Language of document : ECLI:EU:C:2009:98

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

Mme VERICA Trstenjak

présentées le 18 février 2009 (1)

Affaire C‑489/07

Pia Messner

contre

Firma Stefan Krüger

[demande de décision préjudicielle formée par l’Amtsgerichts Lahr (Allemagne)]

«Protection des consommateurs en matière de contrats à distance – Directive 97/7/CE – Droit de rétractation conformément à l’article 6 – Quatorzième considérant – Indemnité compensatoire pour l’utilisation de la marchandise livrée en cas de rétractation dans les délais – Notions de ‘pénalité’ et de ‘frais’»





Table des matières


I –   Introduction

II – Le cadre juridique

A –   Le droit communautaire

B –   Le droit national

III – Les faits de la procédure au principal et les questions préjudicielles

IV – La procédure devant la Cour

V –   Les arguments principaux des parties à la procédure

VI – Appréciation juridique

A –   Observations préliminaires

B –   Réflexions préliminaires sur le caractère et la fonction d’une indemnité compensatoire en cas d’utilisation

C –   Sur les étapes d’examen résultant de la question préjudicielle

D –   L’indemnité compensatoire relève-t-elle de la notion de pénalité et est-elle dès lors incompatible avec la directive 97/7?

E –   L’indemnité compensatoire relève-t-elle de la notion de frais et est-elle de ce fait incompatible avec la directive 97/7?

1.     La notion de frais dans la directive 97/7 – Interprétation suivant le texte et la systématique des phrases

2.     La notion des frais dans la directive 97/7 – Approche téléologique et systématique

3.     Une analyse plus précise de la notion de répartition des risques qui est à la base de la directive 97/7 corrobore l’interprétation donnée jusqu’à présent

4.     Inexécution de l’obligation d’information et conséquences

5.     La possibilité d’abus commis par quelques-uns peut-elle entraîner une réglementation qui désavantagerait tous les consommateurs?

6.     Démarcation par rapport à la jurisprudence Schulte et Crailsheimer Volksbank

7.     Conclusion

F –   À titre conservatoire pour l’hypothèse dans laquelle la Cour estimerait que l’indemnité compensatoire ne relève pas de la notion de pénalité ou de frais au sens de la directive 97/7: une réglementation sur l’indemnité compensatoire relève-t-elle de la compétence réglementaire des États membres?

VII – Conclusion

I –    Introduction

1.        La présente procédure préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 6, paragraphe 2, lu en combinaison avec le paragraphe 1, premier alinéa, deuxième phrase, de la directive 97/7/CE du Parlement européen et du Conseil, du 20 mai 1997, concernant la protection des consommateurs en matière de contrats à distance (2).

2.        Le litige au principal est né à l’occasion de la révocation d’un contrat à distance. Les parties s’opposent sur le point de savoir si la défenderesse a le droit de déduire du prix d’achat qu’elle rembourse la valeur de l’utilisation de la marchandise par la requérante.

3.        Les contrats à distance se caractérisent par le fait que vendeur et acheteur ne négocient pas dans une boutique ou un magasin. Ni au moment de la préparation du contrat ni lors de sa conclusion, le vendeur – logiquement désigné comme étant le fournisseur dans ce contexte – et le consommateur n’ont de contact personnel au sens d’une présence physique simultanée (3). Le contrat est conclu dans le cadre d’un système de vente ou de prestation de services à distance organisé par le fournisseur (4) . Cette opération est réalisée exclusivement au moyen de techniques de communication à distance, cette notion de techniques de communication devant, conformément à l’annexe I de la directive 97/7, être comprise au sens large dans le cadre de l’application de celle-ci. Elle couvre, d’une part, les techniques de communication à distance classiques que sont les lettres, les imprimés, les catalogues et les appels téléphoniques. Elle comporte, d’autre part, les nouvelles techniques tributaires des progrès de la technologie qui permettent de faire des affaires et du commerce via l’Internet et d’autres médias, tels que le vidéotexte, la vidéophonie, le courrier électronique et le téléshopping. Les nouvelles technologies imposent donc une adaptation des modalités de la protection des consommateurs qui tiennent néanmoins compte des intérêts des fournisseurs. Dans le cadre de l’examen de la présente affaire, il ne faudra pas perdre de vue que les échanges commerciaux via l’Internet et autres médias modernes comparables connaîtront probablement à l’avenir une diffusion plus grande encore que celle qu’ils connaissent aujourd’hui.

II – Le cadre juridique

A –    Le droit communautaire

4.        Le quatorzième considérant de la directive 97/7 est rédigé dans les termes suivants:

«considérant que le consommateur n’a pas la possibilité in concreto de voir le produit ou de prendre connaissance des caractéristiques du service avant la conclusion du contrat; qu’il convient de prévoir un droit de rétractation, sauf disposition contraire dans la présente directive; que, pour que ce droit ne reste pas de pure forme, les éventuels frais supportés par le consommateur lorsqu’il exerce son droit de rétractation doivent être limités aux frais directs de renvoi des marchandises; que ce droit de rétractation ne doit pas préjuger de l’application des droits dont le consommateur bénéficie en vertu de sa législation nationale, notamment en ce qui concerne la réception de produits endommagés, de services défectueux ou de produits ou services qui ne correspondent pas à la description qui en est faite dans l’offre; qu’il appartient aux États membres de déterminer les autres conditions et modalités consécutives à l’exercice du droit de rétractation».

5.        L’article 5 de la directive 97/7 énonce les obligations dont les fournisseurs doivent s’acquitter en matière d’information dans leurs relations avec les consommateurs.

6.        L’article 6 de la directive 97/7 dispose ce qui suit:

«Droit de rétractation

1. Pour tout contrat à distance, le consommateur dispose d’un délai d’au moins sept jours ouvrables pour se rétracter sans pénalités et sans indication du motif. Les seuls frais qui peuvent être imputés au consommateur en raison de l’exercice de son droit de rétractation sont les frais directs de renvoi des marchandises.

Pour l’exercice de ce droit, le délai court:

–        pour les biens, à compter du jour de leur réception par le consommateur lorsque les obligations visées à l’article 5 ont été remplies,

[...]

Au cas où le fournisseur n’a pas rempli les obligations visées à l’article 5, le délai est de trois mois. Ce délai court:

–        pour les biens, à compter du jour de leur réception par le consommateur,

[...]

Si, dans ce délai de trois mois, les informations visées à l’article 5 sont fournies, le délai de sept jours ouvrables indiqué au premier alinéa commence à courir dès ce moment.

2. Lorsque le droit de rétractation est exercé par le consommateur conformément au présent article, le fournisseur est tenu au remboursement des sommes versées par le consommateur, sans frais. Les seuls frais qui peuvent être imputés au consommateur en raison de l’exercice de son droit de rétractation sont les frais directs de renvoi des marchandises. Ce remboursement doit être effectué dans les meilleurs délais et, en tout cas, dans les trente jours.

[...]»

B –    Le droit national

7.        La directive 97/7 a été transposée en droit allemand en particulier par les articles 312 b et suivants du code civil allemand; (Bürgerliches Gesetzbuch, ci-après le «BGB») (5) ainsi que par règlement sur les obligations en matière d’informations et de preuves conformément au droit civil; ci-après la «BGB-InfoV» (Verordnung über Informations- und Nachweispflichten nach bürgerlichem Recht) (6).

8.        L’article 312 d du BGB, intitulé «Droit de rétractation et de restitution dans les contrats à distance», est rédigé dans les termes suivants:

«(1) Le consommateur qui a conclu un contrat à distance dispose du droit de rétractation décrit par l’article 355. Lorsque le contrat porte sur la fourniture de marchandises, ce droit de rétractation peut être remplacé par le droit de restitution prévu à l’article 356.

(2) Par dérogation à l’article 355, paragraphe 2, première phrase, le délai de rétractation ne commence pas à courir avant que les obligations d’information prévues à l’article 312 c, paragraphe 2, aient été remplies; en cas de livraison de marchandises, pas avant le jour de leur réception par le destinataire; en cas de livraisons répétées de marchandises de même nature, pas avant le jour de la réception de la première livraison partielle et, en cas de fournitures de services, pas avant le jour de la conclusion du contrat.»

9.        L’article 355 du BGB, intitulé «Droit de rétractation dans les contrats passés avec les consommateurs», dispose ce qui suit:

«(1) Lorsque la loi confère un droit de rétractation au consommateur conformément à cette disposition, il n’est plus tenu par sa déclaration de consentement à la conclusion du contrat lorsqu’il se rétracte dans le délai. La rétractation ne doit pas être motivée et doit être manifestée par écrit ou par renvoi de la chose au vendeur dans un délai de deux semaines, la date d’expédition faisant foi.

(2) Le délai commence à courir au moment où le consommateur est informé par écrit de son droit de rétractation au moyen d’une communication claire lui précisant ses droits conformément aux exigences du moyen de communication utilisé, communication qui contient également les nom et adresse de celui à qui la rétractation doit être manifestée ainsi qu’une indication concernant le début du délai et les règles énoncées au paragraphe 1, deuxième phrase. Lorsque la communication parvient au consommateur après conclusion du contrat, le délai est étendu à un mois, par dérogation au paragraphe 1, deuxième phrase. Lorsque le contrat doit être conclu par écrit, le délai ne commence pas à courir avant qu’un exemplaire du contrat, la commande écrite du consommateur ou une copie de l’original du contrat ou de la commande soient mis à la disposition du consommateur. En cas de contestation sur le début du délai, c’est au vendeur qu’incombe la charge de la preuve.

(3) Le droit de rétractation s’éteint au plus tard six mois après la conclusion du contrat. En cas de livraison de marchandises, le délai ne prend pas cours avant le jour de la réception par le consommateur. Par dérogation à la première phrase, le droit de rétractation ne s’éteint pas lorsque le consommateur n’a pas été correctement informé de son droit de rétractation; en cas de contrats à distance portant sur la fourniture de prestations de services financiers, le droit de rétractation ne s’éteint en outre pas lorsque le vendeur ne s’est pas correctement acquitté des obligations que l’article 312 c, paragraphe 2, point 1, lui fait en matière d’information.»

10.      L’article 357 du BGB, intitulé «Effets juridiques de la rétractation et de la restitution», est rédigé dans les termes suivants:

«(1) Sans préjudice d’une disposition contraire, les règles concernant la résiliation légale s’appliquent par analogie au droit de rétractation et de restitution. L’article 286, paragraphe 3, s’applique de manière correspondante à l’obligation de remboursement des paiements conformément à cette disposition; le délai qu’il fixe prend cours à la déclaration de rétractation ou de restitution par le consommateur. En ce qui concerne une obligation de remboursement du consommateur, le délai commence ainsi à courir au moment où celui-ci envoie sa déclaration; en ce qui concerne une obligation de remboursement du vendeur, le délai commence à courir au moment où cette déclaration lui parvient.

[...]

(3) Par dérogation à l’article 346, paragraphe 2, première phrase, point 3, le consommateur doit payer une indemnité compensatoire en cas de détérioration résultant d’une utilisation conforme de la chose pourvu qu’il ait été informé de cette conséquence juridique par écrit au plus tard au moment de la conclusion du contrat ainsi que de la possibilité de l’éviter. Il n’est pas tenu de verser une telle indemnité lorsque la détérioration résulte exclusivement de l’examen de la chose. L’article 346, paragraphe 3, première phrase, point 3, ne s’applique pas lorsque le consommateur a été correctement informé de son droit de rétractation ou lorsqu’il en a eu connaissance par un quelconque autre moyen.

(4) Les paragraphes qui précèdent énoncent les droits des parties de manière exhaustive.»

11.      L’article 14, paragraphes 1 et 3, du BGB-InfoV énonce les règles de forme suivant lesquelles le consommateur doit être informé de son droit de rétractation et de restitution, et sur l’utilisation d’un modèle.

12.      L’annexe 2 concernant l’article 14, paragraphes 1 et 3, du BGB-Info V, qui se réfère à cette disposition, formule le modèle de la communication sur le droit de rétractation de la manière suivante:

«Droit de rétractation

Vous pouvez résilier votre commande dans le délai de deux semaines sous forme écrite (par exemple lettre, fax ou courriel) sans mention des motifs ou, après livraison, par le renvoi de la marchandise. Le délai commence à courir à la réception de cet avertissement. Pour respecter le délai de rétractation, il suffit de retourner la marchandise ou l’avis de rétractation à temps. [...]

Effets de la rétractation

En cas de rétractation valable, chaque partie est tenue de restituer à l’autre les prestations reçues et, le cas échéant, de rembourser le bénéfice de leur utilisation (par exemple, les intérêts). Au cas où il ne serait pas possible de retourner la marchandise, en tout ou en partie, ou de la retourner en bon état, une indemnisation sera exigée dans la mesure du possible. Cela ne vaut pas en cas de livraison de marchandises, lorsque la détérioration de la marchandise n’est due qu’à sa vérification – possibilité qui vous aurait été donnée, par exemple, dans un magasin.

Par ailleurs, vous pouvez éviter d’avoir à payer une indemnité compensatoire pour toute détérioration résultant de l’utilisation correcte de la chose en n’étrennant pas celle-ci comme s’il s’agissait de votre propriété et en vous abstenant de tout acte susceptible d’en diminuer la valeur.

Les objets susceptibles d’être emballés doivent nous être réexpédiés à nos frais et risques. Les objets ne pouvant pas être emballés seront repris à votre domicile.»

III – Les faits de la procédure au principal et les questions préjudicielles

13.      La demanderesse au principal est une consommatrice et la défenderesse une entreprise qui pratique la vente à distance via Internet.

14.      Répondant à une offre faite par la défenderesse via Internet, la demanderesse a acheté, le 2 décembre 2005, un ordinateur portable d’occasion au prix de 278 euros.

15.      À l’époque de cet achat, la défenderesse affichait sur Internet des conditions générales de vente, dans lesquelles on pouvait lire notamment que: «[...] Vous n’êtes plus lié par le contrat conclu si vous renvoyez la marchandise à vos frais et à vos risques et périls dans un délai de 14 jours à compter de sa réception. Pour le respect du délai, il suffit d’expédier la marchandise à temps et de nous en informer au préalable par écrit. Les retours non annoncés ne seront pas acceptés par nos services. [...] Enfin, nous attirons expressément votre attention sur le fait que vous êtes redevable d’une indemnité compensatoire au titre de la détérioration résultant de l’utilisation conforme de la marchandise que vous nous avez commandée, et nous vous conseillons de bien réfléchir avant de décider d’utiliser les marchandises commandées, dans le cas où vous n’êtes pas certain de vouloir les conserver. Vous comprendrez certainement qu’une marchandise déjà utilisée ne peut être revendue qu’au rabais. En règle générale, la réduction est de l’ordre de 15 % de la valeur du bien. Il n’y a pas lieu au versement d’une indemnité compensatoire dans le cas où la marchandise est dans son emballage d’origine et n’a pas été utilisée. Vous êtes toutefois libre de tester la marchandise que vous nous avez achetée.»

16.      L’écran de l’ordinateur étant tombé en panne au mois d’août 2006, la demanderesse en a informé la défenderesse le 4 août, mais celle-ci a refusé toute réparation gratuite.

17.      Le 7 novembre 2006, la demanderesse a déclaré qu’elle révoquait le contrat de vente et proposait immédiatement de renvoyer l’ordinateur à la défenderesse contre remboursement du prix d’achat.

18.      La demanderesse a demandé à la juridiction de renvoi de condamner la défenderesse à lui rembourser 278 euros majorés des intérêts et des dépens extrajudiciaires, et de constater que la défenderesse aurait dû accepter de rembourser plus tôt.

19.      À ces prétentions la défenderesse rétorque que la demanderesse doit en tout état de cause verser une indemnité pour l’utilisation de l’ordinateur portable pendant huit mois environ. Le prix moyen de la location d’un ordinateur comparable sur le marché s’élève à 118,80 euros pour trois mois. Eu égard à la durée de l’utilisation de l’ordinateur par la demanderesse, une indemnité de 316,80 euros pourrait être opposée à la demande de remboursement formulée par elle.

20.      La juridiction de renvoi a constaté que, comme la défenderesse n’avait pas correctement informé la demanderesse de son droit de rétractation, cette dernière a exercé ce droit avant l’expiration du délai légal.

21.      Elle expose, à ce sujet, qu’en droit allemand le délai de rétractation ne peut pas commencer à courir avant que la défenderesse se soit acquittée de ses obligations en matière d’information. Selon la juridiction de renvoi, les informations qu’elle a fournies au sujet de la rétractation et de ses effets ne sont pas conformes aux exigences de l’article 312 c, paragraphe 2, du BGB et de l’annexe 2 de l’article 14, paragraphes 1 et 3, du BGB-InfoV, de sorte qu’elles ne sont pas valides. La juridiction de renvoi évoque différents aspects de ces informations (7).

22.      Elle explique, à propos des effets de la révocation du contrat, qu’en cas de rétractation l’article 312 d, paragraphe 1, première phrase, du BGB lu en combinaison avec les articles 355, 357, paragraphe 1 et 346, paragraphe 1, du BGB impose au consommateur de rembourser les prestations qu’il a reçues. L’article 346, paragraphe 1, du BGB prévoit en outre que les avantages retirés de la prestation doivent être restitués. Lorsqu’une restitution en nature n’est pas possible, le consommateur doit, conformément à l’article 346, paragraphe 2, première phrase, point 1, du BGB payer une indemnité compensatoire. L’article 100 du BGB définit les avantages comme étant les fruits de la chose ainsi que le profit que son utilisation confère.

23.      La juridiction de renvoi précise que, pour statuer sur la demande de remboursement du prix de 278 euros, il faut d’abord répondre à la question de savoir si, lorsqu’elle rembourse le prix d’achat, la défenderesse peut déduire de celui-ci l’indemnité correspondant aux avantages que la demanderesse a tirés de l’utilisation du produit. Le fait que l’ordinateur portable ait présenté un défaut à partir du mois d’août 2006 n’aurait aucune incidence aux fins de la décision; elle permettrait uniquement de calculer la durée de la possibilité d’utilisation. Il faudrait partir du principe que la demanderesse n’a utilisé l’ordinateur que d’une manière conforme à sa destination (8).

24.      Indécis devant une telle situation, l’Amtsgericht Lahr (Allemagne) a saisi la Cour d’une question préjudicielle par jugement du 26 octobre 2007:

«Les dispositions combinées de l’article 6, paragraphe 2, et 6, paragraphe 1, deuxième phrase, de la directive 97/7/CE du Parlement européen et du Conseil, du 20 mai 1997, concernant la protection des consommateurs en matière de contrats à distance, doivent-elles être interprétées comme s’opposant à ce qu’une réglementation nationale prévoie la possibilité pour le vendeur de réclamer une indemnité compensatoire pour utilisation du bien livré, en cas de rétractation du consommateur dans les délais?»

IV – La procédure devant la Cour

25.      La demande de décision préjudicielle est parvenue au greffe de la Cour le 5 novembre 2007.

26.      Ont présenté des observations écrites dans le délai prévu par l’article 23 du statut de la Cour de justice les gouvernements belge, allemand, espagnol, autrichien et portugais ainsi que la Commission des Communautés européennes.

27.      Après la clôture de la procédure écrite, ont comparu à l’audience du 11 décembre 2008 pour y présenter leurs observations orales les gouvernements allemand et espagnol ainsi que la Commission.

V –    Les arguments principaux des parties à la procédure

28.      Les opinions présentées à la Cour peuvent être réparties en deux courants d’argumentation, à l’intérieur desquels se dessinent diverses nuances. En substance, les gouvernements allemand et autrichien ainsi que la Commission préconisent de répondre négativement à la question préjudicielle, tandis que les gouvernements belge, espagnol et portugais prônent le contraire.

29.      L’éventail des propositions de réponse reflète l’ampleur de la marge d’interprétation à l’intérieur de laquelle il faudra répondre à la question adressée à la Cour (9).

30.      Les gouvernements allemand et autrichien considèrent qu’une réglementation nationale sur l’indemnité compensant l’avantage effectivement tiré de l’utilisation de la chose est compatible avec la directive 97/7, qui ne dit pas si ni dans quelle mesure le consommateur peut être tenu d’indemniser le vendeur pour l’avantage dont il a bénéficié. L’indemnité d’utilisation ne serait ni des «frais» au sens du quatorzième considérant ou de l’article 6, paragraphe 1, premier alinéa, deuxième phrase, et paragraphe 2, de la directive 97/7 ni une «pénalité» au sens de l’article 6, paragraphe 1, premier alinéa, première phrase, de cette directive. Une «pénalité» au sens de la directive serait un paiement qui aurait uniquement pour objet de sanctionner la rétractation sans aucun rapport avec un désavantage patrimonial concret qu’aurait subi le vendeur. L’obligation de verser une indemnité visant à compenser les avantages d’utilisation qui demeurent acquis au consommateur ne serait pas une sanction de la rétractation. Les «frais» résultant de l’exercice du droit de rétractation ne seraient que les sommes dépensées pour la mise en route du processus déclenchant la rétractation. Dans le cadre de l’exercice du droit de rétractation, il s’agirait d’une démarche accomplie par le consommateur (renvoi de la marchandise) tout autant que d’une opération de gestion de dossier par le fournisseur (remboursement du prix d’achat éventuellement payé). Ni le texte de la directive ni une interprétation tirée de sa systématique, de son sens et de sa finalité ne permettrait de donner au terme «frais» une interprétation plus large qui exclurait que le fournisseur puisse exercer des droits déduits d’un quelconque enrichissement sans cause à l’encontre du consommateur. La directive 97/7 serait imprégnée de deux idées directrices: la réalisation du marché intérieur et la protection des consommateurs. Ces deux principes ne seraient pas affaiblis par la réglementation nationale qui, en cas de rétractation, aménagerait un droit réciproque à une indemnité pour les avantages effectivement retirés de l’utilisation.

31.      Le paiement d’une telle indemnité d’utilisation ne serait donc pas interdit par la directive 97/7, mais serait laissé à l’appréciation des États membres, ainsi qu’il résulterait de la dernière phrase du quatorzième considérant de la directive, aux termes de laquelle c’est aux États membres qu’il appartient de déterminer les autres conditions et modalités consécutives à l’exercice du droit de rétractation. Il ne serait pas équitable de refuser au fournisseur la possibilité d’exiger une compensation du consommateur lorsqu’avant d’exercer son droit de rétractation, celui-ci a non seulement essayé la chose achetée, mais l’a également utilisée de manière intensive, de sorte qu’il en a retiré un certain enrichissement.

32.      Le gouvernement autrichien ajoute à titre complémentaire qu’une réglementation nationale aux termes de laquelle, en cas de révocation du contrat, le fournisseur peut exiger du consommateur une rémunération pour l’utilisation de la chose doit être interprétée d’une manière conforme à la directive 97/7. Une telle rémunération ne serait pas compatible avec le but du droit de rétractation prévu par son article 6 lorsqu’une telle indemnité d’utilisation pourrait déjà être imposée au consommateur lorsqu’il a seulement vérifié que la chose était en bonne condition ou qu’il l’a brièvement utilisée d’une manière conforme à sa destination afin de l’essayer. Imposer d’une manière générale de telles charges financières au consommateur lorsqu’il fait usage de son droit de rétractation équivaudrait à une sanction incompatible avec la directive en ce qu’elle rendrait plus difficile, voire impossible, l’exercice de ce droit. Or, la finalité principale de la directive 97/7 serait d’éviter que le consommateur qui achète à distance se trouve dans une situation moins favorable que celui qui conclut un contrat de vente en la présence physique des deux contractants et qui peut ainsi généralement examiner gratuitement l’objet de la vente (en l’essayant, par exemple). C’est la raison pour laquelle il faut, en cas d’achat à distance, pouvoir vérifier que la marchandise est en bon état au moment où elle est livrée, examen qui intervient, certes, après la conclusion du contrat, mais qui doit, grâce à l’exercice sans limite du droit de rétractation, mettre le consommateur dans une situation comparable à celle d’un consommateur qui a pu examiner l’objet de la vente avant de décider de ne pas conclure de contrat.

33.      Le gouvernement allemand explique en outre que la réglementation allemande en cause précise et complète les effets de la disparition rétroactive du contrat régie par la directive, notamment au moyen de l’obligation de restitution – réciproque – des avantages de jouissance obtenus. En cas d’exercice du droit de rétractation par le consommateur, l’article 357, paragraphe 1, première phrase, lu en combinaison avec l’article 346, paragraphe 1, du BGB, oblige le fournisseur à restituer les sommes perçues ainsi que l’avantage retiré de l’utilisation de ces sommes. L’avantage visé par le droit allemand s’entend des fruits du capital, notamment les intérêts, de même que des frais économisés grâce au remboursement de dettes, comme les frais de crédit. Lorsque l’entreprise n’engage pas ces sommes dans une opération économique normale ou ne les utilise pas pour rembourser des dettes, alors qu’elle aurait pu le faire, l’article 357, paragraphe 1, première phrase, lu en combinaison avec l’article 347, paragraphe 1, première phrase, du BGB lui impose de verser une indemnité compensatoire au consommateur. Celui-ci, de son côté, est tenu, par l’article 357, paragraphe 1, première phrase, lu en combinaison avec l’article 346, paragraphes 1 et 2, du BGB de verser une indemnité compensatoire pour les éventuels profits dont il aurait bénéficié. Conformément à l’article 100 du BGB, on entend par là les avantages qu’il a retirés de l’utilisation de la chose. Selon la jurisprudence du Bundesgerichtshof, cette indemnité est calculée en fonction du rapport entre la durée d’utilisation effective et la durée d’utilisation (encore) possible, ce rapport devant alors être multiplié par le prix. Grâce à cette méthode de calcul, le consommateur ne devra jamais payer une indemnité compensatoire supérieure au prix d’acquisition, cette indemnité ne pouvant généralement pas être très élevée. Le gouvernement fédéral estime que le montant de la demande reconventionnelle du fournisseur n’est pas déterminant en l’espèce. Il a encore ajouté que ce n’est pas au consommateur qu’il incombe de fournir des preuves pour infirmer le montant de l’indemnité qui lui est réclamée parce que c’est au fournisseur que le droit allemand impose la charge de démontrer que le consommateur a effectivement tiré profit économiquement de la chose ainsi que la valeur du droit que ce profit fait naître dans le chef du fournisseur.

34.      À l’instar des gouvernements allemand et autrichien, la Commission considère qu’une indemnité pour l’usage fait de la chose telle que celle qui est prévue par la réglementation allemande en cause ne peut pas être ramenée à la notion de «frais». Conformément à la jurisprudence constante de la Cour, le droit communautaire n’empêcherait pas les juridictions nationales de veiller à ce que la protection des droits garantis par le droit communautaire n’entraîne pas un enrichissement sans cause des ayants droit (10). Elle tempère cet argument en déclarant qu’on ne saurait cependant admettre que le droit national en vigueur s’applique à des faits relevant du droit communautaire sans être influencé par celui-ci. Au contraire, la Cour exige, dans une jurisprudence constante, que les juges nationaux respectent les principes d’équivalence et d’effectivité lorsqu’ils appliquent le droit national à des faits relevant du droit communautaire (11). Le respect du principe d’équivalence suppose que la modalité litigieuse s’applique indifféremment au recours fondé sur la violation du droit communautaire et à ceux fondés sur la méconnaissance du droit interne, dans la mesure où il s’agit du même type de taxes ou de redevances. La Commission estime que la situation en cause ici ne pose aucun problème sur le plan du droit communautaire. Elle estime cependant que la situation juridique serait différente si le fournisseur à distance pouvait exiger une indemnité d’utilisation calculée à partir de critères abstraits et qui pourrait donc s’avérer prohibitive, car elle rendrait l’exercice du droit de rétractation inintéressant d’un point de vue économique et donc impossible en pratique. Selon elle, l’indemnité d’utilisation devrait être calculée en fonction de la valeur réelle de la marchandise achetée et de sa durée de vie moyenne, de façon à ce qu’elle soit calculée proportionnellement au prix d’achat et à la durée d’utilisation.

35.      Les gouvernements belge, espagnol et portugais estiment que la directive 97/7 s’oppose à une réglementation nationale prévoyant une indemnité destinée à compenser l’avantage effectivement retiré de la chose.

36.      Il résulterait de la directive 97/7 que les seuls frais qui pourraient être imputés au consommateur seraient les frais immédiatement liés au renvoi de la marchandise. Le quatorzième considérant irait dans le même sens, de sorte que la directive ne laisserait aucune latitude autorisant la perception d’autres frais. L’article 6, paragraphe 2, de la directive 97/7 aurait pour but de permettre un retour au «pristine état», ce qui inclurait uniquement le renvoi de la marchandise livrée ou de la prestation fournie contre remboursement des paiements effectués. Il serait particulièrement important de répondre à la question préjudicielle dans le sens de l’objectif de protection des consommateurs poursuivi par la directive. Dans toute relation de consommation, le consommateur serait la partie la plus vulnérable, en particulier dans les situations de contrats à distance. Selon ces gouvernements, la protection des consommateurs doit se doter de règles particulièrement exigeantes afin d’éviter qu’elle ne soit sapée par l’utilisation de techniques de télécommunications. Conférer un droit de rétractation au consommateur serait un des points essentiels de la réglementation. Conformément au quatorzième considérant de la directive, c’est précisément pour que ce droit soit effectif et qu’il puisse être exercé qu’il est interdit de soumettre le consommateur à des obligations allant au-delà du simple renvoi des marchandises. Donner au vendeur la possibilité d’exiger une indemnité pour usage du bien (indemnité dont le montant serait d’ailleurs difficile à déterminer) porterait atteinte à l’exercice du droit de réflexion et de rétractation parce qu’elle empêcherait le consommateur de l’exercer, voire transformerait ce droit en un droit purement formel. Permettre à un vendeur d’obtenir une indemnité compensatoire alors même qu’il n’a pas respecté ses obligations légales en matière d’information serait contraire à la volonté du législateur européen. Par exemple, le droit espagnol exclurait expressément une telle indemnité compensatoire qui aurait également un caractère de pénalité.

VI – Appréciation juridique

A –    Observations préliminaires

37.      Le problème juridique essentiel qui est au centre de la présente demande préjudicielle est la question de savoir si une disposition de droit national qui permet au vendeur de réclamer du consommateur qui a exercé son droit de rétractation après avoir conclu un contrat à distance qu’il lui verse une indemnité compensatoire pour l’utilisation de la chose entre sa livraison et sa réexpédition est compatible avec le droit de rétractation institué par la directive 97/7.

38.      À titre d’introduction, je voudrais d’abord indiquer que ce n’est pas la première fois que la Cour est invitée à se prononcer sur la problématique de l’indemnité compensatoire pour utilisation d’une marchandise. Je n’en veux pour exemple que l’arrêt Quelle, du 17 avril 2008 (12), dans lequel la Cour a tranché la question de savoir si le vendeur qui a vendu un bien de consommation affecté d’un défaut de conformité peut exiger du consommateur une indemnité pour l’usage du bien non conforme jusqu’à son remplacement par un nouveau bien. Cette affaire avait pour cadre juridique communautaire la directive 1999/44/CE du Parlement européen et du Conseil, du 25 mai 1999, sur certains aspects de la vente et des garanties des biens de consommation (13). À l’instar de l’avocat général, qui avait présenté ses conclusions le 15 novembre 2007 (14), la Cour a dit pour droit dans cet arrêt que l’article 3 de la directive 1999/44 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale qui permet au vendeur, dans l’hypothèse où il a vendu un bien de consommation affecté d’un défaut de conformité, d’exiger du consommateur une indemnité pour l’usage du bien non conforme jusqu’à son remplacement par un nouveau bien (15).

39.      La Cour a été confrontée à une problématique apparentée à certains égards dans les affaires Schulte (16) et Crailsheimer Volksbank (17) à propos de la mise à disposition de capital dans la mesure où ces affaires portaient sur la question de savoir si, dans une situation de démarchage à domicile, il est compatible avec les règles communautaires régissant le droit de rétractation qu’une disposition de droit national impose au consommateur qui a exercé ce droit à l’égard d’un contrat de prêt hypothécaire de rembourser non seulement les sommes qu’il a reçues en exécution de ce contrat, mais qu’il paie également à l’établissement de crédit les intérêts au taux du marché. Le cadre juridique communautaire de cette affaire était constitué par la directive 85/577/CEE du Conseil, du 20 décembre 1985, concernant la protection des consommateurs dans le cas de contrats négociés en dehors des établissements commerciaux (18). Dans l’arrêt Schulte comme dans l’arrêt Crailsheimer Volksbank, la Cour a dit pour droit que l’obligation de payer des intérêts au taux du marché était compatible avec la directive (19).

40.      La directive 97/7 qui nous intéresse en l’espèce n’a pas encore fait l’objet d’une jurisprudence concernant la question d’une éventuelle indemnité compensatoire en cas d’utilisation de la chose. Il nous appartiendra de déterminer ultérieurement si dans quelle mesure les deux lignes jurisprudentielles évoquées aux points 37 et 39 plus haut peuvent éventuellement avoir une incidence sur la problématique propre à la présente affaire.

41.      Je voudrais observer, en deuxième lieu, à propos des éléments de fait de la présente affaire que la directive 97/7 ne fait aucune distinction entre les marchandises neuves et les marchandises d’occasion, et que le droit de rétractation vaut pour les unes comme pour les autres.

42.      En troisième lieu, je voudrais signaler deux particularités du cas en cause au principal. D’une part, je voudrais indiquer que, si la présence d’un vice de la chose livrée, apparu sept mois environ après l’achat, joue effectivement un rôle d’un point de vue matériel dans la présente affaire, la juridiction de renvoi a toutefois expressément souligné que cet élément ne pouvait, selon elle, avoir sur sa décision aucune autre incidence que celle de lui permettre de calculer éventuellement la durée durant laquelle le consommateur a pu utiliser cette chose. Nous sommes donc confrontés à une question de droit qui présente une différence considérable par rapport à celle que la Cour a dû traiter dans l’affaire Quelle précitée (20), dans laquelle elle a dû également statuer, dans le contexte d’une autre directive (21), sur le problème de l’indemnité compensatoire à verser pour l’utilisation d’une marchandise livrée puis renvoyée au fournisseur. Dans cette affaire-là, en effet, la question de l’indemnité compensatoire se posait dans des circonstances totalement différentes, à savoir à propos de la livraison d’un bien de consommation non conforme et de son échange contre un nouveau bien de consommation.

43.      Je voudrais par ailleurs souligner que, comme la juridiction de renvoi l’a constaté dans son exposé en fait, la révocation du contrat au principal a eu lieu bien longtemps après la date de l’achat, à savoir environ onze mois après celle-ci. Il apparaît de la décision de renvoi que le juge au principal a estimé que la rétractation avait néanmoins eu lieu à temps, c’est-à-dire avant l’expiration du délai de rétractation, puisque la consommatrice n’avait pas été informée de manière valide de son droit de rétractation dans les délais prévus par le droit national (22). Dans ce contexte, la présente demande préjudicielle ne contient expressément aucune question sur la ponctualité de la rétractation par la consommatrice. Par conséquent, l’analyse juridique qui va suivre portera exclusivement sur la problématique de la demande d’indemnité compensatoire à verser pour l’utilisation de la chose en cas de révocation de contrats à distance.

44.      Même si la procédure de décision préjudicielle est en principe aménagée de telle façon que la Cour interprète les dispositions de droit communautaire en cause par rapport aux éléments de chaque cas d’espèce, il me paraît essentiel, dans les circonstances de la présente affaire, de ne pas limiter le regard à une situation aussi «atypique» que celle-ci peut l’être. Il est nécessaire d’envisager en même temps les situations susceptibles de se présenter normalement lorsqu’on a affaire à cette problématique, car la solution dégagée par la Cour devra pouvoir s’appliquer à elles aussi.

B –    Réflexions préliminaires sur le caractère et la fonction d’une indemnité compensatoire en cas d’utilisation

45.      Afin de délimiter le problème qu’aborde la juridiction de renvoi dans sa question préjudicielle, je souhaite esquisser quelques réflexions sur le caractère et la fonction d’une indemnité compensatoire en cas d’utilisation. Pour autant qu’elle puisse être compatible avec la directive 97/7, dans quelles situations une telle indemnité pourrait-elle être due? À ce sujet, je voudrais tout d’abord tracer la limite qui sépare un simple «essai» d’une véritable «utilisation». Je m’emploierai ensuite à préciser ce qu’il pourrait y avoir lieu d’entendre concrètement par «utilisation».

46.      J’en viens tout d’abord à la distinction entre «utilisation» et un «essai». Un essai comporte un examen visuel, une prise en main et un test, car, pour de nombreuses marchandises, telles que, par exemple, les vêtements ou les appareils techniques, une appréciation de leurs qualités à l’emploi fait partie également de la décision d’achat. Une particularité structurelle de la vente à distance réside dans le fait que l’acheteur potentiel ne dispose pas d’un objet ou d’un appareil de présentation et que c’est l’objet proposé à la vente lui-même qui remplit cette fonction (23). Lorsqu’un candidat acheteur essaie des vêtements ou des souliers, il ne s’agit pas seulement pour lui de les regarder, mais également de les enfiler et de les porter à titre d’essai. Lorsqu’un consommateur achète une voiture à distance, la conduite d’essai ne devrait pas davantage être une utilisation par l’acheteur que lorsqu’il s’agit d’un achat dans un local commercial (24). L’exemple de la voiture neuve est particulièrement révélateur, car, pour pouvoir l’essayer, il faut parfois l’immatriculer. Or, cette première immatriculation entraîne généralement déjà une perte de valeur, que les auteurs chiffrent à 20 % environ, et a pour conséquence que le véhicule ne pourra plus être considéré ensuite que comme une voiture d’occasion (25).

47.      Les traces que le consommateur a éventuellement laissées sur la marchandise au moment où il l’a essayée ne peuvent en principe (26) pas être assimilées à des traces que laisserait une utilisation. Il s’agit de traces susceptibles d’apparaître également en cas d’essai sur place en dehors de la vente à distance et qui n’entraînent généralement aucune obligation d’indemnisation aussi longtemps qu’il n’y a pas détérioration. La réponse au point de savoir si l’essai ou l’utilisation ont modifié la valeur de la chose et si (et à quel prix) le produit peut encore être vendu après restitution dépend dans chaque cas concret des caractéristiques ou de la nature du produit dont il s’agit (27). En cas d’achat dans un local commercial, le risque d’une perte de valeur liée à l’essai de la chose doit en principe être supporté par le vendeur, lequel, dans de nombreux cas, mettra un appareil ou un objet de présentation à la disposition du client éventuel pour qu’il puisse l’essayer. La situation de la vente à distance, qui se présente différemment sur le plan structurel, comporte une particularité en ce sens que ce risque ne se pose pas dans une situation antérieure à l’achat, mais intervient seulement après l’achat et la livraison de la marchandise.

48.      Le droit de rétractation institué par la directive 97/7 a pour but principal de permettre au consommateur de tester gratuitement la marchandise qu’il a commandée à distance (28). C’est d’ailleurs l’idée que rend manifestement la législation nationale concernée en l’espèce au moyen de l’article 357, paragraphe 3, deuxième phrase, du BGB (29).

49.      Tracer la limite entre essai, d’une part, et utilisation, d’autre part, devrait en tout cas fréquemment s’avérer difficile en pratique (30). Dans de nombreux cas, il est probable qu’il ne sera pas possible de définir une limite clairement discernable, mais qu’il faudra s’accommoder d’une large zone grise (31) imposant une décision au cas par cas. Ce qu’il faudra alors déterminer, c’est la partie – fournisseur ou consommateur – à laquelle la directive 97/7 fait supporter le risque inhérent à cette zone grise dans la situation particulière de la vente à distance. À supposer qu’une indemnité compensatoire en cas d’utilisation puisse être en principe compatible avec la directive 97/7, tout laisse prévoir que les parties ne pourront évidemment pas s’entendre sur le point de savoir s’il y a eu ou non utilisation de la chose (32). La charge d’établir et de démontrer sera probablement un point pivot du problème, la charge de la preuve revêtant un poids particulièrement important à l’intérieur de la zone grise susvisée, quelle que soit la partie à laquelle elle incombe (33).

50.      La situation qui est à l’origine de la demande préjudicielle se distingue cependant clairement de cette problématique typique. La question adressée à la Cour semble se rapporter en particulier à des cas dans lesquels le consommateur non seulement a pu faire à domicile ce qui n’avait pas été possible auparavant du fait de l’achat à distance en l’absence de locaux commerciaux, à savoir qu’il a pu voir, essayer et tester la marchandise à loisir chez lui, mais a également utilisé la chose en ce sens qu’il l’a «mise en service». On peut déduire de l’exposé des faits que la juridiction de renvoi estime de toute évidence que la consommatrice a mis l’ordinateur portable en service et l’a utilisé au-delà de ce que comporte un simple essai. C’est ainsi, par exemple, qu’elle observe expressément qu’il y a lieu de considérer que la requérante a utilisé l’ordinateur (uniquement) d’une manière conforme à sa destination. Les mots qu’elle a choisi d’utiliser dans sa décision de renvoi n’expriment autre chose qu’à un seul endroit, à savoir lorsqu’elle se réfère à la «durée de la possibilité d’utilisation», ce qui, selon moi, ne pourrait pas être assimilé à une utilisation effective.

51.      Selon moi, les circonstances de l’affaire au principal ne constituent pas une situation typique de litige sur l’indemnité compensatoire pour utilisation de la chose visée par la directive 97/7. Au contraire, une telle situation me paraît plutôt atypique et principalement due aux particularités de la transposition de cette directive en droit national, laquelle va bien au-delà des exigences minimum de la directive pour certains types de situations et prévoit un droit de rétractation extrêmement étendu, voire illimité dans le temps. Il est manifeste qu’un délai qui se prolonge dans le temps comporte un potentiel considérable d’utilisation (34).

52.      Il ne suffit cependant pas de tracer la limite entre «essai» et «utilisation». La notion d’«utilisation» doit elle aussi être affinée. S’agit-il d’une utilisation effective (calculée en heures ou en jours) ou bien la simple possibilité d’utiliser la chose (durant le laps de temps compris entre la livraison et la restitution) est-elle déjà suffisante en soi? En d’autres termes, la simple possession de la chose pendant l’écoulement du délai de rétractation peut-elle être une utilisation entraînant obligation de verser une indemnité (35) (ce qui reviendrait, en pratique, à verser un prix de location a posteriori)? Toute utilisation effective, quelle qu’elle soit, doit-elle alors être payante (ce qui, en pratique, reviendrait également à verser un prix de location a posteriori) ou bien ne devrait l’être que celle qui a laissé des traces d’usure? Je considère que l’«indemnité d’utilisation» peut – schématiquement parlant – être conçue comme une manière d’équilibrer deux positions patrimoniales foncièrement différentes, mais néanmoins étroitement liées. D’une part, il peut s’agir de la compensation de l’avantage que le consommateur a tiré de l’utilisation de la chose (indemnité d’utilisation). D’autre part, une indemnité peut néanmoins avoir pour objet de réparer les dommages causés par l’utilisation de la chose (indemnité d’usure).

53.      Dès lors qu’il s’agit d’une «indemnité d’utilisation», il faut en outre s’interroger sur les rapports qui existent entre ces deux notions. Une réglementation telle que la réglementation allemande semble présupposer une perte de valeur résultant non seulement de toute utilisation, mais aussi de la simple possibilité d’utiliser la chose. Il résulte en outre du dossier que, conformément à la jurisprudence nationale, l’indemnité à verser n’est pas fixée à raison de l’utilisation concrète (en fonction du nombre de jours, ou d’heures par exemple), mais sur la base du temps d’utilisation possible de la chose par rapport au temps d’utilisation effective (36) (par quoi il y a manifestement lieu d’entendre le temps de la possibilité d’utilisation). Le calcul s’effectue donc de manière forfaitaire sur la base de facteurs qui ont trait aux rapports entre temps et valeur.

54.      J’attire votre attention sur le fait que, d’un point de vue systématique, des problèmes considérables de compréhension peuvent apparaître dans la mesure où les notions d’«indemnités d’utilisation» et d’«indemnités d’usure» ne sont pas séparées dans le débat sur l’«indemnité».

55.      Il semble que la juridiction de renvoi se soit fondée sur la notion susmentionnée (37) d’une indemnité d’utilisation puisqu’elle interprète les avantages définis à l’article 100 du BGB comme étant les fruits d’une chose ainsi que les avantages que son utilisation confère (38). Elle a donc formulé sa question afin de s’entendre préciser si la demanderesse doit payer une sorte de «prix de location» pour l’utilisation de l’ordinateur pendant plusieurs mois, utilisation qui résulte du fait qu’elle a eu la chose à sa disposition à des fins d’usage tandis que le fournisseur n’a pas pu en disposer pendant la même durée.

56.      Si la Cour devait dire pour droit qu’une réglementation nationale sur l’indemnité d’utilisation de la chose livrée est compatible avec la directive 97/7, il s’avérerait tôt ou tard inévitable d’apporter une réponse d’un point de vue du droit communautaire à des questions telles que celles qui sont soulevées ici.

57.      Enfin, je voudrais encore indiquer que, tout à fait indépendamment du point de savoir comment il faut délimiter en droit communautaire ce qu’il y a lieu d’entendre concrètement par indemnité d’utilisation, délimitation que nous n’avons pas encore réalisée jusqu’à présent, il faut inclure mentalement dans la réflexion le problème du dédommagement, c’est-à-dire de la réparation du dommage, car les dommages-intérêts peuvent toujours être un thème pertinent lorsqu’une utilisation a entraîné un préjudice au-delà d’une éventuelle perte de valeur (à raison du temps d’indisponibilité de la chose). Même si la situation en cause ici est étrangère à la notion de dédommagement, il conviendra néanmoins, pour des raisons systématiques, d’aborder brièvement ultérieurement la question de savoir comment il convient de traiter un tel problème (39).

C –    Sur les étapes d’examen résultant de la question préjudicielle

58.      La question préjudicielle porte sur l’article 6, paragraphes 1 et 2, de la directive 97/7 (40). L’article 6, paragraphe 1, premier alinéa, première phrase, de la directive 97/7 interdit d’imposer une pénalité au consommateur qui se rétracte dans le délai après avoir conclu un contrat à distance. L’article 6, paragraphe 1, premier alinéa, deuxième phrase, de la directive 97/7 dispose que les seuls frais qui peuvent être imputés au consommateur en raison de l’exercice de son droit de rétractation sont les frais directs de renvoi des marchandises. Conformément à l’article 6, paragraphe 2, de la directive 97/7, le fournisseur (41) est, en cas d’exercice du droit de rétractation par le consommateur, tenu de lui rembourser sans frais les sommes qu’il a versées. Cette disposition répète ensuite que les seuls frais qui peuvent être imputés au consommateur en raison de l’exercice de son droit de rétractation sont les frais directs de renvoi des marchandises. Le libellé de l’article 6 de la directive 97/7 ne fournit pour le surplus aucune indication particulière concernant la question d’une indemnité d’utilisation (42).

59.      Afin de répondre à la question préjudicielle, il faut déterminer, d’une part, si une indemnité destinée à compenser l’utilisation du bien de consommation livré relève des notions de «pénalité» ou de «frais» qui sont énoncées à l’article 6 de la directive et si, en raison de ce seul fait, elle est déjà incompatible avec la directive parce qu’il ne s’agit pas là des frais directs de renvoi de la marchandise. Ces deux notions ne renvoient ni par leur contenu ni par leur portée au droit des États membres.

60.      Il est de jurisprudence constante qu’il découle des exigences tant de l’application uniforme du droit communautaire que du principe d’égalité que les termes d’une disposition du droit communautaire qui ne comporte aucun renvoi exprès au droit des États membres pour déterminer son sens et sa portée doivent normalement trouver, dans toute la Communauté, une interprétation autonome et uniforme qui doit être recherchée en tenant compte du contexte de la disposition et de l’objectif poursuivi par la réglementation en cause (43).

61.      Les concepts que nous nous employons à interpréter ici sont des concepts de droit communautaire et doivent donc, en tant que tels, être interprétés de manière autonome.

62.      Si une telle indemnité compensatoire ne relevait ni de la notion de pénalité ni de celle de frais, il faudrait alors vérifier si les États membres peuvent puiser dans la dernière phrase du quatorzième considérant de la directive 97/7 le droit d’adopter de leur propre chef une réglementation en matière d’indemnité telle que celle qui est en cause au principal.

D –    L’indemnité compensatoire relève-t-elle de la notion de pénalité et est-elle dès lors incompatible avec la directive 97/7?

63.      La notion de pénalité, qui doit être interprétée de manière autonome (44), n’est pas définie dans la directive 97/7. Il convient, selon moi, d’entendre par pénalité au sens strict un paiement qui n’a pas d’autre objet que de punir. Cette notion couvrirait également les amendes et les clauses pénales (45). Rien n’indique que l’indemnité compensatoire devrait être considérée comme une pénalité au sens strict. Ce concept se rapporte à une indemnité due en raison de l’utilisation de la chose et se rapporte donc ainsi à une finalité propre qui se distingue d’une punition.

64.      Si l’on adopte une acception plus large de la notion de pénalité, acception que je préconise en l’espèce, elle pourrait inclure également des rétributions, en particulier des rétributions pour rétractation, ainsi qu’une indemnité ou un dédommagement forfaitaire qui ne repose sur aucun dommage ou avantage concret, mais est fixée de manière générale (46). En effet, si une telle indemnité ou un tel dédommagement forfaitaires sont fondés sur une autre finalité que la punition, ils ne sont cependant pas calculés par référence concrète à cette autre finalité et pourraient donc avoir un caractère plutôt pénal. Je considère néanmoins qu’une indemnité qui se réfère à l’utilisation effective et qui est calculée en fonction de celle-ci ne peut pas être rangée sous la notion de pénalité.

65.      Une indemnité compensatoire telle que celle qui est exigée dans l’affaire au principal ne pourrait relever de la notion de pénalité que si celle-ci était interprétée d’une manière particulièrement large et était considérée comme concept global couvrant l’ensemble des frais effectivement encourus (ce qui ne dispensera pas d’examiner plus tard (47) si l’indemnité peut être comprise dans la notion de frais), frais dont le consommateur pourrait ressentir le paiement comme étant une punition et qui pourrait ainsi avoir pour effet de le dissuader d’exercer son droit de rétractation. Une interprétation aussi large impliquerait donc que la notion de frais se fonderait presque entièrement dans la notion de pénalité. Rien dans le texte de la directive 97/7 ne va cependant dans cette direction.

66.      Je considère, dès lors, que l’indemnité compensatoire ne peut pas être considérée comme une pénalité.

E –    L’indemnité compensatoire relève-t-elle de la notion de frais et est-elle de ce fait incompatible avec la directive 97/7?

67.      Il faut déterminer si l’indemnité compensatoire relève de la notion de frais qui apparaît aussi bien à l’article 6, paragraphe 1, premier alinéa, deuxième phrase, qu’à l’article 6, paragraphe 2, de la directive 97/7, notion qui doit être interprétée de manière autonome (48).

1.      La notion de frais dans la directive 97/7 – Interprétation suivant le texte et la systématique des phrases

68.      La directive ne contient aucune définition explicite de la notion de frais (49) et rien n’indique qu’il existerait en droit communautaire une définition générale ou du moins transposable de cette notion (50). Il résulte néanmoins clairement de l’article 6, paragraphe 1, premier alinéa, deuxième phrase, ainsi que de l’article 6, paragraphe 2, de la directive 97/7 que la notion de frais se rapporte aux frais «qui peuvent être imputés au consommateur en raison de l’exercice de son droit de rétractation». Les seuls frais que la directive permet d’imputer au consommateur qui réexpédie la chose livrée sont les «frais directs de renvoi des marchandises» (51). Cette formulation et la référence aux «seuls frais qui peuvent être imputés au consommateur» montrent qu’outre ces «frais directs de renvoi des marchandises», la directive envisage également d’autres frais, qui ne peuvent cependant pas être imputés au consommateur.

69.      Le texte de la directive 97/7 ne limite pas ces autres frais aux frais contractuels, c’est-à-dire aux frais encourus du fait de la conclusion du contrat, mais les étend aux frais «qui peuvent être imputés au consommateur en raison de l’exercice de son droit de rétractation». On peut déduire du fait que l’article 6, paragraphes 1 et 2, de la directive se réfère aux «frais directs de renvoi des marchandises» qu’il peut également y avoir, en plus de ceux-ci, des «frais indirects», ce qui plaide également en faveur d’une interprétation large de la notion de frais au sens de la directive 97/7. Milite également en faveur d’une telle interprétation large le fait qu’aux termes de l’article 6, paragraphes 1 et 2, il s’agit de frais imputables «en raison» de l’exercice du droit de rétractation. Rien dans le libellé de ces dispositions ne s’oppose à ce que l’indemnité exigée pour l’utilisation de la marchandise livrée puisse, elle aussi, relever de la notion de frais au sens de la directive 97/7 (52).

70.      On retiendra à titre de résultat intermédiaire qu’aucune réponse univoque à la question de savoir si l’indemnité compensatoire est couverte par la notion de frais utilisée par cette directive ne peut être déduite d’une interprétation de l’article 6, paragraphe 1, premier alinéa, deuxième phrase, et de l’article 6, paragraphe 2, de la directive 97/7 fondée sur le texte et la systématique des phrases. On peut néanmoins déjà constater que des arguments systématiques plaident en faveur d’une interprétation large de la notion de frais au sens de cette directive.

2.      La notion des frais dans la directive 97/7 – Approche téléologique et systématique

71.      Selon moi, une approche téléologique corrobore une interprétation large de la notion de frais qui inclurait l’indemnité d’utilisation en cause dans cette affaire. Comme je m’emploierai à le démontrer, il résulte de la finalité réglementaire de la directive 97/7 que, dans sa version actuelle (53), celle‑ci ne prévoit pas une telle indemnité.

72.      Le sens et la finalité des dispositions que l’article 6 de la directive 97/7 énonce à propos du droit de rétractation du consommateur en cas de contrat à distance (54) plaident en faveur d’une interprétation large de la notion de frais qui inclurait l’indemnité d’utilisation. Le quatorzième considérant de la directive 97/7 est particulièrement instructif à cet égard en ce qu’il indique que la réponse à la question de savoir si le droit de rétractation agit comme un droit du consommateur efficace et opérant dépend en particulier du point de savoir quels effets financiers s’attachent à son exercice. Ce quatorzième considérant dit concrètement que: «pour que ce droit ne reste pas de pure forme, les éventuels frais supportés par le consommateur lorsqu’il exerce son droit de rétractation doivent être limités aux frais directs de renvoi des marchandises».

73.      Dans le contexte global de la phrase, la notion de frais utilisée ici ne doit pas être comprise comme une notion d’interprétation stricte, mais comme une notion d’interprétation large. En effet, il ne serait guère plausible d’établir un rapport entre les charges financières et l’efficacité du droit de rétractation pour ne régler ensuite qu’une catégorie de charges financières étroitement limitée.

74.      Une indemnité d’utilisation telle que celle que prévoit le droit allemand représente une charge financière susceptible de peser sur l’efficacité et l’effectivité du droit de rétractation (55). Ainsi qu’il apparaît du dossier, son calcul est basé en particulier sur la rétribution d’un temps d’utilisation (ou de possibilité d’utilisation) (56) identique au délai de rétractation. Au bout du compte, l’obligation de verser une indemnité compensatoire serait le prix auquel la rétractation pourrait être obtenue (57). Dans ces conditions, cette indemnité est imposée en raison de l’exercice du droit de rétractation, ce qui va à l’encontre de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 97/7.

75.      Comme je l’ai déjà souligné à une autre occasion (58), il faut chaque fois réfléchir aux effets pratiques du droit au versement d’une indemnité d’utilisation (59).

76.      Selon moi, il existe de bonnes raisons d’admettre qu’obliger le consommateur à verser une indemnité pour l’utilisation de la chose au fournisseur en cas de rétractation porterait atteinte à l’objectif poursuivi par le législateur communautaire au moyen de la directive 97/7, voire compromettrait sa réalisation.

77.      Le risque structurel d’être éventuellement confronté à un conflit (juridique) sur le point de savoir si le consommateur n’a fait que s’assurer que la chose était bien conforme à sa destination ou bien s’il en a en outre retiré des avantages (et éventuellement lesquels) (60) pourrait dissuader le consommateur d’exercer ses droits. D’une part, une telle crainte pourrait déjà en pratique lui inspirer de telles précautions qu’il renoncerait à vérifier l’état de la chose avant de la renvoyer, par exemple en déchirant un emballage plastique de protection. En effet, un tel emballage intact indique clairement que la chose n’a pas été utilisée, mais il empêche également d’examiner et de tester la marchandise. D’autre part, il pourrait renoncer à révoquer le contrat lorsqu’il constate que la marchandise ne correspond pas à l’idée qu’il s’en était faite ou à ses besoins. Dans ces circonstances, le droit du consommateur à pouvoir vérifier l’état de la marchandise après avoir conclu un contrat serait réduit à un droit de pure forme, ce qui serait incompatible avec le quatorzième considérant de la directive 97/7 et contraire à l’esprit et à la finalité de celle-ci.

78.      Enfin, il ne faut pas passer sous silence le fait que, si l’obligation de restitution réciproque (61), qui a été évoquée aussi bien dans les observations écrites qu’au cours de l’audience, peut apparaître équilibrée en théorie, elle pourrait néanmoins demeurer relativement vaine pour le consommateur en pratique, sauf en cas de prix d’achat très élevé susceptible de produire des intérêts non négligeables au cours du délai de rétractation.

79.      En fin de compte, je considère que, dans le cadre de la directive 97/7, une indemnité pour utilisation de la chose peut être rangée dans une notion large de frais. Si elle relève de la notion de frais qui figure aussi bien à l’article 6, paragraphe 1, premier alinéa, deuxième phrase, qu’à l’article 6, paragraphe 2, de la directive 97/7, elle ne peut donc pas être imposée au consommateur parce qu’elle ne fait pas partie des frais directs de renvoi des marchandises.

3.      Une analyse plus précise de la notion de répartition des risques qui est à la base de la directive 97/7 corrobore l’interprétation donnée jusqu’à présent

80.      La répartition des risques en cas de révocation d’un contrat d’achat à distance s’effectue ainsi au profit du consommateur qui ne doit pas avoir à supporter des incertitudes de procédure (62) ou des charges financières à l’occasion de l’exercice de son droit.

81.      Une telle conception de la répartition des risques entre le fournisseur et le consommateur aménagée par la directive 97/7 est conforme à son objectif de promotion du commerce à distance (63) dans le respect des objectifs d’une haute protection des consommateurs qui s’exprime dans plusieurs considérants de cette directive. On citera en particulier, à cet égard, les considérants relatifs aux objectifs du marché intérieur (64), aux nouvelles technologies de l’information (65) et à la protection des consommateurs (66). La directive favorise l’inclination du consommateur à participer à la structure de distribution qu’est le commerce à distance en réduisant les problèmes spécifiques de ce marché en faveur du consommateur (67).

82.      Certes, les intérêts du fournisseur seraient touchés si l’on interprétait la notion de frais dans le sens que je viens de proposer, c’est-à-dire s’il ne pouvait exiger aucune indemnité pour l’utilisation du bien de consommation faite entre la livraison et la rétractation. Cela vaut, en particulier, dans les cas où la marchandise perd sa valeur pour lui, même lorsqu’elle est renvoyée dans le délai le plus bref possible de sept jours ouvrables (68). C’est la raison pour laquelle, à l’article 6, paragraphe 3, de la directive 97/7, le législateur communautaire a exclu toute rétractation pour certains cas, notamment en cas de fourniture de biens confectionnés suivant les souhaits particuliers du client ou de biens périssables (69). Reconnaître au consommateur un droit de rétractation pour des marchandises de cette nature sans l’obliger à verser une indemnité compensatoire – pour autant que la notion de frais doive être interprétée dans le sens que je viens de proposer – léserait gravement les intérêts du fournisseur, qui pourrait ensuite être dissuadé d’exercer toute activité de commerce à distance, ce qui ne serait pas conforme à l’intention du législateur puisque celui-ci entend précisément favoriser une telle activité, notamment et en particulier dans l’intérêt du consommateur (70).

83.      Pour se garantir contre le risque d’être effectivement confronté à une rétractation dans un cas particulier après et malgré une utilisation de la chose livrée et de ne pas pouvoir exiger une indemnité à ce titre, il reste au fournisseur la possibilité d’adopter une politique de prix fondée sur un calcul mixte incluant un volume de retour exprimé en pourcentage (71).

84.      De surcroît, la directive 97/7 contient un mécanisme de protection destiné à ménager les intérêts du fournisseur, lequel souhaite naturellement éviter toute dépréciation de la marchandise, sous la forme d’une chronologie assortie de délais. L’article 6, paragraphe 1, premier alinéa, première phrase, de la directive 97/7 fixe, en effet, la durée du délai de rétractation à «au moins sept jours ouvrables». À l’expiration de ce délai de rétractation relativement court, auquel les États membres ont en général également conservé sa brièveté lorsqu’ils l’ont transposée dans leur droit national (il s’agit le plus souvent de sept jours ouvrables ou de quatorze jours de calendrier (72)), le fournisseur cesse en principe de supporter les risques. La directive met ainsi en place un délai raisonnable durant toute la durée duquel elle impose au fournisseur le risque de devoir supporter les conséquences financières éventuelles d’une rétractation.

85.      Qu’il me soit enfin permis d’ajouter à titre marginal qu’aussi bien la Commission, dans une proposition de directive qu’elle vient de déposer (73), que les auteurs du document Draft Common Frame of Reference (projet d’un cadre commun de référence (74) , ci-après le «DCFR») rédigé en vue d’une réglementation uniforme du droit privé européen (75) proposent des règles partiellement différentes. Voici le texte de la proposition de la Commission: «la responsabilité du consommateur n’est engagée qu’à l’égard de la dépréciation de biens résultant de manipulations autres que celles nécessaires pour s’assurer de la nature et du bon fonctionnement de ces biens» (76). Sur le fond, cette proposition vise autre chose que l’indemnité de dépréciation calculée en fonction du temps qui est actuellement prévue par le droit allemand (77). Dans le chapitre relatif aux contrats, le DCFR suggère lui aussi des règles concernant le droit de rétractation (article II-5:101 à II-5:202). L’article II.-5:201, paragraphe 1, lu en combinaison avec le paragraphe 3, prévoit en faveur du consommateur qui a conclu un contrat à distance un droit de rétractation qu’il devra exercer dans un délai de base de quatorze jours uniforme pour l’ensemble de la Communauté (78). L’article II.-5:105, paragraphe 3, du DCFR règle les questions de l’indemnité pour utilisation de la chose. Il exclut expressément toute indemnité pour examen et essai de celle-ci tandis que son paragraphe 4 oblige expressément le consommateur à verser une telle indemnité en cas d’usage normal (79), la charge de démontrer et de prouver pouvant être imposée à l’entreprise vendeuse (80). Ce qu’il est convenu d’appeler les principes de l’acquis (Principles of the Existing EC Contract Law) (81) contiennent, eux aussi, des dispositions comparables (82). On observera à propos de ces travaux et de ces propositions réglementaires, qu’en ce qui concerne l’indemnité pour utilisation de la chose, ils sont fondés sur un autre concept que celui qu’applique la directive 97/7 lorsqu’elle interdit d’imposer au consommateur d’autres frais que ceux de renvoi de la marchandise. Indépendamment du fait qu’ils entraînent en pratique, selon moi, des problèmes complexes de délimitation entre essai/test et utilisation qui nuisent à la sécurité juridique et peuvent finalement avoir pour effet que l’achat à distance s’avérera moins attrayant pour le consommateur, ces documents ne sont cependant que de pures propositions sans utilité pour l’interprétation de la directive en vigueur.

4.      Inexécution de l’obligation d’information et conséquences

86.      Ce n’est que lorsqu’il ne remplit pas les obligations que lui fait l’article 5 de la directive 97/7 que le fournisseur voit son risque s’étendre dans le temps. Cette aggravation de son risque exprime la conviction du législateur qu’en pareil cas l’intérêt du fournisseur s’efface devant celui du consommateur, dont la protection lui paraît plus importante. La directive limite néanmoins cette extension chronologique du risque, risque contre lequel le fournisseur peut se prémunir tout simplement en respectant les obligations qui lui incombent en vertu de l’article 5 de la directive 97/7. L’article 6, paragraphe 1, troisième alinéa, de la directive 97/7 fixe cette limite à un délai de trois mois (83).

87.      En imposant ce délai de trois mois, la directive 97/7 prévoit expressément un délai à l’expiration duquel l’exercice du droit de rétractation n’est plus possible, même lorsque le fournisseur n’a pas informé l’acheteur de l’existence de ce droit (84). Ce délai de trois mois (85) n’est pas formulé comme étant un délai minimum, mais comme étant un délai de rigueur. On observera que l’article 14 de la directive 97/7 précise que les dispositions de celle-ci sont des dispositions minimales et qu’il permet aux États membres d’adopter ou de maintenir, dans le domaine régi par la directive, des dispositions plus strictes compatibles avec le traité, mais à la condition qu’ils le fassent pour assurer un niveau de protection plus élevé au consommateur (86). Le fait qu’un législateur national ait dérogé à la directive en ce qui concerne le délai de trois mois n’est pas de nature à influencer son interprétation de la directive. Il ne saurait en être autrement dans le cas d’une réglementation telle que la réglementation allemande dont il est question ici et qui, pour autant que l’on puisse en juger sur la base du dossier, renonce à toute limitation temporelle du droit de rétractation lorsque le consommateur n’a pas été informé suivant les règles.

5.      La possibilité d’abus commis par quelques-uns peut-elle entraîner une réglementation qui désavantagerait tous les consommateurs?

88.      La Commission a fait valoir (87) que la limite de l’enrichissement sans cause pouvait parfois être dépassée, par exemple lorsque le consommateur commande une marchandise à distance pour une occasion particulière et la renvoie après l’avoir utilisée à cette occasion en révoquant le contrat (88). Cet argument ne saurait justifier l’adoption d’une réglementation générale des frais désavantageuse pour tous les consommateurs.

89.      Comme je l’ai déjà expliqué plus haut, la directive 97/7 ne laisse aux États membres aucune latitude supplémentaire qui leur permettrait d’adopter des réglementations sur les frais qui aggraveraient la situation du consommateur en ce qu’elles iraient au-delà des frais de renvoi de la marchandise expressément prévus par la directive. Les règles de la directive 97/7 doivent, à cet égard, être considérées comme exhaustives.

90.      Il faut, en outre, observer que la crainte d’un abus commis par un particulier ne peut pas entraîner de manière générale une diminution, à l’égard de tous, de la protection des droits garantis par le droit communautaire. Il résulte, en effet, de la jurisprudence de la Cour (89) que la mise en œuvre d’une règle nationale visant à éviter les abus ne peut pas porter atteinte au plein effet et à l’application uniforme des dispositions communautaires dans les États membres. En particulier, les objectifs que poursuit une réglementation communautaire déterminée, par exemple une directive, ne peuvent pas être compromis (90).

91.      Il ne faut pas oublier que, dans les cas d’abus avéré (et dans les cas où un préjudice a été subi (91)), il devrait exister un moyen d’action, comme l’impose déjà le principe d’équivalence. Lorsqu’il est confronté à un tel cas, le fournisseur peut néanmoins obtenir réparation, sans pouvoir toutefois se prévaloir d’une réglementation défavorable à l’ensemble des consommateurs. Les cas réels d’abus ne sont pas, selon moi, couverts par la notion de frais inscrite à la directive 97/7 et peuvent, dès lors, être résolus par le truchement des règles générales du droit civil, en particulier par celles que le droit national a mises en place en matière d’enrichissement sans cause. Les cas dans lesquels le fournisseur a subi un préjudice réel peuvent, eux aussi, être résolus par l’application du droit national correspondant.

92.      Il faut néanmoins se demander ce que cela signifie pour les cas dans lesquels le consommateur n’a pas été instruit de son droit de rétractation par le fournisseur ou ne l’a pas été de manière adéquate. En pareils cas, il est probable que le contrat ne sera généralement révoqué qu’après une phase d’utilisation du produit, à savoir qu’il ne le sera qu’au moment où le consommateur recevra les informations concernant son droit de rétractation. En l’absence de celles-ci, il ne pouvait pas savoir qu’il devait limiter sa prise en main de la chose à un simple essai de manière à ne pas tomber dans le domaine d’une utilisation. Le consommateur doit-il, en quelque sorte, «payer» le prolongement du délai de rétractation mis en place pour sa protection en ce qu’il devrait, en principe, verser une indemnité pour l’utilisation du bien de consommation qui lui a été livré?

93.      Il faut observer, à ce sujet, qu’un recours fondé sur le droit de l’enrichissement sans cause ne devrait pas être possible dans des cas comme celui de l’espèce, où il est avéré que le fournisseur ne s’est pas acquitté de son obligation d’information (92). En effet, conformément à l’appréciation susvisée du législateur communautaire (93), qui a limité le risque du fournisseur dans le temps, je considère qu’il est exclu d’imposer une charge financière au consommateur dans ces cas‑là également, car il ne serait pas compatible avec l’objectif de protection poursuivi par la directive d’imposer au consommateur qu’il doive finalement payer, au prix d’une rétribution de l’utilisation de la chose, le prolongement de la protection qui lui est accordée lorsque le fournisseur ne s’acquitte pas de ses obligations, ce qui reviendrait à le dissuader d’exercer son droit de rétractation (94). Exercer une telle contrainte sur lui irait à l’encontre des objectifs de protection des consommateurs et de promotion des ventes à distance sur lesquels la directive est fondée. Il faut bien admettre ici que, par exemple, des cas d’utilisation excessive (95) lorsque le fournisseur ne s’est pas acquitté de son obligation d’information doivent être appréciés différemment que lorsqu’il s’est correctement acquitté de celle-ci.

94.      Qu’il me soit permis d’ajouter en marge que le DCFR (96) est imprégné d’une approche comparable en cas de violation de l’obligation d’information par le fournisseur. Comme je l’ai déjà expliqué, il exclut expressément toute indemnité compensatoire pour l’essai et le test de la chose, mais prévoit néanmoins une telle indemnité à charge du consommateur en cas d’utilisation normale (97). Il est toutefois intéressant d’observer que cela ne vaut que pour la rétractation dans le délai normal, qui est de quatorze jours en règle générale. En revanche, lorsque le consommateur n’a pas été informé de son droit de rétractation ou ne l’a pas été de manière adéquate, l’article II-5:105, paragraphe 4, du DCFR exclut expressément tout paiement d’une indemnité. L’appréciation qui s’exprime dans cette disposition montre qu’en cas de violation de l’obligation d’information, le consommateur a besoin d’une protection particulière afin de compenser cette absence d’information.

95.      Il faut remarquer, à titre complémentaire, qu’il résulte déjà de la jurisprudence que le consommateur ne peut pas exercer son droit de rétractation lorsqu’il n’a pas connaissance de l’existence de celui-ci (98). Cela vaut également lorsqu’il a, en principe, connaissance de ce droit, mais que le fournisseur ne s’est pas totalement acquitté de son obligation de l’informer. Une information incomplète ou trompeuse peut facilement avoir pour effet d’empêcher le consommateur d’exercer son droit parce qu’il l’évalue de manière incorrecte.

96.      La possibilité d’exercer le droit de rétractation sans avoir à verser une indemnité d’utilisation pourrait en outre se trouver limitée lorsque la marchandise qui a été restituée était endommagée. En pareil cas, les règles générales régissant la réparation du préjudice qui sont en vigueur dans l’État membre concerné pourraient s’appliquer. Il ne me paraît pas incompatible avec la directive de fournir en outre au consommateur des indications générales afin de lui rappeler qu’il a une certaine obligation de précaution.

6.      Démarcation par rapport à la jurisprudence Schulte et Crailsheimer Volksbank

97.      Je voudrais enfin indiquer que les arrêts Schulte et Crailsheimer Volksbank (99) ne s’opposent pas à l’interprétation préconisée ici des effets d’une rétractation exercée en matière de ventes à distance dans le contexte de la directive 97/7. Dans ces arrêts, la Cour a dit pour droit, à propos de la révocation d’un contrat de crédit hypothécaire dans le champ d’application de la directive 85/577, que non seulement le remboursement des sommes déjà payées, mais également l’obligation de payer les intérêts au taux du marché étaient compatibles avec la directive (100), ce qui pourrait être considéré comme une sorte d’indemnité compensatoire au sens large. Il s’agit là du cas particulier du contrat de prêt ainsi que d’un contexte réglementaire différent (101) et de directives différentes (102) avec des dispositions de détail différentes (103). On remarquera en particulier que les règles concernant les effets juridiques de la rétractation sont aménagées différemment dans les deux directives. L’article 6, paragraphes 1 et 2, de la directive 97/7 règle en détail les effets juridiques de la rétractation. Comme je l’ai déjà expliqué, elle interdit toute pénalité en cas d’exercice de ce droit et n’autorise que de manière extrêmement limitée l’imputation de frais au consommateur. La directive 85/577 ne contient pas de telles précisions. Son article 5, paragraphe 2, qui régit les effets de l’exercice du droit de rétractation (104), se contente de disposer de manière très générale que «la notification faite a pour effet de libérer le consommateur de toute obligation découlant du contrat résilié». Il faut donc constater que la directive que la Cour a interprétée dans les affaires Schulte et Crailsheimer Volksbank ne contient pas de dispositions comparables à celles que contient la directive en cause ici en matière de répartition des risques concernant les frais de l’opération.

98.      Par conséquent, il faut interpréter la directive 97/7 en ce sens que, dans son champ d’application, aucune restauration du pristine état au sens de la jurisprudence Schulte et Craisheimer Volksbank n’est due.

7.      Conclusion

99.      J’en conclus globalement qu’une réglementation nationale qui permet de manière générale au vendeur, lorsque le consommateur exerce son droit de rétractation dans le délai, d’exiger de lui une indemnité pour l’utilisation du bien de consommation livré n’est pas compatible avec l’article 6, paragraphes 1 et 2, lu en combinaison avec le quatorzième considérant de la directive 97/7.

F –    À titre conservatoire pour l’hypothèse dans laquelle la Cour estimerait que l’indemnité compensatoire ne relève pas de la notion de pénalité ou de frais au sens de la directive 97/7: une réglementation sur l’indemnité compensatoire relève-t-elle de la compétence réglementaire des États membres?

100. Je voudrais encore ajouter quelques explications uniquement dans l’hypothèse où la Cour ne partagerait pas la conclusion que j’ai exposée au point précédent et estimerait que l’indemnité d’utilisation en cause ici ne relève pas de la notion de frais au sens de la directive 97/7.

101. Dans le quatorzième considérant de la directive 97/7, le législateur communautaire déclare qu’«il appartient aux États membres de déterminer les autres conditions et modalités consécutives à l’exercice du droit de rétractation». Peut-on en déduire qu’il a laissé aux États membres le pouvoir d’adopter une réglementation nationale sur l’indemnité d’utilisation telle que la réglementation qui est en cause dans la présente affaire?

102. Comme je l’ai déjà expliqué (105), le gouvernement allemand se fonde sur cette dernière phrase du quatorzième considérant pour expliquer que la directive 97/7 ne fait pas obstacle à la réglementation allemande litigieuse. Le gouvernement autrichien a articulé une argumentation correspondante et défendu ainsi une réglementation autrichienne comparable (106). Ces deux gouvernements estiment que la directive 97/7 n’interdit pas d’exiger le paiement d’une indemnité d’utilisation de la chose, mais laisse cette question à l’appréciation des États membres.

103. La Commission a, elle aussi, adopté une position qui va dans le même sens (107). Elle estime que l’indemnité autorisée par la réglementation nationale litigieuse ne relève pas de la notion de frais, mais qu’il s’agit d’une rétribution que le consommateur doit payer pour avoir utilisé pendant un certain temps la marchandise qu’il avait achetée à distance. Comme cela a déjà été reconnu dans d’autres domaines du droit communautaire (108), les États membres pourraient veiller, même dans le domaine des ventes à distance, à ce que la protection des droits garantis par l’ordre juridique communautaire n’entraîne pas un enrichissement sans cause des ayants droit; adopter des règles de répétition de l’indu relèverait en principe de la compétence réglementaire des États membres.

104. Selon moi, ces arguments relatifs au pouvoir d’appréciation des États membres en matière de réglementation nationale sur l’indemnité d’utilisation ne résistent pas à l’examen.

105. En premier lieu, comme je l’ai déjà expliqué plus haut, la crainte d’un abus par des particuliers ne peut pas entraîner l’adoption de règles qui restreindraient pour tous la protection des droits garantis par le droit communautaire (109). Pour ce seul motif déjà, une réglementation telle que celle qui est en cause en l’espèce ne devrait pas pouvoir relever du champ d’appréciation des États membres.

106. J’observe en deuxième lieu que, comme il résulte de son exposé des motifs, la directive 97/7 en cause ici vise à promouvoir les ventes à distance dans le cadre de la réalisation des objectifs du marché intérieur et dans le respect des objectifs d’une protection optimale des consommateurs (110). Les finalités ainsi poursuivies ne peuvent pas être compromises. Comme je l’aurai clairement démontré plus haut (111), les dispositions de la directive relatives au droit de rétractation contiennent une réglementation nuancée de répartition des risques qui, en particulier, part du principe qu’il faut limiter les charges financières que le consommateur serait amené à supporter en raison du fait qu’il a exercé son droit de rétractation. Même si, contrairement à ce que je crois, il fallait admettre que l’indemnité ne relève pas de la notion de frais, il n’est pas loisible aux États membres de régler cette matière à leur discrétion. Il leur serait interdit en particulier de se référer uniquement à la dernière phrase du quatorzième considérant tout en négligeant, par exemple, les premières phrases de l’exposé des motifs de la directive.

107. C’est la raison pour laquelle il faut rappeler que le consommateur qui achète à distance n’a pas la possibilité en pratique de voir le produit ou de prendre connaissance des caractéristiques du service avant la conclusion du contrat (première phrase du quatorzième considérant). En ce qui concerne la livraison des produits, la possibilité de rétractation ouverte au consommateur compense le désavantage résultant du fait qu’il ne peut pas voir les marchandises achetées à distance exposées dans des locaux commerciaux et qu’il ne peut pas, le cas échéant, les essayer ou les tester. Le droit de rétractation fondé sur cet inconvénient serait vidé de son contenu et serait un droit de pure forme si l’on pouvait exiger du consommateur qu’il paie une indemnité pour l’utilisation temporaire des produits à raison des périodes d’essai relativement courtes d’une à deux semaines qui sont prévues par la directive 97/7 (112). Rien qu’en ouvrant l’emballage d’origine (opération généralement nécessaire pour voir et essayer la marchandise), il risquerait déjà de s’exposer au grief d’avoir utilisé celle-ci dans une mesure excédant un simple essai (113). C’est la raison pour laquelle je considère qu’il est conforme à la directive de ne pas prévoir d’indemnité d’utilisation pour la période correspondant au délai réglementaire de rétractation. Étant donné que le délai de trois mois n’est pas destiné à aggraver la situation du consommateur, mais uniquement à compenser l’absence fautive des informations que l’article 5 de la directive 97/7 imposait au vendeur de lui fournir, on ne voit guère comment il serait licite de permettre aux États membres d’adopter une réglementation dérogatoire pour cette période plus longue d’utilisation potentielle.

108. En quatrième lieu, je voudrais encore indiquer qu’au quatorzième considérant de la directive 97/7, le législateur a souligné que le droit de rétractation du consommateur qui achète à distance ne doit pas être un droit de pure forme. Or, toute une série de problèmes concrets qu’entraînerait une réglementation imposant une indemnité compensatoire sont de nature à dénaturer ce droit de rétractation dans les faits et à le transformer en un principe dépourvu d’utilité pratique digne de ce nom. J’ai déjà évoqué (114) les problèmes de preuve (115), mais je voudrais dire que, lorsqu’ils concluent un contrat à distance, les consommateurs ne sont généralement pas en mesure de connaître le niveau des exigences d’indemnisation auxquelles ils pourraient s’exposer le cas échéant. Le risque que cela représente pourrait les dissuader d’exercer leur droit de rétractation, ne fût-ce qu’afin d’éviter un litige qui entraînerait bien des désagréments et coûterait de l’argent, du temps et de l’énergie. Ce risque est, par ailleurs, également de nature à rendre les opérations d’achat à distance moins attrayantes pour le consommateur, ce qui n’est pas la volonté de l’auteur de la directive 97/7. En effet, du point de vue du consommateur, ces opérations d’achat à distance n’ont pas seulement pour avantage de permettre une plus grande possibilité de choix, mais également d’économiser du temps et des déplacements.

109. Je renvoie aux explications que j’ai fournies plus haut (116) lorsque j’ai distingué la situation de la présente espèce de celle qui prévalait dans les affaires Schulte et Crailsheimer Volksbank.

110. Eu égard à toutes les considérations qui précèdent, j’estime qu’une réglementation légale nationale telle que celle qui est en litige au principal, qui, en cas d’exercice de son droit de rétractation dans le délai légal par le consommateur, permet au vendeur d’exiger de lui une indemnité pour l’utilisation du bien de consommation livré, ne relève pas non plus de la compétence réglementaire conférée aux États membres par la dernière phrase du quatorzième considérant de la directive 97/7.

VII – Conclusion

111. Pour toutes ces raisons, je propose à la Cour de répondre comme suit à la question préjudicielle de l’Amsgericht Lahr:

«L’article 6, paragraphes 1 et 2, de la directive 97/7/CE du Parlement européen et du Conseil, du 20 mai 1997, concernant la protection des consommateurs en matière de contrats à distance, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation légale nationale permettant de manière générale au vendeur, en cas d’exercice de son droit de rétractation par le consommateur dans le délai légal, d’exiger de lui une indemnité pour l’utilisation du bien de consommation fourni.»


1 – Langue originale: allemand.


2 – JO L 144, p. 19.


3 – Voir article 2, point 4, de la directive 97/7.


4 – Voir article 2, point 1, de la directive 97/7.


5 – La directive 97/7 avait été transposée en droit allemand une première fois par la loi sur les ventes à distance; (Fernabsatzgesetz, BGBl, I p. 897), qui est entrée en vigueur le 30 juin 2000 et qui a été intégrée dans le BGB le 1er janvier 2002 (BGBl. 2001, p. 3138) dans le cadre d’une modernisation du droit des obligations. Pour un exposé complet de la situation en Allemagne avant et après l’entrée en vigueur de la loi sur les ventes à distance ainsi qu’après l’entrée en vigueur du Schuldrechtsmodernisierungsgesetz, voir Hellwege, P., Die Rückabwicklung gegenseitiger Verträge als einheitliches Problem, 2004, p. 60 et suiv. Sur la situation en Allemagne avant l’entrée en vigueur de la loi sur les ventes à distance, voir notamment Rott, P. «The distance selling directive and German Law», dans Stauder et Stauder, éd, La protection des consommateurs acheteurs à distance, Zürich, 1999, p. 127 et suiv.


6 – BGB-Informationspflichten-Verordnung, dans la version de la communication (Bekanntmachung) du 5 août 2002 (BGBl. p. 3002), dont la modification la plus récente résulte du règlement du 4 mars 2008 (BGBl. 2008 I, p. 292).


7 – C’est ainsi, notamment, qu’elles n’indiquent pas que le délai de rétractation ne commence à courir qu’après réception des informations en matière de rétractation par le consommateur et que, conformément à l’article 357, paragraphe 3, du BGB, aucune indemnité compensatoire ne doit être versée en cas d’une dégradation du produit due exclusivement à l’examen de celui-ci.


8 – Il résulterait de l’article 357, paragraphe 3, du BGB qu’en cas de détérioration de la chose résultant d’une utilisation conforme à sa destination, le consommateur ne devrait payer une indemnité compensatoire que lorsqu’il a été informé par écrit de cet effet juridique et avisé d’une possibilité de l’éviter. La défenderesse ne pourrait pas exiger une indemnité dans la mesure où elle n’a informé le consommateur des effets d’une rétractation que de manière non valide. Si la demanderesse était en mesure de prouver que le défaut de l’ordinateur portable a pour origine un vice qui existait déjà au moment de la remise de la chose dans le cadre de la vente, elle serait fondée à réclamer le remboursement du prix payé en application des articles 434, 437, point 2 ou 3, 440 et 281 du BGB, chacun lu en combinaison avec l’article 346 du même BGB. L’exception que la défenderesse déduit de la rétribution de la jouissance de la chose pourrait prospérer dans ce cas également.


9 – Cette appréciation semble partagée en substance par Micklitz, H.-W., «La directive vente à distance 97/7/CE» , dans Stauder et Stauder (éd.), La protection des consommateurs acheteurs à distance, Zurich, 1999, p. 23 et suiv., p. 37.


10 – Pour de plus amples développements sur cet argument, voir le point 103 des présentes conclusions.


11 – Voir, notamment, arrêts du 16 décembre 1976, Rewe (33/76, Rec. p. 1989, point 5); du 27 février 1980, Just (68/79, Rec. p. 501, point 25); du 19 novembre 1991, Francovich e.a. (C-6/90 et C-9/90, Rec. p. I-5357, point 43); du 10 juillet 1997, Palmisani (C-261/95, Rec. p. I-4025, point 27), et du 19 juin 2003, Pasquini (C‑34/02, Rec. p. I–6515, point 56).


12 – (C-404/06, Rec. p. I–2685).


13 – JO L 171, p. 12.


14 – Voir point 67 des conclusions que j’ai présentées le 15 novembre 2007 dans l’affaire Quelle, précitée.


15 – Arrêt Quelle (précité à la note 12), point 43 et dispositif. Voir, notamment, à ce sujet Ofner, H., «Kein Nutzungsentgelt für den Verkäufer bei Austausch der nicht vertragsmäßigen Sache», dans Zeitschrift für Europarecht, Internationales Privatrecht und Rechtsvergleichung, 2008, p. 57 et suiv., et Pardo Leal, M., «Derecho del vendedor a exigir al consumidor una indemnización por el uso de un bien en caso de sustitución de bienes que no son conformes (Sentencia ‘Quelle AG’ du 17 avril 2008, asunto C-404/06)», dans Revista electrónica de Derecho del Consumo y de la Alimentación, 2008, n° 18, p. 29 à 33.


16 – Arrêt du 25 octobre 2005 (C-350/03, Rec. p. I-9215).


17 – Arrêt du 25 octobre 2005 (C-229/04, Rec. p. I-9273).


18 – JO L 372, p. 31.


19 – Arrêts précités Schulte, points 92 et 93 ainsi que point 3 du dispositif; Crailsheimer Volksbank, points 48 et 49, ainsi que point 2 du dispositif. Dans les conclusions qu’il a présentées le 2 juin 2005 dans l’affaire Crailsheimer Volksbank, l’avocat général Léger s’est prononcé sur la question des intérêts au taux du marché. Aux points 71 et 72 de celles-ci, il a dit que la directive 85/577 ne s’oppose pas en principe à une disposition nationale prévoyant le paiement des intérêts légaux en cas de révocation d’un contrat de crédit. En effet, dans la mesure où la révocation a pour effet d’annuler le contrat de manière rétroactive, il paraît normal que les choses soient remises dans l’état dans lequel elles se trouvaient avant la conclusion du contrat. L’emprunteur étant censé n’avoir jamais bénéficié du crédit, il est logique qu’il rembourse non seulement les montants qu’il a perçus en vertu du contrat, mais également les intérêts, c’est-à-dire les revenus que ces montants auraient produits s’ils étaient restés à la disposition de l’organisme prêteur. Nonobstant ce qui précède, il a déclaré, aux points 75 et suiv., à propos de la situation qui était en cause dans cette affaire que la banque ne pouvait pas exiger le paiement d’intérêts de retard dans la mesure où elle n’avait pas elle-même rempli ses propres obligations.


20 – Voir la note 12 plus haut.


21 – Directive 1999/44; voir le point 38 des présentes conclusions.


22 – Sur la question de l’importance des différents délais, voir le point 87 des présentes conclusions.


23 – Comme l’a expliqué à bon escient Schinkels, B.,«Fernabsatzverträge (§§ 312 b bis et 312 d, § 241a, 355 ff. BGB», dans Gebauer et Wiedeman (éd.), Zivilrecht unter europäischem Einflusss, 2005, p. 209 et suiv., point 66.


24 On trouvera cet exemple ainsi que d’autres dans B. Schinkels (op. cit.), point 67.


25 – Voir Arnold, A. et Dötsch, W. «Verschärfte Verbraucherhaftung beim Widerruf?», dans Neue Juristische Wochenschrift, 2003, p. 187 à 189, et B. Schinkels (op. cit. note 23), point 67, ainsi que Brönneke, T., «Abwicklungsprobleme beim Widerruf von Fernabsatzgeschäften», dans Multimedia und Recht, 2004, p. 127 à 133, p. 132. Arnold et Dötsch et Brönneke expliquent que c’est la vente d’un véhicule par Internet qui a amené le législateur allemand à adopter l’article 357, paragraphe 3, première et deuxième phrases, du BGB. Brönneke indique en même temps que la perte de valeur n’a rien à voir avec une quelconque usure dans ces cas‑là, mais bien avec l’aura de la voiture neuve. Elle peut éventuellement être aussi liée à certaines pratiques de ristourne que les marchands utilisent pour contourner leurs obligations en matière de prix imposés.


26 – En utilisant l’expression «en principe», je voudrais faire allusion aux questions de l’utilisation à titre d’essai «soigneuse» ou «conforme à la destination de la chose», questions qui se posent avec acuité dans la pratique et qu’il n’y pas lieu d’approfondir ici puisque l’affaire au principal ne présente aucun point de rattachement avec elles. 


27 – La délimitation peut ainsi présenter des difficultés particulières dans le cas des appareils techniques parce que, même après une utilisation relativement longue, ceux-ci ne présentent pas nécessairement des signes visibles d’usure. D’autre part, il existe des marchandises dont une utilisation à titre d’essai entraîne déjà une consommation partielle, comme c’est le cas, par exemple, des cartouches d’imprimantes; voir Maderbacher, G. et Otto, G. «Fernabatz: Vertragsrücktritt nur gegen Entgelt?» dans Ecolex, 2006, p. 118.


28 – C’est ce qui résulte sans ambiguïté du quatorzième considérant de la directive, aux termes duquel le consommateur n’a pas la possibilité en pratique de voir le produit ou de prendre connaissance des caractéristiques du service avant la conclusion du contrat, de sorte qu’il convient de prévoir un droit de rétractation. Voir également Mankowski, P., Beseitigungsrechte, Tübingen, 2003, p. 898.


29 – Voir le point 10 des présentes conclusions.


30 – Et nécessitera une mise en balance des intérêts en présence dans chaque cas concret, voir à ce sujet Willhelm, R. G., Verbraucherschutz bei internationalen Fernabsatzverträgen, Hambourg, 2007, p. 137.


31 – Pour cette notion, voir également Schinkels, B. (op.cit. note 23), point 67.


32 – Comme l’indique également Neumann, N., Bedenkzeit vor und nach Vertragsabschluss, 2005, p. 393 et suiv.


33 – Il convient d’observer qu’il apparaît du dossier que c’est au fournisseur que la réglementation allemande impose la charge de la preuve (voir le point 33 des présentes conclusions). Cette solution ne paraît pas s’imposer avec une telle évidence dans la doctrine, voir L. Neumann (op. cit. note 32), p. 393.


34 – Il convient cependant de ne pas oublier qu’en fonction de la marchandise ou des circonstances, le consommateur peut retirer un avantage de l’utilisation de la chose en très peu de temps. Commander des vêtements de cérémonie, du mobilier ou de la vaisselle pour une occasion particulière et les renvoyer ensuite en est un exemple frappant, qui, selon moi, relève d’une pratique abusive.


35 – Cette solution est rejetée, par exemple, par Rott, P., «Widerruf und Rückabwicklung nach der Umsetzung der Fernabsatzrichtlinie und dem Entwurf eines Schuldrechtsmodernisierungsgesetzes», dans Verbraucher und Recht, 2001, p. 78 et suiv., p. 80, et R. G. Wilhelm (op. cit. note 30), p. 138.


36 – Voir point 33 des présentes conclusions.


37 – Voir point 52 des présentes conclusions.


38 – Voir point 22 des présentes conclusions. Voir, également, la position du gouvernement allemand au point 33 plus haut.


39 – Voir points 91 et 96 des présentes conclusions.


40 – J’indique à titre d’ex cursus qu’en dehors de ces questions d’interprétation du droit communautaire, la juridiction de renvoi pourrait tirer profit d’une autre perspective lorsqu’elle interprétera son droit national: lorsqu’ils transposent dans leur droit national les droits que le droit communautaire confère aux particuliers, les États membres ne peuvent pas les aménager d’une manière moins favorable que les droits correspondants qui leur sont conférés par le droit interne (voir, en ce sens, notamment arrêts du 21 septembre 1983, Deutsche Milchkontor e.a., 205/82 à 215/82, Rec. p. 2633, point 23, et du 15 septembre 1998, Edis, C-231/96, Rec. p. I‑4951, point 36). Il me paraît expédient de le signaler, parce que la doctrine souligne avec la réglementation en cause ici, le législateur national traite le consommateur qui exerce son droit de rétractation après un achat à distance d’une manière moins favorable que le titulaire d’un droit de rétractation légal quelconque ou que des acheteurs professionnels qui se rétractent selon les règles du droit de la vente [voir, par exemple, P. Mankowski, (op. cit. note 28), p. 891, et N. Neumann, op. cit. note 32, p. 391 («contrairement au rétractant ‘normal’»)].


41 – Conformément à l’article 2, point 3, le terme «fournisseur» désigne toute personne physique ou morale qui, dans les contrats relevant de la directive 97/7, agit dans le cadre de son activité professionnelle.


42 – Voir également Maderbacher et Otto (op. cit. note 27), point 118.


43 – Voir, en particulier, arrêt du 19 septembre 2000, Linster (C-287/98, Rec. p. I-6917, point 43).


44 – Voir points 60 et 61 des présentes conclusions.


45 – Voir également H.-W. Micklitz (op. cit. note 9), point 37.


46 – Par exemple, une indemnité forfaitaire, comme la retenue de 15 % de la valeur de la marchandise que prévoient les conditions générales de vente de la défenderesse (voir point 15 des présentes conclusions), pourrait être considérée comme une pénalité.


47 – Voir points 68 et suiv. des présentes conclusions.


48 – Voir points 60 et 61 des présentes conclusions.


49 – Contrairement à la directive 1999/44, comme l’a expliqué de manière approfondie Buchmann, F., «Kein Nutzungsersatz bein Widerruf von Fernabtzgeschäften?», dans Kommunikation und Recht, 2008, p. 505 et suiv., p. 508.


50 – Pas davantage donc dans l’arrêt du 19 septembre 2006, i-21 Germany et Arcor (C‑392/04 et C-422/04, Rec. p. I-8559), arrêt que la Commission a cité au cours de l’audience et qui traite de la question de savoir si le prélèvement anticipé des frais administratifs généraux de l’autorité de régulation sur une période de trente ans peut être pris en considération lors de la perception d’une taxe de licence dans le cadre des «frais administratifs». Dans son arrêt, la Cour n’a pas défini la notion de frais et ne l’a donc, a fortiori, pas définie d’une manière qui pourrait être transposée à la présente espèce. Elle a seulement expliqué, aux points 28 et 29 de son arrêt, que la notion de frais administratifs au sens de l’article 11, paragraphe 1, de la directive 97/13/CE du Parlement européen et du Conseil du 10 avril 1997, relative à un cadre commun pour les autorisations générales et les licences individuelles dans le secteur des services des télécommunications (JO L 117, p. 15), qui était en cause dans cette affaire, doit être interprétée en ce sens qu’elle se rapporte au travail engendré par l’octroi des licences et que, conformément à cette disposition, elle porte sur la délivrance, la gestion, le contrôle et l’application des licences individuelles.


51 – Dans de nombreux États membres, les dispositions de mise en œuvre de la directive 97/7 prévoient que les frais de renvoi peuvent être imputés au consommateur par convention contractuelle; voir en ce sens Rühl, G., «Die Kosten der Rücksendung bei Fernabsatzverträgen: Verbraucherschutz versus Vertragsfreiheit», dans Europäische Zeitschrift für Wirtschaftrecht, 2005, p. 199 à 202, p. 201. Également dans le même sens Knez, R., «Direktiva 97/7/ES Evropskega parlamenta in Sveta z dne 20. maja 1997 o varstvu potrošnikov glede sklepanja pogodb pri prodaji na daljavo», dans Trstenjak, V., Evropsko pravo varstva potrošnikov, GV Založba, Ljubljana, 2005, p. 111 et suiv., p. 113.


52 – Cette opinion est manifestement partagée par Brönneke (op. cit. note 25), p. 132, et par Maderbacher et Otto (op. cit. note 27), p. 118, également.


53 – Je reviendrai ultérieurement (au point 94 des présentes conclusions) aux travaux et aux discussions en vue d’une réforme ou d’une réglementation complète des droits des consommateurs.


54 – C’est à bon escient que Allix, J., qualifie ce droit de rétractation de principe fondamental de cette directive; Allix, J., «La directive 97/7/CE: contrats à distance et protection des consommateurs» dans Revue des affaires européennes, 1998, p. 176 à 187, p. 179. Voir, également, Brönneke (op. cit. note 25), p. 127.


55 – Mankowski (op. cit. note 28), p. 893, explique lui aussi à bon droit que les charges et les frais liés à la révocation du contrat doivent être considérés comme des frais de rétractation.


56 – Voir le point 53 des présentes conclusions.


57 – Voir Mankowski (op. cit. note 28), p. 892.


58 – Voir le point 49 des conclusions que j’ai présentées le 15 novembre 2007 dans l’affaire Quelle (déjà citée à la note 12).


59 – Contrairement au contexte de l’affaire Quelle précitée, le droit de rétractation du consommateur n’est pas relié ici à une violation de ses obligations par le vendeur, mais il sert uniquement à la protection du titulaire, voir Hellwege, P., (op. cit. note 5), p. 74.


60 – Voir, à ce sujet, les réflexions que j’ai exposées aux points 45 à 57 des présentes conclusions. À cet égard, il n’est certes pas négligeable que ce soit finalement le fournisseur qui doive supporter la charge de démontrer et de prouver (voir le point 33 des présentes conclusions ainsi que la note 33), ce que le consommateur ignore toutefois en général.


61 – Voir le point 33 des présentes conclusions.


62 – Maderbacher et Otto (op. cit. note 27), p. 118, déclarent formellement que des problèmes de délimitation entre une simple «utilisation d’essai» et une «utilisation effective» peuvent être évités si l’on reconnaît que l’article 6, paragraphe 2, de la directive 97/7 ne prévoit justement pas l’imputation d’une indemnité d’utilisation de la chose.


63 – Voir, en particulier, à ce sujet le quatrième considérant de la directive, aux termes duquel «l’introduction de nouvelles technologies entraîne une multiplication des moyens mis à la disposition des consommateurs pour connaître les offres faites partout dans la Communauté et pour passer leurs commandes». Cet objectif de promotion du commerce à distance apparaît également dans les troisième, sixième et septième considérants de la directive. Il faut en outre signaler diverses communications de la Commission en matière de politique des consommateurs, par exemple la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social et au Comité des régions – stratégie pour la politique des consommateurs 2002-2006 [COM(2002) 208 final], p. 21 et suiv. Voir également H.-W. Micklitz (op. cit. note 9), p. 25.


64 – La directive a été adoptée en application de l’article 100 A du traité CE (devenu, après modification, article 95 CE) et vise ainsi à la réalisation du marché intérieur (sur l’article 100bis du traité ou l’article 95 CE en tant que base juridique, voir, notamment, arrêt du 10 décembre 2002, British American Tobacco (Investments) et Imperial Tobacco, C-491/01, Rec. p. I-11453, points 59 et 60). Voir, également, à ce sujet, à propos de la directive 97/7, Donnelly, M. et White, F., «The Distance Selling Directives: a time for review», Northern Ireland Legal Quarterly, 56/2005, p. 200 et suiv., p. 200 et 204 et Schinkels, B., (op. cit. note 23), point 7. Outre le quatrième considérant déjà cité plus haut (note 63), qui concerne entre autres, également la nécessité d’éviter les effets négatifs sur la concurrence entre les entreprises dans le marché intérieur, il faut également rappeler les trois premiers considérants de la directive 97/7:


«(1) considérant qu’il importe, dans le cadre de la réalisation des objectifs du marché intérieur, d’arrêter les mesures destinées à consolider progressivement ce marché;


(2) considérant que la libre circulation des biens et des services concerne non seulement le commerce professionnel mais également les particuliers; qu’elle implique, pour les consommateurs, de pouvoir accéder aux biens et aux services d’un autre État membre dans les mêmes conditions que la population de cet État;


(3) considérant que la vente transfrontalière à distance peut être l’une des principales manifestations concrètes pour les consommateurs de l’achèvement du marché intérieur, comme cela a été constaté, entre autres, dans la communication de la Commission au Conseil intitulée ‘Vers un marché unique de la distribution’; qu’il est indispensable, pour le bon fonctionnement du marché intérieur, que les consommateurs puissent s’adresser à une entreprise en dehors de leur pays, même si cette dernière dispose d’une filiale dans le pays de résidence du consommateur».


65 – Voir le quatrième considérant de la directive 97/7, déjà cité à la note 63.


66 – L’idée d’une protection des consommateurs s’inscrit, de manière plus ou moins explicite, en filigrane de la plupart des considérants de la directive 97/7. Le dix‑neuvième considérant se réfère d’une manière particulièrement claire à une «protection optimale du consommateur» et le quatrième considérant insiste sur l’objectif d’une harmonisation des règles sur la protection des consommateurs dans les achats à distance. L’objectif de la protection des consommateurs est relié au marché intérieur au moyen des considérants, voir Cremona, M., «The distance selling directive», dans The journal of business law, 11/1998, p. 613 et suiv., p. 614.


67 – B. Schinkels (op. cit. note 23), point 8. Voir, à ce sujet, également Hörnle, J. et Sutter, G. et Walden, I., «Directive 97/7/EC on the protection of consumers in respect of distance contracts», dans Lodder et Kaspersen (éd.), eDirectives: Guide to European Union Law on E-commerce, chapitre 2, 2002, p. 11 et suiv., p. 17.


68 – Voir l’article 6, paragraphe 3, de la directive 97/7 ainsi que l’argumentation développée par le gouvernement belge dans ses observations écrites.


69 – L’article 6, paragraphe 3, de la directive 97/7 exclut, en particulier, du droit de rétractation les contrats de fourniture de biens confectionnés selon les spécifications du consommateur ou nettement personnalisés ou qui, du fait de leur nature, ne peuvent pas être réexpédiés ou sont susceptibles de se détériorer ou de se périmer rapidement. Il exclut également les contrats d’enregistrements audio ou vidéo ou de logiciels informatiques descellés par le consommateur ainsi que les contrats de fourniture de journaux, de périodiques et de magazines.


70 – Voir la note 63 plus haut.


71 – D’autre part, le fait pour le fournisseur de se concentrer sur la vente à distance, qui le dispense d’entretenir une surface commerciale, lui permet de réaliser des économies; M. Donelly et F. White (op. cit. note 64), p. 201.


72 – Communication de la Commission au Conseil, au Parlement européen et au Comité économique et social du 21 septembre 2006 sur la mise en œuvre de la directive 1997/7 [COM(2006) 514 final], point 7 et annexe IV.


73 – COM(2008) 614 final, du 8 octobre 2008, proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative aux droits des consommateurs, article 17, paragraphe 2. Cette proposition de directive a pour but d’harmoniser complètement et de manière uniforme les droits acquis du consommateur qui ont été aménagés de manière différente par diverses directives jusqu’à présent, voir également Terryn, E., «The Right of Withdrawal, the Acquis Principles and the Draft Common Frame of Reference», dans R. Schulze (éd.), Common Frame of Reference and Existing EC Contract Law, 2008, p. 158 et suiv., et Grünbuch über die Überprüfung des gemeinschaftlichen Besitzstands im Verbraucherschutz, Bruxelles, 8 février 2007 [COM(2006) 744 final], p. 11.


74 – C. von Bar e.a. (éd.), Principles, Definitions and Model Rules of European Private Law. –Draft Common Frame of Reference (DCFR)Interim Outline Edition; prepared by the Study Group on a European Civil Code and the Research Group on EC Private Law (Acquis Group), Munich, 2008.


75 – Dans «From the Draft Common Frame of References towards European Contract Law Rules», dans European Review of Contract Law, 2008, p. 154 à 168, Schulze, R., et Wilhelmsson, T., indiquent à propos de la valeur de ce document que le DCFR a été élaboré par un réseau de chercheurs et qu’il constitue une base de discussion parmi d’autres travaux et projets qu’il faut y inclure [Principles of European Contract Law (principes du droit européen des contrats) – PECL – et principes de l’acquis] pour de futures règles du droit européen des contrats. À propos des principes de l’acquis, voir Schulze, R., «Die ‘Acquis-Grundregeln’ und der Gemeinsame Referenzrahmen», dans Zeitschrift für Europäisches Privatrecht, 2007, p. 731 et suiv.


76 – Article 17, paragraphe 2, de la proposition de directive citée à la note 73.


77 – Voir, à ce sujet, le point 53 des présentes conclusions.


78 – Ce délai ne commence à courir qu’après que le consommateur a été informé de son droit de rétractation. Selon Loos, M. B., «Review of the European consumer acquis», dans Zeitschrift für Gemeinschaftsprivatrecht/European Community private law review/Revue du droit privé communautaire, 2008, p. 117 à 122, p. 118, les associations de consommateurs s’étaient prononcées en faveur d’un délai plus long dans certains cas, tandis que les associations de commerçants préconisaient un délai généralement plus court.


79 – Cela ne vaut cependant qu’en cas de rétractation exercée dans le délai normal, qui s’élève en général à quatorze jours. En revanche, l’article II.-5:105, paragraphe 4, du DCFR exclut expressément toute indemnité compensatoire dans les cas où le consommateur n’a pas été informé de son droit de rétractation ou ne l’a pas été de manière adéquate.


80 – Voir M. B. Loos (op. cit. note 77), p. 119.


81 – Sur les principes de l’acquis, voir, entre autres, R. Schulze (op. cit. note 75).


82 – Voir, notamment, R. Schulze (op. cit. note 75), p. 902, article II-5:105.


83 – On observera que, dans certaines circonstances, l’article 6, paragraphe 1, quatrième alinéa, de la directive 97/7 permet de dépasser ce délai de trois mois de quelques jours, à savoir lorsque les informations prévues à l’article 5 de la directive 97/7 sont transmises dans ce délai de trois mois. En pareil cas, le délai de sept jours ouvrables prévu à l’article 6, paragraphe 1, premier alinéa, commence à courir au moment où sont transmises les informations.


84 – Au point 29 des conclusions qu’il a présentées le 21 novembre dans l’affaire Hamilton (arrêt du 10 avril 2008, C-412/06, Rec. p. I–2383), l’avocat général Poiares Maduro s’est exprimé dans le même sens lorsqu’il a analysé la possibilité de fixer un délai dans le cadre du droit de révocation prévu par la directive 85/577. La limitation temporelle du droit de révocation dans le contexte des contrats à distance contraste avec le caractère illimité dans le temps du droit de révocation dont l’acheteur dispose en cas de démarchage à domicile. Sur ce dernier, voir arrêt du 13 décembre 2001, Heininger (C-481/99, Rec. p. I-9945, point 48).


85 – Voir, à ce sujet, R. Knez (op. cit. note 51), p. 113.


86 – Il ne nous appartient pas d’examiner, dans le cadre de la présente demande préjudicielle, si un allongement du délai de trois mois garantit effectivement un tel niveau de protection plus élevé ou si, en pratique, il lui porte préjudice à cause du temps d’utilisation plus long que cela implique généralement en droit national (le gouvernement allemand a confirmé à l’audience qu’en cas de délai de rétractation prolongé en raison du non-respect de l’obligation d’information, le consommateur utilise la chose durant cet intervalle, ce qui, en droit national, fonderait en principe la demande d’indemnités pour utilisation de la chose).


87 – Voir les arguments de la Commission au point 34 des présentes conclusions.


88 – Par exemple, un vêtement de cérémonie ou un écran géant pour un événement précis (pour l’exemple du téléviseur commandé à l’occasion d’un match de football particulier, voir F. Buchmann, op. cit. note 49, p. 505 et note 4). B. Schinkels (op. cit. note 23), point 63, prend l’exemple d’une révocation du contrat après un usage excessif.


89 – Voir les arrêts du 12 mai 1998, Kefalas e.a. (C-367/96, Rec. p. I-2843, point 22), et du 11 septembre 2003, Walcher (C-201/01, Rec. p. I-8827, point 37).


90 – Voir, en ce sens, arrêts précités Kefalas e.a., point 22, et Walcher, point 37.


91 – Voir le point 96 des présentes conclusions.


92 – En ce qui concerne cette constatation de la juridiction de renvoi, voir points 20 et 21 des présentes conclusions. Il faut remarquer, en outre, qu’il pourrait déjà y avoir une violation de l’obligation d’information incompatible avec la directive 97/7 lorsque le fournisseur annonce au consommateur qu’il pourrait éventuellement être tenu (en violation de la directive) de verser une indemnité pour utilisation de la cause en cas de rétractation. Des informations incompréhensibles et alambiquées (voir M. Donelly et F. White, op. cit. note 64, p. 213 et suiv.) peuvent contribuer à induire le consommateur en erreur. C’est ce que l’article 4, paragraphe 2, de la directive 97/7 vise à empêcher (voir, également, à ce sujet J. Hörnle, G. Sutter et I. Walden, op. cit. note 67, p. 15).


93 – Voir les points 86 et 87 des présentes conclusions.


94 – Mankowski (op. cit. note 28, p. 892).


95 – Pour une définition de cette notion, voir B. Schinkels (op. cit. note 23), point 63.


96 – Voir le point 85 des présentes conclusions.


97 – Voir le point 85 des présentes conclusions.


98 – Voir, également, les arrêts Heininger (déjà cité à la note 84, point 45) et Hamilton (déjà cité à la note 84, point 33).


99 – Voir point 39 des présentes conclusions.


100 – Pour une critique de cette jurisprudence, notamment en raison de l’absence d’une motivation plus précise, voir, entre autres, Hoffmann, «Die EuGH-Entscheidungen ‘Schulte’ und ‘Crailsheimer Volksbank’: ein Meilenstein für den Verbraucherschutz beim kreditfinanzierten Immobilienerwerb?», Zeitschrift für Wirtschaftsrecht – ZIP, 2005, p. 1985 et suiv., p. 1986.


101 – Les objectifs des deux directives en cause ici sont déjà extrêmement différents: contrairement aux objectifs de la directive 97/7 en cause dans la présente affaire, qui vise aussi bien la protection des consommateurs que le marché intérieur et en particulier la promotion des ventes à distance (voir le point 81 des présentes conclusions), ce qui préoccupait exclusivement le législateur européen dans le domaine d’application de la directive 85/577, c’était d’assurer la protection du consommateur dans la situation délicate du démarchage à domicile (voir Rudisch, B., «Das ‘Heininge’-Urteil des EuGH vom 13. 12. 2001, Rs C 481/99: Meilenstein oder Stolperstein für den Verbraucherschutz bei Realkrediten?», dans Verbraucherschutz in Europa: Festgabe für Heinrich Mayrhofer, 2002 p. 189 à 205, p. 204). L’objectif n’est aucunement de favoriser ce démarchage à domicile, au contraire: «il convient de ne pas affecter la liberté des États membres de maintenir ou d’introduire une interdiction, totale ou partielle, de conclusion de contrats en dehors des établissements commerciaux» (voir cinquième considérant de la directive 85/577).


102 – Cela vaut également pour l’arrêt Quelle que j’ai cité au point 38 des présentes conclusions et dont le résultat coïncide avec celui que je propose ici, mais pour d’autres raisons que celles que j’invoque en l’espèce.


103 – Une différence importante se présente déjà dans la mesure où, dans la directive 85/577, le droit de rétractation n’est assorti d’aucun délai lorsque l’acheteur n’a pas été informé de l’existence de ce droit; voir article 5, paragraphe 1, première phrase, de cette directive. Comme je l’ai déjà expliqué, la directive 97/7, en revanche, prévoit uniquement une prolongation du délai d’exercice du droit de rétractation lorsque l’acheteur n’a pas été informé de l’existence de celui-ci.


104 – Voir, également, point 43 de l’arrêt Hamilton (déjà cité à la note 84).


105 – Au point 31 des présentes conclusions.


106 – Voir point 31 des présentes conclusions.


107 – Voir point 34 des présentes conclusions.


108 – Conformément à une jurisprudence constante de la Cour, le droit communautaire ne fait pas obstacle à ce que les juridictions nationales veillent à ce que la protection des droits garantis par l’ordre juridique communautaire n’entraîne pas un enrichissement sans cause des ayants droit. À l’appui de cette déclaration, la Commission invoque les arrêts du 4 octobre 1979, Ireks-Arkady/Conseil et Commission (238/78, Rec. p. 2955, point 14); du 21 septembre 2000, Michaïlidis (C-441/98 et C-442/98, Rec. p. I-7145, point 31); du 20 septembre 2001, Courage et Crehan (C-453/99, Rec. p. I-6297, point 30), et du 13 juillet 2006, Manfredi e.a. (C-295/04 à C-298/04, Rec. p. I-6619, point 94). C’est à bon droit que la Cour aurait reconnu, à propos de la coordination par la Communauté des régimes d’assurance sociale des États membres, que les règles applicables à la répétition de l’indu (ainsi qu’à une éventuelle prescription) relèveraient en principe de la compétence réglementaire des États membres; voir, à ce sujet, arrêt Pasquini (déjà cité à la note 11, point 53).


109 – Voir le point 90 plus haut.


110 – Voir le point 81 des présentes conclusions.


111 – Voir les points 80 à 87 des présentes conclusions.


112 – Voir le point 82 des présentes conclusions.


113 – Risque auquel s’ajouterait éventuellement un problème intrinsèque considérable de preuve.


114 – Voir, en particulier, le point 49 des présentes conclusions.


115 – Problèmes que ne permet pas de résoudre la proposition de F. Buchmann (op. cit. note 49), p. 508, de déterminer dans le chef du consommateur le moment où il décide en toute conscience de conserver le produit. Prendre pour point de départ un tel moment, qui échappe en pratique à toute possibilité objective de démonstration, compliquerait, au contraire, la charge de démontrer et de prouver.


116 – Voir les points 97 et 98 des présentes conclusions.