Language of document : ECLI:EU:C:2012:276

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

Mme ELEANOR Sharpston

présentées le 8 mai 2012 (1)

Affaire C‑44/11

Finanzamt Frankfurt am Main V-Höchst

contre

Deutsche Bank AG

[demande de décision préjudicielle formée par le Bundesfinanzhof (Allemagne)]

«TVA — Services de gestion de portefeuille — Exonération — Prestation principale et prestation accessoire — Lieu de prestation»





1.        En vertu de la directive 2006/112/CE (2), certaines opérations financières sont exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée (ci-après la «TVA»). Lorsque le fournisseur et son client ne sont pas établis dans le même pays, le lieu de prestation des services bancaires et financiers correspond à l’établissement ou à la résidence du client.

2.        Le Bundesfinanzhof (Cour fédérale des finances) (Allemagne) souhaite savoir comment ces règles s’appliquent à un service de gestion de portefeuille dans lequel, dans le cadre d’une stratégie qu’il a préalablement choisie, le client donne à la banque toute latitude pour acheter et vendre des valeurs mobilières en son nom et pour son compte, en contrepartie d’une commission représentant un pourcentage déterminé de la valeur du portefeuille de valeurs mobilières. Il demande également des éclaircissements sur la question de savoir si les éléments constitutifs de ces prestations de services doivent être traités séparément ou ensemble et, dans ce dernier cas, quel est l’élément qui doit prédominer à des fins de qualification.

 Le droit de l’Union

3.        En 2008, l’exercice comptable en cause dans l’affaire au principal, l’article 56, paragraphe 1, de la directive TVA disposait, dans la mesure pertinente aux fins de la présente affaire:

«Le lieu des prestations de services suivantes, fournies à des preneurs établis en dehors de la Communauté ou à des assujettis établis dans la Communauté mais en dehors du pays du prestataire, est l’endroit où le preneur a établi le siège de son activité économique ou dispose d’un établissement stable pour lequel la prestation de services a été fournie ou, à défaut, le lieu de son domicile ou de sa résidence habituelle:

[…]

(e)      les opérations bancaires, financières et d’assurance, y compris celles de réassurance, à l’exception de la location de coffres‑forts;

[…]» (3).

4.        En application de l’article 135, paragraphe 1, sous a) à g), de la directive TVA, les États membres exonèrent un certain nombre d’opérations de nature financière:

«a)      les opérations d’assurance et de réassurance, y compris les prestations de services afférentes à ces opérations effectuées par les courtiers et les intermédiaires d’assurance;

b)      l’octroi et la négociation de crédits ainsi que la gestion de crédits effectuée par celui qui les a octroyés;

c)      la négociation et la prise en charge d’engagements, de cautionnements et d’autres sûretés et garanties ainsi que la gestion de garanties de crédits effectuée par celui qui a octroyé les crédits;

d)      les opérations, y compris la négociation, concernant les dépôts de fonds, comptes courants, paiements, virements, créances, chèques et autres effets de commerce, à l’exception du recouvrement de créances;

e)      les opérations, y compris la négociation, portant sur les devises, les billets de banque et les monnaies qui sont des moyens de paiement légaux, à l’exception des monnaies et billets de collection, à savoir les pièces en or, en argent ou en autre métal, ainsi que les billets, qui ne sont pas normalement utilisés dans leur fonction comme moyen de paiement légal ou qui présentent un intérêt numismatique;

f)      les opérations, y compris la négociation mais à l’exception de la garde et de la gestion, portant sur les actions, les parts de sociétés ou d’associations, les obligations et les autres titres, à l’exclusion des titres représentatifs de marchandises et des droits ou titres visés à l’article 15, paragraphe 2[ (4)];

g)      la gestion de fonds communs de placement tels qu’ils sont définis par les États membres[ (5)]».

5.        Parmi les dispositions reproduites ci-dessus, ce sont les points f) et g) (6) qui sont pertinents dans la présente affaire. Les autres exonérations prévues à l’article 135, paragraphe 1, de la directive TVA sont les livraisons, à leur valeur faciale, de timbres-poste, de timbres fiscaux et d’autres valeurs similaires [point h)], les paris, loteries et autres jeux de hasard ou d’argent [point i)], les livraisons de bâtiments et du sol y attenant [point j)], les livraisons de biens immeubles non bâtis autres que celles des terrains à bâtir [point k)] et l’affermage et la location de biens immeubles [point l)].

6.        L’article 135, paragraphe 2, sous d), de la directive TVA exclut les locations de coffres-forts de l’exonération précitée, prévue à ce même article 135, paragraphe 1, sous l). Les opérations de ce type sont donc soumises à la TVA.

7.        En février 2008, la Commission des Communautés européennes a présenté au Conseil de l’Union européenne une proposition de modification de la directive TVA et une proposition de règlement portant modalités d’application de celle-ci, en ce qui concerne le traitement des services d’assurances et des services financiers (7). Ces propositions, qui définissent les termes employés pour désigner les services financiers, restent activement débattues au sein du Conseil, qui n’est pas encore parvenu à un accord (8). En présentant ses propositions, la Commission a indiqué que les définitions des services financiers exonérés sont obsolètes et ont entraîné une interprétation et une application inégales par les États membres. Les opérateurs économiques et les autorités fiscales ont été confrontés à une complexité juridique considérable du fait de pratiques administratives variables se traduisant par une insécurité juridique, laquelle a donné lieu à un nombre croissant d’actions en justice et a engendré une augmentation des charges administratives.

 Le droit allemand

8.        En 2008, il résultait des dispositions combinées des articles 3 bis, paragraphe 3, 3 bis, paragraphe 4, point 6, sous a), et 4, point 8, sous e) et h), de la loi de 2005 relative à la taxe sur la valeur ajoutée (Umsatzsteuergesetz 2005, ci-après l’«UStG») que, en substance, en ce qui concerne les «opérations sur valeurs mobilières, y compris la négociation de ces opérations, à l’exception de la garde et de la gestion de valeurs mobilières» et la «gestion de fonds d’investissement en application de la loi sur les investissements [Investmentgesetz] et la gestion des organismes de retraite conformément à la loi sur le contrôle des opérations et des compagnies d’assurances [Versicherungsaufsichtsgesetz]», premièrement, ces opérations devaient être exonérées de TVA, deuxièmement, lorsque le preneur était une entreprise, la prestation était réputée fournie soit à l’endroit où le preneur exerce son activité, soit dans son établissement stable, en fonction des circonstances, et, troisièmement, lorsque le preneur n’était pas une entreprise et qu’il avait son domicile ou son siège sur le territoire d’un pays tiers, la prestation était réputée effectuée dans ce pays.

9.        Toutefois, selon une circulaire du ministère fédéral des Finances en date du 9 décembre 2008, les articles 3 bis, paragraphes 3 et 4, point 6, sous a), de l’UStG ne devaient pas être appliqués pour déterminer le lieu de prestation des services de gestion de patrimoine. Il n’était pas non plus possible d’appliquer l’article 56, paragraphe 1, sous e), de la directive TVA, lequel n’indiquait pas qu’il était destiné à couvrir des opérations autres que celles qu’il énumérait. En ce qui concerne l’exonération, l’article 135, paragraphe 1, de ladite directive était clair et précis, et ne mentionnait pas la gestion de patrimoine. La gestion de patrimoine, en tant que prestation unique, était donc taxable et n’était pas exonérée en vertu de l’article 4, point 8, sous e), de l’UStG.

 Les faits, la procédure et les questions déférées

10.      Deutsche Bank AG (ci-après la «Deutsche Bank») fournit des prestations de services consistant à gérer de manière autonome des valeurs mobilières pour le compte d’investisseurs, sans recueillir préalablement les instructions de ces derniers, mais en tenant compte de la stratégie de placement qu’ils ont choisie, et à prendre toutes mesures pertinentes à cette fin. La Deutsche Bank est habilitée à disposer des valeurs mobilières au nom et pour le compte de l’investisseur. L’investisseur verse une rémunération annuelle d’un montant total de 1,8 % de la valeur du patrimoine géré et comportant une partie afférente à la gestion de patrimoine, s’élevant à 1,2 % de ladite valeur, ainsi qu’une partie concernant l’achat et la vente de valeurs mobilières, d’un montant de 0,6 % de l’actif. Cette rémunération englobe également la tenue d’un compte courant et d’un compte de titres ainsi que les commissions pour l’acquisition de parts de fonds communs de placement. Les investisseurs reçoivent régulièrement un rapport sur l’évolution de la gestion de leur patrimoine et peuvent mettre fin à tout moment et sans préavis au mandat de gestion.

11.      Dans sa déclaration préalable pour mai 2008, la Deutsche Bank a supposé que les prestations qu’elle exécute dans le cadre de la gestion de valeurs mobilières étaient exonérées de TVA en vertu de l’article 4, point 8, de l’UStG, en cas de prestations fournies à des investisseurs sur le territoire allemand et sur le reste du territoire de l’Union et qu’elles n’étaient pas taxables au titre de l’article 3 bis, paragraphe 4, point 6, sous a), de l’UStG, en cas de prestations fournies à des investisseurs établis dans des États tiers. Le Finanzamt Frankfurt am Main V‑Höchst n’a pas approuvé cette analyse, et le litige est maintenant pendant devant le Bundesfinanzhof saisi d’un pourvoi.

12.      Le Bundesfinanzhof a décidé de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)      La gestion de patrimoine au moyen de valeurs mobilières (gestion de portefeuille), activité rémunérée consistant, pour un assujetti, à prendre des décisions autonomes d’achat et de vente de valeurs mobilières et à exécuter ces décisions par l’achat et par la vente de valeurs mobilières, est-elle exonérée:

–        uniquement en tant que gestion de fonds communs de placement pour plusieurs investisseurs en commun, conformément à l’article 135, paragraphe 1, sous g), de la directive 2006/112/CE, ou également

–        en tant que gestion individuelle de portefeuille pour certains investisseurs conformément à l’article 135, paragraphe 1, sous f), de la directive 2006/112/CE (opération portant sur des valeurs mobilières ou en tant que négociation d’une telle opération)?

2)      Dans la détermination de la prestation principale et de la prestation accessoire, quelle importance doit-on accorder au critère selon lequel la prestation accessoire constitue pour la clientèle non pas une fin en soi, mais le moyen de bénéficier dans les meilleures conditions du service principal du prestataire, par rapport au calcul séparé de la prestation accessoire et de la possibilité pour des tiers d’exécuter la prestation accessoire?

3)      L’article 56, paragraphe 1, sous e), de la directive 2006/112/CE s’applique-t-il uniquement aux prestations énumérées à l’article 135, paragraphe 1, sous a) à g), de la directive 2006/112/CE ou comprend-il également la gestion de patrimoine au moyen de valeurs mobilières (gestion de portefeuille), même si cette opération ne relève pas de cette dernière disposition?»

13.      Des observations écrites ont été présentées par la Deutsche Bank, les gouvernements allemand et néerlandais ainsi que la Commission. Le centre des impôts, la Deutsche Bank, les gouvernements allemand et du Royaume-Uni ainsi que la Commission ont présenté des observations orales lors de l’audience du 1er mars 2012.

 Appréciation

 Observations liminaires

14.      Il est constant que les prestations de services en cause ne constituent pas des opérations de «gestion de fonds communs de placement» au sens de l’article 135, paragraphe 1, sous g), de la directive TVA.

15.      En effet, cette disposition concerne les fonds communs dans lesquels de nombreux placements sont regroupés et répartis sur une série de valeurs mobilières qui peuvent être gérées efficacement afin d’optimiser les résultats, et dans lesquels les placements individuels peuvent être relativement modestes. Ces fonds gèrent leurs placements en leur propre nom et pour leur propre compte, tandis que chaque investisseur détient une participation dans le fonds (une ou plusieurs parts du fonds), mais pas les placements du fonds eux-mêmes. En revanche, les prestations en cause concernent généralement les actifs d’une seule personne, dont la valeur totale doit être relativement élevée pour que leur gestion soit rentable. Le gérant de portefeuille achète et vend des produits de placement au nom et pour le compte de l’investisseur, qui conserve la propriété des différentes valeurs mobilières particulières tout au long du contrat et lorsque celui-ci prend fin.

16.      Il est également constant que les valeurs mobilières concernées ne sont pas des «titres représentatifs de marchandises» ou des «droits ou titres visés à l’article 15, paragraphe 2», les opérations sur ce type de titres ou droits étant exclues de l’exonération prévue à l’article 135, paragraphe 1, sous f), de la directive TVA. Les prestations en cause ne sont pas non plus cantonnées à la seule garde de titres, qui est une opération elle aussi exclue de l’exonération.

17.      Le nœud des deux premières questions consiste à savoir si les prestations concernées sont des «opérations» sur titres, «y compris la négociation mais à l’exception de la gestion», exonérées par l’article 135, paragraphe 1, sous f), de ladite directive.

18.      Il ressort de la demande de décision préjudicielle et des propres observations de la Deutsche Bank que ces prestations se répartissent en trois catégories qui sont, en synthèse: a) décider, sur le fondement de connaissances pointues et de l’observation des marchés, des valeurs mobilières qu’il convient d’acheter ou de vendre et du meilleur moment pour le faire; b) appliquer ces décisions en achetant et en vendant effectivement les valeurs mobilières (9), et c) assurer une série de prestations plus administratives liées à la détention des titres.

19.      Par sa première question, la juridiction de renvoi voudrait savoir si les catégories a) et b), prises ensemble, relèvent de l’exonération prévue à l’article 135, paragraphe 1, sous f), de la directive TVA. Pour pouvoir répondre à cette question, il faudra examiner notamment si les services fournis forment «un ensemble distinct, apprécié de façon globale, qui a pour effet de remplir les fonctions spécifiques et essentielles d’un service décrit à cette disposition (10)».

20.      Par sa deuxième question — toujours dans l’optique d’établir la possibilité d’exonération en vertu dudit article 135, paragraphe 1, sous f) — la juridiction de renvoi demande des précisions sur la jurisprudence relative au régime de TVA applicable aux prestations connexes dans les cas où une prestation peut être considérée comme «principale» et l’autre (ou les autres) comme «accessoire(s)», de sorte que, prises ensemble, elles doivent être considérées comme constituant une prestation unique (11). Dans son libellé, cette question semble concerner principalement la relation entre les prestations des catégories a) et b) définies ci-dessus, lesquelles font l’objet de commissions distinctes de la Deutsche Bank. Cependant, les motifs de la demande de décision préjudicielle laissent entendre que la juridiction de renvoi s’intéresse également aux prestations de la catégorie c), dont les frais semblent être inclus dans les commissions facturées pour les prestations des catégories a) et b).

21.      Il existe manifestement un lien étroit entre ces deux problèmes. En effet, ils pourraient être considérés comme représentant essentiellement une seule et même question. C’est pourquoi je commencerai par les examiner ensemble, traitant ainsi de l’un des aspects de la première question et répondant à la deuxième. Je me pencherai ensuite sur le problème principal visé par la première question pour terminer par la troisième question, qui concerne une disposition différente de la directive TVA.

 Sur le rapport entre les prestations décrites (première et deuxième questions)

22.      Tous ceux qui ont présenté des observations écrites s’accordent à dire que la gestion de portefeuille, telle qu’elle est décrite dans la demande de décision préjudicielle, devrait être considérée comme constituant une opération économique unique ou que, à tout le moins, elle devrait faire l’objet d’un traitement indifférencié au regard de la TVA, sur le fondement de la prestation principale fournie. Ils admettent qu’il est possible de décomposer cette prestation en plusieurs éléments tels que la structuration du portefeuille, l’analyse des marchés, l’achat et la vente de valeurs mobilières, la tenue de comptes, et ainsi de suite, mais soutiennent que le «produit» vendu englobe toutes ces prestations et que le client a intérêt à bénéficier d’une prestation unique plutôt que d’une multitude de sous-prestations. Ils conviennent en outre que les éléments purement administratifs de la prestation sont secondaires ou accessoires et qu’ils ne devraient pas influer sur la qualification globale.

23.      Je partage leur avis.

24.      Il résulte en effet d’une jurisprudence constante que, lorsqu’une opération est constituée par un faisceau d’éléments, il y a lieu de prendre en considération toutes les circonstances afin de déterminer si l’on se trouve en présence de deux ou de plusieurs prestations distinctes, ou bien d’une prestation unique. Bien que chaque opération doive normalement être considérée comme distincte et indépendante, l’opération constituée d’une seule prestation sur le plan économique ne doit pas être artificiellement décomposée, afin de ne pas altérer la fonctionnalité du système de la TVA. Par ailleurs, dans certaines circonstances, plusieurs prestations formellement distinctes, qui pourraient être fournies séparément, doivent être considérées comme une opération unique lorsqu’elles ne sont pas indépendantes. On est en présence d’une prestation unique soit lorsque deux ou plusieurs éléments fournis sont si étroitement liés qu’ils forment une seule prestation économique indissociable dont la décomposition revêtirait un caractère artificiel, soit lorsqu’un ou plusieurs éléments constituent la prestation principale et que les autres sont accessoires. En particulier, une prestation doit être considérée comme accessoire à une prestation principale lorsqu’elle constitue pour son destinataire non pas une fin en soi, mais le moyen de bénéficier dans les meilleures conditions du service principal du prestataire. S’il appartient à la juridiction nationale de déterminer quelle est la situation de fait dans une espèce particulière, la Cour peut lui fournir tout élément d’interprétation relevant du droit de l’Union qui peut lui être utile pour juger l’affaire dont elle est saisie (12).

25.      La juridiction de renvoi semble estimer que la prestation de service consistant à acheter et à vendre des valeurs mobilières [prestation que j’ai classée dans la catégorie b) aux points 18 et suivants des présentes conclusions] devrait nécessairement être considérée comme accessoire par rapport à la prestation de gestion de patrimoine [prestation que j’ai rangée dans la catégorie a)], si ce n’est que, dans l’arrêt RLRE Tellmer Property (13), la Cour a souligné qu’un service de nettoyage qu’elle considérait comme étant distinct de la location d’appartements pouvait être fourni par un tiers et/ou facturé séparément.

26.      Il me semble qu’il convient, non pas de commencer par se demander laquelle des deux prestations que j’ai respectivement rangées dans la catégorie a) et dans la catégorie b) peut être la prestation principale et laquelle peut être la prestation accessoire, mais de se demander d’abord si elles sont si étroitement liées qu’elles forment, objectivement, une seule prestation économique indissociable dont la décomposition revêtirait un caractère artificiel. À mon sens, vues sous cet angle, elles sont étroitement liées.

27.      Le gouvernement allemand a fait remarquer que, dans la jurisprudence, l’appréciation de la question de savoir si deux ou plusieurs éléments forment une seule et même prestation économique a été examinée du point de vue du consommateur type ou moyen (14). Je suis d’accord avec cette approche. Même si, dans certains de ces arrêts, la Cour a également employé le terme «objectivement» dans ce contexte, le point de vue d’un consommateur moyen vis-à-vis d’un certain type de prestations est, par définition, un critère objectif par rapport au point de vue subjectif d’un client particulier sur une opération déterminée. J’ajouterais que, dans l’arrêt Bog e.a., précité, la Cour a relevé qu’il convient de tenir compte des «éléments qualitativement prépondérants» du point de vue du consommateur (15).

28.      Du point de vue du client type pour des prestations telles que celles en cause (un particulier disposant d’un capital important à placer, mais n’ayant pas le temps et/ou les compétences nécessaires pour le gérer de manière adéquate pour son propre compte), les services groupés que j’ai appelés les prestations des catégories a) et b), tels que décrits dans la demande de décision préjudicielle, forment une prestation unique et indivisible.

29.      Je n’affirme pas que ces prestations des catégories a) et b) soient des prestations indissociables au point qu’aucune ne puisse être fournie seule. Au contraire, un investisseur souhaitant savoir comment gérer au mieux son portefeuille tout en étant prêt à effectuer lui-même les opérations de placement pourrait rechercher un service de conseil, puis prendre les décisions concrètes lui-même dans un second temps. À l’inverse, un investisseur qui sait déjà quels achats et quelles ventes effectuer et à quel moment, mais qui souhaite éviter d’avoir à effectuer lui-même ces opérations, pourrait avoir recours aux services d’un intermédiaire uniquement pour ce type de tâches. En revanche, le contrat de gestion de portefeuille proposé par la Deutsche Bank, tel que décrit dans la demande de décision préjudicielle, est prévu pour ceux qui recherchent une prestation globale.

30.      En outre, même si elles peuvent être offertes séparément, aucune de ces prestations des catégories a) et b) ne peut avoir de sens toute seule. En effet, décider de la meilleure stratégie d’achat, de vente ou de conservation de titres n’aurait pas de sens si cette stratégie n’était jamais mise en œuvre. De même, effectuer (ou ne pas effectuer, selon le cas) des ventes et des achats sans processus décisionnel rationnel et éclairé reviendrait à s’en remettre largement au hasard. La décision d’acheter ou de vendre, ou celle de s’en abstenir, est si intimement liée à l’action qui est ou non effectuée, en connaissance de cause, que décision et action sont en réalité normalement les deux faces d’une même pièce. Il est donc tout à fait rationnel qu’un investisseur ne disposant pas lui-même des ressources nécessaires confie à la fois la décision et sa mise en œuvre à une personne de confiance.

31.      Le seul fait que le contrat type de la Deutsche Bank stipule un pourcentage distinct pour la prestation de la catégorie a) et pour la prestation de la catégorie b) ne change rien à mon appréciation. Dans l’arrêt RLRE Tellmer Property (16), la Cour ne s’est pas servie du fait que les prestations étaient facturées séparément comme d’un critère pour déterminer s’il y avait une seule prestation ou plusieurs prestations distinctes. Elle a plutôt mis en exergue cette circonstance comme confirmant la différence de nature entre la location d’appartements à des locataires et le nettoyage des parties communes de l’immeuble en question. De plus, dans l’arrêt Bog e.a. (17), la Cour a souligné que, lorsqu’un traiteur fournit des plats, de la vaisselle, des couverts, des tables ainsi que du personnel chargé du service, l’existence d’une opération unique est indépendante de la circonstance que le traiteur établisse une seule facture reprenant l’ensemble des éléments ou, au contraire, établisse une facture séparée pour différents éléments. Or, bien que ce point reste à vérifier par la juridiction nationale compétente, la Deutsche Bank a déclaré lors de l’audience que sa commission globale était scindée pour des raisons historiques liées à l’imposition des bénéfices, si bien que cette décomposition de sa rémunération ne traduisait pas la valeur relative des éléments à l’égard desquels elle était théoriquement facturée.

32.      Si les prestations relevant des catégories a) et b), quand elles sont regroupées, doivent être considérées comme une seule prestation économique indissociable dont la décomposition revêtirait un caractère artificiel — alors même qu’elle pourrait toujours être scindée en prestations distinctes dans d’autres circonstances — elles forment alors clairement une prestation principale par rapport à laquelle les prestations plus administratives que j’ai classées dans la catégorie c) sont accessoires. Ces prestations comprennent, selon le dossier de l’affaire, l’avance de frais relativement à des opérations, la perception des intérêts sur les valeurs mobilières détenues et le compte rendu de l’une et l’autre au client. Elles sont proposées en combinaison avec la prestation principale pour des raisons de commodité — en tant que «moyen de bénéficier dans les meilleures conditions» de cette dernière prestation, pour reprendre les termes de la jurisprudence. Elles devraient donc elles aussi faire l’objet du même traitement au regard de la TVA.

33.      La question consiste cependant à déterminer si les prestations des catégories a) et b), prises ensemble, relèvent de l’article 135, paragraphe 1, sous f), de la directive TVA.

 Sur la classification des prestations au regard de l’article 135, paragraphe 1, sous f), de la directive TVA (première question)

34.      La Deutsche Bank et la Commission soutiennent que les prestations en cause sont exonérées en vertu de l’article 135, paragraphe 1, sous f), de la directive TVA. Le centre des impôts ainsi que les gouvernements allemand, néerlandais et du Royaume-Uni estiment que tel n’est pas le cas. Les observations abordent notamment les principes qui régissent l’interprétation de la directive TVA ainsi que, dans ce contexte, la finalité de l’exonération en cause considérée comme l’une des exonérations portant sur les opérations financières.

35.      Selon une jurisprudence constante, les exonérations prévues aux articles 131 à 137 de la directive TVA constituent des notions autonomes du droit de l’Union ayant pour objet d’éviter des divergences dans l’application du régime de la TVA entre les États membres. Les termes employés sont d’interprétation stricte, dans la mesure où il s’agit d’exceptions au principe général selon lequel la TVA est perçue sur chaque prestation de services effectuée à titre onéreux par un assujetti. Toutefois, leur interprétation doit être conforme aux objectifs poursuivis et respecter les exigences du principe de neutralité fiscale inhérent au système commun de TVA, qui empêche de traiter de manière différente du point de vue de la TVA des livraisons semblables qui se trouvent en concurrence les unes avec les autres (18). Ainsi, cette règle d’interprétation stricte ne signifie pas que les termes utilisés doivent être interprétés d’une manière qui priverait les exonérations de leurs effets (19).

36.      On ne trouve ni dans le préambule de la directive TVA ou dans celui de la sixième directive, qui l’a précédée, ni dans leurs travaux préparatoires respectifs d’indication claire de l’effet recherché par l’exonération des opérations financières visées à l’article 135, paragraphe 1, sous b) à g), de la directive TVA (qui correspond à l’article 13, B, sous d), points 1 à 6, de la sixième directive). La Cour a cependant jugé que leur finalité est de pallier les difficultés liées à la détermination de la base d’imposition ainsi que du montant de la TVA déductible et d’éviter une augmentation du coût du crédit à la consommation (20). Plus spécialement, l’objectif de l’exonération des opérations liées à la gestion de fonds communs de placement prévue à l’article 135, paragraphe 1, sous g), de la directive TVA est, notamment, de faciliter, pour les petits investisseurs, le placement dans des titres au moyen d’organismes de placement. Elle vise à assurer que le système commun de TVA soit fiscalement neutre quant au choix entre le placement direct en titres et celui qui intervient par l’intermédiaire d’organismes de placement collectif (21).

37.      La Cour n’a pas fait de déclaration analogue en ce qui concerne l’objectif spécifique de l’exonération prévue à l’article 135, paragraphe 1, sous f), de la directive TVA. Elle a cependant délimité le champ d’application de cette exonération. Pour entrer dans ce champ d’application, les services fournis doivent former un ensemble distinct, apprécié de façon globale, qui a pour effet de remplir les fonctions spécifiques et essentielles d’un service décrit dans cette disposition. Seules sont exonérées les opérations susceptibles de créer, de modifier ou d’éteindre les droits et obligations des parties sur des titres, à l’exclusion des prestations administratives qui n’entraînent pas de modifications de cette situation ou des activités d’information financière. Le terme «négociation» vise une activité fournie par une personne intermédiaire qui n’occupe pas la place d’une partie à un contrat portant sur un produit financier et dont l’activité est différente des prestations contractuelles typiques fournies par les parties à de tels contrats. C’est un service rendu à une partie contractuelle et rémunéré par celle-ci en tant qu’activité distincte d’entremise (22).

38.      Je suis parvenue à la conclusion que les prestations en cause forment un ensemble distinct, apprécié de façon globale. Cet ensemble a-t-il pour effet de remplir les fonctions spécifiques et essentielles d’un service décrit à l’article 135, paragraphe 1, sous f), de la directive TVA? Il est important que la Cour y apporte une réponse claire. Les pratiques varient beaucoup d’un État membre à l’autre, ce qui a un effet délétère sur l’harmonisation du système commun de TVA ainsi que sur la concurrence au sein de l’Union.

39.      En premier lieu, en ce qui concerne la nature de cet «ensemble distinct», le centre des impôts et les gouvernements allemand, néerlandais et du Royaume-Uni estiment que l’essence de la gestion de portefeuille réside dans le savoir-faire qui détermine la structure du portefeuille et qui sous-tend les décisions prises, d’acheter ou de vendre des valeurs mobilières ou de les conserver, selon le cas. L’exercice de ce savoir-faire peut donner lieu à des opérations qui créent, modifient ou éteignent les droits et obligations des parties sur des titres, mais ces opérations ne sont qu’accessoires par rapport à la fonction principale, qui est de garantir la rentabilité souhaitée de l’investissement du client et/ou d’augmenter la valeur de cet investissement.

40.      Pour la Deutsche Bank et la Commission, cependant, l’essence de la prestation en cause réside dans l’opération active d’achat et de vente de valeurs mobilières de manière conforme à la stratégie choisie. Le savoir-faire lui-même, bien qu’essentiel, n’est qu’une simple condition préalable à cette activité, puisque l’intérêt de l’investisseur est que les opérations nécessaires soient effectuées. La Deutsche Bank ajoute que l’obligation contractuelle consiste à appliquer la stratégie choisie, et non pas à obtenir un rendement ou une augmentation de valeur définis. De plus, même lorsqu’il est décidé de conserver provisoirement une valeur mobilière, l’exercice de ce savoir-faire reste, potentiellement, susceptible de modifier la situation juridique et financière entre les parties concernées (23).

41.      Conformément à mon analyse du rapport entre les différents aspects de la prestation globale fournie, c’est la prestation dans son ensemble qui doit être examinée aux fins de déterminer si elle entre dans le champ d’application de l’article 135, paragraphe 1, sous f), de la directive TVA.

42.      Une partie de cette prestation globale implique des opérations qui créent, modifient ou éteignent effectivement les droits et obligations des parties sur des titres. La partie restante, à savoir la mobilisation du savoir-faire financier pertinent, bien que susceptible de conduire à des actions qui créent, modifient ou éteignent ces droits et obligations, est tout autant susceptible de ne pas avoir cet effet.

43.      Tout comme le centre des impôts et les gouvernements qui ont présenté des observations, j’estime que c’est cette dernière partie qui définit la nature de la prestation globale du point de vue du client. Un client qui choisit une stratégie de placement particulière a intérêt à ce que cette stratégie soit appliquée. Que des valeurs mobilières soient effectivement achetées ou vendues lui importe moins que l’assurance que son placement soit, à tout moment, structuré conformément à cette stratégie. Il souhaite être sûr que les opérations effectuées soient toutes réalisées au bon moment, mais aussi qu’il n’y ait ni achat ni vente lorsqu’il est préférable de ne pas bouger. Comme cela a été souligné à l’audience, le rôle prépondérant que joue le volet «savoir-faire» de la prestation par rapport au volet «opérations» est confirmé par le fait que la commission est calculée uniquement en fonction de la valeur du placement concerné, quel que soit le nombre ou le volume des opérations réalisées.

44.      En second lieu, il n’est pas contesté que, bien que les prestations en cause ne relèvent pas de l’article 135, paragraphe 1, sous g), de la directive TVA (lequel exonère la gestion de fonds communs de placement), elles représentent essentiellement le pendant de cette gestion, mais en ce qui concerne des actifs individuels plutôt que des fonds communs. Néanmoins, cette unanimité a donné lieu à des argumentations divergentes.

45.      La Deutsche Bank et la Commission relèvent qu’un investisseur qui souhaite que ses actifs soient entièrement pris en charge a le choix entre recourir à la gestion de portefeuille du type en cause (à tout le moins tant qu’il dispose de suffisamment de capitaux pour que pareille prestation lui rapporte quelque chose) et investir dans un fonds commun de placement (quel que soit le montant des capitaux), l’une et l’autre de ces possibilités pouvant se substituer au placement direct en titres. Bien que plusieurs facteurs puissent influer sur son choix, une différence de traitement au regard de la TVA pourrait l’inciter à opter pour la solution non taxée. Cela fausserait la concurrence entre services similaires, de manière contraire au principe de neutralité de la TVA. Étant donné que la gestion de fonds communs de placement est exonérée en vertu de l’article 135, paragraphe 1, sous g), de cette directive et que le placement direct l’est en vertu de l’article 135, paragraphe 1, sous f), de celle-ci, la gestion individuelle de portefeuille devrait être elle aussi exonérée en application de cette dernière disposition.

46.      Les gouvernements allemand, néerlandais et du Royaume-Uni estiment en revanche qu’une exonération expresse de la gestion de fonds communs de placement implique nécessairement que la gestion individuelle de portefeuille relève du principe général selon lequel la TVA est perçue sur chaque prestation de services effectuée à titre onéreux par un assujetti, et ils considèrent que, si la gestion de patrimoine en général avait été couverte par ledit article 135, paragraphe 1, sous f), il n’y aurait alors eu aucune exonération expresse des fonds communs de placement à l’article 135, paragraphe 1, sous g), de la directive TVA. Ils renvoient également à l’arrêt Abbey National (24), dans lequel la Cour a indiqué que l’objectif de l’exonération prévue audit article 135, paragraphe 1, sous g), est de faciliter, pour les petits investisseurs, le placement dans des titres au moyen d’organismes de placement, pour souligner qu’il n’était pas question de faciliter les opérations de placement de ceux qui disposent de capitaux suffisants pour recourir à des services de gestion de portefeuille.

47.      Bien que je comprenne tout à fait la logique qui sous-tend la position de la Deutsche Bank et de la Commission et que je ne considère pas la solution qu’elles préconisent comme étant déraisonnable, je suis plutôt portée à croire que, en l’état actuel des choses, l’article 135, paragraphe 1, sous f), de la directive TVA n’exonère pas les prestations de gestion de portefeuille du type faisant l’objet de la présente affaire. Il est possible que, à l’avenir, une modification de cette directive tranche clairement la question en faveur de l’exonération, mais c’est au Conseil, au sein duquel sont encore actuellement discutées les propositions de la Commission, qu’il appartient d’en décider (25).

48.      Mon opinion se fonde sur les considérations suivantes.

49.      Premièrement, il est vrai que la prestation fournie, considérée comme un tout, englobe les opérations sur titres, y compris la négociation de valeurs mobilières. Ces aspects, pris isolément, seraient exonérés en vertu de l’article 135, paragraphe 1, sous f), de la directive TVA. Toutefois, la prestation en cause se caractérise plutôt par son autre composante, à savoir la collecte et l’utilisation d’informations sur le marché, en combinaison avec les connaissances et l’expertise préalables, afin de pouvoir prendre des décisions avisées en ce qui concerne la gestion de chaque portefeuille de valeurs mobilières de manière conforme à la stratégie individuelle retenue. Il est constant que ce dernier aspect, s’il est envisagé comme une prestation indépendante, n’est pas susceptible d’être exonéré en vertu de cet article 135, paragraphe 1, sous f).

50.      Il ne semble donc pas possible de conclure que, appréciées de façon globale, les prestations en cause forment un ensemble distinct qui a pour effet de remplir les fonctions spécifiques et essentielles décrites dans cette disposition. Le champ d’application dudit article 135, paragraphe 1, sous f), est, a priori, limité à la réalisation ou à la négociation d’opérations susceptibles de créer, de modifier ou d’éteindre les droits et obligations des parties sur des titres (26). La prestation litigieuse forme un ensemble distinct et ne saurait donc être assimilée à un seul de ses éléments constitutifs. Cependant, son aspect prédominant étant l’obtention et l’utilisation d’informations pointues dans le but de prendre des décisions avisées, elle ne relève pas des fonctions spécifiques et essentielles qui sont décrites au même article 135, paragraphe 1, sous f).

51.      Deuxièmement, il est difficile de parvenir à une interprétation téléologique claire de l’article 135, paragraphe 1, sous f), de la directive TVA dont il pourrait être déduit que cette disposition — qu’elle soit prise isolément, dans le contexte du groupe des exonérations en faveur des opérations financières ou dans celui de l’ensemble de la liste d’exonérations dressée audit article 135 — vise à couvrir les prestations de gestion de portefeuille telles que celles faisant l’objet du litige au principal.

52.      Pris isolément, l’article 135, paragraphe 1, sous f), de la directive TVA ne comporte aucune indication relative à sa finalité. Le seul indice — qui n’est d’ailleurs guère utile — est le fait que les opérations sur titres relatives à des biens corporels sont exclues de l’exonération. La jurisprudence de la Cour a simplement souligné que l’exonération se cantonne à la réalisation ou à la négociation d’opérations susceptibles de créer, de modifier ou d’éteindre des droits et obligations.

53.      En ce qui concerne les objectifs généraux retenus par la Cour pour l’exonération des opérations financières (27), les prestations en cause ne semblent pas présenter la moindre difficulté liée à la détermination de la base d’imposition ou du montant déductible [à la différence des opérations sur titres sous-jacentes, lesquelles sont explicitement exonérées en vertu dudit article 135, paragraphe 1, sous f)], et leur taxation n’entraînerait aucune augmentation du coût du crédit à la consommation. De plus — encore une fois à la différence des opérations sous-jacentes–, la gestion de portefeuille ne semble pas faire partie, pour reprendre les termes employés par l’avocat général Ruiz-Jarabo Colomer, des «transactions qui, de par leur fréquence et leur caractère habituel, constituent la pièce centrale des systèmes financiers et, par conséquent, de l’activité économique des États membres» (28). D’autre part, si l’objectif initial était de perpétuer les exonérations antérieurement en vigueur dans les États membres (29), il est utile de noter que la gestion de portefeuille était taxée dans tous les États membres fondateurs avant 1972 (30).

54.      Manifestement, aucun objectif commun ne se dégage de la liste d’exonérations de l’article 135, paragraphe 1, de la directive TVA vue dans son ensemble. En effet, les opérations concernées, outre les «opérations financières» déjà examinées, couvrent des activités aussi diverses que les livraisons de timbres-poste, les jeux de hasard ou d’argent, les livraisons de biens immeubles ou l’affermage et la location de biens immeubles.

55.      D’autre part, quoi qu’ait pu en dire la Commission lors de l’audience, les travaux préparatoires de l’article 13, B, sous d), point 5, ne me semblent pas particulièrement éclairants à cet égard. Effectivement, la réserve selon laquelle «[l]a présente exonération ne couvre pas les prestations de services afférentes à de telles opérations», qui était absente de la proposition originale, a bien été introduite (31), apparemment à l’initiative du Parlement européen, avant d’être retirée par le Conseil. Faute d’indication plus explicite, pareille tergiversation pourrait cependant être interprétée comme allant dans le sens de l’une ou l’autre thèse.

56.      Par conséquent, eu égard au principe selon lequel les exonérations sont d’interprétation stricte, étant donné qu’elles constituent des dérogations à la règle générale selon laquelle la TVA est perçue sur chaque prestation de services effectuée à titre onéreux par un assujetti, je ne peux pas conclure que l’objectif poursuivi par l’article 135, paragraphe 1, sous f), de la directive TVA exige que la gestion individuelle de portefeuille soit incluse dans le champ de l’exonération qu’il prévoit.

57.      Reste, toutefois, la question de la neutralité fiscale entre l’article 135, paragraphe 1, sous f), de la directive TVA et l’article 135, paragraphe 1, sous g), de cette même directive.

58.      Certes, la Cour a indiqué que le principe de neutralité fiscale, inhérent au système commun de TVA, empêche de traiter de manière différente du point de vue de la TVA des livraisons semblables qui se trouvent en concurrence les unes avec les autres, et que l’objectif de l’exonération prévue audit article 135, paragraphe 1, sous g), est d’assurer cette neutralité relativement au choix entre le placement direct en titres et celui qui intervient par l’intermédiaire d’organismes de placement collectif (32).

59.      J’admets également que la gestion individuelle de portefeuille entre en concurrence, au moins dans une certaine mesure, avec ces deux modes d’investissement. Cependant, comme il est apparu encore plus clairement lors de l’audience, le choix qu’effectue tout investisseur — quand il dispose de suffisamment d’actifs pour être en mesure de faire un choix — est susceptible de dépendre d’un nombre considérable de facteurs, le traitement au regard de la TVA n’étant que l’un d’entre eux (33). De plus, même si le traitement au regard de la TVA peut, dans certains cas, entrer en ligne de compte dans le choix opéré, il n’est pas certain que, en définitive, la taxation, qui a pour corollaire la déductibilité de la taxe payée en amont, sera nécessairement beaucoup moins avantageuse pour le client que l’exonération, dans le cadre de laquelle la TVA d’amont sera irrévocablement intégrée dans le prix des prestations. Comme cela a été relevé à l’audience, tant la gestion de portefeuille que les fonds communs de placement attirent les gros investisseurs, qui peuvent être des assujettis bénéficiant d’un droit de déduction.

60.      En outre, si le principe de neutralité fiscale en matière de TVA peut expliquer le lien entre les exonérations explicites respectivement accordées à l’investissement direct, d’une part, et à la gestion de fonds communs de placement, d’autre part, je n’admets pas qu’il puisse étendre le champ d’application d’une exonération expresse en l’absence d’une disposition claire à cet effet. Comme l’a observé le gouvernement allemand lors de l’audience, il s’agit non pas d’un principe fondamental ou d’une règle de droit primaire pouvant déterminer la validité d’une exonération, mais d’un principe d’interprétation, lequel doit être appliqué parallèlement au principe, qu’il limite, selon lequel les exonérations sont d’interprétation stricte. Il résulte clairement de la jurisprudence que les activités qui sont dans une certaine mesure similaires, et qui sont donc dans une certaine mesure en concurrence, peuvent être traitées différemment aux fins de la TVA lorsque cette différence de traitement est expressément prévue (34). De surcroît, s’il fallait réserver le même traitement au regard de la TVA à toutes les activités qui se trouvent partiellement en concurrence les unes avec les autres, cela conduirait finalement à l’élimination de toutes les différences de traitement au regard de la TVA, puisque pratiquement toute activité coïncide dans une certaine mesure avec une autre. Cela entraînerait, sans doute, l’élimination de toutes les exonérations, puisque l’unique raison d’être du système de la TVA est de taxer les opérations.

61.      En revanche, les arguments connexes des gouvernements allemand et néerlandais, soutenus par le centre des impôts et le gouvernement du Royaume-Uni, selon lesquels, d’une part, l’exonération en faveur de la gestion de fonds communs de placement implique que la gestion individuelle de portefeuille n’est pas exonérée et, d’autre part, si la gestion de patrimoine en général avait été couverte par l’article 135, paragraphe 1, sous f), de la directive TVA, il n’aurait alors pas été nécessaire d’exonérer la gestion de fonds communs de placement, me semblent particulièrement convaincants.

62.      À l’audience, la Commission a néanmoins émis l’idée que, si la gestion de fonds communs de placement (c’est-à-dire l’équivalent de la gestion de portefeuille en cause dans la présente affaire) est, selon l’interprétation de la Commission, déjà exonérée par ledit article 135, paragraphe 1, sous f), en revanche, l’exonération prévue au même article 135, paragraphe 1, sous g), est nécessaire afin d’exonérer les opérations telles que l’émission et le remboursement d’actions (parts) dans le capital desdits fonds, lorsqu’elles ne sont pas négociées sur un marché réglementé. Toutefois, je ne vois aucune raison de supposer que, du seul fait que ces opérations sont spécifiques aux fonds communs de placement et n’ont pas d’équivalents en gestion individuelle de portefeuille, elles n’auraient pas été couvertes par l’exonération prévue à l’article 135, paragraphe 1, sous f), de la directive TVA si cette exonération couvrait en fait les prestations de gestion de patrimoine en général, quelle que soit la forme de placement — comme tel doit être le cas, si l’on suit l’interprétation de la Commission jusqu’à sa conclusion logique.

63.      À la lumière de toutes les considérations exposées ci-dessus, j’estime que les prestations de gestion de portefeuille telles que celles qui font l’objet du litige au principal ne relèvent pas de l’exonération prévue à l’article 135, paragraphe 1, sous f), de la directive TVA.

 Sur le lieu de la prestation (troisième question)

64.      Au moment des faits faisant l’objet du litige au principal, l’article 56, paragraphe 1, sous e), de la directive TVA disposait que le lieu de prestation des «opérations bancaires, financières et d’assurance», lorsqu’elles sont fournies à des preneurs établis en dehors de la Communauté ou à des assujettis établis dans la Communauté, mais en dehors du pays du prestataire, devait être, essentiellement, le lieu d’établissement ou de résidence du client.

65.      Le Bundesfinanzhof, ainsi que tous ceux qui ont présenté des observations à la Cour, estime que les «opérations bancaires, financières et d’assurance» au sens de cet article 56, paragraphe 1, sous e), comprennent toutes les opérations énumérées à l’article 135, paragraphe 1, sous a) à g), de la directive TVA. Si, conformément à mes conclusions, les prestations de gestion de portefeuille telles que celles en cause n’entrent dans le cadre d’aucune de ces exonérations, il reste à déterminer si elles sont néanmoins couvertes, elles aussi, par ledit article 56, paragraphe 1, sous e).

66.      Presque tous ceux qui ont présenté des observations considèrent que les prestations en question relèvent de l’article 56, paragraphe 1, sous e), de la directive TVA. Ils fondent cette conclusion sur les termes généraux dans lesquels est rédigée cette disposition et sur l’absence de toute référence à l’article 135 de cette directive ou à toute autre disposition du droit de l’Union qui soit susceptible de limiter la portée de la formulation employée.

67.      Seul le gouvernement allemand a une opinion différente. Il se réfère à l’arrêt Swiss Re Germany Holding (35), dans lequel la Cour a dit pour droit que le bon fonctionnement et l’interprétation uniforme du système commun de TVA impliquent que les notions d’«opérations d’assurance» et de «réassurance» figurant dans les dispositions qui étaient devenues, à l’époque des faits, les articles 56, paragraphe 1, sous e), et 135, paragraphe 1, sous a), de la directive TVA ne soient pas définies de façon différente selon qu’elles sont utilisées à l’une ou à l’autre de ces dispositions. Il estime que ce raisonnement devrait s’appliquer par analogie aux «opérations financières». Seule cette interprétation, appliquée de manière uniforme, pourrait assurer une sécurité juridique suffisante pour éviter des situations de double imposition ou de non-imposition.

68.      Ce raisonnement ne m’a pas convaincue.

69.      La motivation de l’arrêt Swiss Re Germany Holding, précité, est liée au fait que lesdits articles 56, paragraphe 1, sous e), et 135, paragraphe 1, sous a), emploient des termes substantiellement identiques en ce qui concerne l’assurance, à savoir «les opérations d’assurance, y compris celles de réassurance», pour l’un, et les «opérations d’assurance et de réassurance», pour l’autre. Cette identité de termes doit être interprétée de façon uniforme afin d’éviter la double imposition ou la non‑imposition. Cependant, il n’existe pas semblable parallèle entre les opérations «bancaires» et «financières» de l’article 56, paragraphe 1, sous e), de la directive TVA et l’une des opérations énumérées à l’article 135, paragraphe 1, sous b) à g), de la même directive. Aucune de ces dernières dispositions n’emploie les termes «bancaires» ou «financières». Les opérations qui y sont énumérées sont clairement de nature financière et beaucoup d’entre elles sont susceptibles d’être effectuées par des banques, mais pas de manière exclusive. De plus, elles sont loin de représenter une liste exhaustive des opérations susceptibles d’être effectuée par une banque ou d’être qualifiées de «financières».

70.      En outre, si le champ d’application dudit article 56, paragraphe 1, sous e), coïncidait exactement avec celui dudit article 135, paragraphe 1, sous b) à g), cela ne servirait à rien ou presque. En effet, toutes les opérations couvertes par ce dernier sont expressément exonérées de TVA. Étant donné qu’aucune taxe ne peut être imposée ou déduite de ces services, leur lieu de prestation est largement indifférent en ce qui concerne leur traitement au regard de la TVA.

71.      À cet égard, le gouvernement allemand a fait valoir à l’audience que, dans la mesure où c’est aux autorités de l’État membre dans lequel est effectuée une prestation qu’il appartient de déterminer si celle-ci est exonérée, il convient de déterminer avant toute chose le lieu de la prestation. Il s’agit là toutefois, me semble-t-il, d’un raisonnement circulaire, puisqu’il implique de décider d’abord si la prestation concernée est exonérée — en décidant si elle relève ou non de l’article 135, paragraphe 1, sous b) à g), de la directive TVA — pour déterminer ensuite l’État membre dont les autorités sont compétentes pour décider si la prestation est exonérée. D’autre part, le raisonnement du gouvernement allemand ne tient pas compte du fait que, en vertu de l’article 56, paragraphe 1, sous e), de la directive TVA, le lieu de prestation peut être situé en dehors de la Communauté. En tout cas, il semble peu probable que le législateur adopte une règle spécifique à seule fin de déterminer l’autorité compétente pour déclarer une prestation exonérée, lorsque cette dernière l’est déjà dans tous les États membres.

72.      Enfin, il résulte des dispositions combinées de ces articles 56, paragraphe 1, sous e), et 135, paragraphes 1, sous l), et 2, sous d), que la location de coffres-forts est considérée comme relevant des «opérations bancaires, financières et d’assurance», aux fins dudit article 56, et de «l’affermage et la location de biens immeubles», aux fins dudit article 135.

73.      J’en déduis que l’article 56, paragraphe 1, sous e), de la directive TVA couvre au moins certaines opérations qui ne sont pas énumérées à l’article 135, paragraphe 1, sous a) à g), de la même directive. La question est de déterminer si elles comprennent les prestations de gestion de portefeuille du type de celles en cause dans la présente affaire.

74.      Il me semble que, eu égard au libellé de l’article 56, paragraphe 1, sous e), de la directive TVA et à la jurisprudence de la Cour, cette question appelle une réponse affirmative. La gestion de portefeuille est une prestation de nature financière. Ledit article 56, paragraphe 1, sous e), est rédigé en des termes larges, et n’exclut de son champ d’application que la location de coffres-forts. La Cour a toujours jugé que l’article 9, paragraphe 2, de la sixième directive — dont le cinquième tiret était identique à l’article 56, paragraphe 1, sous e), de la directive TVA applicable dans la présente affaire — ne saurait recevoir une interprétation stricte (36). Il n’existe par conséquent aucune raison d’exclure de son champ d’application les prestations de nature financière autres que la location de coffres-forts (en supposant qu’il s’agisse effectivement d’une prestation de nature financière). Il n’y a pas davantage lieu, comme la Commission l’a fait remarquer lorsqu’elle a souligné que les notions autonomes comprises dans la directive TVA doivent être interprétées dans le cadre du seul système commun de TVA, d’aller chercher des orientations dans un autre acte de l’Union tel que, par exemple, la directive 2004/39/CE (37), à laquelle se réfère la juridiction nationale.

 Conclusion

75.      Par ces motifs, je suis d’avis que la Cour devrait répondre aux questions posées par le Bundesfinanzhof en ce sens:

1)      Les prestations de gestion de portefeuille telles que celles en cause dans l’affaire au principal forment une seule et même prestation aux fins de la taxe sur la valeur ajoutée.

2)      Ces prestations ne relèvent pas de l’exonération prévue à l’article 135, paragraphe 1, sous f), de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée.

3)      Les «opérations bancaires, financières et d’assurance» visées à l’article 56, paragraphe 1, sous e), de la directive 2006/112 ne sont pas restreintes à celles qui sont énumérées à l’article 135, paragraphe 1, sous a) à g), de ladite directive, mais elles comprennent, notamment, les prestations de gestion de portefeuille du type de celles qui font l’objet du litige au principal.


1 — Langue originale: l’anglais.


2 — Directive du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (JO L 347, p. 1, ci-après la «directive TVA»).


3 —      Voir, antérieurement, article 9, paragraphe 2, sous e), cinquième tiret, de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires — Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (JO L 145, p. 1, ci-après la «sixième directive»). Voir, à présent, article 59, sous e), de la directive TVA, qui s’applique uniquement aux clients en dehors de l’Union européenne.


4 —      Ledit article 15, paragraphe 2, vise certains droits sur les biens immeubles.


5 —      Même si plusieurs versions linguistiques emploient, au lieu de l’adjectif «communs», un adjectif qui équivaut à «spéciaux», il est constant que cette disposition ne concerne que les fonds communs de placement (voir, par exemple, arrêt du 4 mai 2006, Abbey National, C‑169/04, Rec. p. I‑4027, points 53 et suiv.). Voir, également, point 15 des présentes conclusions.


6 — Anciennement points 5 et 6 de l’article 13, B, sous d), de la sixième directive.


7 —      Respectivement COM(2007) 747 final et COM(2007) 746 final.


8 —      Voir dossier interinstitutionnel 2007/0267(CNS), disponible sur le site Internet: http://register.consilium.europa.eu. Le dernier rapport de la présidence sur l’état d’avancement des travaux sur les propositions de directive et de règlement du Conseil concernant le régime de TVA applicable aux services d’assurance et aux services financiers (document no 18650/11 du Conseil, du 14 décembre 2011) exprime à la fois une certaine satisfaction au regard des progrès déjà réalisés et sa détermination à poursuivre les efforts engagés pour parvenir à un accord.


9 —      Il n’est pas contesté que les achats et les ventes mêmes sont des «opérations […] sur […] titres» exonérées en vertu de l’article 135, paragraphe 1, sous f), de la directive TVA. Le service en cause en l’espèce consiste à effectuer ces opérations pour le compte du client.


10 — Voir, par exemple, arrêt du 22 octobre 2009, Swiss Re Germany Holding (C‑242/08, Rec. p. I‑10099, point 45 et jurisprudence citée).


11 — Voir, par exemple, arrêt du 10 mars 2011, Bog e.a. (C‑497/09, C‑499/09, C‑501/09 et C‑502/09, Rec. p. I‑1457, point 54 et jurisprudence citée).


12 —      Voir, par exemple, arrêts du 27 octobre 2005, Levob Verzekeringen et OV Bank (C‑41/04, Rec. p. I‑9433, points 19 à 23); du 29 mars 2007, Aktiebolaget NN (C‑111/05, Rec. p. I‑2697, points 21 à 23); du 2 décembre 2010, Everything Everywhere (C‑276/09, Rec. p. I‑12359, points 21 à 26), ainsi que Bog e.a. (précité à la note 11, points 51 à 55).


13 —      Arrêt du 11 juin 2009 (C‑572/07, Rec. p. I‑4983, points 22 à 24).


14 —      Voir arrêts du 25 février 1999, CPP (C‑349/96, Rec. p. I‑973, point 29); Levob Verzekeringen et OV Bank (précité à la note 12, points 20 et 22); du 21 juin 2007, Ludwig (C‑453/05, Rec. p. I‑5083, point 17); du 11 février 2010, Graphic Procédé (C‑88/09, Rec. p. I‑1049, point 20), ainsi que Everything Everywhere (précité à la note 12, point 26).


15 —      Arrêt Bog e.a. (précité à la note 11, point 76). Certes, ce motif dudit arrêt concernait la qualification de l’opération comme «livraison de biens ou prestation de services». Cependant, il me semble que le même critère est tout aussi pertinent pour la qualification de «prestation unique ou de prestations distinctes».


16 —      Précité à la note 13.


17 —      Précité à la note 11, point 57 et jurisprudence citée.


18 —      La notion de neutralité est employée dans un double sens en matière de TVA. D’une part, la TVA est neutre dans son effet sur les assujettis, en ce qu’ils ne doivent pas supporter eux-mêmes la charge de la taxe et, d’autre part, comme en l’espèce, elle ne doit pas être appliquée de manière différenciée de sorte à fausser la concurrence entre des prestations comparables.


19 —      Voir, par exemple, arrêts Everything Everywhere (précité à la note 12, point 31 et jurisprudence citée), ainsi que du 10 mars 2011, Skandinaviska Enskilda Banken (C‑540/09, Rec. p. I‑1509, points 19 et 20 et jurisprudence citée).


20 —      Voir arrêt Skandinaviska Enskilda Banken (précité à la note 19, point 21 et jurisprudence citée), ainsi que point 22 et jurisprudence citée des conclusions de l’avocat général Jääskinen dans l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt. Aux points 24 et 25 de ses conclusions dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 13 décembre 2001, CSC Financial Services (C‑235/00, Rec. p. I‑10237), l’avocat général Ruiz-Jarabo Colomer a estimé que le but était d’exonérer les «transactions qui, de par leur fréquence et leur caractère habituel, constituent la pièce centrale des systèmes financiers et, par conséquent, de l’activité économique des États membres». Les commentateurs ont exprimé l’opinion selon laquelle, si on les considère dans le détail, les exonérations prévues dans la sixième directive reproduisent essentiellement les dispositions nationales en vigueur (particulièrement en France) avant 1977 [voir, par exemple, Amand, C., et Lenoir, V., «Pro rata deduction by financial institutions — gross margin or interest?», International VAT Monitor, 2006, p. 17; de la Feria, R., «The EU VAT treatment of insurance and financial services (again) under review», EC Tax Review, 2007, p. 74, et Henkow, O., Financial activities in European VAT, Kluwer Law International, 2008, p. 87 à 90].


21 —      À savoir les «fonds communs de placement» au sens de l’article 135, paragraphe 1, sous g), de la directive TVA. Voir arrêt Abbey National (précité à la note 5, point 62). La référence aux petits investisseurs est omise dans l’arrêt ultérieur du 28 juin 2007, JP Morgan Fleming Claverhouse Investment Trust et The Association of Investment Trust Companies (C‑363/05, Rec. p. I‑5517, point 45). Le dernier rapport de la présidence sur l’état d’avancement des travaux sur la proposition de modification de la directive, mentionné à la note en bas de page 8 des présentes conclusions, indique que «[c]ertains États membres maintiennent que l’exonération devrait être limitée aux fonds de placement qui collectent l’épargne des petits investisseurs».


22 —      Voir arrêt CSC Financial Services (précité à la note 20, points 25, 28, 38 et 39).


23 —      Voir arrêt Skandinaviska Enskilda Banken (précité à la note 19, points 31 et 32).


24 —      Précité à la note 5, point 62.


25 —      Voir point 7 et note en bas de page 8 des présentes conclusions.


26 —      Voir point 37 et note en bas de page 22 des présentes conclusions.


27 —      Voir point 36 des présentes conclusions.


28 —      Voir note en bas de page 20 des présentes conclusions.


29 —      Idem.


30 —      Voir Hutchings, G., Les opérations financières et bancaires et la taxe sur la valeur ajoutée, Commission des Communautés européennes, coll. Études, série Concurrence — Rapprochement des législations no 22, Bruxelles, 1973.


31 —      Voir modifications à la proposition de sixième directive (JO 1974, C 121, p. 34, et, en particulier, p. 37).


32 —      Voir point 36 des présentes conclusions.


33 —      L’analogie qu’ont établie plusieurs parties avec la différence entre le sur-mesure et le prêt-à-porter aide à illustrer la situation de concurrence partielle entre ces deux techniques d’investissement, bien qu’elle soit quelque peu caricaturale.


34 —      Voir, par exemple, arrêt du 29 octobre 2009, NCC Construction Danmark (C‑174/08, Rec. p. I‑10567, points 36 et suiv.), ainsi que points 47 à 54 des conclusions de l’avocat général Bot dans l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt.


35 —      Précité à la note 10, points 31 et 32.


36 —      Voir, par exemple, arrêts du 26 septembre 1996, Dudda (C‑327/94, Rec. p. I‑4595, point 21), ainsi que Levob Verzekeringen et OV Bank (précité à la note 12, point 34 et jurisprudence citée).


37 —      Directive du Parlement européen et du Conseil du 21 avril 2004 concernant les marchés d’instruments financiers, modifiant les directives 85/611/CEE et 93/6/CEE du Conseil et la directive 2000/12/CE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 93/22/CEE du Conseil (JO L 145, p. 1).