Language of document : ECLI:EU:C:2014:42

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. PAOLO MENGOZZI

présentées le 30 janvier 2014 (1)

Affaire C‑382/12 P

MasterCard e.a.

contre

Commission européenne

«Pourvoi – Concurrence – Article 81 CE – Système de paiement par cartes de débit, à débit différé et de crédit – Commissions multilatérales d’interchange par défaut – Décisions d’une association d’entreprises – Restrictions de la concurrence par effet – Notion de ‘restriction accessoire’ – Caractère objectivement nécessaire – Accords sur les commissions multilatérales d’interchange intra-EEE appliquées par MasterCard aux transactions par carte de paiement transfrontalières – Conditions d’exemption au titre de l’article 81, paragraphe 3, CE – Procédure devant le Tribunal – Conditions de recevabilité des annexes de la requête»





I –    Introduction

1.        La présente affaire a pour objet un pourvoi introduit par la société holding MasterCard Incorporated et ses deux filiales (ci-après, respectivement, «MasterCard Inc.», «MasterCard International Inc.» et «MasterCard Europe», et, prises ensemble, les «requérantes au pourvoi principal»), ainsi que deux pourvois incidents introduits respectivement par The Royal Bank of Scotland plc (ci-après «RBS») et par Lloyds TSB Bank plc (ci-après «LTSB») et Bank of Scotland plc (ci-après «BOS») contre l’arrêt du 24 mai 2012, MasterCard e.a./Commission (2) (ci-après l’«arrêt attaqué»), par lequel le Tribunal a rejeté le recours en annulation des requérantes contre la décision C(2007) 6474 final de la Commission, du 19 décembre 2007, relative à une procédure d’application de l’article 81 [CE] et de l’article 53 de l’accord EEE (affaires COMP/34.579 – MasterCard, COMP/36.518 – EuroCommerce, COMP/38.580 – Commercial Cards, ci-après la «décision litigieuse»).

2.        Au cœur de l’affaire se situe l’organisation de paiement représentée par les requérantes au pourvoi principal (ci-après l’«organisation de paiement MasterCard» ou «MasterCard»). Cette organisation était détenue et administrée par les établissements bancaires affiliés jusqu’au 25 mai 2006. À cette date, et alors que la procédure administrative ayant mené à l’adoption de la décision litigieuse était en cours, MasterCard Inc. a fait l’objet d’une introduction à la Bourse de New York (États-Unis) (ci-après l’«IPO») qui a modifié sa structure et sa gouvernance.

3.        MasterCard gère un système de cartes de paiement dit «ouvert» (ou «quadripartite»). À la différence d’un système fermé (ou «tripartite»), tel celui d’American Express, dans lequel le propriétaire du système conclut lui-même des contrats avec les titulaires des cartes et les commerçants, un système ouvert, auquel peuvent s’affilier différentes institutions financières sous une marque de cartes commune, implique trois niveaux d’interaction: le premier entre le propriétaire du système et les banques affiliées, le deuxième entre les banques d’émission (ou les émetteurs) (3) et d’acquisition (ou les acquéreurs) (4) et le troisième entre ces banques et leurs clients respectifs, à savoir les titulaires des cartes et les commerçants (5). Dans un tel système, le propriétaire de celui-ci, outre à détenir et à promouvoir le logo des cartes de paiement, coordonne généralement les pratiques des banques affiliées et peut agir en tant qu’opérateur de réseau, en fournissant une infrastructure informatique pour la transmission des messages électroniques qui clôturent les transactions. Il facture des redevances et des cotisations aux banques pour la participation au système et, lorsqu’il agit en tant qu’opérateur de réseaux, des frais pour le traitement des paiements par cartes (6).

4.        Dans la présente affaire sont, plus précisément, visées les décisions de MasterCard qui fixent les commissions multilatérales d’interchange s’appliquant au sein de l’Espace économique européen (EEE) ou de la zone euro par défaut, à savoir en l’absence d’accord bilatéral entre banque d’acquisition et banque d’émission ou de commissions d’interchange fixées collectivement au niveau national (7) (ci-après les «CMI»). Ces commissions sont versées par les banques d’acquisition aux banques d’émission pour toute transaction effectuée au moyen de cartes de paiement portant le logo MasterCard ou Maestro (8) (ci-après, prises ensemble, les «cartes MasterCard») entre les États membres de l’EEE ou de la zone euro. En principe, les CMI sont intégralement comprises dans les frais facturés par les banques d’acquisition aux commerçants [«merchant service charges», frais pour service au commerçant (ci-après les «MSC»)] (9) et ainsi répercutées sur ces derniers en tant que coûts de production communs (10). Selon la thèse soutenue par les requérantes au pourvoi principal au cours de la procédure administrative, et acceptée par la Commission européenne comme base de son appréciation, les CMI constituent un «mécanisme destiné à équilibrer la demande du titulaire de la carte, d’une part, et du commerçant, d’autre part», afin de répartir le coût de la fourniture du service entre les émetteurs et les acquéreurs du système (11).

5.        Jusqu’au 25 mai 2006, les CMI étaient fixées par le conseil d’administration régional pour l’Europe de MasterCard (ci-après le «conseil d’administration européen»), regroupant les représentants des banques installées dans l’ensemble de l’EEE. Après cette date, seul le conseil d’administration mondial de MasterCard, dans sa nouvelle composition, est demeuré compétent pour arrêter les décisions relatives aux CMI.

6.        Dans la décision litigieuse, la Commission a considéré que les décisions qui fixent les CMI, qu’elle a qualifiées de décisions d’une association d’entreprises au sens de l’article 81, paragraphe 1, CE, restreignent la concurrence entre les banques d’acquisition en violation de ce même article et de l’article 53 de l’accord EEE, en ce qu’elles reviennent, en fait, à fixer un plancher pour les MSC (12). Elle a, par conséquent, enjoint à l’organisation de paiement MasterCard et aux requérantes au pourvoi principal, sous peine d’une astreinte journalière (13), de mettre fin à l’infraction dans un délai de six mois, à savoir jusqu’au 21 juin 2008, en abrogeant les CMI (14), en modifiant en conséquence les règles du réseau, en annulant toutes les décisions concernant les CMI (15) ainsi qu’en communiquant les actions entreprises aux établissements financiers appartenant au réseau MasterCard (16).

7.        Devant le Tribunal, les requérantes au pourvoi principal ont conclu, à titre principal, à l’annulation de la décision litigieuse dans son ensemble et, à titre subsidiaire, à l’annulation des articles 3 à 5 et 7 de cette décision, par lesquels la Commission a fixé les mesures correctives susvisées ainsi que l’astreinte journalière. Six établissements financiers, parmi lesquels les trois requérantes aux pourvois incidents, sont intervenus au soutien desdites conclusions, alors que le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord ainsi que deux associations, l’une représentant les détaillants au Royaume-Uni et l’autre le commerce de détail, de gros et international dans l’Union européenne, à savoir, respectivement, British Retail Consortium (ci-après «BRC») et Eurocommerce, sont intervenus au soutien des conclusions de la Commission visant au rejet du recours. Le Tribunal, après avoir examiné l’ensemble des moyens soulevés au soutien des conclusions à titre principal et de celles à titre subsidiaire et avoir déclaré irrecevables certaines annexes de la requête, a rejeté le recours et condamné les requérantes au pourvoi aux dépens.

8.        Le 12 juin 2008, MasterCard a provisoirement supprimé les CMI transfrontalières, tout en poursuivant les discussions avec la Commission. Celles-ci ont finalement abouti à des engagements de MasterCard portant, entre autres, sur l’adoption d’une nouvelle méthode de calcul des CMI, devant réduire substantiellement leur niveau par rapport à celui jugé contraire aux règles de concurrence du traité (17).

9.        Par acte déposé au greffe de la Cour le 4 août 2012, MasterCard International Inc. et MasterCard Europe ont introduit le pourvoi principal dans la présente procédure. Sont intervenues au soutien de leurs conclusions, outre RBS, LTSB et BOS, qui ont également introduit un pourvoi incident, MBNA Europe Bank Ltd (ci-après «MBNA») et HSBC Bank plc (ci-après «HSBC»). Sont intervenus au soutien des conclusions de la Commission visant au rejet du pourvoi principal BRC, Eurocommerce et le Royaume-Uni.

II – Sur les pourvois

A –    Sur la recevabilité

10.      La Commission doute de la recevabilité des pourvois incidents eu égard à leur non-conformité aux conditions de forme prévues à l’article 176, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour entré en vigueur le 1er novembre 2012. Cette disposition, modifiant l’ancien règlement de procédure, prévoit que le pourvoi incident doit être formé par acte séparé, distinct du mémoire en réponse.

11.      En l’espèce, les pourvois incidents de RBS et de LTSB et BOS ont été envoyés par e-mail le 31 octobre 2012 et l’original de ces actes a été reçu au greffe de la Cour respectivement le 2 et le 5 novembre 2012. Or, aux termes de l’article 57, paragraphe 7, du règlement de procédure, «la date et l’heure à laquelle une copie de l’original signé d’un acte de procédure […] parvient au greffe par télécopieur ou tout autre moyen technique de communication dont dispose la Cour, sont prises en considération aux fins du respect des délais de procédure à condition que l’original signé de l’acte, accompagné des annexes et des copies visées au paragraphe 2, soit déposé au greffe au plus tard dix jours après». Les pourvois incidents ayant été déposés au greffe de la Cour avant le 1er novembre 2012, l’exception d’irrecevabilité de la Commission manque en fait et doit, dès lors, être rejetée.

12.      La Commission avance également une série de griefs d’irrecevabilité ponctuels, visant la plupart des moyens et arguments soulevés au soutien tant du pourvoi principal que des pourvois incidents. Lesdits griefs seront examinés séparément, dans le cadre de l’analyse consacrée à ces différents moyens et arguments.

B –    Sur le fond

13.      MasterCard Inc., MasterCard International Inc. et MasterCard Europe invoquent trois moyens à l’appui de leur pourvoi. Les deux premiers sont tirés d’une erreur de droit et/ou d’un défaut de motivation dont seraient entachées les parties de l’arrêt attaqué dans lesquelles le Tribunal a examiné, respectivement, le caractère objectivement nécessaire de la prétendue restriction de concurrence et la nature d’association d’entreprises de MasterCard. Par leur troisième moyen, elles font valoir que le Tribunal aurait à tort écarté, en tant qu’irrecevables, plusieurs annexes de la requête en première instance.

14.      À l’appui de son pourvoi incident, RBS invoque un moyen unique, tiré d’une erreur de droit commise par le Tribunal dans l’appréciation de l’existence d’un effet restrictif sur la concurrence. Le pourvoi incident conjoint de LTSB et de BOS (ci-après, prises ensemble, «LBG»), quant à lui, s’appuie sur deux moyens. Le premier est tiré, à l’instar du premier moyen soulevé à l’appui du pourvoi incident de RBS, d’une erreur de droit affectant l’appréciation du Tribunal relative aux effets des CMI sur la concurrence. Par son second moyen, LBG fait valoir que le Tribunal aurait commis une erreur de droit dans son analyse au titre de l’article 81, paragraphe 3, CE. Tant RBS que LBG soutiennent et développent le premier et le deuxième moyen du pourvoi principal.

15.      À l’exception du troisième moyen du pourvoi principal, les différents moyens et arguments à l’appui des pourvois, tant principal qu’incidents, peuvent être regroupés autour des quatre thématiques suivantes: la qualification d’association d’entreprises de MasterCard, l’existence d’effets restrictifs sur la concurrence, le caractère nécessaire de la restriction et l’application de l’article 81, paragraphe 3, CE.

16.      Avant d’aborder chacune de ces thématiques, il convient d’examiner le troisième moyen du pourvoi principal, dans la mesure où, en faisant valoir que le Tribunal a écarté de manière illégale certains documents annexés à la requête, il vise, en substance, à démontrer que ce dernier a fondé son appréciation sur un cadre probatoire incomplet.

1.      Sur le troisième moyen du pourvoi principal, tiré de ce que le Tribunal aurait à tort écarté, en tant qu’irrecevables, plusieurs annexes de la requête en première instance

17.      Les requérantes au pourvoi principal font valoir que le Tribunal a commis des erreurs de droit en déclarant irrecevables certaines annexes qu’elles ont produites devant lui. Premièrement, elles contestent l’existence d’une base légale qui justifierait l’approche suivie dans l’arrêt attaqué. Les dispositions auxquelles se réfère le Tribunal dans ledit arrêt exigeraient simplement que le requérant mentionne dans sa requête l’objet du litige ainsi qu’un exposé sommaire des moyens invoqués. Il n’y aurait en revanche pas de base légale empêchant un requérant d’étayer ses moyens en incluant des arguments dans des annexes, à condition que ceux-ci soient clairement résumés dans la requête. L’approche trop restrictive adoptée par le Tribunal violerait ainsi tant le principe de protection juridictionnelle effective, garanti à la fois par l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la «Charte») et par l’article 6, paragraphe 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (ci-après la «CEDH»), toute limitation duquel doit être prévue par la loi, que le principe de proportionnalité. Deuxièmement, les requérantes au pourvoi principal contestent le traitement effectué en concret par le Tribunal de certaines annexes.

18.      En ce qui concerne, en premier lieu, le grief concernant la base légale pour le traitement des annexes, il convient de relever que, aux points 68 et 69 de l’arrêt attaqué, le Tribunal s’est fondé sur l’article 21 du statut de la Cour de justice et sur l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du Tribunal. En vertu de ces dispositions, toute requête doit indiquer l’objet du litige et l’exposé sommaire des moyens invoqués.

19.      Au regard de ces dispositions, la Cour a déjà eu l’occasion de clarifier qu’elles sont à interpréter dans le sens que, pour qu’un recours soit recevable, il faut que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celui-ci se fonde ressortent, à tout le moins sommairement, mais d’une façon cohérente et compréhensible, du texte de la requête elle-même et que, si le corps de celle-ci peut être étayé et complété, sur des points spécifiques, par des renvois à des passages déterminés de pièces qui y sont annexées, un renvoi global à d’autres écrits, même annexés à la requête, ne saurait pallier l’absence des éléments essentiels de l’argumentation en droit, qui, en vertu des dispositions mentionnées au point précédent, doivent figurer dans la requête. Dans le même contexte, la Cour a précisé que des exigences analogues sont requises lorsqu’un argument est invoqué au soutien d’un moyen (18). Cette interprétation trouve son fondement dans la fonction purement probatoire et instrumentale des annexes, laquelle implique que, pour autant qu’un document annexé à la requête comporte des éléments de droit sur lesquels certains moyens articulés dans la requête sont fondés, de tels éléments doivent figurer dans le texte même de la requête auquel ce document est annexé ou, à tout le moins, être suffisamment identifiés dans celle-ci. En effet, à la lumière de cette fonction des annexes, il n’appartient pas au Tribunal de rechercher et d’identifier, dans les annexes, les moyens qu’il pourrait considérer comme constituant le fondement du recours (19).

20.      Une telle interprétation de l’article 21 du statut de la Cour de justice et de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du Tribunal n’est nullement contraire au principe de protection juridictionnelle effective. En effet, il ressort de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme (ci-après la «Cour EDH») portant sur l’interprétation de l’article 6, paragraphe 1, de la CEDH, à laquelle il convient de se référer conformément à l’article 52, paragraphe 3, de la Charte, que le droit à un tribunal n’est pas absolu. L’exercice de ce droit se prête à des limitations, notamment quant aux conditions de recevabilité d’un recours (20) et donc, a fortiori, d’un moyen, d’un argument ou d’une annexe aux écritures des parties. Ces limitations ne sont toutefois admissibles, selon cette même Cour, qu’à condition de poursuivre un but légitime, d’être proportionnées à ce but et de ne pas restreindre l’accès au juge offert à l’individu au point de porter atteinte à la substance même de ce droit (21). En outre, si les intéressés doivent s’attendre à ce que ces limitations soient appliquées, l’application qui en est faite ne doit toutefois pas empêcher les justiciables de se prévaloir d’une voie de recours disponible (22).

21.      Or, en ce qui concerne le but poursuivi par l’article 21 du statut de la Cour de justice et par l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du Tribunal, à savoir celui de garantir la sécurité juridique et une bonne administration de la justice, les requérantes au pourvoi principal elles-mêmes reconnaissent qu’il est légitime. En outre, une approche qui exige des requérants qu’ils exposent dans la requête, du moins sommairement, les éléments de fait et de droit sur lesquels se fondent les moyens et les arguments invoqués n’apparaît pas disproportionnée par rapport à ces buts et n’est pas non plus susceptible de porter atteinte à la substance du droit à un Tribunal.

22.      Il résulte de ce qui précède que, en fondant dans l’arrêt attaqué, notamment aux points 68 et 69 de celui-ci, son approche dans le traitement des annexes aux écritures des parties sur les dispositions mentionnées au point 20 ci-dessus telles qu’interprétées par la Cour, le Tribunal n’a commis aucune erreur de droit.

23.      Il convient, en deuxième lieu, d’analyser l’application en concret de ces dispositions faite par le Tribunal en ce qui concerne les annexes dont le traitement est contesté par les requérantes au pourvoi principal. Les arguments de celles-ci visent spécifiquement l’analyse contenue aux points 183 à 190 de l’arrêt attaqué et, notamment, le traitement des annexes A.13, A.14 et A.15, ainsi que l’analyse contenue aux points 275 à 282 de l’arrêt attaqué et, notamment, le traitement de l’annexe A.20. Les requérantes au pourvoi principal font valoir qu’elles ont résumé les moyens dans la requête et que tant le Tribunal que la Commission auraient compris les arguments qu’elles ont avancés. En outre, les éléments exposés dans les annexes seraient des éléments de fait. Or, lorsque les annexes ne contiennent que des éléments factuels, ces éléments ne devraient pas être exposés dans le corps de la requête. Le Tribunal aurait donc dû conclure que la requête était suffisamment précise en ce qui concerne les moyens et arguments invoqués et que lesdites annexes étaient par conséquent recevables.

24.      En ce qui concerne, tout d’abord, le traitement des annexes A.13, A.14 et A.15, la lecture de la requête introduite par les requérantes au pourvoi principal en première instance montre que c’est à juste titre que le Tribunal a considéré que celles-ci avaient exposé leur grief – relatif à l’examen des éléments de preuve économiques présentés au cours de la procédure administrative – de manière tellement succincte qu’il n’était pas possible d’identifier dans le texte de la requête une argumentation de nature à l’étayer. En effet, les arguments au soutien du grief se trouvent, et doivent être recherchés, intégralement dans lesdites annexes. Cela ressort du reste clairement des points 185 et 186 de l’arrêt attaqué. La même analyse vaut pour le traitement de l’annexe A.20 mentionné au point 280 de l’arrêt attaqué. En effet, en ce qui concerne cette annexe, force est de constater que les requérantes au pourvoi principal dans leur requête devant le Tribunal se sont bornées à effectuer un renvoi global à cette annexe dans une note de bas de page sans aucune autre spécification. Dans ces conditions, j’estime que le Tribunal n’a commis aucune erreur dans le traitement desdites annexes.

25.      Quant à l’argument selon lequel, lorsque les annexes ne contiennent que des éléments factuels, ces éléments ne devraient pas être exposés dans le corps de la requête, il convient de rappeler que, aux termes de la jurisprudence mentionnée au point 19, les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels se fonde le recours, ou un moyen ou même un argument, doivent non seulement être exposés sommairement dans la requête, mais doivent ressortir, d’une façon cohérente et compréhensible du texte de celle-ci, ce qui, comme il ressort du point 24 ci‑dessus, n’est pas le cas dans la présente espèce.

26.      À la lumière de tout ce qui précède, j’estime que le moyen tiré d’erreurs de droit concernant la recevabilité de certaines annexes doit être rejeté.

2.      Sur la nature d’association d’entreprises de MasterCard (deuxième moyen du pourvoi principal)

a)      L’arrêt attaqué

27.      Le Tribunal a abordé la question de la qualification de MasterCard et des décisions fixant les CMI au regard de l’article 81, paragraphe 1, CE aux points 241 à 260 de l’arrêt attaqué. Il a, tout d’abord, circonscrit la portée de cette question au point de savoir si, «en dépit des changements apportés par l’IPO, l’organisation de paiement MasterCard [avait continué] à être une forme institutionnalisée de coordination du comportement des banques» (point 244) et les CMI l’expression de cette coordination (23). Ensuite, d’une part, il a constaté, aux points 245 à 247, que, postérieurement à l’IPO, «les banques [avaient] continué à exercer collectivement un pouvoir décisionnel sur des aspects essentiels du fonctionnement de l’organisation de paiement MasterCard, tant au niveau national qu’au niveau européen», et que le maintien d’un tel pouvoir décisionnel «tend[ait] à relativiser grandement les conséquences qu’il convient de tirer de l’IPO». D’autre part, aux points 250 à 258, il a jugé que, en raison de l’existence d’une communauté d’intérêts entre MasterCard et les banques dans la fixation des CMI à un niveau élevé, la Commission avait pu valablement considérer que «les CMI reflétaient les intérêts des banques, alors même que celles-ci ne contrôlaient plus MasterCard depuis l’IPO». Il a donc conclu, au vu des mêmes éléments de continuité sur lesquels s’était appuyée la Commission, que celle-ci avait à bon droit maintenu la qualification d’association d’entreprises de MasterCard ainsi que celle de décisions d’une association d’entreprises à l’égard des décisions des organes de MasterCard fixant les CMI.

b)      Le pourvoi

28.      Les requérantes au pourvoi principal, soutenues par RBS, LBG, HSBC et MBNA, font valoir que la conclusion du Tribunal selon laquelle MasterCard est une association d’entreprises lorsqu’elle fixe les CMI est entachée d’une erreur de droit et/ou d’un défaut de motivation. Elles soutiennent, d’une part, que le premier motif retenu dans l’arrêt attaqué afin d’étayer cette conclusion, à savoir la circonstance que, postérieurement à l’IPO, les banques ont maintenu un pouvoir décisionnel résiduel au sein de l’organisation de paiement MasterCard, est dépourvue de pertinence, étant donné que ce pouvoir s’exerce sur des questions autres que la fixation des CMI et que le Tribunal aurait lui-même reconnu, au point 245 de l’arrêt attaqué, que les décisions relatives à ces commissions «[étaient] adoptées par les organes de l’organisation de paiement MasterCard et que les banques ne particip[ai]ent pas à ce processus décisionnel». D’autre part, elles font valoir que le deuxième motif sur lequel se fonde le Tribunal, à savoir la prétendue communauté d’intérêts entre l’organisation de paiement MasterCard et les banques dans la fixation des CMI, n’est ni pertinent, au vu de la jurisprudence de la Cour, ni suffisant à démontrer l’existence d’une association d’entreprises, celle-ci ne pouvant, notamment, pas être inférée de la seule circonstance qu’une société peut être amenée à tenir compte, dans ses décisions commerciales, des intérêts de ses clients. En outre, le raisonnement du Tribunal reviendrait à soutenir que les banques d’acquisition ont, elles aussi, un intérêt à ce que les CMI soient fixées à un niveau élevé, bien que cela comporte une augmentation de leurs coûts et donc une diminution potentielle de leurs profits.

c)      Analyse

29.      La question de la qualification de MasterCard et de ses décisions au regard de l’article 81, paragraphe 1, CE après l’introduction en Bourse de MasterCard Inc. s’inscrit, depuis la procédure administrative, dans une dialectique entre rupture et continuité. Alors que les requérantes au pourvoi principal – qui n’ont pas contesté la qualification d’association d’entreprises de MasterCard pour la période antérieure au 25 mai 2006 – ont insisté sur l’importance des changements au niveau de la structure et de la gouvernance de l’organisation après cette date, tant la Commission que le Tribunal ont constaté une identité substantielle de son mode de fonctionnement avant et après l’IPO et ont conclu que cette dernière n’avait altéré ni l’équilibre préexistant des intérêts réciproques des différents acteurs du système ni la réalité économique des CMI.

30.      Si, dans un tel contexte, les griefs sous analyse recèlent plusieurs éléments de critique des appréciations en fait opérées par le Tribunal, ils soulèvent néanmoins, contrairement à ce que soutient la Commission, une question de droit, portant sur l’interprétation et l’application en l’espèce de la notion d’association d’entreprises au sens de l’article 81, paragraphe 1, CE.

i)      Sur la prétendue méconnaissance de la jurisprudence de la Cour concernant la notion d’association d’entreprises

31.      Les requérantes au pourvoi principal font, tout d’abord, grief au Tribunal de s’être écarté de la jurisprudence de la Cour relative à cette notion. Elles estiment que, selon cette jurisprudence, une entité ne saurait être qualifiée d’association d’entreprises au sens de l’article 81, paragraphe 1, CE que si elle est composée d’une majorité de représentants des entreprises en cause et si, eu égard à la législation nationale applicable, elle est libre de prendre ses décisions dans l’intérêt exclusif desdites entreprises.

32.      Je dirai d’emblée qu’une telle interprétation m’apparaît excessivement restrictive. Si elle se fonde effectivement sur deux critères, liés à la composition et à l’encadrement légal des activités de l’entité en cause, qui se dégagent de la jurisprudence de la Cour, elle prône cependant une application stricte de ceux-ci qui se concilie mal tant avec la vocation de l’article 81 CE à couvrir toute forme de coopération entre entreprises contraire aux objectifs qu’il poursuit qu’avec la portée large que la jurisprudence reconnaît à la notion d’association d’entreprises.

33.      Ainsi que le Tribunal l’a rappelé à juste titre dans l’arrêt attaqué (24), il ressort, d’une manière générale, de la jurisprudence que les notions d’«accord», de «pratique concertée» et de «décision d’association d’entreprises» figurant à l’article 81, paragraphe 1, CE visent à couvrir toute collusion entre entreprises qui tend à produire les effets interdits par cette disposition, indépendamment de la forme dans laquelle elle se manifeste (25). Dès lors, les entreprises ne sauraient échapper à l’interdiction prévue par ladite disposition du simple fait qu’elles coordonnent leur comportement sur le marché par le biais d’un organe ou d’une structure commune ou qu’elles confient une telle coordination à un organisme indépendant (26). S’agissant plus spécifiquement de la notion d’association d’entreprises, celle-ci a été interprétée largement comme désignant tout organisme, même dépourvu de personnalité juridique ou poursuivant un but non lucratif (27) et indépendamment tant de sa qualification juridique au regard du droit national (28) que de la circonstance que ses membres soient des personnes physiques ou morales ou, elles-mêmes, des associations d’entreprises (29). Une interprétation large a été retenue également en ce qui concerne la notion de décision d’association d’entreprises. Il ressort en effet de la jurisprudence que celle-ci couvre tout acte, même dépourvu de caractère obligatoire (30), qui, quel qu’en soit le statut juridique exact, constitue l’expression fidèle de la volonté de l’association de coordonner le comportement de ses membres (31).

34.      Contrairement à ce que prétendent les requérantes au pourvoi principal, il ne saurait être déduit des précédents jurisprudentiels qu’elles citent, et notamment de l’arrêt Wouters e.a., (32) que les deux critères mentionnés ont vocation à s’appliquer quel que soit l’organisme dont il s’agit. L’affaire ayant donné lieu à cet arrêt, à l’instar des autres affaires auxquelles se réfèrent les requérantes au pourvoi principal (33), ne visait pas des organismes privés à caractère purement commercial, tel MasterCard, mais des organismes publics à vocation notamment professionnelle, souvent dotés par la loi de pouvoirs réglementaires et poursuivant, outre les intérêts collectifs de leurs membres, des buts d’intérêt général (34). Dans toutes ces affaires, il était essentiellement question d’apprécier si, eu égard au régime de droit public auquel ces organismes étaient soumis, ceux-ci agissaient sur le marché de manière autonome, de sorte que les comportements qu’ils tenaient et les actes qu’ils arrêtaient, ou à l’adoption desquels ils participaient, pouvaient être regardés comme des ententes au sens de l’article 81, paragraphe 1, CE. Dans le cadre de cette appréciation, la Cour a été parfois amenée, comme cela a été le cas dans l’affaire Wouters e.a. et, plus récemment, dans l’affaire Ordem dos Técnicos Oficiais de Contas (35), à dissocier les activités dans lesquelles l’entité en cause agissait en tant qu’organisme investi de pouvoirs publics et/ou poursuivait des buts d’intérêt public de celles dans lesquelles elle se comportait comme une association agissant dans l’intérêt exclusif de ses membres.

35.      C’est dans ce contexte d’amalgame entre pouvoirs et intérêts publics et privés qu’ont été élaborés et appliqués par la Cour les deux critères sur lesquels s’appuient les requérantes au pourvoi principal. C’est dans ce même contexte que la Cour a suivi l’approche fonctionnelle également évoquée par celles-ci, selon laquelle une entité peut constituer une association d’entreprises au sens de l’article 81, paragraphe 1, CE lorsqu’elle accomplit certaines tâches et non pas d’autres, de sorte que, aux fins de sa correcte qualification au regard des règles de concurrence, seule relèverait la nature des fonctions qu’elle exerce lorsqu’elle adopte l’acte qui s’assume en violation de ces règles.

36.      Or, il n’est pas contesté que MasterCard est un organisme de droit privé qui poursuit un but commercial. Elle n’est pas soumise à un régime de droit public, ni n’est chargée d’un service public, et les décisions arrêtées par ses organes sont fonction uniquement d’intérêts privés. Dans de telles circonstances, eu égard aux considérations développées aux points 34 et 35 ci-dessus, le recours auxdits critères, élaborés afin d’apprécier des contextes substantiellement différents de celui de l’espèce, ne s’imposait pas et le Tribunal pouvait, sans méconnaître la notion d’association d’entreprises telle qu’interprétée par la jurisprudence de la Cour, prendre en considération d’autres éléments d’appréciation.

ii)    Sur le prétendu défaut de pertinence des éléments sur lesquels s’est fondé le Tribunal

37.      Les requérantes au pourvoi principal avancent, ensuite, que les éléments sur lesquels s’est fondé le Tribunal, à savoir, d’une part, la circonstance que les banques ont maintenu un pouvoir décisionnel résiduel au sein de l’organisation de paiement MasterCard et, d’autre part, la prétendue communauté d’intérêts entre cette organisation et les banques dans la fixation des CMI, sont dépourvus de pertinence afin d’apprécier si l’on est en présence d’une association d’entreprises au sens de l’article 81, paragraphe 1, CE et, en tout état de cause, sont insuffisants pour caractériser une telle association.

38.      S’agissant du premier de ces éléments, elles font valoir que la circonstance que les banques ont conservé des pouvoirs décisionnels après l’IPO n’est pas pertinente dans la mesure où ces pouvoirs ne portent pas sur la fixation des CMI. En s’appuyant sur cette circonstance pour conclure que MasterCard agissait comme une association d’entreprises lorsqu’elle fixait les CMI, le Tribunal aurait méconnu l’approche fonctionnelle suivie par la Cour dans l’arrêt Wouters e.a.

39.      Á cet égard, sans rentrer dans le bien-fondé de l’appréciation effectuée par le Tribunal quant à l’importance reconnue auxdits pouvoirs décisionnels, je constate, à titre liminaire, que cette appréciation diverge de celle retenue par les requérantes au pourvoi principal, qui tendent à présenter ces pouvoirs comme substantiellement négligeables. Au point 247 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a, en effet, souligné que le conseil d’administration européen avait gardé une compétence pour décider sur des «questions essentielles», portant sur différents aspects du fonctionnement de l’organisation au niveau régional.

40.      Cela étant précisé, je renvoie aux considérations contenues aux points 34 et 35 ci-dessus, ainsi qu’aux constatations faites au point 36 ci-dessus, desquelles ressort que le Tribunal n’était pas tenu, dans les circonstances de l’espèce, de suivre ladite approche fonctionnelle et pouvait, dès lors, prendre en compte, en tant qu’élément d’appréciation, les pouvoirs décisionnels retenus par les banques après l’IPO, sans avoir à vérifier, ainsi que le prétendent les requérantes au pourvoi principal, si de tels pouvoirs pouvaient avoir un impact sur la fixation des CMI.

41.      En ce qui concerne le second des éléments susvisés, à savoir l’existence d’une communauté d’intérêts entre MasterCard et les banques dans la fixation des CMI, les requérantes au pourvoi principal soutiennent essentiellement qu’inférer d’une simple coïncidence d’intérêts entre deux ou plusieurs opérateurs économiques l’existence d’une association d’entreprises conduirait à appliquer l’article 81 CE en l’absence de toute preuve de collusion, laquelle suppose une concordance de volonté.

42.      Cet argument doit, à mon sens, être écarté. En effet, en l’espèce, le Tribunal a constaté l’existence d’un cadre institutionnalisé auquel les banques adhèrent et au sein duquel elles coopèrent entre elles et avec MasterCard en vue de la réalisation d’un projet commun qui comporte des limitations de leur autonomie commerciale et définit les lignes de leur action réciproque. Il s’agit, dès lors, d’un cas de figure très différent de celui d’un simple parallélisme de comportements, mentionné par les requérantes au pourvoi principal, dans lequel l’intérêt des entreprises concernées à ne pas se concurrencer est poursuivi par chacune d’entre elles de manière autonome, en alignant son comportement sur celui des concurrents. La présente affaire se distingue également de l’affaire BAI et Commission/Bayer (36), évoquée par LBG. S’il est vrai que, dans cette affaire, le Tribunal a conclu que, faute d’avoir établi une concordance de volonté entre Bayer et ses grossistes en vue de réduire le commerce parallèle, la Commission avait retenu à tort l’existence d’un accord au titre de l’article 81 CE, cette conclusion était fondée sur la constatation que la volonté respective des parties avait été interprétée erronément et que ni l’intention de Bayer d’imposer une interdiction d’exporter ni un acquiescement, fût-il tacite, à cette imposition de la part des grossistes n’avaient été démontrés (37).

43.      Il ressort de l’analyse conduite aux points 32 à 35 ci-dessus qu’un organisme relève de la notion d’association d’entreprises au sens de cette disposition lorsqu’il constitue le cadre dans lequel ou l’instrument par le biais duquel les entreprises coordonnent leurs comportements sur le marché, pour autant que cette coordination ou les résultats auxquels elle parvient ne soient pas imposés par les pouvoirs publics. Il résulte en outre de cette analyse que, compte tenu de la fonction que remplissent les notions d’«association d’entreprises» et de «décision d’une association d’entreprises» dans l’économie de l’article 81, paragraphe 1, CE, la question de savoir si elles s’appliquent dans un cas concret doit être appréciée en tenant compte de l’ensemble des éléments pertinents du cas de l’espèce, desquels doit ressortir la volonté des entreprises en cause de coordonner leur comportement sur le marché par l’intermédiaire d’une structure collective ou d’un organe commun.

44.      Or, la pertinence des deux éléments mentionnés au point 37 ci-dessus ne saurait être contestée dans les circonstances de l’espèce, où la question de la qualification de MasterCard en tant qu’association d’entreprises au sens de l’article 81, paragraphe 1, CE impliquait essentiellement d’apprécier l’impact de l’IPO sur son mode de fonctionnement, sur ses relations avec les banques affiliées ainsi que, plus en général, sur ses équilibres internes. À cet égard, je rappelle que les arguments avancés en première instance par les requérantes au pourvoi principal afin de contester une telle qualification reposaient essentiellement sur l’affirmation qu’aucune coordination ne pouvait être imputée aux banques après le 25 mai 2006 en ce qui concerne les CMI, celles-ci étant désormais fixées par MasterCard et appliquées aux banques affiliées dans le cadre d’une relation fournisseur-client.

45.      Quant au point de savoir si lesdits éléments étaient suffisants en l’espèce pour confirmer la qualification d’association d’entreprises de MasterCard opérée par la Commission, j’estime, sur la base de l’ensemble des considérations qui précèdent, qu’il ne saurait être a priori exclu qu’un organisme puisse être qualifié d’association d’entreprises même lorsque, comme dans le cas de MasterCard, les décisions qu’il adopte ne sont pas prises par une majorité de représentants des entreprises en cause ni dans l’intérêt exclusif de celles-ci, s’il résulte d’une appréciation d’ensemble des circonstances du cas d’espèce que lesdites entreprises entendent ou, à tout le moins, acceptent de coordonner leur comportement sur le marché au moyen de ces décisions et que leurs intérêts collectifs coïncident avec ceux pris en compte lors de l’adoption desdites décisions. Une telle qualification ne saurait d’autant plus être exclue a priori dans un contexte comme celui de l’espèce où les entreprises en cause ont poursuivi, pendant plusieurs années, le même objectif de régulation en commun du marché dans le cadre de la même organisation, bien que sous des formes différentes.

46.      Or, sur la base de son appréciation des faits et des circonstances de l’espèce, le Tribunal a conclu que les décisions du conseil d’administration mondial de MasterCard Inc. fixant les CMI continuaient à refléter les intérêts collectifs des banques affiliées au système et que celles-ci continuaient à coordonner sciemment leur politique en matière de commissions d’interchange transfrontalières au moyen desdites décisions, malgré le fait qu’elles ne prenaient plus part au processus décisionnel menant à leur adoption. Cette appréciation, sous réserve d’une dénaturation des faits et/ou des éléments de preuve (38), est en soi soustraite au syndicat de la Cour.

47.      À cet égard doit être écarté le reproche que les requérantes au pourvoi principal, soutenues par HSBC, adressent au Tribunal d’avoir confirmé l’affirmation de la Commission selon laquelle les banques d’acquisition avaient elles aussi un intérêt à la fixation de CMI élevées. En premier lieu, cette critique tend à remettre en cause l’appréciation des faits et des éléments de preuve effectuée par le Tribunal sans ni soulever une dénaturation des uns ou des autres ni avancer une démonstration qui aille au-delà de simples assertions (39). En deuxième lieu, contrairement à ce que prétendent les requérantes au pourvoi principal, le Tribunal ne s’est pas borné, à ce sujet, à constater que les banques d’acquisition avaient la possibilité de répercuter les CMI sur leurs clients, mais il a précisé qu’un système de fixation multilatérale par défaut des commissions d’interchange tel que celui des CMI donnait aux banques d’acquisition une assurance quant au fait qu’une augmentation desdites commissions n’aurait pas eu d’incidence sur leur position concurrentielle (40). Enfin, quant à la référence faite par le Tribunal à la règle du système MasterCard, selon laquelle les banques souhaitant acquérir des transactions étaient tenues d’avoir également une activité d’émission de cartes, les requérantes au pourvoi principal ne sauraient en soutenir le défaut de pertinence en s’appuyant simplement sur la circonstance que cette règle était appliquée jusqu’au 31 décembre 2004 et n’était plus en vigueur à la date de l’IPO. En effet, il ressort du point 254 de l’arrêt attaqué que le Tribunal a retenu l’explication de la Commission, selon laquelle, grâce à la règle mentionnée, le système avait évolué dans le sens que la quasi-totalité des banques disposant d’une activité d’acquisition étaient également émettrices de cartes, bénéficiant à ce titre des CMI, et était resté comme tel même après l’abolition de ladite règle. Il ressort, par ailleurs, du même point de l’arrêt attaqué, que les requérantes n’ont pas apporté, devant le Tribunal, des éléments de nature à contester le bien-fondé d’une telle explication.

48.      En conclusion, l’examen des griefs sous objet n’a pas permis d’établir que, en confirmant la qualification d’association d’entreprises de MasterCard retenue par la Commission, le Tribunal aurait méconnu la notion d’association d’entreprises au sens de l’article 81, paragraphe 1, CE, telle qu’interprétée par le juge de l’Union.

3.      Sur l’existence d’effets restrictifs sur la concurrence (moyen unique du pourvoi incident de RBS et premier moyen du pourvoi incident de LBG)

a)      La décision litigieuse et l’arrêt attaqué

49.      Pour des soucis de clarté, il convient de reprendre brièvement les différents passages de l’analyse contenue dans la décision litigieuse concernant les effets des CMI sur la concurrence. Dans cette décision, la Commission a conclu que, dans la mesure où elles influençaient le montant des commissions d’interchange prélevées par les banques d’émission aux banques d’acquisition (41), lesquelles répercutaient ce coût sur les frais imputés aux commerçants, les CMI produisaient des effets restrictifs sur la concurrence par les prix dans le marché de l’acquisition, au détriment des commerçants et de leurs clients (42). Pour arriver à cette conclusion, elle a, en premier lieu, constaté, en s’appuyant sur deux analyses quantitatives, que les CMI constituaient un niveau plancher pour les frais imputés par les banques d’acquisition aux commerçants indépendamment de leur taille (43). En deuxième lieu, elle a déduit d’une enquête parmi les commerçants conduite par elle-même en 2004 (ci-après l’«étude de marché de 2004») que les CMI empêchaient une baisse des MSC en dessous d’un certain niveau. En troisième lieu, après avoir rejeté les arguments de MasterCard réfutant la thèse d’un effet restrictif des CMI sur la concurrence dans le marché de l’acquisition (44), la Commission a examiné les effets des CMI sur le marché de l’émission, concluant que les banques actives sur ce marché tendaient à favoriser les cartes générant les revenus d’interchange les plus élevés et que cette stratégie était susceptible d’augmenter davantage le coût de l’acceptation des cartes sur le marché de l’acquisition (45). Elle a, en quatrième lieu, remarqué que la concurrence intersystèmes (entre les différents réseaux de paiement par cartes, essentiellement entre Visa et MasterCard) non seulement n’empêchait pas MasterCard de maintenir les commissions d’interchange à un niveau élevé, mais exerçait sur celles-ci une pression à la hausse, amplifiant les distorsions de concurrence sur le marché de l’acquisition (46). En cinquième lieu, elle a constaté que les CMI n’étaient soumises à aucune contrainte ni de la part des banques d’acquisition ni de la part des commerçants (47). Á ce dernier égard, la Commission a pris en considération, parmi d’autres facteurs, la règle du réseau MasterCard faisant obligation aux commerçants (et aux banques d’acquisition) d’honorer toutes les cartes, à savoir tous les produits offerts par MasterCard sur le marché de l’émission et quelle que soit la banque d’émission («Honour-All-Cards Rule», ci‑après la «HACR»). Enfin, la Commission a considéré que les membres de MasterCard exerçaient collectivement un pouvoir de marché à l’égard des commerçants et de leurs clients et que les CMI leur permettaient de l’exploiter.

50.      Le Tribunal a examiné la question des effets des CMI sur la concurrence aux points 123 à 193 de l’arrêt attaqué. Il a, en premier lieu abordé et rejeté les griefs tirés d’un défaut d’examen du jeu de la concurrence en l’absence des CMI. Dans ce contexte, il a rejeté, d’une part, les critiques concernant la prise en compte par la Commission, dans son analyse contrefactuelle, d’une règle interdisant la tarification a posteriori (48) en tant que règle par défaut substituant les CMI (point 132 de l’arrêt attaqué) et, d’autre part, celles portant sur la référence, faite par la Commission dans le cadre de cette analyse, au fait que des négociations bilatérales se tiendraient entre banques d’émission et banques d’acquisition, aboutissant, à terme, à une disparition des commissions d’interchange (point 133). Il a, ensuite, rejeté les arguments visant à reprocher à la Commission de ne pas avoir démontré que la suppression des CMI élèverait le degré de concurrence existant entre acquéreurs (points 135 à 136) et, notamment, celui tiré d’une assimilation des CMI à un coût d’entrant commun, neutre du point de vue de la concurrence (point 143). En deuxième lieu, aux points 168 à 182 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a abordé et rejeté un certain nombre de griefs liés à l’examen du marché des produits, confirmant l’analyse du marché retenue dans la décision litigieuse. En ce qui concerne, notamment, l’existence d’un marché autonome de l’acquisition, il a souligné que, en dépit d’une certaine complémentarité entre les volets «émission» et «acquisition», d’une part, les services fournis aux titulaires de cartes et aux commerçants pouvaient être distingués et, d’autre part, les titulaires de cartes et les commerçants exerçaient des pressions concurrentielles séparées sur, respectivement, les banques d’émission et les banques d’acquisition (points 176 et 177). Dans ce même contexte, il a considéré que les critiques portant sur l’absence de prise en compte de la nature duale du marché mettaient en avant les avantages économiques qui découleraient des CMI et étaient, dès lors, dépourvues de pertinence dans le cadre d’un moyen tiré de la violation de l’article 81, paragraphe 1, CE. Enfin, le Tribunal a rejeté tant le grief relatif à l’examen des éléments de preuve économiques présentés au cours de la procédure administrative avancé par les requérantes au pourvoi principal (voir points 139 et suivants ci-dessous) qu’un grief tiré d’un défaut de motivation du fait d’un changement d’approche de la Commission par rapport à la décision Visa du 24 juillet 2002 (49).

b)      Sur le moyen unique du pourvoi incident de RBS

i)      Sur le grief tiré d’une erreur de droit affectant l’analyse contrefactuelle conduite par le Tribunal

51.      Par son unique moyen de pourvoi, RBS, soutenue par les requérantes au pourvoi principal, fait, tout d’abord, grief au Tribunal de ne pas avoir vérifié si l’hypothèse élaborée par la Commission dans le cadre de son analyse contrefactuelle, fondée sur l’application d’une règle interdisant aux banques émettrices la tarification a posteriori, aurait pu vraisemblablement se produire en l’absence des CMI. En se bornant à affirmer la viabilité économique d’une telle règle, il aurait confondu l’analyse des effets des CMI sur la concurrence et celle de la nécessité objective de la restriction qu’elles produiraient.

52.      Selon une jurisprudence constante, pour apprécier si un accord (ou une décision d’une association d’entreprises) doit être considéré comme interdit en raison de ses effets sur le marché, il y a lieu d’examiner le jeu de la concurrence dans le cadre réel dans lequel il se produirait à défaut de l’accord (ou de la décision) litigieux (50). La méthode d’analyse indiquée par la Cour implique, dès lors, une comparaison entre la structure concurrentielle induite par la prétendue restriction et celle qui aurait prévalu en son absence.

53.      Le deuxième terme de cette comparaison étant le résultat d’une appréciation fondée sur des hypothèses, il ne saurait être demandé que soit apportée la preuve que le scénario retenu dans le cadre de cette appréciation se produira inévitablement à défaut de la restriction présumée (51). Ce scénario doit cependant résulter comme suffisamment réaliste et plausible, et donc non simplement théoriquement possible, à la lumière d’une analyse de tous les facteurs pertinents, tels que, notamment, les caractéristiques des produits ou des services visés, la position des parties à l’accord sur le marché en cause (52), la structure de celui-ci ainsi que le contexte économique, juridique et technique régissant son fonctionnement (53), les conditions de la concurrence tant actuelle que potentielle (54), l’existence de barrières à l’entrée (55), le degré de saturation du marché et la fidélité des consommateurs aux marques existantes (56), l’existence ou l’exercice de droits de propriété intellectuelle.

54.      En l’espèce, la Commission a examiné le processus concurrentiel qui se serait développé sur le marché de l’acquisition en l’absence des CMI aux points 458 à 460 de la décision litigieuse, pour en conclure que, en l’absence des CMI et avec une interdiction de la tarification a posteriori, les prix facturés aux commerçants par les acquéreurs «seraient fixés en ne prenant en considération que les coûts marginaux de l’acquéreur et sa marge commerciale». Selon la Commission, «l’incertitude des banques d’acquisition quant au niveau des commissions d’interchange que ses concurrents accepteraient, sur une base bilatérale, de verser aux émetteurs exercerait une contrainte sur les acquéreurs», de sorte que, «à long terme, on peut s’attendre à ce qu’un tel processus débouche sur l’établissement des créances et des dettes interbancaires à la valeur nominale du paiement, c’est-à-dire sans déduction de la moindre commission d’interchange». Au point 133 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a confirmé cette analyse. Ainsi, contrairement à ce que RBS et les requérantes au pourvoi principal ont fait valoir notamment lors de l’audience, la décision litigieuse n’est pas dépourvue d’analyse contrefactuelle et l’arrêt du Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit en ne sanctionnant pas la Commission pour une telle prétendue omission.

55.      RBS conteste l’affirmation contenue au point 132 de l’arrêt attaqué selon laquelle «la circonstance que l’hypothèse d’un système MasterCard fonctionnant sans CMI – sur la seule base d’une règle interdisant la tarification ex post – apparaît revêtir un caractère économiquement viable suffit à justifier sa prise en considération dans le cadre de son analyse des effets des CMI sur la concurrence».

56.      Pour comprendre le sens et la portée de ce point, il convient de relever que, dans l’arrêt attaqué, le Tribunal a abordé les griefs tirés d’erreurs d’appréciation dans l’analyse des effets des CMI sur la concurrence après celui tiré d’un examen erroné du caractère objectivement nécessaire des CMI. Il a, en effet, considéré, compte tenu des critiques soulevées à l’encontre de l’appréciation de la Commission au titre de l’article 81, paragraphe 1, CE, qu’il était préférable de vérifier le caractère économiquement viable d’un système MasterCard fonctionnant sans CMI avant d’apprécier, ainsi que requis par la jurisprudence citée au point 52 ci-dessus, comment la concurrence sur le marché de l’acquisition s’exercerait dans le cadre d’un tel système.

57.      Un tel procédé a amené le Tribunal à emporter dans le cadre de l’examen des effets des CMI sur la concurrence les conclusions auxquelles il était parvenu au terme de son examen concernant leur caractère objectivement nécessaire. Ainsi, ayant conclu, au terme de cet examen, que la Commission avait pu légitimement retenir qu’un mécanisme de règlement par défaut comportant des CMI d’un niveau positif n’était pas objectivement nécessaire à la viabilité du système MasterCard, et que celui-ci aurait pu fonctionner sur la base d’une alternative moins restrictive, à savoir une règle d’interdiction de tarification a posteriori, il a considéré, audit point 132, qu’il était loisible à cette institution d’assumer comme point de départ de son analyse du jeu de la concurrence à défaut des CMI un scénario caractérisé par une telle règle. Contrairement à ce qu’a fait valoir RBS lors de l’audience, un tel scénario contrefactuel n’a pas été élaboré par le Tribunal afin de combler une lacune de la décision litigieuse, mais figurait déjà dans celle-ci (57).

58.      Le Tribunal n’a donc pas confondu les critères de l’analyse des effets d’une restriction sur la concurrence et ceux applicables à l’examen du caractère objectivement nécessaire d’une restriction accessoire, ni n’a méconnu les principes fixés par la jurisprudence rappelée au point 52 ci-dessus, substituant le «cadre réel» dans lequel doit être apprécié le jeu de la concurrence à défaut de la restriction présumée avec un cadre «économiquement viable». Au point 132 susvisé de l’arrêt attaqué, il s’est, en substance, borné à rappeler, sur la base des résultats de son appréciation du caractère objectivement nécessaire des CMI, les conditions auxquelles, à défaut de la restriction présumée, le système MasterCard aurait pu continuer à fonctionner.

59.      En ce qui concerne l’allégation que les requérantes au pourvoi principal réitèrent dans leur mémoire en réponse au pourvoi incident de RBS, selon laquelle l’introduction d’une règle interdisant la tarification par défaut ne serait pas réaliste, qu’une telle règle ne serait pas le résultat des forces du marché et qu’elle n’aurait jamais été adoptée par MasterCard, sauf à y être obligée par une intervention régulatrice, je renvoie aux considérations développées aux points 101 à 106 ci-dessous dans le contexte de l’examen de la nécessité objective des CMI. À ce stade, je me borne à relever que, en première instance, les requérantes au pourvoi principal ont longuement insisté, d’une part, sur le fait qu’un mécanisme de règlement des transactions par défaut est une exigence essentielle de tout système quadripartite caractérisé par le HACR et, d’autre part, sur l’absence de processus de marché entre banques d’émission et banques d’acquisition. Dans ces circonstances, je me demande si un tel mécanisme par défaut n’est pas nécessairement le résultat d’une intervention étrangère aux forces du marché, qu’il s’agisse d’une décision prise au sein du système de paiement (58) ou d’une intervention de l’autorité de concurrence (59).

60.      Ainsi, nous sommes ici dans un cas d’espèce très différent de celui ayant donné lieu à l’arrêt O2 (Germany)/Commission (60), également évoqué par les requérantes au pourvoi principal dans leur mémoire en réponse au pourvoi incident de RBS. Dans cet arrêt, le Tribunal a censuré la Commission pour ne pas avoir correctement reconstruit la structure concurrentielle qui aurait prévalu en l’absence de l’accord litigieux, dans la mesure où elle avait, notamment, considéré comme acquise la présence de O2 sur le marché de la téléphonie mobile 3G, alors qu’une telle donnée non seulement n’était pas étayée, mais était, au demeurant, contredite par l’analyse qu’elle avait conduite au titre de l’article 81, paragraphe 3, CE. Dans le cas d’espèce, en revanche, il est fait, en substance, grief à la Commission d’avoir examiné la situation concurrentielle sur le marché de l’acquisition en l’absence des CMI sans tenir compte du mécanisme par défaut que MasterCard aurait vraisemblablement décidé d’adopter afin de remplacer les CMI.

61.      Pour les motifs exposés ci-dessus, le grief de RBS tiré d’une erreur de droit affectant l’analyse contrefactuelle conduite par le Tribunal me semble devoir être rejeté.

ii)    Sur le grief tiré d’une analyse insuffisante des effets des CMI sur la concurrence

62.      RBS reproche, ensuite, à la Commission et au Tribunal de ne pas avoir fondé leur analyse des effets sur la concurrence des CMI sur des preuves spécifiques et concrètes, mais de s’être limités à des considérations d’ordre général et à de simples conjectures, en suivant une approche qui est appropriée lorsqu’une restriction par objet est présumée et non pas, comme en l’espèce, une restriction par effet.

63.      Ce grief est peu circonstancié, se limitant en substance à évoquer le caractère générique des affirmations du Tribunal, et procède d’une lecture sélective de l’arrêt attaqué. Contrairement à ce que laisse entendre RBS en renvoyant aux termes employés à la seconde phrase du point 143 de l’arrêt attaqué (61), le Tribunal ne s’est pas borné à déduire les effets restrictifs des CMI de la seule constatation qu’elles fixaient un plancher aux MSC. Au contraire, il a, premièrement, rappelé, au point 140 de l’arrêt attaqué, le contenu de l’article 81, paragraphe 1, sous a), CE, en soulignant que son objet «est d’interdire aux entreprises de fausser l’évolution normale des prix sur le marché». Deuxièmement, en rejetant le grief tiré de ce que les CMI auraient agi comme un coût d’entrant commun, il a expliqué que «les CMI limitent la pression que les commerçants peuvent exercer sur les banques d’acquisition lors de la négociation des MSC en réduisant les possibilités que les prix baissent en dessous d’un certain seuil» (point 143, troisième phrase). Troisièmement, il a abordé et rejeté les différents griefs et arguments présentés par les requérantes au pourvoi principal ainsi que par les intervenantes à l’encontre de l’analyse des effets restrictifs des CMI contenue dans la décision litigieuse. Dans ce contexte, il a examiné et confirmé l’appréciation faite par la Commission concernant, notamment, les points de savoir si cette dernière avait démontré à suffisance de droit que les CMI fixaient un plancher aux MSC (points 159 à 165) et que la contrainte exercée par les commerçants sur les CMI était insuffisante (points 157 et 158), si elle avait correctement défini le marché des produits (points 169 à 173) et retenu comme marché autonome et pertinent celui de l’acquisition (points 175 à 178) et si elle avait, à bon droit, écarté de son analyse la pression concurrentielle exercée par d’autres méthodes de paiement sur le niveau des CMI (point 180) ainsi que la nature duale du marché (points 181 et 182). Enfin, le Tribunal a examiné et confirmé tant la fiabilité que la valeur probatoire des documents sur lesquels s’était fondée la Commission, à savoir, d’une part, les déclarations d’une compagnie pétrolière, d’une chaîne de supermarchés située au Royaume-Uni, d’une compagnie aérienne et d’un magasin d’ameublement (points 146 et 147) et, d’autre part, l’étude de marché de 2004 (points 148 à 158).

64.      Au vu de ce qui précède, il ne saurait, à mon sens, être reproché au Tribunal d’avoir conduit, ainsi que RBS le fait valoir, une analyse insuffisante s’agissant d’une restriction par effet. En tout état de cause, s’il est vrai que, dans la décision litigieuse, la Commission n’a pas pris une position définitive quant à un possible objet anticoncurrentiel des CMI et que, dès lors, elle était tenue d’apprécier leurs effets sur le marché, il n’en reste pas moins que, lorsqu’il s’agit, comme en l’espèce, d’une entente qui touche directement au mécanisme de formation des prix, sa capacité à fausser l’évolution normale des prix sur le marché peut concrètement résulter relativement plus aisée à démontrer. À cet égard, je relève que, dans l’arrêt relatif aux banques autrichiennes (62), le Tribunal, sans avoir été contredit par la Cour saisie en pourvoi (63), a affirmé que, pour établir si une entente sur les prix mise en œuvre par les entreprises qui y ont participé a eu un impact concret sur le marché, «il suffit que les prix convenus aient servi de base pour la fixation des prix de transaction individuels, limitant ainsi la marge de négociation des clients» (64). Il est vrai que l’entente en cause dans l’affaire ayant donné lieu audit arrêt avait été considérée restrictive par objet et que la Commission n’avait pris en compte ses effets sur le marché que lors de l’évaluation de la gravité de l’infraction aux fins de la détermination de l’amende. Cependant, il ne saurait être considéré qu’un moindre degré de rigueur dans la preuve des effets d’une entente sur le marché soit requis aux fins de la détermination du niveau de l’amende qu’aux fins d’apprécier si elle tombe sous le coup de l’article 81, paragraphe 1, CE (65).

iii) Sur le grief tiré d’une contradiction entachant les motifs de l’arrêt attaqué

65.      RBS relève, enfin, une contradiction au sujet de la capacité des commerçants à influer sur la politique de MasterCard et de ses membres en matière de prix entre ce qui est affirmé au point 143 de l’arrêt attaqué et les constatations contenues aux points 150, 157 et 158 de ce même arrêt.

66.      Ce grief doit, à mon sens, également être rejeté. En effet, la «contrainte» dont il est question aux points 150, 157 et 158 de l’arrêt attaqué est celle que les commerçants pouvaient exercer sur le niveau des CMI en refusant ou en décourageant l’utilisation des cartes MasterCard, contrainte que, sur la base de l’étude de marché de 2004, la Commission et le Tribunal ont jugé insuffisante, du fait des retombées négatives qu’un tel comportement de la part des commerçants aurait pu avoir sur leur clientèle (66). En revanche, au point 143 de l’arrêt attaqué, le Tribunal se réfère à la «pression» que les commerçants peuvent exercer sur les banques d’acquisition lors de la négociation des MSC, pression qui est limitée par les CMI – qui constituent le seuil en dessous duquel les MSC ne sont en principe pas susceptibles de baisser – mais qui augmenterait dans un marché de l’acquisition fonctionnant en leur absence. Il n’existe donc manifestement aucune contradiction entre les points de l’arrêt attaqué mentionnés par RBS, dès lors qu’ils visent des situations différentes.

iv)    Conclusions sur le moyen unique du pourvoi incident de RBS

67.      Sur la base de l’ensemble des considérations qui précèdent, j’estime que le moyen unique du pourvoi incident de RBS et, dès lors, le pourvoi incident en soi doivent être rejetés comme non fondés.

c)      Sur le premier moyen du pourvoi incident de LBG

68.      Dans le cadre de son premier moyen de pourvoi, LBG avance, en substance, trois critiques à l’encontre de l’arrêt attaqué.

69.      Elle fait grief, en premier lieu, au Tribunal de ne pas avoir fourni une motivation adéquate de la raison pour laquelle les CMI faussent la concurrence sur le marché de l’acquisition bien qu’elles constituent un coût d’entrant commun. À cet égard, il suffit de rappeler que le Tribunal a rejeté le grief tiré de ce que les CMI auraient agi comme un coût d’entrant commun au point 143 de l’arrêt attaqué, où il a expliqué que, par rapport à un marché de l’acquisition fonctionnant en leur absence, «les CMI limitent la pression que les commerçants peuvent exercer sur les banques d’acquisition lors de la négociation des MSC en réduisant les possibilités que les prix baissent en dessous d’un certain seuil». Cette explication s’accompagne du renvoi à la constatation effectuée par la Commission, et confirmée par le Tribunal, concernant le caractère viable d’un système MasterCard fonctionnant sans CMI. Dans son ensemble, une telle motivation, qui s’appuie sur l’existence d’une relation inversement proportionnelle entre la marge de négociation des commerçants sur les MSC et le niveau des CMI, ainsi que sur l’affirmation du caractère artificiel et non objectivement nécessaire des CMI, est, à mon sens, suffisant pour permettre de comprendre le raisonnement suivi par le Tribunal.

70.      En deuxième lieu, LBG reproche, en substance, au Tribunal d’avoir retenu l’existence d’une entente sur les prix sur le marché de l’émission, mais d’en avoir examiné les effets sur le marché en aval de l’acquisition. Elle se borne, à cet égard, à renvoyer aux arguments développés aux points 48 à 52 de son mémoire en intervention devant le Tribunal, auquel ce dernier n’aurait pas répondu.

71.      Selon la Commission, ce grief est irrecevable puisque, en sa qualité d’intervenante, LBG n’était pas autorisée à se prévaloir desdits arguments, qui soulevaient en réalité un moyen nouveau par rapport à ceux invoqués à l’appui de la requête, tiré d’une erreur dans la définition du marché pertinent. À cet égard, je relève que, aux points susmentionnés du mémoire en intervention en première instance de LBG, cette dernière visait, en substance, à reprocher à la Commission, premièrement, d’avoir opté, dans son analyse contrefactuelle, pour une hypothèse – à savoir un système MasterCard fonctionnant sans CMI, mais avec une règle interdisant la tarification a posteriori – ayant le même impact sur la concurrence entre banques d’acquisition que les CMI (points 49 et 50), deuxièmement, de s’être appuyée sur l’étude de marché de 2004, dont la valeur probante est mise en cause (point 51) et, troisièmement, d’avoir adopté une approche «inusuelle», en examinant les effets restrictifs des CMI sur le marché de l’acquisition et non pas sur celui de l’émission, où l’entente était mise en place (points 52 à 54). Or, le Tribunal a répondu aux deux premiers griefs, ou à des griefs largement similaires soulevés en première instance par les requérantes au pourvoi principal, respectivement aux points 143 et 149 à 156 de l’arrêt attaqué. S’agissant du troisième grief, pour partie, il se confond avec celui tiré d’un défaut de prise en compte de la nature duale du marché, également soulevé par LBG en première instance, et dont il est question dans la troisième critique avancée par cette dernière dans le cadre du moyen sous analyse, examinée aux points 73 à 75 ci‑dessous, et, pour partie, vise à remettre en question le choix du marché pertinent opéré par la Commission. Sous ce dernier aspect, le Tribunal y a apporté une réponse aux points 168 à 178 de l’arrêt attaqué. LBG était donc, en principe, recevable à faire valoir des éventuelles erreurs de droit affectant les appréciations contenues aux points susvisés de l’arrêt attaqué.

72.      En ce qu’il fait valoir une prétendue omission de statuer, le grief sous analyse doit cependant être rejeté au fond, dès lors que, comme je viens de le dire, le Tribunal a en réalité répondu aux différents arguments avancés par LBG dans les points susmentionnés de son mémoire en intervention. Pour le reste, en l’absence de contestations spécifiquement dirigées contre les points de l’arrêt attaqué qui contiennent une telle réponse, la seule affirmation selon laquelle le Tribunal n’aurait pas «traité de manière appropriée» les arguments et les éléments qui lui ont été soumis ne peut être interprétée que comme une demande de réexamen desdits arguments et éléments adressée à la Cour, en tant que telle, irrecevable au stade du pourvoi.

73.      Il en va de même de la troisième critique avancée par LBG à l’encontre de l’arrêt attaqué, visant à reprocher au Tribunal de ne pas avoir tenu compte de l’importance des contraintes exercées par les «autres systèmes de paiement» sur le marché de l’émission, ni de la nature duale du marché.

74.      En effet, LBG se borne, en substance, à affirmer que le Tribunal aurait à tort écarté ces questions de son analyse au titre de l’article 81, paragraphe 1, CE et reconnu leur pertinence uniquement aux fins de l’application du paragraphe 3 de cet article, sans toutefois expliquer les raisons pour lesquelles un tel procédé serait erroné, mais se limitant à réitérer les arguments déjà avancés dans le cadre de sa première et de sa deuxième critique et à renvoyer au contenu de son mémoire en intervention en première instance. À cet égard, je relève que, aux points 180 et 181 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a considéré que les critiques portant sur l’absence de prise en compte de la nature duale du marché étaient «dépourvues de pertinence dans le cadre d’un moyen tiré de la violation de l’article 81, paragraphe 1, CE», en ce qu’elles «mett[aient] en avant les avantages économiques qui découleraient des CMI». Or, LBG n’a avancé, dans son pourvoi incident, aucun argument visant à remettre en cause une telle interprétation des arguments qu’elle avait présentés à ce sujet en première instance, ni à expliquer quels avantages auraient dû être pris en compte par le Tribunal au titre de l’article 81, paragraphe 1, CE et les motifs pour lesquels une telle prise en compte se révélait nécessaire en l’espèce, compte tenu notamment de la jurisprudence de la Cour et du Tribunal en la matière. Je relève également que, contrairement à ce que semble soutenir LBG, aux points 179 et 180 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a abordé et rejeté l’argument tiré d’un défaut de prise en compte de la part de la Commission «[d]es autres modes de paiement, soit dans le cadre d’un marché unique, soit, en toute hypothèse, comme exerçant une pression concurrentielle». Dans ce cas aussi, LBG n’avance aucune contestation à l’encontre de l’appréciation conduite par le Tribunal. Faute d’une argumentation plus circonstanciée, la Cour serait amenée à exercer son contrôle sur la base de la simple allégation d’une analyse prétendument défaillante de la part du Tribunal.

75.      En ce que la critique en objet fait valoir un défaut de motivation sur les points en question, elle doit, à mon sens, être rejetée comme non fondée, les motifs pertinents de l’arrêt attaqué permettant de comprendre le raisonnement suivi par le Tribunal.

76.      Sur la base de ce qui précède, il convient, à mon sens, de rejeter le premier moyen du pourvoi incident de LBG dans son intégralité.

4.      Sur le caractère objectivement nécessaire des CMI (premier moyen du pourvoi principal)

a)      L’arrêt attaqué

77.      Le Tribunal a abordé la question de la nécessité objective des CMI aux points 77 à 121 de l’arrêt attaqué. Avant de procéder à cet examen, il a précisé, au point 75, que la référence que les requérantes au pourvoi principal avaient faite au prétendu caractère objectivement nécessaire des CMI devait s’entendre comme «signifiant que la Commission aurait dû conclure qu’elles constituaient une restriction accessoire par rapport au système MasterCard et que, partant, elle n’était pas en droit d’examiner leurs effets sur la concurrence de manière autonome, mais aurait dû les examiner conjointement avec ceux du système MasterCard auquel elles se rattachaient».

78.      Après un bref rappel des principes établis par l’arrêt M6 e.a./Commission (67) en matière de restrictions accessoires, le Tribunal a examiné et rejeté le grief avancé par les requérantes au pourvoi principal tiré d’une application de critères juridiques erronés (points 84 à 92 de l’arrêt attaqué). Il a ensuite analysé séparément la prétendue nécessité objective des CMI en tant que modalité de règlement par défaut des transactions (points 94 à 99) et en tant que mécanisme de transfert des fonds en faveur des banques d’émission (points 100 à 121). Dans le cadre du premier examen, il a confirmé l’appréciation de la Commission, selon laquelle l’introduction dans le système MasterCard d’une règle imposant une interdiction de tarification a posteriori serait une alternative moins restrictive à des CMI de valeur positive. Au terme de son analyse, le Tribunal a conclu que la Commission avait pu valablement établir que les CMI n’étaient pas objectivement nécessaires au fonctionnement du système MasterCard.

b)      Sur le premier moyen du pourvoi principal

79.      Par leur premier moyen, les requérantes au pourvoi principal, soutenues par RBS, MBNA, HSBC et LBG, reprochent au Tribunal plusieurs erreurs de droit ainsi qu’un défaut de motivation en ce qui concerne l’évaluation de la nécessité objective des CMI. Ce moyen est divisé en quatre branches, tirées respectivement de l’application d’un critère juridique erroné, d’un défaut d’examen de la restriction de concurrence dans son contexte, d’une substitution de l’appréciation du Tribunal à celle de la Commission et de l’application d’un niveau de contrôle insuffisant.

i)      Sur la première branche du premier moyen du pourvoi principal, tirée de l’application d’un critère juridique erroné

80.      Par la première branche de leur premier moyen, les requérantes au pourvoi principal font grief au Tribunal d’avoir méconnu le critère juridique applicable à l’examen du caractère objectivement nécessaire d’une restriction accessoire, tel que défini, notamment, dans les arrêts de la Cour DLG (68) et du Tribunal M6 e.a./Commission (69). Alors que, dans ces précédents, le juge de l’Union aurait précisé qu’une restriction est objectivement nécessaire lorsque, en l’absence de celle-ci, l’objet poursuivi par l’opération principale serait impossible à atteindre ou la capacité des parties à le poursuivre en résulterait affaiblie, à savoir lorsque cette opération «s’avérerait difficilement réalisable, voire irréalisable» (70), au point 89 de l’arrêt attaqué, le Tribunal aurait rigidifié ce critère en affirmant que «seules les restrictions qui sont nécessaires pour que l’opération principale puisse, en toute hypothèse, fonctionner peuvent être considérées comme relevant du champ d’application de la théorie des restrictions accessoires». Selon les requérantes au pourvoi principal et les intervenantes, le critère correct à appliquer devrait être «réaliste du point de vue commercial» et non pas exiger une nécessité stricte sur le plan logique. Il devrait permettre de considérer comme objectivement nécessaire une restriction dont l’absence «empêcherait matériellement le fonctionnement effectif» de l’opération principale ou sa capacité à fonctionner «d’une manière efficace».

81.      Il convient de rappeler que, selon l’arrêt M6 e.a./Commission, précité, dont d’amples citations figurent aux points 77 à 82 de l’arrêt attaqué, «la notion de restriction accessoire couvre toute restriction qui est directement liée et nécessaire à la réalisation d’une opération principale» (71). Selon cet arrêt, afin d’apprécier le caractère nécessaire d’une telle restriction, «il convient de rechercher, d’une part, si [elle] est objectivement nécessaire à la réalisation de l’opération principale et, d’autre part, si elle est proportionnée par rapport à celle-ci» (72). En ce qui concerne l’examen du caractère objectivement nécessaire de la restriction, ledit arrêt précise qu’«il s’agit non pas d’analyser si, au vu de la situation concurrentielle sur le marché en cause, la restriction est indispensable pour le succès commercial de l’opération principale, mais bien de déterminer si, dans le cadre particulier de l’opération principale, la restriction est nécessaire à la réalisation de cette opération» et que, «si, en l’absence de la restriction, l’opération principale s’avère difficilement réalisable voire irréalisable, la restriction peut être considérée comme objectivement nécessaire à sa réalisation» (73).

82.      Il y a également lieu de relever que ni les requérantes au pourvoi principal ni les intervenantes ne contestent, en soi, le critère juridique applicable à l’examen de la nécessité objective d’une restriction accessoire tel que défini par l’arrêt M6 e.a./Commission, précité, mais se bornent à soutenir que le Tribunal n’aurait appliqué ce critère que partiellement, omettant notamment d’apprécier si l’élimination des CMI aurait rendu le système MasterCard «difficilement réalisable». Il convient, dès lors, d’une part, de définir l’exacte portée de ce critère et, d’autre part, de vérifier si le Tribunal a commis l’erreur qui lui est reprochée.

83.      Pour ce qui est du premier aspect, je relève que, en droit de l’Union, la théorie des restrictions accessoires tire ses origines d’une série de précédents de la Cour, à partir de l’arrêt Metro SB-Großmärkte/Commission (74), dans lesquels cette dernière a considéré que ne constituent pas des restrictions de concurrence au sens de l’article 81, paragraphe 1, CE des limitations de l’autonomie des parties à un accord «nécessaires» pour atteindre un certain but commercial légitime. Dans ces précédents, la condition de la nécessité de la restriction a été interprétée et appliquée de manière relativement stricte, la Cour ayant, en règle générale, exigé que la limitation en cause fût nécessaire afin de permettre la réalisation de l’opération commerciale envisagée en termes de «possibilité», d’«effectivité», de «viabilité» (75).

84.      La raison de cette rigueur est principalement due au fait que de telles restrictions bénéficient, en principe, automatiquement de l’appréciation de compatibilité avec l’article 81, paragraphe 1, CE dont jouit l’accord. Un tel traitement est la conséquence de l’appréciation positive réservée par l’ordre juridique de l’Union à la fonction juridico‑économique remplie par l’accord et de la priorité que cet ordre juridique reconnaît à l’objectif légitime qu’il poursuit, en tolérant les éventuelles restrictions (modérées) de la concurrence qui s’avèrent nécessaires pour atteindre cet objectif. De manière cohérente avec cette ratio, la qualification de restriction accessoire objectivement nécessaire ne saurait être reconnue qu’aux restrictions sans lesquelles l’accord ne saurait remplir pleinement la fonction juridico-économique qui le caractérise et/ou son exécution serait irréalisable ou sérieusement mise en danger. C’est en ces termes qu’il faut, à mon sens, interpréter tant la référence contenue dans l’arrêt DLG, précité, au «bon fonctionnement» de l’opération principale que celle contenue dans l’arrêt M6 e.a./Commission, précité, au caractère «difficilement réalisable» de celle-ci (76).

85.      L’exigence d’éviter que l’examen concernant le caractère objectivement nécessaire d’une restriction accessoire ne fasse double emploi avec celui mené au titre de l’article 81, paragraphe 3, CE a également été évoquée dans le cadre de l’appréciation de la nécessité objective d’une restriction accessoire (77). Ainsi, il a été précisé que c’est dans le contexte de cette disposition et non pas dans celui du paragraphe 1 du même article que doivent être prises en compte les restrictions permettant de faciliter la réalisation de l’opération principale, d’en améliorer l’efficacité ou d’en assurer le succès commercial et, en général, celles qui se rendent «indispensables» au vu de la situation concurrentielle du marché (78).

86.      J’en viens donc à examiner si, en appréciant la nécessité objective des CMI par rapport au système MasterCard, le Tribunal s’est écarté du critère juridique défini ci-dessus.

87.      Á cet égard, je relève que le Tribunal a d’abord rappelé, aux points 77 à 82 de l’arrêt attaqué, les principes établis dans l’arrêt M6 e.a./Commission, précité, y compris la précision apportée au point 109 de cet arrêt concernant le caractère «difficilement réalisable» de l’opération principale. Ensuite, aux points 88 et 89, il a indiqué que les avantages que les CMI constituent pour le système MasterCard ainsi que les considérations qui ont trait à leur caractère indispensable au vu de la situation concurrentielle sur le marché en cause ne rentrent pas en ligne de compte afin d’établir leur caractère objectivement nécessaire au titre de la théorie des restrictions accessoires (79). Dans ce même contexte, il a précisé, au point 89 de l’arrêt attaqué, que «seules les restrictions qui sont nécessaires pour que l’opération principale puisse, en toute hypothèse, fonctionner peuvent être considérées comme relevant du champ d’application de [cette théorie]» et, au point 90, il a conclu que «la circonstance que l’absence des CMI puisse avoir des conséquences négatives sur le fonctionnement du système MasterCard n’implique pas, en elle-même, que les CMI doivent être considérées comme objectivement nécessaires, s’il ressort de l’examen du système MasterCard dans son contexte économique et juridique qu’il demeure à même de fonctionner en leur absence». Contrairement à ce qu’affirment les requérantes au pourvoi principal, je ne crois pas que l’on puisse interpréter ces passages, en les isolant de leur contexte, comme une tentative de la part du Tribunal de resserrer ultérieurement les critères d’appréciation, déjà stricts, retenus par la jurisprudence rappelée au point 83 ci‑dessus.

88.      Une telle interprétation n’apparaît confirmée ni au vu d’une lecture d’ensemble des motifs de l’arrêt attaqué consacrés à l’exposition de ces critères, ni au vu de l’appréciation conduite en l’espèce par le Tribunal. En effet, ce dernier a conclu, au terme de son analyse, que les difficultés qu’entraînerait l’élimination des CMI pour le fonctionnement du système MasterCard, mises en avant par les requérantes au pourvoi principal et par les intervenantes, n’étaient pas telles à empêcher concrètement le fonctionnement de ce système, apprécié dans son contexte juridique et économique. À cet égard, je relève, par ailleurs, que, dans sa requête en première instance, les requérantes au pourvoi principal avaient maintenu que l’élimination des CMI aurait mis en cause la survie même du système MasterCard – ce dernier ne pouvant pas fonctionner sur la seule base d’accords bilatéraux entre banques d’émission et banques d’acquisition concernant les commissions d’interchange et en l’absence d’une règle par défaut – et non pas simplement rendu plus difficile sa réalisation.

89.      Au vu de ce qui précède, j’estime que la première branche du premier moyen du pourvoi principal doit être rejetée comme non fondée.

ii)    Sur la deuxième branche du premier moyen du pourvoi principal, tirée d’un défaut d’examen de la restriction de concurrence dans son contexte

90.      Dans le cadre de la deuxième branche de leur premier moyen, les requérantes au principal avancent, en substance, cinq griefs.

–       Sur le grief tiré de l’adoption d’une alternative moins restrictive qui n’est pas le résultat des forces du marché

91.      Elles contestent, en premier lieu, l’affirmation contenue au point 99 de l’arrêt attaqué, selon laquelle la Commission «n’était pas tenue de démontrer que le jeu du marché pousserait les banques d’émission et d’acquisition à décider elles-mêmes de l’adoption d’une règle moins restrictive de concurrence que les CMI». Elles estiment que l’hypothèse contrefactuelle appropriée aux fins d’apprécier le caractère objectivement nécessaire d’une restriction doit nécessairement être le résultat des forces du marché et non pas d’une intervention de l’autorité régulatrice, sous peine de méconnaître la jurisprudence citée au point 53 ci-dessus, qui impose la prise en compte du «cadre réel» qui se produirait en l’absence de l’accord, de la décision d’association d’entreprises ou de la pratique concertée.

92.      La Commission conteste la recevabilité de ce grief. Son argumentation consiste à affirmer que les requérantes au pourvoi principal ne peuvent pas invoquer, à l’appui de leur moyen relatif au caractère objectivement nécessaire des CMI, un argument, à savoir celui du caractère inapproprié d’une hypothèse contrefactuelle fondée sur une interdiction de tarification ex post, qu’elles ont soulevé en première instance en vue d’étayer un moyen différent, à savoir celui tiré de l’absence de restriction de la concurrence. Cette contestation doit, à mon sens, être rejetée. En effet, dans la mesure où le Tribunal a répondu à cet argument dans la partie des motifs de l’arrêt attaqué consacrée à l’appréciation de la nécessité objective des CMI et où les requérantes au pourvoi principal contestent le bien-fondé en droit de cette réponse dans ce même contexte, le grief sous analyse est, à mon sens, recevable.

93.      Quant au fond, je relève qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour et du Tribunal que la condition relative au caractère nécessaire d’une restriction implique de rechercher, d’une part, «si ladite restriction est objectivement nécessaire à la réalisation de l’opération principale et, d’autre part, si elle est proportionnée par rapport à celle-ci», à savoir si son champ d’application matériel et géographique n’excède pas (ou est strictement limité) à ce qui est nécessaire pour la réalisation de ladite opération (80).

94.      Un tel examen de proportionnalité implique que, lorsqu’il existe une alternative moins restrictive qui permet d’atteindre les objectifs légitimes poursuivis par la restriction en cause, celle-ci ne peut pas être considérée comme nécessaire à la réalisation de l’opération principale et tombe, dès lors, sous le coup de l’article 81, paragraphe 1, CE. La possibilité d’une telle alternative doit être appréciée à la lumière de l’ensemble des éléments pertinents et, ainsi que l’affirme le Tribunal au point 99 de l’arrêt attaqué, doit résulter réaliste, notamment d’un point de vue économique.

95.      En revanche, il ne saurait, à mon sens, être demandé à la Commission, afin de pouvoir retenir un scénario alternatif moins restrictif dans le cadre de l’examen du caractère proportionné d’une restriction accessoire, qu’elle démontre que, en l’absence de ladite restriction, les forces du marché pousseraient vers un tel scénario.

96.      À cet égard, les requérantes au pourvoi principal ne sauraient se fonder sur la jurisprudence citée au point 53 ci-dessus, qui ne concerne pas spécifiquement l’examen de la nécessité objective d’une restriction accessoire. Certes, la Cour a reconnu, en ligne avec cette jurisprudence, que, afin d’apprécier si une restriction est objectivement nécessaire à la réalisation de l’opération principale à laquelle elle est liée, il y a lieu d’examiner quel serait le jeu de la concurrence en son absence (81), en vue de déterminer si, dans un tel cas, ladite opération s’avérerait difficilement réalisable, voire irréalisable (82). Cependant, on ne saurait interpréter cette exigence en ce sens que, lorsque la Commission estime qu’une alternative moins restrictive existe, elle doive démontrer qu’elle résulterait du jeu de la concurrence en l’absence de la limitation imposée par les parties à l’opération principale et, encore moins, que ces dernières décideraient vraisemblablement de l’adopter (83).

97.      Il ressort, en revanche, de la jurisprudence que ce qui compte, dans un tel contexte, est, d’une part, qu’une telle alternative soit viable, notamment d’un point de vue économique (84), et, d’autre part, qu’elle soit susceptible de répondre aux objectifs légitimes pour lesquels la restriction en cause avait été prévue, sans aller au-delà de ce qui est nécessaire à cette fin, tout en permettant la réalisation de l’opération principale (85).

98.      Enfin, j’observe, sur ce point, que l’appréciation du caractère proportionné d’une restriction accessoire, en ce qu’elle a pour objet de vérifier l’existence d’alternatives moins restrictives susceptibles de se substituer aux stipulations convenues entre les parties à l’opération principale ainsi qu’à l’équilibre des obligations réciproques recherché par celles-ci, recèle nécessairement un aspect de type «régulatoire», pour employer le terme utilisé par les requérantes au pourvoi principal.

–       Sur le grief tiré du caractère non crédible de l’introduction dans le système MasterCard d’une règle interdisant la tarification ex post

99.      En deuxième lieu, les requérantes au pourvoi principal reprochent au Tribunal d’avoir «permis» à la Commission de se fonder sur des faits et sur un scénario alternatif «non crédibles».

100. Un tel grief doit, à mon sens, être rejeté comme irrecevable, dans la mesure où il vise en réalité à obtenir de la Cour une nouvelle appréciation des faits. Par ailleurs, l’argumentation sur laquelle il s’appuie doit également être rejetée en tant qu’inopérante. En effet, lorsqu’elles affirment qu’«il est virtuellement inconcevable» que, une fois éliminées les CMI, les forces du marché pousseraient MasterCard à exclure d’autres moyens de rémunérer les banques d’émission pour les avantages qu’elles procurent aux banques d’acquisition et aux commerçants en interdisant la tarification a posteriori et que l’inverse serait plutôt logique, les requérantes au pourvoi principal méconnaissent le fait que, à l’issue de l’examen conduit aux points 100 à 119 de l’arrêt attaqué, le Tribunal est parvenu à la conclusion qu’aucun mécanisme de transfert de fonds des banques d’acquisition aux banques d’émission n’était nécessaire. Ainsi, contrairement à ce que soutiennent les requérantes au pourvoi principal, le Tribunal n’a pas implicitement accepté que des CMI d’une valeur positive étaient nécessaires au fonctionnement de MasterCard, mais il a explicitement affirmé le contraire. Quant à l’introduction dans le système MasterCard d’une règle interdisant la tarification ex post, l’argumentation des requérantes au pourvoi principal méconnaît le fait qu’une telle possibilité a été évoquée, aux points 95 et 96 de l’arrêt attaqué, en tant qu’alternative moins restrictive aux CMI afin d’éviter que les banques d’émission soient en mesure, en fixant unilatéralement le montant de la commission d’interchange, d’exploiter les banques d’acquisition, liées par la HACR.

101. Je relève, enfin, de manière incidente, que, dans la mesure où elles considèrent les CMI comme un mécanisme de rémunération pour les services que les banques d’émission offrent aux banques d’acquisition et aux commerçants, les requérantes au pourvoi principal semblent revenir sur la position qu’elles ont soutenue lors de la procédure administrative ainsi que devant le Tribunal, à savoir que les CMI sont plutôt un mécanisme servant à équilibrer les demandes des titulaires des cartes et des commerçants et à répartir le coût du service entre les émetteurs et les acquéreurs du système (86).

–       Sur l’absence de prise en compte par le Tribunal de l’argument selon lequel l’interdiction de tarification ex post aurait les mêmes effets sur la concurrence que des CMI et sur un défaut de motivation à cet égard

102. En troisième lieu, les requérantes au pourvoi principal reprochent au Tribunal de ne pas avoir pris en compte les arguments qu’elles ont soulevés en première instance concernant la substantielle identité, du point de vue des effets sur la concurrence, entre, d’une part, les CMI et, d’autre part, une interdiction de tarification ex post. En effet, dans les deux cas, il s’agirait d’une règle par défaut, adoptée au niveau central par MasterCard et qui «fixe le prix appliqué entre émetteurs et acheteurs».

103. À cet égard, il suffit de relever, ainsi que je l’ai déjà fait au point 69 ci‑dessus, en examinant un grief similaire soulevé par LBG dans son pourvoi incident, que le Tribunal a répondu auxdits arguments au point 143 de l’arrêt attaqué, où il a précisé que la différence entre les deux situations réside dans la circonstance que, «par rapport à un marché de l’acquisition fonctionnant en leur absence, les CMI limitent la pression que les commerçants peuvent exercer sur les banques d’acquisition lors de la négociation des MSC en réduisant les possibilités que les prix baissent en dessous d’un certain seuil». Certes, il ressort de cette explication que le Tribunal a focalisé son attention sur les aspects liés au niveau des prix, alors que les arguments avancés par les requérantes au pourvoi principal visaient plutôt ceux connexes à la structure de ceux-ci. Cependant, cette différence d’approche ne peut pas à elle seule conduire à accueillir le grief sous analyse, qui est tiré d’un défaut de statuer (87). L’appréciation contenue dans ce point est, par ailleurs, soustraite au contrôle de la Cour, sauf cas de dénaturation des faits ou des éléments de preuve, qui n’a pas été allégué en l’espèce.

104. Est également à rejeter le grief tiré d’un défaut de motivation portant sur cette même question, ledit point 143 de l’arrêt attaqué faisant apparaître de manière claire et non équivoque le raisonnement suivi par le Tribunal.

–       Sur le grief tiré de l’absence de prise en compte des effets restrictifs d’une règle interdisant la tarification ex post sur le «volet émission» du système MasterCard

105. En quatrième lieu, les requérantes au pourvoi principal font valoir que «les CMI fixées à zéro proposées par la Commission créent également une restriction de l’autre côté du marché dual en empêchant les émetteurs de faire payer les acquéreurs pour les services qu’ils leur fournissent». Elles soulignent, à cet égard, que «la Commission a refusé de se concentrer sur cet effet inévitable et s’est au contraire préoccupée uniquement d’un seul côté du marché dual, à savoir l’effet sur les commerçants».

106. Force est de constater que cette critique s’adresse uniquement à l’appréciation conduite par la Commission et n’identifie ni les points des motifs de l’arrêt attaqué qui seraient visés ni les erreurs dont ceux-ci seraient entachés. En tout état de cause, dans la mesure où il faudrait la comprendre comme visant à reprocher indirectement au Tribunal le fait de ne pas avoir correctement apprécié les effets sur la concurrence d’une réduction des CMI à zéro par rapport aux CMI existantes, à défaut d’avoir pris en compte les restrictions qu’une telle réduction causerait sur l’autre partie du marché dual, je relève, d’une part, que le Tribunal a répondu à des arguments visant à mettre en cause l’appréciation de la Commission pour avoir circonscrit son analyse économique au seul marché de l’acquisition aux points 172 à 182 de l’arrêt attaqué, dans lesquels il valide en substance la définition des marchés de l’émission et de l’acquisition comme marchés autonomes. D’autre part, j’observe que les requérantes au pourvoi principal n’expliquent pas pourquoi une limitation dans les relations entre banques d’émission et banques d’acquisition aurait des effets restrictifs sur la concurrence dans le marché de l’émission (88). À cet égard, je rappelle, enfin, que l’explication selon laquelle les CMI constitueraient un mécanisme de rémunération pour les services que les banques d’émission offrent aux banques d’acquisition et aux commerçants avait été abandonnée par les requérantes au pourvoi principal lors de la procédure administrative.

–       Sur le grief tiré d’une dénaturation de la décision litigieuse telle qu’interprétée par la Commission en première instance

107. En cinquième et dernier lieu, les requérantes au pourvoi principal soutiennent que le Tribunal a caractérisé de manière erronée l’hypothèse contrefactuelle telle qu’envisagée par la Commission, cette dernière ayant clarifié, dans son mémoire en duplique, que cette hypothèse consistait à supprimer totalement les CMI et à préconiser des négociations bilatérales entre les banques, l’interdiction de tarification a posteriori n’étant ajoutée qu’à titre subsidiaire.

108. À cet égard, il convient de relever que, au point 95 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a reproduit en entier le contenu du considérant 554 de la décision litigieuse, dans lequel la Commission envisageait, en tant que possible alternative moins restrictive aux CMI, une règle imposant une interdiction de tarification ex post. Après avoir considéré, au point 96 de l’arrêt attaqué, que le raisonnement suivi dans ce considérant était exempt d’erreurs manifestes d’appréciation, le Tribunal a fondé la suite de son analyse sur l’hypothèse qui y était formulée. Or, même à supposer, ainsi que les requérantes au pourvoi principal le soutiennent, que la Commission ait effectivement modifié de manière substantielle sa position en cours d’instance, l’approche du Tribunal, consistant à se tenir au contenu de l’acte attaqué, au demeurant clair s’agissant du considérant en question, n’est en soi pas critiquable.

–       Conclusions sur la deuxième branche du premier moyen du pourvoi principal

109. Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, j’estime que la deuxième branche du premier moyen du pourvoi principal doit être rejetée.

iii) Sur la troisième branche du premier moyen du pourvoi principal, tirée d’une substitution de l’appréciation du Tribunal à celle de la Commission

110. Dans le cadre de la troisième branche de leur premier moyen, les requérantes au pourvoi principal font valoir que, dans son analyse du caractère objectivement nécessaire des CMI, le Tribunal a substitué sa propre appréciation à celle de la Commission en ne prenant en considération qu’un nombre limité des motifs sur lesquels cette dernière s’est appuyée dans la décision litigieuse.

111. À cet égard, je rappelle que, selon une jurisprudence constante, invoquée par les requérantes au pourvoi principal, dans le cadre d’un recours en annulation, le juge de l’Union ne peut substituer sa propre motivation à celle de l’auteur de l’acte attaqué (89), ni, lors du contrôle des appréciations économiques complexes effectuées par la Commission, substituer son appréciation économique à celle de cette institution (90).

112. En premier lieu, les requérantes au pourvoi principal font grief au Tribunal, «en ce qui concerne la possibilité d’appliquer une règle interdisant la tarification a posteriori, [d’avoir] accepté cette conclusion sans aucune analyse de la raison pour laquelle ce serait le cas». Ce grief vise en réalité à reprocher au Tribunal d’avoir procédé à une analyse défaillante plutôt que d’avoir substitué son appréciation à celle de la Commission et, dès lors, se confond avec les arguments invoqués au soutien du quatrième grief du moyen sous analyse, tiré d’un contrôle juridictionnel insuffisant. En tout état de cause, j’observe que le raisonnement suivi par le Tribunal aux points 95 à 99 de l’arrêt attaqué est strictement calqué sur celui de la Commission. Par conséquent, il ne saurait être question, sur ce point, d’une substitution de l’appréciation et/ou des motifs contenus dans la décision litigieuse.

113. En deuxième lieu, les requérantes au pourvoi principal reprochent au Tribunal d’avoir «accordé beaucoup plus de poids» que la Commission au «contexte plus général des ressources et avantages économiques que tirent les banques de leur activité d’émission des cartes» ainsi qu’à l’absence d’incidence sur le système MasterCard en Australie de la baisse des commissions d’interchange imposée par la banque centrale d’Australie (91) (ci-après l’«exemple australien»).

114. À cet égard, j’estime qu’il ne saurait être défendu au juge de l’Union, saisi d’un recours en annulation, de reconnaître, dans le cadre du contrôle de légalité qu’il exerce sur l’acte attaqué, plus d’importance à certains éléments de la motivation de cet acte par rapport à d’autres, à condition qu’une telle démarche n’altère pas la logique interne de l’acte en cause à un point tel que les motifs ou l’appréciation qu’il contient en résultent, de fait, substitués. Tel n’est, à mon sens, pas le cas en l’espèce. En effet, s’il est vrai que le Tribunal focalise son attention sur l’analyse des revenus que tirent les banques de leur activité d’émission et accorde une importance particulière à l’exemple australien, ni l’appréciation de la Commission ni les motifs de la décision litigieuse, qui se fondent également sur de tels éléments (92), n’apparaissent avoir été méconnus ou substitués.

iv)    Sur la quatrième branche du premier moyen du pourvoi principal, tirée de l’application d’un niveau de contrôle insuffisant

115. Dans le cadre de la quatrième branche de leur premier moyen, les requérantes au pourvoi principal, soutenues par MBNA, HSBC, RBS et LBG, reprochent au Tribunal d’avoir opéré un contrôle juridictionnel très limité concernant le caractère objectivement nécessaire des CMI. D’une part, étant donné l’entrée en vigueur de la Charte et la jurisprudence de la Cour EDH, le Tribunal aurait été tenu d’effectuer un entier contrôle de ces appréciations, non limité à l’erreur manifeste. D’autre part, il n’aurait pas respecté le niveau de contrôle juridictionnel requis par la Cour, en ce que, premièrement, il aurait appliqué le critère de l’erreur manifeste à des constatations de la Commission n’impliquant pas des appréciations économiques réellement «complexes» et, deuxièmement, aurait remplacé ce critère par un autre critère, moins rigoureux, limité à la vérification de leur «caractère raisonnable».

116. Avant de procéder à l’examen de ces griefs, j’observe que, dans le cadre de la branche sous analyse, les requérantes au pourvoi principal réitèrent également un certain nombre d’arguments qui se recoupent avec ceux soulevés dans la troisième branche examinée ci-dessus. Il s’agit, notamment, de l’allégation que le Tribunal se serait fondé uniquement sur une partie des motifs de la décision litigieuse, aurait accordé à certains de ces motifs une importance majeure par rapport à celle que leur avait reconnue la Commission et aurait substitué son appréciation à celle de la Commission. Ces arguments ayant déjà été discutés lors de l’examen de ladite branche, je me borne à renvoyer, à ce sujet, aux considérations développées aux points 110 à 114 ci-dessus, non sans relever une certaine contradiction de fond entre lesdites allégations et l’affirmation que le Tribunal aurait fait preuve d’une déférence excessive au pouvoir d’appréciation en matière économique de la Commission.

117. Cela étant précisé, je relève que les griefs sous examen soulèvent une fois de plus devant la Cour la question délicate de l’étendue du contrôle juridictionnel qui doit être exercé sur les décisions de la Commission sanctionnant des entreprises pour infraction aux règles de concurrence (93).

118. Ce contrôle est tout d’abord encadré par le type de syndicat que le juge de l’Union est appelé à exercer dans le cadre de la fonction juridictionnelle qui lui est confiée par le traité. Sauf qu’en matière d’amendes, sur lesquelles il jouit d’une compétence de pleine juridiction au titre de l’article 261 TFUE et de l’article 31 du règlement (CE) no 1/2003 (94), ce juge effectue, conformément à l’article 263, premier alinéa, TFUE, un contrôle de la légalité, ce qui ne lui permet que de rejeter le recours en annulation ou d’annuler l’acte attaqué et non pas de la réformer ni de revoir son opportunité. Une deuxième limite, mise en exergue par la jurisprudence, est d’ordre institutionnel et résulte de la répartition des compétences entre la Commission et les juridictions de l’Union, le traité ayant confié à la première une mission de surveillance dans le domaine du droit de la concurrence, laquelle inclut, outre la tâche d’instruire et de réprimer les infractions aux règles de concurrence, celle de développer et de poursuivre une politique générale «visant à appliquer […] les principes fixés par le traité et à orienter en ce sens le comportement des entreprises» (95). Dans ce contexte, la jurisprudence a reconnu qu’il n’appartient pas au juge de l’Union, dans le cadre de son contrôle de légalité des décisions de la Commission en matière de concurrence, de substituer son point de vue à celui de cette institution, ni de réformer la décision litigieuse, sous peine de perturber l’équilibre interinstitutionnel prévu par le traité (96). Une troisième limite concerne, enfin, la nature des appréciations que la Commission est amenée à effectuer dans ses décisions au titre de l’article 81 CE. Une certaine marge d’appréciation lui a été reconnue lorsqu’elle effectue des appréciations économiques ou techniques complexes sur la base de la considération que de telles appréciations peuvent nécessiter une compétence technique et une expertise économique élevées ainsi qu’impliquer des choix de politique économique qu’il revient à la Commission d’effectuer. Le contrôle du juge de l’Union sur ces appréciations en résulterait par conséquent restreint. Ainsi, selon une jurisprudence constante, ce contrôle est limité «à la vérification du respect des règles de procédure et de motivation, ainsi que de l’exactitude matérielle des faits, de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation et de détournement de pouvoir» (97).

119. Depuis quelques années, la portée de la jurisprudence sur le contrôle marginal a été remarquablement réduite (98), également en conséquence de la progressive pénalisation du droit de la concurrence de l’Union. Ainsi, dans les arrêts KME Germany e.a./Commission et Chalkor/Commission, la Cour a précisé que, «si, dans les domaines donnant lieu à des appréciations économiques complexes, la Commission dispose d’une marge d’appréciation en matière économique, cela n’implique pas que le juge communautaire doit s’abstenir de contrôler l’interprétation, par la Commission, de données de nature économique. En effet, le juge communautaire doit notamment vérifier non seulement l’exactitude matérielle des éléments de preuve invoqués, leur fiabilité et leur cohérence, mais également contrôler si ces éléments constituent l’ensemble des données pertinentes devant être prises en considération pour apprécier une situation complexe et s’ils sont de nature à étayer les conclusions qui en sont tirées» (99). La Cour a, par ailleurs, ajouté qu’«il appartient au juge de l’Union d’effectuer le contrôle de légalité qui lui incombe sur la base des éléments apportés par le requérant au soutien des moyens invoqués» et qu’il ne saurait, lors de ce contrôle, s’appuyer sur la marge d’appréciation dont dispose la Commission «pour renoncer à exercer un contrôle approfondi tant de droit que de fait» (100). L’exacte portée de cette précision, qui a, en soi, le potentiel de neutraliser de fait le principe même de la reconnaissance d’une marge d’appréciation économique à la Commission, n’est pas encore claire (101). En revanche, elle démontre de manière tout à fait évidente l’intention de la Cour de réduire autant que possible l’incidence d’une telle marge d’appréciation sur l’étendue du contrôle juridictionnel des décisions de la Commission infligeant une sanction pour violation de l’article 81 CE (102).

120. S’agissant de la question de savoir si l’étendue du contrôle juridictionnel exercé par les juges de l’Union, tel que décrit ci-dessus, est compatible avec le respect des droits à un recours juridictionnel effectif et à un procès équitable, il convient de relever que, dans les arrêts KME Germany e.a./Commission et Chalkor/Commission, précités, la Cour a affirmé qu’«il n’apparaît […] pas que le contrôle de légalité prévu à l’article 263 TFUE, complété par la compétence de pleine juridiction quant au montant de l’amende, prévu[e] à l’article 31 du règlement no 1/2003, soit contraire aux exigences du principe de protection juridictionnelle effective figurant à l’article 47 de la Charte» (103). En outre, dans son récent arrêt Schindler Holding e.a./Commission, la Cour a confirmé ce jugement de conformité également à la lumière de l’article 6 de la CEDH, sur le fondement duquel doivent être définis le sens et la portée de l’article 47 de la Charte, en vertu de l’article 52, paragraphe 3, de celle-ci (104).

121. L’article 6, paragraphe 1, de la CEDH, qui trouve à s’appliquer ici sous son volet pénal (105), n’exclut pas qu’une sanction de nature répressive soit imposée par une autorité administrative, à condition cependant que la décision de cette autorité puisse être soumise au contrôle ultérieur d’un organe judiciaire de «pleine juridiction». Parmi les caractéristiques d’un tel organe figure, selon la Cour EDH, «le pouvoir de réformer en tous points, en fait comme en droit, la décision entreprise» ainsi que la «compétence pour se pencher sur toutes les questions de fait et de droit pertinentes pour le litige dont il se trouve saisi» (106). Bien qu’un tel énoncé (107) semble exiger que l’organe auquel est confié le contrôle juridictionnel différé requis par l’article 6, paragraphe 1, de la CEDH soit doté de compétences qui dépassent celles qui peuvent être exercées lors d’un contrôle de légalité (108) ainsi que du pouvoir de procéder à un véritable examen de l’affaire (109), l’application qui en a été faite concrètement par la Cour EDH est extrêmement flexible (110).

122. En particulier, et il s’agit là d’un facteur de convergence méthodologique particulièrement important entre la jurisprudence de la Cour EDH et celle de l’Union (111), selon la Cour EDH, ce qui compte aux fins de l’application de l’article 6 de la CEDH, ce n’est pas tant l’énonciation abstraite de la part du juge du type de contrôle («faible» ou «fort») qu’il est légitimé à effectuer ou qu’il entend effectuer dans le cas d’espèce que le fait que, par l’exercice même de ce contrôle, les droits énoncés par cette convention aient été effectivement protégés. Cette approche casuistique a été confirmée, de manière implicite (112) mais évidente, par la Cour EDH dans le récent arrêt Menarini Diagnostics Srl c. Italie (113). Dans un tel contexte, si, ainsi que la Cour l’a implicitement affirmé dans l’arrêt Schindler Holding e.a./Commission, le contrôle exercé par les juridictions de l’Union sur les décisions de la Commission infligeant une sanction pour violation des règles de concurrence semble pouvoir satisfaire aux exigences de l’article 6, paragraphe 1, de la CEDH (114), cela dépend de la manière dont ce contrôle a été concrètement exercé.

123. C’est sur la base des principes exposés ci-dessus qu’il convient d’examiner si, dans le cas d’espèce, le Tribunal a exercé un contrôle juridictionnel suffisant des constatations de la Commission concernant le caractère objectivement nécessaire des CMI.

124. À cet égard, il convient, tout d’abord, de rejeter l’objection de la Commission selon laquelle il incombait aux requérantes au pourvoi principal de prouver que les CMI étaient objectivement nécessaires au fonctionnement de MasterCard afin d’échapper à l’interdiction prévue à l’article 81, paragraphe 1, CE. En effet, même à supposer qu’une telle affirmation soit correcte, il n’en reste pas moins que le Tribunal est tenu d’exercer un contrôle tendanciellement complet sur l’ensemble des appréciations effectuées par la Commission, y compris lorsqu’elles visent à rejeter des arguments défensifs des entreprises concernées.

125. Il y a, ensuite, lieu de relever que, au point 82 de l’arrêt attaqué, le Tribunal, en renvoyant aux arrêts M6 e.a./Commission et Remia e.a./Commission, précités, a rappelé que le juge de l’Union exerce un contrôle restreint sur les appréciations économiques complexes effectuées en vue d’évaluer le caractère objectivement nécessaire d’une restriction accessoire. Ainsi qu’il a été observé ci‑dessus, une telle énonciation abstraite des critères définissant l’étendue du contrôle que le Tribunal entend exercer n’est pas en soi critiquable s’il s’avère qu’il a, concrètement, effectué un contrôle approfondi, tant en droit qu’en fait, à la lumière des éléments apportés au soutien des moyens invoqués devant lui (115).

126. Les requérantes au pourvoi principal font, tout d’abord, valoir que le Tribunal n’aurait pas exercé un contrôle suffisant sur l’affirmation de la Commission selon laquelle les CMI auraient pu être remplacées, en tant que règle par défaut, par une interdiction de tarification a posteriori.

127. Il est vrai que, sur cette question, le Tribunal s’est borné, aux points 95 et 96 de l’arrêt attaqué, à reproduire intégralement le considérant 554 de la décision litigieuse et à affirmer que le raisonnement qui y était exposé était exempt d’erreurs manifestes d’appréciation (116). Cependant, il ressort de la lecture de la requête en première instance que les griefs soulevés par les requérantes au pourvoi principal portaient essentiellement sur la nature régulatrice de l’hypothèse d’un système MasterCard fonctionnant avec une interdiction de tarification ex post, sur l’absence d’analyse du contexte concurrentiel ainsi que sur l’omission, par la Commission, d’apporter la preuve qu’une telle interdiction avait une portée moins restrictive de la concurrence que les CMI. Or, le Tribunal a abordé ces différents arguments aux points 97 à 99 et 143 de l’arrêt attaqué. En revanche, parmi ces griefs ne figurait pas celui qu’elles font valoir à présent, tiré du caractère prétendument irréaliste d’une règle par défaut qui empêcherait les banques d’émission d’obtenir une compensation pour les services qu’elles offrent aux banques acquéreuses. Ainsi que je l’ai déjà constaté au point 105 ci-dessus, et qu’il ressort notamment du point 19 de l’arrêt attaqué et des points 146 à 155 de la décision litigieuse, la thèse selon laquelle les CMI constituent un prix payé par les banques d’acquisition aux banques d’émission pour les services que ces dernières leur fournissent, initialement avancée par les requérantes au pourvoi principal lors de la procédure administrative, avait été ensuite abandonnée en faveur de leur qualification en tant que mécanisme d’équilibrage entre la demande des titulaires des cartes et des commerçants. Pour sa part, HSBC se borne à renvoyer à la déclaration d’un de ses employés, annexée à son mémoire en intervention en première instance, dans laquelle est affirmé que l’introduction d’une règle de tarification ex post aurait vraisemblablement conduit à l’abandon du mécanisme de fixation des commissions d’interchange sur une base bilatérale. Elle n’explique cependant pas en quoi un tel résultat, à le supposer établi, aurait eu sur le système MasterCard un impact tel à rendre non envisageable un mécanisme par défaut basé sur une interdiction de tarification ex post, ni pour quelle raison le fait que le Tribunal n’aurait pas tenu compte de ce résultat, même à supposer que tel a été le cas, aurait eu une incidence sur le caractère effectif de son contrôle juridictionnel.

128. Les requérantes au pourvoi principal font ensuite valoir que le Tribunal n’aurait pas exercé un contrôle suffisant sur les constatations de la Commission quant au caractère objectivement nécessaire des CMI en tant que mécanisme de transfert de fonds en faveur des banques d’émission.

129. À cet égard, je relève que l’analyse du Tribunal à ce sujet, contenue aux points 100 à 119 de l’arrêt attaqué, ne révèle aucune «déférence» à l’égard d’une supposée marge d’appréciation de la Commission et est, au contraire, à tel point autonome qu’elle fait parallèlement l’objet, dans le pourvoi principal, d’un grief tiré d’une prétendue substitution de l’appréciation du Tribunal à celle de la Commission. En effet, c’est au vu de sa propre analyse des données contenues dans la décision litigieuse relatives aux avantages économiques que les banques du système MasterCard tirent de leur activité d’émission des cartes – en soi soustraite au syndicat de la Cour sauf cas de dénaturation qui n’a pas été allégué – que le Tribunal a considéré, au point 110 de l’arrêt attaqué, qu’il pouvait être raisonnablement conclu que la baisse de ces avantages, en cas d’élimination des CMI, n’aurait pas été suffisante pour remettre en cause la viabilité du système MasterCard et c’est également sur la base d’une appréciation autonome des résultats de l’analyse des effets de la réduction, par la banque d’Australie, du niveau des commissions d’interchange de MasterCard, que le Tribunal a considéré, au point 111 de l’arrêt attaqué, que cette analyse confortait la conclusion selon laquelle l’abolition des CMI n’entraînerait pas l’effondrement du système MasterCard (117).

130. Dans leur argumentation, tant les requérantes au pourvoi principal que LBG ne se bornent cependant pas à faire état d’une «retenue judiciaire» à l’égard des appréciations de la Commission, mais font également valoir la nature «spéculative et superficielle» de l’analyse du Tribunal, un défaut de prise en compte des éléments qu’elles lui avaient soumis ainsi qu’une omission de constater cette carence à l’égard de l’analyse contenue dans la décision litigieuse. Elles affirment, notamment, que le Tribunal n’a pas abordé la question de savoir si la fixation par défaut de commissions d’interchange d’une valeur positive n’était pas nécessaire au vu de la nature duale du marché. Il n’aurait pas non plus pris en compte les effets restrictifs que des CMI à niveau zéro produisaient sur l’autre côté du marché dual, à savoir celui de l’émission.

131. À cet égard, je rappelle qu’il ressort des points 101, 181 et 182 de l’arrêt attaqué que le Tribunal a considéré que les arguments portant sur le défaut de prise en compte de la nature duale du marché ainsi que des effets d’une élimination des CMI sur le volet «émission» de ce marché étaient dépourvus de pertinence dans le cadre de l’analyse au titre du paragraphe 3 de l’article 81 CE, que ce soit sous l’angle de la nécessité objective des CMI ou de l’analyse de leurs effets sur la concurrence. Par ailleurs, le Tribunal a confirmé, aux points 176 à 178 de l’arrêt attaqué, la qualification du marché de l’émission comme marché pertinent ainsi que son caractère autonome, ce qui justifiait, dans l’économie de son raisonnement, le fait que la Commission ait limité à ce marché son analyse des effets des CMI sur la concurrence. Or, les requérantes au pourvoi principal n’avancent pas d’arguments visant à démontrer que les motifs susmentionnés de l’arrêt attaqué sont entachés d’une erreur de droit et LBG se borne, à cet égard, à des affirmations très générales.

132. Enfin, les requérantes au pourvoi principal font valoir que la circonstance que le Tribunal ait évoqué à titre de confirmation de son raisonnement l’exemple australien, qui concerne une hypothèse de réduction et non pas d’élimination des CMI, «met en exergue le caractère lacunaire» de son analyse.

133. À cet égard, je me borne à relever que le Tribunal a abordé et rejeté les arguments portant sur le prétendu défaut de pertinence de l’exemple australien aux points 112 à 114 de l’arrêt attaqué. En ce qu’il remet en cause l’appréciation contenue dans ces points sans avancer un quelconque argument à son encontre, et encore moins un vice de dénaturation, la critique sous analyse doit, à mon sens, être rejetée.

134. Au vu de ce qui précède, j’estime que la quatrième branche du premier moyen du pourvoi principal et, dès lors, le moyen dans son intégralité doivent être rejetés.

5.      Sur l’application de l’article 81, paragraphe 3, CE (troisième moyen du pourvoi principal)

135. Dans son pourvoi incident, LBG, soutenue par les requérantes au pourvoi principal, fait grief au Tribunal d’avoir commis plusieurs erreurs de droit dans l’application de l’article 81, paragraphe 3, CE. Les griefs de LBG et des requérantes au pourvoi principal peuvent être subdivisés en trois branches.

a)      Sur le niveau de preuve et le principe in dubio pro reo

136. En premier lieu, selon LBG, le Tribunal aurait dû constater que la Commission avait commis des erreurs de droit en imposant un niveau de preuve excessif. Le niveau de preuve pour l’appréciation des conditions prévues à l’article 81, paragraphe 3, CE devrait être celui de la balance des probabilités. En l’espèce, cette appréciation aurait dû être opérée par rapport à l’intégralité du système MasterCard, lequel apporterait des avantages importants aux consommateurs et aux commerçants. Il ne serait pas juridiquement correct de demander à MasterCard de justifier le niveau précis des CMI au lieu de montrer simplement, sur le fondement d’éléments de preuve solides, que la méthodologie qu’elle suit pour fixer les CMI est justifiable. Dans le même contexte, les requérantes au pourvoi principal soutiennent que le Tribunal a commis une erreur de droit en concluant, sans d’ailleurs fournir une explication suffisante, que le principe in dubio pro reo ne devrait pas s’appliquer lorsque, comme dans le cas d’espèce, l’entreprise qui invoque l’application de l’article 81, paragraphe 3, CE a fourni des preuves qui soulèvent à tout le moins des doutes quant à l’application de cette disposition et que la Commission n’a pas entièrement dissipé ces doutes.

137. En ce qui concerne, premièrement, le grief tiré du niveau de preuve excessif, force est de constater que le grief soulevé par LGB dans son pourvoi incident se fonde sur une argumentation présentée de façon assez laconique et vague. LGB n’identifie pas les points de l’arrêt attaqué qui seraient entachés d’erreur et se borne à faire valoir que le niveau de preuve imposé aurait été excessif sans spécifier quels éléments de l’arrêt attaqué elle critique. Pour étayer son argumentation, LBG se borne à effectuer un renvoi généralisé aux arguments développés dans son mémoire en intervention présenté devant le Tribunal. Dans ces conditions, j’éprouve des doutes sérieux quant à la recevabilité de ce grief au regard de l’article 168, paragraphe 1, sous d), du règlement de procédure de la Cour.

138. En tout état de cause, j’estime que ce grief est également non fondé.

139. Tout d’abord, quant à l’argument tiré de la prétendue nécessité d’évaluer les CMI dans le cadre de l’intégralité du système MasterCard, je rappelle que, au point 207 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a considéré que, dans la mesure où les CMI ne constituent pas des restrictions accessoires, c’était à bon droit que la Commission avait examiné s’il existait des avantages objectifs sensibles découlant spécifiquement des CMI sans prendre en considération l’intégralité du système Mastercard. Or, d’une part, force est de constater que LBG, dans son pourvoi incident, n’a fourni aucun élément ni argument pour remettre en cause cette conclusion du Tribunal. D’autre part, au vu de l’analyse conduite aux points 79 à 134 ci-dessus, je propose de rejeter les griefs avancés par les requérantes au pourvoi principal à l’encontre des motifs de l’arrêt attaqué concernant la nécessité objective des CMI.

140. Pour ce qui est, ensuite, de l’argument tiré de ce que le niveau de la preuve pour l’appréciation des conditions prévues à l’article 81, paragraphe 3, CE aurait dû être celui de la balance des probabilités, il convient d’abord de rappeler que l’article 2 du règlement no 1/2003 prévoit qu’il incombe à l’entreprise qui invoque le bénéfice des dispositions de l’article 81, paragraphe 3, CE d’apporter la preuve que les conditions posées à ce paragraphe sont remplies, sans toutefois établir le niveau de preuve requis à cet effet.

141. Il est de jurisprudence constante que, ainsi que l’a rappelé à juste titre le Tribunal au point 196 de l’arrêt attaqué, la personne qui se prévaut de cette disposition doit démontrer, au moyen d’arguments et d’éléments de preuve convaincants, que les conditions requises pour bénéficier d’une exemption sont réunies et, en particulier en ce qui concerne la première condition prévue à l’article 81, paragraphe 3, CE, que l’amélioration découlant de l’accord en question présente des avantages objectifs sensibles, de nature à compenser les inconvénients que comporte l’accord sur le plan de la concurrence (118). Il convient également de relever que, dans l’arrêt GlaxoSmithKline Services e.a./Commission e.a., précité, la Cour a affirmé que, dans le cadre de l’analyse au sens de l’article 81, paragraphe 3, CE, il suffit que la Commission parvienne, sur la base des éléments dont elle dispose, à la conviction que la probabilité que l’avantage objectif sensible se concrétise est suffisante pour présumer que l’accord comporte un tel avantage (119). Toutefois, force est de constater que, ainsi qu’il résulte explicitement du point 93 dudit arrêt, cette affirmation s’inscrit dans le contexte d’application de l’exemption prévue à l’article 81, paragraphe 3, CE en vigueur avant l’adoption du règlement no 1/2003, lequel prévoyait un système d’autorisations préalables accordées par la Commission (120). Dans un tel contexte, l’analyse que devait effectuer la Commission était une analyse de nature prospective et prévisionnelle des probables avantages qu’engendrerait l’accord qui lui était notifié.

142. Or, force est de constater que, dans leurs écritures, LBG et les requérantes au pourvoi principal non seulement n’ont pas spécifié les points de l’arrêt attaqué qui seraient entachés d’erreur en se bornant à affirmer en général que le niveau de la preuve devrait être celui de la balance des probabilités, mais elles n’ont aucunement spécifié les raisons pour lesquelles un tel niveau de la preuve devrait trouver application dans le cas présent, dans lequel, d’une part, la Commission n’était pas appelée à effectuer une analyse prospective et, d’autre part et en revanche, il revenait aux requérantes au pourvoi principal d’apporter des éléments de preuve convaincants des avantages objectifs sensibles apportés par les CMI qui auraient dû être de nature à compenser les inconvénients identifiés par la Commission.

143. Dans ces conditions, j’estime que, dans le cas où la Cour devrait le considérer recevable, l’argument tiré du niveau de la preuve excessif doit être rejeté.

144. En ce qui concerne, deuxièmement, le grief tiré de la violation du principe in dubio pro reo, invoqué par les requérantes au pourvoi principal, il convient de rappeler que ce principe est un corollaire du principe d’innocence (121) qui opère lorsqu’il s’agit d’apprécier la preuve d’une infraction (122). Aux termes de ce principe, la preuve de l’infraction doit être établie de manière complète et les doutes et incertitudes quant à cette preuve doivent profiter à celui dont le comportement est incriminé et font donc obstacle à ce que des sanctions lui soient infligées.

145. L’argument des requérantes au pourvoi principal vise le point 237 de l’arrêt attaqué, dans lequel, en concluant son analyse relative à l’application de l’article 81, paragraphe 3, CE, le Tribunal a considéré que, dans la mesure où les requérantes n’avaient pas apporté la preuve de l’exception qu’elles invoquaient, il convenait de rejeter l’allégation tirée de la violation du principe in dubio pro reo.

146. J’estime que cette appréciation n’est pas entachée d’erreur. En effet, à mon avis, le principe in dubio pro reo est susceptible de trouver application dans l’analyse que la Commission effectue aux termes de l’article 81, paragraphe 1, CE, dans le cadre de laquelle elle doit prouver l’existence d’une infraction à ladite disposition commise par l’entreprise en cause. Dans ce contexte, ce principe exige que les éléments de preuve avancés par la Commission établissent de manière complète cette infraction de sorte qu’aucun doute ne subsiste quant à sa commission.

147. En revanche, je ne crois pas que le principe in dubio pro reo puisse être invoqué, comme le font les requérantes au pourvoi principal, pour essayer de réduire le niveau de preuve requis pour l’application de l’exemption prévue à l’article 81, paragraphe 3, CE. Ainsi que je l’ai relevé au point 141 ci-dessus, selon la jurisprudence constante, il revient à l’entreprise qui se prévaut de l’article 81, paragraphe 3, CE de démontrer, au moyen d’arguments et d’éléments de preuve convaincants, que les conditions requises pour bénéficier d’une exemption sont réunies. Il ne suffit donc pas, comme semblent l’envisager les requérantes au pourvoi principal, de fournir des éléments de preuve qui se bornent à soulever des doutes quant à l’application de l’article 81, paragraphe 3, CE.

148. Certes, ainsi que l’a rappelé le Tribunal au point 197 de l’arrêt attaqué, dans certains cas, les arguments et les éléments factuels invoqués par l’entreprise qui veut se prévaloir de l’exemption peuvent être de nature à obliger l’autre partie, à savoir la Commission, à fournir une explication ou une justification, faute de quoi il est permis de conclure que la charge de la preuve a été satisfaite (123). Toutefois, force est de constater que les requérantes au pourvoi principal ne contestent pas la conclusion à laquelle est parvenu le Tribunal au point 231 de l’arrêt attaqué, selon laquelle la Commission a examiné et valablement réfuté le bien-fondé de l’argumentation qu’elles ont développée au cours de la procédure administrative, mais elles se bornent à faire valoir que le Tribunal aurait admis, dans l’arrêt attaqué, que des doutes subsistaient quant à l’applicabilité de l’article 81, paragraphe 3, CE aux CMI. Toutefois, de tels doutes ne se retrouvent pas dans l’arrêt attaqué et notamment ne figurent pas à la phrase contenue au début du point 233 de l’arrêt attaqué, visée par les requérantes au pourvoi principal. Au contraire, au point 237 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a clairement conclu, sans exprimer aucun doute, que la Commission avait pu valablement conclure que les requérantes n’avaient pas apporté la preuve que les conditions pour l’applicabilité de l’article 81, paragraphe 3, CE étaient réunies.

149. Enfin, dans la mesure où le grief en cause peut être interprété comme faisant valoir un défaut de motivation de l’arrêt attaqué à l’égard de l’applicabilité du principe in dubio pro reo, à la lumière des considérations que j’ai exposées aux points 30 et 31 ci-dessus, j’estime que, dans la mesure où il a conclu que la preuve de l’existence des conditions pour l’exemption prévue à l’article 81, paragraphe 3, CE n’avait pas été apportée, le Tribunal n’était pas tenu d’expliquer davantage les raisons pour lesquelles en l’espèce le principe in dubio pro reo ne devait pas s’appliquer.

b)      Sur la prétendue approche erronée au regard du marché sur lequel les avantages prévus à l’article 81, paragraphe 3, CE se génèrent ainsi qu’au regard des catégories d’utilisateurs concernés

150. En deuxième lieu, LBG, soutenue par les requérantes au pourvoi principal, soutient que le Tribunal a retenu une approche inexacte en ce qui concerne le marché sur lequel les avantages prévus à l’article 81, paragraphe 3, CE doivent être générés. LBG fait valoir que, tout en reconnaissant que selon la jurisprudence lesdits avantages peuvent être pris en compte pour tout marché qui bénéficie de l’existence de l’accord et tout en acceptant le lien existant entre les deux côtés du marché en cause (à savoir les titulaires de cartes et les commerçants), le Tribunal s’est focalisé exclusivement sur les avantages pour les commerçants. Ainsi faisant, le Tribunal aurait ignoré les avantages importants provenant du système MasterCard et des CMI elles-mêmes pour les titulaires de cartes, ainsi que la nature duale du marché et l’optimisation du système que les CMI contribuent à atteindre. Les requérantes au pourvoi principal font valoir que le Tribunal n’aurait pas expliqué pourquoi les deux premières conditions de l’article 81, paragraphe 3, CE ne pourraient pas être satisfaites en se fondant uniquement sur les avantages découlant des CMI pour les titulaires de cartes, pourvu que ces avantages soient en mesure de compenser tous les prétendus désavantages résultant des effets restrictifs des CMI pour les commerçants. Rien dans le libellé de l’article 81, paragraphe 3, CE n’étayerait la thèse du Tribunal selon laquelle, s’il y a deux ou plusieurs catégories de consommateurs concernés, l’ensemble de ces catégories doit bénéficier de la même partie du profit résultant d’une restriction de concurrence pour considérer la restriction comme compatible avec l’article 81 CE.

151. Les griefs de LBG et des requérantes au pourvoi principal visent l’analyse contenue aux points 228 et 229 de l’arrêt attaqué dans lesquels, après avoir rappelé sa jurisprudence aux termes de laquelle les avantages prévus par la première condition de l’article 81, paragraphe 3, CE peuvent se produire non seulement sur le marché en cause, mais également sur tout autre marché sur lequel l’accord pourrait produire des effets bénéfiques, le Tribunal a cependant considéré que, dans la mesure où les commerçants constituaient l’un des deux groupes d’utilisateurs concernés par les cartes de paiement, il était nécessaire, afin que l’article 81, paragraphe 3, CE puisse être appliqué, que l’existence d’avantages objectifs sensibles imputables aux CMI soit également démontrée à leur égard. Sur cette base, le Tribunal a conclu que, à défaut d’avoir apporté une telle preuve, l’argument portant sur une insuffisante prise en compte des avantages des CMI pour les titulaires de cartes était, en toute hypothèse, inopérante.

152. Lesdits griefs concernent l’application de l’exemption prévue à l’article 81, paragraphe 3, CE dans un contexte caractérisé par l’existence de deux marchés distincts sur lesquels l’accord restrictif est susceptible de produire des effets. En l’espèce, il s’agit des marchés de l’acquisition et de l’émission, lesquels, tout en étant distincts, présentent toutefois d’importantes interactions et complémentarités (124). À cet égard, il y a lieu de relever que, si la définition du marché pertinent opérée par la Commission a été confirmée par le Tribunal, cet aspect de l’arrêt attaqué ne fait toutefois pas l’objet de pourvoi devant la Cour.

153. LGB et les requérantes au pourvoi principal font, en substance, valoir que le Tribunal a commis une erreur en ignorant les avantages découlant des CMI pour les titulaires de cartes, utilisateurs directs des services offerts dans le marché de l’émission, alors que ces avantages auraient potentiellement pu contrebalancer les effets restrictifs résultant des CMI pour les commerçants, utilisateurs directs des services offerts sur le marché de l’acquisition.

154. La question de droit qui sous-tend ce grief est donc celle de savoir si, afin que l’exemption prévue à l’article 81, paragraphe 3, CE puisse trouver application dans un tel contexte, il est nécessaire que la partie équitable du profit résultant des avantages produits par l’accord, telle que prévue à l’article 81, paragraphe 3, CE, soit réservée aux utilisateurs directs des services offerts sur le marché sur lequel se produisent les effets restrictifs pour la concurrence – en l’espèce, notamment, les commerçants − ou s’il est possible de considérer que les effets restrictifs nuisant à ces utilisateurs puissent être compensés par les avantages produits pour les utilisateurs des services offerts sur un marché connexe, à savoir en l’espèce les titulaires de cartes.

155. Il y a lieu préliminairement de rappeler que la deuxième condition de l’article 81, paragraphe 3, CE exige que, afin qu’un accord restrictif puisse bénéficier de l’exemption prévue par cette disposition, une partie équitable du profit résultant dudit accord soit réservée aux utilisateurs.

156. À cet égard, il convient premièrement de relever que les utilisateurs auxquels fait référence ladite disposition doivent être considérés comme étant les utilisateurs directs ou indirects des produits ou des services couverts par l’accord. Deuxièmement, il ressort de la jurisprudence constante que, pour qu’un accord restrictif de la concurrence puisse être exempté au titre de l’article 81, paragraphe 3, CE, les avantages objectifs sensibles générés par cet accord doivent être de nature à compenser les inconvénients qui en résultent pour la concurrence (125). On peut déduire de cette jurisprudence que, afin qu’un accord restrictif puisse bénéficier de l’exemption, il est nécessaire que les avantages découlant de cet accord assurent aux utilisateurs la compensation intégrale des effets préjudiciables, réels ou probables, que ceux‑ci doivent supporter en raison de la restriction de la concurrence résultant de l’accord. En d’autres termes, les avantages découlant de l’accord restrictif doivent contrebalancer ses effets négatifs.

157. Toutefois, à mon avis, cette compensation doit concerner les utilisateurs qui sont directement ou indirectement affectés par l’accord (126). Ce sont en effet les utilisateurs qui subissent le préjudice causé par les effets restrictifs de l’accord en cause qui doivent, en principe, se voir réserver, en compensation de ce préjudice, la partie équitable du profit résultant dudit accord à laquelle il est fait référence dans l’article 81, paragraphe 3, CE.

158. En effet, dans le cas où il serait possible de prendre en considération les avantages découlant d’un accord pour une catégorie d’utilisateurs de certains services pour contrebalancer les effets négatifs sur une autre catégorie d’utilisateurs d’autres services sur un autre marché, cela équivaudrait à permettre de favoriser la première catégorie d’utilisateurs au désavantage de la seconde. Or, des logiques distributives de tel genre me semblent, en principe, être étrangères au champ d’action du droit de la concurrence (127). Ce droit vise, en effet, à protéger la structure du marché, et, ce faisant, la concurrence, dans l’intérêt des concurrents et, en dernier lieu, des consommateurs (128) en général. Il ne vise pas, en revanche, à favoriser une catégorie de consommateurs au détriment d’une autre (129).

159. À cet égard, je dois encore relever que ces considérations ne sont pas nécessairement en contradiction avec la jurisprudence établie du Tribunal, mentionnée au point 228 de l’arrêt attaqué, aux termes de laquelle il n’est pas exclu qu’il soit possible de prendre en considération des avantages résultant de l’accord qui se produisent sur un marché diffèrent par rapport à celui sur lequel l’accord produit les effets restrictifs. En effet, de tels avantages peuvent être pris en considération lorsque, par exemple, la catégorie de consommateurs affectée par l’accord sur les deux marchés distincts est la même (130).

160. En l’espèce, le Tribunal a considéré que, pour que l’exemption prévue à l’article 81, paragraphe 3, CE trouve application, il est nécessaire que l’existence d’avantages objectifs sensibles découlant des CMI soit, en tout état de cause, prouvée pour les commerçants. Or, dans la mesure où les commerçants constituent la catégorie de consommateurs qui subissent directement les effets restrictifs des CMI sur le marché sur lequel ces effets se produisent, j’estime que le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit.

161. Il en résulte que tant les arguments des requérantes au pourvoi principal que l’argument de LBG, selon lequel le Tribunal aurait ignoré les avantages importants provenant des CMI (131) pour les titulaires de cartes, ne sauraient prospérer. La même conclusion vaut, en l’absence de contestation de la définition du marché pertinent, pour l’argument relatif au manque de considération de la nature duale du marché. Enfin, il résulte également de ce qui précède que, contrairement à ce que soutiennent les requérantes au pourvoi principal, le Tribunal, aux points 228 et 229 de l’arrêt attaqué, n’a pas considéré que, s’il y a deux ou plusieurs catégories de consommateurs concernées, l’ensemble de ces catégories doit bénéficier de la même partie du profit résultant d’une restriction de concurrence pour considérer la restriction comme compatible avec l’article 81 CE. Il a seulement considéré que des avantages objectifs découlant des CMI devaient être prouvés pour les commerçants.

162. À la lumière de toutes ces considérations, j’estime partant que les griefs de LBG et des requérantes au pourvoi principal relatifs à une approche prétendument inexacte au regard du marché sur lequel les avantages prévus à l’article 81, paragraphe 3, CE doivent être générés et au regard des catégories de consommateurs à prendre en considération doivent être rejetés dans leur intégralité.

c)      Sur l’approbation d’un critère trop rigoureux pour l’application de l’article 81, paragraphe 3, CE

163. En troisième lieu, LBG soutient que le Tribunal a commis une erreur en approuvant un critère trop rigoureux pour l’application de l’article 81, paragraphe 3, CE. LBG vise notamment le point 233 de l’arrêt attaqué, dans lequel le Tribunal laisserait entendre que le seul élément à prendre en considération pour déterminer que les CMI sont fixées à un niveau approprié serait la compensation par les commerçants des frais encourus par les banques d’émission au titre des services fournis à ceux-ci ou qui leur bénéficient manifestement et que le calcul de la compensation devrait prendre en compte les autres revenus obtenus par les banques d’émission. LBG soutient que la Commission aussi, dans des cas plus récents, semblerait avoir adopté une approche qui se focalise uniquement sur les avantages pour les commerçants en ce qu’elle aurait utilisé une méthodologie restrictive désignée comme le «critère du touriste» (132). L’application d’une telle approche serait, selon LBG, impraticable et inappropriée et la Commission elle-même ne serait pas en mesure d’appliquer ce critère pour manque de données. Dans ces circonstances, LBG se demande comment MasterCard ou, a fortiori, les banques titulaires d’une licence, qui ne disposent pas de données complètes sur le marché, seraient raisonnablement censées l’appliquer. La méthodologie choisie serait également impossible à appliquer en pratique, car elle exigerait que des éléments de preuve précis soient fournis pour justifier des niveaux de CMI spécifiques. Ces éléments de preuve, cependant, ne seraient guère susceptibles d’être produits. Ni la Commission ni le Tribunal n’auraient fourni la moindre orientation sur la méthodologie précise que devrait suivre MasterCard afin de fixer les CMI à un niveau justifiable. L’ambiguïté résultant de cette approche créerait des incertitudes importantes pour les opérateurs du marché et serait susceptible de porter préjudice au consommateur en bloquant l’innovation sur le marché.

164. Ce grief se fonde, à mon avis, sur une lecture erronée de l’arrêt attaqué. En effet, au point 233, seul point de l’arrêt attaqué visé spécifiquement par ce grief, le Tribunal n’a pas affirmé que la compensation des frais encourus par les banques d’émission au titre des services fournis serait le seul élément à prendre en considération pour déterminer que les CMI sont fixées à un niveau approprié. Audit point de l’arrêt attaqué, le Tribunal a répondu à l’argument avancé devant lui tiré de l’absence de données permettant de satisfaire au niveau de preuve économique exigé par la Commission. Les considérations contenues dans le point 233 de l’arrêt attaqué doivent ainsi être lues à la lumière du point précédent, dans lequel le Tribunal a expliqué que la difficulté de satisfaire le niveau de preuve économique exigé par la Commission trouvait son origine dans l’argumentation développée par les requérantes au pourvoi principal au cours de la procédure administrative.

165. Quant à l’allusion à la méthodologie désignée comme le «critère du touriste», force est de constater qu’il n’y a aucune référence à cette méthodologie dans l’arrêt attaqué ni dans la décision controversée, de sorte que l’argument qui se fonde sur cette méthodologie n’est pas pertinent. LBG ne fournit d’ailleurs aucun élément pour expliquer comment sa référence à cette méthodologie pourrait permettre d’identifier une erreur dans l’arrêt attaqué.

166. Quant à l’argument selon lequel la Commission et le Tribunal n’auraient pas fourni la moindre orientation sur la méthodologie précise que devrait suivre MasterCard pour fixer les CMI, il n’est susceptible d’identifier aucune erreur de droit du Tribunal dans l’arrêt attaqué et est donc inopérant.

167. Il s’ensuit de ce qui précède qu’également la troisième branche du moyen tiré de la violation de l’article 81, paragraphe 3, CE ne saurait prospérer et donc que ledit moyen doit être rejeté dans son intégralité.

III – Conclusions

168. Eu égard aux considérations qui précèdent, je propose à la Cour de statuer comme suit:

1)      Le pourvoi principal et les pourvois incidents sont rejetés.

2)      MasterCard Incorporated, MasterCard International Incorporated et MasterCard Europe SPRL sont condamnées aux dépens afférents au pourvoi principal.

3)      The Royal Bank of Scotland plc est condamnée aux dépens afférents à son pourvoi incident.

4)      Lloyds TSB Bank plc et Bank of Scotland plc sont condamnées aux dépens afférents à leur pourvoi incident.

5)      MBNA Europe Bank Ltd, HSBC Bank plc et le Royaume-Uni de Grande‑Bretagne et d’Irlande du Nord supportent leurs propres dépens.


1 – Langue originale: le français.


2 – T‑111/08.


3 – Les établissements de crédit qui mettent la carte à disposition du titulaire et lui permettent de l’utiliser.


4 – Les établissements de crédit qui ont une relation contractuelle avec un commerçant en vue de l’acceptation de la carte à un point de vente. Les banques émettrices transmettent aux banques acquéreuses les données relatives au titulaire de la carte et à la carte (authentification, autorisation, etc.) et procèdent au transfert des fonds par l’intermédiaire de l’infrastructure informatique du réseau, alors que les banques acquéreuses acheminent les transactions depuis le terminal des points de vente des commerçants jusqu’au centre de traitement des émetteurs, transmettent les données pour autorisation et prennent part à la compensation et au traitement de la transaction.


5 – Voir considérants 234 à 238 et 242.


6 – Voir considérants 239 à 241 de la décision litigieuse.


7 – Voir considérants 118 et suiv. de la décision litigieuse.


8 – Il s’agit, plus précisément, des cartes de crédit et à débit différé «consommateurs» portant le logo MasterCard, ainsi que des cartes de débit portant le logo MasterCard ou Maestro (voir article 1er de la décision litigieuse).


9 – Ces frais comprennent la fourniture des terminaux de paiement et d’autres services techniques et financiers et se composent d’un pourcentage de la valeur de transaction ou d’une commission forfaitaire (voir considérants 246 et 247 de la décision litigieuse).


10 – Voir considérant 248 de la décision litigieuse.


11 – Voir considérants 146 à 155 de la décision litigieuse, et particulièrement considérant 153.


12 – Voir article 1er de la décision litigieuse. Il convient de souligner que la Commission s’était déjà occupée des commissions bancaires d’interchange dans le cadre de systèmes de paiement par cartes, notamment dans la décision 2002/914/CE, du 24 juillet 2002 (affaire COMP/29.373, Visa international – Commission multilatérale d’échange, JO L 318, p. 17), dans laquelle les CMI intrarégionales de Visa dans l’Union européenne ont été exemptées, pour une période de cinq ans, sous réserve de certaines conditions, dont la principale que ces commissions soient liées, et plafonnées, au niveau de certains coûts. Une deuxième décision Visa a été adoptée par la Commission le 8 janvier 2010 (COMP/D‑1/39.398, Visa MIF), rendant obligatoires les engagements proposés par Visa, comportant, entre autres, un plafonnement de ses CMI. En janvier 2012 la Commission a publié le Livre vert – Vers un marché européen intégré des paiements par carte, par internet et par téléphone mobile [COM(2011) 941 final] et lancé une consultation publique qui a touché également certains aspects relatifs aux commissions bancaires d’interchange dans le cadre de systèmes de paiement par cartes.


13 – Voir article 7 de la décision litigieuse.


14 – Et les commissions d’interchange par défaut du SEPA (Single Euro Payments Area) internes à la zone euro.


15 – Ainsi que les commissions d’interchange par défaut du SEPA/internes à la zone euro. Voir articles 2 et 3 de la décision litigieuse.


16 – Voir article 5 de la décision litigieuse. Cet article impose également à MasterCard de rendre accessibles sur son site internet, pour un certain laps de temps, les informations figurant à l’annexe 5 de ladite décision.


17 – Voir communiqué de presse de la Commission du 1er avril 2009 (IP/09/515). Une mention des engagements souscrits par les requérantes au pourvoi principal est contenue au point 60 de l’arrêt attaqué.


18 – Arrêt du 13 juin 2013, Versalis/Commission (C‑511/11 P, point 115).


19 – Arrêt du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission (C‑189/02 P, C‑202/02 P, C‑205/02 P à C‑208/02 P et C‑213/02 P, Rec. p. I‑5425, points 97 et 99).


20 – Voir arrêt du 28 février 2013, Réexamen Arango Jaramillo e.a./BEI (C‑334/12 RX‑II, point 43), et ordonnance du 16 novembre 2010, Internationale Fruchtimport Gesellschaft Weichert/Commission (C‑73/10 P, Rec. p. I‑11535, point 53), contenant des références à la jurisprudence de la CEDH.


21 – Voir, notamment, en ce sens, point 83 de mes conclusions dans l’affaire Gestoras Pro Amnistía e.a./Conseil (arrêt du 27 février 2007, C‑354/04 P, Rec. p. I‑1579), où se trouvent d’autres références à la jurisprudence de la CEDH. Voir, également, ordonnance Internationale Fruchtimport Gesellschaft Weichert/Commission, précitée, point 53, ainsi que point 73 des conclusions de l’avocat général Cruz Villalón dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 26 septembre 2013, PPG et SNF/ECHA (C‑625/11 P).


22 – Voir arrêt Réexamen Arango Jaramillo e.a./BEI, précité, point 43, et point 73 des conclusions de l’avocat général Cruz Villalón dans l’affaire PPG et SNF/ECHA, précitées.


23 – S’appuyant sur une série d’éléments ayant trait, notamment, aux règles de fonctionnement de l’organisation, aux relations entre ses organes dirigeants et les banques membres, au système d’affiliation au réseau, ainsi qu’à la nature des décisions relatives aux CMI et à leur caractère obligatoire pour les banques membres, la Commission a conclu, dans la décision litigieuse, que MasterCard constituait une association d’entreprises au sens de l’article 81, paragraphe 1, CE (considérants 344 à 349) jusqu’au 25 mai 2006, date de l’IPO, et que les décisions qu’elle adoptait concernant les CMI étaient, jusqu’à cette date, des «décisions d’une association d’entreprises» au sens de la même disposition (considérant 371).


24 – Voir points 241 et 242.


25 – Voir arrêts du 8 juillet 1999, Commission/Anic Partecipazioni (C‑49/92 P, Rec. p. I‑4125, point 131); du 23 novembre 2006, Asnef-Equifax et Administración del Estado (C‑238/05, Rec. p. I‑11125, points 31 et 32), et du 4 juin 2009, T‑Mobile Netherlands e.a. (C‑8/08, Rec. p. I‑4529, point 23); voir, également, arrêt du Tribunal du 16 juin 2011, FMC Foret/Commission (T‑191/06, Rec. p. II‑2959, point 102).


26 – Voir point 62 des conclusions de l’avocat général Léger dans l’affaire Wouters e.a. (arrêt du 19 février 2002, C‑309/99, Rec. p. I‑1577). Il ressort également de la jurisprudence que, dans un tel système fermé, il ne saurait être interdit à la Commission de qualifier l’entente alternativement comme accord, pratique concertée ou décision d’association d’entreprises (voir, par exemple, arrêt du Tribunal du 20 avril 1999, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, T‑305/94 à T‑307/94, T‑313/94 à T‑316/94, T‑318/94, T‑325/94, T‑328/94, T‑329/94 et T‑335/94, Rec. p. II‑931, point 697 et, en dernier lieu, arrêt du 5 décembre 2013, Solvay Solexis/Commission, C‑449/11 P, points 61 et 62).


27 – Voir arrêt du 29 octobre 1980, van Landewyck e.a./Commission (209/78 à 215/78 et 218/78, Rec. p. 3125, point 88).


28 – Voir arrêts du 30 janvier 1985, Clair (123/83, Rec. p. 391, point 17); du 18 juin 1998, Commission/Italie (C‑35/96, Rec. p. I‑3851, point 40), et du 12 septembre 2000, Pavlov e.a. (C‑180/98 à C‑184/98, Rec. p. I‑6451, point 85).


29 – Voir arrêts du Tribunal du 26 janvier 2005, Piau/Commission (T‑193/02, Rec. p. II‑209, point 69), et du 13 décembre 2006, FNCBV e.a./Commission (T‑217/03 et T‑245/03, Rec. p. II‑4987, point 49), confirmés par l’arrêt de la Cour du 18 décembre 2008, Coop de France bétail et viande/Commission (C‑101/07 P et C‑110/07 P, Rec. p. I‑10193).


30 – Voir arrêt du Tribunal du 15 septembre 2005, DaimlerChrysler/Commission (T‑325/01, Rec. p. II‑3319, point 210).


31 – Voir, en ce sens, arrêt du 27 janvier 1987, Verband der Sachversicherer/Commission (45/85, Rec. p. 405, point 32).


32 – Cité à la note 26.


33 – Notamment arrêts du 17 novembre 1993, Reiff (C‑185/91, Rec. p. I‑5801); du 9 juin 1994, Delta Schiffahrts- und Speditionsgesellschaft (C‑153/93, Rec. p. I‑2517); du 5 octobre 1995, Centro Servizi Spediporto (C‑96/94, Rec. p. I‑2883); du 17 octobre 1995, DIP e.a. (C‑140/94 à C‑142/94, Rec. p. I‑3257), et Commission/Italie, précité (points 36 à 38).


34 – Dans l’affaire Wouters e.a., précitée, il était question de l’ordre néerlandais des avocats, dans l’affaire Commission/Italie, précitée, du Conseil national des expéditeurs en douane, dans les affaires Reiff et Delta Schiffahrts- und Speditionsgesellschaft, précitées, des commissions chargées de la fixation respectivement des tarifs des transports routiers de marchandises à grande distance et des tarifs du trafic fluvial commercial en Allemagne, dans l’affaire Centro Servizi Spediporto, précitée, du comité chargé par la loi italienne de la tenue du registre national des transporteurs routiers de marchandises et impliqué dans la fixation des tarifs de transports et, enfin, dans l’affaire DIP e.a., précitée, des commissions municipales intervenant dans la procédure de délivrance des autorisations d’ouverture des commerces de détail en Italie.


35 – Arrêt du 28 février 2013 (C‑1/12).


36 – Arrêt du 6 janvier 2004 (C‑2/01 P et C‑3/01 P, Rec. p. I‑23).


37 – En confirmant l’arrêt de première instance, la Cour a d’ailleurs précisé que, «pour qu’un accord […] puisse être réputé conclu au moyen d’une acceptation tacite, il est nécessaire que la manifestation de volonté de l’une des parties contractantes visant un but anticoncurrentiel constitue une invitation à l’autre partie, qu’elle soit expresse ou implicite, à la réalisation commune d’un tel but, et ce d’autant plus qu’un tel accord n’est pas, comme en l’espèce, à première vue, dans l’intérêt de l’autre partie, à savoir les grossistes», voir point 102.


38 – Dans leurs mémoires en réponse respectifs LBG et HSBC invoquent une dénaturation des faits, faisant grief au Tribunal de ne pas avoir tenu compte des preuves par témoignage qu’elles avaient produites devant lui, desquelles résultaient que, après l’IPO, les banques n’avaient aucun contrôle ni aucune influence sur la fixation des CMI, au sujet desquelles elles n’étaient ni consultées préalablement ni informées sinon après leur adoption. À cet égard, il suffit de relever que le Tribunal ne s’est pas fondé, dans son appréciation des faits, sur une quelconque implication des banques dans le processus d’adoption des CMI. Au contraire, au point 245 de l’arrêt attaqué, il a qualifié de «constant» le fait que, «depuis l’IPO, les décisions relatives aux CMI sont adoptées par les organes de l’organisation de paiement MasterCard et que les banques ne participent pas à ce processus décisionnel». Dès lors, ces griefs, pour autant qu’ils ne soient pas à déclarer irrecevables, car nouveaux par rapport au pourvoi principal et non soulevés dans le cadre d’un pourvoi incident, sont inopérants.


39 – Les requérantes au pourvoi principal se bornent à affirmer le caractère «manifestement incorrect» du raisonnement du Tribunal et à avancer que les banques d’émission ont un intérêt à baisser le niveau des CMI afin de baisser leurs coûts et d’augmenter leurs profits sur les MSC.


40 – Voir points 253 et 134 de l’arrêt attaqué.


41 – Cette influence s’exerçait tant dans le cas de transactions transfrontières, auxquelles les CMI s’appliquaient en l’absence de commissions d’interchange plus spécifiques, qu’en cas de transactions nationales, par rapport auxquelles les CMI soit s’appliquaient en l’absence de commissions d’interchange «intrapays», soit servaient de référence lors de l’adoption de celles‑ci (considérants 412 à 424 de la décision litigieuse).


42 – Tout en n’excluant pas la possibilité que les CMI, restreignant la détermination des prix par la concurrence, aient pu avoir un objet anticoncurrentiel, la Commission a cependant décidé de ne pas prendre position à cet égard, en considérant comme clairement établis leurs effets restrictifs (points 401 à 407).


43 – Se fondant sur des données relatives à l’année 2002, la Commission a évalué que les CMI pouvaient représenter en moyenne jusqu’à 73 % de ces frais.


44 – Considérants 439 à 460.


45 – Considérants 461 à 466.


46 – Considérants 467 à 496.


47 – Considérants 497 à 521.


48 – À savoir une règle interdisant aux émetteurs et aux acquéreurs de définir le montant des CMI après qu’un achat a été fait par l’un des détenteurs de cartes de l’émetteur auprès de l’un des commerçants de l’acquéreur, et que la transaction a été soumise pour règlement.


49 – Décision 2002/914.


50 – Arrêts du 30 juin 1966, LTM (56/65, Rec. p. 337, 359 et 360); du 11 décembre 1980, L’Oréal (31/80, Rec. p. 3775, point 19); du 12 décembre 1995, Oude Luttikhuis e.a. (C‑399/93, Rec. p. I‑4515, point 10); du 28 mai 1998, Deere/Commission (C‑7/95 P, Rec. p. I‑3111, point 76) et New Holland Ford/Commission (C‑8/95 P, Rec. p. I‑3175, point 90); du 21 janvier 1999, Bagnasco e.a. (C‑215/96 et C‑216/96, Rec. p. I‑135, point 33), ainsi qu’arrêt du Tribunal du 2 mai 2006, O2 (Germany)/Commission (T‑328/03, Rec. p. II‑1231, point 68).


51 – Voir arrêt du 8 décembre 2011, KME Germany e.a./Commission (C‑389/10 P, Rec. p. I‑13125, point 39).


52 – Voir, notamment, arrêt LTM, précité (Rec. p. 250).


53 – Voir, également, arrêt O2 (Germany)/Commission, précité (point 72), dans lequel le Tribunal a souligné l’importance de l’examen du jeu de la concurrence en l’absence d’accord s’agissant de marchés en cours de libéralisation ou de marchés émergents.


54 – Arrêt du Tribunal du 15 septembre 1998, European Night Services e.a./Commission (T‑374/94, T‑375/94, T‑384/94 et T‑388/94, Rec. p. II‑3141, point 137).


55 – Voir arrêt O2 (Germany)/Commission, précité (point 72).


56 – Arrêt du 28 février 1991, Delimitis (C‑234/89, Rec. p. I‑935).


57 – Voir, notamment, considérants 408 et 410 de la décision litigieuse, où la Commission affirme que «les prix fixés par les banques acquéreuses seraient inférieurs si [la règle multilatérale ‘par défaut’] n’existait pas et si le système prévoyait une règle interdisant la tarification a posteriori», ainsi que point 460 mentionné précédemment.


58 –      Sur la base, entre autres, de considérations relatives à la concurrence intersystèmes.


59 – Bien évidemment, cela ne préjuge en rien de l’analyse de la Commission, selon laquelle, en l’absence des CMI, le jeu de la concurrence entre banques d’acquisition conduirait à terme à la suppression de toute commission d’interchange.


60 – Cité à la note 50.


61 – Cette phrase se lit comme suit: «S’il est admis que les CMI fixent un plancher aux MSC et dans la mesure où la Commission a pu valablement constater qu’un système MasterCard fonctionnant sans CMI demeurerait économiquement viable, il en découle nécessairement qu’elles disposent d’effets restrictifs de concurrence».


62 – Arrêt du Tribunal du 14 décembre 2006, Raiffeisen Zentralbank Österreich e.a./Commission (T‑259/02 à T‑264/02 et T‑271/02, Rec. p. II‑5169).


63 – Arrêt du 24 septembre 2009, Erste Group Bank e.a./Commission (C‑125/07 P, C‑133/07 P, C‑135/07 P et C‑137/07 P, Rec. p. I‑8681, points 116 à 119).


64 – Point 285 et jurisprudence citée.


65 – Voir, en ce sens, conclusions de l’avocat général Bot dans l’affaire Erste Group Bank e.a./Commission, précitée.


66 – Le Tribunal a, tout d’abord, au point 150 de l’arrêt attaqué, rappelé les conclusions que la Commission avait tirées de l’étude de marché de 2004 quant à l’incapacité des commerçants d’exercer une contrainte suffisante sur le montant des CMI «au motif qu’un élément essentiel dans l’acceptation des paiements par cartes par les commerçants était constitué par l’attrait qu’elles représentaient pour les consommateurs et que, partant, un refus de ce mode de paiement ou une discrimination à son égard pouvait avoir des incidences négatives sur leur clientèle»; ensuite, au point 157, il a constaté le bien-fondé de ces conclusions et, enfin, au point 158, en a discuté certaines conséquences.


67 – Arrêt du Tribunal du 18 septembre 2001 (T‑112/99, Rec. p. II‑2459).


68 – Arrêt du 15 décembre 1994 (C‑250/92, Rec. p. I‑5641).


69 – Précité à la note 67.


70 – Ibidem, point 109.


71 – Ibidem, point 104.


72 – Ibidem, point 106.


73 – Dans le même sens, voir arrêt du Tribunal du 29 juin 2012, E.ON Ruhrgas et E.ON/Commission (T‑360/09). Les principes établis par l’arrêt M6 e.a./Commission, précité, ont également été appliqués par analogie dans l’arrêt du Tribunal du 12 avril 2013, Stim/Commission (T‑451/08).


74 – Arrêt du 25 octobre 1977 (26/76, Rec. p. 1875, points 20 et 27). Dans cet arrêt, la Cour, après avoir affirmé que, à certaines conditions, des «systèmes de distribution sélective constitu[ent], parmi d’autres, un élément de concurrence conforme à l’article 8[1], paragraphe 1, [CE]», a considéré que «tout système fondé sur une sélection des points de distribution implique nécessairement, à peine de n’avoir aucun sens, l’obligation pour les grossistes faisant partie du réseau de n’approvisionner que des revendeurs agréés» et, dès lors, que les limitations visant à permettre le contrôle de l’observance de cette obligation, «tant qu’elles ne dépassent pas le but recherché, ne sauraient constituer par elles-mêmes une restriction de concurrence mais forment l’accessoire de l’obligation principale, dont elles contribuent à assurer l’application». 


75 – Ainsi, dans l’arrêt du 11 juillet 1985, Remia e.a./Commission (42/84, Rec. p. 2545, points 19 et 20), la Cour a jugé que les clauses de non-concurrence insérées dans des contrats de cession d’entreprise, dans la mesure où elles garantissent, en principe, «la possibilité et l’effectivité d’une telle cession», contribuent «à renforcer la concurrence par l’accroissement du nombre des entreprises présentes sur le marché en cause», à condition, cependant, qu’«elles soient nécessaires au transfert de l’entreprise cédée et que leur durée et leur champ d’application soient strictement limités à cet objectif». En l’espèce, la Cour avait observé que l’accord de cession d’entreprise en cause «[n’aurait pas pu] être réalisé» en l’absence de la clause litigieuse, puisque «le vendeur, qui connai[ssai]t particulièrement bien les particularités des entreprises cédées [aurait] conserv[é] la possibilité d’attirer à nouveau vers lui son ancienne clientèle immédiatement après la cession et de rendre ainsi non viable cette entreprise». Encore, dans l’arrêt Pronuptia (arrêt du 28 janvier 1986, 161/84, Rec. p. 353, points 15 et suiv. et point 1.B du dispositif), la Cour a jugé qu’un certain nombre de clauses accessoires à des accords de franchise échappaient à l’interdiction édictée par l’article 81, paragraphe 1, CE dans la mesure où elles étaient «indispensables pour que le système de franchise puisse fonctionner». Enfin, dans l’arrêt DLG, précité, sur lequel s’appuient les requérantes au pourvoi principal, la Cour a jugé «qu’une disposition statutaire d’une association coopérative d’achat, interdisant à ses membres de faire partie d’autres formes de coopération organisée en concurrence directe avec elle, ne tombe pas sous l’interdiction prévue par l’article 8[1], paragraphe 1, [CE], dès lors que ladite disposition statutaire est limitée à ce qui est nécessaire afin d’assurer le bon fonctionnement de la coopérative et de soutenir sa puissance contractuelle vis-à-vis des producteurs».


76 – Ainsi, une clause qui se borne à faciliter l’exécution de l’accord, sans être nécessaire au sens décrit, n’échappera à l’interdiction édictée par l’article 81, paragraphe 1, CE que lorsqu’elle ne comporte pas de restriction de la concurrence ou lorsqu’elle peut être exemptée au titre de l’article 81, paragraphe 3, CE.


77 – Voir arrêt M6 e.a./Commission, précité (points 109 et 121).


78 – Arrêt précité (points 109 et 121), qui renvoie, à cet égard, entre autres au point 24 de l’arrêt Pronuptia, dans lequel la Cour a déclaré que la clause d’exclusivité territoriale en cause constituait une limitation de la concurrence au sens de l’article 81, paragraphe 1, CE, tout en reconnaissant que, en l’absence d’une telle protection territoriale, un candidat franchisé aurait pu être dissuadé de prendre le risque de s’intégrer à la chaîne.


79 – Dans le même sens, au point 101 de l’arrêt attaqué, le Tribunal, avant d’entamer l’examen concernant le caractère objectivement nécessaire des CMI en tant que mécanisme de transfert de fonds en faveur des banques d’émission, a précisé qu’«il ne s’agit pas d’effectuer une comparaison destinée à déterminer si le système MasterCard fonctionne de manière plus efficace avec des CMI que sur la base d’une interdiction des tarifications ex post».


80 – Voir arrêts précités Remia e.a./Commission (point 20) et M6 e.a./Commission (point 113).


81 – Voir arrêt Remia e.a., précité (points 18 et 19).


82 – Arrêt M6 e.a./Commission, précité (point 109).


83 – Je renvoie, à cet égard, concernant le cas d’espèce, aux considérations exposées au point 66 ci-dessus.


84 – Bien que d’autres éléments, par exemple des considérations liées au contexte politique dans lequel s’insère l’opération principale, puissent également être pris en considération, voir en ce sens arrêt E.ON Ruhrgas et E.ON/Commission, précité (point 75).


85 – Ainsi, dans l’arrêt Remia e.a./Commission, la Cour a confirmé la démarche de la Commission consistant à retenir une durée de quatre ans de la clause de non-concurrence contenue dans le contrat de cession d’entreprise en cause au lieu des dix ans stipulés par les parties, démarche qui était fondée sur la «conviction», acquise après examen de toutes les circonstances de l’espèce, «que seule une durée de quatre ans était objectivement justifiée» pour permettre au cessionnaire d’introduire sa nouvelle marque et de s’attacher une clientèle évitant une nouvelle pénétration du marché par le cédant (point 30). De même, lorsque, dans l’arrêt Metro SB-Groβmärkte/Commission, précité, la Cour a examiné le caractère proportionné des clauses limitant la liberté d’action des parties insérées dans un contrat de distribution sélective, son analyse a porté uniquement sur la question de savoir si de telles clauses dépassaient ce qui était nécessaire pour atteindre leur objectif, en imposant aux parties des obligations plus contraignantes (notamment, points 27, 37 et 39). Dans l’arrêt M6 e.a./Commission, précité, en examinant la clause d’exclusivité d’une durée de dix ans contenue dans l’accord en vue de la création de la société Télévision par satellite, le Tribunal conclut qu’une telle durée «paraît excessive» dans la mesure où l’implantation de cette société devait se réaliser avant la fin de cette période, qu’il était «assez probable» que son désavantage concurrentiel irait en s’amenuisant au cours du temps et qu’«il n’était, dès lors, pas à exclure» qu’une telle exclusive, bien que destinée initialement à renforcer la position concurrentielle de ladite société sur le marché de la télévision à péage, «lui permette éventuellement, après quelques années, d’éliminer la concurrence sur ce marché». Voir également arrêt DLG, précité (points 35 et 40) et, bien que dans un contexte différent, arrêts Wouters e.a., précité (point 109), ainsi que du 18 juillet 2006, Meca-Medina et Majcen/Commission (C‑519/04 P, Rec. p. I‑6991, point 47); du 18 juillet 2013, Consiglio nazionale dei geologi et Autorità garante della concorrenza e del mercato (C‑136/12, point 54), et Ordem dos Técnicos Oficiais de Contas, précité (point 100).


86 – Voir point 19 de l’arrêt attaqué et considérants 146 à 155 de la décision litigieuse.


87 – En tout état de cause, même à supposer qu’une interdiction de tarification ex post ait, sur le marché de l’acquisition, des effets «qualitativement» similaires à ceux des CMI, en ce qu’elle élimine, tout comme celles-ci, la transparence sur les coûts liés aux commissions d’interchange en l’absence d’accords bilatéraux, il n’en resterait pas moins que, «quantitativement», ces effets ne sont pas assimilables. Je rappelle, à cet égard, que, dans la décision litigieuse, la Commission, s’appuyant sur des données relatives à l’année 2002, a évalué que les CMI pouvaient représenter en moyenne jusqu’à 73 % des frais facturés par les banques d’acquisition aux commerçants (voir considérants 425 et 426). Par ailleurs, à supposer même que soit exact ce que l’argumentation des requérantes au pourvoi principal sous-tend, à savoir que la Commission conteste simplement le niveau des CMI, je rappelle, premièrement, que l’appréciation de la Commission a été effectuée sur la base des CMI applicables lors de la procédure administrative, deuxièmement, qu’aucun grief concernant un éventuel seuil de sensibilité de la restriction liée au niveau des CMI n’a été soulevé en première instance – et, en tout état de cause, n’a été évoqué dans la présente procédure – et, troisièmement, que la partie de l’arrêt attaqué dans laquelle le Tribunal rejette les griefs concernant le caractère disproportionné de la mesure imposée, à savoir l’élimination complète des CMI, par rapport au fait que seul le niveau de celles-ci aurait été visé par la Commission, ne fait pas l’objet de contestation dans le cadre de la présente procédure.


88 – Il n’existe pas de concurrence entre banques d’émission pour les services offerts aux banques d’acquisition (pour chaque transaction, la banque d’émission est toujours celle d’émission de la carte) et il n’est dès lors pas possible d’identifier un marché pour ces services.


89 – Arrêt du 27 janvier 2000, DIR International Film e.a./Commission (C‑164/98 P, Rec. p. I‑447, points 38 et 42). La Cour précise cependant que, si le Tribunal peut être amené à interpréter la motivation de l’acte attaqué d’une manière différente de son auteur, voire même, dans certaines circonstances, à rejeter la motivation formelle retenue par celui-ci, il ne peut le faire lorsque aucun élément matériel ne le justifie (point 42).


90 – Arrêts du 22 novembre 2007, Espagne/Lenzing (C‑525/04 P, Rec. p. I‑9947, point 57), et du 2 septembre 2010, Commission/Scott (C‑290/07 P, Rec. p. I‑7763, point 66).


91 – Voir points 106 et suiv. de l’arrêt attaqué.


92 – Voir considérants 609 à 614 de la décision litigieuse.


93 – En l’espèce, la décision litigieuse n’impose pas d’amende, mais prévoit l’application d’astreintes journalières en cas de non-respect des mesures correctives imposées.


94 – Règlement du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 et 82 du traité (JO 2003, L 1, p. 1).


95 – Voir, par exemple, arrêts du 7 juin 1983, Musique Diffusion française e.a./Commission (100/80 à 103/80, Rec. p. 1825, point 105), et Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, précité (point 149).


96 – Voir, par exemple, arrêt du Tribunal du 10 mars 1992, SIV e.a./Commission (T‑68/89, T‑77/89 et T‑78/89, Rec. p. II‑1403, points 160, 319 et 320).


97 – D’abord confinée au domaine d’application de l’article 81, paragraphe 3, CE, cette jurisprudence a été ensuite étendue, à partir de l’arrêt Remia e.a./Commission, précité (point 34), au contexte de l’application du paragraphe 1 de cette disposition, voir, inter alia, arrêt du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission (C‑204/00 P, C‑205/00 P, C‑211/00 P, C‑213/00 P, C‑217/00 P, C‑219/00 P, Rec. p. I‑123, point 279). Il est permis de s’interroger sur la persistance, à l’heure actuelle, des raisons sous-jacentes à une telle déférence judiciaire, compte tenu notamment du processus de décentralisation de l’enforcement du droit antitrust de l’Union ainsi que de l’expérience dans ce domaine acquise au fil des années par les juridictions de l’Union.


98 – Ce processus concerne d’abord des secteurs distincts, tels que le contrôle des concentrations et les aides d’État, voir respectivement arrêts du 15 février 2005, Commission/Tetra Laval (C‑12/03 P, Rec. p. I‑987, point 39), et Espagne/Lenzing, précité (points 56 et 57).


99 – Voir arrêts du 8 décembre 2011, KME Germany e.a./Commission (C‑272/09 P, Rec. p. I‑12789, point 94); KME Germany e.a./Commission, précité (C‑389/10 P, point 121), et Chalkor/Commission (C‑386/10 P, Rec. p. I‑13085, point 54).


100 – Arrêts précités KME Germany e.a./Commission (C‑389/10, point 129) et Chalkor/Commission (point 62). Voir, également, arrêt du 6 novembre 2012, Otis e.a. (C‑199/11, points 59 et 61).


101 – Compte tenu tant de sa teneur que du contexte dans lequel elle s’insère, il semblerait qu’elle doive rester confinée au choix et à l’évaluation des facteurs entrant en ligne de compte dans la détermination du montant de l’amende et ne pas s’étendre au contrôle sur les appréciations effectuées lors de la constatation de l’infraction. Cependant, on peut se demander si la même approche restrictive ne serait d’autant plus justifiée dans le cadre d’un tel contrôle, où, diversement qu’en matière d’amendes, le juge de l’Union ne possède pas d’un pouvoir de pleine juridiction.


102 – Allant plus loin dans cette direction, la Cour AELE a, dans son arrêt du 18 avril 2012, Posten Norge As/Autorité de surveillance AELE (E‑15/10, non encore publié), consacré expressément l’abandon du contrôle restreint à l’erreur manifeste des appréciations économiques complexes effectuées par l’Autorité de surveillance AELE (point 102). Dans les motifs de l’arrêt, après avoir interprété la jurisprudence des juridictions de l’Union à cet égard comme une référence aux limites du contrôle de légalité (point 96), elle a conclu que, compte tenu de contraintes découlant du volet pénal de l’article 6, paragraphe 1, de la CEDH, lorsqu’elle inflige des amendes pour infraction aux règles de concurrence, l’Autorité de surveillance AELE ne jouit d’aucune marge discrétionnaire dans les appréciations économiques complexes qui aille au-delà de ce qui est inhérent à ces limites (point 100). Ainsi, selon la Cour AELE, s’il n’appartient pas au juge, dans le cadre d’un tel contrôle, de substituer sa propre (divergente) appréciation des situations économiques complexes à celle de l’auteur de l’acte, lorsque aucune objection juridique ne peut être avancée à l’encontre des conclusions retenues par celui-ci, ce juge doit néanmoins être «convaincu du fait que ces conclusions sont supportées par les faits» (point 101).


103 – Arrêts précités Chalkor/Commission (point 67), KME Germany e.a./Commission (C‑389/10, point 133) et Otis e.a. (points 59 à 63).


104 – Arrêt du 18 juillet 2013 (C‑501/11 P, points 30 à 39). D’un point de vue formel, l’examen a été fondé sur l’article 47 de la Charte et non pas sur l’article 6 de la CEDH; voir, notamment, point 32 de l’arrêt et jurisprudence citée.


105 – La nature pénale des sanctions pour violation du droit de la concurrence de l’Union aux fins de l’application du volet pénal de l’article 6, paragraphe 1, de la CEDH découle de l’application des critères énoncés par la Cour EDH dans l’arrêt Engel e.a/Pays Bas du 8 juin 1976, no 5100/71. La Cour AELE s’est prononcée en ce sens dans l’arrêt Posten Norgen AS/Autorité de surveillance AELE, précité, point 88. Elle semble également avoir été admise par la Cour dans l’arrêt Schindler Holding e.a./Commission, précité (notamment point 33).


106 – Arrêt Menarini Diagnostics Srl c. Italie du 27 septembre 2011, no 43509/08, § 59 et jurisprudence citée.


107 – Du moins dans la version française des arrêts de la Cour EDH, qui font référence à un pouvoir de réformation et non seulement d’annulation, comme c’est en revanche le cas dans la version anglaise.


108 – Et cela à l’égard tant de la détermination de la sanction que de la constatation de l’infraction.


109 – L’étendue de ce contrôle et la nature de ces compétences sont décrites, en des termes particulièrement larges, dans l’opinion dissidente du juge Pinto de Albuquerque dans l’arrêt Menarini Diagnostics Srl c. Italie, précité. Si l’on devait retenir l’approche préconisée dans cette opinion, il serait permis de douter de la conformité à l’article 6 de la CEDH du syndicat du juge de l’Union sur les décisions de sanction pour la violation du droit de la concurrence, limité, en ce qui concerne la constatation de l’infraction, à un contrôle de légalité.


110 – Voir, en ce sens, points 32 à 36 de mes conclusions dans l’affaire Elf Aquitaine (arrêt de la Cour du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine/Commission, C‑521/09 P, Rec. 2011 p. I‑8947).


111 – Voir arrêts précités KME Germany e.a./Commission (C‑389/10) et Chalkor/Commission, respectivement aux points 136 et 82.


112 – Voir, pour une affirmation plus explicite de ladite approche, qui n’est pas exempte de critiques du point de vue de la sécurité juridique, l’opinion concordante du juge Sajò dans l’affaire Menarini Diagnostics Srl c. Italie, précité.


113 – Précité à la note 106.


114 – À l’instar de celui exercé par le Tribunal administratif régional du Latium et par le Conseil d’État italien à l’égard des décisions de l’Autorità garante della concorrenza e del mercato, dont la conformité avec cette disposition a été affirmée par la Cour EDH dans son arrêt Menarini Diagnostics Srl c. Italie, précité.


115 – Voir arrêts précités du 8 décembre 2011, KME Germany e.a./Commission (C‑272/09 P, point 63), KME Germany e.a./Commission (C‑389/10 P, point 136) et Chalkor/Commission (point 82).


116 – La précision qui suit cette affirmation au point 96 n’est qu’une énonciation du principe selon lequel une restriction accessoire à une opération principale ne peut pas être considérée comme objectivement nécessaire en présence d’une alternative moins restrictive.


117 – Aux points 113 à 119 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a, par ailleurs, examiné et rejeté les arguments avancés par les requérantes au pourvoi principal et par les intervenantes visant à mettre en doute la pertinence de l’exemple australien, tirés, premièrement, du fait que l’intervention de l’autorité régulatrice australienne avait conduit à une réduction et non pas à l’élimination des CMI, deuxièmement, d’une absence de comparabilité des conditions du marché en Australie avec celles de l’EEE et, troisièmement, des répercussions négatives qu’une telle réduction avait entraînées pour les titulaires des cartes.


118 – Arrêts du 6 octobre 2009, GlaxoSmithKline Services e.a./Commission e.a. (C‑501/06 P, C‑513/06 P, C‑515/06 P et C‑519/06 P, Rec. p. I‑9291, point 92, italique ajouté par mes soins).


119 – Ibidem, point 93 (italique ajouté par mes soins).


120 – Voir, spécifiquement, articles 4, 6 et 9 du règlement no 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d’application des articles [81] et [82] du traité (JO 1962, 13, p. 204).


121 – Voir point 66 des conclusions de l’avocat général Trstenjak du 3 mai 2007 dans l’affaire ZF Zefeser (arrêt du 18 décembre 2007, C‑62/06, Rec. p. I‑11995).


122 – Voir point 70 des conclusions de l’avocat général Ruiz-Jarabo Colomer présentées le 8 juin 2006 dans l’affaire Van Straaten (arrêt du 28 septembre 2006, C‑150/05, Rec. p. I‑9327).


123 – Voir, en ce sens, arrêt GlaxoSmithKline Services e.a./Commission e.a., précité, point 83 et jurisprudence citée.


124 – Voir point 176 de l’arrêt attaqué.


125 – Voir arrêts du 13 juillet 1966, Consten et Grundig/Commission (56/64 et 58/64, Rec. p. 429, 502), et GlaxoSmithKline Services e.a./Commission e.a., précité, point 92. Voir également point 141 supra.


126 – Il n’est pas en revanche nécessaire que chacun de ces utilisateurs se voie réserver individuellement une partie des avantages objectifs dans la mesure où c’est l’incidence sur l’ensemble des utilisateurs dans le marché pertinent qui doit être prise en considération. Voir, en ce sens, arrêt du 23 novembre 2006, Asnef-Equifax et Administración del Estado, précité (points 70 et 72).


127 – Ces considérations ne sont pas en contradiction avec l’affirmation de la Cour dans l’arrêt Asnef-Equifax et Administración del Estado, précité, selon laquelle, afin que la condition relative au fait qu’une partie équitable du profit doit être réservée aux utilisateurs soit satisfaite, «il est nécessaire que l’incidence globale sur les consommateurs dans les marchés en cause soit favorable» (voir points 70 et 72). Ainsi qu’il ressort de la note précédente, dans l’affaire Asnef-Equifax et Administración del Estado, en effet, se posait la question de savoir s’il est nécessaire que chaque membre de la catégorie de consommateurs intéressé doive profiter individuellement des avantages objectifs découlant de l’accord restrictif, et non pas la question de l’éventuelle favorisation d’une catégorie de consommateurs au détriment d’une autre.


128 – Voir, en ce sens arrêt GlaxoSmithKline Services e.a./Commission e.a., précité, point 63.


129 – Ces considérations n’excluent pas, à mon avis, de manière absolue que, dans des cas particuliers, la Commission, dans le cadre des choix de politique de la concurrence qui lui reviennent, puisse reconnaître une exemption à un accord, en raison du fait que l’accord engendre des avantages objectifs substantiels et clairement prouvés pour une certaine catégorie d’utilisateurs, alors qu’il produit des effets négatifs limités pour une autre catégorie de consommateurs en déterminant une augmentation considérable du bien-être total. Toutefois, un tel choix de politique de la concurrence, qui me semble en tout cas avoir un caractère exceptionnel, pourrait éventuellement revenir à la Commission, mais échappe certainement à la compétence des parties à l’accord dans le cadre de leur auto-évaluation de la compatibilité d’un accord avec l’article 81 CE (désormais article 101 TFUE) dans son intégralité.


130 – Tel était le cas dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du Tribunal du 28 février 2002, Compagnie générale maritime e.a./Commission (T‑86/95, Rec. p. II‑1011), cité au point 228 de l’arrêt attaqué. En effet, dans cette affaire, les deux services sur lesquels portaient les restrictions de la concurrence étaient offerts sur deux marchés qui étaient distincts, mais étaient demandés par la même catégorie d’utilisateurs, à savoir les chargeurs requérant des services de transport intermodal entre l’Europe du Nord et l’Asie du Sud-Est et de l’Est (voir notamment, points 112 et 343 à 345 dudit arrêt).


131 – Quant aux avantages provenant directement du système Mastercard ou de son optimisation, ils n’auraient pas pu, en tout état de cause, être pris en considération au vu du fait que le Tribunal a considéré que les CMI ne constituaient pas de restriction accessoire par rapport audit système.


132 – LBG expose que ce critère vise à apprécier si les CMI et les MSC sont fixées à un niveau qu’un commerçant voudrait payer s’il devait comparer le coût de l’utilisation par le consommateur d’une carte de paiement avec celui des paiements non opérés par carte (en espèces).