Language of document : ECLI:EU:C:2018:191

ORDONNANCE DU PRÉSIDENT DE LA COUR

14 mars 2018 (*)

« Procédure accélérée »

Dans l’affaire C‑129/18,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par la Supreme Court of the United Kingdom (Cour suprême du Royaume-Uni), par décision du 14 février 2018, parvenue à la Cour le 19 février 2018, dans la procédure

SM

contre

Entry Clearance Officer, UK Visa Section,

en présence de :

Coram Children’s Legal Centre,

AIRE Centre,

LE PRÉSIDENT DE LA COUR,

le juge rapporteur, Mme K. Jürimäe, et l’avocat général, M. M. Campos Sánchez-Bordona, entendus,

rend la présente

Ordonnance

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 2, paragraphe 2, sous c), ainsi que des articles 27 et 35 de la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, modifiant le règlement (CEE) no 1612/68 et abrogeant les directives 64/221/CEE, 68/360/CEE, 72/194/CEE, 73/148/CEE, 75/34/CEE, 75/35/CEE, 90/364/CEE, 90/365/CEE et 93/96/CEE (JO 2004, L 158, p. 77, et rectificatifs JO 2004, L 229, p. 35, et JO 2005, L 197, p. 34).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant SM, ressortissante algérienne, à l’Entry Clearance Officer, UK Visa Section (agent chargé d’examiner les demandes de permis d’entrée, section des visas, Royaume-Uni) (ci-après l’« agent compétent en matière de permis d’entrée »), au sujet du refus de celui-ci d’octroyer à SM un permis d’entrée sur le territoire du Royaume-Uni en qualité d’enfant adopté d’un ressortissant de l’Espace économique européen (EEE).

3        SM, née en Algérie le 27 juin 2010, a été abandonnée par ses parents à sa naissance. Par acte du 22 mars 2011, elle a été placée par les autorités compétentes de ce pays sous la tutelle des époux M., ressortissants français qui s’étaient mariés au Royaume-Uni au cours de l’année 2001, dans le cadre du régime de la kafala. En vertu de cet acte, la responsabilité parentale a été transférée aux époux M., lesquels se sont engagés à assurer à l’enfant une éducation islamique, à l’entretenir, à veiller sur elle, à la traiter comme le feraient des parents légitimes envers leur enfant, à la protéger, à la défendre en justice et à assumer la responsabilité civile pour ses éventuels actes préjudiciables.

4        Au mois d’octobre 2011, M. M. est retourné au Royaume-Uni où il bénéficie d’un droit de séjour permanent. Quant à Mme M., celle-ci est restée en Algérie avec SM.

5        Au mois de mai 2012, SM a introduit une demande de permis d’entrée au Royaume-Uni en tant qu’enfant adopté d’un ressortissant de l’EEE. Sa demande a été rejetée par une décision de l’agent compétent en matière de permis d’entrée, au motif, notamment, que la tutelle sous le régime de la kafala ne saurait être reconnue comme étant une adoption au sens du droit britannique.

6        Après le rejet du recours formé par SM en première instance, celle-ci a saisi l’Upper Tribunal (tribunal supérieur, Royaume-Uni). Ce dernier lui a donné gain de cause, en estimant qu’elle était un membre de la famille élargie d’un citoyen de l’Union, au sens du droit national.

7        L’agent compétent en matière de permis d’entrée a interjeté appel devant la Court of Appeal (England & Wales) (Civil Division) [Cour d’appel (Angleterre et pays de Galles) (division civile), Royaume-Uni]. Par arrêt du 4 novembre 2015, celle-ci a accueilli l’appel en considérant, notamment, que SM n’était pas un descendant direct d’un ressortissant de l’Union, au sens de l’article 2, paragraphe 2, sous c), de la directive 2004/38, et ne relevait pas non plus du champ d’application de l’article 3, paragraphe 2, sous a), de cette directive.

8        SM, autorisée en ce sens, a saisi la juridiction de renvoi.

9        Il ressort de la décision de renvoi que cette juridiction cherche, en substance, à déterminer si SM bénéficie d’un droit d’entrée au Royaume-Uni en tant que descendant direct d’un ressortissant de l’Union, au sens de l’article 2, paragraphe 2, sous c), de la directive 2004/38.

10      Elle s’interroge en particulier sur le point de savoir si un enfant placé sous un régime de tutelle tel que celui de la kafala relève de la notion de « descendant direct » d’un ressortissant de l’Union, au sens de l’article 2, paragraphe 2, sous c), de la directive 2004/38, et si, aux fins de l’application de cette disposition, un État membre peut vérifier que l’intérêt supérieur de l’enfant a été pris en compte lors de la mise sous tutelle. Elle s’interroge, en outre, sur le point de savoir si le droit d’entrée d’un tel enfant peut être limité en application des articles 27 et 35 de cette directive lorsque l’enfant est victime d’exploitation, d’abus ou de traite ou qu’il existe un risque qu’il puisse en être victime.

11      La juridiction de renvoi demande également à la Cour de soumettre la présente affaire à une procédure accélérée, en application de l’article 105, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour.

12      Cette disposition énonce que, à la demande de la juridiction de renvoi ou, à titre exceptionnel, d’office, le président de la Cour peut, lorsque la nature de l’affaire exige son traitement dans de brefs délais, le juge rapporteur et l’avocat général entendus, décider de soumettre un renvoi préjudiciel à une procédure accélérée dérogeant aux dispositions du règlement de procédure.

13      À cet égard, le point 34 des recommandations à l’attention des juridictions nationales, relatives à l’introduction de procédures préjudicielles (JO 2016, C 439, p. 1), précise que, pour permettre à la Cour de décider rapidement s’il convient de mettre en œuvre la procédure accélérée, la demande doit exposer avec précision les circonstances de droit et de fait qui établissent l’urgence et, notamment, les risques encourus si le renvoi suit la procédure ordinaire.

14      En l’occurrence, la juridiction de renvoi a relevé, à l’appui de sa demande tendant à ce que la présente affaire soit soumise à une procédure accélérée, que le litige au principal concerne une enfant mineure et que la demande de permis d’entrée au Royaume-Uni introduite par cette dernière remonte au mois de mai 2012.

15      À cet égard, si la juridiction de renvoi a ainsi mis en exergue tant le jeune âge de l’enfant que le laps de temps important écoulé depuis l’introduction de sa demande de permis d’entrée au Royaume-Uni, cette juridiction n’a cependant avancé aucun élément spécifique, relatif aux circonstances de l’espèce, qui soit de nature à établir que la nature de la présente affaire exige un traitement de celle-ci dans de brefs délais à compter de l’introduction de sa demande de décision préjudicielle.

16      En particulier, la juridiction de renvoi n’a fourni aucune information portant sur l’état psychologique de l’enfant, sur une éventuelle altération de ses relations avec le tuteur ou encore sur sa situation en Algérie, pays dans lequel l’enfant paraît vivre avec sa tutrice. Ainsi, elle n’a fait état d’aucun élément particulier affectant de manière significative le bien-être de l’enfant.

17      Dans ces circonstances, l’incertitude juridique affectant l’enfant n’est pas susceptible de constituer, en soi, une circonstance exceptionnelle justifiant le recours à une procédure accélérée (voir, en ce sens, ordonnance du président de la Cour du 29 janvier 2014, E., C‑436/13, non publiée, EU:C:2014:95, point 25 et jurisprudence citée).

18      Il s’ensuit que la demande de la Supreme Court of the United Kingdom (Cour suprême du Royaume-Uni) tendant à ce que la présente affaire soit soumise à une procédure accélérée ne saurait être accueillie.

Par ces motifs, le président de la Cour ordonne :

La demande de la Supreme Court of the United Kingdom (Cour suprême du Royaume-Uni) tendant à ce que l’affaire C129/18 soit soumise à la procédure accélérée prévue à l’article 105, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour est rejetée.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.