Language of document : ECLI:EU:T:2013:31

Affaires jointes T-225/06, T-255/06, T-257/06 et T-309/06

Budějovický Budvar, národní podnik

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI)

« Marque communautaire — Procédure d’opposition — Demandes de marques communautaires verbale et figurative BUD — Appellations ‘bud’ — Motifs relatifs de refus — Article 8, paragraphe 4, du règlement (CE) nº 40/94 »

Sommaire de l'arrêt

1.      Marque communautaire — Définition et acquisition de la marque communautaire — Motifs relatifs de refus — Opposition par le titulaire d'une marque non enregistrée ou d'un autre signe utilisé dans la vie des affaires — Signe donnant à son titulaire le droit d'interdire l'utilisation d'une marque plus récente

(Règlement du Conseil nº 40/94, art. 8, § 4)

2.      Marque communautaire — Définition et acquisition de la marque communautaire — Motifs relatifs de refus — Opposition par le titulaire d'une marque non enregistrée ou d'un autre signe utilisé dans la vie des affaires — Signe donnant à son titulaire le droit d'interdire l'utilisation d'une marque plus récente

(Règlement du Conseil nº 40/94, art. 8, § 4; règlement de la Commission nº 2868/95, art. 1er, règle 20, § 7, c))

3.      Marque communautaire — Dispositions de procédure — Examen d'office des faits

(Règlement du Conseil nº 40/94, art. 74, § 2)

4.      Marque communautaire — Définition et acquisition de la marque communautaire — Motifs relatifs de refus — Opposition par le titulaire d'une marque non enregistrée ou d'un autre signe utilisé dans la vie des affaires

(Règlement du Conseil nº 40/94, art. 8, § 1, b), et 4, et 43, § 2 et 3; règlement de la Commission nº 2868/95, art. 1er, règle 22)

5.      Marque communautaire — Définition et acquisition de la marque communautaire — Motifs relatifs de refus — Opposition par le titulaire d'une marque non enregistrée ou d'un autre signe utilisé dans la vie des affaires

(Règlement du Conseil nº 40/94, art. 8, § 4)

6.      Marque communautaire — Définition et acquisition de la marque communautaire — Motifs relatifs de refus — Opposition par le titulaire d'une marque non enregistrée ou d'un autre signe utilisé dans la vie des affaires — Signe donnant à son titulaire le droit d'interdire l'utilisation d'une marque plus récente

(Règlement du Conseil nº 40/94, art. 8, § 4)

7.      Marque communautaire — Dispositions de procédure — Examen d'office des faits

(Règlement du Conseil nº 40/94, art. 74, § 1)

1.      Viole l'article 8, paragraphe 4, du règlement nº 40/94 sur la marque communautaire, la chambre de recours de l'Office de l'harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) qui a estimé, du fait de l'invalidation des effets de l'appellation d'origine BUD, enregistrée, pour de la bière, auprès de l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI), au titre de l'arrangement de Lisbonne, par jugement d'une juridiction française, que l'opposition formée à l'encontre des signes figuratif et verbal BUD, dont l'enregistrement en tant que marque communautaire est demandé pour des produits relevant des classes 16, 21, 25 et 32 respectivement 32, 33, 35, 38, 41 et 42 au sens de l'arrangement de Nice, ne peut aboutir sur la base d'un droit « présenté comme une appellation d'origine », mais qui, en fait, « n'en est pas une » alors que ledit jugement a fait l'objet d'un appel dont les effets sont suspensifs.

Dès lors que, en France, les effets de l’appellation d’origine « bud » n’ont pas été définitivement invalidés, la chambre de recours devait tenir compte, au titre de l’article 8, paragraphe 4, du règlement nº 40/94, du droit national pertinent et de l’enregistrement effectué au titre de l’arrangement de Lisbonne, sans pouvoir remettre en cause le fait que le droit antérieur invoqué constituait une « appellation d’origine ».

(cf. points 83, 87, 90)

2.      Ainsi qu'il découle du cinquième considérant du règlement nº 40/94 sur la marque communautaire, le droit communautaire des marques ne se substitue pas aux droits des marques des États membres. Sur cette base, le Tribunal a considéré que la validité d’une marque nationale ne pouvait pas être remise en cause dans le cadre d’une procédure d’enregistrement d’une marque communautaire.

Il en résulte que le système créé par le règlement nº 40/94 présuppose la prise en compte, par l’Office de l'harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles), de l’existence de droits antérieurs protégés au niveau national. Ainsi, l’article 8, paragraphe 1, lu conjointement avec l’article 8, paragraphe 4, du règlement nº 40/94, dispose que le titulaire d’un autre signe utilisé dans la vie des affaires dont la portée n’est pas seulement locale, et ayant effet dans un État membre, peut s’opposer, dans les conditions qu’il détermine, à l’enregistrement d’une marque communautaire. Pour assurer cette protection, l’article 8, paragraphe 4, du règlement nº 40/94 vise précisément « le droit de l’État membre qui est applicable » au droit antérieur invoqué.

Dès lors que, dans un pays contractant à l'arrangement de Lisbonne concernant la protection des appellations d'origine et leur enregistrement international, les effets d’une appellation d’origine n’ont pas été définitivement invalidés, l'Office doit tenir compte, au titre de l’article 8, paragraphe 4, du règlement nº 40/94, du droit national pertinent et de l’enregistrement effectué au titre de l’arrangement de Lisbonne, sans pouvoir remettre en cause le fait que le droit antérieur invoqué constitue une « appellation d’origine ».

Si l'Office a des doutes sérieux quant à la qualification d’« appellation d’origine » du droit antérieur, et donc quant à la protection qu’il convenait de lui accorder au titre du droit national invoqué, alors que cette question fait justement l’objet d’une procédure juridictionnelle dans le pays contractant en cause, il a la possibilité, au titre de la règle 20, paragraphe 7, sous c), du règlement nº 2868/95 portant modalités d'application du règlement nº 40/94 sur la marque communautaire, de suspendre la procédure d’opposition dans l’attente d’un jugement définitif à cet égard.

(cf. points 88-91)

3.      Il ressort du libellé de l’article 74, paragraphe 2, du règlement nº 40/94 sur la marque communautaire que l’Office de l'harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) peut ne pas tenir compte des faits qui n’auraient pas été invoqués ou des preuves qui n’auraient pas été produites en temps utile par les parties. Il découle d’un tel libellé que, en règle générale et sauf disposition contraire, la présentation de faits et de preuves par les parties demeure possible après l’expiration des délais auxquels se trouve subordonnée une telle présentation en application des dispositions du règlement nº 40/94 et qu’il n’est nullement interdit à l’Office de tenir compte de faits et de preuves ainsi tardivement invoqués ou produits.

(cf. point 153)

4.      L’article 8, paragraphe 4, du règlement nº 40/94 sur la marque communautaire permet de former une opposition à l’encontre d’une demande de marque communautaire sur la base d'une marque non enregistrée ou d'un autre signe utilisé dans la vie des affaires dont la portée n’est pas seulement locale.

Les finalités et les conditions liées à la preuve de l’usage sérieux de la marque antérieure au sens de l'article 43, paragraphe 2, du règlement nº 40/94 diffèrent de celles relatives à la preuve de l’utilisation, dans la vie des affaires, du signe visé par l’article 8, paragraphe 4, dudit règlement, en particulier lorsqu’il s’agit d’une appellation d’origine enregistrée au titre de l’arrangement de Lisbonne ou d’une appellation protégée au titre d'une convention bilatérale.

Dans le cadre de l'article 8, paragraphe 4, du règlement nº 40/94, certains signes peuvent ne pas perdre les droits qui y sont attachés, et cela malgré le fait qu’ils ne font pas l’objet d’un usage « sérieux ». Une appellation d’origine enregistrée au titre de l’arrangement de Lisbonne ne pourra être considérée comme devenue générique, aussi longtemps qu’elle se trouve protégée comme appellation d’origine dans le pays d’origine. Par ailleurs, la protection conférée à l’appellation d’origine est assurée, sans qu’il soit nécessaire de procéder à un renouvellement (articles 6 et 7, paragraphe 1, de l'arrangement de Lisbonne). Cela ne signifie pas pour autant que le signe invoqué au titre de l’article 8, paragraphe 4, du règlement nº 40/94 peut ne pas être utilisé. Toutefois, l’opposant peut se limiter à démontrer que l’utilisation du signe en cause a été faite dans le contexte d’une activité commerciale visant à un avantage économique, sans pour autant prouver, au sens et selon les conditions posées par l’article 43, paragraphes 2 et 3, du règlement nº 40/94 et par la règle 22 du règlement nº 2868/95 portant modalités d'application du règlement nº 40/94, un usage sérieux dudit signe. Une interprétation contraire reviendrait à faire peser sur les signes visés par l’article 8, paragraphe 4, du règlement nº 40/94 des conditions spécifiquement liées aux marques et à l’étendue de leur protection. De plus, à la différence de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 40/94, l’opposant doit encore démontrer, dans le cadre de l’article 8, paragraphe 4, que le signe en cause lui donne le droit, selon le droit de l’État membre concerné, d’interdire l’utilisation d’une marque plus récente.

Il ne ressort pas des termes de l’article 8, paragraphe 4, du règlement nº 40/94 que le signe en cause doive faire l’objet d’une utilisation sur le territoire dont le droit est invoqué au soutien de la protection dudit signe. Les signes visés audit article peuvent faire l’objet d’une protection sur un territoire spécifique, alors qu’ils n’ont pas fait l’objet d’une utilisation sur ledit territoire spécifique, mais seulement sur un autre territoire.

Il convient de vérifier si les éléments fournis par l'opposant durant la procédure administrative reflètent l’utilisation des signes en cause dans le contexte d’une activité commerciale visant à un avantage économique, et non dans le domaine privé, et cela quel que soit le territoire concerné par cette utilisation.

Enfin, aux termes de l’article 8, paragraphe 4, du règlement nº 40/94, l’opposition repose sur un signe « utilisé » dans la vie des affaires. Il ne résulte pas de cette disposition que l’opposant doive démontrer que le signe en cause a été utilisé antérieurement à la demande de marque communautaire. Tout au plus peut-il être exigé, à l’instar de ce qui est demandé pour les marques antérieures, et cela pour éviter des utilisations du droit antérieur provoquées uniquement par une procédure d’opposition, que le signe en cause ait été utilisé avant la publication de la demande de marque au Bulletin des marques communautaires.

(cf. points 163, 166-169)

5.      L'article 8, paragraphe 4, du règlement nº 40/94 sur la marque communautaire permet de former une opposition à l'encontre d'une demande de marque communautaire sur la base d'une marque non enregistrée ou d'un autre signe utilisé dans la vie des affaires dont la portée n’est pas seulement locale.

La lecture des termes dudit article amène à considérer que cette disposition vise la portée du signe en cause et non la portée de son utilisation. La portée du signe en cause recouvre, dans le cadre de l’article 8, paragraphe 4, du règlement nº 40/94, l’étendue géographique de sa protection. Celle-ci ne doit pas être seulement locale. Dans pareil cas, une opposition à une demande de marque communautaire ne saurait prospérer. L’article 107 du règlement nº 40/94, qui s’intitule « Droits antérieurs de portée locale », précise d’ailleurs que « [l]e titulaire d’un droit antérieur de portée locale peut s’opposer à l’usage de la marque communautaire sur le territoire où ce droit est protégé dans la mesure où le droit de l’État membre concerné le permet ». La portée du droit est donc étroitement liée au territoire où ce droit est protégé.

(cf. point 180)

6.      L'article 8, paragraphe 4, du règlement nº 40/94 sur la marque communautaire permet de former une opposition à l'encontre d'une demande de marque communautaire sur la base d'une marque non enregistrée ou d'un autre signe utilisé dans la vie des affaires dont la portée n’est pas seulement locale.

Aux termes dudit article, selon la législation communautaire ou le droit de l’État membre applicable au signe invoqué, ce signe doit donner à son titulaire le droit d’interdire l’utilisation d’une marque plus récente. L’article 8 du règlement nº 40/94 étant consacré aux motifs relatifs de refus, et compte tenu de l’article 74 du même règlement, la charge de prouver que le signe en cause donne le droit d’interdire l’utilisation d’une marque plus récente pèse sur l’opposant devant l’Office de l'harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles).

Dans ce contexte, il convient de tenir compte, notamment, de la réglementation nationale invoquée et des décisions de justice rendues dans l’État membre concerné. Sur ce fondement, l’opposant doit démontrer que le signe en cause entre dans le champ d’application du droit de l’État membre invoqué et qu’il permettrait d’interdire l’utilisation d’une marque plus récente. Dans le contexte de l’article 8, paragraphe 4, du règlement nº 40/94, la démonstration de l’opposant doit se placer dans la perspective de la marque communautaire demandée à l’enregistrement.

(cf. points 184-185, 187)

7.      Aux termes de l'article 74 du règlement nº 40/94 sur la marque communautaire, « dans une procédure concernant des motifs relatifs de refus d'enregistrement, l'examen de l'Office de l'harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) est limité aux moyens invoqués et aux demandes présentées par les parties ».

Cette limitation de la base factuelle de l’examen opéré par l’Office n’exclut pas que celui-ci prenne en considération, outre les faits avancés explicitement par les parties à la procédure d’opposition, des faits notoires, c’est-à-dire des faits qui sont susceptibles d’être connus par toute personne ou qui peuvent être connus par des sources généralement accessibles.

(cf. points 96, 193)