Language of document : ECLI:EU:C:2012:530

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. JÁN MAZáK

présentées le 6 septembre 2012 (1)

Affaire C‑610/10

Commission européenne

contre

Royaume d’Espagne

«Applicabilité dans le temps de l’article 260, paragraphe 2, TFUE – Recevabilité du recours – Arrêt de la Cour constatant le manquement – Inexécution – Sanction pécuniaire»





1.        Dans la présente affaire, un recours a été introduit par la Commission européenne contre le Royaume d’Espagne au titre de l’article 260 TFUE, par suite de la prétendue inexécution de l’arrêt rendu par la Cour le 2 juillet 2002 dans l’affaire Commission/Espagne (2) (ci-après l’«arrêt de 2002»). Dans cet arrêt, la Cour a constaté que, en n’adoptant pas les mesures nécessaires pour se conformer à la décision 91/1/CEE de la Commission, du 20 décembre 1989, concernant les aides accordées en Espagne par le gouvernement central et plusieurs gouvernements autonomes à MAGEFESA (3), producteur d’ustensiles de cuisine en acier inoxydable et de petits appareils électriques (4), en tant que cette décision a déclaré illégales et incompatibles avec le marché commun des aides accordées à Indosa, à Gursa, à Migsa et à Cunosa, le Royaume d’Espagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 249, quatrième alinéa, CE, ainsi que des articles 2 et 3 de ladite décision (5).

2.        Il convient de préciser que le présent recours ne concerne que la non-exécution de l’arrêt de 2002 par rapport aux aides octroyées à Indosa par la Communauté autonome du Pays basque sous la forme d’une garantie de prêt de 300 millions de ESP accordée directement à Indosa, d’une garantie de prêt de 672 millions de ESP pour les entreprises de Magefesa et d’une bonification d’intérêts de 9 millions de ESP. S’agissant des entreprises Gursa, de Migsa et de Cunosa, depuis 2006, la Commission a considéré que la décision 91/1 a été exécutée puisqu’elles avaient cessé leurs activités et que leurs actifs avaient été vendus au prix du marché.

I –    Procédure précontentieuse

3.        Depuis 2004, la Commission et le Royaume d’Espagne ont entretenu une vaste correspondance sur l’exécution de l’arrêt de 2002. Eu égard à la quantité considérable de lettres échangées, nous ne mentionnerons que les parties les plus importantes de cette correspondance.

4.        Étant donné que Indosa a déjà été déclarée en faillite le 19 avril 1994, mais qu'elle a poursuivi ses activités par l’intermédiaire de sa filiale à 100 %, à savoir la société CMD (6), la Commission a demandé, à plusieurs reprises, aux autorités espagnoles des informations sur l’état de la liquidation de Indosa. Elle les a pressées de prendre toutes les mesures nécessaires pour qu’un terme soit mis à la liquidation totale des actifs de cette entreprise et à la cessation de ses activités.

5.        Les autorités espagnoles ont répondu que la liquidation des actifs de Indosa n’avait pas encore été menée à bien puisque l’accord de liquidation sur la vente de tous les actifs composant le patrimoine social et la cessation de l’entreprise approuvé par ordonnance du 29 septembre 2004 n’était pas encore définitif. Ce n’est que le 30 mai 2006 que les autorités espagnoles ont informé la Commission que cet accord était devenu définitif le 2 mai 2006.

6.        Dans sa lettre du 26 janvier 2007, la Commission a constaté que CMD, en tant que filiale à 100 % de Indosa, poursuivait l’activité subventionnée et elle a attiré l’attention des autorités espagnoles sur le fait que l’exécution effective de la décision 91/1 nécessitait la récupération des aides incompatibles avec le marché commun auprès de l’entité en ayant effectivement bénéficié. En réponse à ladite lettre, les autorités espagnoles ont fourni les informations concernant le processus de vente du seul actif de Indosa, à savoir les actions de CMD. Finalement, par deux lettres de septembre 2008, les autorités espagnoles ont indiqué qu’il n’y avait pas d’offre valable pour les actions de CMD et que, en définitive, les actifs de Indosa n’avaient pas été attribués.

7.        Par lettre du 24 octobre 2007, les autorités espagnoles ont indiqué que les aides déclarées incompatibles avec le marché commun par la décision 91/1 avaient été inscrites au passif de la faillite de Indosa. Au mois de juillet 2008, la Commission a demandé un document justificatif, que les autorités espagnoles n’ont cependant pas fourni.

8.        Par lettres des 8 octobre 2008 et 13 novembre 2008, les autorités espagnoles ont informé la Commission que CMD s’était déclarée en faillite le 30 juillet 2008.

9.        Par lettres des 18 août 2009, 7 septembre 2009 et 21 septembre 2009, la Commission a demandé aux autorités espagnoles, premièrement, un calendrier détaillé indiquant la date de la cessation des activités de CMD et de la procédure de liquidation de ses actifs, deuxièmement, des informations sur la procédure de cession des actifs, troisièmement, une preuve que ladite cession était effectuée aux conditions de marché et, quatrièmement, des preuves que les aides déclarées incompatibles avec le marché commun étaient inscrites au passif de CMD en tant que dettes dans la masse.

10.      Par lettres des 21 septembre 2009 et 13 octobre 2009, les autorités espagnoles ont répondu, premièrement, que la cessation des activités de CMD avait eu lieu le 30 juillet 2009, deuxièmement, que la procédure de faillite suivait son cours devant la juridiction nationale compétente (sans présenter un calendrier détaillé demandé par la Commission) et, troisièmement, qu’elles ne savaient pas si les aides incompatibles avec le marché commun étaient inscrites au passif de CMD. Le 1er décembre 2009, elles ont envoyé la liste définitive des créanciers de CMD approuvée par la juridiction nationale compétente. La Communauté autonome du Pays basque ne figurait pas sur cette liste pour les aides déclarées incompatibles avec le marché commun par la décision 91/1.

11.      Le 20 novembre 2009, la Commission a envoyé au Royaume d’Espagne une lettre de mise en demeure au titre de l’article 228, paragraphe 2, CE, en indiquant qu’elle se réservait le droit, après avoir pris connaissance des observations de l’État membre concerné, ou si ces observations ne lui étaient pas envoyées dans le délai imparti, d’émettre le cas échéant un avis motivé, conformément à l’article 228, paragraphe 2, CE.

12.      En réponse à cette lettre, les autorités espagnoles ont, le 26 janvier 2010, informé la Commission que l’arrêt de 2002 était en cours d’exécution, étant donné que Indosa ainsi que CMD étaient en cours de liquidation, étaient privées de leurs employés et avaient cessé leurs activités.

13.      Le 18 mars 2010, la Commission a envoyé une lettre de mise en demeure complémentaire dans laquelle elle invitait le Royaume d’Espagne, conformément à l’article 260, paragraphe 2, TFUE, à lui présenter ses observations dans un délai de deux mois à compter de la réception de la lettre. La Commission a indiqué qu’elle se réservait, après avoir pris connaissance des observations de l’État membre concerné, ou si ces observations ne lui étaient pas envoyées dans le délai imparti, de saisir la Cour en application de l’article 260, paragraphe 2, TFUE.

14.      Les autorités espagnoles ont répondu à cette mise en demeure complémentaire par des lettres des 2 juin 2010, 9 juin 2010 et 29 septembre 2010, desquelles il ressortait que la Communauté autonome du Pays basque ne figurait pas parmi les créanciers de CMD et qu’elle allait se constituer partie aux procédures de faillite en demandant que soit inscrite au tableau des créances la créance qu’elle détenait sur Indosa par rapport aux aides déclarées incompatibles avec le marché commun par la décision 91/1. Par courrier électronique du 7 juillet 2010, les autorités espagnoles ont envoyé le plan de liquidation de CMD approuvé par la juridiction nationale.

15.      Dans ces conditions, la Commission a introduit, le 22 décembre 2010, le présent recours.

II – Procédure devant la Cour et conclusions

16.      Dans sa requête, la Commission conclut à ce qu’il plaise à la Cour:

–        constater que le Royaume d’Espagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de la décision 91/1 et de l’article 260 TFUE, en n’adoptant pas toutes les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt de 2002;

–        condamner le Royaume d’Espagne à payer à la Commission une astreinte d’un montant de 131 136 euros pour chaque jour de retard dans l’exécution de l’arrêt de 2002, depuis le jour du prononcé de l’arrêt dans la présente affaire jusqu’au jour où l’arrêt de 2002 sera pleinement exécuté;

–        condamner le Royaume d’Espagne à payer à la Commission une somme forfaitaire correspondant au résultat obtenu en multipliant un montant journalier de 14 343 euros par le nombre de jours de persistance de l’infraction écoulés depuis la date du prononcé de l’arrêt de 2002 jusqu’à:

–        la date à laquelle le Royaume d’Espagne a récupéré les aides déclarées illégales par la décision 91/1, si la Cour constate que la récupération a effectivement eu lieu avant le prononcé de l’arrêt dans la présente affaire,

–        la date du prononcé de l’arrêt dans la présente affaire, si l’arrêt de 2002 n’a pas été pleinement exécuté avant cette date;

–        condamner le Royaume d’Espagne aux dépens.

17.      Le Royaume d’Espagne conclut à ce qu’il plaise à la Cour:

–        rejeter le recours et, à titre subsidiaire, appliquer une astreinte trimestrielle de 12 269,70 euros ainsi qu’une sanction forfaitaire de 44,80 par jour, et

–        condamner la Commission aux dépens.

18.      Agissant au titre de l’article 91 du règlement de procédure de la Cour, le Royaume d’Espagne a soulevé le 22 mars 2011 une exception d’irrecevabilité que la Cour a décidé de joindre au fond.

19.      Par ordonnance du 13 mai 2011, le président de la Cour a admis l’intervention de la République tchèque au soutien des conclusions du Royaume d’Espagne. Dans son mémoire en intervention, la République tchèque s’est focalisée sur la question de la recevabilité du recours.

III – Appréciation

A –    Sur la recevabilité du recours

20.      Dans son exception d’irrecevabilité, le Royaume d’Espagne conteste la régularité de la procédure précontentieuse à cause de l’absence d’avis motivé.

21.      Cette exception trouve son origine dans une réforme apportée par le traité de Lisbonne à la procédure précédant obligatoirement le recours en manquement pour non-exécution d’un arrêt de la Cour constatant un manquement.

22.      Le Royaume d’Espagne, soutenu par la République tchèque, et la Commission s’opposent sur le point de savoir si la régularité de la procédure précontentieuse en l’espèce doit être évaluée sur la base de l’article 228 CE, étant donné qu’elle a été entamée par la lettre de mise en demeure du 20 novembre 2009, c’est-à-dire avant l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, ou sur la base de l’article 260, paragraphe 2, TFUE, étant donné que ledit article devrait s’appliquer à partir de l’entrée en vigueur de ce traité, même si la procédure précontentieuse a commencé avant ledit moment.

23.      Le Royaume d’Espagne considère que l’application de l’article 260, paragraphe 2, TFUE serait rétroactive et violerait dès lors les principes de sécurité juridique et de non-rétroactivité des règles prévoyant des sanctions moins favorables.

24.      À cet égard, il convient de rappeler que la procédure en manquement pour non-exécution d’un arrêt de la Cour constatant un manquement doit être considérée comme une procédure judiciaire spéciale d’exécution des arrêts, en d’autres termes, comme une voie d’exécution (7). Elle a pour but d’assurer et de garantir le rétablissement du respect de la légalité (8). L’introduction d’un recours doit être précédée d’une procédure précontentieuse, dont la régularité constitue une garantie essentielle voulue par le TFUE, non seulement pour la protection des droits de l’État membre en cause, mais également pour assurer que la procédure contentieuse éventuelle aura pour objet un litige clairement défini (9).

25.      Tout comme celle précédant le recours en manquement, la procédure précontentieuse du recours en manquement pour non-exécution d’un arrêt de la Cour constatant un manquement était initialement, d’après les dispositions de l’article 228 CE, composée de deux étapes successives, à savoir une lettre de mise en demeure et un avis motivé. À cet égard, nous ne pouvons être d’accord avec le Royaume d’Espagne quand il dit que le déroulement de la procédure précontentieuse n’était que le résultat de la pratique administrative de la Commission. Comme l’a souligné cette dernière dans ses observations écrites sur l’exception d’irrecevabilité, les étapes de la procédure précontentieuse résultaient directement de l’article 228 CE.

26.      Le changement effectué par le traité de Lisbonne consiste en une simplification et, par conséquence, en une accélération de la procédure précontentieuse par la suppression de l’étape de l’avis motivé. La conséquence en est que l’article 260, paragraphe 2, TFUE ne subordonne la recevabilité du recours en manquement pour non-exécution d’un arrêt de la Cour constatant un manquement qu’à la condition que l’État membre concerné ait la possibilité de présenter ses observations avant l’introduction d’un recours. Selon nous, une lettre de mise en demeure invitant l’État membre concerné à présenter ses observations concernant la non-exécution de l’arrêt de la Cour suffit à garantir le respect de la condition mentionnée.

27.      La question se pose de savoir si l’article 260, paragraphe 2, TFUE est applicable seulement aux procédures déclenchées après l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, ce que signifierait que la lettre de mise en demeure aurait dû être adressée à l’État membre concerné après le 1er décembre 2009, ou s’il est également applicable à celles déclenchées avant ladite date, ce qui signifierait que la régularité de la procédure précontentieuse devrait être évaluée sur la base de l’article 260, paragraphe 2, TFUE pour tous les recours introduits après l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne.

28.      Sur ce point, nous convenons avec la République tchèque que la réponse dépend de l’évaluation du point de savoir si l’article 260, paragraphe 2, TFUE doit être considéré comme une règle de procédure ou plutôt comme une règle de fond. Néanmoins, contrairement à ce qu’a fait valoir la République tchèque, nous ne pensons pas que cet article doive être considéré en lui-même comme une règle de fond.

29.      Selon nous, l’article 260, paragraphe 2, TFUE a une nature mixte. Il est une règle de fond, qui définit et prévoit de sanctionner pécuniairement un «délit» de non-exécution de l’arrêt de la Cour constatant un manquement. En revanche, pour l’exigence d’une procédure précontentieuse où l’État membre concerné pourra présenter ses observations, il est une règle de procédure définissant des conditions pour la réalisation des droits découlant d’une règle de fond. Cela vaut aussi pour l’exigence que le recours indique le montant de la somme forfaitaire ou de l’astreinte.

30.      À cet égard, la Cour a clairement précisé que les règles de procédure sont généralement censées s’appliquer au moment où elles entrent en vigueur (10).

31.      Il en irait autrement si le traité de Lisbonne contenait une disposition transitoire prévoyant que, si la procédure précontentieuse a commencé avant le 1er décembre 2009, il convient de respecter l’article 228, paragraphe 2, CE. Cependant, il ne contient pas de telle disposition.

32.      Par conséquent, pour ce qui est de l’article 260, paragraphe 2, TFUE, la régularité de la procédure précontentieuse doit être évaluée sur la base dudit article pour tous les recours introduits après le 1er décembre 2009, même si la lettre de mise en demeure ouvrant la procédure précontentieuse a été adressée à l’État membre concerné avant cette date.

33.      En ce qui concerne l’argument du Royaume d’Espagne que le principe de sécurité juridique serait violé par l’application de l’article 260, paragraphe 2, TFUE, dans le cas présent, nous pouvons nous inspirer de la jurisprudence de la Cour concernant le principe de confiance légitime, selon laquelle ce principe ne saurait être étendu jusqu’à empêcher, de façon générale, une réglementation nouvelle de s’appliquer aux effets futurs de situations nées sous l’empire de la réglementation antérieure (11). Nous estimons que cette jurisprudence vaut aussi, par analogie, pour la relation entre le principe de la sécurité juridique et celui de l’application immédiate d’une règle de procédure.

34.      À cet égard, il faut encore noter que le Royaume d’Espagne ne saurait faire valoir que, en conséquence de l’évaluation de la régularité de la procédure précontentieuse sur la base de l’article 260, paragraphe 2, TFUE, il ne serait pas en mesure de connaître sans ambiguïté ses droits et ses obligations et de prendre ses dispositions en conséquence, comme l’exige le principe de la sécurité juridique (12). En effet, l’obligation de prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt de la Cour était déjà contenue dans l’ordre juridique de l’Union même avant le traité de Lisbonne et le Royaume d’Espagne était bien informé, par la lettre de mise en demeure complémentaire du 18 mars 2010, du fait que la Commission avait l’intention de saisir la Cour en application de l’article 260, paragraphe 2, TFUE, aussitôt après la présentation des observations du Royaume d’Espagne.

35.      En ce qui concerne l’autre argument du Royaume d’Espagne, selon lequel l’application de l’article 260, paragraphe 2, TFUE violerait le principe de non-rétroactivité des règles prévoyant des sanctions moins favorables, il suffit de constater que le traité de Lisbonne n’a apporté aucun changement concernant les sanctions pour non-exécution de l’arrêt de la Cour.

36.      Pour conclure, dans le cas présent, le Royaume d’Espagne avait, avant l’introduction du recours, la possibilité de présenter ses observations concernant le manquement reproché par la Commission, tout comme l’exige l’article 260, paragraphe 2, TFUE. Les preuves en sont la lettre de mise en demeure du 20 novembre 2009 ainsi que la lettre de mise en demeure complémentaire du 18 mars 2010, par lesquelles la Commission a invité le Royaume d’Espagne à présenter ses observations sur la non-exécution de l’arrêt de 2002. Nous sommes d’avis que la procédure précontentieuse s’est déroulée conformément à l’article 260, paragraphe 2, TFUE et, pour cette raison, nous proposons à la Cour de rejeter l’exception d’irrecevabilité soulevée par le Royaume d’Espagne.

B –    Sur le manquement

37.      Dans l’arrêt de 2002, la Cour a constaté que le Royaume d’Espagne, en n’adoptant pas les mesures nécessaires pour se conformer à la décision 91/1, avait manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 249, quatrième alinéa, CE, ainsi que des articles 2 et 3 de la décision 91/1. L’exécution de l’arrêt de 2002 présuppose donc l’exécution de cette décision 91/1 et l’exécution de ladite décision présuppose la récupération des aides déclarées illégales.

38.      Partant, la constatation que le Royaume d’Espagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 260, paragraphe 1, TFUE dépend du point de savoir si cet État membre a récupéré, auprès des bénéficiaires, les aides déclarées illégales par la décision 91/1. Il faut rappeler que le recours dans la présente affaire ne concerne que les aides octroyées à Indosa par la Communauté autonome du Pays basque.

39.      Eu égard au changement de la procédure précontentieuse précédant le recours en manquement pour non-exécution d’un arrêt de la Cour constatant un manquement effectué par le traité de Lisbonne, il convient tout d’abord de redéfinir la date de référence pour apprécier l’existence d’un manquement. Selon la jurisprudence constante concernant l’article 228, paragraphe 2, CE, ladite date se situait à l’expiration du délai fixé dans l’avis motivé (13).

40.      L’étape de l’avis motivé étant supprimée, la date de référence pour apprécier l’existence d’un manquement au sens de l’article 260, paragraphe 2, TFUE devrait, par analogie avec la jurisprudence relative à l’article 228, paragraphe 2, CE, se situer à l’expiration du délai fixé dans la lettre de mise en demeure ou, éventuellement, dans la lettre de mise en demeure complémentaire pour présenter les observations de l’État membre concerné. Dans le cas présent, c’est le 22 mai 2010.

41.      Étant donné que Indosa et sa filiale, à savoir CMD, sont en faillite, il paraît utile de rappeler la jurisprudence concernant la récupération des aides auprès d’entreprises en état de faillite. Selon cette jurisprudence, le rétablissement de la situation antérieure et l’élimination de la distorsion de concurrence résultant des aides illégalement versées peuvent, en principe, être accomplis par l’inscription au tableau des créances de celle relative à la restitution des aides concernées (14). Cependant, l’inscription au tableau des créances de celle relative à la restitution des aides concernées ne permet de satisfaire à l’obligation de récupération que si, dans le cas où les autorités étatiques n’ont pu récupérer l’intégralité du montant des aides, la procédure de faillite aboutit à la liquidation de l’entreprise, c’est-à-dire à la cessation définitive de son activité, que les autorités étatiques peuvent provoquer en leur qualité d’actionnaires ou de créanciers (15).

42.      Cette jurisprudence établit deux conditions cumulatives pour que les aides déclarées illégales par la décision de la Commission puissent être considérées comme récupérées. La première condition est l’inscription des créances relatives à la restitution des aides concernées comme dettes dans la masse et la seconde est la cessation définitive de l’activité subventionnée par les aides concernées.

43.      S’agissant de la première condition, dans la présente affaire, il n’est pas contesté que, à la date de référence, à savoir le 22 mai 2010, les créances relatives à la restitution des aides accordées par la Communauté autonome du Pays basque à Indosa n’étaient pas inscrites en tant que dettes dans la masse dans le cadre de la procédure de faillite de CMD.

44.      Il ressort du dossier que la première déclaration de créance de 16 828,34 euros a été présentée par la Communauté autonome du Pays basque le 10 juin 2010, soit après l’expiration du délai fixé dans la lettre de mise en demeure complémentaire. De plus, la somme déclarée n’était pas correcte. La nouvelle déclaration de créance, cette fois-ci de 16 498 499 euros, a été présentée le 3 décembre 2010. Ladite déclaration a été corrigée par la déclaration de créance du 23 février 2011 pour 22 469 459 euros et, enfin, par la déclaration de créance du 7 décembre 2011 pour 22 683 745 euros. Il ressortirait de l’audience que, par suite de la décision du juge national compétent du 4 avril 2012, les créances d’un montant de 22 683 745 euros ont été finalement inscrites en tant que dettes dans la masse dans le cadre de la procédure de faillite de CMD.

45.      Étant donné que les deux conditions pour établir la récupération des aides déclarées illégales par décision de la Commission dans le cas d’une entreprise en faillite sont cumulatives et que nous venons de démontrer que l’une de ces conditions n’est pas remplie, nous sommes d’avis qu’il n’y a pas lieu d’examiner si la seconde condition est remplie pour établir un manquement de la part du Royaume d’Espagne sur la base de l’article 260, paragraphe 2, TFUE.

46.      Dans ces conditions, il y a lieu de constater que, faute d’avoir pris, à l’expiration du délai imparti dans la lettre de mise en demeure complémentaire pour présenter des observations relatives au manquement reproché en application de l’article 260, paragraphe 2, TFUE, toutes les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt de 2002 relatif à la récupération des aides que la décision 91/1 a déclarées illégales et incompatibles avec le marché commun, le Royaume d’Espagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de cette décision et de l’article 260, paragraphe 1, TFUE.

C –    Sur l’astreinte

47.      En se référant à la méthode de calcul exposée dans sa communication SEC(2005) 1658, du 13 décembre 2005, relative à la mise en œuvre de l’article 228 CE (16), telle que mise à jour par la communication SEC(2010) 923, du 20 juillet 2010, la Commission propose une astreinte journalière d’un montant de 131 136 euros. Elle est d’avis que ladite astreinte, calculée sur la base d’un forfait de base de 640 euros affecté d’un coefficient de gravité de 5, d’un coefficient de durée de 3 et d’un facteur n de 13,66, est proportionnée à la gravité et à la durée de l’infraction compte tenu de la nécessité de conférer à une telle astreinte un effet coercitif et dissuasif.

48.      La Commission a justifié l’imposition d’une astreinte par le fait que les aides en question n’ont pas encore été récupérées et, donc, la décision 91/1 ainsi que l’arrêt de 2002 sont restés non exécutés. Dans ses observations écrites, la Commission a mentionné trois conditions pour que les aides puissent être considérées comme récupérées. Premièrement, les crédits résultant des aides en question doivent être inscrits en tant que dette dans la masse, deuxièmement, l’activité subventionnée doit être arrêtée et, troisièmement, les actifs de l’entreprise Indosa doivent être vendus au prix du marché, à l’issue d’une procédure de mise en concurrence ouverte, inconditionnelle et transparente.

49.      À l’audience, la Commission a changé son argumentation sur ce point. Elle a fait valoir que, même si les créances résultant des aides en question ont été finalement, à savoir le 4 avril 2012, inscrites en tant que dettes dans la masse, le manquement reproché au Royaume d’Espagne se poursuivait étant donné que l’activité subventionnée ne s’est pas arrêtée. Il paraît donc que la Commission a abandonné la condition de vente des actifs au prix du marché.

50.      Quant au Royaume d’Espagne, celui-ci est d’avis que, dans le cas présent, il n’y a pas lieu d’imposer les sanctions pécuniaires étant donné que les autorités nationales ont fait tout leur possible pour récupérer les aides déclarées illégales par la décision 91/1 et que, par conséquent, les sanctions pécuniaires éventuelles ne sont pas de nature à modifier leur comportement. En ce qui concerne plus spécialement une astreinte, le Royaume d’Espagne s’est fondé sur l’arrêt du 17 novembre 2011, Commission/Italie (17), pour soutenir que, en raison de l’inscription des créances relatives à la restitution des aides déclarées illégales par la décision 91/1 en tant que dettes dans la masse dans le cadre de la procédure de faillite de CMD, l’arrêt de 2002 a été finalement exécuté et que, pour cette raison, il n’y a pas lieu d’imposer d’astreinte.

51.      Cependant, pour le cas où la Cour estimerait opportun d’imposer de telles sanctions, le Royaume d’Espagne propose une astreinte trimestrielle d’un montant de 12 269,70 euros calculée sur la base d’un forfait de base de 9,98 euros (18) affecté d’un coefficient de gravité 1, d’un coefficient de durée de 1, d’un facteur n de 13,66 et, en raison de l’application trimestrielle d’une astreinte, d’un facteur de 90.

52.      Eu égard aux arguments des parties exposés ci-dessus, il convient tout d’abord de déterminer si le manquement reproché au Royaume d’Espagne tiré de l’inexécution de l’arrêt de 2002 a perduré jusqu’à l’examen des faits par la Cour, comme l’exige la jurisprudence en ce qui concerne l’imposition d’une astreinte (19).

53.      Comme nous l’avons déjà indiqué dans les présentes conclusions, l’exécution de l’arrêt de 2002 présuppose l’exécution de la décision 91/1 et l’exécution de ladite décision présuppose la récupération des aides déclarées illégales.

54.      Nous avons également constaté que, pour une entreprise en état de faillite, comme dans le cas d’espèce, la jurisprudence impose deux conditions cumulatives pour que les aides déclarées illégales par la décision de la Commission puissent être considérées comme récupérées, à savoir l’inscription des créances relatives à la restitution des aides en tant que dettes dans la masse et la cessation définitive de l’activité subventionnée par les aides concernées (20).

55.      À notre avis, l’existence de ces deux conditions cumulatives n’est pas remise en cause par l’arrêt du 17 novembre 2011, Commission/Italie (21), même si le Royaume d’Espagne en a déduit que l’État membre remplit l’obligation de récupération des aides d’État illégales en enregistrant les créances en cause dans le cadre de la procédure de faillite. Il est vrai que, dans cet arrêt, la Cour n’a lié l’obligation de récupération des aides d’État illégales qu’à l’enregistrement des créances dans le cadre de la procédure de faillite et a, en même temps, expressément rejeté la condition de vente des actifs de l’entreprise au prix du marché (22). Cela ne signifie cependant pas que la Cour ait abandonné la condition de cessation de l’activité subventionnée par les aides d’État illégales, qui découle de la jurisprudence constante antérieure (23).

56.      En l’espèce, force est de constater que, à la date de clôture de la procédure orale dans la présente affaire, les créances d’un montant de 22 683 745 euros relatives à la restitution des aides accordées par la Communauté autonome du Pays basque à Indosa ont été inscrites en tant que dettes dans la masse dans le cadre de la procédure de faillite de CMD.

57.      La question problématique est de savoir si l’activité subventionnée par les aides déclarées illégales par la décision 91/1 a été réellement arrêtée.

58.      Même si Indosa a été déclarée en faillite en 1994, l’activité litigieuse a été poursuivie par l’intermédiaire de CMD. Cette dernière a été également déclarée en faillite en 2008 et, selon les allégations du Royaume d’Espagne, la cessation de ses activités est devenue définitive à la suite de l’ordonnance de la juridiction nationale compétente du 24 juillet 2009 relative à l’extinction des contrats de travail de l’ensemble de son personnel. Toutefois, le Royaume d’Espagne lui-même a admis, dans sa réponse écrite aux questions de la Cour, que l’activité dans les installations de CMD a été maintenue et cela par l’intermédiaire de la société Euskomenaje, constituée le 3 septembre 2009, qui utilise les locaux de CMD pour fabriquer et commercialiser les produits que cette dernière fabriquait auparavant. Cela était possible en vertu de l’autorisation, faite par les syndics de la faillite de CMD, de la cession provisoire des actifs de cette dernière en faveur de Euskomenaje.

59.      Il est vrai que le Royaume d’Espagne a prouvé que le gouvernement basque a pris une série de mesures pour éviter que Euskomenaje puisse poursuivre une activité dans les locaux de CMD. Il n’en reste pas moins que, à la date de clôture de la procédure orale dans la présente affaire, Euskomenaje poursuivait toujours les mêmes activités dans les installations de CMD. Ce fait a été confirmé par le Royaume d’Espagne lui-même à l’audience.

60.      Nous estimons qu’il est suffisamment établi que la condition de cessation définitive de l’activité subventionnée par les aides illégales n’était pas en l’espèce satisfaite à la date de clôture de la procédure orale et que, par conséquent, les aides d’État déclarées illégales par la décision 91/1 ne peuvent pas être considérées comme récupérées. Pour cette raison, il convient d’imposer au Royaume d’Espagne une astreinte pour l’inciter à mettre fin, dans les plus brefs délais, au manquement reproché qui, sans cela, aurait tendance à persister (24).

61.      Quant au montant de l’astreinte, la Cour s’est maintes fois prononcée en ce sens que l’astreinte devrait être fixée de sorte à être à la fois adaptée aux circonstances et proportionnée au manquement constaté ainsi qu’à la capacité de paiement de l’État membre concerné. Les critères de base pour assurer la nature coercitive de l’astreinte en vue de l’application uniforme et effective du droit communautaire sont, en principe, la durée de l’infraction, son degré de gravité et la capacité de payer de l’État membre en cause. Pour l’application de ces critères, il y a lieu de tenir compte en particulier des conséquences du défaut d’exécution sur les intérêts privés et publics ainsi que de l’urgence qu’il y a à amener l’État membre concerné à se conformer à ses obligations (25).

62.      En ce qui concerne le premier critère, à savoir la durée de l’infraction, en l’espèce plus de dix ans se sont écoulés depuis la date de prononcé de l’arrêt de 2002, dont la non-exécution est reprochée au Royaume d’Espagne. C’est évidemment un laps de temps tout à fait considérable. Il faut ajouter qu’il s’agit de la plus longue période dont la Cour ait eu à connaître dans le cadre d’une procédure en manquement pour non-exécution d’un arrêt constatant un manquement. Pour cette raison, nous convenons avec la Commission qu’il y a lieu d’appliquer ici le coefficient de durée le plus élevé, à savoir 3.

63.      En ce qui concerne le deuxième critère, à savoir la gravité de l’infraction, la Cour a déjà souligné le caractère fondamental des dispositions du traité CE pour les aides d’État qui font l’objet de la décision 91/1 et de l’arrêt de 2002. L’importance de ces dispositions enfreintes dans la présente affaire se reflète notamment dans le fait que le remboursement d’une aide d’État illégale élimine la distorsion de concurrence causée par l’avantage concurrentiel procuré par l’aide et enlève au bénéficiaire l’avantage dont il avait bénéficié par rapport à ses concurrents (26).

64.      Toutefois, sur ce point, il faut à nos yeux prendre en considération le progrès dans l’exécution de la décision 91/1 et de l’arrêt de 2002 qui s’est produit après l’introduction du présent recours. Nous voudrions souligner notamment deux faits: le premier est que les créances relatives à la restitution des aides accordées à Indosa ont été finalement inscrites en tant que dettes dans la masse dans le cadre de la procédure de faillite de CMD et le second est que les autorités nationales ont agi pour obtenir la cessation définitive et non pas seulement formelle de l’activité subventionnée par les aides d’État illégales, même si leurs initiatives n’ont pas abouti, pour le moment, à la fin souhaitée.

65.      Ces deux faits justifient, à notre avis, d’abaisser le coefficient de gravité proposé par la Commission au niveau 4.

66.      En ce qui concerne le troisième critère, à savoir la capacité de payer de l’État membre en cause, la Cour a jugé que la méthode consistant en la multiplication du montant de base par un coefficient spécifique à cet État membre est un instrument approprié pour refléter la capacité de paiement dudit État tout en maintenant un écart raisonnable entre les divers États membres (27). Il en découle que, dans le cas présent, il convient d’utiliser un facteur n de 13,66 pour le Royaume d’Espagne.

67.      Avec les coefficients proposés, nous parvenons à une astreinte de 104 909 euros par jour de retard dans l’exécution de la décision 91/1 et de l’arrêt de 2002.

68.      Quant à la périodicité de l’astreinte, nous sommes d’avis que l’astreinte calculée par jour est dans le cas d’espèce la plus appropriée pour mettre fin au manquement reproché au Royaume d’Espagne dans les plus brefs délais.

D –    Sur la somme forfaitaire

69.      La Commission considère que, compte tenu de l’ensemble des éléments juridiques et factuels entourant le manquement reproché au Royaume d’Espagne, la prévention effective de la répétition future d’infractions analogues au droit de l’Union requiert l’adoption d’une mesure dissuasive, telle que l’imposition d’une somme forfaitaire. En ce qui concerne le montant de la somme forfaitaire, elle propose la multiplication du montant de 14 343 euros (28) par le nombre de jours écoulés entre l’arrêt de 2002 et la date de l’exécution par le Royaume d’Espagne de ses obligations ou, à défaut, celle du prononcé de l’arrêt en l’espèce.

70.       Pour le cas où la Cour estimerait qu’il faut appliquer une somme forfaitaire, le Royaume d’Espagne propose une somme de 44,80 euros par jour, calculée sur la base d’un forfait de base de 3,28 euros (29) affecté d’un coefficient de gravité de 1 et d’un facteur n de 13,66.

71.      Pour ce qui est de la somme forfaitaire, il convient de rappeler que l’imposition d’un tel type de sanction pécuniaire ne peut pas avoir de caractère automatique dans les cas de manquement aux obligations découlant de l’article 260, paragraphe 1, TFUE. Selon la Cour, ladite disposition du TFUE l’a investie d’un large pouvoir d’appréciation afin de décider de l’imposition ou non d’une telle sanction (30) au regard de l’ensemble des éléments pertinents ayant trait tant aux caractéristiques du manquement constaté qu’à l’attitude de l’État membre concerné (31).

72.      Nous estimons que, en l’espèce, c’est surtout la durée de l’infraction qui milite en faveur de l’imposition d’une somme forfaitaire. Il s’agit d’un laps de temps tout à fait considérable puisque plus de dix ans se sont écoulés depuis le prononcé de l’arrêt de 2002, dont la non-exécution est reprochée au Royaume d’Espagne.

73.      En outre, la Cour a déjà reconnu que la répétition de comportements illicites dans un domaine du droit de l’Union peut être un critère pour l’imposition d’une somme forfaitaire (32), ce qui correspond, selon nous, au caractère préventif des sanctions pécuniaires (33). Dans le cas du Royaume d’Espagne, la Cour a plusieurs fois constaté des manquements liés à l’inexécution de décisions de la Commission déclarant des aides d’État illégales et incompatibles avec le marché commun, notamment dans ses arrêts du 20 septembre 2007, Commission/Espagne (34), et du 14 décembre 2006, Commission/Espagne (35).

74.      Quant au montant forfaitaire, il convient de rappeler, d’emblée, que la Cour n’est pas liée par la proposition de la Commission et que la fixation de ce montant ressortit à son pouvoir d’appréciation (36). La somme forfaitaire doit être fixée de sorte qu’elle soit, d’une part, adaptée aux circonstances et, d’autre part, proportionnée au manquement constaté ainsi qu’à la capacité de paiement de l’État membre concerné. Figurent notamment au rang des facteurs pertinents à cet égard des éléments tels que la durée de persistance du manquement depuis l’arrêt l’ayant constaté et la gravité de l’infraction (37).

75.      Compte tenu des considérations développées aux points 62 à 64 des présentes conclusions sur la durée et la gravité du manquement reproché au Royaume d’Espagne, le montant de 20 millions d’euros nous semble adapté aux circonstances en l’espèce.

IV – Conclusion

76.      Eu égard aux considérations qui précèdent, nous proposons à la Cour:

–        de déclarer que, faute d’avoir pris, à l’expiration du délai imparti dans la lettre de mise en demeure complémentaire pour présenter des observations relatives au manquement reproché en application de l’article 260, paragraphe 2, TFUE, toutes les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt du 2 juillet 2002, Commission/Espagne (C‑499/99), relatif à la récupération des aides que la décision 91/1/CEE de la Commission, du 20 décembre 1989, concernant les aides accordées en Espagne par le gouvernement central et plusieurs gouvernements autonomes à MAGEFESA, producteur d’ustensiles de cuisine en acier inoxydable et de petits appareils électriques, a déclarées illégales et incompatibles avec le marché commun, le Royaume d’Espagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de cette décision et de l’article 260, paragraphe 1, TFUE;

–        de condamner le Royaume d’Espagne à verser à la Commission européenne, sur le compte «Ressources propres de l’Union européenne», une astreinte de 104 909 euros par jour de retard dans la mise en œuvre des mesures nécessaires pour se conformer à l’arrêt du 2 juillet 2002, Commission/Espagne, précité, à compter d’un mois après le prononcé du présent arrêt jusqu’à l’exécution de l’arrêt du 2 juillet 2002.

–        de condamner le Royaume d’Espagne à verser à la Commission européenne, sur le compte «Ressources propres de l’Union européenne», une somme forfaitaire de 20 millions d’euros;

–        de condamner le Royaume d’Espagne aux dépens.


1 – Langue originale: le français.


2 – C‑499/99, Rec. p. I‑6031.


3 – Magefesa est une société holding espagnole regroupant essentiellement quatre entreprises industrielles: Industrias Domésticas SA (ci-après «Indosa»), Manufacturas Gur SA (ci-après «Gursa»), Manufacturas Inoxidables Gibraltar SA (ci-après «Migsa»), et Cubertera del Norte SA (ci-après «Cunosa»).


4 – JO 1991, L 5, p. 18.


5 – Dans l’arrêt de 2002, la Cour a également constaté un manquement aux obligations incombant au Royaume d’Espagne en vertu de la décision 1999/509/CE de la Commission, du 14 octobre 1998, concernant des aides accordées par l’Espagne aux entreprises du groupe Magefesa et à ses successeurs (JO L 198, p. 15). Cependant, le présent recours ne vise que la prétendue inexécution de l’arrêt de 2002 à l’égard de la décision 91/1.


6 – La société CMD a été créée par l’administrateur de la faillite de Indosa en 1994 afin de commercialiser sa production. Les actions de CMD étaient le seul actif de Indosa.


7 – Voir, à cet égard, arrêt du 12 juillet 2005, Commission/France (C‑304/02, Rec. p. I‑6263, point 92).


8 – Voir, en ce sens, arrêt du 12 juillet 2005, Commission/France (cité note 7, point 93).


9 – Voir, à cet égard, arrêt du 26 avril 2012, Commission/Pays-Bas (C‑508/10, point 34 et jurisprudence citée). Même si la Cour a établi cette caractéristique pour le recours en manquement au titre de l’article 258 TFUE, nous sommes d’avis qu’elle vaut également dans un recours en manquement pour non-exécution d’un arrêt de la Cour constatant un manquement au titre de l’article 260, paragraphe 2, TFUE.


10 – Voir arrêts du 29 mars 2011, ArcelorMittal Luxembourg/Commission et Commission/ArcelorMittal Luxembourg e.a. (C‑201/09 P et C‑216/09 P, Rec. p. I‑2239, point 75 et jurisprudence citée); du 29 mars 2011, ThyssenKrupp Nirosta/Commission (C‑352/09 P, Rec. p. I‑2359, point 88), et du 14 février 2012, Toshiba Corporation e.a (C‑17/10, point 47).


11 – Arrêt du 27 janvier 2011, Flos (C‑168/09, Rec. p. I‑181, point 53 et jurisprudence citée).


12 – Voir, en ce sens, arrêt du 29 mars 2011, ThyssenKrupp Nirosta/Commission (cité note 10, point 81).


13 – Arrêt du 17 novembre 2011, Commission/Italie (C‑496/09, Rec. p. I‑11483, point 27 et jurisprudence citée).


14 – Arrêt du 17 novembre 2011, Commission/Italie (cité note 13, point 73).


15 – Arrêt du 13 octobre 2011, Commission/Italie (C‑454/09, point 36 et jurisprudence citée).


16 – JO 2007, C 126, p. 15.


17 – Cité note 13.


18 – Le forfait de base proposé par le Royaume d’Espagne correspond à la multiplication de forfait de base uniforme de 640 euros fixé par la communication de la Commission SEC(2005) 1658, du 13 décembre 2005, par 25 % (puisque le manquement reproché ne vise qu’une seule des quatre sociétés de Magefesa ayant perçu des aides illégales d’après la décision 91/1) et par 6,24 % (puisque le manquement reproché concerne une aide accordée par le gouvernement d’une région qui représente 6,24 % du produit intérieur brut espagnol).


19 – Voir, en ce sens, arrêt du 17 novembre 2011, Commission/Italie (cité note 13, point 42).


20 – Voir points 40 et 41 des présentes conclusions.


21 – Cité note 13.


22 – Arrêt du 17 novembre 2011, Commission/Italie (cité note 13, points 74 et 75).


23 – Arrêt du 13 octobre 2011, Commission/Italie (cité note 15, point 36 et jurisprudence citée).


24 – Voir, en ce sens, arrêt du 9 décembre 2008, Commission/France (C‑121/07, Rec. p. I‑9159, point 58).


25 – Voir arrêt du 7 juillet 2009, Commission/Grèce (C‑369/07, Rec. p. I‑5703, points 114 et 115).


26 – Voir arrêt du 7 juillet 2009, Commission/Grèce (cité note 25, points 118 et 120).


27 – Voir arrêt du 17 novembre 2011, Commission/Italie (cité note 13, point 65 et jurisprudence citée).


28 –      Le montant de 14 343 euros est le résultat de la multiplication d’un forfait de base de 210 euros par le coefficient de gravité de 5 et le facteur n de 13,66.


29 –      À l’instar du forfait de base dans le cas d’une astreinte, le forfait de base proposé par le Royaume d’Espagne pour la somme forfaitaire résulte de la multiplication par 25 % et par 6,24 % du forfait de base uniforme de 210 euros fixé par la communication de la Commission SEC(2005) 1658 du 13 décembre 2005.


30 – Voir, en ce sens, arrêts du 9 décembre 2008, Commission/France (cité note 24, point 63), et du 7 juillet 2009, Commission/Grèce (cité note 25, point 144).


31 – Voir, en ce sens, arrêts du 9 décembre 2008, Commission/France (cité note 24, point 62); du 4 juin 2009, Commission/Grèce (C‑568/07, Rec. p. I‑4505, point 44), et du 4 juin 2009, Commission/Grèce (C‑109/08, Rec. p. I‑4657, point 51), ainsi que du 7 juillet 2009, Commission/Grèce (C‑369/07, cité note 25, point 144).


32 – Voir, en ce sens, arrêts du 9 décembre 2008, Commission/France (cité note 24, point 67), et du 17 novembre 2011, Commission/Italie (cité note 13, point 91).


33 – S’agissant du caractère préventif, voir arrêt du 9 décembre 2008, Commission/France (cité note 24, point 59).


34 – C‑177/06, Rec. p. I‑7689.


35 – C‑485/03 à 490/03, Rec. p. I‑11887.


36 – Voir, en ce sens, arrêt du 9 décembre 2008, Commission/France (cité note 24, point 64).


37 – Arrêt du 17 novembre 2011, Commission/Italie (cité note 13, points 93 et 94).