Language of document : ECLI:EU:C:2003:57

CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL

M. SIEGBERT ALBER

présentées le 30 janvier 2003 (1)

Affaire C-167/01

Kamer van Koophandel en Fabrieken voor Amsterdam

contre

Inspire Art Ltd

[demande de décision préjudicielle formée par le Kantongerecht Amsterdam (Pays-Bas)]

«Liberté de circulation - Liberté d'établissement - Société constituée selon les lois d'un État membre et qui y a son siège statutaire - Société créant un établissement secondaire dans un autre État membre pour y exercer exclusivement ou à tout le moins principalement ses activités - Forme de l'immatriculation au registre du commerce - Justification»

Introduction

1.
    Le Kantongerecht Amsterdam (Pays-Bas) a saisi la Cour à titre préjudiciel de deux questions en interprétation des articles 43 CE et 48 CE ainsi que de la cause de justification figurant à l'article 46 CE. Ces questions se posent dans un litige entre la Kamer van Koophandel en Fabrieken voor Amsterdam et Inspire Art Ltd. Il s'agit avant tout de savoir si l'inscription dans le registre du commerce néerlandais de l'établissement secondaire néerlandais d'Inspire Art Ltd, constituée au Royaume-Uni, doit comporter l'indication «société étrangère de pure forme». La Wet op de formeel buitenlandse vennootschappen (2) (loi néerlandaise sur les sociétés étrangères de pure forme, ci-après la «WFBV») imposerait de faire figurer cette indication dans le registre du commerce et d'en faire état ensuite dans la vie des affaires. Le Kantongerecht demande si ce régime est compatible avec les règles relatives à la liberté d'établissement. Cette question renvoie aussi à d'autres obligations - qui restreignent elles aussi la liberté d'établissement - comme le capital minimal, la responsabilité personnelle des administrateurs et des formalités particulières.

II - Cadre légal

2.
    Les articles 1er à 5 de la WFBV se lisent comme suit:

«Article 1er

Au sens de la présente loi, on entend par société étrangère de pure forme une société de capitaux, possédant la personnalité juridique, qui a été constituée conformément à une législation autre que la législation néerlandaise, et qui exerce ses activités entièrement ou presque entièrement aux Pays-Bas et qui, de surcroît, ne présente pas de lien réel avec l'État dans lequel s'applique la législation conformément à laquelle elle a été constituée.

Article 2

1.    Les administrateurs d'une société étrangère de pure forme doivent indiquer lors de l'immatriculation au registre du commerce que la société répond à la définition de l'article 1er et déposer au registre du commerce une copie authentique ou certifiée conforme par un administrateur, établie en néerlandais, en français, en allemand ou en anglais, de l'acte constitutif et des statuts si ceux-ci figurent dans un acte séparé. Ils doivent également indiquer lors de l'immatriculation au registre du commerce le registre dans lequel la société est immatriculée et le numéro sous lequel elle l'est ainsi que la date de la première immatriculation.

Ils doivent également indiquer lors de l'immatriculation le nom, les données personnelles, s'il s'agit d'une personne physique, et le domicile du détenteur de toutes les actions de capital de la société ou du conjoint de la communauté matrimoniale à laquelle toutes les actions du capital de la société appartiennent, les actions détenues par la société ou ses filiales n'étant pas comptées. Les administrateurs d'une société étrangère de pure forme doivent déclarer toute modification intervenue dans les indications inscrites dans le registre du commerce en vertu de la loi en en précisant la date. Les actes imposés par cette loi ne peuvent pas être accomplis par procuration.

2.    Le registre du commerce visé au paragraphe 1 est le registre du commerce tenu par la Kamer van Koophandel en Fabrieken compétente.

Article 3

1.    Tous les documents, pièces imprimées et publications auxquels une société étrangère de pure forme est partie ou qui émanent d'elle, à l'exception des télégrammes et des publicités, doivent mentionner le nom complet de la société, sa forme juridique, son siège statutaire et le lieu d'établissement de l'entreprise qui lui appartient, ainsi que le registre et le numéro d'immatriculation et la date de la première immatriculation, si elle doit être immatriculée dans un registre aux termes de la législation qui lui est applicable. Ils doivent également mentionner le numéro sous lequel la société est immatriculée au registre du commerce et que la société est une société étrangère de pure forme. Il est interdit d'utiliser dans des documents, pièces ou publications des indications suggérant, contrairement à la réalité, que l'entreprise appartient à une personne morale néerlandaise.

2.    Toute indication du capital de la société doit indiquer, le cas échéant, le montant du capital souscrit qui a été libéré.

3.    Si la société continue d'exister après sa dissolution, il faut ajouter à son nom: en liquidation.

Article 4

1.    Le capital souscrit d'une société étrangère de pure forme et la partie qui en est libérée doivent être au moins égaux au capital minimal visé à l'article 178, paragraphe 2, du livre II du code civil tel qu'il est exprimé au premier jour auquel la société répond à la définition de l'article 1er.

2.    Au premier jour auquel la société répond à la définition de l'article 1er, son patrimoine propre doit être au moins égal au capital minimal visé au paragraphe 1.

3.    Au moment où ils donnent l'indication visée à l'article 2, paragraphe 1, les administrateurs sont tenus de déposer au registre du commerce visé dans cet article une copie d'une déclaration d'un register-accountant ou d'un accountant-administratieconsulent [deux types de réviseur d'entreprise] attestant que la société satisfait aux paragraphes 1 et 2. L'article 204 a, deuxième et troisième phrases, du code civil s'applique par analogie. La déclaration porte sur une date qui ne remonte pas plus de cinq mois avant la première date à laquelle la société répond à la définition de l'article 1er.

4.    Les administrateurs répondent solidairement avec la société de tout acte juridique accompli pendant leur mandat, qui lie la société à un moment où les conditions de l'article 2, paragraphe 1, et des paragraphes 1 à 3 du présent article ne sont pas encore remplies ou à tout moment où les conditions du paragraphe 1 ne sont pas remplies ou lorsque le capital propre descend au-dessous du montant visé au paragraphe 1, en raison de distributions aux actionnaires ou de rachat d'actions.

5.    Les paragraphes 1 à 4 ne s'appliquent pas aux sociétés relevant du droit de l'un des États membres de l'Union européenne ou d'un État partie à l'accord sur l'Espace économique européen, du 2 mai 1992, et en plus de la deuxième directive 77/91/CEE du Conseil, du 13 décembre 1976, tendant à coordonner pour les rendre équivalentes les garanties qui sont exigées dans les États membres des sociétés au sens de l'article 58 deuxième alinéa du traité, en vue de la protection des intérêts tant des associés que des tiers, en ce qui concerne la constitution de la société anonyme ainsi que le maintien et les modifications de son capital (JO L 26).

Article 5

1.    Sans préjudice du paragraphe 2, l'article 10 du livre 2 du code s'applique par analogie à la société étrangère de pure forme. Les obligations qui y figurent incombent aux administrateurs de la société.

2.    Les administrateurs sont tenus d'établir chaque année des comptes annuels et un rapport annuel dans les cinq mois de la clôture de l'exercice comptable sauf prorogation de ce délai de six mois maximum en vertu d'une décision prise par l'organe compétent pour des raisons particulières. Les comptes annuels, le rapport annuel et les autres données sont soumis par analogie à l'article 9 du livre 2 du code civil étant entendu que la publicité requise par l'article 394 de ce code est assurée par le dépôt au registre du commerce visé à l'article 2, paragraphe 2.

3.    Le paragraphe 2 ne s'applique pas aux sociétés relevant du droit de l'un des États membres de l'Union européenne ou d'un État partie à l'accord sur l'Espace économique européen, du 2 mai 1992, et en plus de la quatrième directive 78/660/CEE du Conseil, du 25 juillet 1978, fondée sur l'article 54, paragraphe 3, sous g), du traité et concernant les comptes annuels de certaines formes de sociétés (JO L 222) et de la septième directive 83/349/CEE du Conseil, du 13 juin 1983, fondée sur l'article 54, paragraphe 3, sous g), du traité, concernant les comptes consolidés (JO L 193).

4.    Les administrateurs sont tenus de déposer au registre du commerce, chaque année, avant le 1er avril de l'année en cours, une preuve de l'immatriculation au registre où la société doit être immatriculée en vertu de la loi dont elle relève. La preuve ne peut pas avoir été délivrée plus de quatre semaines avant la date du dépôt.»

III - Faits et questions préjudicielles

3.
    Inspire Art Ltd est une société de droit anglais à responsabilité limitée. Son siège statutaire est à Folkestone au Royaume-Uni. La société exerce ses activités exclusivement aux Pays-Bas. Elle n'envisage pas de lancer des activités au Royaume-Uni.

4.
    La société a été constituée au Royaume-Uni parce que la législation anglaise présente des avantages par rapport à la législation néerlandaise sur le plan de la constitution et du fonctionnement des sociétés. D'après l'exposé de la juridiction de renvoi, qui se réfère à son tour aux indications d'Inspire Art Ltd, les avantages tiennent à ce que, dans la législation anglaise, les actions ne doivent pas être intégralement libérées à concurrence de 18 000 euros, la constitution est nettement plus rapide, aucun examen préalable de la constitution n'est exigé et les conditions régissant la modification des statuts, la cession d'actions et la publication sont moins strictes.

5.
    La juridiction de renvoi a déterminé qu'Inspire Art Ltd répond à la définition de l'article 1er de la WFBV et devrait dès lors être immatriculée au registre du commerce en tant que «société étrangère de pure forme». Elle se demande si cette immatriculation se concilie avec les règles de la liberté d'établissement.

6.
    La juridiction de renvoi estime que les dispositions de la WFBV sont des restrictions imposées par le législateur néerlandais à la liberté d'établissement en ce que l'administrateur d'Inspire Art Ltd est solidairement et personnellement responsable s'il fait immatriculer la société et développe des activités sans remplir les conditions supplémentaires imposées par la loi néerlandaise.

7.
    Le Kantongerecht indique que les dispositions de la WFBV ne devraient pas être observées par les sociétés de droit anglais qui développent aussi des activités dans un pays autre que les Pays-Bas ou si leur siège principal est établi au Royaume-Uni ou encore si elles entretiennent, de quelqu'autre manière que ce soit, un lien réel, si faible soit-il, avec le Royaume-Uni.

8.
    La juridiction de renvoi relève encore que les règles néerlandaises ont été adoptées pour réduire la propension des sociétés purement néerlandaises à recourir à des formes de société étrangères en imposant également un certain nombre d'obligations complémentaires aux sociétés étrangères de pure forme par le jeu des dispositions de la WFBV.

9.
    Le Kantongerecht Amsterdam adresse dès lors à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)    Les articles 43 et 48 (nouveaux) du traité instituant la Communauté européenne doivent-ils être interprétés en ce sens qu'ils interdisent aux Pays-Bas de subordonner, pour la Wet op de formeel buitenlandse vennootschappen du 17 décembre 1997, à des conditions supplémentaires telles que celles qui sont prévues aux articles 2 à 5 inclus de cette loi, l'établissement aux Pays-Bas d'une filiale d'une société constituée au Royaume Uni dans le seul but de jouir de certains avantages par rapport aux sociétés constituées selon le droit néerlandais, droit qui impose des conditions plus strictes que le droit anglais en matière de constitution de société et de libération des actions, la loi néerlandaise déduisant l'intention subvisée de la circonstance que la société exerce ses activités entièrement ou presque entièrement aux Pays-Bas et n'a aucun lien réel avec l'État où s'applique le droit conformément auquel elle a été constituée?

2)    Si ces articles doivent être interprétés en ce sens que les dispositions de la Wet op de formeel buitenlandse vennootschappen sont incompatibles avec eux, l'article 46 CE doit-il alors être compris en ce sens que les dispositions des articles 43 et 48 n'affectent en rien l'applicabilité du régime néerlandais de la Wet op de formeel buitenlandse vennootschappen parce que les dispositions de celle-ci sont justifiées pour les motifs avancés par le législateur néerlandais?»

IV - Position des parties

A - Quant à l'incompatibilité avec les règles du traité (première question)

1.    Les parties qui plaident l'incompatibilité

10.
    Inspire Art Ltd, le gouvernement du Royaume-Uni et la Commission estiment que les dispositions de la WFBV enfreignent la liberté d'établissement. Elles réduisent à tout le moins l'intérêt d'un établissement aux Pays-Bas.

11.
    La Commission examine tout d'abord si les règles relatives à la liberté d'établissement sont tout compte fait applicables dans un cas de figure comme celui-ci. Elle conclut par l'affirmative. Se référant aux arrêts Centros (3) et Segers (4), elle expose qu'une société peut aussi invoquer la liberté d'établissement lorsqu'elle n'a été constituée dans un État membre qu'en vue de pouvoir s'établir dans un deuxième État membre où serait exercé l'essentiel, voire l'ensemble, de ses activités économiques. Ces arrêts montrent qu'il est sans incidence que la société n'ait été constituée dans le premier État membre que pour éluder les dispositions légales de l'autre État membre. La jurisprudence citée n'y voit aucun abus, mais le simple exercice de la liberté d'établissement garantie dans le traité. Inspire Art Ltd et le gouvernement du Royaume-Uni défendent la même conception.

12.
    La Commission estime que l'application de ce qu'il est convenu d'appeler la «théorie du siège» n'évince pas non plus les règles de la liberté d'établissement. Cette théorie soumet la société à la législation de l'État dans lequel elle a son siège effectif. Celui-ci se trouve au lieu où s'exerce la direction ou l'administration centrale de la société.

13.
    La Commission et Inspire Art Ltd estiment que la WFBV n'applique toutefois pas la théorie du siège. L'article 1er de la WFBV se rattache plutôt selon eux à l'activité de la société. À la lecture des travaux préparatoires, ils soutiennent que la WFBV s'inspire de la notion bien connue en droit international privé du «rattachement particulier» qui débouche sur l'application d'un certain nombre de dispositions impératives de l'État d'accueil. Le facteur de rattachement choisi par l'article 1er de la WFBV, à savoir l'activité effective, ne répond à aucun critère inscrit dans l'article 48 CE et enfreint dès lors la liberté d'établissement.

14.
    Inspire Art Ltd défend la même interprétation de la WFBV. Elle souligne que le présent litige provient du fait que la législation néerlandaise soumet en principe les sociétés aux lois de l'État sous lesquelles elles ont été constituées. Ce n'est que pour cette raison qu'un Néerlandais peut constituer des sociétés selon des lois étrangères en vue d'exercer exclusivement ou principalement ses activités aux Pays-Bas. Les travaux préparatoires de la WFBV montrent que le législateur a précisément voulu lutter contre ce phénomène. Il a voulu combattre cette faculté, qualifiée d'abusive, en déclarant les dispositions de la loi néerlandaise sur les sociétés applicables aux sociétés de cette nature. Le législateur a justifié ce régime en invoquant la protection des créanciers. Il s'ensuit que la WFBV ne doit pas se comprendre comme étant une application de la théorie du siège.

15.
    Inspire Art Ltd indique au reste que la WFBV ne déroge à la règle de conflit du droit néerlandais rattachant à l'État de constitution le régime juridique des sociétés qu'en se bornant à rendre applicables un certain nombre de règles impératives du droit néerlandais des sociétés aux sociétés étrangères de pure forme, c'est-à-dire qui n'exercent aucune activité ou aucune activité essentielle aux Pays-Bas. Leur immatriculation et la publicité de certains documents seraient soumises de surcroît à des obligations complémentaires.

16.
    La Commission soutient au reste qu'un État membre ne pourrait pas invoquer la «théorie du siège» pour dénier le droit à la liberté d'établissement à une société effectivement constituée selon les règles d'un État membre.

17.
    Inspire Art Ltd, le gouvernement du Royaume-Uni et la Commission estiment que la liberté d'établissement est entravée du seul fait que la WFBV réduit l'intérêt de l'établissement. D'après les travaux préparatoires, la WFBV a bel et bien pour objectif de lutter contre la constitution à l'étranger de sociétés qui n'entendent ensuite exercer des activités qu'aux Pays-Bas.

18.
    Inspire Art Ltd poursuit en indiquant que la liberté d'établissement est entravée du seul fait que d'autres règles sont déclarées applicables en plus de celles de l'État de constitution. L'exercice de la liberté d'établissement en voit son intérêt réduit.

19.
    Le gouvernement du Royaume-Uni relève encore l'importance fondamentale que la faculté de créer des établissements dans d'autres États membres revêt pour le fonctionnement du marché commun. Il considère que l'arrêt Centros peut s'appliquer pleinement en l'espèce.

20.
    Inspire Art Ltd et la Commission émettent encore les observations suivantes sur chacune des dispositions.

21.
    La Commission estime que l'article 2, paragraphe 1, de la WFBV est incompatible avec l'article 2 de la onzième directive 89/666/CEE (5) et avec les articles 43 CE et 48 CE - en ce qu'il vise la déclaration que la société répond à la définition de l'article 1er, ainsi qu'en ce qui concerne l'indication de la première immatriculation dans un registre du commerce étranger et les indications relatives à l'actionnaire unique. Ces déclarations et indications sont, selon elle, des informations que la onzième directive n'impose pas de donner. Elles enfreindraient dès lors la liberté d'établissement. La Commission estime en revanche que les autres dispositions de l'article 2, paragraphe 1 (indication du registre du commerce étranger, indication du numéro sous lequel la société est immatriculée, dépôt d'une déclaration certifiée conforme de l'acte constitutif et des statuts en langue néerlandaise, française, anglaise ou allemande), sont conformes à la onzième directive et à la liberté d'établissement.

22.
    Elle considère que l'article 4, paragraphe 3, de la WFBV (dépôt d'une déclaration de réviseurs d'entreprise) est lui aussi incompatible avec l'article 2 de la onzième directive et avec les articles 43 CE et 48 CE. La déclaration ne figure pas, selon elle, dans l'énumération exhaustive figurant à l'article 2 de cette directive.

23.
    La Commission estime en revanche que l'obligation énoncée à l'article 5, paragraphe 4, de déposer chaque année une attestation d'immatriculation au registre du commerce étranger est conforme à la onzième directive et aux articles 43 CE et 48 CE.

24.
    La Commission souhaite reformuler les questions préjudicielles et exclure de l'examen au vu en particulier de l'arrêt Lourenço Dias (6) les dispositions de la WFBV qui ne concernent pas l'immatriculation en tant que telle. Elle souhaite exclure en particulier l'examen des articles 3 et 6 de la WFBV ainsi que de l'article 4, paragraphes 1, 2 et 4, de la WFBV. Au reste, l'article 5, paragraphes 1 et 2, de la WFBV ne trouverait pas à s'appliquer selon elle par le jeu de la disposition dérogatoire du paragraphe 3.

2.    Les parties qui récusent l'incompatibilité

25.
    La Kamer van Koophandel, les gouvernements allemand, italien, néerlandais et autrichien estiment pour leur part que les dispositions de la WFBV sont conformes aux règles de la liberté d'établissement ou répondraient aux directives sur le droit des sociétés, en particulier aux première, deuxième, quatrième, septième, onzième et douzième directives (7), ou constitueraient une application non discriminatoire des règles applicables en droit néerlandais aux sociétés de capitaux constituées.

26.
    Le gouvernement italien estime qu'Inspire Art Ltd ne peut pas invoquer les règles de la liberté d'établissement. N'exerçant aucune activité dans l'État de constitution, son établissement aux Pays-Bas doit être qualifié de premier établissement et non pas d'établissement secondaire.

27.
    Le gouvernement allemand abonde dans le même sens. Il estime que les articles 43 CE et 48 CE n'ont pas pour finalité de favoriser les «sociétés boîtes aux lettres» qui n'exercent aucune activité dans l'État de leur siège statutaire. Les articles 43 CE et 48 CE sont plutôt conçus sur l'idée que les entreprises visées exercent des activités dans leur État d'origine. Il estime dès lors que l'arrêt Centros pose un problème en ce qu'il suffit, selon cet arrêt, qu'une société soit constituée selon les règles d'un État membre sans qu'il soit nécessaire en revanche qu'elle y exerce des activités. Il estime par conséquent que les mesures prises en plus sur le plan interne contre les «sociétés boîtes aux lettres» devraient être admises. Le gouvernement autrichien défend en substance la même conception.

28.
    Le gouvernement italien fait la distinction entre la liberté d'établissement des personnes physiques, d'une part, et celle des personnes morales, d'autre part. Il estime que la raison et la limite de la reconnaissance d'une société de droit étranger résultent des activités que la personne morale entend exercer. La reconnaissance en tant que personne morale intervient dans un ordre juridique donné. La société sera également reconnue dans d'autres ordres juridiques en fonction de l'équivalence des conditions que l'État de constitution et l'État d'accueil imposent à la société. Les États membres sont compétents pour exiger le respect de conditions supplémentaires pour réaliser l'équivalence avec les sociétés constituées selon leur législation.

29.
    La Kamer van Koophandel et le gouvernement néerlandais estiment que la WFBV ne restreint pas la liberté d'établissement. À la différence de l'affaire Centros, l'immatriculation n'est pas refusée à la société étrangère de pure forme. Les règles visent uniquement la conduite d'une société étrangère de pure forme et non pas sa constitution ni sa reconnaissance.

30.
    La Kamer van Koophandel et le gouvernement néerlandais confirment que la législation néerlandaise désigne en principe comme loi applicable à la société celle du pays où est établi le siège statutaire de la société. Ils renvoient à l'article 2 de la Wet conflictenrecht corporaties (8) (loi néerlandaise sur les règles de conflit applicables aux personnes morales) et à son article 6, aux termes duquel la loi s'applique sans préjudice des dispositions de la WFBV. En droit international privé néerlandais, le rattachement se fait sans vérifier si la société exerce éventuellement des activités dans l'État de constitution. Le siège réel de la société est en principe sans incidence.

31.
    Le nombre croissant de sociétés «pseudo-étrangères» surtout de droit anglais ou de droit de l'État de Delaware aux États-Unis, qui n'auraient aucuns liens réels avec l'État de constitution, a incité le législateur néerlandais à prendre des mesures précises et limitées en adoptant la WFBV aux fins de protéger les intérêts des créanciers, de lutter contre la fraude, de garantir l'efficacité des contrôles fiscaux et pour empêcher le recours abusif à des formes de sociétés étrangères. La Kamer van Koophandel ajoute qu'un nombre impressionnant de ces sociétés ont été déclarées en faillite et que les créanciers n'auraient pratiquement pas pu limiter leurs pertes.

32.
    La Kamer van Koophandel renvoie à cet égard au préambule de la WFBV qui montre que la loi doit assurer l'application de certaines dispositions du droit néerlandais des sociétés aux personnes morales étrangères qui développent leurs activités exclusivement ou à tout le moins principalement aux Pays-Bas et ne sont que des sociétés étrangères de pure forme. Elle doit empêcher le recours abusif à des formes de sociétés étrangères et garantir la protection des créanciers.

33.
    La Kamer van Koophandel et le gouvernement néerlandais estiment que les mesures inscrites dans la WFBV ne sont pas discriminatoires. Elles consistent simplement à appliquer des règles impératives du droit néerlandais des sociétés qui s'appliqueraient aussi à toutes les sociétés de droit néerlandais.

34.
    La Kamer van Koophandel et le gouvernement néerlandais donnent les indications suivantes sur chacune des dispositions de la WFBV.

35.
    Les obligations énoncées à l'article 2 de la WFBV (déclaration que la société est une société étrangère de pure forme au sens de l'article 1er, dépôt d'une copie certifiée conforme de l'acte constitutif et, le cas échéant, des statuts en langue néerlandaise, française, anglaise ou allemande, communication du registre de commerce étranger et de la date de la première immatriculation) correspondraient à l'article 2, paragraphe 2, sous b), et à l'article 4 de la onzième directive ainsi qu'à l'article 2, paragraphe 2, sous c), lu conjointement avec l'article 2, paragraphe 1, sous c), de la onzième directive. Le gouvernement néerlandais ajoute que les autres règles (nom, données personnelles, domicile de l'actionnaire unique) correspondraient aux dispositions applicables aux sociétés néerlandaises.

36.
    Le gouvernement néerlandais estime qu'il en va de même de la responsabilité solidaire des administrateurs (article 4, paragraphe 4, de la WFBV). Le code civil (articles 2:69, paragraphe 2, et 2:180, paragraphe 2) établit également cette responsabilité pour les sociétés de droit néerlandais.

37.
    Les obligations inscrites à l'article 3 de la WFBV correspondraient elles aussi à celles que le code civil établit pour les sociétés néerlandaises de capitaux (article 2:75, paragraphes 1 et 2, article 2:186; arrêté sur le registre du commerce de 1996). Il s'agit en particulier des dispositions relatives au nom commercial sous lequel une société agit. Au reste, les exigences de l'article 3 correspondraient tant à l'article 4 de la première directive - que l'acte d'adhésion a également rendue applicable aux sociétés de droit anglais à responsabilité limitée - qu'à l'article 6 de la onzième directive.

38.
    L'article 4, paragraphes 1 à 3, de la WFBV se borne, selon lui, à rappeler des règles que le code civil néerlandais (articles 2:178 et 2:204 a, paragraphe 2) applique aux sociétés de capitaux. La responsabilité solidaire des administrateurs au titre de l'article 4, paragraphe 4, de la WFBV n'existe en revanche qu'à l'égard des administrateurs d'une société étrangère de pure forme. L'article 4, paragraphe 5, de la WFBV atteste la conformité de la WFBV au droit communautaire en renvoyant à nouveau à la deuxième directive.

39.
    Le gouvernement néerlandais indique que l'article 5 de la WFBV correspond au titre 9 du livre 2 du code civil néerlandais comportant les règles sur les comptes annuels. Ces règles correspondraient au reste aux quatrième et septième directives. L'obligation imposée par l'article 5, paragraphe 4, de la WFBV correspondrait à l'article 2, paragraphe 2, sous c), de la première directive. Le gouvernement néerlandais se réfère au reste à l'article 5, paragraphe 3, de la WFBV qui atteste à nouveau la conformité de la règle avec le droit communautaire par son renvoi à ce dernier.

40.
    En dépit des développements abondants qu'ils consacrent à chacune des dispositions de la WFBV, la Kamer van Koophandel et le gouvernement néerlandais estiment, à l'instar de la Commission, que les questions préjudicielles sont énoncées trop largement. Selon la jurisprudence Lourenço Dias (9), la Cour devrait se limiter à examiner les passages de la WFBV consacrés à l'immatriculation au registre du commerce. Il s'agit selon eux de l'article 2, paragraphe 1, première à troisième phrases (immatriculation en tant que société étrangère de pure forme), l'article 4, paragraphe 4 (responsabilité solidaire des administrateurs), et de l'article 4, paragraphes 1 à 3 (attestation d'un réviseur, capital minimal, fonds propres et responsabilité solidaire des administrateurs pour ces indications). Toutes les autres dispositions n'intéressant pas, selon eux, le litige au principal, la Cour de justice ne doit pas les prendre en considération.

41.
    La Kamer van Koophandel et les gouvernements allemand et néerlandais invoquent aussi l'arrêt Daily Mail and General Trust (10). Dans cet arrêt, la Cour de justice a reconnu que le droit international privé des États membres connaît de très grandes disparités dans les facteurs de rattachement désignant le droit applicable à une société. Elle a déterminé que les règles de la liberté d'établissement n'évincent pas ces règles. La WFBV se borne à compléter les règles du droit néerlandais sur le rattachement au siège statutaire d'une société (article 2 de la Wet conflictenrecht corporaties) en déclarant certaines règles impératives du droit néerlandais des sociétés applicables aux sociétés étrangères de pure forme qui n'exerceraient des activités qu'aux Pays-Bas sans avoir de lien réel avec l'État de constitution. Il s'ensuit que la WFBV se borne à rattacher la société au lieu où elle exerce effectivement ses activités. L'arrêt Daily Mail and General Trust montre que ces dispositions doivent dès lors être regardées comme étant conformes à la liberté d'établissement.

42.
    La Kamer van Koophandel et le gouvernement allemand indiquent au surplus que, depuis l'arrêt Daily Mail and General Trust, aucune directive sur le droit des sociétés n'a harmonisé les facteurs de rattachement. L'autorité de cet arrêt serait donc toujours intacte.

43.
    La Kamer van Koophandel et le gouvernement néerlandais indiquent de surcroît que ce n'est en fin de compte que le traité d'Amsterdam qui a conféré à la Communauté européenne une compétence pour les questions de droit international privé. Même après l'adoption de l'article 65 CE, un certain nombre de questions de droit des sociétés devaient se résoudre par la voie d'une convention entre États membres au titre de l'article 293 CE. Cela montre la place particulière que le droit international privé continue d'occuper.

44.
    Le gouvernement néerlandais estime que les États membres ont toujours la faculté de suivre la théorie de l'incorporation telle qu'elle reçoit application dans la loi néerlandaise sur les règles de conflit applicables aux personnes morales et dans la WFBV. Les règles de la liberté d'établissement ne s'y opposeraient pas. D'après l'arrêt Centros (11), les États membres sont en droit de prendre des mesures destinées à empêcher l'exercice abusif de libertés fondamentales. Le gouvernement néerlandais range la WFBV parmi ces mesures.

45.
    Le gouvernement allemand voit lui aussi dans la WFBV une mesure visant à empêcher d'abuser de la liberté d'établissement et de contourner des règles internes plus strictes. Dans l'arrêt Centros, la Cour de justice a expressément reconnu aux États membres la faculté d'adopter des mesures de cette nature (12).

46.
    Le gouvernement néerlandais estime que cette approche est aussi conforme à l'arrêt Segers (13). Le simple exercice de la liberté découlant du traité ne comporte certes pas d'abus en lui-même. La WFBV ne refuse pas non plus, selon lui, de reconnaître la société constituée selon une législation étrangère. Elle pare simplement à l'éventualité qu'une société se soustraie aux règles impératives de la législation de l'État membre dans lequel elle déploie ses activités. Lorsqu'une société cherche uniquement à se soustraire à l'application des règles de constitution des sociétés, le gouvernement néerlandais estime qu'il y a abus qui pourrait être combattu par la WFBV à tout le moins dans l'état actuel du droit communautaire.

47.
    Le gouvernement néerlandais considère que les obligations imposées par la WFBV sont surtout de nature administrative. Toutes les sociétés constituées selon les lois néerlandaises se voient selon lui imposer des conditions similaires.

48.
    Le gouvernement néerlandais estime que la onzième directive n'est qu'une harmonisation partielle. Les États membres pourraient continuer de légiférer en dehors des matières qu'elle régit.

49.
    Si l'on considère qu'il y a tout de même atteinte à la liberté d'établissement, cette atteinte doit, selon lui, être qualifiée de minime et compatible en tant que telle avec le droit communautaire. Dans l'interprétation des autres libertés du traité la Cour a toujours requis une atteinte d'une certaine intensité (14).

B - Sur la question de la justification (deuxième question)

1.    Les parties qui récusent toute justification

50.
    Inspire Art Ltd, le gouvernement du Royaume-Uni et la Commission estiment que les dispositions de la WFBV ne sont pas justifiées.

51.
    Inspire Art Ltd, le gouvernement du Royaume-Uni et la Commission estiment qu'aucune justification ne peut être tirée de l'article 46 CE. Il découle de l'arrêt Centros (15) que la liberté d'établissement n'est pas invoquée abusivement. Un tel abus ne peut consister dans le simple fait qu'une société n'exerce aucune activité dans l'État de constitution. Il appartient plutôt aux autorités et aux juridictions de vérifier dans chaque cas d'espèce si les conditions d'une telle justification de la restriction à la liberté d'établissement sont réunies. Une législation aussi générale que la WFBV ne les remplit pas selon eux.

52.
    Au reste, l'arrêt Centros a en tout cas reconnu une possibilité de restreindre la liberté d'établissement lorsque le respect de dispositions sur l'exercice de certaines activités professionnelles est en cause. Dans le cas d'Inspire Art Ltd il ne s'agit que de l'établissement et de savoir si les règles du droit néerlandais des sociétés, par exemple celles relatives au capital minimal, sont respectées. Ainsi que la Cour l'a déterminé dans l'arrêt Centros, le fait que l'on tire avantage des règles plus favorables d'un autre État membre ne comporte pas en soi un abus, mais est précisément un simple exercice de la liberté d'établissement.

53.
    Inspire Art Ltd estime que l'article 46 CE ne requiert pas pour être appliqué d'atteinte concrète à l'ordre public. Au reste, Inspire Art Ltd, le gouvernement du Royaume-Uni et la Commission relèvent que, dans l'arrêt Centros, la Cour a décidé (16) que la protection des créanciers ne relève en principe pas du régime dérogatoire de l'article 46 CE.

54.
    Enfin, Inspire Art Ltd, le gouvernement du Royaume-Uni et la Commission estiment que les dispositions de la WFBV ne sauraient être justifiées par des raisons impérieuses d'intérêt général. La protection des créanciers relève certes des raisons impérieuses d'intérêt général, mais les articles 2, 4 et 5 de la WFBV ne sont pas aptes à mettre cette protection en place.

55.
    Inspire Art Ltd et la Commission relèvent ensuite que la société annonce être de droit anglais et que les créanciers ne pourraient dès lors pas être trompés. Les dispositions de la quatrième et de la onzième directive garantiraient selon elles une certaine transparence des comptes annuels et du fonctionnement de la société. Les créanciers répondraient eux aussi dans une certaine mesure de leurs actes. Si les assurances que leur donne le droit anglais ne leur suffisent pas, ils pourraient soit insister pour obtenir des assurances complémentaires, soit renoncer à contracter avec une société de droit étranger.

56.
    Au reste, le gouvernement du Royaume-Uni et la Commission indiquent que la WFBV n'aurait pas été applicable si Inspire Art Ltd n'avait exercé qu'une activité mineure dans un autre État membre. Dans ce cas, le risque que courent les créanciers est tout aussi important que si les activités sont exclusivement exercées aux Pays-Bas.

57.
    Les dispositions relatives au capital minimal ne garantissent aucune protection aux créanciers dans l'esprit d'Inspire Art Ltd. Le capital minimal peut par exemple être reconverti en prêt immédiatement après l'apport et après l'immatriculation de la société même s'il s'agit d'une société de droit néerlandais. Il ne désintéresserait dès lors pas les créanciers. En cela ces dispositions de la WFBV ne sont pas aptes à atteindre la protection recherchée des créanciers.

58.
    Les règles sur la responsabilité solidaire des administrateurs sont de surcroît discriminatoires selon Inspire Art Ltd et la Commission. L'article 4, paragraphe 4, de la WFBV ne les rend, selon eux, responsables que lorsque, après l'immatriculation au registre du commerce, le capital minimal descend au-dessous de la limite fixée. Les administrateurs d'une société de droit néerlandais à responsabilité limitée (BV) ne seraient en revanche pas soumis à cette responsabilité stricte. De surcroît, par rapport aux sociétés de droit néerlandais, le cercle des personnes responsables serait étendu à celles qui dirigent effectivement les activités de la société.

59.
    La Commission estime que les dispositions de l'article 4, paragraphes 1, 2 et 4, de la WFBV sont au reste disproportionnées puisque Inspire Art Ltd annonce être une société de droit anglais. De surcroît, les dispositions des quatrième et onzième directives offriraient une transparence suffisante aux créanciers.

60.
    Inspire Art Ltd et le gouvernement du Royaume-Uni défendent en substance la même approche. Le gouvernement du Royaume-Uni ajoute que les États membres ne sont pas compétents pour imposer à des établissements de sociétés étrangères des exigences qui vont au-delà de l'harmonisation de la protection des intérêts des créanciers réalisée sur le plan communautaire par les quatrième et onzième directives.

61.
    Au reste, des mesures moins radicales sont concevables, selon eux. On pourrait ainsi par exemple donner la possibilité légale aux créanciers publics d'obtenir les garanties nécessaires de ces établissements (17).

62.
    Le gouvernement du Royaume-Uni estime au reste que les dispositions de la WFBV sur la comptabilité et les comptes annuels sont inutiles. Le droit anglais établit pour les sociétés à responsabilité limitée des règles appropriées sur les comptes annuels. Au reste, ces dispositions heurtent la onzième directive aux termes de laquelle les États dans lesquels l'établissement a son siège ne pourraient pas exiger certaines informations.

2.    Les parties qui plaident la justification

63.
    La Kamer van Koophandel, les gouvernements allemand, néerlandais et autrichien soutiennent en revanche que les dispositions de la WFBV sont en tout cas justifiées tant au regard de l'article 46 CE que de raisons impérieuses d'intérêt général.

64.
    La WFBV a pour but de lutter contre la fraude. Dans les arrêts Centros et Segers la Cour a expressément admis que c'était une justification légitime (18). Au reste la WFBV sert à protéger les créanciers, ce que la jurisprudence a également reconnu comme cause de justification (19). De surcroît, la WFBV a pour but de garantir l'efficacité des contrôles fiscaux, ce qui est également une cause de justification admise par la jurisprudence (20). Enfin, la loyauté des transactions commerciales serait protégée. Cela serait aussi une cause légitime de justification (21).

65.
    L'immatriculation de telles «sociétés boîtes aux lettres» a, selon le gouvernement autrichien, une fonction d'avertissement. L'information a pour les partenaires qui souhaiteraient éventuellement traiter avec elle une certaine importance pour savoir clairement s'ils voudraient le faire. L'arrêt Centros a expressément reconnu le besoin du milieu des affaires de connaître ces informations (22).

66.
    Les arguments de la Kamer van Koophandel et du gouvernement néerlandais vont dans le même sens. L'indication de la première immatriculation dans un registre étranger, requise par l'article 2, paragraphe 1, de la WFBV, informe les tiers du moment à partir duquel la société existe, du moment à partir duquel elle a exercé ses activités et, le cas échéant, si elle occupe une position établie sur le marché. Cette date pourrait aussi être assortie de certains effets juridiques comme le bénéfice de la capacité juridique.

67.
    L'information sur la qualité de société étrangère de pure forme permet aux tiers de prendre connaissance de cette donnée et de la prendre en compte lorsqu'ils examinent la régularité de la société. L'information que la société relève d'un droit étranger est aussi importante pour les organismes étatiques compétents.

68.
    L'intérêt des tiers de savoir qu'il n'existe qu'un seul associé (comparer article 3 de la WFBV) est expressément reconnu à l'article 3 de la douzième directive.

69.
    La règle figurant à l'article 4 de la WFBV sert surtout à protéger les créanciers. L'importance du capital minimal est expressément reconnue à l'article 6 de la deuxième directive pour les sociétés relevant de cette directive. Les règles sur le capital minimal ont avant tout pour but de renforcer la capacité financière des sociétés et de garantir de la sorte une plus grande protection aux créanciers privés et publics. Elles servent de manière générale à préserver tous les créanciers du risque d'insolvabilité abusive lié à la constitution de sociétés qui ne sont pas dotées dès le début du capital nécessaire.

70.
    La responsabilité solidaire des administrateurs constitue enfin seulement une sanction appropriée en cas de non-respect des dispositions de la WFBV. Au reste, les administrateurs d'une société néerlandaise endosseraient également une responsabilité similaire. Elle n'est pas non plus étrangère au droit communautaire ainsi que l'atteste l'article 51 du projet de règlement sur une société européenne. De surcroît, l'article 4, paragraphe 1, de la deuxième directive permet aux États membres d'adopter des règles de responsabilité appropriées au cas où une société ne peut pas commencer ses activités.

71.
    La Kamer van Koophandel expose que les dispositions de la WFBV ne sont pas discriminatoires. Selon elle, elles aboutissent plutôt précisément à appliquer aux sociétés étrangères les règles qui valent aussi pour les sociétés de droit néerlandais. Il s'agit, en plus du code civil, de la loi et de l'arrêté sur le registre du commerce de 1996.

72.
    La Kamer van Koophandel et le gouvernement autrichien estiment que les mesures sont aussi aptes à réaliser le but voulu. Elles contribueraient à informer les créanciers de la société qu'il s'agit d'une société relevant d'un droit étranger. Elles garantiraient au reste aux créanciers le bénéfice de la protection qu'ils pourraient attendre d'une société de droit néerlandais.

73.
    Le gouvernement autrichien considère dès lors que les règles sur le capital minimal sont un moyen approprié et proportionné. Pour les sociétés par actions la deuxième directive a déterminé elle-même l'importance du capital minimal. On ne trouve toutefois pas de règle similaire pour les sociétés à responsabilité limitée. À l'exception de l'Irlande et du Royaume-Uni, tous les États membres connaîtraient néanmoins des règles sur le capital minimal que ces sociétés doivent garantir. Contrairement à la responsabilité personnelle des associés, qui ne présente souvent aucune utilité en cas de faillite, le capital social requis offre une plus grande sûreté.

74.
    Les obligations comptables ainsi que l'obligation d'établir et de déposer des comptes annuels au titre de la WFBV constituent une mesure de protection efficace au bénéfice des créanciers. La quatrième directive n'établit que des exigences minimales. En raison des nombreuses options qu'elle laisse aux États membres, ceux-ci ont un intérêt digne d'être reconnu de rendre les dispositions transposant cette directive applicables à toutes les sociétés qui exercent une activité sur leur territoire.

75.
    La Kamer van Koophandel estime que les mesures ne vont pas au-delà de ce qui est nécessaire à la réalisation de l'objectif. Le non-respect des obligations imposées par la WFBV ne débouche pas sur un refus de reconnaître la société étrangère, mais sur la responsabilité des administrateurs. La Kamer van Koophandel constate à cet égard que la circonstance qu'une société ne répond pas ou plus aux règles sur le capital minimal est un indice clair du risque d'abus ou de fraude.

V - Appréciation

76.
    Les éléments de la présente affaire conduisent-ils à s'écarter de la jurisprudence Centros? Telle est la question que soulève en définitive la demande de décision préjudicielle.

77.
    Le contexte dans lequel elle s'inscrit se distingue de celui de l'affaire Centros en ce que la législation néerlandaise ne refuse pas l'immatriculation de l'établissement, mais requiert néanmoins d'indiquer qu'il s'agit d'une société étrangère de pure forme tout en attachant un certain nombre de conséquences juridiques à cette immatriculation. On se demande dès lors si, et le cas échéant dans quelle mesure, cette distinction incite à apprécier en droit différemment que dans l'affaire Centros la compatibilité du régime avec les règles de la liberté d'établissement.

78.
    Les positions de principe défendues par les parties qui ont présenté des observations peuvent se résumer schématiquement comme suit. Les premières estiment que le régime de la WFBV comporte une restriction injustifiée à la liberté d'établissement en ce que le droit néerlandais des sociétés s'applique en substance à la société étrangère, en particulier les règles sur le capital minimal. Les autres considèrent que la WFBV ne restreint pas la liberté d'établissement, car les sociétés étrangères ne présentent aucun lien réel avec l'État de constitution et que l'exercice de leurs activités ne serait soumis qu'à certaines exigences supplémentaires. La restriction est justifiée à leurs yeux à tout le moins par des raisons liées à la protection des créanciers et à la volonté d'empêcher l'usage frauduleux des possibilités offertes par la liberté d'établissement.

A - Les règles de la liberté d'établissement ont-elles vocation à s'appliquer?

79.
    Avant d'aborder chacun des arguments, il convient tout d'abord de préciser deux points intéressant le champ d'application des règles de la liberté d'établissement qui sont tirés des arrêts Segers et Centros.

80.
    Premièrement, l'exercice d'une activité dans l'État de constitution n'est pas une condition prévue par le traité pour s'établir dans d'autres États membres (23). Si une société n'exerce aucune activité dans l'État de constitution, cela ne l'empêche pas d'invoquer la liberté d'établissement.

81.
    Deuxièmement, les raisons qui incitent à constituer une société à l'étranger - pourvu qu'elles soient loyales - sont indifférentes. Même si elle y est constituée dans le but exclusif de contourner les règles de l'État membre dans lequel elle entend exercer ses activités, relatives à la constitution et au fonctionnement des sociétés, cette raison à elle seule ne l'empêche pas d'invoquer les règles de la liberté d'établissement (24).

82.
    Je ne vois dans les questions posées dans la décision de renvoi du Kantongerecht Amsterdam et dans le contexte dans lequel s'inscrit le litige au principal aucune raison de s'écarter de cette jurisprudence établie. Elle n'a au reste pas non plus été remise en cause dans les arrêts Daily Mail and General Trust (25) et Überseering (26).

83.
    Le champ d'application des articles 43 CE et 48 CE, déterminé dans les arrêts Segers et Centros, peut être insatisfaisant pour les uns ou les autres en ce qu'il est susceptible d'évincer l'application de dispositions de droit interne que l'on estime importantes et justes. Il contribue toutefois à mettre en oeuvre le droit de s'établir librement dans le marché intérieur ainsi que le garantit le traité.

B - Restriction à la liberté d'établissement

84.
    Il convient à présent d'examiner si les dispositions de la WFBV restreignent la liberté d'établissement.

1. Les dispositions de la loi néerlandaise sur les sociétés étrangères de pure forme à examiner

85.
    Il convient tout d'abord d'examiner l'étendue des dispositions de la WFBV qui ont fait l'objet de la demande de décision préjudicielle. La juridiction de renvoi s'est référée aux articles 2 à 5 de la WFBV, et en particulier au fait que la société étrangère de pure forme doit se faire immatriculer en tant que telle au registre du commerce (article 2), qu'elle doit mentionner un certain nombre d'indications sur tous les documents émanant d'elle (article 3), que le capital social et la partie qui est libérée devraient correspondre au moins au montant imposé aux sociétés de droit néerlandais (article 4). Elle s'est en outre référée aux autres dispositions régissant la tenue et la publication des comptes annuels et du rapport annuel. Elle a de surcroît vu une restriction de la liberté d'établissement en particulier dans la responsabilité personnelle des administrateurs, rendus débiteurs solidaires en cas de manquements aux obligations énoncées par la WFBV. Cette présentation permettrait de comprendre la demande de décision préjudicielle en ce sens qu'elle vise en particulier la qualification de la société étrangère de pure forme en tant que telle (articles 2 et 3), le capital minimal à apporter (article 4, paragraphes 1 à 3) et la responsabilité personnelle des administrateurs (article 4, paragraphe 4).

86.
    La Kamer van Koophandel, le gouvernement néerlandais, le gouvernement du Royaume-Uni et la Commission souhaitent en revanche limiter l'examen aux dispositions intéressant l'immatriculation d'une société au registre du commerce. Ils estiment que les questions préjudicielles doivent être traitées au vu du litige au principal. S'agissant seulement de l'immatriculation au registre du commerce, il convient selon eux de ne pas examiner dans la présente procédure les articles 3 et 6 de la WFBV en particulier. La Kamer van Koophandel et le gouvernement néerlandais souhaitent de surcroît exclure encore de l'examen des passages des articles 2 et 5.

87.
    Selon la jurisprudence citée par ces parties (27), «[...] le juge national, qui est seul à avoir une connaissance directe des faits de l'affaire, est le mieux placé pour apprécier, au regard des particularités de celle-ci, la nécessité d'une décision préjudicielle pour rendre son jugement. En conséquence, dès lors que les questions posées par le juge national portent sur l'interprétation d'une disposition de droit communautaire, la Cour est, en principe, tenue de statuer [...]». En vue de vérifier sa propre compétence, elle examine «les conditions dans lesquelles elle est saisie par le juge national». Elle considère en effet que sa fonction est «de contribuer à l'administration de la justice dans les États membres et non de formuler des opinions consultatives sur des questions générales ou hypothétiques [...]. C'est en considération de cette mission que la Cour estime ne pas pouvoir statuer sur une question préjudicielle soulevée devant une juridiction nationale, [...] lorsque l'interprétation du droit communautaire [...] demandé[e] par la juridiction nationale, n'[a] aucun rapport avec la réalité ou l'objet du litige au principal [...]» (28).

88.
    On doit certes approuver les parties lorsqu'elles indiquent que la question qui est effectivement au centre du litige au principal est de savoir si Inspire Art Ltd doit être immatriculée au registre du commerce en tant que société étrangère de pure forme. Cette immatriculation entraîne toutefois un certain nombre d'effets juridiques qui sont déterminés plus avant aux articles 2 à 5 de la WFBV. Ces effets sont indissociablement liés à la seule immatriculation en tant que société étrangère de pure forme. Le capital minimal qu'Inspire Art Ltd doit apporter, la manière dont elle doit s'annoncer dans les lettres d'affaires et la responsabilité personnelle et solidaire éventuelle de ses administrateurs seront directement arrêtés en fonction de la décision qui sera prise sur son obligation ou non de s'immatriculer en tant que société étrangère de pure forme. C'est en cela qu'il convient d'examiner également chacune des dispositions des articles 2, 3 et 4 de la WFBV dans la présente procédure et il semble que l'on n'examinerait pas fidèlement l'affaire en se limitant à l'immatriculation sans considérer les effets juridiques qui y sont nécessairement liés.

89.
    Dans la présente procédure, aucun élément n'indique qu'il s'agisse d'un litige artificiel ou que la Cour soit saisie d'un point de droit hypothétique sans intérêt sur la solution du litige.

90.
    Une autre question est de savoir quelles dispositions de la WFBV doivent s'appliquer in concreto à Inspire Art Ltd; par exemple si les dispositions dérogatoires de l'article 4, paragraphe 5, et de l'article 5, paragraphe 3, de la WFBV sont applicables. Cette question doit être résolue par le juge national et elle ne doit pas être examinée dans le contexte de la demande de décision préjudicielle.

91.
    On doit dès lors considérer que la demande de décision préjudicielle a pour objet les articles 2 à 5 de la WFBV. Conformément à la jurisprudence citée plus haut, il convient d'aborder en particulier les aspects que la juridiction de renvoi a soulignés, à savoir l'immatriculation en tant que telle de la société étrangère de pure forme, la mention de cette qualité sur les documents, le capital minimal et la responsabilité personnelle des administrateurs rendus débiteurs solidaires.

92.
    Il s'ensuit qu'il est superflu de développer la question examinée par certaines parties à la procédure consistant à savoir dans quelle mesure les dispositions de la WFBV sont compatibles avec les différentes directives harmonisant le droit des sociétés, car toutes les parties à la procédure estiment que les dispositions que la juridiction de renvoi considère ne relèvent pas de ces directives.

2.    Existence d'une restriction à la liberté d'établissement

93.
    L'article 43 CE lu conjointement avec l'article 48 CE garantit aux sociétés constituées en conformité de la législation d'un État membre, qui ont leur siège statutaire, leur administration centrale ou leur principal établissement à l'intérieur de la Communauté, le droit de créer et de diriger des agences, des succursales ou des filiales dans les conditions définies par la législation du pays d'établissement pour ses propres ressortissants.

94.
    Il en découle directement, selon une jurisprudence constante, que ces sociétés ont le droit d'exercer leurs activités dans un autre État membre étant entendu que leur siège statutaire, leur administration centrale ou leur principal établissement sert à déterminer, à l'instar de la nationalité de personnes physiques, leur rattachement à l'ordre juridique d'un État membre (29). Dans l'arrêt Überseering, la Cour en a conclu que l'exercice de la liberté d'établissement suppose nécessairement la reconnaissance desdites sociétés par tout État membre dans lequel elles souhaitent s'établir (30).

95.
    Le gouvernement néerlandais estime que la WFBV est conforme à cette jurisprudence. Contrairement à l'affaire Centros, Inspire Art Ltd ne s'est pas vu refuser la reconnaissance dans l'ordre juridique néerlandais. La WFBV lui impose seulement un certain nombre d'obligations complémentaires que le gouvernement néerlandais qualifie d'«administratives».

96.
    Ces obligations dites administratives incluent les règles néerlandaises sur le capital minimal d'une société et la responsabilité solidaire des administrateurs pour les dettes de la société en cas de non-respect des obligations imposées par la WFBV. C'est en ce sens que l'on pourrait éventuellement dire que les obligations imposées par la WFBV incombent aux administrateurs de la société ainsi que la Kamer van Koophandel l'expose. Cependant, cela ne signifie pas qu'il s'agisse des obligations «administratives» ne régissant que l'exercice d'une activité. L'apport d'un capital minimal déterminé intéresse la constitution d'une société. Le droit néerlandais le confirme. Les dispositions relatives au capital minimal figurent à l'article 2:178 du code civil, c'est-à-dire parmi les dispositions générales relatives à la constitution d'une société à responsabilité limitée.

97.
    Au final, les dispositions de la WFBV débouchent sur l'application de règles du droit néerlandais des sociétés considérées comme impératives - en particulier sur le capital minimal - à des sociétés, qui ont été constituées selon la législation d'un autre État membre et qui y ont également leur siège statutaire, qui développent leurs activités entièrement ou presque entièrement aux Pays-Bas.

98.
    C'est aussi ainsi que le législateur néerlandais l'a voulu. En attestent le préambule de la WFBV, les nombreuses références faites par la Kamer van Koophandel et le gouvernement néerlandais au code civil néerlandais et aux dispositions relatives au registre du commerce, ainsi que les travaux préparatoires de la WFBV cités par plusieurs parties. L'objectif de la WFBV est de lutter contre le recours à des formes de société étrangères, en particulier de droit anglais et de droit de l'État de Delaware aux États-Unis (31). D'après les indications données par la Kamer van Koophandel, nombre de ces sociétés, qui n'exerçaient des activités aux Pays-Bas que par le biais d'établissements, sont tombées en faillite. Les sociétés exerçant entièrement ou presque entièrement leurs activités aux Pays-Bas devraient se voir reprendre l'avantage qu'elles espéraient tirer de leur constitution en société de droit étranger. Elles devraient au bout du compte être soumises aux règles du droit néerlandais des sociétés, en particulier à l'égard de leur capital minimal et de la protection de leurs créanciers (32).

99.
    Si l'on assimile un établissement secondaire à un premier établissement, cela revient au final à ne pas reconnaître les sociétés constituées selon la loi étrangère. Aux termes de la WFBV, la création d'un établissement secondaire doit remplir les mêmes conditions que celles requises aux Pays-Bas pour la constitution d'une société à responsabilité limitée. Les effets du droit étranger, duquel l'existence de la société procède déjà, sont ainsi niés par la WFBV.

100.
    L'apport du capital minimal et la responsabilité des administrateurs sont déterminés en principe par les règles de l'État selon la législation duquel la société a été constituée, à savoir dans le cas d'Inspire Art Ltd le droit anglais. Ces règles sont doublées des exigences requises par la WFBV. La WFBV restreint en cela la liberté d'établissement. Celle-ci comporte également le droit d'un ressortissant de constituer une société dans l'État membre dont les règles du droit des sociétés lui laissent la plus grande liberté, et de créer dans la foulée des établissements secondaires dans un autre État membre. Cet effet de la WFBV est incompatible avec les arrêts Centros (33) et Überseering (34). La législation néerlandaise refuse en définitive de reconnaître la société constituée selon la loi anglaise ainsi que le droit communautaire l'exige.

101.
    La raison qui est sans cesse invoquée pour ne pas reconnaître pleinement les règles de l'État de constitution est que la société n'a pas de lien réel avec l'État de constitution. Cette considération a aussi joué un rôle déterminant dans l'adoption de la WFBV ainsi que l'attestent les travaux préparatoires et l'article 1er de la WFBV. Dans le cas d'Inspire Art Ltd, on considère que la société ne développe pas la moindre activité au Royaume-Uni, mais qu'elle est pleinement active aux Pays-Bas et que cela a été voulu dès le départ. La juridiction de renvoi expose même qu'il en irait autrement si Inspire Art Ltd développait une certaine activité dans n'importe quel autre État.

102.
    Ainsi qu'il ressort en particulier des développements de la Kamer van Koophandel, la WFBV a pour effet de rattacher l'application de certaines règles juridiques au fait que la personne morale n'a aucun lien réel avec l'État de constitution et exerce ses activités entièrement ou presque entièrement aux Pays-Bas. Bien que toutes les parties qui ont présenté des observations soulignent sans cesse, en invoquant l'article 2 de la Wet conflictenrecht corporaties, que le droit néerlandais ne se fonde précisément pas sur la théorie du siège, qui est défendue par exemple en Allemagne par la doctrine dominante et la jurisprudence, mais sur la théorie dite «de l'incorporation», il n'en reste pas moins que la WFBV a exactement le même effet que l'application de la théorie du siège. Elle ne reconnaît pas purement et simplement l'existence d'une société étrangère.

103.
    Dans l'état actuel de la jurisprudence, le droit de créer un établissement secondaire n'est pas tributaire d'une activité commerciale exercée dans l'État de constitution ainsi que nous l'avons déjà indiqué en commençant notre appréciation. C'est en suivant parfaitement cette logique que, dans l'arrêt Überseering, la Cour a déclaré incompatible avec la liberté d'établissement l'effet juridique de la théorie dite «du siège» voulant qu'une société qui déplace son siège effectif doive d'abord être à nouveau constituée pour que l'on puisse lui reconnaître une personnalité juridique. L'exigence de reconstitution de la même société dans le deuxième État membre équivaut à la négation même de la liberté d'établissement (35). Ce qui a été décidé pour le déplacement non voulu de l'établissement principal dans l'affaire Überseering doit également valoir pour la création d'un établissement secondaire.

104.
    Je n'aperçois dans la présente affaire aucune raison de s'écarter de cette jurisprudence. Ses conséquences insatisfaisantes pour certains ne vont finalement pas au-delà des effets de l'état actuel du droit communautaire. Le traité garantit la liberté d'établissement en ce compris la faculté de créer des établissements secondaires avec pour seule et unique exception l'article 46 CE. À ce jour les États membres ne sont pas parvenus à harmoniser leurs législations dans le domaine du capital minimal des sociétés à responsabilité limitée. Ils auraient pu le faire tant au titre de l'article 44 CE que de l'article 293 CE. Cette harmonisation a déjà eu lieu pour les sociétés par actions avec l'adoption de la deuxième directive (36). Si l'on admet à présent l'application à des sociétés étrangères comme Inspire Art Ltd de règles sur le capital minimal, considérées comme «impératives», cela évincerait le droit garanti par le traité à la liberté d'établissement qui inclut la création d'établissements secondaires - c'est-à-dire la liberté d'établissement dite «secondaire». Pareille interprétation des articles 43 CE et 48 CE n'est pas conforme au traité.

105.
    Contre la jurisprudence exposée ici, on soutient que, dans l'arrêt Daily Mail and General Trust, la Cour aurait reconnu la disparité entre les règles de droit international privé des États membres désignant le droit applicable à une société. Elle aurait expressément déterminé que les dispositions relatives à la liberté d'établissement n'auraient pas débouché sur un rapprochement de ces règles de droit international privé des États membres. Certains préconisent dès lors à ce titre la compétence des États membres pour pouvoir à tout le moins agir contre les sociétés dites «boîtes aux lettres» qui n'auraient aucun lien réel avec l'État de constitution.

106.
    Dans l'arrêt Daily Mail and General Trust, la Cour a en réalité indiqué que «[...] le traité considère la disparité des législations nationales concernant le lien de rattachement exigé pour leurs sociétés ainsi que la possibilité, et, le cas échéant, les modalités d'un transfert du siège, statutaire ou réel, d'une société de droit national, d'un État membre à l'autre, comme des problèmes qui ne sont pas résolus par les règles sur le droit d'établissement, mais qui doivent l'être par des travaux législatifs ou conventionnels [...]» (37). Dans l'arrêt Überseering, elle a toutefois constaté que ce passage de l'arrêt Daily Mail and General Trust ne confère pas aux États membres la faculté de subordonner au respect de leur droit interne des sociétés le bénéfice de la liberté d'établissement (38). Mais tel est précisément l'effet de la WFBV. Elle subordonne précisément l'exercice du droit de créer un établissement secondaire au respect des règles du droit néerlandais des sociétés relatives au capital minimal. L'arrêt Daily Mail and General Trust et la liberté des États membres de définir leurs règles de droit international privé ne récusent pas non plus la solution défendue ici.

107.
    L'incompatibilité de la WFBV avec les articles du traité relatifs à la liberté d'établissement étant ainsi établie à l'endroit du capital minimal et de la responsabilité des administrateurs, on examinera tout de même brièvement les autres aspects soulevés par la juridiction de renvoi, à savoir l'immatriculation de la société étrangère de pure forme en tant que telle au registre du commerce et la mention qui doit en être faite dans les documents. À l'audience, Inspire Art Ltd et le gouvernement du Royaume-Uni ont parlé de la stigmatisation que les sociétés subissent du fait de cette immatriculation.

108.
    L'immatriculation en tant que société étrangère de pure forme a pour fonction, d'après l'exposé des motifs que le gouvernement a déposé avec le projet de la WFBV, d'indiquer clairement aux tiers, qui traitent avec la société, qu'il s'agit d'une société qui n'a pas été constituée selon la législation néerlandaise, mais qui n'entretient aucun lien réel avec l'État de constitution en exerçant au contraire entièrement ou presque entièrement ses activités aux Pays-Bas. Les tiers doivent pouvoir décider en pleine connaissance de cette circonstance s'ils veulent traiter avec la société (39).

109.
    L'immatriculation revêt sur ce plan une fonction d'avertissement. Compte tenu de l'idée générale du législateur néerlandais qui est que ces sociétés sont peu solvables et que les règles néerlandaises sur le capital minimal et d'autres dispositions intéressant la protection des créanciers s'appliqueront à celles-ci, on doit considérer que la qualification de société étrangère de pure forme compliquera l'amorce de relations d'affaires ou en réduira à tout le moins l'intérêt. Avec toute la compréhension que cette raison peut susciter, il se trouve toutefois que dans l'état actuel du droit communautaire qui n'a pas connu à ce jour d'harmonisation dans ce domaine il y a une restriction à la liberté d'établissement. Il en va de même de la mention qui doit être faite sur les documents de la qualité de société étrangère de pure forme.

110.
    Il convient dès lors de répondre à la première question que les articles 43 CE et 48 CE doivent être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent à l'application de dispositions de droit interne soumettant la création d'établissements d'une société - constituée dans un autre État membre en raison des avantages qu'elle en tire par rapport à une entreprise qui est constituée selon la législation de l'État dans lequel se trouve l'établissement, régissant la constitution de la société et la libération du capital de manière plus stricte que la législation de l'État de constitution et dont la finalité se déduit du fait que la société exerce ses activités entièrement ou presque entièrement dans l'État de l'établissement sans avoir au reste de lien réel avec l'État de constitution - à la législation plus stricte de l'État dans lequel l'établissement est créé.

C - Justification de la restriction

111.
    Il convient d'examiner ci-après dans quelle mesure on doit considérer que la restriction constatée à la liberté d'établissement est justifiée. L'article 46 CE permet de restreindre le droit à la liberté d'établissement par des dispositions législatives, réglementaires et administratives prévoyant un régime spécial pour les ressortissants étrangers et justifiées par des raisons d'ordre public, de sécurité publique et de santé publique. De plus, une jurisprudence constante ne permet pas de se prévaloir abusivement ou frauduleusement des normes communautaires (40). La Cour a reconnu de surcroît que toute mesure nationale susceptible de gêner ou de rendre moins attrayant l'exercice des libertés fondamentales garanties par le traité est admise aux conditions suivantes. Elle doit s'appliquer sans discrimination, se justifier par des raisons impérieuses d'intérêt général, être apte à garantir la réalisation de l'objectif qu'elle poursuit et ne pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif (41).

112.
    Ainsi que le montrent les travaux préparatoires, la WFBV a surtout été mise en place pour protéger les créanciers de sociétés étrangères. Le gouvernement néerlandais invoque au surplus la protection contre l'abus de la liberté d'établissement, la lutte contre la fraude, la garantie de l'efficacité des contrôles fiscaux et la loyauté des transactions commerciales.

1. Justification au titre de l'article 46 CE

113.
    La protection des créanciers n'est pas expressément mentionnée à l'article 46 CE. Protégeant des intérêts économiques, une jurisprudence constante veut qu'elle ne relève pas non plus des notions d'ordre public et de sécurité publique (42). Aucune justification ne peut dès lors être tirée de l'article 46 CE.

114.
    Il en va de même de la garantie de l'efficacité des contrôles fiscaux et de la loyauté des transactions commerciales.

2. Justification tirée de la lutte contre l'abus de la liberté d'établissement

115.
    Ainsi que la Kamer van Koophandel et le gouvernement néerlandais en particulier le soulignent, la WFBV doit en plus servir à lutter contre l'exercice abusif d'activités sous le couvert d'un droit des sociétés étranger. Les sociétés de ce type courent le plus souvent à la faillite faute de capital suffisant au départ.

116.
    Il est certes exact que la Cour a refusé aux ressortissants communautaires de se prévaloir frauduleusement ou abusivement des libertés fondamentales du traité (43). Elle a en outre reconnu aux États membres le droit de remédier aux abus et de s'en prémunir (44).

117.
    Elle a toutefois toujours subordonné l'admission en droit des mesures de cet ordre à l'existence d'éléments concrets révélant un abus dans la situation donnée. Elle a rejeté comme insuffisante - et cela doit être particulièrement souligné - toute appréciation portée de manière générale et abstraite au vu d'une disposition légale (45).

118.
    Elle a décidé au reste que le fait, pour un ressortissant d'un État membre qui souhaite créer une société, de choisir de la constituer dans l'État membre dont les règles du droit des sociétés lui paraissent les moins contraignantes et de créer des succursales dans d'autres États membres ne saurait constituer en soi un usage abusif du droit d'établissement (46).

119.
    L'établissement d'Inspire Art Ltd n'est pas reconnu par application de la WFBV qui porte une appréciation générale et abstraite sur le recours à la faculté de constituer une société dans un État membre pour exercer entièrement ou presque entièrement des activités dans d'autres États membres par le biais d'établissements secondaires. Selon la jurisprudence de la Cour, en soi, le recours à la liberté d'établissement ne comporte pas d'abus.

120.
    Cette conclusion est aussi conforme à l'arrêt TV 10 (47) que le gouvernement néerlandais a invoqué à l'audience. Dans cette procédure préjudicielle il s'agissait aussi seulement d'une décision limitée au cas d'espèce. Le Commissariaat voor de Media n'avait pas reconnu comme organisme de radiodiffusion étranger au sens de la Mediawet la partie demanderesse dans le litige au principal, TV 10, qui était établie au Luxembourg, mais diffusait des programmes de radio et de télévision destinés aux Pays-Bas, au motif qu'elle s'était établie au Luxembourg pour échapper à la législation néerlandaise. Il s'agissait donc bien d'une décision limitée au cas d'espèce. La Cour a renvoyé au reste dans son arrêt à sa jurisprudence constante voulant que l'article 49 CE ne prive pas un État membre du droit de prendre des mesures destinées à empêcher que les libertés garanties par le traité soient utilisées par un prestataire dont l'activité serait entièrement ou principalement tournée vers son territoire en vue de se soustraire aux règles qui lui seraient applicables au cas où il serait établi sur le territoire de cet État (48). Mais c'est dans chaque cas d'espèce qu'il faut trancher au vu de ces dispositions. L'éventualité générale et abstraite d'un abus ne suffit pas à justifier des restrictions à la libre prestation de services et à la liberté d'établissement.

121.
    L'affaire Commission/France (49), que le gouvernement néerlandais a également invoquée à l'audience, ne saurait faire obstacle à la jurisprudence citée. Il s'agissait certes, dans cette procédure, d'une restriction générale et abstraite apportée sous la forme d'un décret au libre mouvement des capitaux. Dans son arrêt, la Cour n'a toutefois pas examiné si une telle restriction ne peut en principe pas être apportée sous la forme d'un décret. Elle a plutôt déterminé que la mesure heurtait le traité en ce qu'elle était disproportionnée. La question qui nous intéresse ici n'a dès lors pas fait l'objet de l'arrêt.

122.
    À l'audience, le représentant du gouvernement allemand a invité la Cour à indiquer dans la présente affaire comment, après les arrêts Centros et Überseering, les États membres pourraient lutter contre la constitution de «sociétés boîtes aux lettres» soupçonnées d'«abuser» de la liberté d'établissement.

123.
    Il est surprenant de voir une telle requête faite à la Cour alors qu'elle devrait être adressée aux États membres eux-mêmes. Il n'appartient pas à la Cour d'indiquer aux États membres comment ils pourraient lutter, sans enfreindre le traité, contre l'exercice abusif ou supposé tel des droits conférés par le traité. Dans les affaires Centros et Überseering, la Cour a exposé que le traité permet en principe de prendre des mesures qui empêchent d'exercer abusivement les droits garantis par le traité. Aux termes de l'article 220 CE, la Cour de justice est compétente pour interpréter les règles du traité. Elle ne peut dès lors en l'espèce, tout comme dans les affaires Centros et Überseering, que tracer les limites des droits que les opérateurs du marché et les entreprises tirent des articles 43 CE et 48 CE. Il appartient aux États membres d'en tirer les conclusions - souhaitables et nécessaires - qui en découlent.

124.
    Aucun autre indice de comportement abusif n'étant avancé, la restriction que la WFBV apporte à la liberté d'établissement ne saurait être justifiée par la lutte contre les abus.

3. Justification tirée d'autres raisons impérieuses d'intérêt général

125.
    Il reste ainsi à examiner dans quelle mesure la WFBV est justifiée par d'autres raisons impérieuses d'intérêt général.

126.
    Le gouvernement néerlandais invoque quatre raisons impérieuses d'intérêt général, étant la protection des créanciers, l'efficacité des contrôles fiscaux, la lutte contre la fraude et la prévention d'abus. Nous avons déjà examiné ci-dessus la prévention d'abus. Les trois autres raisons concernent la protection des créanciers privés et publics de la société. Elles peuvent dès lors être regroupées sous le verbo protection des créanciers.

127.
    La Cour a reconnu que la protection des créanciers est en principe une raison impérieuse d'intérêt général (50). Une restriction à la liberté d'établissement qui s'en autorise doit répondre aux conditions suivantes selon une jurisprudence constante: elle doit s'appliquer de manière non discriminatoire, être propre à garantir la réalisation de l'objectif qu'elle poursuit et ne pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour l'atteindre (51).

a)    Discrimination

128.
    D'après les indications données par la Kamer van Koophandel et le gouvernement néerlandais, les dispositions de la WFBV aboutissent à traiter de manière égale les sociétés de droit étranger et les sociétés de droit néerlandais. Les deux devraient selon eux répondre à certaines règles jugées impératives du droit néerlandais des sociétés. Le gouvernement allemand a ajouté à l'audience que les dispositions de la WFBV créent des conditions égales de concurrence pour les entreprises.

129.
    Il convient de rétorquer à cet égard que, sur un point au moins, la WFBV va au-delà des exigences imposées aux sociétés de droit néerlandais. La législation néerlandaise ne comporte pas de règle analogue à l'article 4 de la WFBV rendant les administrateurs responsables au cas où le capital propre de la société est inférieur au capital minimal requis après la constitution de la société et son immatriculation au registre du commerce. Cela ressort de l'exposé des motifs que le gouvernement a joint au projet de la WFBV (52).

130.
    L'article 2:180, paragraphe 2, du code civil ne rend les administrateurs personnellement et solidairement responsables à l'égard des sociétés constituées aux Pays-Bas que pour la période antérieure à la constitution de la société et à son immatriculation. Ce type de responsabilité figure aussi à l'article 4, paragraphe 4, de la WFBV. Mais en plus une responsabilité personnelle et solidaire est établie lorsque le capital minimal n'est plus atteint. Si une société de droit néerlandais se trouve dans une situation analogue après sa constitution et son immatriculation, sa dissolution judiciaire peut être ordonnée (comparer article 2:185 du code civil). Aucune responsabilité des administrateurs n'est prévue dans ce cas.

131.
    Compte tenu de la théorie de l'incorporation qui est appliquée en droit néerlandais, une société étrangère ne peut pas être dissoute par une telle décision de justice néerlandaise. Son existence relève en effet du droit de l'État de constitution. C'est la raison pour laquelle le législateur néerlandais a dès lors inscrit à l'article 4, paragraphe 4, de la WFBV la responsabilité des administrateurs à l'égard des sociétés étrangères de pure forme comme «solution de rechange appropriée» à la sanction frappant les sociétés de droit néerlandais (53).

132.
    Cette distinction dans le régime applicable aux sociétés néerlandaises ou étrangères récuse tout d'abord la thèse voulant que la WFBV met les sociétés étrangères sur pied d'égalité avec les sociétés de droit néerlandais.

133.
    Le régime différencié s'explique certes par les limites de l'incidence que la législation néerlandaise peut avoir sur l'existence de la société de droit étranger et l'on donne là une raison objective à l'inégalité de traitement.

134.
    Il convient cependant de voir qu'aucune responsabilité des administrateurs pour les dettes de la société n'est prévue en cas de dissolution judiciaire d'une société de droit néerlandais. La WFBV établit une responsabilité personnelle des administrateurs, rendus débiteurs solidaires, qui est fondamentalement étrangère au régime des sociétés de capitaux qui limite la responsabilité au capital de la société et contre lequel on ne peut se retourner que dans des circonstances tout-à-fait exceptionnelles.

135.
    Certes la responsabilité que la WFBV fait endosser aux administrateurs n'est pas automatique. Elle doit plutôt être déterminée dans chaque cas d'espèce par un tribunal (54). Les développements consacrés à l'article 2 de la WFBV montrent tout de même que le législateur a voulu donner un effet dissuasif à la sanction de l'article 4, paragraphe 4, de la WFBV, qui joue aussi en cas de manquement aux obligations de l'article 2 de la WFBV, c'est-à-dire avant l'immatriculation au registre du commerce. Le but de la WFBV est de dissuader les opérateurs économiques de recourir à une société étrangère de pure forme. Il fallait imaginer une sanction encore plus dissuasive qu'une peine pénale (55).

136.
    Cela prouve que, dans l'esprit du législateur néerlandais, l'article 4, paragraphe 4, de la WFBV ne mettait pas en place un régime extraordinaire susceptible de jouer de manière analogue à l'égard des sociétés de droit néerlandais, elles aussi, en mettant exceptionnellement directement en cause les personnes responsables des activités de la société. Ce régime devait avoir un effet dissuasif plus fort que des sanctions pénales. Il n'y a pas lieu de s'étendre davantage sur le fait que la responsabilité personnelle pour les dettes de la société convient à cet effet.

137.
    Ces constatations nous amènent à considérer que le législateur néerlandais a délibérément prévu pour les sociétés étrangères une sanction plus sévère que celle prévue pour les sociétés néerlandaises dans une situation analogue. Il s'ensuit que le régime de responsabilité des administrateurs opère une discrimination fondée sur la nationalité. Le siège statutaire d'une société sert à déterminer, à l'instar de la nationalité de personnes physiques, leur rattachement à l'ordre juridique d'un État membre (56). C'est la raison pour laquelle le régime de responsabilité personnelle des administrateurs, rendus débiteurs solidaires, mis en place par l'article 4, paragraphe 4, de la WFBV lorsque la limite du capital minimal est franchie à la baisse est incompatible avec la liberté d'établissement garantie par les articles 43 CE et 48 CE.

138.
    Contrairement aux allégations du gouvernement allemand, la WFBV ne crée pas de conditions égales de concurrence. Il est vrai que l'application de la WFBV débouche sur l'application des règles du droit des sociétés néerlandais à toutes les sociétés exerçant entièrement ou presque entièrement leurs activités aux Pays-Bas. Mais cela supprime précisément la concurrence entre les différents régimes des États membres. Dans l'état actuel du droit communautaire, il n'y a toutefois aucune raison de restreindre la liberté des opérateurs du marché de rechercher l'ordre juridique le plus approprié à leurs projets pour constituer une société.

139.
    Le régime de responsabilité personnelle des administrateurs, rendus débiteurs solidaires, sert notamment à garantir le respect des règles sur le capital minimal (article 4, paragraphes 1 à 3, de la WFBV). Les complications auxquelles la WFBV entend s'attaquer - à tout le moins à l'endroit des «sociétés boîtes aux lettres» de droit anglais - viennent, on l'a souligné à plusieurs reprises, de ce que les États membres ne sont pas parvenus depuis longtemps à s'accorder sur une harmonisation des règles sur le capital minimal des sociétés à responsabilité limitée ni sur des règles plus efficaces destinées à protéger les créanciers. Tant que les législations resteront en l'état, il n'y a aucune raison de restreindre la concurrence entre les différents régimes en interprétant à cette fin les règles du traité relatives à la liberté d'établissement.

140.
    On peut en conclure à ce stade qu'il est ainsi établi que la WFBV est une mesure discriminatoire à l'égard des sociétés étrangères et qu'elle est donc une restriction injustifiée à la liberté d'établissement.

b)    Le caractère approprié

141.
     On doute également que les dispositions de la WFBV soient aptes à garantir la protection des créanciers. On doit certes concéder à ses partisans qu'en droit communautaire la deuxième directive et le règlement (CE) n° 2157/2001 du Conseil, du 8 octobre 2001, relatif au statut de la société européenne (57), a reconnu que le mécanisme du capital minimal est un instrument garantissant un capital de départ suffisant (58). Lorsque le capital minimal est apporté, il y a, à tout le moins au moment de la constitution, un capital susceptible de garantir les intérêts des créanciers.

142.
    Mais dans les conclusions qu'il a présentées dans l'affaire Centros, l'avocat général La Pergola a déjà émis des doutes sur l'efficacité de cet instrument (59). L'importance différente que les règles du droit des sociétés des États membres accordent au capital minimal, qui se reflète dans les différents montants qui doivent être apportés, montre en tout cas clairement qu'il n'y a pas une seule et unique vérité sur ce point. Les droits anglais et irlandais n'accordent aucun rôle significatif au capital minimal. Il faut enfin signaler le rapport du groupe dit «Winter». Ce rapport récemment soumis à la Commission - du groupe d'experts désigné par le nom de son président Jaap Winter - expose que les règles sur le capital minimal sont certes considérées principalement comme une pierre angulaire essentielle pour assurer la protection des créanciers et des intérêts des détenteurs de parts. Toutefois, le groupe d'experts est finalement convaincu que ces règles sur le capital minimal ne remplissent qu'une seule fonction. Elles dissuadent les particuliers de constituer des sociétés à la légère. Selon le groupe, elles n'aboutissent en fin de compte qu'à protéger faiblement les créanciers contre un apport inconsidéré de capitaux et ne garantissent aucune protection lorsque le capital sert à éponger des pertes. Les créanciers et les détenteurs de parts pourraient mieux être protégés si on développait un examen de solvabilité approprié (60).

143.
    Dans l'arrêt Centros, la Cour a déterminé que les règles danoises sur le capital minimal ne sont en tout cas pas aptes à atteindre la protection visée des créanciers car, si la société concernée avait exercé une activité au Royaume-Uni, sa succursale aurait été immatriculée au Danemark, alors même que les créanciers danois auraient pu être tout autant fragilisés (61).

144.
    Le présent cas d'espèce paraît être parfaitement analogue. La juridiction de renvoi a ainsi expressément établi que la WFBV ne serait pas applicable à Inspire Art Ltd si elle exerçait une activité commerciale dans n'importe quel autre État membre que les Pays-Bas. Il n'est pas évident que les créanciers puissent exercer leurs recours dans ce cas sur un patrimoine plus consistant. Il s'ensuit que cette restriction n'est pas apte à atteindre le but qui est de protéger les créanciers.

145.
    On doute aussi sérieusement que l'immatriculation de la société étrangère de pure forme en tant que telle et l'obligation qui lui est faite de le mentionner sur ses documents soient aptes à protéger les créanciers. L'indication que la société n'exerce pas d'activités en dehors des Pays-Bas n'accroît ni ne protège le capital susceptible de désintéresser les créanciers.

146.
    Par ces motifs, les règles sur le capital minimal, l'immatriculation en tant que société étrangère de pure forme et la mention dans la raison sociale ne doivent pas être considérées comme aptes à atteindre le but qui est de protéger les créanciers. On doit dès lors considérer là aussi que la restriction à la liberté d'établissement n'est pas justifiée.

c)    Proportionnalité

147.
    Enfin, la restriction apportée par la WFBV ne serait justifiée que s'il n'y avait aucun moyen moins contraignant d'atteindre le but qui est de protéger les créanciers.

148.
    On doute que l'immatriculation au registre du commerce de la société étrangère de pure forme en tant que telle et les règles sur les mentions devant figurer sur les documents de la société soient nécessaires. En tant que société de droit anglais, Inspire Art Ltd est immatriculée au registre du commerce sous la forme d'une «limited». Elle apparaît dans ses activités en tant que «limited». Le monde des affaires est ainsi informé qu'il ne s'agit pas d'une société de droit néerlandais. La fonction d'avertissement supplémentaire que l'on prête à la mention de la qualité de société étrangère de pure forme ne paraît pas nécessaire pour garantir les intérêts des créanciers de la société ou la loyauté des transactions commerciales. La réglementation est disproportionnée sur ce point.

149.
    Au reste, la société de droit anglais relève des dispositions des quatrième et onzième directives. Les créanciers d'Inspire Art Ltd peuvent aussi invoquer ces règles de protection (62).

150.
    Il convient en plus de constater que la Cour a déjà décidé à l'endroit de la protection des créanciers publics qu'au lieu de faire respecter les règles sur le capital minimal on peut permettre de prendre les garanties nécessaires (63). Cette possibilité existe aussi pour les créanciers privés. Il existe dès lors un moyen moins contraignant que celui choisi par la WFBV. C'est la raison pour laquelle la restriction apportée par la WFBV à la liberté d'établissement doit être considérée comme disproportionnée.

151.
    Le caractère proportionné de la WFBV apparaît enfin douteux sous un autre aspect. La loi s'applique aux sociétés qui développent leurs activités entièrement ou presque entièrement aux Pays-Bas. Elle ne précise pourtant pas quand c'est le cas. Les activités sont-elles développées presque entièrement en dehors des Pays-Bas lorsqu'elles représentent 10 %, 15 % ou 20 %? Ce flou crée une incertitude sur l'application ou non de la WFBV à une société. Un instrument à ce point incertain ne peut pas être une mesure apte à garantir la protection des créanciers. Qui plus est, le caractère applicable de la loi à une société peut varier sans que cela découle du registre du commerce ainsi qu'il ressort de l'exposé des motifs que le gouvernement a joint au projet de la WFBV (64).

152.
    Une incertitude analogue pèse sur la responsabilité personnelle et illimitée des administrateurs rendus débiteurs solidaires. Elle joue en effet chaque fois que le capital descend au-dessous du capital minimal fixé par la loi.

153.
    Ces deux règles assurent il est vrai toujours aux créanciers le régime le plus favorable. Mais elles créent un risque pratiquement imprévisible en particulier pour les administrateurs des sociétés. Elles apparaissent disproportionnées pour les administrateurs en raison de leurs conséquences incalculables.

154.
    Il convient dès lors de répondre à la deuxième question: ni l'article 46 CE, ni la lutte contre le risque d'abus, ni des raisons impérieuses d'intérêt général ne justifient des restrictions à la liberté d'établissement telles que celles inscrites aux articles 2 à 5 de la Wet op de formeel buitenlandse vennootschappen.

VI - Conclusion

155.
    Par ces motifs, nous proposons de répondre comme suit aux questions préjudicielles:

«1)    Les articles 43 CE et 48 CE doivent être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent à l'application de dispositions de droit interne soumettant la création d'établissements d'une société - constituée dans un autre État membre en raison des avantages qu'elle en tire par rapport à une entreprise qui est constituée selon la législation de l'État dans lequel se trouve l'établissement, régissant la constitution de la société et la libération du capital de manière plus stricte que la législation de l'État de constitution et dont la finalité se déduit du fait que la société exerce ses activités entièrement ou presque entièrement dans l'État de l'établissement sans avoir au reste de lien réel avec l'État de constitution - à la législation plus stricte de l'État dans lequel l'établissement est créé.

2)    Ni l'article 46 CE, ni la lutte contre le risque d'abus, ni des raisons impérieuses d'intérêt général ne justifient des restrictions à la liberté d'établissement telles que celles inscrites aux articles 2 à 5 de la Wet op de formeel buitenlandse vennootschappen.


1: -     Langue originale: l'allemand.


2: -     Wet van 17 december 1997, houdende regels met betrekking tot naar buitenlands recht opgerichte, rechtspersoonlijkheid bezittende kapitaalvennootschappen die hun werkzaamheid geheel of nagenoeg geheel in Nederland verrichten en geen werkelijke band hebben met de staat naar welks recht zij zijn opgericht (loi néerlandaise du 17 décembre 1997 portant règles relatives aux sociétés de capitaux de droit étranger, possédant la personnalité juridique, qui exercent entièrement ou presque entièrement leurs activités aux Pays-Bas sans avoir de lien réel avec l'État selon le droit duquel elles sont constituées) Staatsblad 1997, 697.


3: -     Arrêt du 9 mars 1999 (C-212/97, Rec. p. I-1459, en particulier les points 16 à 18).


4: -     Arrêt du 10 juillet 1986 (79/85, Rec. p. 2375, en particulier le point 16).


5: -     Directive du Conseil, du 21 décembre 1989, concernant la publicité des succursales créées dans un État membre par certaines formes de société relevant du droit d'un autre État (JO L 395, p. 36).


6: -     Arrêt du 16 juillet 1992 (C-343/90, Rec. p. I-4673, points 18 à 20). Elle invoque au reste les arrêts du 16 juillet 1992, Meilicke (C-83/91, Rec. p. I-4871); du 17 mai 1994, Corsica Ferries (C-18/93, Rec. p. I-1783, point 14); du 13 décembre 1994, Grau-Hupka (C-297/93, Rec. p. I-5535, point 19), et du 26 octobre 1995, Furlanis (C-143/94, Rec. p. I-3633, point 12).


7: -    Première directive 68/151/CEE du Conseil, du 9 mars 1968, tendant à coordonner, pour les rendre équivalentes, les garanties qui sont exigées, dans les États membres, des sociétés au sens de l'article 58 deuxième alinéa du traité, pour protéger les intérêts tant des associés que des tiers (JO L 65, p. 8); deuxième directive 77/91/CEE du Conseil, du 13 décembre 1976, tendant à coordonner pour les rendre équivalentes les garanties qui sont exigées dans les États membres des sociétés au sens de l'article 58 deuxième alinéa du traité, en vue de la protection des intérêts tant des associés que des tiers, en ce qui concerne la constitution de la société anonyme ainsi que le maintien et les modifications de son capital (JO L 26, p. 1); quatrième directive 78/660/CEE du Conseil, du 25 juillet 1978, fondée sur l'article 54 paragraphe 3 sous g) du traité et concernant les comptes annuels de certaines formes de sociétés (JO L 222, p. 11); septième directive 83/349/CEE du Conseil, du 13 juin 1983, fondée sur l'article 54 paragraphe 3 point g) du traité, concernant les comptes consolidés (JO L 193, p. 1); directive 89/666, et douzième directive 89/667/CEE du Conseil, du 21 décembre 1989, en matière de droit des sociétés concernant les sociétés à responsabilité limitée à un seul associé (JO L 395, p. 40).


8: -     Staatsblad 1997, p. 699.


9: -     Précitée à la note 6.


10: -     Arrêt du 27 septembre 1988 (81/87, Rec. p. 5483).


11: -     Précité à la note 3. Le gouvernement néerlandais invoque en particulier le point 24 de l'arrêt.


12: -     Il renvoie au point 18 de l'arrêt.


13: -     Précité à la note 4.


14: -     Il renvoie à cet égard aux arrêts du 7 mars 1990, Krantz (C-69/88, Rec. p. I-583, point 11), et du 14 juillet 1994, Peralta (C-379/92, Rec. p. I-3453, point 24).


15: -     La Commission invoque en particulier le point 24 de l'arrêt (précité à la note 3).


16: -     La Commission cite le point 34 de l'arrêt.


17: -     Le gouvernement du Royaume-Uni renvoie à cet égard au point 37 de l'arrêt Centros (précité à la note 3).


18: -     Ils invoquent le point 38 de l'arrêt Centros (précité à la note 3) et le point 17 de l'arrêt Segers (précité à la note 4).


19: -     Ils renvoient aux arrêts du 4 décembre 1986, Commission/Allemagne (205/84, Rec. p. 3755); du 25 juillet 1991, Collectieve Antennevoorziening Gouda (C-288/89, Rec. p. I-4007); du 28 janvier 1992, Bachmann (C-204/90, Rec. p. I-249), et du 12 décembre 1996, Reisebüro Broede (C-3/95, Rec. p. I-6511).


20: -     Ils citent l'arrêt Bachmann (précité à la note 19).


21: -     Ils renvoient à l'arrêt du 10 mai 1995, Alpine Investments (C-384/93, Rec. p. I-1141).


22: -     Le gouvernement autrichien renvoie au point 36 de l'arrêt (précité à la note 3).


23: -     Arrêts Segers (précité à la note 4, point 16) et Centros (précité à la note 3, point 17).


24: -     Arrêt Centros (précité à la note 3, point 18). L'indifférence des raisons qui ont incité un sujet de droit à agir a été également reconnue dans le domaine de la libre prestation de services, comparer arrêt du 5 octobre 1994, TV 10 (C-23/93, Rec. p. I-4795, point 15).


25: -     Précité à la note 10.


26: -     Arrêt du 5 novembre 2002 (C-208/00, non encore publié au Recueil).


27: -     Comparer les références citées à la note 6.


28: -     Arrêt Lourenço Dias (précité à la note 6, points 14 à 18).


29: -     Arrêts Segers (précité à la note 4, point 13), Centros (précité à la note 3, point 20) et Überseering (précité à la note 26, point 57).


30: -     Précité à la note 26, point 59. Nous relevons au passage que l'on pouvait déjà déduire cette conclusion de l'arrêt Centros (précité à la note 3, point 21).


31: -     Comparer les développements figurant dans le Memorie van Toelichting, Tweede Kamer der Staten-Generaal, session 1994-1995, publication du 19 avril 1995, n° 24139, n° 3, p. 2, diffusés sur le site internet du parlement néerlandais www.tweede-kamer.nl.


32: -     Memorie van Toelichting (précité à la note 31), p. 3.


33: -     Précité à la note 3, point 27.


34: -     Précité à la note 26, point 59.


35: -     Arrêt Überseering (précité à la note 26, point 81).


36: -     Citée à la note 7.


37: -     Précité à la note 10, point 23.


38: -     Précité à la note 26, point 72.


39: -     Memorie van Toelichting (précité à la note 31), p. 6, dernière phrase, et p. 7 en haut.


40: -     Arrêt Centros (précité à la note 3, point 24, et jurisprudence visée).


41: -     Arrêts du 31 mars 1993, Kraus (C-19/92, Rec. p. I-1663, point 32); du 30 novembre 1995, Gebhard (C-55/94, Rec. p. I-4165, point 37), et Centros (précité à la note 3, point 34).


42: -     Arrêt Centros (précité à la note 3, point 34).


43: -     Ibidem, point 24 et jurisprudence visée.


44: -     Arrêts Segers (précité à la note 4, point 17) et Centros (précité à la note 3, point 24 et jurisprudence visée).


45: -     Arrêts Centros (précité à la note 3, point 25) et Überseering (précité à la note 26, point 92, «[...] dans certaines circonstances et en respectant certaines conditions [...]»).


46: -     Arrêt Centros (précité à la note 3, point 27).


47: -     Précité à la note 24.


48: -     Ibidem, point 20.


49: -     Arrêt du 4 juin 2002 (C-483/99, Rec. p. I-4781).


50: -     Comparer les développements figurant dans l'arrêt Centros (précité à la note 3, points 32 et suiv.).


51: -     Arrêt Centros (précité à la note 3, point 34).


52: -     Memorie van Toelichting (précité à la note 3), p. 9.


53: -     Comparer les indications données dans le Memorie van Toelichting (précité à la note 31), p. 9.


54: -     Comparer les indications données dans le Memorie van Toelichting (précité à la note 31), p. 9, dernier alinéa.


55: -     Comparer les indications données dans le Memorie van Toelichting (précité à la note 31), p. 7, à propos de l'article 2.


56: -     Arrêt Centros (précité à la note 3), point 20 et jurisprudence visée.


57: -     JO L 294, p. 1.


58: -     Comparer le quatrième considérant de la deuxième directive et le treizième considérant du règlement n° 2157/2001.


59: -     Conclusions du 16 juillet 1998 (Rec. 1999, p. I-1461, point 21).


60: -     Rapport final du groupe de haut niveau d'experts en droit des sociétés [sur] un encadrement réglementaire moderne pour le droit des sociétés en Europe, du 4 novembre 2002, résumé, p. 14 et points particuliers, p. 82 et suiv. particulier p. 87, diffusé sur le site internet de la Commission européenne http://europa.eu.int/comm/internal.market/fr/company/company/modern.


61: -     Précité à la note 3, point 35.


62: -     Comparer les motifs consacrés à cet aspect dans l'arrêt Centros (précité à la note 3, point 36).


63: -     Arrêt Centros (précité à la note 3), point 37.


64: -     Memorie van Toelichting (précité à la note 31), p. 6, sur l'article 1er.