Language of document : ECLI:EU:T:2017:650

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (neuvième chambre)


20 septembre 2017 (*)

« Procédure – Taxation des dépens – Aides d’État »

Dans l’affaire T‑11/07 DEP,

Frucona Košice a.s., établie à Košice (Slovaquie), représentée par MM. B. Hartnett, barrister, et R. MacLean, solicitor,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par M. D. Grespan et Mme L. Armati, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

St. Nicolaus – trade a.s., établie à Bratislava (Slovaquie)

partie intervenante,

ayant pour objet une demande de taxation des dépens à la suite de l’ordonnance du Tribunal du 21 mars 2014, Frucona Košice a.s. contre Commission (T‑11/07 RENV, non publiée, EU:T:2014:173),

LE TRIBUNAL (neuvième chambre)

composé de MM. S. Gervasoni, président, L. Madise (rapporteur) et R. da Silva Passos, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Faits, procédure et conclusions des parties

1        Le 7 juin 2006, la Commission a adopté la décision 2007/254/CE concernant l’aide d’État C 25/05 (ex NN 21/05), mise à exécution par la République slovaque en faveur de Frucona Košice a.s. (JO 2007, L 112, p. 14, ci-après la « décision litigieuse »). La Commission a considéré que la mesure qu’elle a examinée, consistant, pour les autorités fiscales slovaques à avoir accepté, au regard de la dette fiscale de l’entreprise, une procédure de concordat plutôt qu’une procédure de liquidation judiciaire ou qu’une procédure d’exécution fiscale, constituait une aide d’État, au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE, équivalant à un montant de 416 515 990 de couronnes slovaques (SSK) (environ 11 millions d’euros), incompatible avec le marché commun. La Commission a, par conséquent, ordonné la récupération de ce montant.

2        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 12 janvier 2007, Frucona Košice a.s. (ci-après la « requérante ») a demandé l’annulation de la décision litigieuse au titre de l’article 230 CE.

3        Par arrêt du 7 décembre 2010, Frucona Košice a.s./Commission (T‑11/07, EU:T:2010:498 ; ci-après l’« arrêt initial »), le Tribunal (deuxième chambre) a rejeté le recours. Il a notamment jugé, en substance, en se référant au critère dit « du créancier privé en économie de marché », que, pour qualifier à juste titre d’aide d’État la procédure de concordat suivie par l’administration fiscale slovaque à l’égard de la dette fiscale de la requérante, il suffisait qu’il ait existé une autre procédure qui aurait permis à cette administration de tirer un bénéfice supérieur. Après examen des différents moyens d’annulation avancés par la requérante, il a estimé que la Commission n’avait pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en considérant que la procédure de liquidation judiciaire aurait été, en l’espèce, plus favorable aux intérêts de l’administration fiscale slovaque que la procédure de concordat. Dès lors, le Tribunal a condamné la requérante à supporter les dépens.

4        Le 18 février 2011, la requérante a introduit un pourvoi contre l’arrêt initial au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne. Par arrêt du 24 janvier 2013, Frucona Košice/Commission (C‑73/11 P, EU:C:2013:32 ; ci-après l’« arrêt sur pourvoi »), la Cour a annulé l’arrêt initial. Elle a, tout d’abord, indiqué qu’il incombait au Tribunal d’apprécier si la Commission avait pris en compte, dans le cadre de l’application du critère du créancier privé en économie de marché, les informations disponibles relatives à la durée de la procédure de liquidation judiciaire. À cet égard, la Cour a ensuite estimé que le Tribunal avait lui-même comblé une lacune dans la motivation de la décision litigieuse et que, partant, il avait excédé les limites de son contrôle. Eu égard aux spécificités du cas d’espèce, la Cour a constaté que la décision litigieuse était susceptible de rester justifiée sur le fondement d’autres motifs et elle a renvoyé l’affaire devant le Tribunal pour qu’il statue sur les moyens soulevés devant lui et sur lesquels il ne s’était pas prononcé. Elle a, dès lors, réservé les dépens.

5        Le 16 octobre 2013, afin de tenir compte de l’arrêt sur pourvoi et sans attendre l’issue du litige devant le Tribunal, la Commission a adopté une nouvelle décision remplaçant la décision litigieuse, à savoir la décision (2013) 6261 final, concernant l’aide d’État SA.18211 (C 25/2005) (ex NN 21/2005), mise en œuvre par la République slovaque en faveur de Frucona Košice. La Commission y a maintenu que la mesure de recours au concordat engendrait une aide d’État incompatible avec le marché intérieur qui devait être récupérée.

6        Par ordonnance du 21 mars 2014, le Tribunal a considéré que le recours initial tendant à l’annulation de la décision litigieuse était devenu sans objet et a condamné la Commission à supporter les dépens exposés par la requérante (T-11/07 RENV,EU:T:2014:173; ci-après l’« ordonnance après renvoi »)

7        Par courrier du 28 avril 2015, les représentants de la requérante ont communiqué à la Commission un état des frais et services juridiques supportés par la requérante, sur la base duquel ils ont réclamé un montant total de 151 064,94 euros au titre des dépens récupérables exposés dans le cadre des procédures ayant donné lieu à l’arrêt initial et à l’arrêt sur pourvoi.

8        Par lettre du 26 octobre 2015, la Commission a rejeté cette demande et a proposé de fixer ces dépens à un montant total de 21 000 euros. La Commission a précisé que les frais correspondant à l’intervention des barristers mobilisés par la requérante n’étaient pas suffisamment justifiés et qu’ils ne pouvaient donc pas être pris en considération dans sa proposition.

9        Par courrier du 4 décembre 2015, les représentants de la requérante ont rejeté la proposition de la Commission et ont formulé une contre-proposition d’un montant total de 123 664 euros pour les dépens récupérables des deux procédures. À l’appui de cette contre-proposition, ils ont joint les notes de frais et d’honoraires correspondant à l’intervention des barristers dans la procédure de pourvoi.

10      Par courrier du 5 février 2016, la Commission a rejeté cette contre-proposition et a proposé de fixer les dépens récupérables à un montant total de 30 000 euros. En outre, elle a indiqué qu’elle refusait de prendre en charge les honoraires des barristers au motif que les notes de frais et d’honoraires fournies n’offraient pas un décompte suffisamment détaillé des heures travaillées.

11      Par lettre du 20 mai 2016, les représentants de la requérante ont refusé cette nouvelle proposition et ont réclamé à la Commission, à ce stade, un montant total de 98 063 euros. Ils ont également fourni un état plus détaillé des frais et honoraires correspondant à l’intervention des barristers pour la procédure de pourvoi. Ils ont reconnu que ces frais et honoraires s’avéraient inférieurs à ceux initialement réclamés, lesquels incluaient la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) au taux du Royaume-Uni, alors que celle-ci ne peut pas être recouvrée au titre des dépens récupérables.

12      Par courrier du 7 juillet 2016, la Commission a rejeté l’offre de la requérante et a formulé une dernière proposition de fixation des dépens récupérables à l’amiable pour un montant total de 45 300 euros, lequel incluait notamment 12 000 euros au titre de l’intervention des barristers dans le cadre de la procédure de pourvoi devant la Cour.Cette dernière proposition n’a pas été acceptée par la requérante.

13      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 5 décembre 2016, en application de l’article 170, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, la requérante a introduit la présente demande de taxation des dépens, par laquelle elle conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        fixer le montant de ses dépens récupérables dans les affaires T‑11/07 et T‑11/07 RENV à 69 610 euros ;

–        fixer le montant de ses dépens récupérables dans l’affaire C‑73/11 P à 61 776,45 euros ;

–        condamner la Commission à lui payer 5 800 euros au titre des frais relatifs à la présente procédure de taxation.

14      Dans le cadre de ses observations du 21 février 2017 sur la demande de taxation des dépens, la Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        fixer le montant des dépens récupérables de la requérante dans les affaires T‑11/07 et T‑11/07 RENV à 20 000 euros ;

–        rejeter la demande de la requérante dans l’affaire C‑73/11 P dans la mesure où elle se rapporte au travail effectué par les barristers et pour lequel aucun relevé détaillé du temps qui y a été consacré n’a été fourni ;

–        fixer le montant des dépens récupérables de la requérante dans la présente procédure de taxation à 1 750 euros.

 En droit

15      Aux termes de l’article 170, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, s’il y a contestation sur les dépens récupérables, le Tribunal statue par voie d’ordonnance non susceptible de recours à la demande de la partie intéressée, après avoir mis la partie concernée par la demande en mesure de présenter ses observations.

16      Selon l’article 140, sous b), du règlement de procédure, sont considérés comme dépens récupérables les frais indispensables exposés par les parties aux fins de la procédure, notamment les frais de déplacement et de séjour et la rémunération d’un agent, d’un conseil ou d’un avocat. Il découle de cette disposition que les dépens récupérables sont limités aux dépens indispensables exposés aux fins de la procédure devant le Tribunal, y compris, le cas échéant, après renvoi à la suite d’une annulation d’un arrêt du Tribunal sur pourvoi et aux fins de la procédure devant la Cour, dans la mesure où cette dernière ne s’est pas prononcée sur les dépens dans son arrêt rendu sur pourvoi (voir, en ce sens, ordonnances du 18 avril 2006, Euroalliages e.a./Commission, T‑132/01 DEP, non publiée, EU:T:2006:112, point 29, et du 24 janvier 2014, British Aggregates Association/Commission, T‑210/02 RENV‑DEP, non publiée, EU:T:2014:65, point 32).

17      S’agissant des honoraires d’avocats, le juge de l’Union n’est pas habilité à taxer les honoraires dus par les parties à leurs propres avocats, mais à déterminer le montant à concurrence duquel ils peuvent être récupérés auprès de la partie condamnée aux dépens. En statuant sur la demande de taxation des dépens, le Tribunal n’a pas à prendre en considération un tarif national fixant les honoraires des avocats, ni un éventuel accord conclu à cet égard entre la partie intéressée et ses agents ou conseils [voir ordonnances du 8 novembre 1996, Stahlwerke Peine-Salzgitter/Commission, T‑120/89 (92), EU:T:1996:161, point 27 et jurisprudence citée, du 10 janvier 2002, Starway/Conseil, T‑80/97 DEP, EU:T:2002:1, point 26 et jurisprudence citée, et du 26 janvier 2017, Nürburgring/EUIPO – Biedermann (Nordschleife), T‑181/14 DEP, EU:T:2017:41, point 10 et jurisprudence citée].

18      Il ressort de la jurisprudence que, à défaut de dispositions du droit de l’Union de nature tarifaire, le juge de l’Union doit apprécier librement les données de la cause, en tenant compte de l’objet et de la nature du litige, de son importance sous l’angle du droit de l’Union ainsi que des difficultés de la cause, de l’ampleur du travail que la procédure contentieuse a pu causer aux agents ou aux conseils intervenus et des intérêts économiques que le litige a représentés pour les parties (voir ordonnances du 10 janvier 2002, Starway/Conseil, T‑80/97 DEP, EU:T:2002:1, point 27, et du 26 janvier 2017, Nordschleife, T‑181/14 DEP, EU:T:2017:41, point 11 ; voir également ordonnance du 4 mars 2016, Lebedef/Commission, T‑356/13 P‑DEP, non publiée, EU:T:2016:139, point 16 et jurisprudence citée).

19      C’est en fonction de ces critères qu’il convient d’évaluer le montant des dépens récupérables exposés en l’espèce au titre des différentes procédures.

20      La requérante demande au Tribunal de fixer le montant total des dépens récupérables à 137 186,45 euros. Ce montant correspond aux frais afférents aux procédures ayant donné lieu à l’arrêt initial et à l’ordonnance après renvoi, évalués à 69 610 euros, à ceux afférents à la procédure ayant donné lieu à l’arrêt sur pourvoi, évalués à 61 776,45 euros  et aux frais relatifs à la présente procédure de taxation, évalués à 5 800 euros.

21      La Commission estime, en substance, que le montant total de 137 186,45 euros demandé par la requérante n’est pas justifié, et invite le Tribunal à fixer le montant total des dépens récupérables à 21 750 euros.

22      Il y a lieu de préciser que les montants mentionnés par la requérante et par la Commission ne comprennent pas la TVA, laquelle ne peut pas être recouvrée dans les dépens récupérables par un assujetti à la TVA qui la récupère auprès des autorités fiscales dans le cadre courant de ses affaires (voir, en ce sens, ordonnance du 26 janvier 2017, Nordschleife, T‑181/14 DEP, EU:T:2017:41, point 12).

 Sur les dépens récupérables des affaires traitées par le Tribunal ayant donné lieu à l’arrêt initial et à l’ordonnance après renvoi

23      À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que, afin d’apprécier, sur la base des critères indiqués au point 18 ci-dessus, le caractère indispensable des frais effectivement exposés aux fins de la procédure, des indications précises doivent être fournies par le demandeur. Si l’absence de telles informations ne fait pas obstacle à la fixation par le Tribunal, sur la base d’une appréciation équitable, du montant des dépens récupérables, elle le place cependant dans une situation d’appréciation nécessairement stricte en ce qui concerne les revendications du demandeur (voir ordonnance du 4 mars 2016, Lebedef/Commission, T‑356/13 P‑DEP, non publiée, EU:T:2016:139, point 25 et jurisprudence citée).

24      Or, en l’espèce, si la requérante demande au Tribunal de fixer les dépens récupérables afférents aux honoraires de ses conseils exposés dans les affaires ayant donné lieu à l’arrêt initial et à l’ordonnance après renvoi à 69 610 euros, elle n’identifie aucun honoraire exposé dans le cadre de cette dernière affaire. De même, dans le courrier adressé à la Commission daté du 28 avril 2015, les représentants de la requérante ont précisé que le montant de 69 610 euros correspondait aux honoraires exposés par la requérante au titre de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt initial. L’état détaillé des frais et services juridiques supportés par la requérante, annexé à ce courrier, ne fait pas davantage référence à l’affaire ayant donné lieu à l’ordonnance après renvoi.

25      Dès lors, il convient de considérer que les prétentions de la requérante concernant les affaires devant le Tribunal se rapportent exclusivement aux dépens récupérables exposés au titre des honoraires dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt initial, dont il appartient désormais au Tribunal de déterminer le montant.

26      Tout d’abord, s’agissant de l’objet et des difficultés de la cause, l’affaire, qui concernait une procédure relative à une éventuelle aide d’État, soulevait plusieurs questions délicates, compte tenu notamment des arguments soulevés par la requérante. Peuvent notamment être relevés les éléments qui suivent.

27      Premièrement, afin de déterminer si le traitement de la dette fiscale de la requérante par les autorités fiscales slovaques pouvait constituer une aide d’État nouvelle, au sens des dispositions de l’article 87, paragraphe 1, CE, relevant à ce titre de la compétence de la Commission, il était d’abord nécessaire de déterminer si ladite mesure avait été mise en œuvre antérieurement ou postérieurement à l’adhésion de la République slovaque à l’Union européenne le 1er mai 2004. À cet égard, il convenait d’apprécier si la mise en œuvre de cette mesure découlait de la décision du Krajský súd v Košiciach (cour régionale de Košice, Slovaquie) autorisant la procédure de concordat, rendue le 29 avril 2004, ou de l’approbation formelle de la proposition de concordat par l’administration fiscale slovaque, laquelle est intervenue le 9 juillet 2004.

28      Deuxièmement, l’affaire appelait une application du critère du créancier privé en économie de marché assez complexe. En effet, cette affaire soulevait la question de savoir si, en qualifiant le choix fait à l’égard de la dette fiscale de la requérante par les autorités fiscales slovaques d’aide d’État au sens des dispositions de l’article 87, paragraphe 1, CE, la Commission avait utilisé ce critère sans commettre d’erreur de droit ou de fait, en particulier en comparant le bénéfice que l’administration fiscale slovaque avait tiré de la procédure de concordat avec celui qu’elle aurait obtenu d’une procédure de liquidation judiciaire ou d’une procédure d’exécution fiscale. Aux fins de cette appréciation, le Tribunal a consacré 113 points de l’arrêt initial à une analyse comparative approfondie entre, d’une part, la procédure de concordat et, d’autre part, la procédure de liquidation judiciaire et la procédure d’exécution fiscale.

29      Troisièmement, la requérante soutenait, à titre subsidiaire, que la Commission avait commis une erreur de droit ou de fait en n’autorisant pas le concordat en tant qu’aide à la restructuration et en appliquant rétroactivement les lignes directrices communautaires pour les aides d’État au sauvetage et à la restructuration d’entreprises en difficulté (JO 2004, C 244, p. 2).

30      S’agissant de l’importance du litige pour le droit de l’Union, il peut être relevé que la Commission défendait la position selon laquelle il suffisait, pour qu’une procédure suivie par l’administration fiscale concernant la dette fiscale d’une entreprise puisse entrainer une aide d’État, au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE, qu’une autre procédure plus avantageuse pour cette administration ait existé.La question de savoir si, en l’espèce, la Commission avait de manière pertinente démontré que tel était le cas, ce que contestait la requérante, revêtait une importance certaine pour l’application des règles concernant les aides d’État stipulées dans le traité CE, qui figurent désormais dans le traité FUE, car elle devait permettre de préciser quels types de paramètres la Commission devait prendre en compte à cet égard.

31       S’agissant des intérêts économiques que le litige a présentés pour les parties, ce dernier revêtait une importance économique considérable pour la requérante dans la mesure où il portait sur une décision de la Commission susceptible de mettre en cause son existence. La Commission reconnaît d’ailleurs l’importance économique du litige pour la requérante, même si elle estime que la mise en jeu de son existence n’a pas été démontrée.

32       Enfin, en ce qui concerne l’ampleur du travail fourni, la participation effective des conseils de la requérante à la procédure ayant donné lieu à l’arrêt initial s’est concrètement traduite par la rédaction de la requête et de la réplique, par la préparation de l’audience et par la participation à cette dernière, ainsi qu’il ressort de l’état de frais et d’honoraires produit par la requérante.

33      Les difficultés et l’intérêt économique du litige justifient que les solicitors de la requérante y aient consacré un temps important.

34      Toutefois, les explications fournies par la requérante dans sa demande de taxation des dépens ne permettent pas au Tribunal de considérer comme objectivement indispensables aux fins de la procédure l’ensemble des frais dont elle fait état, qui correspondent pour la procédure en cause uniquement à des honoraires.

35      En effet, les 174 heures de travail de deux solicitors mises en avant pour justifier le montant total de 69 610 euros ne sauraient être considérées dans leur totalité comme indispensables, au sens de l’article 140, sous b), du règlement de procédure.

36      L’un des solicitors disposait déjà d’une connaissance étendue du litige, pour avoir assisté la requérante lors de la phase administrative d’examen de la mesure en cause par la Commission. Certains arguments avaient, de plus, déjà été avancés à ce stade. Cette considération est de nature à avoir, tout au moins en partie, facilité le travail réalisé par les conseils de la requérante et réduit le temps qui leur était nécessaire pour préparer la requête (voir, en ce sens, ordonnance du 9 septembre 2015, Smurfit Kappa Group/Commission, T‑304/08 DEP, non publiée, EU:T:2015:707, point 79 et jurisprudence citée).

37      De plus, le montant total de 69 610 euros, réclamé par la requérante au titre des honoraires de ses conseils correspond, ainsi qu’il ressort du tableau de décompte produits par la requérante, à 46 heures facturées par un premier solicitor à un tarif horaire variant entre 520 et 615 euros et à 128 heures facturées par un second solicitor à un tarif horaire variant entre 355 et 400 euros. Ainsi le taux horaire moyen pondéré des solicitors de la requérante s’élève à environ 400 euros.

38      Comme le fait valoir la requérante, un montant d’honoraire approchant les 500 euros par heure a pu être considéré comme non excessif pour un professionnel particulièrement expérimenté capable de travailler de façon très efficace et rapide (voir, en ce sens, ordonnance du 9 septembre 2015, Smurfit Kappa Group/Commission, T‑304/08 DEP, non publiée, EU:T:2015:707,point 87). Toutefois, un tel niveau d’honoraire ne saurait s’appliquer pour les avocats intervenant au soutien de celui-ci (voir, en ce sens, ordonnance du 28 juin 2004, Airtours/Commission, T‑342/99 DEP, EU:T:2004:192, point 52). En l’occurrence, le travail a été réparti entre le solicitor leader et le solicitor qui le secondait, ce dernier ayant, selon le décompte produit par la requérante, fourni plus de 70% du volume horaire de travail, ce qui conduit au montant d’honoraire moyen d’environ 400 euros par heure. Le Tribunal admet qu’en lui-même ce montant horaire n’est pas inhabituel pour des conseils expérimentés spécialisés en droit européen de la concurrence. Toutefois, des honoraires de cet ordre de grandeur pour des conseils expérimentés et spécialisés justifient en contrepartie, comme la Commission le fait valoir, que dans le cadre de la détermination des dépens récupérables, l’évaluation du nombre d’heures total de travail nécessaire soit faite strictement (voir, en ce sens, ordonnance du 20 novembre 2012Al Shanfari/Conseil et Commission, T‑121/09 DEP, non publiée, EU:T:2012:607, point 40 et jurisprudence citée).

39      Enfin, il appartient au Tribunal de tenir principalement compte du nombre total d’heures de travail pouvant apparaître comme objectivement indispensables aux fins de la procédure contentieuse, indépendamment du nombre de conseils entre lesquels les prestations effectuées ont pu être réparties (voir ordonnances du 28 juin 2004, Airtours/Commission, T‑342/99 DEP, EU:T:2004:192, point 30 et jurisprudence citée, du 9 septembre 2015, Smurfit Kappa Group/Commission, T‑304/08 DEP, non publiée, EU:T:2015:707,point 67, et du 10 septembre 2015, UOP/Commission, T‑198/09 DEP, EU:T:2015:693, point 27 et jurisprudence citée). À cet égard, la répartition du travail de préparation des actes de procédure entre plusieurs conseils implique nécessairement une certaine duplication des efforts entrepris (voir ordonnance du 10 septembre 2015, UOP/Commission, T‑198/09 DEP, EU:T:2015:693, point 27 et jurisprudence citée), de sorte que le Tribunal ne saurait reconnaître la totalité des heures de travail réclamées au titre des dépens récupérables.

40      Au vu des considérations qui précèdent, il sera fait une juste appréciation des dépens récupérables par la requérante en les fixant à 44 000 euros au titre des honoraires de ses conseils engagés dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt initial, ce qui correspond à 110 heures de travail sur les 174 heures facturées à la requérante, au taux horaire moyen pondéré de 400 euros par heure.

 Sur les dépens récupérables de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt sur pourvoi

41      En premier lieu, s’agissant de l’objet et des difficultés de la cause, le pourvoi s’appuyait sur des moyens assez classiques dans le cadre d’une telle procédure, pris d’une erreur de droit dans l’application du critère du créancier privé en économie de marché pour déterminer si une mesure étatique prise à l’égard d’une entreprise redevable d’une dette fiscale constitue une aide d’État, au sens de l’article  87, paragraphe 1, CE, et pris d’une substitution de motifs irrégulière, dont le traitement a amené la Cour à procéder à l’annulation de l’arrêt initial. Néanmoins, eu égard aux dispositions de l’article 20 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et de l’article 175, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, le président de cette dernière a autorisé le dépôt d’un mémoire en réplique, qui a été suivi de mémoires en duplique de la Commission et de la partie intervenante qui la soutenait et la Cour a décidé que l’affaire serait jugée avec des conclusions de l’avocat général, ce qui indique qu’elle présentait un certain degré de difficulté et d’importance.

42      En deuxième lieu, compte tenu des enjeux juridiques du recours en annulation de la décision litigieuse identifiés au point 30 ci-dessus et de la réponse qu’avait apportée le Tribunal dans l’arrêt initial, le pourvoi, susceptible de déboucher sur la confirmation de cet arrêt ou sur son annulation, revêtait une importance certaine sous l’angle du droit de l’Union.

43      En troisième lieu, les enjeux économiques pour la requérante, identifiés au point 31 ci-dessus, étaient naturellement les mêmes qu’au stade du recours en annulation contre la décision litigieuse.

44      En quatrième lieu, en ce qui concerne l’ampleur du travail fourni qui peut être retenue pour l’évaluation des dépens récupérables, au sens de l’article 140, sous b), du règlement de procédure, elle doit en tout état de cause être limitée à ce qui a trait à la rédaction du pourvoi, à la préparation de l’audience et à la participation à cette dernière. En effet, le travail lié à la prise de connaissance du dossier par les barristers que la requérante a souhaité s’adjoindre au stade du pourvoi ne saurait être considéré comme donnant lieu à des frais indispensables, puisque, en l’absence de circonstances particulières, la requérante n’était pas obligée de recourir à ces conseils supplémentaires pour introduire son pourvoi (voir, par analogie, ordonnance du 28 juin 2004, Airtours/Commission, T‑342/99 DEP, EU:T:2004:192, point 44). Or, les états de frais et d’honoraires produits par la requérante mentionnent, pour chacun des barristers, des tâches relevant manifestement de la prise de connaissance du dossier dans les premiers jours de leur travail. S’agissant des autres tâches des conseils de la requérante, les questions soulevées et l’intérêt économique du litige justifient que ceux-ci aient consacré un travail important à la rédaction du pourvoi et de la réplique ainsi qu’à la préparation de l’audience. Toutefois, les explications fournies par la requérante dans sa demande de taxation des dépens ne permettent pas au Tribunal de considérer comme objectivement indispensables aux fins de la procédure l’ensemble des frais dont elle fait état pour la rédaction des écritures, la préparation de l’audience et la participation à cette dernière.

45      La requérante réclame pour la procédure ayant conduit à l’arrêt sur pourvoi 61 776,45 euros correspondant aux interventions, d’une part, de deux solicitors, à la hauteur de 9,75 heures pour un montant total de 5 112,50 euros et d’autre part, de deux barristers pour un montant total de 56 663,95 euros, mais sans préciser le nombre d’heures de travail de ces derniers qui effectuaient une prestation au forfait.

46       Les états de frais et d’honoraires produits par la requérante contiennent cependant un descriptif des tâches accomplies par chaque solicitor et par chaque barrister.

47      Néanmoins, s’agissant des prestations des barristers, l’absence d’informations précises concernant les taux horaires et le temps passé pour chaque poste rend difficile la vérification précise des dépens exposés aux fins de la procédure et de ceux qui ont été indispensables à ces fins, et conduit le Tribunal à une appréciation nécessairement stricte des dépens récupérables [voir, en ce sens, ordonnance du 21 mai 2014, Esge/OHMI – De'Longhi Benelux (KMIX), T‑444/10 DEP, non publiée, EU:T:2014:356, point 19 et jurisprudence citée].

48      En outre, il convient de rappeler, ainsi qu’il est dit au point 39 ci-dessus, que, s’il était loisible à la requérante de confier la défense de ses intérêts à plusieurs conseils, il appartient cependant au Tribunal de tenir compte principalement du nombre total d’heures de travail pouvant apparaître comme objectivement indispensables aux fins de la procédure contentieuse, indépendamment du nombre de conseils entre lesquels les prestations effectuées ont pu être réparties.

49      S’agissant, plus spécifiquement, du choix fait par une partie de recourir aux services conjoints de solicitors et de barristers, il ressort de la jurisprudence que, lorsqu’une partie décide de se faire représenter à la fois par un solicitor et par un barrister, il ne s’ensuit pas que les honoraires dus à l’un et à l’autre ne doivent pas être considérés comme des frais indispensables aux fins de la procédure au sens de l’article 140, sous b), du règlement de procédure. Pour procéder à la taxation des dépens dans ces circonstances, il incombe cependant au Tribunal d’examiner la mesure dans laquelle les prestations effectuées par l’ensemble des conseils concernés étaient nécessaires pour le déroulement de la procédure judiciaire et de s’assurer que l’engagement des deux catégories de conseils n’a pas entraîné une duplication inutile des frais (voir ordonnances du 28 juin 2004, Airtours/Commission, T‑342/99 DEP, EU:T:2004:192, point 44 et du 21 mai 2014, KMIX, T‑444/10 DEP, non publiée, EU:T:2014:356, point 21 et jurisprudence citée).

50      À cet égard, au-delà des tâches correspondant à la prise de connaissance du dossier par les barristers qui apparaissent dans leurs états de frais et d’honoraires et qui ont été examinées au point 44 ci-dessus, les tâches de coordination entre ceux-ci et les solicitors, par courriers électroniques, par entretiens téléphoniques et à l’occasion d’une rencontre, comme par exemple l’entretien téléphonique du 11 février 2011 pour M. Holmes, ne peuvent, pour la même raison, pas non plus être prises en compte pour calculer le montant de dépens récupérables puisque l’intervention des barristers résulte d’un choix qui ne s’imposait pas à la requérante.

51      Par ailleurs, il convient de relever que les deux solicitors et les deux barristers étaient présents à l’audience. Or, il ne saurait être considéré, en l’espèce, que la présence de quatre conseils à l’audience était indispensable.

52      Ainsi, il sera fait une juste appréciation des honoraires d’avocats récupérables dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt sur pourvoi en les fixant à un montant total de 29 838 euros, ce qui correspond, compte tenu de la proportion des tâches des différents conseils de la requérante considérées comme indispensables aux fins de la procédure, à 5,75 heures de travail pour les solicitors sur les 9,75 heures facturées à la requérante, au taux horaire moyen pondéré de 400 euros par heure, ainsi qu’à environ 56 % de sa rémunération forfaitaire pour le premier barrister et à environ 42 % de sa rémunération forfaitaire pour le second barrister.

53      En outre, au titre des frais de l’un des barristers, la requérante demande, d’une part, un montant de 116,18 euros correspondant à des services de courrier et, d’autre part, un montant de 285,81 euros afférents à des frais de déplacement.

54      S’agissant des frais de courrier de 116,18 euros, ce montant n’étant pas excessif, ces frais peuvent être considérés comme des dépens récupérables même si leur montant n’est justifié par aucun document (voir, en ce sens et par analogie, ordonnance du 21 mai 2014, KMIX, T‑444/10 DEP, non publiée, EU:T:2014:356, point 35).

55      En ce qui concerne les frais de déplacement, il ressort du dossier que ces frais étaient destinés à permettre à l’un des barristers de se rendre à une réunion avec les solicitors. Or, comme il a été indiqué au point 50 ci-dessus, les frais de coordination entre les barristers et les solicitors de la requérante ne sauraient en l’espèce être considérés comme ayant été indispensables, et donc comme des dépens récupérables.

56      Au vu des considérations qui précèdent, il sera fait une juste appréciation des dépens récupérables en les fixant à 29 954,18 euros au titre de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt sur pourvoi.

 Sur les dépens récupérables de la procédure de taxation des dépens

57      S’agissant des frais engagés au titre de la présente procédure, que la requérante estime à 5 800 euros, il convient de souligner que le Tribunal, en fixant les dépens récupérables, tient compte de toutes les circonstances de l’affaire jusqu’au moment du prononcé de l’ordonnance de taxation des dépens (voir ordonnance du 10 septembre 2015, UOP/Commission, T‑198/09 DEP, non publiée, EU:T:2015:693, point 14 et jurisprudence citée). En l’occurrence, doit être pris en considération le fait que les positions des parties sur l’évaluation des dépens récupérables étaient très éloignées de l’évaluation retenue par le Tribunal et qu’aucune ne peut par conséquent être considérée comme ayant à elle seule provoqué la présente procédure. Il faut aussi prendre en compte le fait que les documents à préparer dans le cadre d’une procédure de taxation des dépens sont pour l’essentiel standardisés et ne comportent aucune difficulté juridique ou technique (voir ordonnance du 9 septembre 2015, Smurfit Kappa Group/Commission, T‑304/08 DEP, non publiée, EU:T:2015:707,point 91 et jurisprudence citée). Dès lors, le montant de 5 800 euros, demandé par la requérante apparaît comme étant manifestement excessif et il sera fait une juste appréciation des dépens récupérables par la requérante au titre des frais engagés pour la présente procédure en les fixant à 3 000 euros.

 Sur l’ensemble des dépens récupérables

58      Il résulte de tout ce qui précède que le montant des dépens récupérables dans les affaires traitées par le Tribunal, ayant donné lieu à l’arrêt initial ainsi qu’à l’ordonnance après renvoi, est égal à 44 000 euros, que celui des dépens récupérables dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt sur pourvoi est égal à 29 954,18 euros et que celui des dépens récupérables de la procédure de taxation des dépens est égal à 3 000 euros, ce qui aboutit à un total de 76 954,18 euros.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre)

ordonne :

1)      Le montant total des dépens à rembourser par la Commission à Frucona Košice a.s. est fixé à 76 954,18 euros.

Fait à Luxembourg, le 20 septembre 2017.

Le greffier

 

Le président

E. Coulon

 

S. Gervasoni


*      Langue de procédure : l’anglais.