Language of document : ECLI:EU:C:2013:338

ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

30 mai 2013 (*)

«Manquement d’État – Transport – Directive 91/440/CEE – Développement de chemins de fer communautaires – Directive 2001/14/CE – Répartition des capacités d’infrastructure ferroviaire – Article 6, paragraphes 2 et 3, de la directive 2001/14 – Absence persistante d’équilibre financier – Articles 6, paragraphe 1, et 7, paragraphes 3 et 4, de la directive 91/440 – Absence de mesures d’incitation du gestionnaire de l’infrastructure – Articles 7, paragraphe 3, et 8, paragraphe 1, de la directive 2001/14 – Calcul de la redevance pour l’accès minimal»

Dans l’affaire C‑512/10,

ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 258 TFUE, introduit le 26 octobre 2010,

Commission européenne, représentée par M. H. Støvlbæk et Mme K. Herrmann, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

République de Pologne, représentée par M. M. Szpunar ainsi que par Mmes K. Bożekowska-Zawisza et M. Laszuk, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par:

République tchèque, représentée par MM. M. Smolek et T. Müller ainsi que par Mme J. Očková, en qualité d’agents,

République italienne, représentée par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de M. S. Fiorentino, avvocato dello Stato,

parties intervenantes,

LA COUR (première chambre),

composée de M. A. Tizzano, président de chambre, MM. A. Borg Barthet (rapporteur), E. Levits, J.-J. Kasel et Mme M. Berger, juges,

avocat général: M. N. Jääskinen,

greffier: Mme A. Impellizzeri, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 20 septembre 2012,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 13 décembre 2012,

rend le présent

Arrêt

1        Par sa requête, la Commission européenne demande à la Cour de constater que:

–        en ne prenant pas les mesures nécessaires pour assurer que l’entité à laquelle est confié l’exercice des fonctions essentielles énumérées à l’annexe II de la directive 91/440/CEE du Conseil, du 29 juillet 1991, relative au développement de chemins de fer communautaires (JO L 237, p. 25, et – rectificatif – JO L 271, p. 70), telle que modifiée par la directive 2004/51/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004 (JO L 164, p. 164, et – rectificatif – JO L 220, p. 58, ci-après la «directive 91/440»), soit indépendante de l’entreprise qui fournit les services de transport ferroviaire;

–        en ne prenant pas les mesures propres à assurer en temps utile l’équilibre financier du gestionnaire de l’infrastructure;

–        en ayant omis d’introduire un régime d’incitations propre à encourager le gestionnaire à diminuer les coûts et les redevances d’utilisation de l’infrastructure, et

–        en n’assurant pas une transposition correcte des dispositions relatives à la tarification de l’infrastructure ferroviaire figurant dans la directive 2001/14/CE du Parlement européen et du Conseil, du 26 février 2001, concernant la répartition des capacités d’infrastructure ferroviaire et la tarification de l’infrastructure ferroviaire (JO L 75, p. 29), telle que modifiée par la directive 2004/49/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004 (JO L 164, p. 44, ci-après la «directive 2001/14»),

la République de Pologne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 6, paragraphe 3, et de l’annexe II de la directive 91/440, des articles 4, paragraphe 2, 6, paragraphes 2 et 3, 7, paragraphe 3, 8, paragraphe 1, et 14, paragraphe 2, de la directive 2001/14 ainsi que de l’article 6, paragraphe 1, de cette dernière, lu en combinaison avec l’article 7, paragraphes 3 et 4, de la directive 91/440.

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

2        L’article 7, paragraphes 3 et 4, de la directive 91/440 disposait:

«3.      Les États membres peuvent, en outre, octroyer au gestionnaire de l’infrastructure, dans le respect des articles [73 CE], [87 CE] et [88 CE], un financement suffisant en rapport avec les tâches, la dimension et les besoins financiers, notamment pour couvrir des investissements nouveaux.

4.      Dans le cadre de la politique générale arrêtée par l’État, le gestionnaire de l’infrastructure établit un plan d’entreprise incluant des programmes d’investissement et de financement. Le but de ce plan est d’assurer une exploitation et un développement optimaux et efficaces de l’infrastructure, tout en permettant d’atteindre l’équilibre financier et en prévoyant les moyens nécessaires pour réaliser ces objectifs.»

3        L’article 6 de la directive 2001/14 était libellé comme suit:

«1.      Les États membres définissent les conditions appropriées, comprenant, le cas échéant, des paiements ex ante, pour que les comptes du gestionnaire de l’infrastructure, dans des conditions normales d’activité et par rapport à une période raisonnable, présentent au moins un équilibre entre, d’une part, les recettes tirées des redevances d’utilisation de l’infrastructure, les excédents dégagés d’autres activités commerciales et le financement par l’État et, d’autre part, les dépenses d’infrastructure.

Sans préjudice d’un objectif éventuel, à long terme, de couverture par l’utilisateur des coûts d’infrastructure pour tous les modes de transport sur la base d’une concurrence intermodale équitable et non discriminatoire, lorsque le transport ferroviaire est en mesure de concurrencer d’autres modes, un État membre peut exiger, à l’intérieur du cadre de tarification défini aux articles 7 et 8, du gestionnaire de l’infrastructure qu’il équilibre ses comptes sans apport financier de l’État.

2.      Le gestionnaire de l’infrastructure est, tout en respectant les exigences en matière de sécurité, et en maintenant et en améliorant la qualité de service de l’infrastructure, encouragé par des mesures d’incitation à réduire les coûts de fourniture de l’infrastructure et le niveau des redevances d’accès.

3.      Les États membres veillent à ce que la disposition prévue au paragraphe 2 soit mise en œuvre soit dans le cadre d’un contrat conclu, pour une durée minimale de trois ans, entre l’autorité compétente et le gestionnaire de l’infrastructure et prévoyant le financement par l’État, soit par l’établissement de mesures réglementaires appropriées, prévoyant les pouvoirs nécessaires.

[...]»

4        Aux termes de l’article 7, paragraphe 3, de la directive 2001/14:

«Sans préjudice des dispositions des paragraphes 4 ou 5 ou de l’article 8, les redevances perçues pour l’ensemble des prestations minimales et l’accès par le réseau aux infrastructures de services sont égales au coût directement imputable à l’exploitation du service ferroviaire.»

5        L’article 8, paragraphe 1, de ladite directive prévoyait:

«Un État membre peut, afin de procéder au recouvrement total des coûts encourus par le gestionnaire de l’infrastructure et, si le marché s’y prête, percevoir des majorations sur la base de principes efficaces, transparents et non discriminatoires, tout en garantissant une compétitivité optimale, en particulier pour le transport ferroviaire international de marchandises. Le système de tarification respecte les gains de productivité réalisés par les entreprises ferroviaires.

Le niveau des redevances ne doit cependant pas exclure l’utilisation des infrastructures par des segments de marché qui peuvent au moins acquitter le coût directement imputable à l’exploitation du service ferroviaire, plus un taux de rentabilité si le marché s’y prête.»

 Le droit polonais

 La loi de 2000

6        L’article 15 de la loi relative à la vente, à la restructuration et à la privatisation de l’entreprise publique Polskie Koleje Państwowe (ustawa o komercjalizacji, restrukturyzacji prywatyzacji przedsiębiorstwa państwowego «Polskie Koleje Państwowe»), du 8 septembre 2000 (Dz. U. de 2000, n° 84, position 948), dans sa version applicable au présent litige (ci-après la «loi de 2000»), dispose:

«1.      PKP SA crée une société par actions chargée de gérer les lignes ferroviaires, active sous le nom ‘PKP Polskie Linie Kolejowe Spółka Akcyjna’, dénommée ci-après ‘PLK SA’.

[...]

4.      PLK SA devient le gestionnaire des chemins de fer au sens de la [loi relative au transport ferroviaire (ustawa o transporcie kolejowym), du 28 mars 2003 (Dz. U. de 2007, n° 16, position 94, ci-après la ‘loi relative au transport ferroviaire’].»

 La loi relative au transport ferroviaire

7        Aux termes de l’article 33, paragraphes 1 à 8, de la loi relative au transport ferroviaire:

«1.      Le gestionnaire [de l’infrastructure] fixe le montant des redevances dues pour l’utilisation de l’infrastructure par les transporteurs ferroviaires.

2.      La redevance de base pour l’utilisation de l’infrastructure ferroviaire est fixée en prenant en considération le coût, supporté par le gestionnaire, directement imputable à l’exploitation du service ferroviaire.

3.      La redevance d’utilisation de l’infrastructure ferroviaire se compose de la redevance de base et des redevances complémentaires.

3 bis.      Dans le cadre de la redevance de base, le gestionnaire applique une redevance distincte pour

1)      l’accès minimal à l’infrastructure ferroviaire englobant les services visés dans la partie I, paragraphe 1, de l’annexe de la loi;

2)      l’accès aux installations liées à l’entretien des trains englobant les services visés dans la partie I, paragraphe 2, de l’annexe de la loi.

4.      La redevance de base pour l’accès minimal à l’infrastructure ferroviaire est calculée comme étant le produit des mouvements de trains et des taux unitaires fixés selon la catégorie de la ligne ferroviaire et le type de train, et cela séparément pour le transport de passagers et celui de marchandises.

4 bis      Le gestionnaire peut appliquer un taux unitaire minimal de la redevance de base pour l’accès minimal à l’infrastructure ferroviaire. Le taux minimal s’applique selon des modalités équivalentes à tous les transporteurs ferroviaires de passagers pour l’utilisation de l’infrastructure ferroviaire liée aux activités exécutées conformément au contrat de service public.

4 quater      La redevance de base d’accès aux équipements liés à l’entretien des trains est calculée comme étant le produit des services commandés et des taux unitaires correspondants, dont le montant varie en fonction du type de services visés dans la partie I, paragraphe 2, de l’annexe de la loi.

5.      Le taux unitaire de la redevance de base pour l’accès minimal à l’infrastructure ferroviaire est fixé par train, pour un kilomètre de déplacement.

5 bis.      Le gestionnaire, pour fixer les taux unitaires de la redevance de base, soustrait du montant prévu des frais de mise à disposition de l’infrastructure ferroviaire aux transporteurs ferroviaires la subvention prévue pour la rénovation et l’entretien de l’infrastructure qui provient du budget de l’État ou des collectivités locales et les ressources prévues provenant du Fonds du rail.

[...]

5 quater      L’augmentation des taux unitaires de la redevance de base pour les transports ferroviaires de personnes effectués en vertu d’un contrat de services publics, au cours de la période de validité des horaires au sens de l’article 30, paragraphe 5, ne saurait dépasser le niveau de l’indice d’inflation prévu dans le projet de loi budgétaire de l’année pertinente.

6.      Le gestionnaire est tenu de rendre publics, selon la pratique en vigueur, le montant et les types de taux de la redevance de base et des redevances supplémentaires, en distinguant le transport de passagers du transport de biens.

7.      Les taux unitaires de la redevance de base et des redevances supplémentaires, hors les redevances d’utilisation du courant de traction, sont transmis accompagnés des calculs de leur montant, au président de l’[Office des transports ferroviaires].

8.      Le président de l’[Office des transports ferroviaires] approuve les taux visés au paragraphe 7 [du présent article], dans le délai de 30 jours à compter de leur réception, ou refuse de les approuver s’il constate des infractions aux règles visées aux paragraphes [2 à 6 du présent article], à l’article 34 ou aux dispositions adoptées sur la base de l’article 35.»

8        L’article 38 bis, paragraphes 1 et 2, de la loi relative au transport ferroviaire énonce:

«1.      Le ministre chargé des transports peut cofinancer, à partir du budget de l’État ou du Fonds du rail, les frais de rénovation et d’entretien de l’infrastructure ferroviaire, afin de réduire les frais et le montant des redevances d’utilisation, si l’infrastructure est mise à disposition par le gestionnaire conformément aux principes définis dans la loi.

2.      La mission visée au paragraphe 1 est réalisée sur la base d’un contrat conclu entre le ministre chargé des transports et le gestionnaire pour une période supérieure ou égale à 3 ans.»

 Le règlement ministériel de 2009

9        Le règlement du ministre de l’Infrastructure relatif aux conditions d’accès et de l’utilisation de l’infrastructure ferroviaire (rozporządzenie Ministra Infrastruktury w sprawie warunków dostępu i korzystania z infrastruktury kolejowej), du 27 février 2009 (Dz. U. de 2009, n° 35, position 274, ci-après le «règlement ministériel de 2009»), dispose à son article 6:

«La redevance de base visée à l’article 33, paragraphe 4, de la [loi relative au transport ferroviaire] est calculée en effectuant le produit du nombre de train-kilomètres réalisés et du taux applicable à la catégorie de ligne de chemin de fer concernée, établie en tenant compte du trafic quotidien moyen et de la vitesse technique admise intégrant les limitations permanentes, ainsi que du type de train et de la masse brute totale du train, définis pour le tracé accordé.»

10      Aux termes de l’article 7 du règlement ministériel de 2009:

«Les taux unitaires de la redevance de base visée à l’article 6 sont fixés pour:

1)      les trains de passagers,

2)      les trains de marchandises.»

11      L’article 8 du règlement ministériel de 2009 prévoit:

«1.      Pour calculer les taux de mise à disposition de l’infrastructure ferroviaire, le gestionnaire tient compte:

1)      des coûts directs qui couvrent:

a)      les frais d’entretien,

b)      les frais d’exploitation du trafic,

c)      l’amortissement;

2)      des coûts indirects de l’activité couvrant les frais raisonnables du gestionnaire, autres que ceux mentionnés aux points 1 et 3;

3)      des coûts financiers liés au remboursement des prêts que le gestionnaire a contractés pour développer et moderniser l’infrastructure mise à disposition;

4)      du travail d’exploitation défini pour les différentes catégories de lignes et de trains visées à l’article 7.

2.      Le taux varie en fonction de la catégorie de ligne de chemin de fer et de la masse totale brute du train, étant précisé que ce taux croît avec l’augmentation de ces paramètres.

3.      Les taux pour le déplacement des trains visés à l’article 7, concernant une même catégorie de ligne et une même masse totale brute, doivent être égaux.

4.      Les taux pour les trains visés à l’article 7 sont présentés sous la forme de tableaux, dont les lignes différentes concernent la masse brute des trains et dont les colonnes concernent les lignes ferroviaires.»

 La procédure précontentieuse

12      Le 10 mai 2007, la Commission a adressé un questionnaire à la République de Pologne en vue de s’assurer du fait que cet État membre avait correctement transposé les directives 2001/12/CE du Parlement européen et du Conseil, du 26 février 2001, modifiant la directive 91/440 (JO L 75, p. 1), 2001/13/CE du Parlement européen et du Conseil, du 26 février 2001, modifiant la directive 95/18/CE du Conseil concernant les licences des entreprises ferroviaires (JO L 75, p. 26), et 2001/14 (ci-après, prises ensemble, le «premier paquet ferroviaire»), dans son ordre juridique interne. Les autorités polonaises ont répondu à ce questionnaire par un courrier du 5 juillet 2007.

13      Le 21 octobre 2007, la Commission a demandé des éclaircissements supplémentaires que la République de Pologne lui a fournis aux termes d’un courrier du 20 décembre 2007.

14      Le 26 juin 2008, la Commission a, sur la base des informations communiquées par la République de Pologne, mis cet État membre en demeure de se conformer aux dispositions des directives du premier paquet ferroviaire. Les principales irrégularités mises en évidence concernaient le manque d’indépendance de PLK SA et la perception des redevances d’accès à l’infrastructure.

15      Le 26 août 2008, la République de Pologne a répondu à ladite mise en demeure de la Commission.

16      Le 9 octobre 2009, la Commission a adressé à la République de Pologne un avis motivé dans lequel, d’une part, elle faisait grief à cette dernière de ne pas avoir pris les mesures nécessaires pour garantir l’indépendance du gestionnaire de l’infrastructure ferroviaire à l’égard des transporteurs ferroviaires et, d’autre part, elle invitait cet État membre à prendre les mesures nécessaires pour se conformer audit avis motivé dans un délai de deux mois à compter de sa réception.

17      Par un courrier du 9 décembre 2009, la République de Pologne a répondu audit avis motivé en contestant les manquements qui lui étaient reprochés par la Commission.

18      Dans ces conditions, la Commission a introduit le présent recours.

 La procédure devant la Cour

19      Par ordonnance du président de la Cour du 13 avril 2011, la République tchèque et la République italienne ont été admises à intervenir au soutien des conclusions de la République de Pologne.

20      Par acte déposé au greffe de la Cour le 12 avril 2013, la Commission a fait savoir à la Cour qu’elle se désistait du premier grief de son recours, tiré d’une violation de l’article 6, paragraphe 3, de la directive 91/440 ainsi que des articles 4, paragraphe 2, et 14, paragraphe 2, de la directive 2001/14.

21      Dans ses observations sur ce désistement, la République de Pologne a conclu à ce que la Commission soit condamnée aux dépens afférents audit grief.

 Sur le recours

 Sur le deuxième grief, tiré de l’absence persistante d’équilibre financier

 Argumentation des parties

22      La Commission reproche à la République de Pologne de n’avoir pas pris les mesures propres à assurer en temps utile l’équilibre financier du gestionnaire de l’infrastructure, à savoir PLK SA, en violation des obligations qui incombent à cet État membre en vertu de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2001/14, lu en combinaison avec l’article 7, paragraphes 3 et 4, de la directive 91/440. À cet égard, la Commission précise qu’il découle de la réponse dudit État membre à l’avis motivé que les dépenses et les recettes de PLK SA ne seront en équilibre qu’au titre de l’année 2012.

23      La République de Pologne soutient que l’équilibre financier du gestionnaire de l’infrastructure est atteint s’il est tenu compte du résultat d’exploitation avant déduction des amortissements. Or, il ne résulterait nullement de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2001/14 que l’équilibre financier doit être atteint en intégrant les coûts d’amortissement, et notamment ceux des lignes ferroviaires qui sont ou seront à l’avenir supprimées, de sorte que les coûts de leur éventuelle rénovation n’ont pas été pris en compte lors de la fixation des redevances d’accès à l’infrastructure.

24      S’agissant de l’article 7, paragraphe 3, de la directive 91/440, la République de Pologne soutient que, d’une part, les articles 33 à 35 de la loi relative au transport ferroviaire, concernant les redevances à la charge des transporteurs ferroviaires, garantissent le financement de l’infrastructure ferroviaire et que, d’autre part, le budget de l’État et le Fonds du rail, à partir desquels peuvent être financés les coûts de rénovation et d’entretien de la structure en application des articles 38 et 38 bis de cette loi, constituent une deuxième source de financement. Les recettes de PLK SA obtenues dans le cadre de l’exercice d’activités autres que la mise à disposition de l’infrastructure ferroviaire constitueraient une troisième source de financement de celle-ci.

25      En ce qui concerne l’article 7, paragraphe 4, de la directive 91/440, la République de Pologne fait valoir que PLK SA prépare, ainsi que l’exigent ses statuts, des plans financiers annuels, dont les programmes d’investissement annuels, lesquels doivent être élaborés de manière à garantir leur financement à partir de différentes sources, constituent l’un des éléments.

 Appréciation de la Cour

26      En application de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2001/14, les États membres définissent les conditions appropriées pour que les comptes du gestionnaire de l’infrastructure, dans des conditions normales d’activité et par rapport à une période raisonnable, présentent au moins un équilibre entre, d’une part, les recettes tirées des redevances d’utilisation de l’infrastructure, les excédents dégagés d’autres activités commerciales et le financement par l’État et, d’autre part, les dépenses d’infrastructure.

27      Selon la République de Pologne, cette disposition impose aux États membres non pas de veiller à ce que le compte de profits et pertes du gestionnaire de l’infrastructure soit en équilibre, contrairement à ce que soutient la Commission, mais seulement de fournir le financement nécessaire afin que le résultat d’exploitation avant déduction des amortissements soit équilibré.

28      À cet égard, il convient tout d’abord de relever que, si, selon les principes de la comptabilité, l’amortissement représente non pas une «dépense», notion qui implique un flux de trésorerie, mais une charge sans décaissement, l’emploi de ce terme à l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2001/14 ne saurait toutefois être considéré comme déterminant dans la mesure où le second alinéa de ce même paragraphe vise, quant à lui, les «coûts d’infrastructure».

29      Il convient ensuite de relever, à l’instar de M. l’avocat général au point 55 de ses conclusions, que l’emploi des termes «paiements ex ante» à l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2001/14, en tant qu’ils semblent a priori suggérer que l’obligation visée à cette disposition a pour objectif de protéger non pas l’équilibre comptable, mais la liquidité du gestionnaire, pourrait constituer un argument en faveur de l’interprétation soutenue par la République de Pologne.

30      Toutefois, il importe également de relever, ainsi que l’a fait M. l’avocat général au point 57 de ses conclusions, que les dispositions de l’article 7 de la directive 91/440, qui prévoient respectivement, aux paragraphes 3 et 4 de celui-ci, d’une part, la possibilité pour les États membres d’octroyer au gestionnaire de l’infrastructure un financement suffisant en rapport avec les tâches, la dimension et les besoins financiers de celui-ci et, d’autre part, l’obligation pour le gestionnaire de l’infrastructure d’établir un plan d’entreprise permettant d’atteindre l’équilibre financier dans le cadre de la politique générale arrêtée par l’État, ont précisément pour objectif de garantir la liquidité du gestionnaire de l’infrastructure.

31      Par conséquent, s’il était interprété en ce sens que l’obligation d’équilibrer les comptes du gestionnaire de l’infrastructure vise à protéger non pas l’équilibre comptable, mais la liquidité de celui-ci, l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2001/14 n’aurait pas de champ d’application propre par rapport à celui de l’article 7, paragraphes 3 et 4, de la directive 91/440.

32      En outre, il convient de relever que l’inscription de l’amortissement des actifs constitue, selon l’article 35, paragraphe 1, sous b), de la quatrième directive 78/660/CEE du Conseil, du 25 juillet 1978, fondée sur l’article [44, paragraphe 2, sous g), CE] et concernant les comptes annuels de certaines formes de sociétés (JO L 222, p. 11), une obligation comptable sans laquelle les comptes annuels d’une société de capitaux telle que PLK SA ne sauraient donner, conformément à ce que prévoit l’article 2, paragraphe 3, de ladite directive, une image fidèle du patrimoine, de la situation financière ainsi que des résultats de la société.

33      Il importe également de relever, ainsi que l’a fait M. l’avocat général au point 59 de ses conclusions, que l’obligation d’amortir la valeur des actifs ne dépend pas de la question de savoir si l’entreprise a l’intention de rénover un élément de l’actif immobilisé ou non.

34      Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu d’interpréter l’obligation prévue à l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2001/14 en ce sens qu’elle vise un équilibre comptable du compte de profits et pertes du gestionnaire de l’infrastructure.

35      Un déséquilibre du compte de profits et pertes du gestionnaire de l’infrastructure n’est toutefois pas suffisant, à lui seul, pour conclure que l’État membre en question n’a pas rempli les obligations qui lui incombent en vertu dudit article 6, paragraphe 1. En effet, pour parvenir à une telle conclusion il convient en outre d’établir, selon le libellé même de cette disposition, que le déséquilibre comptable intervient «dans des conditions normales d’activité et par rapport à une période raisonnable».

36      À cet égard, la Commission soutient que, si PLK SA accumule des pertes d’un niveau équivalent à celui indiqué par la République de Pologne dans sa réponse à la lettre de mise en demeure, il sera impossible pour celle-ci d’atteindre l’équilibre financier prévu à l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2001/14. En outre, la Commission estime que cet État membre n’a pas octroyé au gestionnaire de l’infrastructure un financement suffisant en rapport avec ses tâches, sa dimension et ses besoins financiers.

37      Selon les données figurant dans la requête, le déficit de PLK SA est passé de 2 % en 2006 à 10 % (donnée prévisionnelle) en 2009. Au cours de la même période, le financement par l’État a augmenté de 10,8 % à 19,3 % (donnée prévisionnelle), alors que la couverture des coûts par les recettes tirées des redevances de l’accès à l’infrastructure a diminué parallèlement de 79,4 % en 2006 à 64,4 % en 2009 (donnée prévisionnelle).

38      La République de Pologne fait toutefois valoir qu’il est prévu que, en 2015, l’État couvrira les dépenses liées à l’infrastructure à la hauteur de 37,5 %, ce qui entraînera, selon elle, une baisse sensible des taux de redevance pour les transporteurs ferroviaires.

39      Dans son mémoire en duplique, la République de Pologne rappelle qu’elle a présenté, dans sa réponse à l’avis motivé, le plan gouvernemental prévoyant l’augmentation du financement du gestionnaire de l’infrastructure, laquelle a pour objectif de parvenir à l’équilibre budgétaire en 2012. Par ailleurs, cet État membre envisagerait d’atteindre l’équilibre budgétaire également lors de la planification des recettes et des dépenses de PLK SA. Tout en indiquant que le résultat final dépendra de la conjoncture économique, la République de Pologne précise que, en 2009, une chute des volumes du transport ferroviaire de marchandises de 17 % a été enregistrée par rapport à l’année précédente.

40      À cet égard, il convient de relever que l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2001/14 ne comporte aucune précision concernant l’application du critère relatif à la «période raisonnable», laquelle, aux termes de l’article 8, paragraphe 4, premier alinéa, de la directive 2012/34/UE du Parlement européen et du Conseil, du 21 novembre 2012, établissant un espace ferroviaire unique européen (JO L 343, p. 32), directive qui a abrogé notamment la directive 2001/14 à compter du 15 décembre 2012, ne saurait dépasser cinq ans.

41      En l’espèce, il ressort du dossier que la République de Pologne a octroyé une première subvention de 340 millions de zlotys polonais (PLN) à PLK SA en 2006, après que le gestionnaire eut entamé ses activités. La subvention étatique annuelle a été portée à 900 millions de PLN en 2010, pour atteindre 1 200 millions de PLN en 2012, année au cours de laquelle l’équilibre financier devrait être atteint. Enfin, au cours des années suivantes, il est prévu d’accroître ladite subvention de 100 millions de PLN chaque année.

42      Selon les informations figurant dans le dossier, le réseau ferroviaire polonais est très dense, en mauvais état et, dans une large mesure, peu rentable. En outre, la gestion indépendante de l’infrastructure ferroviaire n’a débuté que récemment, la première subvention étatique ayant été octroyée en 2006. Dans le même temps, malgré l’octroi répété de financements par l’État polonais au gestionnaire de l’infrastructure, les recettes de ce dernier ont diminué, en partie à cause de la crise économique majeure qu’affronte l’Union européenne. La planification financière réalisée par l’État polonais prévoit néanmoins d’atteindre l’équilibre budgétaire en 2012.

43      Compte tenu des éléments qui précèdent, il ne saurait être conclu que la République de Pologne n’a pas défini les conditions appropriées pour que les comptes du gestionnaire de l’infrastructure, dans des conditions normales d’activité et par rapport à une période raisonnable, présentent au moins un équilibre entre, d’une part, les recettes tirées des redevances d’utilisation de l’infrastructure et, d’autre part, les dépenses d’infrastructure.

44      Partant, il convient d’écarter le deuxième grief invoqué par la Commission au soutien de son recours.

 Sur le troisième grief, tiré de l’absence de mesures encourageant le gestionnaire à réduire les coûts de fourniture de l’infrastructure et le montant des redevances d’accès

 Argumentation des parties

45      La Commission soutient que, en ayant omis d’introduire, conformément à ce que prévoit l’article 6, paragraphes 2 et 3, de la directive 2001/14, un régime d’incitation propre à encourager le gestionnaire à diminuer les coûts de fourniture de l’infrastructure et le montant des redevances d’accès à ladite infrastructure, la République de Pologne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de ces dispositions.

46      Elle fait valoir, en particulier, que l’article 38 bis de la loi relative au transport ferroviaire ne crée pas de régime d’incitation propre à encourager le gestionnaire à réduire les coûts de fourniture de l’infrastructure et le niveau des redevances d’accès.

47      La République de Pologne fait tout d’abord valoir que, si la directive 2001/14 prévoit l’obligation pour les États membres de prendre des mesures d’incitation en vue d’augmenter l’efficacité du gestionnaire de l’infrastructure, elle ne définit cependant pas la nature de celles-ci.

48      Ledit État membre soutient ensuite que le ministre chargé des transports décide chaque année, avec PKP SA, société contrôlée à 100 % par le Trésor public, de l’opportunité d’attribuer des récompenses aux membres du conseil d’administration de PLK SA dans le but d’augmenter l’efficacité du gestionnaire de l’infrastructure.

49      La République de Pologne mentionne également d’autres instruments de la gouvernance des entreprises applicables à PLK SA, tels que la décision de ne pas faire peser les coûts des services de protection du rail sur les coûts de la redevance d’accès à l’infrastructure, mais de financer ces services à partir des fonds obtenus par la société dans le cadre d’autres types d’activités, ainsi que le fait de subordonner le montant des fonds publics affectés à l’activité opérationnelle du gestionnaire à l’efficacité de son activité.

50      Enfin, la République de Pologne soutient que l’article 33 de la loi relative au transport ferroviaire, en application duquel les taux unitaires des redevances sont soumis à l’approbation du président de l’Office des transports ferroviaires, constitue une mise en œuvre suffisante des mesures réglementaires visées à l’article 6, paragraphe 3, de la directive 2001/14.

51      La République tchèque fait valoir que l’exigence de mesures d’incitation à réduire les coûts de fourniture de l’infrastructure et le niveau des redevances d’accès constitue l’objectif ultime de l’article 6, paragraphe 2, de la directive 2001/14, c’est-à-dire un état qui doit être atteint. Or, ainsi que le prévoirait explicitement cette disposition, il serait nécessaire de créer des conditions préalables à cet effet. Ainsi, un État membre, lorsqu’il cherche à atteindre cet objectif, doit veiller à la sécurité, au maintien et à l’amélioration de la qualité du service de l’infrastructure.

52      La République tchèque ajoute que, dans une situation où l’infrastructure est en mauvais état, ces conditions ne sont pas réunies. Dans ce cas, la conclusion d’un contrat entre l’État membre et le gestionnaire de l’infrastructure concernant le financement des coûts de réparation ou d’entretien de l’infrastructure serait une mesure qui tend à atteindre l’objectif ultime visé à l’article 6, paragraphe 2, de la directive 2001/14 et qui devrait être considérée comme suffisante compte tenu de l’état de l’infrastructure.

53      Dans sa réponse au mémoire en intervention de la République tchèque, la Commission soutient qu’une telle interprétation de l’article 6, paragraphe 2, de la directive 2001/14 est erronée.

54      Selon ladite institution, il ne résulte pas de cette disposition que l’obligation de prendre les mesures d’incitation qui y est prévue dépend de l’état de l’infrastructure ferroviaire. Au contraire, une telle obligation existerait par elle-même. Ainsi, la conclusion d’un accord entre l’État membre concerné et le gestionnaire de l’infrastructure à propos du financement des frais de réparation et d’entretien de l’infrastructure qui ne comporterait pas de mesures incitant le gestionnaire à réduire les coûts de fourniture de l’infrastructure et le niveau des redevances d’accès ne satisferait pas à l’obligation prévue par ladite disposition.

 Appréciation de la Cour

55      Il ressort de l’article 6, paragraphe 2, de la directive 2001/14 que le gestionnaire de l’infrastructure est, tout en respectant les exigences en matière de sécurité, ainsi qu’en maintenant et en améliorant la qualité de service d’infrastructure, encouragé par des mesures d’incitation à réduire les coûts de fourniture de l’infrastructure et le montant des redevances d’accès pour l’utilisation de celle-ci.

56      L’article 6, paragraphe 3, de ladite directive prévoit que l’obligation découlant du paragraphe 2 de cet article doit être mise en œuvre soit dans le cadre d’un contrat pluriannuel, conclu entre le gestionnaire de l’infrastructure et l’autorité compétente, prévoyant le financement par l’État, soit par des mesures réglementaires appropriées, prévoyant les pouvoirs nécessaires.

57      En l’espèce, force est de constater que l’article 38 bis, paragraphes 1 et 2, de la loi relative au transport ferroviaire, s’il prévoit comme objectif la réduction des frais et du montant des redevances d’utilisation, omet toutefois de définir le mécanisme incitatif au moyen duquel cet objectif devrait être atteint.

58      En outre, il n’est pas contesté que ladite loi n’établit pas de mesures réglementaires prévoyant les pouvoirs nécessaires afin que le gestionnaire de l’infrastructure rende compte de sa gestion à une autorité compétente, conformément à ce que prévoit l’article 6, paragraphe 3, de la directive 2001/14.

59      Au demeurant, il convient de relever que la République de Pologne ne soutient pas que les mesures qu’elle invoque, mentionnées aux points 48 et 49 du présent arrêt, à supposer même qu’elles puissent être considérées comme des mesures incitatives au sens de l’article 6, paragraphe 2, de ladite directive, sont incluses dans un contrat pluriannuel de financement conformément à ce que prévoit le paragraphe 3 de cet article.

60      S’agissant, enfin, des arguments de la République tchèque, il suffit de constater que, s’il découle de l’article 6, paragraphe 2, de la directive 2001/14 que les États membres sont tenus de prendre en considération l’état de l’infrastructure dans le cadre de l’application des paragraphes 2 et 3 de cet article, ils n’en sont pas moins également tenus soit de conclure des contrats pluriannuels de financement incluant des mesures d’incitation, soit d’établir un cadre réglementaire approprié à cet effet.

61      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de conclure que le troisième grief invoqué par la Commission au soutien de son recours est fondé.

 Sur le quatrième grief, relatif au calcul de la redevance pour l’accès minimal à l’infrastructure ferroviaire

 Argumentation des parties

62      La Commission soutient que la République de Pologne n’a pas rempli les obligations qui lui incombent en vertu des articles 7, paragraphe 3, et 8, paragraphe 1, de la directive 2001/14.

63      Elle soutient que la notion de «coût directement imputable à l’exploitation du service ferroviaire», au sens dudit article 7, paragraphe 3, renvoie à celle de «coût marginal». Cette dernière notion correspond uniquement, selon la Commission, aux coûts engendrés par les mouvements effectifs de trains et non aux coûts fixes qui couvrent, outre les coûts liés à l’exploitation du service ferroviaire, les frais généraux afférents au fonctionnement de l’infrastructure devant être supportés même en l’absence de mouvements de trains.

64      La Commission fait en outre valoir que la République de Pologne a reconnu, dans sa réponse à l’avis motivé, que le niveau des taux unitaires de la redevance de base pour l’accès minimal à l’infrastructure dépend des travaux prévus en matière d’exploitation, du coût prévisible pour la fourniture de l’infrastructure ferroviaire dans le cadre de l’accès minimal ainsi que du financement envisagé des réparations et de l’entretien de l’infrastructure ferroviaire. Or, ces éléments ne seraient pas directement liés aux coûts directs résultant de l’exploitation, mais viseraient à recouvrer l’ensemble des coûts exposés par le gestionnaire.

65      En ce qui concerne les possibilités de majoration des redevances sur le fondement de l’article 8, paragraphe 1, de la directive 2001/14, la Commission fait valoir que les États membres sont tenus, ainsi qu’il ressort de la lecture combinée des premier et deuxième alinéas de ce paragraphe, de mettre en place un mécanisme de contrôle englobant tous les segments du marché des transporteurs ferroviaires et leurs capacités de paiement. Ce mécanisme devrait permettre d’identifier la «résistance du marché» et de vérifier que ne soient pas exclus certains secteurs de celui-ci qui, jusqu’alors, pouvaient s’acquitter de la redevance pour l’accès minimal à l’infrastructure.

66      Or, la loi relative au transport ferroviaire n’établirait pas un tel mécanisme.

67      S’agissant, en premier lieu, du grief tiré de l’article 7, paragraphe 3, de la directive 2001/14, la République de Pologne fait valoir que ladite loi a été modifiée, au cours de la procédure précontentieuse, conformément aux exigences de la Commission.

68      En particulier, l’article 33 de la loi relative au transport ferroviaire disposerait que la redevance de base pour l’utilisation de l’infrastructure ferroviaire est fixée en tenant compte des coûts supportés par le gestionnaire en raison des déplacements de trains opérés par le transporteur ferroviaire.

69      La République de Pologne conteste par ailleurs l’allégation de la Commission selon laquelle il résulterait des dispositions de la réglementation polonaise que les coûts directement imputables à l’exploitation du service ferroviaire correspondent aux coûts globaux d’entretien et d’exploitation.

70      Par ailleurs, la République de Pologne soutient que l’allégation de la Commission selon laquelle la notion de «coût directement imputable à l’exploitation du service ferroviaire» renvoie à celle de «coût marginal» est dénuée de fondement. Cet État membre fait valoir à cet égard que, dès lors que la directive 2001/14 ne définit pas une telle notion, les États membres disposent d’une certaine liberté, dans le respect des objectifs de cette directive, pour en définir les éléments constitutifs et déterminer le montant de la redevance d’accès.

71      S’agissant, en second lieu, du grief tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, de la directive 2001/14, la République de Pologne soutient que la Commission n’a pas précisé les éléments sur la base desquels, au regard des dispositions en vigueur en Pologne, elle a constaté que les coûts pris en compte pour calculer la redevance pour l’accès minimal étaient majorés du taux de rentabilité visé à l’article 8, paragraphe 1, de la directive 2001/14.

72      La République tchèque fait valoir, en ce qui concerne le grief de la Commission tiré d’une mauvaise transposition de l’article 7, paragraphe 3, de la directive 2001/14, qu’il ne ressort aucunement de cette disposition que seuls les coûts marginaux pourraient être qualifiés de «coût[s] directement imputable[s] à l’exploitation du service ferroviaire». Selon cet État membre, dès lors que ni cette directive ni aucune autre disposition du droit de l’Union n’énumère les coûts correspondant à cette notion, le critère déterminant est uniquement celui de savoir si un rapport direct avec l’exploitation du service ferroviaire peut être établi.

 Appréciation de la Cour

73      Conformément à l’article 7, paragraphe 3, de la directive 2001/14, les redevances perçues pour l’ensemble des prestations minimales et l’accès par le réseau aux infrastructures de services doivent être égales au coût directement imputable à l’exploitation du service ferroviaire, sans préjudice des dispositions des paragraphes 4 ou 5 de cet article 7 ou de l’article 8 de ladite directive.

74      À cet égard, force est de constater que la directive 2001/14 ne comporte aucune définition de la notion de «coût directement imputable à l’exploitation du service ferroviaire» et qu’aucune disposition du droit de l’Union ne détermine les coûts relevant, ou ceux ne relevant pas, de cette notion.

75      S’agissant, en outre, d’une notion ressortissant à la science économique dont l’application soulève, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 93 de ses conclusions, des difficultés pratiques considérables, il y a lieu de considérer que, en l’état actuel du droit de l’Union, les États membres jouissent d’une certaine marge d’appréciation aux fins de la transposition et de l’application de ladite notion en droit interne.

76      Il s’ensuit que, en l’espèce, il convient de vérifier si la réglementation polonaise en cause permet d’inclure dans le calcul des redevances perçues pour l’ensemble des prestations minimales et l’accès par le réseau aux infrastructures ferroviaires des éléments qui ne sont manifestement pas directement imputables à l’exploitation du service ferroviaire.

77      À cet égard, l’article 33, paragraphe 2, de la loi relative au transport ferroviaire prévoit que la redevance de base pour l’utilisation de l’infrastructure ferroviaire est fixée en prenant en considération le coût, supporté par le gestionnaire de celle-ci, directement imputable à l’exploitation du service ferroviaire.

78      Selon le paragraphe 4 dudit article 33, la redevance de base pour l’accès minimal à l’infrastructure ferroviaire est calculée comme étant le produit des mouvements de trains et des taux unitaires fixés selon la catégorie de la ligne ferroviaire et le type de train, et cela séparément pour le transport de passagers et celui de marchandises. Conformément au paragraphe 5 du même article, le taux unitaire de la redevance de base pour l’accès minimal à l’infrastructure ferroviaire est fixé par train, pour un kilomètre de déplacement.

79      Les modalités du calcul de la redevance de base pour l’accès minimal à l’infrastructure ferroviaire sont définies à l’article 6 du règlement ministériel de 2009.

80      L’article 8, paragraphe 1, dudit règlement ministériel précise à cet égard que, dans le cadre du calcul des taux de mise à disposition de l’infrastructure ferroviaire, le gestionnaire de l’infrastructure tient compte des coûts directs, lesquels incluent les frais d’entretien, les frais d’exploitation du trafic et l’amortissement. Cette disposition prévoit en outre la prise en compte des coûts financiers liés au remboursement des prêts que le gestionnaire a contractés pour développer et moderniser l’infrastructure mise à disposition, des coûts indirects de l’activité couvrant les frais raisonnables du gestionnaire, autres que ceux susmentionnés, ainsi que du travail d’exploitation défini pour les différentes catégories de lignes et de trains.

81      Ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 99 de ses conclusions, les coûts liés à la signalisation, à la gestion du trafic, à la maintenance et aux réparations sont susceptibles de varier, au moins partiellement, en fonction du trafic et peuvent par conséquent être considérés comme étant en partie directement imputables à l’exploitation du service ferroviaire.

82      Il s’ensuit a contrario que, dans la mesure où ils incluent des coûts de nature fixe liés à la mise à disposition d’un tronçon du réseau ferroviaire que le gestionnaire doit supporter même en l’absence de mouvements de trains, les coûts d’entretien ou de gestion du trafic mentionnés à l’article 8, paragraphe 1, du règlement ministériel de 2009 doivent être considérés comme n’étant directement imputables à l’exploitation du service ferroviaire que de manière partielle.

83      S’agissant des coûts indirects et des coûts financiers, également mentionnés dans ladite disposition nationale, force est de constater que ceux-ci n’ont manifestement aucun rapport direct avec l’exploitation du service ferroviaire.

84      Enfin, dans la mesure où ils sont déterminés non pas sur la base de l’usure réelle de l’infrastructure imputable au trafic, mais en fonction de règles comptables, les amortissements ne sauraient non plus être considérés comme directement imputables à l’exploitation du service ferroviaire.

85      Dans ces conditions, il y a lieu de constater que le règlement ministériel de 2009 conduit, aux fins de la détermination de la redevance perçue pour l’ensemble des prestations minimales et pour l’accès par le réseau aux infrastructures, à la prise en compte de coûts qui ne sauraient être considérés comme étant directement imputables à l’exploitation du service ferroviaire.

86      Partant, il y a lieu de considérer comme fondé le grief de la Commission tiré d’une violation de l’article 7, paragraphe 3, de la directive 2001/14.

87      En revanche, le grief de la Commission tiré d’une violation de l’article 8, paragraphe 1, de la directive 2001/14 ne saurait être accueilli.

88      En effet, la République de Pologne conteste avoir fait usage de la possibilité ouverte par ladite disposition permettant de percevoir des majorations des redevances d’accès et la Commission n’est pas parvenue à démontrer le bien-fondé de son allégation à cet égard.

89      Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu d’accueillir le quatrième grief de la Commission dans la mesure où la réglementation polonaise permet d’inclure dans le calcul des redevances perçues pour l’ensemble des prestations minimales et l’accès par le réseau aux infrastructures des services des coûts qui ne sauraient être considérés comme des coûts directement imputables à l’exploitation du service ferroviaire au sens de l’article 7, paragraphe 3, de la directive 2001/14.

90      En conséquence, il y a lieu, d’une part, de constater que, en ayant omis d’adopter des mesures destinées à encourager le gestionnaire de l’infrastructure ferroviaire à réduire les coûts de fourniture de l’infrastructure et le niveau des redevances d’accès ainsi qu’en permettant que soient inclus dans le calcul des redevances perçues pour l’ensemble des prestations minimales et l’accès par le réseau aux infrastructures des coûts qui ne peuvent être considérés comme directement imputables à l’exploitation du service ferroviaire, la République de Pologne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu, respectivement, des articles 6, paragraphe 2, et 7, paragraphe 3, de la directive 2001/14 et, d’autre part, de rejeter le recours de la Commission pour le surplus.

 Sur les dépens

91      En vertu de l’article 138, paragraphe 3, du règlement de procédure, si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs, chaque partie supporte ses propres dépens. L’article 141, paragraphe 1, de ce règlement dispose par ailleurs que la partie qui se désiste est condamnée aux dépens s’il est conclu en ce sens par l’autre partie dans ses observations sur le désistement.

92      En l’espèce, la Commission s’est désistée du premier grief invoqué au soutien de son recours et, dans ses observations sur ce désistement, la République de Pologne a conclu à la condamnation de cette institution aux dépens afférents audit grief.

93      Toutefois, la Commission et la République de Pologne ayant par ailleurs succombé chacune respectivement sur un ou plusieurs chefs de demande, il convient de décider que ces dernières supporteront leurs propres dépens.

94      En application de l’article 140, paragraphe 1, du même règlement, selon lequel les États membres qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens, la République tchèque et la République italienne supporteront leurs propres dépens.

Par ces motifs, la Cour (première chambre) déclare et arrête:

1)      En ayant omis d’adopter des mesures destinées à encourager le gestionnaire de l’infrastructure ferroviaire à réduire les coûts de fourniture de l’infrastructure et le niveau des redevances d’accès ainsi qu’en permettant que soient inclus dans le calcul des redevances perçues pour l’ensemble des prestations minimales et l’accès par le réseau aux infrastructures des coûts qui ne peuvent être considérés comme directement imputables à l’exploitation du service ferroviaire, la République de Pologne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu, respectivement, des articles 6, paragraphe 2, et 7, paragraphe 3, de la directive 2001/14/CE du Parlement européen et du Conseil, du 26 février 2001, concernant la répartition des capacités d’infrastructure ferroviaire et la tarification de l’infrastructure ferroviaire, telle que modifiée par la directive 2004/49/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004.

2)      Le recours est rejeté pour le surplus.

3)      La Commission européenne, la République de Pologne, la République tchèque et la République italienne supportent leurs propres dépens.

Signatures


* Langue de procédure: le polonais.