait être retenu. En effet, malgré une invitation en ce sens de la Commission, la CMT n’a pas formulé d’observations écrites à la Commission concernant la communication des griefs et, en particulier, les appréciations préliminaires de la Commission relatives aux éléments susmentionnés, telles qu’elles figuraient aux points 142 à 250 et 358 à 469 de ladite communication.

312    Par ailleurs, il doit être rappelé, s’agissant des relations qui s’établissent dans le cadre des procédures menées par la Commission en application des articles 81 CE et 82 CE, que les modalités de mise en œuvre du principe de coopération loyale qui découle de l’article 10 CE et à laquelle la Commission est tenue dans ses relations avec les États membres ont notamment été précisées aux articles 11 à 16 du règlement no 1/2003, sous son chapitre IV intitulé « Coopération ». Or, ces dispositions ne prévoient pas expressément l’obligation pour la Commission de consulter les ARN.

313    Les requérantes ne sauraient non plus, dans ce contexte, prétendre que l’envoi de la communication des griefs à la CMT et l’invitation de celle-ci à l’audition auraient eu lieu tardivement, alors que la Commission se serait déjà forgé une opinion sur la prétendue illégalité du comportement de Telefónica. En effet, outre que la communication des griefs est un document préparatoire dont les appréciations sont de caractère purement provisoire et destinées a circonscrire l’objet de la procédure administrative vis-à-vis des entreprises faisant l’objet de cette procédure (arrêts de la Cour du 7 juin 1983, Musique Diffusion française e.a./Commission, 100/80 à 103/80, Rec. p. 1825, point 14 ; Aalborg Portland e.a./Commission, point 69 supra, point 67, et Prym et Prym Consumer/Commission, point 83 supra, point 40), il a déjà été relevé au point 310 ci-dessus que la Commission avait envoyé à la CMT une copie d’une telle communication le 24 mai 2006, soit plus d’une année avant l’adoption de la décision attaquée.

314    Eu égard aux considérations qui précèdent, il ne saurait dès lors être considéré que la Commission, en l’espèce, a violé son devoir de coopération loyale. Dès lors que l’argument des requérantes tiré d’une violation du principe de bonne administration repose exclusivement sur la méconnaissance dudit devoir, il doit également être rejeté.

315    Il y a dès lors lieu de rejeter la troisième branche du présent moyen.

316    Le sixième moyen doit, en conséquence, être rejeté dans son intégralité, de même que, par suite, l’ensemble des conclusions principales, tendant à l’annulation de la décision attaquée.

2.     Sur les conclusions subsidiaires, tendant à l’annulation ou à la réduction du montant de l’amende

317    Les requérantes invoquent deux moyens au soutien de leurs conclusions tendant à l’annulation ou à la réduction du montant de l’amende. Le premier moyen est tiré d’erreurs de fait, d’appréciation des faits et de droit et d’une violation de l’article 15, paragraphe 2, du règlement no 17, de l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 1/2003 et des principes de sécurité juridique et de confiance légitime. Le deuxième moyen, formulé à titre subsidiaire, est pris d’erreurs de fait et de droit et d’une violation des principes de proportionnalité, d’égalité de traitement, d’individualisation des peines ainsi que de l’obligation de motivation, lors de la détermination du montant de l’amende.

a)     Sur le premier moyen, tiré d’erreurs de fait, d’appréciation des faits et de droit et d’une violation de l’article 15, paragraphe 2, du règlement no 17, de l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 1/2003 et des principes de sécurité juridique et de confiance légitime

318    Par le présent moyen, les requérantes mettent en cause les constatations de la Commission selon lesquelles, d’une part, le comportement de Telefónica, pendant la période infractionnelle, a été intentionnellement fautif ou, à tout le moins, gravement négligent et, d’autre part, l’infraction commise par Telefónica constitue un « abus caractérisé », pour lequel il existe des précédents (considérants 720 à 736 de la décision attaquée).

319    En premier lieu, s’agissant de la question de savoir si une infraction a été commise de propos délibéré ou par négligence et est, de ce fait, susceptible d’être sanctionnée par une amende en vertu de l’article 15, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement no 17 et, depuis le 1er mai 2004, de l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 1/2003, il résulte de la jurisprudence que cette condition est remplie dès lors que l’entreprise en cause ne peut ignorer le caractère anticoncurrentiel de son comportement, qu’elle ait eu ou non conscience d’enfreindre les règles de concurrence du traité (voir arrêts du Tribunal du 14 décembre 2006, Raiffeisen Zentralbank Österreich e.a./Commission, T‑259/02 à T‑264/02 et T‑271/02, Rec. p. II‑5169, point 205, et du 10 avril 2008, Deutsche Telekom/Commission, point 69 supra, point 295, et la jurisprudence citée ; voir également, en ce sens, arrêts de la Cour du 8 novembre 1983, IAZ International Belgium e.a./Commission, 96/82 à 102/82, 104/82, 105/82, 108/82 et 110/82, Rec. p. 3369, point 45 ; Nederlandsche Banden-Industrie-Michelin/Commission, point 111 supra, point 107, et du 14 octobre 2010, Deutsche Telekom/Commission, point 170 supra, point 124).

320    Selon la jurisprudence, une entreprise est consciente du caractère anticoncurrentiel de son comportement lorsque les éléments de fait matériels justifiant tant la constatation d’une position dominante sur le marché concerné que l’appréciation par la Commission d’un abus de cette position étaient connus par elle (voir, en ce sens, arrêt Nederlandsche Banden-Industrie-Michelin/Commission, point 111 supra, point 107, et arrêt Raiffeisen Zentralbank Österreich e.a./Commission, point 319 supra, points 207 et 210 ; voir, également, conclusions de l’avocat général M. Mazák sous l’arrêt du 14 octobre 2010, Deutsche Telekom/Commission, point 170 supra, point 39).

321    Premièrement, aux fins de contester la constatation de la Commission selon laquelle le comportement de Telefónica a été intentionnellement fautif ou, à tout le moins, gravement négligent, les requérantes font valoir que Telefónica n’aurait pas été raisonnablement en mesure de prévoir que son comportement serait susceptible de constituer un abus de position dominante contraire à l’article 82 CE, compte tenu de la définition des marchés de produits donnée précédemment par les autorités espagnoles de la concurrence et par la CMT, laquelle serait différente de celle retenue dans la décision attaquée, du contrôle exercé par la CMT sur les prix et sur le comportement de Telefónica pendant la période infractionnelle et de l’absence de marge de manœuvre suffisante de Telefónica pour déterminer sa politique de prix pendant cette période.

322    Primo, il y a lieu de rejeter l’argument des requérantes selon lequel Telefónica n’aurait pas pu prévoir que la Commission adopterait une définition du marché différente de celle adoptée par les autorités espagnoles.

323    En effet, en tant qu’opérateur économique diligent, Telefónica aurait dû être familiarisée avec les principes régissant la définition des marchés dans les affaires de concurrence et, le cas échéant, recourir à des conseils éclairés pour évaluer, à un degré raisonnable dans les circonstances de la cause, les conséquences pouvant résulter d’un acte déterminé. Il en va spécialement ainsi des professionnels, habitués à devoir faire preuve d’une grande prudence dans l’exercice de leur métier. Aussi peut-on attendre d’eux qu’ils mettent un soin particulier à évaluer les risques qu’il comporte (voir, en ce sens, arrêt Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 59 supra, point 219).

324    En outre, il ne saurait faire de doute, pour un opérateur économique avisé, que la possession de parts de marché importantes, si elle n’est pas nécessairement et dans tous les cas le seul indice déterminant de l’existence d’une position dominante, a cependant une importance considérable qui doit nécessairement être prise en considération par lui en ce qui concerne son comportement éventuel sur le marché (arrêt Hoffmann-La Roche/Commission, point 76 supra, point 133).

325    À cet égard, ainsi que la Commission l’a relevé à juste titre au considérant 721 de la décision attaquée, Telefónica, opérateur historique et propriétaire de la seule infrastructure significative pour la fourniture des produits de gros régional et national, ne pouvait ignorer qu’elle détenait une position dominante sur les marchés pertinents. Partant, l’importance des parts de marché détenues par Telefónica (voir points 153 et 159 ci-dessus) sur les marchés de gros national et régional implique que sa conviction qu’elle n’occupait pas une position dominante sur ces marchés ne pouvait être que le fruit soit d’un examen insuffisant de la structure des marchés sur lesquels elle opérait, soit d’un refus de prendre ces structures en considération (voir, en ce sens, arrêt Hoffmann-La Roche/Commission, point 76 supra, point 139). L’argument selon lequel Telefónica n’aurait pas pu prévoir que la Commission adopterait une définition du marché différente de celle adoptée par les autorités espagnoles, ne saurait dès lors prospérer.

326    Eu égard aux développements qui précèdent, et au fait qu’il a été relevé aux points 110 à 144 ci-dessus, que c’est à bon droit que la Commission a considéré que la boucle locale, le produit de gros national et le produit de gros régional n’appartenaient pas au même marché de produits, les arguments des requérantes selon lesquels les décisions adoptées par les autorités de régulation nationale en France et au Royaume-Uni concluant que les produits de gros national et régional n’étaient pas substituables ne leur auraient pas permis de prévoir les définitions de marché qui seraient adoptées en l’espèce ne sauraient être retenus. Il en est de même de l’argument des requérantes tiré de l’appréciation qui aurait été formulée par la CMT dans sa décision du 6 avril 2006, selon laquelle les produits de gros national et régional appartiendraient au même marché en cause, lequel a d’ailleurs été expressément rejeté au point 142 ci-dessus.

327    Secundo, l’argument des requérantes selon lequel, contrairement à ce qui figure au considérant 724 de la décision attaquée, Telefónica n’aurait pas disposé d’une marge de manœuvre suffisante pour fixer sa politique de prix, en raison de la régulation sectorielle applicable, ne saurait davantage être accueilli.

328    Il y a lieu de rappeler que l’article 82 CE ne vise que des comportements anticoncurrentiels qui ont été adoptés par les entreprises de leur propre initiative. Si un comportement anticoncurrentiel est imposé aux entreprises par une législation nationale ou si celle-ci crée un cadre juridique qui lui-même élimine toute possibilité de comportement concurrentiel de leur part, l’article 82 CE n’est pas d’application. Dans une telle situation, la restriction de concurrence ne trouve pas sa cause, ainsi que l’implique cette disposition, dans des comportements autonomes des entreprises (voir arrêt TeliaSonera, point 146 supra, point 49, et la jurisprudence citée).

329    En revanche, l’article 82 CE peut s’appliquer s’il s’avère que la législation nationale laisse subsister la possibilité d’une concurrence susceptible d’être empêchée, restreinte ou faussée par des comportements autonomes des entreprises (voir arrêt TeliaSonera, point 146 supra, point 50, et la jurisprudence citée).

330    Ainsi, la Cour a précisé que, nonobstant la présence d’une telle législation, si une entreprise en position dominante verticalement intégrée dispose d’une marge de manœuvre pour modifier même seulement ses prix de détail, la compression des marges peut, pour ce seul motif, lui être imputée (arrêts du 14 octobre 2010, Deutsche Telekom/Commission, point 170 supra, point 85, et TeliaSonera, point 146 supra, point 51).

331    En l’espèce, il convient tout d’abord de relever que, s’agissant du produit de gros national, les requérantes ne contestent pas la constatation faite aux considérants 109 à 110 et 671 de la décision attaquée selon laquelle, d’une part, les prix du produit de gros national n’ont jamais été régulés pendant la période infractionnelle et, d’autre part, Telefónica a eu la liberté, depuis septembre 2001, de réduire ceux-ci.

332    Ensuite, s’agissant du produit de gros régional, les requérantes font valoir que les prix imposés par la CMT en application du mécanisme « retail minus » auraient de facto été des prix fixes, à tout le moins entre les mois de mars 2004 et décembre 2006.

333    Il y a lieu de rappeler que, ainsi qu’il ressort du considérant 113 de la décision attaquée, une ordonnance du 29 décembre 2000 du ministère de la Présidence espagnol a établi le caractère maximal des prix pour le produit de gros régional. Par ailleurs, ainsi qu’il ressort du dossier, la CMT, par lettre du 2 février 2005, a explicitement confirmé que les prix du produit de gros régional étaient des prix maximaux et que Telefónica était libre de demander une réduction de ses prix (voir également considérants 116 à 118 et 673 de la décision attaquée).

334    À cet égard, l’argument des requérantes, tiré, d’une part, de la décision de la CMT du 31 mars 2004, dans laquelle cette dernière aurait affirmé qu’il serait raisonnable que le prix du produit de gros régional soit de nature à contribuer à maintenir les investissements des câblo-opérateurs et que le prix du produit de gros régional devrait être fixé à partir d’un montant absolu calculé selon la méthode « retail minus », en sorte que « la CMT n’aurait jamais autorisé une baisse du prix du produit [de gros] régional, étant donné que cela aurait mis en danger la viabilité du câble » et, d’autre part, des décisions de la CMT du 29 avril 2002 et du 22 juillet 2004, dans lesquelles la CMT se serait déclarée opposée à de fortes réductions des prix de gros afin d’éviter de décourager les investissements en infrastructures et l’innovation, est fondé sur la prémisse hypothétique selon laquelle la CMT n’aurait jamais autorisé une diminution du prix des produits de gros. Il doit donc être rejeté.

335    En tout état de cause, un tel argument est contredit par le fait que les prix du produit de gros régional ont été réduits par la CMT de sa propre initiative, alors même que Telefónica n’avait proposé aucune modification de ses prix, par décisions du 22 juillet 2004 [décision de la CMT du 22 juillet 2004 sur la demande de modification de l’offre d’accès à la boucle locale (OBA) de TESAU pour l’adapter à la modification des vitesses ADSL au niveau de détail] et du 19 mai 2005 [décision de la CMT du 19 mai 2005 sur la demande de modification de l’offre d’accès à la boucle locale (OBA) de TESAU pour l’adapter à l’augmentation des vitesses ADSL au niveau de détail]. L’argument, avancé par les requérantes dans leur réplique, selon lequel lesdites décisions démontrent que la réduction des prix du produit de gros régional nécessitait l’intervention de la CMT et ne pouvait être librement décidée par Telefónica doit également être rejeté, dès lors qu’il appartenait à Telefónica, dans le cadre de la responsabilité particulière lui incombant en tant qu’entreprise occupant une position dominante sur le marché du produit de gros régional, de présenter à la CMT des demandes de modification de ses tarifs lorsque ceux-ci avaient pour effet de porter atteinte à une concurrence effective et non faussée dans le marché commun (voir, en ce sens, arrêt du 10 avril 2008, Deutsche Telekom/Commission, point 69 supra, point 122).

336    Enfin, s’agissant des prix de détail de Telefónica, il y a lieu de relever, à l’instar de la Commission, que les requérantes ne contestent pas l’affirmation de la Commission, figurant au considérant 724 de la décision attaquée, selon laquelle Telefónica était libre d’augmenter ses prix de détail à tout moment. Elles ne contestent pas non plus les constatations figurant aux considérants 104 à 108 de la décision attaquée, selon lesquelles alors que les prix de détail de TESAU ont fait l’objet d’un régime d’autorisation administrative par la Comisión Delegada del Gobierno para Asuntos Económicos (commission déléguée aux affaires économiques espagnole, ci-après la « CDGAE ») du 3 août 2001 au 1er novembre 2003, les prix de détail des autres filiales de Telefónica n’ont été soumis à aucune régulation, selon lesquelles les prix de détail approuvés le 3 août 2001 par la CDGAE comme constituant des prix fixes ont été proposés par TESAU et selon lesquelles les prix de détail des services d’accès ADSL de TESAU ont été libéralisés par une décision de la CDGAE du 25 septembre 2003, mettant un terme au régime d’autorisation administrative pour les prix de détail des services d’accès ADSL de TESAU, tout en maintenant l’obligation pour cette dernière de communiquer toute modification desdits prix dix jours avant leur introduction sur le marché. Il doit donc être considéré que Telefónica avait la possibilité d’augmenter ses prix de détail, ce qu’elle n’a pas fait.

337    Les requérantes font valoir à cet égard que le raisonnement de la Commission est entaché d’une contradiction, dès lors qu’elle ne pourrait, d’une part, faire grief à Telefónica d’avoir mis en œuvre des pratiques de ciseau tarifaire ayant entraîné en Espagne des prix de détail beaucoup plus élevés que dans les autres pays européens et, d’autre part, faire grief à Telefónica de ne pas avoir augmenté ses prix de détail afin d’éviter un ciseau tarifaire. Un tel argument doit être rejeté. En effet, le juge de l’Union a déjà considéré, par le passé, qu’il pouvait être nécessaire d’augmenter les tarifs de produits de détail afin d’éviter un effet de ciseau tarifaire (arrêt du 10 avril 2008, Deutsche Telekom/Commission, point 69 supra, points 141 à 151 ; voir, également, arrêt du 14 octobre 2010, Deutsche Telekom/Commission, point 170 supra, points 88 et 89).

338    Tertio, il y a lieu de rejeter l’argument des requérantes selon lequel Telefónica ne pouvait raisonnablement prévoir que sa politique de prix, préalablement approuvée par la CMT, serait susceptible de constituer une infraction à l’article 82 CE.

339    Tout d’abord, il convient de rappeler que le fait que la décision attaquée concerne des produits et des services réglementés n’est pas pertinent. En effet, en l’absence de dérogation expresse en ce sens, le droit de la concurrence est applicable aux secteurs réglementés (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 16 décembre 1975, Suiker Unie e.a./Commission, 40/73 à 48/73, 50/73, 54/73 à 56/73, 111/73, 113/73 et 114/73, Rec. p. 1663, points 65 à 72, et du 11 avril 1989, Saeed Flugreisen et Silver Line Reisebüro, 66/86, Rec. p. 803). Ainsi, l’applicabilité des règles de concurrence n’est pas exclue, dès lors que les dispositions sectorielles concernées laissent subsister la possibilité d’une concurrence susceptible d’être empêchée, restreinte ou faussée par des comportements autonomes des entreprises (voir arrêt de la Cour du 11 novembre 1997, Commission et France/Ladbroke Racing, C‑359/95 P et C‑379/95 P, Rec. p. I‑6265, points 33 et 34, et la jurisprudence citée), ce qui était le cas en l’espèce (voir points 327 à 337 ci-dessus).

340    Ainsi qu’il a été relevé au point 299 ci-dessus, Telefónica ne pouvait donc ignorer que le respect de la réglementation espagnole en matière de télécommunications ne la prémunissait pas contre une intervention de la Commission sur le fondement de l’article 82 CE.

341    Ensuite, si, certes, par décision du 26 juillet 2001, la CMT a estimé que les prix du produit de gros régional de Telefónica seraient fixés sur la base d’un système de prix « retail minus », en vertu duquel le prix de chaque modalité du produit de gros régional n’est pas supérieur à un pourcentage donné de la redevance mensuelle correspondant au prix de détail de TESAU (considérants 114, 290 et note en bas de page 258 de la décision attaquée), les requérantes ne contestent pas que la CMT n’a pas examiné l’existence d’un ciseau tarifaire entre le produit de gros régional de Telefónica et ses produits de détail sur la base des coûts historiques réels de cette dernière, mais sur la base d’estimations ex ante. Elles ne contestent pas non plus que la CMT n’a jamais analysé l’existence éventuelle d’un ciseau tarifaire entre le produit de gros national de Telefónica et ses produits de détail. Or, ainsi que la Commission l’a indiqué aux considérants 725 à 728 de la décision attaquée, Telefónica, qui possédait des informations détaillées sur ses coûts réels et ses revenus, ne pouvait ignorer que les estimations réalisées ex ante par la CMT n’avaient pas été confirmées dans la réalité par les développements du marché, qu’elle était en position d’observer.

342    Eu égard aux développements qui précèdent, il y a lieu de rejeter l’ensemble des arguments des requérantes visant à démontrer que Telefónica n’était pas raisonnablement en mesure de prévoir le caractère anticoncurrentiel de son comportement.

343    Deuxièmement, les requérantes font valoir que Telefónica pouvait avoir une confiance légitime dans les actions et les décisions de la CMT. Elles soutiennent également que les divergences entre les coûts réels ex post et les estimations utilisées par la CMT dans son examen ex ante de l’existence d’un ciseau tarifaire, soulignées par la Commission aux considérants 728 et 729 de la décision attaquée (voir également le tableau 59 de la décision attaquée), n’auraient pas été suffisamment évidentes pour que Telefónica ait pu douter de l’intervention de la CMT.

344    Il y a lieu de rejeter l’argument des requérantes selon lequel Telefónica ne pouvait mettre en doute le bien-fondé de la méthode utilisée par la CMT pour déterminer l’existence d’un ciseau tarifaire, ni la pertinence des demandes de renseignements de la CMT, au vu de l’absence d’intervention de la Commission à l’égard de l’action du régulateur espagnol.

345    En effet, un tel argument est fondé sur la prémisse erronée selon laquelle la Commission aurait considéré que la méthode utilisée par la CMT pour déterminer l’existence d’un ciseau tarifaire serait inappropriée, l’action réglementaire de la CMT n’étant pas l’objet de la décision attaquée. Au contraire, ainsi que la Commission l’a souligné au considérant 733 de la décision attaquée, la méthode utilisée pour établir l’existence d’un ciseau tarifaire dans la décision attaquée n’est pas en contradiction avec la méthode « retail minus » utilisée par la CMT.

346    L’absence d’intervention de la Commission à l’égard du régulateur espagnol ne pouvait donc donner à Telefónica aucune confiance légitime dans le fait qu’elle ne commettait pas une violation de l’article 82 CE.

347    S’agissant de l’argument selon lequel, eu égard à l’intervention de la CMT, Telefónica pouvait avoir une confiance légitime dans le fait que la relation entre ses prix de gros et ses prix de détail n’entraînait pas d’effet de ciseau tarifaire, tout d’abord, il convient de relever que les requérantes ne contestent pas les constatations figurant au considérant 726 de la décision attaquée, selon lesquelles, d’une part, la CMT n’a jamais analysé l’existence d’un ciseau tarifaire entre le produit de gros national et le produit de détail de Telefónica durant la période concernée et, d’autre part, le produit de gros national avait une importance plus grande que le produit de gros régional au cours de ladite période.

348    Ensuite, s’agissant du produit de gros régional, si, certes, la CMT a analysé l’existence d’un effet de ciseau tarifaire résultant des tarifs de Telefónica relatifs au produit de gros régional dans plusieurs décisions prises au cours de la période infractionnelle, celle-ci n’a jamais analysé l’existence d’un tel effet sur la base des coûts historiques réels de Telefónica.

349    À cet égard, l’argument des requérantes selon lequel les divergences entre les coûts réels ex post et les estimations ex ante utilisées par la CMT n’auraient pas été suffisamment claires pour inciter Telefónica à mettre en doute le bien-fondé de l’action de la CMT doit être rejeté. En effet, pour soutenir celui-ci, les requérantes soutiennent, dans leur requête, que les prétendues incohérences entre les informations fournies par Telefónica à la CMT et celles contenues dans ses plans d’affaires ou ses tableaux de bord résulteraient d’une mauvaise interprétation par la Commission des informations mises à sa disposition concernant les prévisions de la demande et qui sont relatives aux coûts portant sur un réseau de [confidentiel] lignes ADSL. Or, même à supposer qu’un tel argument soit fondé, il n’est pas à lui seul de nature à remettre en cause l’ensemble des éléments de preuve, figurant notamment au tableau 59 de la décision attaquée, établissant que Telefónica ne pouvait pas ne pas savoir que les coûts utilisés dans le modèle « retail minus » de la CMT ne correspondaient pas à la réalité. Au contraire, les autres arguments des requérantes selon lesquels, d’une part, le consultant ARCOME n’aurait pas utilisé les informations fournies par Telefónica, mais aurait fait usage, comme référence pour élaborer le modèle « retail minus », d’un réseau de plus de [confidentiel] lignes ADSL et, d’autre part, la CMT n’aurait pas utilisé la comptabilité des coûts de Telefónica, considérant qu’elle n’avait pas été établie de manière suffisamment détaillée, tendent à confirmer que Telefónica savait, ou aurait dû savoir, que les coûts utilisés dans le modèle « retail minus » de la CMT ne correspondaient pas aux coûts réels.

350    En outre, il convient de rejeter les arguments des requérantes selon lesquels il ne ressortirait ni des plans d’affaires ni des tableaux de bord que Telefónica accusait des pertes sur le marché de détail. Primo, les requérantes font valoir que, [confidentiel]. Toutefois, un tel argument n’est nullement étayé. Secundo, les requérantes affirment que le plan d’affaires du 18 avril 2002 ne permettrait pas de tirer une telle conclusion, étant donné que [confidentiel]. Toutefois, il ressort des prévisions figurant dans ce document que [confidentiel]. Leur argument ne saurait donc prospérer. Tertio, s’agissant des tableaux de bord de Telefónica, les requérantes affirment elles-mêmes que ces documents, qui contiennent des informations mensuelles sur les recettes et les dépenses, permettent de garantir le déroulement correct du plan d’affaires et l’évolution de l’activité. Dès lors que le plan d’affaires prévoyait que [confidentiel], il incombait aux requérantes de s’assurer que [confidentiel].

351    Enfin, ainsi que le relève la Commission, Telefónica ne conteste pas que les coûts incrémentaux réels d’infrastructure, de réseau et d’accès aient été beaucoup plus importants que ceux qui figurent dans le modèle « retail minus » de la CMT. Ces coûts réels ayant figuré dans différents documents internes de Telefónica, cette dernière ne pouvait ignorer que le modèle de la CMT sous-estimait ses coûts réels.

352    Eu égard aux développements qui précèdent, il y a lieu de conclure que les actions et les décisions de la CMT n’ont pas pu fonder une confiance légitime chez les requérantes de ce que ses pratiques tarifaires étaient conformes à l’article 82 CE. Par suite, le premier grief, tiré de l’absence d’infraction commise de propos délibéré ou par négligence, doit donc être rejeté.

353    En second lieu, les requérantes font grief à la Commission de n’avoir indiqué, dans la décision attaquée, aucun fondement matériel ou juridique permettant de considérer que l’infraction constitue un « abus caractérisé », pour lequel il existerait des précédents (considérants 731 à 736 de la décision attaquée).

354    À titre liminaire, il convient de souligner que, ainsi qu’il résulte des points 319 à 352 ci-dessus, c’est à bon droit que la Commission a considéré que l’infraction constatée dans la décision attaquée avait été commise de propos délibéré ou par négligence. Or, ainsi qu’il a été rappelé au point 319 ci-dessus, une telle infraction est susceptible d’être sanctionnée par une amende en vertu de l’article 15, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement no 17 et, depuis le 1er mai 2004, de l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 1/2003.

355    Dans le cadre du présent grief, les requérantes font toutefois valoir que le principe de sécurité juridique s’oppose à ce que la Commission impose une amende pour des comportements anticoncurrentiels lorsque le caractère illégal desdits comportements ne découlerait pas de précédents clairs et prévisibles. À cet égard, le raisonnement de la Commission, figurant aux considérants 731 à 736 de la décision attaquée, serait vicié par des erreurs en fait et des erreurs d’appréciation des faits.

356    Premièrement, les requérantes font valoir que le ciseau tarifaire imputé à Telefónica en l’espèce n’est pas fondé sur des précédents clairs.

357    Tout d’abord, il convient de rejeter l’argument des requérantes, tiré de la pratique décisionnelle de la Commission en vertu de laquelle l’absence de précédents clairs établissant le caractère illégal d’un comportement pourrait justifier de ne pas imposer d’amende. Il y a lieu à cet égard de rappeler que la décision de la Commission de ne pas imposer une amende dans certaines décisions en raison de la nature relativement nouvelle des infractions constatées n’octroie pas une « immunité » aux entreprises commettant ultérieurement le même type d’infractions. En effet, c’est dans le cadre particulier de chaque affaire que la Commission, dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation, décide de l’opportunité d’infliger une amende afin de sanctionner l’infraction constatée et de préserver l’efficacité du droit de la concurrence (arrêt du Tribunal du 22 octobre 1997, SCK et FNK/Commission, T‑213/95 et T‑18/96, Rec. p. II‑1739, point 239).

358    Ensuite, il y a lieu de rejeter l’argument tiré de la prétendue contradiction dans le raisonnement de la Commission entre, d’une part, l’affirmation, figurant au considérant 733 de la décision attaquée, selon laquelle le calcul du ciseau tarifaire en l’espèce découle clairement de décisions et de la jurisprudence antérieures à l’adoption de la décision Deutsche Telekom et, d’autre part, l’affirmation, figurant au considérant 744 de la décision attaquée, selon laquelle la méthode de calcul appliquée dans la décision Deutsche Telekom n’aurait été utilisée auparavant dans aucune décision formelle de la Commission.

359    En effet, c’est à juste titre que la Commission fait valoir, en substance, qu’il ressort du considérant 206 de la décision Deutsche Telekom que la méthode de calcul appliquée par ladite décision, à laquelle se réfère le considérant 744 de la décision attaquée, résulte de sa pratique décisionnelle antérieure, même si, il est vrai, elle intègre un élément nouveau, à savoir l’utilisation d’une approche pondérée. Ledit considérant dispose ainsi que « la méthode pour déterminer l’effet de ciseau fait partie de la pratique décisionnelle établie par la Commission et l’élément nouveau est l’approche pondérée qui a du être utilisée dans le cas présent pour prendre en compte le fait que, en Allemagne, un seul tarif de gros pour le dégroupage de la boucle locale a été fixé tandis que les tarifs pour les services de détail correspondants diffèrent entre lignes analogiques, les lignes ISDN et les lignes ADSL ».

360    En outre, s’agissant de l’affirmation des requérantes selon laquelle les précédents cités par la Commission au considérant 733 de la décision attaquée seraient trop généraux et imprécis pour permettre à Telefónica de prévoir que son comportement était susceptible d’avoir un caractère illégal, il y a lieu de relever, indépendamment de la pertinence de l’arrêt Industrie des poudres sphériques/Commission, point 186 supra, dans le cadre de la présente affaire, que, dans sa décision 88/518/CEE du 18 juillet 1988 relative à une procédure d’application de l’article [82 CE] (IV/30.178 — Napier Brown — British Sugar) (JO L 284, p. 41), la Commission avait déjà estimé, au considérant 66, que « [l]e maintien, par une entreprise dominante, qui est dominante aussi bien sur le marché de la matière première que sur celui d’un produit dérivé, d’une marge entre le prix qu’elle facture pour la matière première aux entreprises qui la concurrencent sur le marché du produit dérivé et le prix qu’elle facture pour le produit dérivé trop étroite pour refléter le coût de transformation de l’entreprise dominante elle-même […], avec pour effet de restreindre la concurrence sur le produit dérivé, constitue un abus de position dominante ».

361    Enfin, ainsi que la Commission l’a relevé au considérant 735 de la décision attaquée, la décision Deutsche Telekom constitue également un précédent qui clarifie les conditions d’application de l’article 82 CE au regard d’une activité économique soumise à une régulation sectorielle ex ante spécifique. Les arguments des requérantes visant à démontrer que cette décision n’aurait pas permis à Telefónica de déterminer avec précision les conditions dans lesquelles la Commission et le juge de l’Union considéraient que l’existence d’une compression des marges pouvait constituer une violation de l’article 82 CE ne sauraient à cet égard être accueillis. Primo, il y a lieu de rejeter l’argument selon lequel la décision Deutsche Telekom aurait fait l’objet d’un recours pendant devant le juge de l’Union, dès lors que la présomption de légalité des actes des institutions de l’Union implique que ceux-ci produisent des effets juridiques aussi longtemps qu’ils n’ont pas été retirés, annulés dans le cadre d’un recours en annulation ou déclarés invalides à la suite d’un renvoi préjudiciel ou d’une exception d’illégalité (voir arrêt de la Cour du 5 octobre 2004, Commission/Grèce, C‑475/01, Rec. p. I‑8923, point 18, et la jurisprudence citée). Secundo, l’absence de prévisibilité de la définition des marchés de produits doit être rejetée pour les motifs exposés au point 323 ci-dessus. Tertio, s’agissant de l’argument tiré du fait que le marché aurait été en forte croissance, il suffit de rappeler qu’une telle circonstance ne saurait exclure l’application des règles de concurrence, et notamment celles de l’article 82 CE (arrêt du 30 janvier 2007, France Télécom/Commission, point 60 supra, point 107). Quarto, s’agissant du fait que la présente affaire concernerait un intrant non essentiel, il suffit de rappeler que la constatation de l’existence d’un effet de ciseau ne requiert pas que le produit de gros concerné soit indispensable (voir points 180 à 182 ci-dessus). Quinto, l’argument tiré du caractère strict du contrôle sectoriel en Espagne ne saurait non plus être retenu, pour les motifs exposés aux points 339 à 342 ci-dessus.

362    Il s’ensuit que Telefónica ne pouvait ignorer que sa conduite était susceptible de restreindre la concurrence. En outre, les requérantes ne sauraient affirmer que, même après la communication des griefs, elles n’auraient pas été en mesure de prédire le modèle de coûts et de recettes que la Commission adopterait dans la décision attaquée en raison du fait que celui-ci reposerait sur des éléments de preuve supplémentaires qui n’auraient été mentionnés ni dans celle-ci ni dans la lettre factuelle. En effet, comme il a déjà été indiqué dans le cadre de l’examen du premier moyen des conclusions principales des requérantes, aucune violation de leurs droits de la défense n’a été constatée à cet égard.

363    Deuxièmement, les requérantes avancent que Telefónica n’aurait jamais pu prévoir, ni avant ni après octobre 2003, date de publication de la décision Deutsche Telekom, la méthodologie nouvelle utilisée par la Commission dans sa décision pour déterminer l’existence d’un ciseau tarifaire.

364    À cet égard, primo, il convient de rejeter les arguments des requérantes selon lesquels Telefónica n’aurait pas pu prévoir les sources, la méthode et les calculs utilisés par la Commission dans la décision attaquée. En effet, les sources utilisées dans le cadre du calcul du ciseau tarifaire sont les recettes et les coûts historiques de Telefónica, qui proviennent des requérantes elles-mêmes. En outre, eu égard aux précédents décisionnels mentionnés aux points 360 et 361 ci-dessus, Telefónica était raisonnablement en mesure de prévoir que son comportement sur le marché était susceptible de restreindre la concurrence.

365    Secundo, l’argument selon lequel la définition des marchés concernés, par la Commission, dans la décision attaquée, n’a pas été prévisible pour Telefónica a déjà été rejeté aux points 323 à 326 ci-dessus.

366    Tertio, quant à l’argument selon lequel le test du ciseau tarifaire a été appliqué pour la première fois dans la décision attaquée à un marché en forte croissance, il a été rappelé au point 361 ci-dessus que la circonstance qu’un marché soit en forte croissance ne saurait exclure l’application des règles de concurrence.

367    Quarto, les arguments tirés de la nécessité de démontrer le caractère indispensable du produit en amont dans le cadre du test du ciseau tarifaire ont été écartés au point 182 ci-dessus.

368    Quinto, l’allégation des requérantes selon laquelle la réglementation espagnole aurait été plus stricte au cours de la période infractionnelle que la réglementation examinée dans la décision Deutsche Telekom est sans pertinence et n’est en tout état de cause pas fondée, ainsi qu’il ressort du considérant 748 de la décision attaquée.

369    Le second grief du premier moyen doit donc être rejeté ainsi que ledit moyen dans son ensemble.

b)     Sur le second moyen, pris d’erreurs de fait et de droit et d’une violation des principes de proportionnalité, d’égalité de traitement, d’individualisation des peines ainsi que de l’obligation de motivation, lors de la détermination du montant de l’amende

370    Le second moyen comporte cinq branches. La première branche est prise d’erreurs de fait et de droit ainsi que d’une méconnaissance de l’obligation de motivation, en ce qui concerne la qualification de l’infraction de « très grave » et la fixation du montant de départ de l’amende à 90 millions d’euros. La deuxième branche est tirée d’une violation des principes de proportionnalité, d’égalité de traitement et d’individualisation des peines ainsi que de l’obligation de motivation, dans la fixation du montant de départ de l’amende à 90 millions d’euros. La troisième branche est tirée d’erreurs de fait et de droit ainsi que d’un défaut de motivation, commis dans la majoration du montant de départ de l’amende afin de garantir un effet dissuasif. La quatrième branche est tirée d’erreurs de fait et de droit commises dans la qualification de l’infraction de « longue durée ». La cinquième branche est tirée d’erreurs de fait et de droit commises dans la prise en compte de circonstances atténuantes.

 Sur la première branche du second moyen, tirée d’erreurs de fait et de droit ainsi que d’une méconnaissance de l’obligation de motivation en ce qui concerne la qualification de l’infraction de « très grave » et la fixation du montant de départ de l’amende à 90 millions d’euros

371    Par la première branche du second moyen de leurs conclusions subsidiaires, les requérantes contestent la gravité de l’infraction constatée dans la décision attaquée et, par voie de conséquence, la fixation du montant de départ de l’amende qui a été infligée à Telefónica (voir points 25 à 29 ci-dessus).

372    À titre liminaire, il convient de rappeler qu’il résulte d’une jurisprudence constante que la Commission bénéficie d’un large pouvoir d’appréciation pour ce qui est de la méthode de calcul des amendes. Cette méthode, circonscrite par les lignes directrices de 1998, comporte différents éléments de flexibilité permettant à la Commission d’exercer son pouvoir d’appréciation en conformité avec les dispositions de l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 1/2003 (voir, en ce sens, arrêt Papierfabrik August Koehler/Commission, point 76 supra, point 112, et la jurisprudence citée).

373    La gravité des infractions au droit de la concurrence de l’Union doit être établie en fonction d’un grand nombre d’éléments, tels que, notamment, les circonstances particulières de l’affaire, son contexte et la portée dissuasive des amendes, et ce sans qu’ait été établie une liste contraignante ou exhaustive de critères devant obligatoirement être prise en compte (arrêts de la Cour du 19 mars 2009, Archer Daniels Midland/Commission, C‑510/06 P, Rec. p. I‑1843, point 72, et Prym et Prym Consumer/Commission, point 83 supra, point 54).

374    Ainsi qu’il a été exposé au point 25 ci-dessus, la Commission a, en l’espèce, déterminé le montant des amendes en faisant application de la méthode définie dans les lignes directrices de 1998.

375    Si les lignes directrices de 1998 ne sauraient être qualifiées de règle de droit à l’observation de laquelle l’administration serait, en tout cas, tenue, elles énoncent toutefois une règle de conduite indicative de la pratique à suivre dont l’administration ne peut s’écarter, dans un cas particulier, sans donner des raisons qui soient compatibles avec le principe d’égalité de traitement (voir arrêt Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 59 supra, point 209, et la jurisprudence citée ; arrêt du Tribunal du 8 octobre 2008, Carbone-Lorraine/Commission, T‑73/04, Rec. p. II‑2661, point 70).

376    En adoptant de telles règles de conduite et en annonçant par leur publication qu’elle les appliquera dorénavant aux cas concernés par celles-ci, la Commission s’autolimite dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation et ne saurait se départir de ces règles sous peine de se voir sanctionner, le cas échéant, au titre d’une violation de principes généraux du droit, tels que l’égalité de traitement ou la protection de la confiance légitime (voir arrêt Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 59 supra, point 211, et la jurisprudence citée ; arrêt Carbone-Lorraine/Commission, point 375 supra, point 71).

377    En outre, les lignes directrices de 1998 déterminent, de manière générale et abstraite, la méthodologie que la Commission s’est imposée aux fins de la fixation du montant des amendes et assurent, par conséquent, la sécurité juridique des entreprises (arrêt Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 59 supra, points 211 et 213).

378    Il doit être rappelé que, s’agissant de l’appréciation de la gravité de l’infraction, les lignes directrices de 1998 indiquent, au point 1 A, premier et deuxième alinéas, ce qui suit :

« [L]’évaluation du caractère de gravité de l’infraction doit prendre en considération la nature propre de l’infraction, son impact concret sur le marché lorsqu’il est mesurable et l’étendue du marché géographique concerné. Les infractions seront ainsi classées en trois catégories permettant de distinguer les infractions peu graves, les infractions graves et les infractions très graves. »

379    Il ressort des lignes directrices de 1998 que les infractions peu graves pourront, par exemple, consister en des « restrictions, le plus souvent verticales, visant à limiter les échanges, mais dont l’impact sur le marché reste limité, ne concernant en outre qu’une partie substantielle, mais relativement étroite du marché communautaire » (point 1 A, deuxième alinéa, premier tiret). Quant aux infractions graves, la Commission précise qu’« il s’agira le plus souvent de restrictions horizontales ou verticales de même nature que dans le cas [des infractions peu graves], mais dont l’application est plus rigoureuse, dont l’impact sur le marché est plus large et qui peuvent produire leurs effets sur des zones étendues du marché commun ». Elle indique également qu’il pourrait « s’agir de comportements abusifs de position dominante » (point 1 A, deuxième alinéa, second tiret). S’agissant des infractions très graves, la Commission indique qu’il s’agit « pour l’essentiel de restrictions horizontales de type ‘cartels de prix’ et de quotas de répartition des marchés, ou autres pratiques portant atteinte au bon fonctionnement du marché intérieur, telles que celles visant à cloisonner les marchés nationaux ou d’abus caractérisés de position dominante d’entreprise en situation de quasi-monopole » (point 1 A, deuxième alinéa, troisième tiret).

380    La Commission précise également, d’une part, qu’à l’intérieur de chacune de ces catégories, et notamment pour les catégories dites graves et très graves, l’échelle des sanctions retenues permettra de différencier le traitement qu’il convient d’appliquer aux entreprises selon la nature des infractions commises et, d’autre part, qu’il est nécessaire de prendre en considération la capacité économique effective des auteurs d’infraction à créer un dommage important aux autres opérateurs, notamment aux consommateurs, et de déterminer le montant de l’amende à un niveau qui lui assure un caractère suffisamment dissuasif (point 1 A, troisième et quatrième alinéas).

381    Selon les lignes directrices de 1998, pour les infractions « très graves », le montant de départ envisageable des amendes va au-delà de 20 millions d’euros ; pour les infractions « graves », celui-ci peut varier entre 1 million et 20 millions d’euros ; enfin, pour les infractions « peu graves », le montant de départ envisageable des amendes est compris entre 1 000 et 1 million d’euros (point 1 A, deuxième alinéa, premier à troisième tiret).

382    En premier lieu, il y a lieu d’examiner les arguments des requérantes tendant à démontrer que la Commission n’aurait pas dû qualifier l’infraction de « très grave » et que, partant, le montant de départ de l’amende aurait dû être fixé à un niveau significativement inférieur à 90 millions d’euros.

383    À cet égard, premièrement, il y a lieu de rejeter l’argument selon lequel l’infraction constatée ne constituerait pas un abus caractérisé, pour les raisons exposées aux points 353 à 368 ci-dessus.

384    Deuxièmement, s’agissant des arguments des requérantes selon lesquels Telefónica ne serait pas en situation de monopole virtuel sur les marchés de gros, il a déjà été rappelé, au point 155 ci-dessus, que Telefónica ne conteste pas avoir été le seul opérateur à fournir le produit de gros régional en Espagne depuis 1999, disposant, partant, sur ce marché d’un monopole de fait. En outre, ainsi qu’il a été relevé au point 163 ci-dessus, s’agissant du produit de gros national, la part de marché de Telefónica a été supérieure à 84 % pendant toute la durée de l’infraction. L’argument des requérantes selon lequel l’existence d’un quasi-monopole est exclue lorsque les produits concernés par l’infraction ne sont pas des « infrastructures essentielles » ou font l’objet d’une régulation sectorielle ne trouve pas de fondement dans les lignes directrices de 1998, ni dans la jurisprudence, et ne saurait être accepté.

385    Troisièmement, l’argument tiré des prétendues contradictions entre les considérants 744 et 746 de la décision attaquée (ce dernier opérant un renvoi au considérant 733 de celle-ci) doit être rejeté pour les motifs déjà exposés aux points 358 et 359 ci-dessus. Ainsi, la méthode de calcul appliquée dans la décision Deutsche Telekom, à laquelle se réfère le considérant 744 de la décision attaquée, résulte de la pratique décisionnelle antérieure de la Commission, même si, il est vrai, elle intègre un élément nouveau, à savoir l’utilisation d’une approche pondérée.

386    Quatrièmement, si les requérantes soutiennent que Telefónica, même après la publication le 14 octobre 2003 de la décision Deutsche Telekom dans le Journal officiel de l’Union européenne, n’avait aucune raison de penser que son comportement était susceptible de constituer une violation de l’article 82 CE, dans la mesure où sa situation serait nettement différente de la situation analysée dans cette affaire, un tel argument ne saurait être accueilli, pour les motifs exposés au point 361 ci-dessus. S’agissant de l’argument des requérantes, fondé sur la pratique décisionnelle de la Commission, selon lequel l’infraction aurait dû être qualifiée de « grave », à tout le moins avant 2003, il doit être rejeté, dès lors que, ainsi qu’il ressort d’une jurisprudence constante, la pratique décisionnelle de la Commission ne saurait servir de cadre juridique aux amendes en matière de concurrence, lequel est uniquement constitué par le règlement no 17 et, depuis le 1er mai 2004, par le règlement no 1/2003. Les décisions concernant d’autres affaires ne revêtent qu’un caractère indicatif en ce qui concerne l’existence éventuelle d’une discrimination, étant donné qu’il est peu vraisemblable que les circonstances propres à celles-ci, telles que les marchés, les produits, les pays, les entreprises et les périodes concernés, soient identiques (voir arrêt de la Cour du 7 juin 2007, Britannia Alloys & Chemicals/Commission, C‑76/06 P, Rec. p. I‑4405, point 60, et la jurisprudence citée). Les autres arguments avancés par les requérantes pour démontrer que Telefónica ne pouvait prévoir que son comportement était susceptible de constituer une violation de l’article 82 CE ont par ailleurs été rejetés aux points 322 à 352 ci-dessus.

387    Eu égard aux développements qui précèdent, le premier grief des requérantes, tel qu’exposé au point 382 ci-dessus, ne saurait prospérer.

388    En deuxième lieu, les requérantes font valoir que le montant de départ de l’amende est excessif compte tenu de l’absence d’impact concret, ou de l’impact limité, des pratiques litigieuses.

389    Il y a lieu de rappeler que, conformément au point 1 A, premier alinéa, des lignes directrices de 1998, la Commission doit, dans le cadre de l’appréciation de la gravité de l’infraction, procéder à un examen de l’impact concret sur le marché uniquement lorsqu’il apparaît que cet impact est mesurable (voir, en ce sens, arrêt Prym et Prym Consumer/Commission, point 83 supra, point 74, et la jurisprudence citée).

390    En outre, dès lors que la Commission estime opportun, aux fins du calcul de l’amende, de tenir compte de cet élément facultatif qu’est l’impact concret de l’infraction sur le marché, elle ne peut se limiter à fournir une simple présomption, mais doit apporter des indices concrets, crédibles et suffisants permettant d’apprécier l’influence effective que l’infraction a pu avoir au regard de la concurrence sur ledit marché (arrêt Prym et Prym Consumer/Commission, point 83 supra, point 82).

391    En l’espèce, il ressort de la décision attaquée que la Commission a entendu tenir compte de cet élément facultatif qu’est l’impact concret de l’infraction, ce que, interrogée sur ce point, elle a expressément confirmé lors de l’audience. En effet, ainsi qu’il ressort des considérants 751 et 752 de la décision attaquée, la Commission a estimé que « l’impact de l’abus de Telefónica sur le marché [avait] été significatif ». Ainsi, elle indique, d’une part, que, lors de l’évaluation de la gravité de l’infraction, elle a tenu compte du fait que les marchés en cause étaient d’une valeur économique considérable et jouaient un rôle crucial dans la mise en place de la société de l’information et, d’autre part, en se référant à la section de la décision attaquée relative aux effets de l’abus, qu’elle a considéré que le ciseau tarifaire mis en œuvre par Telefónica avait eu un effet d’exclusion direct sur le marché de détail et que le fait que le comportement de Telefónica avait restreint la capacité des opérateurs ADSL à croître de manière soutenable sur le marché de détail semblait avoir été un facteur important dans le fait que les prix de détail en Espagne étaient parmi les plus élevés d’Europe.

392    Dès lors que la Commission, dans la décision attaquée, aux fins d’établir l’impact concret de l’infraction sur le marché, se fonde non seulement sur la valeur économique considérable et le rôle crucial des marchés concernés dans la mise en place de la société de l’information, mais également sur les effets de l’abus, il convient, dans le cadre du présent moyen, d’examiner les arguments des requérantes, soulevés dans le cadre de la seconde branche du cinquième moyen de leurs conclusions principales, visant à démontrer que la Commission n’a pas établi à suffisance de droit les effets concrets de l’abus de Telefónica.

393    S’agissant des prétendus effets concrets d’exclusion sur le marché de détail, dans la décision attaquée, la Commission a affirmé qu’il existait des preuves empiriques de ce que, primo, la croissance de Telefónica avait dépassé de loin celle de ses concurrents (considérants 567 à 570 de la décision attaquée), secundo, Telefónica était restée de loin le premier fournisseur ADSL sur le marché de détail de masse pendant toute la période de l’investigation (considérants 571 à 573 de la décision attaquée), tertio, contrairement à ses concurrents ADSL, Telefónica avait acquis une part du marché de détail à haut débit supérieure à celle qu’elle détenait pour les services à bas débit (considérants 574 à 578 de la décision attaquée), et quarto, le comportement de Telefónica avait limité la concurrence sur le marché de gros national (considérants 579 à 584 de la décision attaquée). La Commission affirme également que la concurrence limitée subsistant sur le marché de détail ne suffit pas pour infirmer le fait que le ciseau tarifaire a eu des effets concrets d’exclusion (considérants 585 à 591 de la décision attaquée).

394    Premièrement, selon les requérantes, la part de marché de Telefónica sur le marché de détail aurait sensiblement diminué pendant la période analysée, ce qui serait inconciliable avec le développement d’une stratégie d’exclusion. Le taux d’acquisition des clients pour les services de détail de Telefónica (considérants 568 à 570 de la décision attaquée) aurait toujours été inférieur à la part de Telefónica sur ce marché. En outre, les données sur lesquelles la Commission se fonde ne concerneraient que le segment de détail de l’ADSL et excluraient les produits basés sur d’autres produits à haut débit, lesquels feraient partie du marché de détail tel que défini dans la décision attaquée.

395    À cet égard, tout d’abord, il y a lieu de relever que les requérantes ne contestent pas les données présentées par la Commission aux considérants 568 à 570 de la décision attaquée. Selon celles-ci, Telefónica s’est développée à un rythme quatre fois plus rapide sur le marché de détail que tous ses concurrents ADSL pris dans leur ensemble et, respectivement, six et quatorze fois plus rapide que ses deux principaux concurrents entre janvier 2002 et octobre 2004. Par ailleurs, au cours du dernier trimestre de 2004 et du premier semestre de 2005, Telefónica a absorbé presque 70 % de la croissance du marché de l’ADSL. Enfin, le renforcement progressif des offres de détail des concurrents basées sur le dégroupage de la boucle locale n’a pas empêché Telefónica d’accaparer plus de 70 % des nouveaux abonnés sur le segment ADSL entre avril 2005 et juillet 2006.

396    Ensuite, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, il convient de souligner que la part de marché de Telefónica sur le segment ADSL du marché de détail est demeurée relativement stable au cours de la période infractionnelle (schéma 13 de la décision attaquée), celle-ci étant, après une diminution de [confidentiel] entre décembre 2001 et juillet 2002, passée de 58 % en juillet 2002 (soit six mois seulement après le début de la période infractionnelle) à 56 % à la fin de la période infractionnelle, en décembre 2006. Les requérantes ne sauraient dès lors soutenir que leur part de marché sur le segment ADSL de détail a diminué de manière sensible.

397    À cet égard, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, il ne saurait être reproché à la Commission d’avoir analysé plus particulièrement les effets du ciseau tarifaire sur le segment ADSL du marché de détail. En effet, ce segment représentait entre 72 et 78,7 % des lignes à haut débit en Espagne entre 2002 et 2006 (considérants 39, 555 et tableau 1 de la décision attaquée). Par ailleurs, il a été directement touché par le ciseau tarifaire, celui-ci s’étant exercé sur les produits de gros national et régional, qui permettaient aux opérateurs ADSL alternatifs de proposer leurs produits sur le marché de détail.

398    Enfin, ainsi qu’il a déjà été relevé au point 281 ci-dessus, la Commission a pris en considération l’existence des câblo-opérateurs. Elle a considéré que ceux-ci n’avaient pas été directement affectés par le ciseau tarifaire, et qu’ils n’avaient, par ailleurs, pas exercé de contrainte concurrentielle suffisante sur Telefónica sur le marché de détail (considérants 559 et 560 de la décision attaquée).

399    Deuxièmement, les requérantes font valoir que la Commission n’a pas étayé son affirmation selon laquelle le ciseau tarifaire aurait épuisé financièrement les concurrents de Telefónica (considérants 587 à 591 de la décision attaquée). Toutefois, cette affirmation ne visait qu’à réfuter l’argument de Telefónica, formulé dans sa réponse à la communication des griefs, selon lequel elle avait dû faire face à une intense concurrence de la part d’un nombre important de concurrents efficaces (considérant 585 de la décision attaquée), ce qui infirmait, selon elle, que le ciseau tarifaire avait eu des effets concrets d’exclusion. Or, dès lors que les requérantes ne contestent pas la constatation figurant au considérant 588 de la décision attaquée, selon laquelle aucun opérateur ADSL n’a atteint une part de marché supérieure à 1 % avant 2005, leur argument ne saurait prospérer. En outre, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, et ainsi que la Commission l’a relevé au considérant 590 de la décision attaquée, Jazztel n’a pas été capable d’atteindre une part de marché supérieure à 1 % sur la base des produits de gros national et régional de Telefónica. Enfin, s’agissant de l’argument des requérantes selon lequel les nombreuses acquisitions d’opérateurs alternatifs par d’autres opérateurs, à des valeurs élevées, refléteraient les perspectives élevées de croissance des opérateurs alternatifs, il ne démontre pas l’absence d’effets d’exclusion du comportement de Telefónica pendant la période infractionnelle. Au surplus, l’acquisition de Ya.com par France Telecom, à laquelle se réfèrent spécifiquement les requérantes, date de juin 2007. Elle est donc postérieure à ladite période.

400    Troisièmement, la Commission aurait dénaturé les données, de même que les taux de croissance sur le marché de détail, aux fins de démontrer que le comportement de Telefónica avait eu pour effet de restreindre la concurrence sur le marché de gros (considérants 579 à 584 de la décision attaquée). Interrogées lors de l’audience sur le sens et la portée de leur argumentation, les requérantes ont affirmé que celle-ci ne visait pas les taux de croissance sur le marché de détail. En revanche, la Commission ferait référence à des taux d’addition de lignes de gros, sans tenir compte de l’autoconsommation, qui serait réalisée par de nombreux opérateurs qui s’intègrent verticalement. Toutefois, cet argument, qui n’a pas été étayé, ne saurait être retenu, dès lors qu’il ressort de la note en bas de page no 654 de la décision attaquée, relative au schéma 18 sous le considérant 579 de la décision attaquée, que « [l]es gains nets sont calculés sur la base de l’évolution des lignes (y compris l’autoconsommation) sur le marché national de gros ». La Commission a dès lors effectivement tenu compte de ladite autoconsommation.

401    En tout état de cause, il convient de relever que, en dépit du fait que Telefónica aurait perdu quelques parts de marché au niveau du produit de gros national (schéma 18 de la décision attaquée), les requérantes ne contestent pas les constatations de la Commission selon lesquelles la croissance de Telefónica au niveau du produit de gros national entre janvier 2002 et octobre 2004 s’est développée à un rythme qui était six fois supérieur à celui de ses concurrents ADSL dans leur ensemble, dix fois supérieur à celui de principal concurrent ADSL ONO et 30 fois supérieur à celui de son deuxième concurrent ADSL France Telecom (considérant 580 de la décision attaquée). En outre, il ressort de la décision attaquée qu’à partir d’octobre 2004 Telefónica a continué à croître au niveau du produit de gros national à un rythme qui était trois fois supérieur à celui de ses concurrents ADSL dans leur ensemble, sept fois supérieur à celui du principal concurrent ADSL France Telecom et dix fois supérieur à celui de son deuxième concurrent ADSL Jazztel. Par ailleurs, Auna, qui était le principal concurrent de Telefónica sur le marché de gros national, a vu ses volumes diminuer pendant cette dernière période (considérant 581 de la décision attaquée). Or, la croissance de Telefónica sur le marché des lignes ADSL au niveau du produit de gros national et la diminution des volumes d’Auna sur le marché de gros national doivent être considérées comme des indices des effets concrets d’exclusion de ses concurrents.

402    Eu égard à ce qui précède, et sans qu’il y ait lieu de se prononcer sur les arguments des requérantes visant à contester la comparaison entre les services de bas débit et les services de haut débit, effectuée par la Commission aux considérants 574 à 578 de la décision attaquée, il doit être considéré que la Commission a produit suffisamment d’indices concrets, crédibles et suffisants aux fins d’établir que le comportement de Telefónica a eu des effets concrets d’exclusion sur le marché.

403    Quatrièmement, les requérantes contestent le prétendu préjudice subi par les consommateurs. Elles contestent la constatation de la Commission selon laquelle le comportement de Telefónica a porté les prix de détail à un niveau figurant parmi les plus élevés, voire au niveau le plus élevé, de l’Union, lorsque celle-ci était composée de quinze États membres, voire les a élevés au-dessus des prix de détail les plus élevés de ces États membres.

404    À cet égard, il y a lieu de relever qu’aux considérants 592 à 602 de la décision attaquée, la Commission a constaté ce qui suit :

–        l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), dans une étude du 18 juin 2004, avait conclu que la redevance mensuelle moyenne d’une connexion Internet à haut débit en Espagne était une des plus chères d’Europe en termes de rapport prix-performance, ce qui avait été confirmé par une étude réalisée par une association de consommateurs espagnole, l’Organización de Consumidores y Usuarios (OCU) (considérant 594 de la décision attaquée) ;

–        les analyses réalisées par la CMT entre 2004 et 2006 montraient que les prix de détail de l’accès Internet à haut débit en Espagne étaient élevés et nettement supérieurs à la moyenne européenne (considérant 595 de la décision attaquée) ;

–        une étude de décembre 2006 (ci-après l’« étude de 2006 »), commandée par l’ARN irlandaise, la Commission for Communications Regulation (ComReg) et réalisée par le cabinet Teligen, avait conclu que les prix de détail de Telefónica étaient supérieurs de 85 % à la moyenne européenne (considérants 596 à 601 de la décision attaquée) ;

–        Telefónica aurait calculé, sur la base de ses propres données, que le prix de détail moyen en Espagne était supérieur de 20 % au prix moyen de l’Union, lorsque celle-ci était composée de quinze États membres (considérant 602 de la décision attaquée).

405    D’une part, dans leur requête, les requérantes ont soutenu que la Commission, dans la décision attaquée, n’avait pas démontré que les prix de détail en Espagne figuraient parmi les plus élevés d’Europe. Toutefois, à cet effet, elles ont uniquement contesté les résultats de l’étude de 2006, en faisant valoir que les offres faisant l’objet de la comparaison étaient hétérogènes, que cette étude ne tenait pas compte des promotions, ni du prix des produits les plus populaires, et que l’échantillon retenu ne concernait que la situation de quinze pays à un moment déterminé. Elles n’ont toutefois pas contesté les autres études citées par la Commission, qui attestent du niveau élevé des prix du produit de détail en Espagne, en sorte que leur argument ne saurait être retenu. En tout état de cause, ainsi que la Commission l’a souligné au considérant 602 de la décision attaquée, Telefónica elle-même, dans sa réponse à la communication des griefs, a reconnu qu’une simple comparaison des prix de détail dans les États membres conduisait à la conclusion selon laquelle les prix de détail en Espagne étaient les plus élevés dans l’Union, lorsque celle-ci était composée de quinze États membres, « pour la période 1999-2005 ».

406    D’autre part, dans leur réplique et lors de l’audience, les requérantes ont fait valoir qu’aucune des études citées par la Commission ne répondait à la question de savoir si les consommateurs espagnols avaient supporté des prix de détail d’accès à Internet de large bande plus élevés en raison d’un effet de ciseau tarifaire anticoncurrentiel.

407    Toutefois, il a été rappelé au point 390 ci-dessus que la Commission devait apporter des indices concrets, crédibles et suffisants permettant d’apprécier l’influence concrète que l’infraction a pu avoir au regard de la concurrence sur le marché en cause. Or, il y a lieu de considérer que la Commission pouvait, à bon droit, considérer que le niveau élevé des prix de détail en Espagne constituait un tel indice de l’impact concret du comportement de Telefónica sur le marché espagnol.

408    Cinquièmement, les requérantes soutiennent que l’affirmation de la Commission, figurant au considérant 603 de la décision attaquée, selon laquelle le taux de pénétration de la large bande en Espagne se situerait en deçà de la moyenne européenne, est erronée. À cet effet, elles font valoir que l’Espagne ne se situerait que « légèrement » en dessous de la moyenne européenne, que cette évolution aurait déjà fait l’objet de prévisions en 2001 en raison du développement tardif de l’accès à Internet à haut débit en Espagne ou encore que cette constatation s’explique par des facteurs sociodémographiques.

409    Ainsi, si, certes, les requérantes avancent certains arguments qui pourraient expliquer que ledit taux est en deçà de la moyenne européenne, elles ne contestent pas que celui-ci était effectivement inférieur à cette moyenne. Or, il convient de considérer que c’est sans commettre une erreur manifeste d’appréciation que la Commission a estimé que le taux de pénétration de la large bande moins élevé en Espagne que dans les autres États membres constituait également un indice de l’impact concret du comportement de Telefónica sur le marché espagnol.

410    Eu égard aux développements qui précèdent, le deuxième grief des requérantes, tel qu’exposé au point 388 ci-dessus, ne saurait non plus prospérer.

411    En troisième lieu, les requérantes soutiennent que le montant de départ de l’amende est excessif, compte tenu de l’étendue géographique des marchés prétendument concernés.

412    Premièrement, il y a lieu de rejeter les arguments tirés de la pratique décisionnelle de la Commission, selon lesquels, dans les décisions rendues en matière d’abus de position dominante dans le secteur des télécommunications, la Commission aurait à chaque fois considéré que les infractions étaient « graves » lorsque les marchés en cause présentaient des caractéristiques comparables à celles du marché espagnol de l’accès à l’internet à haut débit. En effet, ainsi qu’il a été relevé au point 386 ci-dessus, la pratique décisionnelle de la Commission ne saurait servir de cadre juridique aux amendes en matière de concurrence.

413    Deuxièmement, il convient de rejeter l’argument des requérantes tiré du fait que l’infraction devrait être qualifiée de « grave » dès lors que « le marché en cause se limite (tout au plus) au territoire d’un État membre ». En effet, ainsi que la Commission l’a souligné à juste titre au considérant 755 de la décision attaquée, outre le fait que, si les cas de ciseau tarifaire sont nécessairement circonscrits à un seul État membre, ils empêchent les opérateurs issus des autres États membres d’entrer sur un marché en forte croissance, le marché espagnol du haut débit est le cinquième plus grand marché national du haut débit dans l’Union. En outre, ainsi que la Commission l’a souligné au considérant 742 de la décision attaquée, l’abus de Telefónica constitue un abus caractérisé de la part d’une entreprise détenant une position virtuellement monopolistique. Ainsi qu’il résulte par ailleurs des points 388 à 410 ci-dessus, c’est à bon droit que la Commission a estimé que le comportement de Telefónica avait eu un impact significatif sur le marché de détail. Enfin, il résulte de la jurisprudence que l’étendue du marché géographique ne représente qu’un des trois critères pertinents, selon les lignes directrices de 1998, aux fins de l’appréciation globale de la gravité de l’infraction. Parmi ces critères interdépendants, la nature de l’infraction joue un rôle primordial. En revanche, l’étendue du marché géographique n’est pas un critère autonome en ce sens que seules des infractions concernant plusieurs États membres seraient susceptibles de recevoir la qualification de « très graves ». Ni le traité CE, ni le règlement no 17, ni le règlement no 1/2003, ni les lignes directrices de 1998, ni la jurisprudence ne permettent de considérer que seules des restrictions géographiquement très étendues peuvent être qualifiées ainsi (voir, en ce sens, arrêt Raiffeisen Zentralbank Österreich e.a./Commission, point 319 supra, point 311, et la jurisprudence citée). Eu égard à ces éléments, c’est à juste titre que la Commission, en l’espèce, a qualifié l’infraction de « très grave », alors même que la taille du marché géographique en cause était limitée au territoire espagnol.

414    Le troisième grief des requérantes, tel qu’exposé au point 411 ci-dessus, doit dès lors être écarté.

415    En quatrième lieu, les requérantes soutiennent que la Commission a méconnu son obligation de motivation et a commis une erreur en droit, en ne prenant pas en considération le degré variable de gravité de l’infraction pendant la période infractionnelle.

416    Premièrement, s’agissant de la violation de l’obligation de motivation, il est de jurisprudence constante que, dans la détermination du montant de l’amende en cas d’infraction aux règles de concurrence, les exigences de formes substantielles que constitue l’obligation de motivation sont remplies lorsque la Commission indique, dans sa décision, les éléments d’appréciation qui lui ont permis de mesurer la gravité et la durée de l’infraction (arrêt de la Cour du 16 novembre 2000, Sarrió/Commission, C‑291/98 P, Rec. p. I‑9991, point 73, et arrêt Atlantic Container Line e.a./Commission, point 150 supra, point 1521). Ces exigences n’imposent pas à la Commission d’indiquer dans sa décision les éléments chiffrés relatifs au mode de calcul des amendes (voir arrêt Microsoft/Commission, point 58 supra, point 1361, et la jurisprudence citée).

417    En l’espèce, la Commission a estimé, au considérant 750 de la décision attaquée, que « l’infraction devrait être considérée comme très grave ». En outre, au considérant 756 de la décision attaquée, la Commission a indiqué, d’une part, que « l’infraction [devait], à titre principal, être qualifiée de très grave, même si elle n’a pas été d’une gravité uniforme tout au long de la période considérée » et, d’autre part, que « le montant initial de l’amende pren[ait] en compte le fait que la gravité de l’abus de Telefónica [était] devenue en tout état de cause plus claire, notamment après la décision Deutsche Telekom ».

418    À cet égard, il convient de rejeter l’argument des requérantes tiré d’une prétendue contradiction de motifs, qui résulterait du fait que la Commission aurait estimé que l’infraction était « très grave » alors qu’elle aurait pu être moins grave avant le mois d’octobre 2003, date de publication de la décision Deutsche Telekom. En effet, ainsi qu’il ressort des considérants 738 à 758 de la décision attaquée, la Commission a considéré que l’infraction avait été « très grave » tout au long de la période concernée, même si cette gravité n’avait pas été uniforme au cours de ladite période. Par ailleurs, l’argument tiré de l’absence totale de motivation concernant le « mode de calcul particulier du ‘montant de base’ » doit, au vu de la jurisprudence citée au point 416 ci-dessus, également être rejeté.

419    Deuxièmement, il convient de rejeter l’argument des requérantes selon lequel la Commission n’a pas tiré les conséquences des constatations rappelées au point 417 ci-dessus, en termes de qualification de l’infraction ou en termes de fixation du montant de départ de l’amende, en ce qu’elle aurait dû, tout au plus, qualifier l’infraction de « grave » et fixer le montant de départ de l’amende à un niveau significativement inférieur. En effet, cet argument est fondé sur une prémisse erronée dès lors, d’une part, qu’il résulte des développements qui précèdent (voir points 371 à 414 ci-dessus) que c’est à juste titre que la Commission a considéré que l’infraction devait être qualifiée de « très grave » pour toute la période concernée et, d’autre part, qu’il ressort expressément des considérants 750 et 760 de la décision attaquée que, en dépit de la qualification de « très grave » pour toute ladite période, la Commission a effectivement tenu compte de l’intensité variable de l’infraction dans la fixation du montant de départ de l’amende (voir points 27 et 417 ci-dessus).

420    Le quatrième grief des requérantes, tel qu’exposé au point 388 ci-dessus, ne saurait donc être accueilli.

421    Il résulte des développements qui précèdent que la première branche du second moyen doit être rejetée dans son intégralité.

 Sur la deuxième branche du second moyen, tirée d’une violation des principes de proportionnalité, d’égalité de traitement et d’individualisation des peines ainsi que de l’obligation de motivation, dans la fixation du montant de départ de l’amende

422    Dans le cadre du présent moyen, les requérantes invoquent une violation par la Commission des principes de proportionnalité, d’égalité de traitement et d’individualisation des peines ainsi que de l’obligation de motivation, dans la fixation du montant de départ de l’amende.

423    En premier lieu, il y a lieu d’examiner le grief des requérantes tiré d’une violation des principes de proportionnalité, d’égalité de traitement et d’individualisation des peines.

424    Premièrement, il convient de rappeler que le principe d’égalité de traitement s’oppose, notamment, à ce que des situations comparables soient traitées de manière différente, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (voir arrêts de la Cour du 10 janvier 2006, IATA et ELFAA, C‑344/04, Rec. p. I‑403, point 95 ; du 17 juin 2010, Lafarge/Commission, C‑413/08 P, Rec. p. I‑5361, point 40, et arrêt du Tribunal du 1er juillet 2008, Compagnie maritime belge/Commission, T‑276/04, Rec. p. II‑1277, point 92, et la jurisprudence citée).

425    En l’espèce, aux fins de démontrer que le principe d’égalité de traitement a été violé, les requérantes soulignent les différences, dans la fixation du montant de départ de l’amende, entre, d’une part, la décision attaquée et, d’autre part, un ensemble de décisions antérieures de la Commission. Toutefois, ainsi qu’il a été rappelé au point 386 ci-dessus, la pratique décisionnelle de la Commission ne saurait servir de cadre juridique aux amendes en matière de concurrence.

426    En outre, selon une jurisprudence bien établie, le fait que la Commission ait appliqué, dans le passé, des amendes d’un certain niveau à certains types d’infractions ne saurait la priver de la possibilité d’élever ce niveau dans les limites fixées par le règlement no 17 et par le règlement no 1/2003, si cela est nécessaire pour assurer la mise en œuvre de la politique de concurrence de l’Union (voir arrêt Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 59 supra, point 169, et la jurisprudence citée).

427    Au contraire, l’application efficace des règles de concurrence de l’Union exige que la Commission puisse à tout moment adapter le niveau des amendes aux besoins de cette politique. Un tel comportement ne saurait caractériser une violation par la Commission du principe d’égalité de traitement par rapport à sa pratique antérieure (voir arrêt Groupe Danone/Commission, point 67 supra, point 154, et la jurisprudence citée). Aucune violation du principe d’égalité de traitement ne saurait donc être constatée en l’espèce.

428    Deuxièmement, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le principe de proportionnalité, qui fait partie des principes généraux du droit de l’Union, exige que les actes des institutions ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire à la réalisation des objectifs légitimes poursuivis par la réglementation en cause, étant entendu que, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante, et que les inconvénients causés ne doivent pas être démesurés par rapport aux buts visés (voir arrêt de la Cour du 12 juillet 2001, Jippes e.a., C‑189/01, Rec. p. I‑5689, point 81, et la jurisprudence citée).

429    Dans le contexte du calcul des amendes, le principe de proportionnalité implique que la Commission doit fixer l’amende proportionnellement aux éléments pris en compte pour apprécier la gravité de l’infraction et qu’elle doit à ce sujet appliquer ces éléments de façon cohérente et objectivement justifiée (voir arrêt du Tribunal du 27 septembre 2006, Jungbunzlauer/Commission, T‑43/02, Rec. p. II‑3435, point 228, et la jurisprudence citée).

430    À cet égard, il convient tout d’abord de relever que la Commission dispose, dans le cadre du règlement no 1/2003, d’une marge d’appréciation dans la fixation du montant des amendes afin d’orienter le comportement des entreprises dans le sens du respect des règles de concurrence (voir arrêt Groupe Danone/Commission, point 67 supra, point 134, et la jurisprudence citée).

431    Il importe également de rappeler que la méthodologie exposée au point 1 A des lignes directrices de 1998 répond à une logique forfaitaire, selon laquelle le montant de départ de l’amende, déterminé en fonction de la gravité de l’infraction, est calculé en fonction de la nature de l’infraction, de son impact concret sur le marché lorsqu’il est mesurable et de l’étendue du marché géographique concerné (arrêt du Tribunal du 6 mai 2009, Wieland-Werke/Commission, T‑116/04, Rec. p. II‑1087, point 62).

432    En l’espèce, ainsi qu’il résulte des points 371 à 421 ci-dessus, c’est à bon droit que la Commission a qualifié l’infraction de « très grave ». Eu égard au fait, d’une part, que l’abus de Telefónica doit être considéré comme un abus caractérisé pour lequel il existe des précédents, qui compromet l’objectif de l’achèvement d’un marché intérieur pour les réseaux et les services de télécommunications et, d’autre part, que ledit abus a eu un impact significatif sur le marché de détail espagnol (considérants 738 à 757 de la décision attaquée), un montant de départ de l’amende de 90 millions d’euros ne saurait être considéré comme disproportionné.

433    Troisièmement, les requérantes ne sauraient prétendre que le principe d’individualisation des peines a été violé. En effet, pour apprécier la gravité d’une infraction en vue de déterminer le montant de l’amende, la Commission doit veiller au caractère dissuasif de son action, surtout pour les types d’infractions particulièrement nuisibles pour la réalisation des objectifs de l’Union (voir arrêt Groupe Danone/Commission, point 67 supra, point 169, et la jurisprudence citée). La dissuasion doit être à la fois spécifique et générale. Tout en réprimant une infraction individuelle, l’amende s’inscrit aussi dans le cadre d’une politique générale de respect par les entreprises des règles de concurrence (voir, en ce sens, arrêt Musique Diffusion française e.a./Commission, point 313 supra, point 106). Or, si, certes, l’amende peut aussi avoir un effet dissuasif général à l’égard des autres entreprises qui seraient tentées de violer les règles de concurrence, il ressort de la décision attaquée que, en l’espèce, elle a été calculée en tenant compte de la situation propre de Telefónica, à savoir la gravité de l’infraction reprochée eu égard à sa nature, ses effets sur le marché et l’étendue du marché géographique en cause, la durée de celle-ci et la présence d’une circonstance atténuante. Partant, les requérantes ne sauraient prétendre que l’effet dissuasif général de l’amende aurait été l’« objectif premier et ultime de l’amende ».

434    En second lieu, en ce qui concerne le grief tiré d’une violation de l’obligation de motivation, il convient de rappeler, ainsi qu’il a été relevé au point 416 ci-dessus, que les exigences de la formalité substantielle que constitue l’obligation de motivation sont remplies lorsque la Commission indique, dans sa décision, les éléments d’appréciation qui lui ont permis de mesurer la gravité et la durée de l’infraction, sans être tenue d’y faire figurer un exposé plus détaillé ou les éléments chiffrés relatifs au mode de calcul de l’amende. Or, de tels éléments figurent aux considérants 713 à 767 de la décision attaquée. De surcroît, la logique forfaitaire inhérente au calcul du montant de départ de l’amende a été rappelée au point 431 ci-dessus. L’argument des requérantes selon lequel la Commission aurait dû expliquer de manière plus détaillée, dans la décision attaquée, comment elle a fixé le montant de départ de l’amende de 90 millions d’euros doit donc être rejeté.

435    En outre, ainsi qu’il a été rappelé au point 386 ci-dessus, la pratique décisionnelle de la Commission ne servant pas de cadre juridique aux amendes en matière de concurrence, les requérantes ne sauraient reprocher à la Commission de n’avoir pas indiqué, dans la décision attaquée, les raisons pour lesquelles le montant de départ de l’amende infligée à Telefónica serait significativement supérieur au montant de départ de l’amende infligée dans la décision Wanadoo Interactive, ni même de ne pas avoir davantage précisé les raisons pour lesquelles il était, en l’espèce, justifié d’imposer à Telefónica une amende dont le montant serait supérieur à celui fixé dans la décision Deutsche Telekom (voir, en ce sens, arrêt Michelin/Commission, point 268 supra, point 255).

436    Eu égard à ce qui précède, le grief tiré d’une violation de l’obligation de motivation doit être rejeté ainsi que l’ensemble de la deuxième branche du second moyen.

 Sur la troisième branche du second moyen, tirée d’erreurs de fait et de droit ainsi que d’un défaut de motivation, dans la majoration du montant de départ de l’amende aux fins de dissuasion

437    Dans le cadre de la présente branche, les requérantes font valoir que la Commission a commis des erreurs de fait et de droit dans la majoration du montant de départ de l’amende à des fins de dissuasion.

438    À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que, selon le point 1 A, quatrième alinéa, des lignes directrices de 1998, dans le cadre de la détermination du montant de départ de l’amende, il est « nécessaire de prendre en considération la capacité économique effective des auteurs d’infraction à créer un dommage important aux autres opérateurs, notamment aux consommateurs, et de déterminer le montant de l’amende à un niveau qui lui assure un caractère suffisamment dissuasif ». Par ailleurs, selon le point 1 A, cinquième alinéa, la Commission peut tenir compte du fait que « les entreprises de grande dimension disposent la plupart du temps de connaissances et des infrastructures juridico-économiques qui leur permettent de mieux apprécier le caractère infractionnel de leur comportement et les conséquences qui en découlent du point de vue du droit de la concurrence ».

439    Premièrement, s’agissant de l’argument des requérantes tiré d’un défaut de motivation de la majoration à des fins dissuasives, il convient de relever que, au considérant 758 de la décision attaquée, la Commission a exposé que, « [c]onsidérant la puissance économique significative de Telefónica, afin d’assurer à l’amende un effet dissuasif suffisant, le montant initial [devait] être ajusté à la hausse par un facteur de 1,25 ». À la note en bas de page no 791 de la décision attaquée, la Commission a précisé que Telefónica était le plus grand opérateur historique de télécommunications d’Europe en termes de capitalisation boursière et que les ressources et les profits de Telefónica étaient significatifs. Elle a également indiqué que, selon sa déclaration auprès de l’United States Securities and Exchange Commission (Commission des titres et de la bourse des États-Unis) pour l’année fiscale 2006, Telefónica possédait une réserve de trésorerie et d’investissements financiers à court terme de 5 472 millions d’euros au 31 décembre 2006 et que ses profits s’étaient élevés à 6 579 millions d’euros durant l’année fiscale 2006 pour des revenus de 52 901 millions d’euros. Il s’ensuit que la majoration du montant de l’amende à des fins de dissuasion est motivée à suffisance de droit.

440    Deuxièmement, il y a lieu de rejeter les arguments selon lesquels, d’une part, la Commission aurait dû vérifier si le montant de départ de l’amende de 90 millions d’euros était déjà en lui-même suffisamment dissuasif, même en l’absence de majoration, et, d’autre part, la nécessité d’augmenter une amende à titre dissuasif devrait être déterminée après avoir calculé son montant final. Il convient à cet égard de relever que les requérantes ne contestent pas la légalité des lignes directrices de 1998, en vertu desquelles la prise en considération de l’effet dissuasif d’une amende constitue un des facteurs qui entrent en ligne de compte pour fixer le montant de départ de l’amende. Or, il doit être considéré que la Commission pouvait, à bon droit, considérer que la puissance économique significative de Telefónica, qui était, lors de l’adoption de la décision attaquée, le plus grand opérateur historique de télécommunications en termes de capitalisation boursière (considérant 758 et note en bas de page 791 de la décision attaquée), justifiait l’imposition d’un facteur de dissuasion, d’autant plus que les requérantes ne contestent pas que le montant de départ de l’amende ne représente, en l’espèce, que 0,17 % du chiffre d’affaires de Telefónica.

441    Troisièmement, les requérantes se fondent sur la pratique décisionnelle de la Commission aux fins de démontrer que cette dernière a violé les principes de proportionnalité et d’égalité de traitement en majorant le montant de départ de l’amende à des fins de dissuasion. Ainsi, la capacité financière de Telefónica ne justifierait pas qu’elle soit traitée différemment des entreprises Wanadoo Interactive et Deutsche Telekom, auxquelles la Commission n’aurait pas appliqué de majoration au titre de la dissuasion. Un tel argument doit toutefois être rejeté, dès lors que, ainsi qu’il a été relevé au point 386 ci-dessus, la pratique décisionnelle de la Commission ne saurait servir de cadre juridique aux amendes en matière de concurrence. La seule constatation que la Commission a majoré le montant de l’amende infligée à Telefónica à des fins dissuasives dans la présente affaire, tandis qu’aucune majoration à ces fins n’aurait été appliquée dans les décisions Wanadoo Interactive et Deutsche Telekom, ne saurait dès lors fonder une violation des principes d’égalité de traitement et de proportionnalité. Le grief des requérantes doit donc être rejeté.

442    Quatrièmement, s’agissant de l’argument tiré d’une violation du principe d’individualisation des peines, il suffit de renvoyer aux développements figurant au point 433 ci-dessus.

443    Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que les arguments des requérantes selon lesquels la Commission a commis plusieurs erreurs en majorant le montant de départ de l’amende infligée à Telefónica à titre d’effet dissuasif sont non fondés, de sorte qu’il y a lieu de rejeter la troisième branche du second moyen.

 Sur la quatrième branche du second moyen, tirée d’erreurs de droit et d’erreurs manifestes d’appréciation commises dans la qualification de l’infraction de « longue durée »

444    Dans le cadre de la présente branche, les requérantes font valoir que la Commission a commis des erreurs de droit et des erreurs manifestes d’appréciation des faits en déterminant le point de départ et la date finale de l’infraction.

445    Il doit être rappelé que, conformément à l’article 23, paragraphe 3, du règlement no 1/2003, la durée de l’infraction constitue l’un des éléments à prendre en considération pour déterminer le montant de l’amende à infliger aux entreprises coupables d’infractions aux règles de concurrence.

446    En ce qui concerne le facteur relatif à la durée de l’infraction, les lignes directrices de 1998 établissent une distinction entre les infractions de courte durée (en général inférieure à un an), pour lesquelles le montant de départ de l’amende retenu au titre de la gravité ne devrait pas être majoré, les infractions de moyenne durée (en général de un à cinq ans), pour lesquelles ce montant peut être majoré de 50 %, et les infractions de longue durée (en général au-delà de cinq ans), pour lesquelles ce montant peut être majoré pour chaque année de 10 % (point 1 B, premier alinéa, premier à troisième tiret, des lignes directrices de 1998).

447    En premier lieu, les requérantes contestent la fixation, au considérant 759 de la décision attaquée, de la date de début de l’infraction.

448    Premièrement, pour les motifs exposés aux points 356 à 369 ci-dessus, il y a lieu de rejeter l’argument des requérantes selon lequel Telefónica n’aurait pas été en mesure, avant le mois d’octobre 2003, de savoir que son comportement était susceptible de constituer une violation de l’article 82 CE.

449    Deuxièmement, il convient de rappeler que les arguments présentés par les requérantes relatifs à l’absence de prise en compte, dans la fixation du montant de départ de l’amende, de l’intensité variable de l’infraction ont été rejetés au point 419 ci-dessus.

450    Troisièmement, les arguments des requérantes selon lesquels la variation de la gravité de l’infraction justifierait une réduction supplémentaire au titre de la durée de cette infraction aboutissent à confondre les critères de gravité et de durée de l’infraction prévus par l’article 23, paragraphe 3, du règlement no 1/2003 ainsi que par les lignes directrices de 1998. En effet, par leur argumentation, elles mettent en cause l’augmentation du montant de départ de l’amende à concurrence de 10 % par an en se référant à des éléments liés à l’appréciation de la gravité de l’infraction, qu’elles n’ont, du reste, pas démontrés (voir point 419 ci-dessus). Dès lors que la majoration au titre de la durée se fait par l’application d’un certain pourcentage au montant de départ de l’amende qui est déterminé en fonction de la gravité de l’ensemble de l’infraction, reflétant déjà ainsi les différentes intensités de l’infraction, il n’y a pas lieu de prendre en compte pour l’augmentation de ce montant au titre de la durée de l’infraction une variation dans l’intensité de l’infraction pendant la période concernée (arrêt du Tribunal du 28 avril 2010, Gütermann et Zwicky/Commission, T‑456/05 et T‑457/05, Rec. p. II‑1443, point 159). Par identité de motifs, il y a également lieu de rejeter l’argument tiré du fait que, entre le 26 juillet 2001 et le 21 décembre 2006, la CMT aurait exercé un contrôle sur les marges de Telefónica ainsi que l’argument fondé sur le caractère émergent du marché espagnol et les investissements significatifs de Telefónica sur ce marché.

451    En second lieu, s’agissant de la détermination de la date de cessation de l’infraction, il convient de relever que le seul argument des requérantes repose sur le fait que, pour établir le ciseau tarifaire, la Commission ne se fonde que sur des données couvrant la période s’étendant de 2001 au mois de juin 2006. Toutefois, les requérantes ne contestent pas l’affirmation de la Commission figurant au considérant 124 de la décision attaquée selon laquelle le niveau de prix des produits de gros national et régional n’a pas été affecté entre la décision de la CMT du 1er juin 2006, date à laquelle la CMT a modifié la régulation des prix applicable aux produits de gros régional et national, imposant à Telefónica de les orienter vers les coûts (considérant 123 de la décision attaquée), et le 21 décembre 2006, date à laquelle la CMT a adopté des mesures provisoires prévoyant des baisses substantielles des prix desdits produits, les prix du produit de gros régional ayant été réduits dans une proportion allant de 22 à 54 % et les prix du produit de gros national (ADSL-IP) ayant été réduits dans une proportion allant de 24 à 61 %. En outre, elles ne contestent pas la constatation figurant au considérant 62 de la décision attaquée selon laquelle, à la date d’adoption de la décision attaquée, les prix de détail de TESAU n’avaient pas changé depuis septembre 2001. Elles ne font pas non plus valoir une quelconque modification des coûts, qui ont été pris en considération par la Commission dans la présente affaire. Il peut dès lors être considéré que l’infraction a pris fin le 21 décembre 2006 (voir également le considérant 747 de la décision attaquée).

452    Dans ces conditions, alors qu’il y a lieu de considérer que les requérantes ne sont pas fondées à se prévaloir de la durée de l’infraction litigieuse pour demander une réduction de 20 % au moins du montant de l’amende infligée à Telefónica, il convient d’écarter la quatrième branche du second moyen.

 Sur la cinquième branche du second moyen, tirée d’erreurs de droit et d’erreurs de fait commises dans la prise en compte des circonstances atténuantes

453    À titre liminaire, il y a lieu de rappeler qu’il ressort des lignes directrices de 1998 que le montant de base de l’amende peut être réduit lorsque l’infraction est commise en raison d’une négligence et non de propos délibéré (point 3, premier alinéa, cinquième tiret).

454    Il y a également lieu de relever que, conformément à la jurisprudence, le caractère adéquat d’une éventuelle réduction du montant de l’amende au titre des circonstances atténuantes doit être apprécié d’un point de vue global en tenant compte de l’ensemble des circonstances pertinentes (arrêt du Tribunal du 8 juillet 2004, Mannesmannröhren-Werke/Commission, T‑44/00, Rec. p. II‑2223, point 274).

455    Or, l’adoption des lignes directrices de 1998 n’a pas privé de pertinence la jurisprudence selon laquelle la Commission dispose d’un pouvoir d’appréciation lui permettant de prendre ou non en considération certains éléments lorsqu’elle fixe le montant des amendes qu’elle entend infliger, en fonction notamment des circonstances de l’espèce. Ainsi, en l’absence d’indication de nature impérative dans lesdites lignes directrices en ce qui concerne les circonstances atténuantes qui peuvent être prises en compte, la Commission a conservé une certaine marge pour apprécier d’une manière globale l’importance d’une éventuelle réduction du montant des amendes au titre des circonstances atténuantes (arrêt Raiffeisen Zentralbank Österreich e.a./Commission, point 319 supra, point 473).

456    En l’espèce, au considérant 765 de la décision attaquée, la Commission a considéré, en ce qui concerne l’intervention réglementaire de la CMT à l’égard des prix du produit de gros régional, que Telefónica a agi de manière négligente étant donné que, même dans l’hypothèse favorable où elle aurait pu croire, au départ, que le modèle de la CMT reposait sur des estimations réalistes, elle a dû, ou aurait dû, réaliser rapidement que les coûts effectifs ne correspondaient pas aux estimations utilisées par la CMT dans son analyse ex ante (voir, également, considérants 727 à 730 de la décision attaquée). Pour cette raison, la Commission a accordé une réduction de 10 % à Telefónica au titre des circonstances atténuantes (considérant 766 de la décision attaquée).

457    En premier lieu, les requérantes soutiennent que la Commission n’a pas suffisamment tenu compte du fait que l’infraction a pu avoir été commise partiellement par négligence.

458    Premièrement, à cet égard, il y a lieu de rejeter l’argument des requérantes selon lequel la Commission aurait commis une erreur d’appréciation en considérant que la négligence de Telefónica ne concernait que le produit de gros régional. En effet, ainsi qu’il ressort des points 110 à 143 ci-dessus, c’est à juste titre que la Commission a conclu que les produits de gros national et régional n’appartenaient pas au même marché. En outre, dès lors que les prix du produit de gros national n’ont jamais été régulés pendant la période infractionnelle, c’est à bon droit que la Commission a considéré que la circonstance atténuante liée à la négligence de Telefónica ne concernait que le produit de gros régional. Le fait qu’il ait existé une régulation sectorielle qui aurait permis à la CMT d’intervenir à l’égard du produit de gros national de Telefónica est sans pertinence, dès lors que, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence, s’il n’est pas exclu que, dans certaines circonstances, un cadre juridique national ou un comportement des autorités nationales puissent constituer des circonstances atténuantes, l’approbation ou la tolérance de l’infraction de la part des autorités nationales ne saurait être prise en considération à ce titre lorsque les entreprises en cause disposent des moyens nécessaires pour se procurer des renseignements juridiques précis et corrects (arrêt de la Cour du 24 septembre 2009, Erste Group Bank e.a./Commission, C‑125/07 P, C‑133/07 P, C‑135/07 P et C‑137/07 P, Rec. p. I‑8681, points 228 et 230).

459    Deuxièmement, pour les motifs exposés aux points 343 à 352 ci-dessus, il convient de rejeter l’argument des requérantes selon lequel la Commission a commis une erreur en estimant que la négligence de Telefónica était extrêmement grave, eu égard à sa confiance légitime dans l’action de la CMT et à la complexité de l’affaire.

460    Troisièmement, si les requérantes soutiennent que la réduction de 10 % au titre des circonstances atténuantes, qui a été accordée à l’entreprise concernée dans la décision Deutsche Telekom, est insuffisante en l’espèce en raison, d’une part, du montant de base supérieur fixé pour Telefónica et, d’autre part, de la régulation sectorielle différente en Espagne, un tel argument ne saurait être retenu. Tout d’abord, ainsi qu’il a été relevé au point 386 ci-dessus, la pratique décisionnelle de la Commission ne saurait servir de cadre juridique aux amendes en matière de concurrence. Ensuite, le juge de l’Union a déjà souligné que le seul fait que la Commission a accordé, dans sa pratique décisionnelle antérieure, un certain taux de réduction pour un comportement déterminé n’implique pas qu’elle est tenue d’accorder la même réduction proportionnelle lors de l’appréciation d’un comportement similaire dans le cadre d’une procédure administrative ultérieure (arrêt Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 59 supra, point 192). Ainsi, il doit être considéré, en l’espèce, que le seul fait que la Commission a accordé, dans sa décision Deutsche Telekom, un certain taux de réduction pour une circonstance déterminée n’implique pas qu’elle soit tenue d’accorder la même réduction, ni même une réduction proportionnellement plus importante, lors de l’appréciation des circonstances atténuantes dans le cadre de la présente affaire. Sont, partant, dénués de pertinence les arguments des requérantes, fondés sur le taux de réduction accordé dans la décision Deutsche Telekom, aux fins de démontrer que Telefónica aurait dû bénéficier d’un taux de réduction supérieur au titre des circonstances atténuantes. Enfin, en tout état de cause, il doit être rappelé que le montant de base de l’amende est fixé, conformément aux lignes directrices de 1998, en fonction de la gravité et de la durée de l’infraction. La Commission ne saurait dès lors être tenue de prendre celui-ci en considération dans le cadre de la détermination du taux de réduction du montant de l’amende accordé à une entreprise au titre d’une circonstance atténuante.

461    En second lieu, s’agissant du prétendu caractère nouveau de la présente affaire, il suffit de renvoyer aux points 356 à 368 ci-dessus.

462    Il ressort des considérations susvisées que la cinquième branche du second moyen doit être rejetée ainsi que ledit moyen dans son ensemble.

463    Il s’ensuit que les conclusions subsidiaires doivent être rejetées ainsi que le recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

464    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

465    Les requérantes ayant succombé en leurs conclusions, elles doivent être condamnées à supporter leurs propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission, par France Telecom, par l’Ausbanc et par l’ECTA, conformément aux conclusions de ces dernières.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Telefónica, SA et Telefónica de España, SA sont condamnées à supporter leurs propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission européenne, par France Telecom España, SA, par l’Asociación de Usuarios de Servicios Bancarios (Ausbanc Consumo) et par l’European Competitive Telecommunications Association, conformément aux conclusions de ces dernières.


Truchot

Martins Ribeiro

Kanninen

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 29 mars 2012.

Signatures

Table des matières


Présentation des requérantes

Procédure administrative

Décision attaquée

Procédure et conclusions des parties

En droit

A —  Sur la recevabilité des arguments des requérantes prétendument contenus dans les annexes

B —  Sur le fond

1.  Sur les conclusions principales, tendant à l’annulation de la décision attaquée

a)  Sur l’étendue du contrôle du juge de l’Union et la charge de la preuve

b)  Sur le premier moyen, tiré d’une violation des droits de la défense

c)  Sur le deuxième moyen, tiré d’erreurs de fait et de droit dans la définition des marchés de gros en cause

d)  Sur le troisième moyen, tiré d’erreurs de fait et de droit dans l’établissement de la prétendue position dominante de Telefónica sur les marchés en cause

e)  Sur le quatrième moyen, tiré d’erreurs de droit dans l’application de l’article 82 CE en ce qui concerne le comportement prétendument abusif de Telefónica

f)  Sur le cinquième moyen, tiré d’erreurs de fait et/ou d’erreurs d’appréciation des faits et d’erreurs de droit en ce qui concerne le comportement prétendument abusif de Telefónica et son impact prétendument anticoncurrentiel

Sur la première branche du cinquième moyen, tirée d’erreurs de fait et/ou d’erreurs d’appréciation des faits dans l’application du test de ciseau tarifaire

–  Sur le premier grief de la première branche du cinquième moyen, pris d’une erreur dans le choix des intrants de gros

–  Sur le deuxième grief de la première branche du cinquième moyen, tiré d’erreurs et d’omissions commises dans la mise en œuvre de l’analyse des FTA

–  Sur le troisième grief de la première branche du cinquième moyen, tiré d’erreurs commises dans l’analyse « période par période »

Sur la seconde branche du cinquième moyen, tirée de ce que la Commission n’aurait pas établi à suffisance de droit les effets probables ou concrets du comportement examiné

g)  Sur le sixième moyen, tiré d’une application ultra vires de l’article 82 CE et d’une violation des principes de subsidiarité, de proportionnalité, de sécurité juridique, de coopération loyale et de bonne administration

Sur la première branche du sixième moyen, tirée d’une application ultra vires de l’article 82 CE

Sur la deuxième branche du sixième moyen, tirée d’une violation des principes de subsidiarité, de proportionnalité et de sécurité juridique

Sur la troisième branche du sixième moyen, tirée d’une violation des principes de coopération loyale et de bonne administration

2.  Sur les conclusions subsidiaires, tendant à l’annulation ou à la réduction du montant de l’amende

a)  Sur le premier moyen, tiré d’erreurs de fait, d’appréciation des faits et de droit et d’une violation de l’article 15, paragraphe 2, du règlement no 17, de l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 1/2003 et des principes de sécurité juridique et de confiance légitime

b)  Sur le second moyen, pris d’erreurs de fait et de droit et d’une violation des principes de proportionnalité, d’égalité de traitement, d’individualisation des peines ainsi que de l’obligation de motivation, lors de la détermination du montant de l’amende

Sur la première branche du second moyen, tirée d’erreurs de fait et de droit ainsi que d’une méconnaissance de l’obligation de motivation en ce qui concerne la qualification de l’infraction de « très grave » et la fixation du montant de départ de l’amende à 90 millions d’euros

Sur la deuxième branche du second moyen, tirée d’une violation des principes de proportionnalité, d’égalité de traitement et d’individualisation des peines ainsi que de l’obligation de motivation, dans la fixation du montant de départ de l’amende

Sur la troisième branche du second moyen, tirée d’erreurs de fait et de droit ainsi que d’un défaut de motivation, dans la majoration du montant de départ de l’amende aux fins de dissuasion

Sur la quatrième branche du second moyen, tirée d’erreurs de droit et d’erreurs manifestes d’appréciation commises dans la qualification de l’infraction de « longue durée »

Sur la cinquième branche du second moyen, tirée d’erreurs de droit et d’erreurs de fait commises dans la prise en compte des circonstances atténuantes

Sur les dépens


* Langue de procédure : l’espagnol.


1 —      Données confidentielles occultées.