Language of document : ECLI:EU:T:2013:144

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

20 mars 2013 (*)

« Aides d’État – Aide accordée par la Bulgarie sous la forme d’un abandon de créances – Décision déclarant cette aide incompatible avec le marché intérieur et ordonnant sa récupération – Aide nouvelle – Distorsion de la concurrence – Obligation de motivation »

Dans l’affaire T‑489/11,

Rousse Industry AD, établie à Rousse (Bulgarie), représentée par Mes A. Angelov et S. Panov, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. C. Urraca Caviedes et D. Stefanov, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation partielle de la décision 2012/706/UE de la Commission, du 13 juillet 2011, relative à l’aide d’État SA.28903 (C 12/2010) (ex N 389/2009) mise à exécution par la Bulgarie en faveur de Rousse Industry (JO 2012, L 320, p. 27),

LE TRIBUNAL (quatrième chambre),

composé de Mmes I. Pelikánová (rapporteur), président, K. Jürimäe et M. M. van der Woude, juges,

greffier : Mme T. Weiler, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 5 décembre 2012,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        La requérante, Rousse Industry AD, a été créée en 1991 et est active dans la production et la réparation de structures métalliques, de grues, de bateaux et d’équipements navals. Le 27 avril 1999, 80 % de ses parts ont été acquises par la société Rousse Beteiligungsgesellschaft mbH.

2        En 1996 et 1997, la requérante a conclu avec le Fonds national bulgare pour la reconstruction et le développement (DFRR) des accords de prêts d’un montant total initial de 8 450 000 dollars américains (USD).

3        Le 8 avril 1999, dans le cadre de la privatisation de la requérante, un accord a été conclu entre Rousse Beteiligungsgesellschaft et le ministère des Finances bulgare, qui a pris en charge les créances du DFRR (ci-après l’« accord de 1999 »). D’une part, cet accord prévoyait, que la dette de la requérante, d’un montant de 8 000 000 USD, majoré d’intérêts, serait convertie en euros à la date du transfert de la propriété des actions à Rousse Beteiligungsgesellschaft. D’autre part, l’accord de 1999 prévoyait qu’il serait conclu, au terme du processus de privatisation, un accord entre ledit ministère des Finances et la requérante, un contrat de novation des obligations de cette dernière, au titre duquel le remboursement de la dette débuterait le 1er décembre 2000, pour être soldé le 30 juin 2006.

4        Le 21 mai 2001, le ministère des Finances bulgare et la requérante ont conclu un accord aux termes duquel le remboursement intégral de la dette envers l’État, majorée d’intérêts, était reporté au 30 septembre 2015 (ci-après le « rééchelonnement de 2001 »).

5        En vertu du rééchelonnement de 2001, la dette se composait du principal, d’un montant de 7 970 000 euros, et d’intérêts, arrêtés à la date du 1er avril 1999, d’un montant de deux millions d’euros. Il prévoyait que le remboursement du principal serait accompagné du versement d’intérêts annuels de 1 % et, en cas de retard de paiement par rapport à l’échéancier convenu, d’intérêts de retard de 3 %.

6        Il ressort du tableau d’amortissement annexé au rééchelonnement de 2001 que le paiement des intérêts, y inclus les arriérés accumulés depuis le 31 mars 1999, devait reprendre, sur une base semestrielle, dès le 31 mars 2001, tandis que, pour le remboursement du capital, une période de grâce était accordée à la débitrice jusqu’au 31 mars 2006. À cette fin étaient prévues 28 échéances semestrielles, dont les 8 premières ne concernaient que les intérêts courants et arriérés depuis le 31 mars 1999, les 18 suivantes, dues à partir du 31 mars 2006, relevant du remboursement du capital et des intérêts courants et, les 2 dernières, exigibles le 31 mars et le 30 septembre 2015, représentant les intérêts arriérés jusqu’au 31 mars 1999.

7        Or, à l’expiration du délai de grâce, le 31 mars 2006, la requérante n’a pas payé les échéances dues au titre du rééchelonnement de 2001, le seul paiement effectué à la date du 3 décembre 2010 étant un montant de 245 000 euros, remboursé en juillet 2008.

8        En juillet 2008, la requérante a proposé de payer un million d’euros d’arriérés en deux tranches égales, en octobre 2008 et en février 2009. Cependant, malgré deux reports accordés par les autorités bulgares et trois rappels envoyés en février 2009 et en avril et juin 2010, lesdits paiements n’ont pas été effectués.

9        Par lettre du 4 juin 2009, la requérante a sollicité des autorités bulgares un nouveau rééchelonnement de sa dette jusqu’en 2019, assorti d’un délai de grâce jusqu’en 2012. À la suite de cette demande, le 30 juin 2009, la République de Bulgarie a notifié à la Commission des Communautés européennes son projet de rééchelonnement de la dette en cause, chiffrée à 9 850 000 euros, en tant qu’aide à la restructuration.

10      Le 14 avril 2010, la Commission a ouvert la procédure formelle d’examen prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE, concernant l’aide notifiée le 30 juin 2009 et concernant l’absence de recouvrement des arriérés dus par la requérante au titre du rééchelonnement de 2001.

11      En juillet 2010, la requérante s’est engagée, envers les autorités bulgares, à rembourser tous les arriérés et impayés en deux tranches égales, en juillet et août 2010. Elle n’a cependant pas respecté cet engagement.

12      Le 3 novembre 2010, les autorités bulgares ont officiellement demandé le remboursement des sommes en question. À cette date, la requérante avait remboursé, au total, un million d’euros dus conformément au rééchelonnement de 2001, dont 245 000 euros au titre du principal, 705 000 euros d’intérêts et 50 000 euros d’intérêts de retard. Le dernier paiement effectué par la requérante datait du 11 juillet 2008. Le montant des arriérés était d’environ 3 700 000 euros, dont 3 400 000 euros au titre du principal, 151 000 euros d’intérêts et 140 000 euros d’intérêts de retard.

13      Le 11 novembre 2010, en l’absence de paiement à la suite de leur demande de remboursement, les autorités bulgares ont ouvert une procédure d’insolvabilité à l’encontre de la requérante.

14      Le 23 novembre 2010, les autorités bulgares ont retiré leur notification concernant le projet de rééchelonnement de la dette de la requérante.

15      Le 22 mars 2011, l’Agence nationale des recettes bulgare a retiré la demande d’ouverture de la procédure d’insolvabilité à l’encontre de la requérante.

16      Le 13 juillet 2011, la Commission a adopté la décision 2012/706/UE, relative à l’aide d’État SA.28903 (C 12/2010) (ex N 389/2009 mise à exécution par la Bulgarie en faveur de Rousse Industry (JO 2012, L 320, p. 27, ci-après la « décision attaquée »). Selon l’article 2 de cette décision, l’abstention de l’État bulgare d’exiger de manière efficace, depuis le 1er janvier 2007, le paiement des sommes qui lui sont dues constitue une aide d’État illégale et incompatible avec le marché intérieur. Selon l’article 3 de la même décision, la République de Bulgarie doit recouvrer immédiatement et effectivement ladite aide, en appliquant aux montants à rembourser des intérêts de retard conformément au chapitre V du règlement (CE) n° 794/2004 de la Commission, du 21 avril 2004, concernant la mise en œuvre du règlement (CE) n° 659/1999 du Conseil portant modalités d’application de l’article 93 [CE] (JO L 140, p. 1).

17      Par lettre du 2 septembre 2011, l’Agence nationale des recettes bulgare a informé la Commission que la requérante avait effectué, entre le 3 décembre 2010 et le 10 juillet 2011, divers paiements d’un montant total de 4 200 000 euros, remboursant ainsi intégralement les arriérés dus au titre du rééchelonnement de 2001. Dans la même lettre, elle demandait des précisions quant à la question de savoir s’il y avait lieu d’appliquer les intérêts supplémentaires exigibles en vertu de l’article 3 de la décision attaquée, compte tenu du fait que les arriérés avaient été payés avant même l’adoption de celle-ci.

 Procédure et conclusions des parties

18      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 20 septembre 2011, la requérante a introduit le présent recours.

19      Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le même jour, la requérante a introduit une demande de sursis à l’exécution de la décision attaquée. Cette demande a été rejetée par ordonnance du président du Tribunal du 14 octobre 2011, Rousse Industry/Commission (T‑489/11 R, non publiée au Recueil), et les dépens ont été réservés.

20      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (quatrième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 du règlement de procédure du Tribunal, a posé des questions écrites aux parties. Les parties ont répondu à ces questions dans le délai imparti.

21      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 5 décembre 2012.

22      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler les articles 2 à 5 de la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

23      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

24      Au soutien de son recours, la requérante invoque trois moyens, tirés, premièrement, d’erreurs de la Commission lors de la constatation de l’existence d’une aide illégale, deuxièmement, d’une violation de l’obligation de motivation et, troisièmement, d’une violation de l’article 14 du règlement (CE) n° 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article [108 TFUE] (JO L 83, p. 1).

 Sur le premier moyen, tiré d’erreurs lors de la constatation de l’existence d’une aide illégale

25      Dans le cadre de son premier moyen, la requérante invoque quatre griefs, tirés de ce que, premièrement, la prétendue aide n’est pas, en tout état de cause, une aide nouvelle, deuxièmement, les autorités bulgares ont pris des mesures tendant à recouvrer effectivement la créance, troisièmement, elle n’a tiré aucun avantage de la prétendue aide et, quatrièmement, il n’existe aucune preuve d’une distorsion de la concurrence et de l’affectation des échanges entre États membres.

26      Il convient, dans un premier temps, de déterminer avec précision les faits faisant l’objet de la décision attaquée, avant d’examiner, dans un deuxième temps, si ces faits sont constitutifs d’une aide d’État, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. Dans l’affirmative, dans un troisième temps, il y aura lieu de vérifier si cette aide doit être qualifiée d’aide nouvelle, au sens de l’article 1er, sous c), du règlement n° 659/1999.

 Sur les faits faisant l’objet de la décision attaquée

27      Le raisonnement de la Commission, tant dans la décision attaquée que dans ses écritures devant le Tribunal, repose sur la prémisse selon laquelle l’inaction prolongée des autorités bulgares face au non-respect de l’échéancier prévu par le rééchelonnement de 2001 constitue en elle-même une aide d’État, ce que la requérante conteste. Selon cette dernière, le rééchelonnement de 2001, qui constitue lui-même une aide existante, au sens de l’article 1er, sous b), du règlement n° 659/1999, n’a pas été substantiellement modifié par l’inaction des autorités bulgares critiquée par la Commission.

28      À cet égard, il y a lieu de constater, tout d’abord, que « l’élément d’aide incompatible » est défini, au considérant 59 de la décision attaquée, comme « le montant dû et impayé conformément au rééchelonnement de 2001, depuis le 1er janvier 2007 jusqu’au 11 novembre 2010, lorsque la [République de] Bulgarie a enregistré sa créance dans la procédure d’insolvabilité ». Il découle donc clairement de la décision attaquée que la mesure d’aide qui y est déclarée incompatible avec le marché intérieur est constituée uniquement par l’inaction des autorités bulgares entre le 1er janvier 2007 et le 11 novembre 2010, et non par le rééchelonnement de 2001, que la Commission ne qualifie d’aide d’État dans aucune de ses écritures.

 Sur la qualification d’aide d’État de l’inaction des autorités bulgares

29      La qualification d’aide requiert que toutes les conditions visées à l’article 107, paragraphe 1, TFUE soient remplies. Ainsi, premièrement, il doit s’agir d’une intervention de l’État ou au moyen de ressources d’État. Deuxièmement, cette intervention doit être susceptible d’affecter les échanges entre États membres. Troisièmement, elle doit accorder un avantage à son bénéficiaire. Quatrièmement, elle doit fausser ou menacer de fausser la concurrence (arrêt de la Cour du 23 mars 2006, Enirisorse, C‑237/04, Rec. p. I‑2843, points 38 et 39).

30      S’agissant, en premier lieu, de la condition relative à l’avantage dont l’entreprise doit bénéficier, l’inaction des autorités bulgares face au non-respect répété et prolongé, par la requérante, de ses engagements au titre du rééchelonnement de 2001, tant qu’elle durait, permettait à la requérante de ne pas devoir débourser des sommes que, conformément au rééchelonnement de 2001, elle aurait dû payer à l’État bulgare.

31      Il convient de souligner, à cet égard, que les paiements effectués par la requérante entre le 3 décembre 2010 et le 10 juillet 2011 et qui couvrent la totalité des sommes dues, jusqu’à cette dernière date, au titre du rééchelonnement de 2001, ne peuvent pas être pris en compte dans le calcul de l’avantage dont a bénéficié la requérante.

32      En effet, d’une part, il ressort de la définition de l’élément d’aide incompatible figurant au considérant 59 de la décision attaquée, citée au point 28 ci-dessus, que l’horizon temporel de l’aide faisant l’objet de la décision attaquée ne s’étend pas au-delà de la date du 11 novembre 2010, date à laquelle les autorités bulgares ont enregistré leur créance dans le cadre de la procédure de liquidation.

33      D’autre part, conformément à une jurisprudence constante, la légalité d’une décision en matière d’aides d’État doit être appréciée en fonction des éléments dont la Commission disposait au moment où elle l’a arrêtée (arrêts de la Cour du 13 juin 2002, Pays-Bas/Commission, C‑382/99, Rec. p. I‑5163, point 49, et du 14 septembre 2004, Espagne/Commission, C‑276/02, Rec. p. I‑8091, point 31) et il ne saurait donc être reproché à la Commission de ne pas avoir tenu compte d’éventuels éléments de fait ou de droit qui auraient pu lui être présentés pendant la procédure administrative mais qui ne l’ont pas été (arrêt du Tribunal du 14 janvier 2004, Fleuren Compost/Commission, T‑109/01, Rec. p. II‑127, point 49). Par conséquent, la Commission ayant été informée pour la première fois des paiements en cause par la lettre de l’Agence nationale des recettes bulgare du 2 septembre 2011 (voir point 17 ci-dessus), le défaut de prise en compte de ces paiements ne saurait affecter la légalité de la décision attaquée, adoptée le 13 juillet 2011.

34      En tout état de cause, ainsi que la Commission l’a souligné lors de l’audience, lesdits paiements ne privent pas d’objet le présent recours. En effet, mis à part le fait que la requérante pourrait éventuellement avoir un intérêt à faire constater l’illégalité de la décision attaquée, même après avoir payé les arriérés qui demeuraient à sa charge, il importe de souligner qu’une partie des intérêts supplémentaires imposés par la décision attaquée, d’un montant à déterminer, reste à récupérer auprès de la requérante.

35      En outre, contrairement aux allégations de cette dernière, les autorités bulgares n’ont, de toute évidence, pas agi comme l’aurait fait un créancier privé dans les circonstances de l’espèce.

36      Tout d’abord, dans la mesure où la requérante remet en cause le critère même du créancier privé, il convient de renvoyer à la jurisprudence constante selon laquelle, dans le cas où un créancier public accorde des facilités de paiement, son comportement doit être comparé à celui d’un créancier privé qui cherche à récupérer des sommes qui lui sont dues par un débiteur qui connaît des difficultés financières (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 29 avril 1999, Espagne/Commission, C‑342/96, Rec. p. I‑2459, point 46, et du 29 juin 1999, DM Transport, C‑256/97, Rec. p. I‑3913, point 24 ; arrêt du Tribunal du 11 juillet 2002, HAMSA/Commission, T‑152/99, Rec. p. II‑3049, point 167).

37      Ensuite, s’agissant de l’application, en l’espèce, du principe du créancier privé, il ressort des constatations figurant dans la décision attaquée, non contestées par la requérante, que cette dernière se trouvait constamment, pendant toute la période considérée, en retard de paiement pour des sommes considérables, dépassant les trois millions d’euros depuis le mois de mars 2010, et avait même cessé tout paiement depuis le mois de juillet 2008. En outre, son chiffre d’affaires était en baisse constante depuis des années. Ainsi, en 2008, son chiffre d’affaires, d’un montant de 7,035 millions d’euros, était même inférieur au montant de la créance faisant l’objet du rééchelonnement de 2001. De plus, la requérante affichait des pertes croissantes, dépassant les 50 % du chiffre d’affaires en 2008, sans qu’une perspective de rétablissement de sa viabilité ne soit en vue. Dans ces circonstances, la Commission a constaté à bon droit, au considérant 50 de la décision attaquée, qu’un créancier privé aurait pris des mesures d’exécution forcée des obligations de la requérante au titre du rééchelonnement de 2001, afin de récupérer au moins une partie de sa créance.

38      À cet égard, premièrement, il convient de rejeter le grief fondé sur les allégations de la requérante selon lesquelles les autorités bulgares ont pris des mesures tendant à recouvrer effectivement la créance, à savoir des rappels de l’obligation de paiement et le lancement d’une procédure de liquidation. À cet égard, d’une part, il suffit d’observer que de simples rappels de paiement qui, malgré un défaut de paiement persistant de la part du débiteur, ne sont pas suivis d’autres mesures plus contraignantes telles que, en particulier, des mesures d’exécution forcée ne sauraient être qualifiés de mesures de recouvrement effectif d’une créance. D’autre part, s’agissant de la procédure de liquidation, force est de constater que cette dernière n’a été ouverte que le 11 novembre 2010, à la suite de l’ouverture, par la Commission, de la procédure formelle d’examen, le 14 avril 2010 (voir points 10 et 13 ci-dessus). Or, c’est précisément pour la période précédant le 11 novembre 2010 que la Commission reproche aux autorités bulgares de ne pas avoir pris de mesures de recouvrement effectives.

39      Deuxièmement, si la requérante fait valoir que de telles mesures auraient définitivement compromis le recouvrement de la créance, force est de constater qu’elle n’a soumis aucun élément susceptible de démontrer qu’il existait, pendant la période comprise entre le 1er janvier 2007 et le 11 novembre 2010, des indices concrets et crédibles de son prochain retour à la rentabilité, de nature à pouvoir persuader un créancier privé de s’abstenir de prendre des mesures d’exécution forcée.

40      Troisièmement, la requérante prétend n’avoir tiré aucun avantage de la prétendue aide, car, en dépit du rééchelonnement de 2001 et du non-recouvrement de la créance, elle a eu un résultat d’exploitation de plus en plus faible. Il suffit de relever, à cet égard, que le résultat d’exploitation de la requérante aurait, selon toute probabilité, été encore moindre dans l’hypothèse d’une exécution forcée de la dette litigieuse. Par ailleurs, le fait, pour une société commerciale, d’être exempte du paiement d’une somme constitue déjà un avantage en soi, sans qu’il y ait lieu pour la Commission de démontrer que ce fait a amélioré le résultat d’exploitation de ladite société. Cela est vrai tant dans l’hypothèse où la société en cause disposait des liquidités nécessaires au paiement que dans l’hypothèse inverse. En effet, dans la première hypothèse, l’état desdites liquidités s’en trouvait amélioré et, dans la seconde, elle évitait de devoir contracter un emprunt rémunéré. Par conséquent, il convient de rejeter cet argument comme non fondé.

41      Quatrièmement, la requérante a fait valoir, dans ses réponses aux questions écrites du Tribunal, que la dette litigieuse n’était pas seulement couverte par des actifs immobiliers gagés, d’une valeur de 590 000 euros, contrairement à ce qui est indiqué au considérant 48 de la décision attaquée, mais que d’autres actifs servaient également de garantie, portant ainsi la valeur de cette dernière à 8 311 008,11 euros, valeur qui excédait même celle de la dette litigieuse. Elle a produit, en même temps, une liste de ses actifs mis en gage, extraite du registre central des sûretés près le ministère de la Justice bulgare. La requérante estime ainsi qu’il ne saurait être question d’un avantage pour elle ni d’une réduction, même potentielle, du patrimoine de l’État bulgare.

42      À cet égard, d’une part, il convient de constater que, ainsi que la Commission l’a relevé lors de l’audience, ces faits ont été mentionnés pour la première fois dans les réponses de la requérante, du 5 novembre 2012, aux questions écrites du Tribunal. De plus, ils entrent en contradiction avec le contenu des écritures antérieures de la requérante, puisque, dans la requête, celle-ci, cherchant à justifier l’attitude passive des autorités bulgares, avait, au contraire, tiré argument de l’insuffisance de ses actifs garantissant la dette litigieuse, en affirmant que cette circonstance aurait empêché définitivement l’État bulgare, dans l’hypothèse d’une exécution forcée, de recouvrer le solde de la créance.

43      D’autre part, même à supposer fondées les allégations de la requérante s’agissant de la valeur nominale des actifs mis en gage pour garantir la dette litigieuse, cela ne permettrait pas de remettre en cause la conclusion tirée au point 37 ci-dessus, selon laquelle un créancier privé aurait pris des mesures d’exécution forcée du rééchelonnement de 2001. En effet, ainsi que la Commission l’a fait valoir à juste titre lors de l’audience, les gages mobiliers figurant sur la liste produite par la requérante étant susceptibles de perdre de leur valeur, cela constituait une raison de plus pour les autorités bulgares de ne pas retarder la prise de mesures d’exécution forcée. En outre, même à supposer que la valeur nominale des actifs mis en gage fût réelle, cela n’aurait fait que démontrer plus nettement encore qu’une exécution forcée aurait permis de récupérer les montants exigibles.

44      Par conséquent, il convient de rejeter cet argument de la requérante, sans qu’il soit besoin de statuer sur la demande de la Commission, présentée lors de l’audience, tendant à ce que soient écartées comme irrecevables ces nouvelles allégations de la requérante, ainsi que les preuves qui y sont relatives.

45      L’avantage dont a bénéficié la requérante est donc constitué par le fait de ne pas avoir dû payer, pendant la période allant du 1er janvier 2007 au 11 novembre 2010, les sommes dues au titre du rééchelonnement de 2001. Au considérant 59 de la décision attaquée, la Commission a provisoirement estimé ces sommes à 3,7 millions d’euros, tout en précisant que des paiements ultérieurs pouvaient être déduits du montant à récupérer par les autorités bulgares.

46      En ce qui concerne, en deuxième lieu, la condition relative à l’emploi de ressources étatiques, il convient de relever, ainsi que la Commission l’a fait au considérant 44 de la décision attaquée, que l’absence de recouvrement d’une créance par l’État bulgare avait pour conséquence nécessaire une diminution du patrimoine de ce dernier, par rapport à la situation de complet recouvrement de la créance. Il est vrai, ainsi que la requérante le fait valoir, que l’État bulgare a finalement recouvré la totalité des sommes en cause, à la suite des paiements effectués entre le 3 décembre 2010 et le 10 juillet 2011. Toutefois, d’une part, au regard de la situation économique de la requérante, telle que décrite aux points 35 et 39 ci-dessus, un tel recouvrement était tout sauf certain. L’État bulgare courait donc le risque, en demeurant inactif, de voir la situation économique de la requérante se dégrader davantage et sa créance devenir irrécouvrable en son entièreté. D’autre part, l’État bulgare a subi une perte en intérêts en raison de la récupération tardive des sommes en cause. Cette perte n’est pas compensée par les intérêts de retard au taux de 3 % prévus par le rééchelonnement de 2001, puisque ces derniers se situent en dessous du taux d’intérêt que la République de Bulgarie devait elle-même payer pour ses emprunts entre 2007 et 2010, ainsi qu’il découle des données produites par la Commission en réponse aux questions écrites du Tribunal, non contestées par la requérante.

47      En troisième lieu, ainsi que la Commission l’a indiqué à bon droit au considérant 45 de la décision attaquée, au demeurant sans être contredite par la requérante, l’avantage perçu par cette dernière présentait un caractère sélectif, puisqu’elle était la seule entreprise à en profiter.

48      En quatrième lieu, s’agissant des conditions relatives à la distorsion de la concurrence et à l’affectation des échanges entre les États membres, la requérante fait valoir que les constatations de la Commission figurant, à cet égard, dans la décision attaquée ne reposent sur aucune preuve.

49      Selon une jurisprudence constante, aux fins de la qualification d’une mesure nationale en tant qu’aide d’État, il y a lieu non pas d’établir une incidence réelle de l’aide sur les échanges entre États membres et une distorsion effective de la concurrence, mais seulement d’examiner si l’aide est susceptible d’affecter ces échanges et de fausser la concurrence (voir arrêts de la Cour du 10 janvier 2006, Cassa di Risparmio di Firenze e.a., C‑222/04, Rec. p. I‑289, point 140, et la jurisprudence citée, et du 30 avril 2009, Commission/Italie et Wam, C‑494/06 P, Rec. p. I‑3639, point 50).

50      En l’espèce, la Commission a constaté, au considérant 46 de la décision attaquée, que la requérante produisait des biens qui étaient librement commercialisés au sein de l’Union européenne et a estimé, dès lors, que les conditions d’affectation de la concurrence et des échanges au sein de l’Union devaient être considérées comme remplies. Ces explications sont pertinentes au regard de la jurisprudence du Tribunal selon laquelle toute aide octroyée à une entreprise qui exerce ses activités sur le marché intérieur est susceptible de causer des distorsions de concurrence et d’affecter les échanges entre États membres (voir arrêts du Tribunal du 6 mars 2002, Diputación Foral de Álava e.a./Commission, T‑92/00 et T‑103/00, Rec. p. II‑1385, point 72, et la jurisprudence citée ; du 11 juin 2009, Italie/Commission, T‑222/04, Rec. p. II‑1877, point 43, et ASM Brescia/Commission, T‑189/03, Rec. p. II‑1831, point 68).

51      Il ressort de ce qui précède que c’est à bon droit que la Commission a constaté, au considérant 51 de la décision attaquée, que l’inaction des autorités bulgares entre le 1er janvier 2007 et le 11 novembre 2010, face aux retards de paiement de la requérante, par rapport à ses obligations au titre du rééchelonnement de 2001, était constitutive d’une aide d’État.

 Sur la qualification d’aide nouvelle de l’aide perçue par la requérante

52      Quant à la question de savoir si cette aide devait être qualifiée d’aide nouvelle ou d’aide existante, la requérante fait valoir, en substance, que le prétendu avantage dont elle avait bénéficié grâce à l’inaction temporaire des autorités bulgares ne s’écartait pas, en fait, des conditions fixées par le rééchelonnement de 2001. Puisque ce dernier a été conclu bien avant l’adhésion de la République de Bulgarie à l’Union, il ne s’agirait pas d’une aide nouvelle, au sens de l’article 1er, sous c), du règlement n° 659/1999.

53      Selon l’article 1er, sous b), i), du règlement n° 659/1999, une « aide existante » est définie comme suit :

« i)      sans préjudice […] de l’annexe V, point 2 et point 3, [sous] b), et de l’appendice de ladite annexe de l’acte d’adhésion de la Bulgarie et de la Roumanie, toute aide existant avant l’entrée en vigueur du traité dans l’État membre concerné, c’est-à-dire les régimes d’aides et aides individuelles mis à exécution avant, et toujours applicables après, ladite entrée en vigueur ».

54      En revanche, l’article 1er, sous c), du règlement n° 659/1999 définit une « aide nouvelle » de manière négative, comme « toute aide, c’est-à-dire tout régime d’aides ou toute aide individuelle, qui n’est pas une aide existante, y compris toute modification d’une aide existante ».

55      À cet égard, il ressort de la jurisprudence que, lorsqu’une aide existante est modifiée de manière substantielle, c’est soit l’aide entière qui se trouve transformée en nouvelle aide, si la modification affecte l’aide initiale dans sa substance même, soit ce n’est que l’élément nouveau qui est qualifié d’aide nouvelle, lorsqu’il est clairement détachable de l’aide initiale (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 30 avril 2002, Government of Gibraltar/Commission, T‑195/01 et T‑207/01, Rec. p. II‑2309, points 109 et 111 ; Italie/Commission, point 50 supra, point 94, et du 16 décembre 2010, Pays-Bas/Commission, T‑231/06 et T‑237/06, Rec. p. II‑5993, point 177).

56      Or, en l’espèce, sans qu’il y ait lieu de déterminer laquelle des deux branches de l’alternative est applicable, ni même d’examiner si le rééchelonnement de 2001 constitue lui-même une aide d’État, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, force est de constater que l’inaction des autorités bulgares a substantiellement modifié les conditions du rééchelonnement de 2001.

57      En effet, il convient de souligner que, ainsi que la Commission l’a relevé dans ses réponses aux questions écrites du Tribunal, une modification de la situation juridique de la requérante, vis-à-vis des autorités bulgares, est intervenue lors de l’expiration du délai de grâce, le 31 mars 2006. En effet, avant cette date, puisqu’elle n’était pas légalement tenue d’effectuer des paiements, les autorités bulgares n’avaient aucun droit d’agir en paiement à son égard et, dès lors, leur inaction ne pouvait constituer une aide d’État. En revanche, à partir du 1er avril 2006, les échéances semestrielles convenues dans le cadre du rééchelonnement de 2001 sont devenues exigibles. Dès lors, à partir de cette date, l’inaction des autorités bulgares face au non-respect répété et prolongé, par la requérante, de ses engagements au titre du rééchelonnement de 2001, tant qu’elle durait, modifiait de manière substantielle les conditions initiales dudit rééchelonnement, en ce qu’elle permettait à la requérante de bénéficier d’un calendrier de paiement moins exigeant que celui prévu lors de la conclusion du rééchelonnement de 2001.

58      Cette inaction de la part des autorités bulgares étant de nature purement factuelle (par opposition à une inaction qui résulterait d’un commun accord entre la requérante et lesdites autorités), elle équivalait, de fait, à un ajournement indéterminé de la dette de la requérante. En effet, d’une part, la requérante ne bénéficiait pas de la sécurité juridique liée à la fixation d’une date précise d’ajournement, puisque les autorités bulgares n’étaient pas légalement empêchées de prendre, à tout moment, des mesures d’exécution forcée. D’autre part, elle ne subissait pas non plus la contrainte d’une date fixe d’ajournement, en ce qu’elle pouvait raisonnablement espérer que l’inaction des autorités bulgares allait se prolonger sine die. Cette espérance pouvait notamment se fonder sur le fait, mis en évidence par la Commission à juste titre, que les autorités bulgares n’ont manifesté aucune intention de prendre des mesures concrètes, de nature à assurer le recouvrement effectif, en temps utile, des créances en cause, ainsi qu’en témoigne leur notification d’un nouveau projet de rééchelonnement du 30 juin 2009, intervenu à la suite de la tentative avortée de remboursement de 2008 ˗ 2009 (voir points 8 et 9 ci-dessus).

59      Il est vrai que le rééchelonnement de 2001 prévoyait un taux d’intérêt particulier, plus élevé, de 3 % en cas de retard de paiement (voir point 5 ci-dessus). Le rééchelonnement de 2001 avait donc lui-même prévu l’hypothèse d’un retard de paiement et pris des dispositions particulières pour ce cas de figure. Lors des paiements qu’elle a effectués entre le 3 décembre 2010 et le 10 juillet 2011, la requérante s’est pleinement acquittée des sommes dues au titre des intérêts de retard et a donc respecté lesdites dispositions particulières. C’est pourquoi la requérante fait valoir que, même si elle a pu être, pendant un certain temps, en situation d’infraction par rapport à ses obligations au titre du rééchelonnement de 2001, les paiements qu’elle a effectués à la date du 10 juillet 2011 lui ont permis de régulariser sa situation. Ainsi, à la date d’adoption de la décision attaquée, la requérante avait respecté tous ses engagements au titre du rééchelonnement de 2001. Dans cette perspective, l’inaction des autorités bulgares au regard du non-respect temporaire, par la requérante, de ses obligations au titre du rééchelonnement de 2001 ne constituerait donc pas une modification des conditions de cet accord, mais n’occasionnerait que l’application des intérêts de retard, qui viendraient s’ajouter aux sommes dues par la requérante.

60      Néanmoins, il convient de relever que le simple fait que des intérêts de retard ont été prévus dans le cadre d’un accord de rééchelonnement n’équivaut pas à autoriser le débiteur à prendre du retard et encore moins de manière indéterminée et en l’absence de perspective sérieuse de rétablissement de sa rentabilité, comme cela a été le cas en l’espèce. Cela vaut d’autant plus si, ainsi que cela a également été le cas en l’espèce, lesdits intérêts sont fixés à un taux ne reflétant pas la solvabilité du débiteur et se situant en dessous des taux que le créancier doit lui-même supporter (voir point 46 ci-dessus). En effet, dans une telle situation, l’application des intérêts de retard non seulement occasionne une perte supplémentaire par rapport à la situation dans laquelle les échéances prévues dans l’accord de rééchelonnement sont respectées, mais, ainsi que la Commission le fait valoir à bon droit, augmente également le risque que, à la suite d’une éventuelle faillite du débiteur, la créance s’avère être irrécupérable. Dans de telles circonstances, l’inaction prolongée des autorités bulgares, compte tenu des antécédents et des circonstances l’entourant (voir les faits exposés aux points 37 et 46 ci-dessus), constituait une concession supplémentaire substantielle à l’égard de la requérante, par rapport aux conditions découlant du rééchelonnement de 2001, et, partant, un avantage que la requérante n’aurait pas perçu dans des conditions normales de marché.

61      Par conséquent, l’inaction des autorités bulgares, entre le 1er janvier 2007 et le 11 novembre 2010, constituait une aide nouvelle, au sens de l’article 1er, sous c), du règlement n° 659/1999.

62      Cette conclusion n’est pas remise en cause par l’argument de la requérante selon lequel la Commission, en choisissant d’apprécier uniquement la période postérieure à l’adhésion de la République de Bulgarie à l’Union, a artificiellement scindé des faits et des périodes qui ne relèvent, en réalité, que d’une seule mesure d’aide existante, à savoir le rééchelonnement de 2001.

63      Dans ce contexte, premièrement, il convient de relever que, si l’inaction des autorités bulgares face aux retards de paiement de la requérante a débuté à l’expiration du délai de grâce, le 31 mars 2006, la République de Bulgarie n’était, à cette date, pas encore membre de l’Union. Ce n’est donc qu’à la date d’adhésion de la République de Bulgarie que la Commission a acquis la compétence lui permettant de procéder au contrôle de son action (ou, en l’espèce, de son inaction) au titre de l’article 108 TFUE.

64      Dès lors, la Commission n’a nullement scindé de manière artificielle des faits et des périodes, mais, au contraire, a correctement tenu compte, d’une part, de la modification de la situation juridique de la requérante, au titre du rééchelonnement de 2001 (voir point 57 ci-dessus) et, d’autre part, des limites temporelles de sa compétence de contrôle des aides d’État.

65      Deuxièmement, à supposer que le rééchelonnement de 2001 doive être qualifié d’aide d’État, ainsi que la requérante le fait valoir, il ne peut, en tout état de cause, être qualifié d’aide existante, au sens de l’article 1er, sous b), i), du règlement n° 659/1999, cité au point 53 ci-dessus.

66      En effet, cette disposition est notamment complétée par l’annexe V, point 2, de l’acte relatif aux conditions d’adhésion à l’Union européenne de la République de Bulgarie et de la Roumanie et aux adaptations des traités sur lesquels est fondée l’Union européenne (JO 2005, L 157, p. 203), qui prévoit ce qui suit :

« 1.  Les régimes d’aides et les aides individuelles ci-après, mis à exécution dans un nouvel État membre avant la date d’adhésion et toujours applicables après cette date, sont considérés lors de l’adhésion comme aides existantes au sens de l’article 88, paragraphe 1, [CE] :

a)       aides mises à exécution avant le 10 décembre 1994 ;

b)       aides énumérées dans l’appendice à la présente annexe ;

c)       aides examinées par l’autorité chargée de la surveillance des aides publiques du nouvel État membre avant la date d’adhésion et jugées compatibles avec l’acquis, et à l’égard desquelles la Commission n’a pas soulevé d’objections en raison de doutes sérieux quant à la compatibilité des mesures avec le marché commun, en vertu de la procédure visée au paragraphe 2.

Toutes les mesures encore applicables après la date d’adhésion qui constituent une aide publique et ne satisfont pas aux conditions susvisées sont considérées comme une aide nouvelle à la date d’adhésion aux fins de l’application de l’article 88, paragraphe 3, [CE].

[…] »

67      En substance, c’est donc exclusivement dans les trois hypothèses reprises sous a) à c) de la disposition visée au point précédent qu’une aide, mise à exécution en Bulgarie avant son adhésion à l’Union, est considérée comme aide existante. Or, en l’espèce, le rééchelonnement de 2001 n’a pas été mis à exécution avant le 10 décembre 1994 ni énuméré dans l’appendice à l’annexe V à l’acte d’adhésion (JO 2005, L 157, p. 277), et il n’a pas non plus fait l’objet de la procédure visée à l’annexe V, point 2, paragraphe 2.

68      Il découle de ce qui précède qu’il y a lieu de rejeter le premier moyen de la requérante comme non fondé.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation de l’obligation de motivation

69      La requérante fait valoir qu’il n’est pas indiqué, dans la décision attaquée, en quoi consistait l’avantage dont elle aurait bénéficié à la suite de la prétendue aide.

70      La Commission conteste cet argument, en renvoyant aux considérants 47 et 50 de la décision attaquée.

71      Il convient de noter, à cet égard, que la motivation de la décision attaquée, concernant l’existence d’un avantage, se concentre exclusivement sur l’application du critère du créancier privé. En effet, après avoir exposé, aux considérants 48 et 49 de cette décision, les antécédents de la relation entre la requérante et l’État bulgare, ainsi que la situation financière difficile de la requérante, la Commission a conclu, au considérant 50 de ladite décision, que, dans de telles circonstances, un créancier privé aurait pris des mesures d’exécution forcée, de sorte que l’absence de telles mesures conférait un avantage à la requérante.

72      Il est vrai que cette motivation présente un caractère quelque peu indirect, en ce qu’elle ne fait état que des circonstances qui permettent de conclure à l’existence d’un avantage, sans toutefois explicitement identifier ce dernier, qui réside dans le fait, pour la requérante, de ne pas avoir dû débourser des sommes qu’elle aurait normalement dû payer (voir point 45 ci-dessus).

73      Toutefois, il convient de relever que le considérant 59 de la décision attaquée peut être regardé comme complétant les éléments de motivation contenus aux considérants 47 à 50 de ladite décision. En effet, il y est constaté que « [l]’élément d’aide incompatible de la mesure est calculé comme le montant dû et impayé conformément au rééchelonnement de 2001, depuis le 1er janvier 2007 jusqu’au 11 novembre 2010, lorsque la [République de] Bulgarie a enregistré sa créance dans la procédure d’insolvabilité » et que, « [à] cette époque, le montant des arriérés s’élevait à [3,7 millions d’euros] ». Dans ce passage, l’élément d’aide est non seulement identifié, mais même estimé, ce qui permettait à la requérante et aux autorités bulgares de connaître les justifications de la mesure prise et au Tribunal d’exercer son contrôle à cet égard. Il convient donc de constater que la Commission a motivé à suffisance de droit son constat de l’existence d’un avantage.

74      Par conséquent, il y a lieu de rejeter comme non fondé le deuxième moyen de la requérante.

 Sur le troisième moyen, tiré d’une violation de l’article 14 du règlement n° 659/1999

75      La requérante fait valoir que, contrairement aux exigences posées par l’article 14 du règlement n° 659/1999, la décision attaquée n’indique pas le montant précis de l’aide devant être récupérée ainsi que les intérêts sur la base d’un taux approprié fixé par la Commission, de sorte que sa mise en œuvre nécessite une interprétation.

76      La Commission réfute cet argument.

77      Il y a lieu de rappeler, à cet égard, que, conformément à une jurisprudence constante, aucune disposition n’exige que la Commission, lorsqu’elle ordonne la restitution d’une aide déclarée incompatible avec le marché intérieur, fixe le montant exact de l’aide à restituer. Il suffit, en effet, que la décision de la Commission comporte des indications permettant à son destinataire de déterminer lui-même, sans difficultés excessives, ce montant (arrêts de la Cour du 12 mai 2005, Commission/Grèce, C‑415/03, Rec. p. I‑3875, point 39, et du 18 octobre 2007, Commission/France, C‑441/06, Rec. p. I‑8887, point 29 ; arrêt du Tribunal du 15 juin 2010, Mediaset/Commission, T‑177/07, Rec. p. II‑2341, point 181).

78      Ainsi que la Commission le fait valoir à juste titre, l’article 14 du règlement n° 659/1999 lui impose seulement de fixer le taux d’intérêt et la date à partir de laquelle les intérêts sur le montant de l’aide à récupérer commencent à courir, exigences qu’elle a respectées à l’article 3, paragraphes 2 et 3, de la décision attaquée.

79      Quant aux difficultés que pourrait rencontrer la République de Bulgarie lors de la détermination du montant exact du recouvrement ordonné à l’article 3, paragraphe 1, de la décision attaquée, il suffit de rappeler que l’obligation pour un État membre de calculer le montant précis des aides à récupérer s’inscrit dans le cadre plus large de l’obligation de coopération loyale liant mutuellement la Commission et les États membres dans la mise en œuvre des règles du traité en matière d’aides d’État (arrêts Pays-Bas/Commission, point 33 supra, point 91, et Mediaset/Commission, point 77 supra, point 183). En effet, selon une jurisprudence constante, en cas de difficultés internes lors de l’exécution d’une décision de recouvrement, la Commission et l’État membre doivent, en vertu dudit devoir de coopération loyale, consacré à l’article 4, paragraphe 3, TUE, collaborer de bonne foi en vue de surmonter ces difficultés dans le plein respect des dispositions du traité, et notamment de celles relatives aux aides d’État (arrêts de la Cour du 4 avril 1995, Commission/Italie, C‑348/93, Rec. p. I‑673, point 17, et du 22 mars 2001, Commission/France, C‑261/99, Rec. p. I‑2537, point 24).

80      Par ailleurs, une telle coopération loyale a précisément été engagée par la République de Bulgarie, ainsi qu’en témoigne la lettre du 2 septembre 2011 (voir point 17 ci-dessus), dans laquelle elle demandait à la Commission des précisions quant aux montants exacts, dus au titre des intérêts, à récupérer auprès de la requérante.

81      Il s’ensuit que la décision attaquée ne viole pas l’article 14 du règlement n° 659/1999 et qu’il y a lieu de rejeter comme non fondés le troisième moyen de la requérante ainsi que le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

82      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Rousse Industry AD supportera ses propres dépens, ainsi que ceux exposés par la Commission européenne, y compris ceux relatifs à la procédure en référé.

Pelikánová

Jürimäe

Van der Woude

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 20 mars 2013.

Signatures


* Langue de procédure : le bulgare.