Language of document : ECLI:EU:C:2013:237

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. PEDRO Cruz VillalÓn

présentées le 11 avril 2013 (1)

Affaire C‑221/11

Leyla Ecem Demirkan

contre

Bundesrepublik Deutschland

[demande de décision préjudicielle
introduite par l’Oberverwaltungsgericht Berlin-Brandenburg (Allemagne)]

«Accord d’association CEE-Turquie – Article 41, paragraphe 1, du protocole additionnel – Clause de ‘standstill’ – Libre prestation des services – Libre prestation de services passive – Entrée sans visa de ressortissants turcs – Extension de la libre prestation de services passive à la visite de membres de la famille»





1.        L’article 41, paragraphe 1, du protocole additionnel de 1970 à l’accord de 1963 créant une association entre la Communauté économique européenne et la Turquie (ci-après le «protocole additionnel») protège-t-il également les destinataires de services? Telle est, à mon sens, la question qui se trouve au cœur de la présente affaire préjudicielle.

2.        Cette problématique résulte de la rencontre de deux courants de la jurisprudence de la Cour. Le premier concerne l’article 41, paragraphe 1, du protocole additionnel (ce que l’on appelle la «clause de ‘standstill’»). Cette disposition interdit aux Parties contractantes d’introduire de nouvelles restrictions à la liberté d’établissement et à la libre prestation des services. La Cour a précisé dans son arrêt Soysal et Savatli que l’instauration d’une obligation de visa par les États membres pour l’entrée de prestataires de services turcs peut, dans certaines conditions, être contraire à la clause de «standstill» (2). Les restrictions à la libre prestation des services que la Cour a dû contrôler jusqu’ici dans le cadre de la clause de «standstill» ont toujours concerné l’activité de prestataires de services.

3.        Le second courant jurisprudentiel concerne la libre prestation des services protégée par l’article 56 TFUE. Celle-ci, en vertu d’une jurisprudence constante de la Cour depuis l’arrêt Luisi et Carbone (3), confère des droits également au destinataire de services (c’est ce que l’on appelle la «libre prestation de services passive»).

4.        La présente affaire donne à la Cour l’occasion de préciser si la libre prestation de services passive intégrée dans l’article 56 TFUE est également protégée par l’article 41, paragraphe 1, du protocole additionnel.

5.        La demande de décision préjudicielle a été présentée dans le cadre d’un litige entre Mlle Demirkan, une ressortissante turque, et la République fédérale d’Allemagne. Dans ce litige, Mlle Demirkan demande qu’il soit constaté son droit de voyager sans visa en Allemagne afin d’y rendre visite à son beau-père allemand et conclut subsidiairement à ce que lui soit délivré un visa de visite.

I –    Cadre juridique

A –    Droit international public

6.        La République fédérale d’Allemagne et la République de Turquie sont, depuis 1958 pour l’une et depuis 1961 pour l’autre, parties à l’accord européen sur le régime de la circulation des personnes entre les pays membres du Conseil de l’Europe. En vertu de cet accord, les ressortissants des Parties contractantes, quel que soit le pays de leur résidence, peuvent entrer sur le territoire des autres parties et en sortir par toutes les frontières sous le couvert de l’un des documents énumérés à l’annexe audit accord, pour y effectuer des séjours d’une durée maximale de trois mois (voir article 1er, paragraphes 1 et 2, dudit accord). Le visa ne figure pas parmi les documents énumérés dans l’annexe à cet accord.

7.        L’article 7 de cet accord autorise les Parties contractantes notamment à en suspendre temporairement l’application à l’égard de certaines autres parties pour des raisons relatives à l’ordre public, à la sécurité ou à la santé publique. Cette mesure doit être immédiatement notifiée au secrétaire général du Conseil de l’Europe. En 1980, la République fédérale d’Allemagne a indiqué, en application de l’article 7 dudit accord, qu’elle instaurait une obligation générale de visa pour les ressortissants turcs à compter du 5 octobre 1980.

B –    Droit de l’Union

1.      Accord d’association CEE-Turquie (4)

8.        La République de Turquie, d’une part, et la Communauté économique européenne et ses États membres, d’autre part, ont signé le 12 septembre 1963 à Ankara l’accord créant une association entre la Communauté économique européenne et la Turquie (ci-après «l’accord»). Du côté de la Communauté économique européenne, l’accord a été conclu, approuvé et confirmé par la décision 64/732/CEE du Conseil, du 23 décembre 1963 (5).

9.        L’accord vise, aux termes de son article 2, à renforcer les relations commerciales et économiques entre les parties, en tenant pleinement compte de la nécessité «d’assurer le développement accéléré de l’économie de la Turquie et le relèvement du niveau de l’emploi et des conditions de vie du peuple turc». Le préambule de l’accord confirme cet objectif, au nom également de «l’amélioration constante des conditions de vie en Turquie et dans la Communauté économique européenne» et de la réduction de l’écart entre l’économie de la République de Turquie et celle des États membres de la Communauté. L’accord affirme à cet égard la nécessité d’apporter temporairement une aide économique à la République de Turquie afin de «[faciliter] ultérieurement l’adhésion de la Turquie à la Communauté». L’article 28 de l’accord prévoit à cet égard que les Parties contractantes examineront la possibilité d’une adhésion de la République de Turquie «[l]orsque le fonctionnement de l’accord aura permis d’envisager l’acceptation intégrale de la part de la Turquie des obligations découlant du traité instituant la Communauté».

10.      Pour réaliser les objectifs de l’accord, une union douanière doit être établie en trois phases. Au cours de la phase préparatoire, la République de Turquie renforce son économie avec l’aide de la Communauté (article 3 de l’accord). Au cours de la phase transitoire, une union douanière est mise en place progressivement et les politiques économiques sont rapprochées (article 4 de l’accord). Enfin, la phase définitive est fondée sur l’union douanière et implique le renforcement de la coordination des politiques économiques des Parties contractantes (article 5 de l’accord).

11.      L’application et le développement progressif du régime d’association sont assurés, aux termes de l’article 6 de l’accord, par un Conseil d’association au sein duquel les Parties contractantes se réunissent. Pour la réalisation des objets fixés par l’accord et dans les cas prévus par celui-ci, le Conseil d’association dispose d’un pouvoir de décision en vertu de l’article 22, paragraphe 1, de l’accord, chacune des deux parties devant prendre les mesures que comporte l’exécution des décisions ainsi prises. En particulier, selon l’article 8 de l’accord, il fixe, avant le début de la phase transitoire, les conditions, modalités et rythmes de mise en œuvre des dispositions propres aux domaines visés par le traité instituant la Communauté qui devront être pris en considération, notamment ceux visés au titre II de l’accord.

12.      Le titre II («mise en œuvre de la phase transitoire») de l’accord contient, outre l’article 8 susmentionné, des dispositions relatives à l’union douanière et à l’agriculture, ainsi que d’autres dispositions de caractère économique. En ce qui concerne la réalisation graduelle de la libre circulation des travailleurs ainsi que l’élimination des restrictions à la liberté d’établissement et à la libre prestation des services, les articles 12 à 14 de l’accord prévoient que les Parties contractantes s’inspirent des dispositions correspondantes du traité instituant la Communauté.

13.      Aux termes de l’article 14 de l’accord:

«Les Parties contractantes conviennent de s’inspirer des articles 55, 56 et 58 à 65 inclus du traité instituant la Communauté pour éliminer entre elles les restrictions à la libre prestation des services».

2.      Protocole additionnel

14.      Pour arrêter les dispositions concernant les conditions, modalités et rythmes de réalisation de la phase transitoire (article 1er du protocole additionnel), les Parties contractantes ont signé, le 23 novembre 1970, le protocole additionnel que la Communauté a conclu, approuvé et confirmé par le règlement (CEE) no 2760/72 du Conseil, du 19 décembre 1972 (6). Aux termes de son article 62, le protocole additionnel est partie intégrante de l’accord. Le protocole additionnel, en application de son article 63, paragraphe 2, est entré en vigueur le 1er janvier 1973 et lie depuis lors également la République fédérale d’Allemagne.

15.      Le chapitre II du titre II («circulation des personnes et des services») du protocole additionnel traite du droit d’établissement, des services et des transports. L’article 41 du protocole additionnel, contenu dans ledit chapitre II, dispose:

«1.       Les parties contractantes s’abstiennent d’introduire entre elles de nouvelles restrictions à la liberté d’établissement et à la libre prestation des services.

2.       Le Conseil d’association fixe, conformément aux principes énoncés aux articles 13 et 14 de l’accord d’association, le rythme et les modalités selon lesquels les parties contractantes suppriment entre elles progressivement les restrictions à la liberté d’établissement et à la libre prestation des services.

Le Conseil d’association fixe ce rythme et ces modalités pour les différentes catégories d’activités, en tenant compte des dispositions analogues déjà prises par la Communauté dans ces domaines, ainsi que de la situation particulière de la Turquie sur le plan économique et social. Une priorité sera accordée aux activités contribuant particulièrement au développement de la production et des échanges.»

16.      Certes, sur le fondement de l’article 41, paragraphe 2, du protocole additionnel, le Conseil d’association CE-Turquie a adopté la décision no 2/2000 (7) relative à l’ouverture de négociations visant à réaliser la libéralisation des services entre la Communauté et la Turquie en avril 2000. Cependant, le Conseil d’association n’a pas réalisé jusqu’ici de libéralisation substantielle dans ce domaine.

3.      Règlements (CE) no 539/2001 et (CE) no 562/2006

17.      Aux termes de l’article 5, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) no 562/2006 (8), pour un séjour n’excédant pas trois mois sur une période de six mois, les conditions d’entrée pour les ressortissants de pays tiers consistent notamment à être en possession d’un visa en cours de validité «si celui-ci est requis en vertu du règlement (CE) no 539/2001 du Conseil du 15 mars 2001 fixant la liste des pays tiers dont les ressortissants sont soumis à l’obligation de visa pour franchir les frontières extérieures des États membres et la liste de ceux dont les ressortissants sont exemptés de cette obligation, sauf s’ils sont titulaires d’un titre de séjour en cours de validité» (9).

18.      Le règlement (CE) no 539/2001 (10) dispose en son article 1er, paragraphe 1, que les ressortissants des pays tiers figurant sur la liste de l’annexe I doivent être munis d’un visa lors du franchissement des frontières extérieures des États membres. La République de Turquie figure sur la liste de cette annexe I.

C –    Droit national

19.      Il ressort de la demande de décision préjudicielle que, au moment de l’entrée en vigueur du protocole additionnel en Allemagne le 1er janvier 1973, en vertu de l’article 5, paragraphe 1, point 1, du règlement d’exécution de la loi relative aux étrangers, du 10 septembre 1965 (Verordnung zur Durchführung des Ausländergesetzes, ou «DVAuslG» (11)), dans sa version du 13 septembre 1972 (12), en combinaison avec son annexe (la «liste positive»), les ressortissants turcs n’étaient tenus d’obtenir, avant de pénétrer sur le territoire allemand, un permis de séjour sous la forme d’un visa que lorsqu’ils voulaient exercer une activité professionnelle en République fédérale d’Allemagne. Il n’y avait pas d’obligation de visa en cas de séjours de visite du type de celui que voudrait effectuer la requérante au principal.

20.      Le onzième règlement portant modification du règlement d’exécution de la loi relative aux étrangers (elfte Verordnung zur Änderung der DVAuslG) du 1er juillet 1980 (13) a instauré une obligation générale de visa pour les ressortissants turcs.

21.      Selon ce qu’expose la juridiction de renvoi, l’obligation de visa s’applique à la requérante au principal. L’exigence de visa applicable aux ressortissants turcs découle en principe des dispositions combinées de l’article 4, paragraphe 1, première phrase, de la loi allemande relative au séjour, au travail et à l’intégration des étrangers sur le territoire fédéral (Gesetz über den Aufenthalt, die Erwerbstätigkeit und die Integration von Ausländern im Bundesgebiet ou AufenthG) et de l’article 1er, paragraphe 1, ainsi que de l’annexe I du règlement no 539/2001.

II – Faits et litige au principal

22.      Mlle Demirkan, la requérante au principal (ci-après la «requérante»), est une ressortissante turque née en 1993. En 2007, elle a déposé avec sa mère une demande de visa Schengen auprès de l’ambassade d’Allemagne à Ankara, afin de pouvoir rendre visite à son beau-père, qui est allemand. L’ambassade a rejeté ces deux demandes de visa.

23.      La requérante et sa mère ont alors formé un recours contre la République fédérale d’Allemagne devant le Verwaltungsgericht Berlin (tribunal administratif de Berlin) aux fins de faire constater leur droit d’entrer sans visa en Allemagne et, subsidiairement, d’obliger la défenderesse à leur délivrer un visa de visite. Elles ont soutenu que leur droit d’entrer sans visa en Allemagne résultait de la clause de «standstill» de l’article 41, paragraphe 1, du protocole additionnel. Elles ont fait valoir que, en vertu de cette disposition, les destinataires de services de nationalité turque peuvent se prévaloir du droit applicable au moment de l’entrée en vigueur du protocole additionnel, en vertu duquel les ressortissants turcs désireux de séjourner en Allemagne pour une période maximale de trois mois et sans y exercer d’activité professionnelle sont exemptés de l’obligation de visa. Un visa ayant été accordé au cours du procès en première instance à la mère de la requérante au titre du regroupement familial avec son époux et les parties ayant alors toutes convenu que le litige était devenu sans objet sur ce point, la requérante a poursuivi seule sa demande.

24.      Par jugement du 22 octobre 2009, le Verwaltungsgericht Berlin a rejeté son recours. Il a estimé que la requérante ne pouvait valablement invoquer la clause de «standstill» dès lors que cette dernière n’a pas vocation à s’appliquer au séjour de visite qu’elle envisageait de faire. Le Verwaltungsgericht Berlin a jugé que, à cet égard, la question de savoir si la clause de «standstill» s’applique également aux restrictions à la libre prestation de services passive pouvait rester en suspens. Il a ajouté que, même si tel devait effectivement être le cas, l’entrée en Allemagne devait de toute façon se faire en vue de bénéficier d’une prestation de services. Selon lui, le fait que la requérante accède à des prestations de services à l’occasion d’un séjour de visite ne suffit pas à remplir cette condition. Il a enfin constaté également l’absence d’un droit de la requérante à obtenir un visa.

25.      La requérante a interjeté appel de ce jugement devant l’Oberverwaltungsgericht Berlin-Brandenburg (tribunal administratif supérieur de Berlin-Brandebourg), la juridiction de renvoi, et persiste dans ses conclusions.

III – Demande de décision préjudicielle et procédure devant la Cour

26.      Par décision du 13 avril 2011, l’Oberverwaltungsgericht Berlin‑Brandenburg a sursis à statuer et saisi la Cour des questions préjudicielles suivantes en vertu de l’article 267 TFUE:

«1)      La notion de libre prestation des services au sens de l’article 41, paragraphe 1, du protocole additionnel du 23 novembre 1970, annexé à l’accord créant une association entre la Communauté économique européenne et la Turquie (le ʻprotocole additionnel’) englobe-t-elle aussi la libre prestation de services passive?

2)      Dans l’affirmative, la protection de la libre prestation de services passive découlant de l’article 41, paragraphe 1, du protocole additionnel s’étend‑elle également aux ressortissants turcs qui, comme la demanderesse au principal, veulent entrer en République fédérale d’Allemagne non pas pour accéder à une prestation de services déterminée, mais pour rendre visite à des parents dans le cadre d’un séjour de trois mois au plus et qui invoquent la simple possibilité de bénéficier de services en Allemagne?»

27.      Outre Mlle Demirkan et le gouvernement allemand, le gouvernement tchèque, danois, estonien, français, néerlandais, slovaque et du Royaume-Uni, ainsi que le Conseil de l’Union européenne et la Commission européenne, ont présenté des observations écrites.

28.      Lors de l’audience du 6 novembre 2012, Mlle Demirkan et la République fédérale d’Allemagne se sont exprimées, ainsi que le Royaume de Danemark, la République hellénique, la République française, le Royaume des Pays-Bas, le Royaume-Uni de Grande‑Bretagne et d’Irlande du Nord, le Conseil et la Commission.

IV – Appréciation juridique

29.      La juridiction de renvoi demande, par sa première question, des éclaircissements sur le point de savoir si la clause de «standstill» du protocole additionnel englobe également la libre prestation de services passive. Si tel est le cas, un ressortissant turc pourrait, pour entrer sur le territoire allemand, se prévaloir du droit, plus favorable pour lui, qui était applicable au moment de l’entrée en vigueur du protocole additionnel, c’est-à-dire de l’exemption de visa en vigueur à cette date. Si la Cour répond par l’affirmative à cette première question, elle devra se prononcer sur la portée de la libre prestation de services passive dans le cadre de la seconde question.

30.      Selon moi, il convient de répondre à la première question en ce sens que la clause de «standstill» du protocole additionnel n’englobe pas la libre prestation de services passive. Dès lors, la seconde question préjudicielle ne se poserait plus. J’aborderai toutefois également la seconde question pour le cas où la Cour parviendrait à une conclusion différente.

A –    Première question préjudicielle

31.      Par sa première question préjudicielle, la juridiction de renvoi voudrait savoir si la notion de «libre prestation des services» de l’article 41, paragraphe 1, du protocole additionnel englobe aussi ce que l’on appelle la «libre prestation de services passive».

32.      La requérante plaide en faveur d’une telle interprétation extensive. Cependant, les États membres ayant présenté des observations, ainsi que la Commission et le Conseil, défendent la position inverse.

33.      Pour répondre à la question, il convient de s’arrêter un instant sur la jurisprudence de la Cour relative à la clause de «standstill», d’autant plus que certains États membres ont avancé des arguments qui tendent à ce que soient repensés certains aspects de cette jurisprudence. Ensuite, la notion de «libre prestation de services passive» mérite de plus amples éclaircissements. Enfin, nous interpréterons la clause de «standstill».

1.      Jurisprudence de la Cour sur la clause de «standstill»

34.      Selon une jurisprudence constante de la Cour, l’article 41, paragraphe 1, du protocole additionnel a un effet direct. Par conséquent, les droits que cette disposition confère aux ressortissants turcs auxquels elle s’applique peuvent être invoqués devant les juridictions nationales pour écarter l’application des règles de droit interne qui lui sont contraires. Cette applicabilité directe se justifie par le fait que la disposition en cause énonce, dans des termes clairs, précis et inconditionnels, une clause non équivoque de «standstill», qui se résout juridiquement en une obligation d’abstention souscrite par les Parties contractantes (14).

35.      Cependant, l’article 41, paragraphe 1, du protocole additionnel ne confère pas de droit substantiel d’entrée, de séjour ou de libre prestation de services (15). La disposition en cause interdit en revanche aux Parties contractantes de créer de nouveaux obstacles à l’exercice des libertés qu’elle mentionne, à savoir la liberté d’établissement et la libre prestation des services. Cela vaut également pour les dispositions concernant les conditions de fond et/ou de procédure en matière de première admission des ressortissants turcs sur le territoire de l’État membre concerné afin d’exercer lesdites libertés. La clause de «standstill» détermine donc en pratique les dispositions d’un État membre applicables ratione temporis pour apprécier la situation d’un ressortissant turc se proposant de faire usage des libertés mentionnées à l’article 41, paragraphe 1, du protocole additionnel (16).

36.      Dans l’affaire Soysal et Savatli, précitée, la Cour était appelée à appliquer les principes susmentionnés à l’obligation de visa instaurée en 1980 en Allemagne, qui concernait également l’entrée de ressortissants turcs en Allemagne pour y effectuer des prestations de services dans le domaine du transport international de marchandises par route pour le compte d’une entreprise établie en Turquie. La Cour a jugé qu’une telle obligation de visa constituait une nouvelle restriction à la libre prestation des services interdite par l’article 41, paragraphe 1, du protocole additionnel. Elle a dit pour droit qu’une obligation de visa mise à la charge des prestataires de services est de nature à gêner l’exercice effectif de la liberté de prestation des services «en raison notamment des charges administratives et financières supplémentaires et répétitives qu’implique l’obtention d’une telle autorisation dont la validité est limitée dans le temps. En outre, dans le cas où la demande de visa fait l’objet d’une décision de refus […], une réglementation de ce type empêche l’exercice de ladite liberté (17)».

37.      La Cour a considéré que cette conclusion ne pouvait être remise en cause par la circonstance que la réglementation en vigueur en Allemagne mettait en œuvre une disposition communautaire de droit dérivé. Cela découlait du fait que, selon la Cour, «la primauté des accords internationaux conclus par la Communauté sur les actes de droit communautaire dérivé commande d’interpréter ces derniers, dans la mesure du possible, en conformité avec lesdits accords (18)».

38.      Plusieurs des États membres ayant participé à la procédure et le Conseil ont présenté des arguments qui remettent en cause les motifs de l’arrêt Soysal et Savatli, précité.

39.      La République fédérale d’Allemagne, la République hellénique, le Royaume-Uni et le Conseil ne voient aucune entrave à la libre prestation des services dans l’obligation de visa. Ils font valoir que la délivrance d’un visa n’est qu’une procédure administrative destinée à assurer le contrôle aux frontières et qui ne rend pas nécessairement plus difficile l’entrée sur le territoire national, mais qui donne au contraire au voyageur, avant même qu’il parte en voyage, l’assurance qu’il remplit bien les conditions d’entrée fixées par le droit matériel. Selon eux, les coûts mis en avant par la Cour ne sont pas considérables, à tout le moins pour les particuliers comme dans la présente espèce, compte tenu de la possibilité d’établir un visa valable pour plusieurs entrées et de réduire les droits à percevoir pour les visas.

40.      Cette argumentation n’est pas convaincante. Les demandeurs de visa supportent des coûts et des charges administratives auxquels ne sont pas soumis les voyageurs exemptés de l’obligation de visa. De plus, un visa ne confère aucune sécurité juridique, dès lors que le fait d’être en possession d’un visa ne suffit pas à conférer un droit d’entrée (19). Une autre politique en matière de visas est certes concevable. Cela étant, il n’a pas été allégué que, en l’espèce, l’obligation de visa n’a pas entraîné d’entrave à l’entrée.

41.      Le Royaume des Pays-Bas et le Conseil en particulier considèrent que le fait d’autoriser les ressortissants turcs à entrer sans visa, en invoquant la clause de «standstill», sur le territoire d’un État membre, et donc dans l’espace Schengen, de manière contraire au règlement no 539/2001, est susceptible d’entrer en conflit non seulement avec le droit dérivé, mais aussi avec le droit primaire de l’Union. Ils font valoir que les conventions internationales ne priment pas sur ce dernier. Or, selon eux, une interprétation trop extensive de la clause de «standstill» met en péril les objectifs de la politique commune en matière de visas, pour laquelle l’Union européenne, conformément à l’article 77, paragraphe 2, sous a), TFUE, jouit d’une compétence exclusive, du moins une fois qu’elle a été exercée.

42.      Le Conseil estime que, si l’article 41, paragraphe 1, du protocole additionnel devait être appliqué également aux destinataires de services, cela ferait voler en éclats la politique commune en matière de visas. Selon lui, les destinataires de services de nationalité turque pourraient alors, en invoquant le droit national applicable au moment de l’entrée en vigueur du protocole additionnel, entrer sans visa non seulement en Allemagne, au Danemark, en Irlande et au Royaume-Uni, c’est-à-dire dans les États qui étaient déjà concernés par l’arrêt Soysal et Savatli, précité, mais aussi en Belgique, en Espagne, en France, en Italie, au Luxembourg, aux Pays-Bas et au Portugal. Dès lors, selon le Conseil, les destinataires de services de nationalité turque seraient exemptés de l’obligation de visa dans neuf États de l’espace Schengen, alors qu’ils resteraient soumis à l’obligation de visa dans quatre autres États de cet espace ainsi que dans quatorze États membres. Il en conclut que l’uniformité de l’espace Schengen serait alors gravement mise en péril.

43.      Malgré cette objection, je ne vois pas non plus ici de raison de proposer une modification de la jurisprudence de la Cour. Certes, en application de l’article 2, paragraphe 2, TFUE, il est interdit aux États membres de déterminer les États tiers dont les ressortissants ont besoin d’un visa pour entrer dans l’espace Schengen. À cet égard, en adoptant le règlement no 539/2001, l’Union a exercé la compétence partagée en vertu de l’article 4, paragraphe 2, sous j), TFUE, et de l’article 77, paragraphe 2, sous a), TFUE. L’obligation d’un État membre de permettre l’entrée sans visa dans le cadre de la clause de «standstill» ne contrevient cependant pas à cette répartition des compétences. Elle entre uniquement en conflit avec le règlement no 539/2001. La position du Royaume des Pays-Bas et du Conseil revient dans les faits à élever le règlement au rang de norme de droit primaire.

44.      La Commission a du reste commencé à agir pour adopter les modifications du droit secondaire rendues nécessaires par l’arrêt Soysal et Savatli, précité, en ce qui concerne les prestataires de services. En faisant expressément référence à cet arrêt, elle a proposé d’insérer un nouveau paragraphe 4 à l’article 4 du règlement no 539/2001, rédigé comme suit:

«Dans la mesure imposée par l’application de l’article 41, paragraphe 1, du protocole additionnel à l’accord d’association entre la Turquie et la Communauté européenne, un État membre peut prévoir des exceptions à l’obligation de visa imposée par l’article 1er, paragraphe 1, en ce qui concerne les ressortissants turcs effectuant des prestations de services pendant leur séjour.» (20)

45.      La République fédérale d’Allemagne a elle aussi, selon ses dires, procédé à une adaptation des dispositions pertinentes de son droit national et exonéré de l’obligation de visa les ressortissants turcs désireux d’entrer en Allemagne pour y fournir des services déterminés, dans la même mesure que lors de l’entrée en vigueur du protocole additionnel pour la République fédérale d’Allemagne.

46.      Comme le montre la présente affaire, l’arrêt Soysal et Savatli, précité, n’a cependant pas réglé tous les problèmes susceptibles de se poser relativement à la clause de «standstill». Au contraire, depuis cet arrêt, selon la juridiction de renvoi, la question de savoir si la libre prestation de services passive relève elle aussi de l’article 41, paragraphe 1, du protocole additionnel est controversée dans la jurisprudence et la doctrine nationales. De fait, ledit arrêt Soysal et Savatli ne dit rien sur ce point.

2.      La libre prestation de services passive

47.      La notion de libre prestation de services passive tire son origine de la subdivision, aujourd’hui classique, de la prestation transfrontalière de services en trois grandes catégories. Premièrement, le service lui-même peut traverser la frontière sans que son prestataire et son destinataire ne changent de lieu (cas du «service par correspondance»). Deuxièmement, le prestataire peut franchir la frontière pour fournir le service (libre prestation de services active) et, troisième cas de figure, le destinataire du service peut se rendre dans le pays du prestataire pour y bénéficier du service (libre prestation de services passive) (21). Les restrictions apportées aux deux premiers éléments de la libre prestation des services peuvent être supprimées de manière économiquement viable sans que cela oblige à supprimer du même coup les restrictions à la libre prestation de services passive (22).

48.      Si la libre prestation de services passive semble être, à première vue, le pendant de la libre prestation de services active (23), la protection de ces deux types de prestations transfrontalières de services fait apparaître des différences quantitatives et qualitatives. Il s’agit en effet de deux formes de prestations transfrontalières de services dont la portée respective ne se recoupe aucunement. La reconnaissance de la protection de l’une de ces deux formes ne donne donc pas de réponse automatique à des questions concernant la protection de l’autre forme.

49.      Du point du vue quantitatif, la libre prestation de services active empêche les restrictions au franchissement des frontières par le prestataire de services, c’est-à-dire par un groupe relativement bien défini. La libre prestation de services passive s’oppose en revanche aux entraves au franchissement des frontières par le destinataire de services. Elle intègre ainsi le groupe des consommateurs de services, auquel tout le monde appartient en puissance, dans la protection de la libre prestation des services.

50.      C’est précisément cette extension de la libre prestation des services aux consommateurs qui entraîne une différence qualitative entre ces deux aspects de la libre prestation des services. Le prestataire de services est intimement lié au service protégé. Il reçoit l’argent en l’échange duquel un service est fourni. Ses compétences limitent les services qu’il peut fournir. En revanche, tout un chacun consomme presque quotidiennement les services les plus divers, sans que l’un d’entre eux soit typique du consommateur en tant qu’opérateur économique. Par ailleurs, le service ne se présente pas, pour le consommateur, forcément comme une activité économique. En effet, selon la jurisprudence de la Cour, un service n’est pas nécessairement payé par celui qui en bénéficie (24). Compte tenu de la large protection dont jouissent ainsi les consommateurs lorsqu’ils veulent franchir une frontière, la libre prestation de services passive comporte un élément de protection qui, dans les faits, se distingue difficilement de la liberté de circulation (25).

51.      Certes, selon une jurisprudence constante, la notion de «libre prestation des services» de l’article 56 TFUE englobe également la libre prestation de services passive. L’arrêt fondateur de cette jurisprudence est l’arrêt Luisi et Carbone (26). Dans cet arrêt, la Cour a dit pour droit que la libre prestation de services passive constitue le «complément nécessaire» de la libre prestation de services active et répond à l’objectif de «libérer toute activité rémunérée et non couverte par la libre circulation des marchandises, des personnes et des capitaux (27)». Cela ne signifie pas pour autant que l’article 41, paragraphe 1, du protocole additionnel englobe automatiquement la libre prestation de services passive.

3.      La notion de «libre prestation des services» dans la clause de «standstill»

52.      La question de savoir si la libre prestation de services passive relève également de la notion de «libre prestation des services» de l’article 41, paragraphe 1, du protocole additionnel doit être réglée par l’interprétation de cette clause. Or, ni la jurisprudence relative à l’article 56 TFUE ni la jurisprudence relative à l’article 41, paragraphe 1, du protocole additionnel n’ont apporté d’éléments de réponse à cet égard.

53.      Le protocole additionnel étant une convention internationale, il convient, pour l’interpréter, de suivre la méthode de la convention de Vienne sur le droit des traités (28), dont les règles en matière d’interprétation des traités ont valeur de droit international coutumier (29). Aux termes de l’article 31, paragraphe 1, de la convention de Vienne, un traité «doit être appliqué de bonne foi suivant le sens ordinaire à attribuer aux termes du traité dans leur contexte et à la lumière de son objet et de son but». La Cour a appliqué à juste titre ce principe à l’interprétation de l’accord (30).

a)      La notion elle-même

54.      L’énoncé de l’article 41, paragraphe 1, du protocole additionnel apporte peu de choses pour l’interprétation de la notion de «libre prestation de services». Il semblerait toutefois que, dans la version allemande, cette notion soit formulée de manière à faire plutôt référence au prestataire [«Leistung» (prestation)] qu’au destinataire de services. Cela apparaît encore plus clairement dans les autres versions linguistiques que dans la version allemande (31). Cela correspond toutefois à l’emploi de la terminologie habituelle pour désigner la libre prestation des services de l’article 59 du traité instituant la Communauté économique européenne.

55.      Contrairement à ce qu’ont exposé certaines parties ayant participé à la procédure, il n’est pas possible de déterminer avec une certitude absolue comment les Parties contractantes ont compris la notion de «libre prestation des services» au moment de la conclusion du protocole additionnel. Certes, il semble clair qu’elles se sont référées à la terminologie de la libre prestation des services du traité instituant la Communauté économique européenne. Cependant, le contenu de cette terminologie était encore indéterminé à l’époque de la conclusion du protocole additionnel. En effet, l’extension de la libre prestation des services du droit communautaire à la libre prestation de services passive n’a été clarifiée, comme nous l’avons montré, qu’en 1984 avec l’arrêt Luisi et Carbone (32). Le droit communautaire avant cet arrêt contient autant d’éléments plaidant pour que d’éléments plaidant contre l’inclusion de la libre prestation de services passive dans la libre prestation des services.

56.      D’un côté, le programme général de 1961 pour la suppression des restrictions à la libre prestation des services contenait déjà de faibles indices selon lesquels la libre prestation de services passive devait être établie en tant que partie intégrante de la libre prestation des services (33). La référence à la libre prestation de services passive dans la directive 64/220/CEE, du 25 février 1964, pour la suppression des restrictions au déplacement et au séjour des ressortissants des États membres à l’intérieur de la Communauté en matière d’établissement et de prestation de services, est plus claire (34). En effet, la suppression des restrictions au déplacement et au séjour qu’elle vise s’étend, aux termes de son article 1er, paragraphe 1, sous b), expressément aux «ressortissants des États membres désireux de se rendre dans un autre État membre en qualité de destinataires d’une prestation de services».

57.      D’un autre côté, l’extension de la libre prestation des services à la libre prestation de services passive a été loin de faire l’unanimité. Encore en 1976, dans ses conclusions dans l’affaire Watson et Belmann, l’avocat général Trabucchi a expressément rejeté pareille interprétation extensive. Il a considéré qu’une telle interprétation n’était pas conforme au texte de l’article 59 du traité CEE et ne correspondait pas à l’économie même du traité, qui prévoit la liberté de circulation par référence à des catégories déterminées d’opérateurs économiques (35). Cette question a fait l’objet de vives controverses doctrinales (36). Pour éviter pareilles incertitudes, un droit d’entrée et de séjour a été expressément octroyé aux destinataires de services dans l’accord entre la Communauté européenne et ses États membres, d’une part, et la Confédération suisse, d’autre part, sur la libre circulation des personnes, entré en vigueur le 1er juin 2002 (37).

b)      Économie générale

58.      L’économie générale de l’article 41, paragraphe 1, du protocole additionnel fournit quelques indices pour l’interprétation de cette disposition. Il convient de relever à cet égard que l’article 41, paragraphe 2, du protocole additionnel, qui suit immédiatement la clause de «standstill», prévoit que le Conseil d’association fixe le rythme et les modalités selon lesquels les Parties contractantes suppriment progressivement les restrictions à la libre prestation des services. L’article 41 du protocole additionnel prévoit donc un programme normatif en deux parties. D’une part, la clause de «standstill» garantit que le droit positif applicable en matière de libre circulation des services lors de l’entrée en vigueur du protocole additionnel ne sera plus durci. D’autre part, les restrictions à la libre prestation des services qui subsistent en vertu de ce droit positif sont supprimées dans le cadre des activités du Conseil d’association. Jusqu’ici, ce dernier n’a cependant pris aucune mesure en ce sens. Par conséquent, la clause de «standstill» elle-même ne vise pas à supprimer les restrictions existantes, mais seulement à empêcher une détérioration des droits acquis.

59.      Deux autres particularités font clairement apparaître la portée limitée de la clause de «standstill». Premièrement, l’article 59 du protocole additionnel précise que, dans les domaines couverts par le protocole additionnel, «la Turquie ne peut bénéficier d’un traitement plus favorable que celui que les États membres s’accordent entre eux en vertu du traité instituant la Communauté». Deuxièmement, le protocole additionnel ne contient pas, pour la clause de «standstill», de dispositions correspondant aux articles 61 TFUE, 51 TFUE et 52 TFUE relatifs à la justification de restrictions de la libre prestation des services. Cela montre que les Parties contractantes n’ont pas considéré que le champ d’application matériel de la clause de «standstill» était excessivement large au point notamment de soustraire certains domaines sensibles à une réglementation nationale souple.

60.      Par ailleurs, l’article 14 de l’accord, dont le protocole additionnel fait partie intégrante conformément à l’article 62 de de ce dernier, dispose que les Parties contractantes s’inspirent des dispositions de droit primaire relatives à la libre prestation des services pour éliminer entre elles les restrictions à la libre prestation des services. L’emploi du terme «s’inspire» montre que la libre prestation des services du droit primaire doit servir de modèle. Toutefois, ce terme indique également que la libre prestation des services ne doit pas être intégralement transposée au contexte de l’accord (38). En effet, le terme «s’inspire» n’implique pas une reproduction à l’identique et autorise au contraire en principe des interprétations différentes.

61.      Dès lors, se pose la question de savoir si l’interprétation de la notion de libre prestation des services de l’article 56 TFUE qui avait cours habituellement depuis l’arrêt Luisi et Carbone, précité, a également vocation à s’appliquer à la clause de «standstill». Dans son arrêt Abatay e.a., la Cour a dit pour droit, en ce qui concerne la question de la transposition de l’interprétation de l’article 56 TFUE à la clause de «standstill», que «les principes admis […] dans le cadre des dispositions du traité relatives à la libre prestation des services, doivent être transposés, dans la mesure du possible, aux ressortissants turcs» (39). La Cour a mis au point dans une série d’arrêts les critères permettant de déterminer la possibilité de transposer les principes des traités de l’Union à un accord conclu avec un État tiers.

62.      Selon cette jurisprudence, le fait que les dispositions d’un accord conclu avec un État tiers et les dispositions correspondantes des traités de l’Union soient rédigées en des termes similaires, voire identiques, ne suffit pas, à lui seul, à autoriser la transposition à l’accord conclu avec l’État tiers de la jurisprudence relative aux dispositions des traités de l’Union. En réalité, cette transposabilité dépend des objectifs poursuivis par les traités en cause, conformément à l’article 31 de la convention de Vienne sur le droit des traités (40).

63.      Le fait qu’un accord conclu avec un État tiers vise à une intégration progressive de ce dernier en vue de son éventuelle adhésion à l’Union doit être pris en compte en tant que l’un des objectifs de cet accord (41). Comme il ressort de la jurisprudence de la Cour relative à l’accord européen conclu avec la République de Pologne (42), l’existence de cet objectif ne conduit aucunement à une transposition automatique de la jurisprudence relative aux traités de l’Union à l’accord conclu avec l’État tiers (43). L’arrêt Pabst & Richarz invoqué par la requérante au principal ne permet pas non plus de tirer une conclusion différente: certes, dans cet arrêt, la Cour a jugé qu’il convenait de transposer la jurisprudence relative au traité CEE à l’accord d’association entre la Communauté et la République hellénique. Cependant, elle est parvenue à cette conclusion au terme d’une analyse de la finalité du traité (44).

c)      Finalité des traités

64.      Ainsi, pour vérifier si la jurisprudence de la Cour relative à l’article 56 TFUE se prête à une application dans le cadre de la clause de «standstill» du protocole additionnel, il convient de comparer la finalité des traités de l’Union à celle de l’accord, dont le protocole additionnel fait partie intégrante conformément à l’article 62 de ce dernier.

65.      Examinons tout d’abord les objectifs de l’accord. Il s’agit en l’occurrence d’un accord d’association dans une perspective d’adhésion (45). L’avocat général Bot a constaté, dans l’affaire Ziebell (anciennement Örnek), que l’accord vise à renforcer les relations commerciales et économiques entre la République de Turquie et l’Union et qu’il a une finalité exclusivement économique (46). La Cour a suivi ses conclusions (47).

66.      Point tout aussi décisif, l’accord constitue en grande partie un programme de politique d’intégration, et non un traité complet et immédiatement applicable comme le montrent ses dispositions relatives à l’union douanière et aux libertés fondamentales (48). À cet égard, un rôle particulier revient au Conseil d’association. Ce dernier assure non seulement l’application, mais aussi le développement progressif du régime d’association (49), y compris en ce qui concerne la suppression des restrictions à la libre prestation des services (50). En pratique, l’activité du Conseil d’association fait apparaître un important déséquilibre. Ainsi, le développement du régime d’association par exemple dans le domaine de la libre circulation des marchandises est très avancé, avec la décision no 1/95, qui fixe les modalités de mise en œuvre de la phase finale de l’union douanière (article 1er) (51). En revanche, aucun progrès significatif n’a été enregistré dans le domaine de la libre prestation des services.

67.      Cette finalité et cette structure de l’accord se distinguent de celles des traités des Communautés ou de l’Union. Comme l’a jugé la Cour à plusieurs reprises, leur objectif est notamment de créer un marché intérieur, dont l’établissement implique l’élimination des obstacles à la libre circulation des marchandises, des personnes, des services et des capitaux entre les États membres, en fusionnant les marchés nationaux en un marché unique (52). Or, un véritable marché intérieur ne peut voir le jour que si le citoyen est reconnu et protégé également au-delà de l’activité économique. Dans ce cadre, le développement de la citoyenneté de l’Union et de la liberté de circulation qui lui est associée revêt une importance particulière (53). Le fait que le citoyen de l’Union a été placé au centre du droit de l’Union démontre ses objectifs, qui vont bien au-delà de l’aspect économique.

68.      Il s’agit maintenant de déterminer si l’extension de la libre prestation des services de l’article 56 TFUE à la libre prestation de services passive est la conséquence des objectifs que les traités de l’Union ont en commun avec l’accord ou si cette extension repose sur les objectifs plus étendus des traités de l’Union. Il résulte des développements que j’ai consacrés plus haut à la libre prestation de services passive que c’est dans le second cas que nous nous trouvons en l’espèce.

69.      L’extension de l’article 56 TFUE à la libre prestation de services passive a résulté de l’objectif consistant à combler toutes les lacunes dans la protection offerte par les libertés conférées par les traités (54). Cela a représenté une première étape dans l’établissement de la libre circulation des citoyens de l’Union. Par conséquent, la protection de la libre prestation de services passive repose sur l’objectif consistant à établir un véritable marché intérieur en supprimant tous les obstacles s’y opposant, c’est-à-dire qu’elle repose sur des objectifs qui distinguent les traités de l’Union de l’accord. La structure de ce dernier ainsi que l’économie générale exposée plus haut tendent à montrer que la clause de «standstill» ne peut avoir visé à réglementer de manière aussi étendue, et sans disposition expresse en ce sens, un domaine aussi sensible que celui de la libre circulation, ce qui serait le cas si la clause de «standstill» était étendue à la libre prestation de services passive.

70.      Compte tenu de la finalité des traités, la jurisprudence de la Cour en matière de libre prestation de services passive dans le cadre de l’article 56 TFUE n’est donc pas susceptible d’être appliquée à l’article 41, paragraphe 1, du protocole additionnel.

71.      La pratique des Parties contractantes (55) va elle aussi en ce sens. En effet, comme l’a exposé le Conseil, de nombreux États membres ont instauré une obligation de visa pour les séjours touristiques des ressortissants turcs après l’entrée en vigueur du protocole additionnel sans avoir considéré que l’article 41, paragraphe 1, de ce dernier y faisait obstacle. La République de Turquie elle‑même, selon les allégations non contestées de la République fédérale d’Allemagne, a procédé de la même façon à l’égard du Royaume de Belgique et du Royaume des Pays-Bas.

72.      Il convient par conséquent de répondre à la première question préjudicielle en ce sens que la libre prestation de services passive ne relève pas de la notion de libre prestation des services au sens de l’article 41, paragraphe 1, du protocole additionnel.

B –    Deuxième question préjudicielle

73.      Si la Cour suit ma proposition de réponse à la première question, la deuxième question devient sans objet. C’est donc dans l’hypothèse où elle parviendrait à une conclusion différente que je propose une réponse à la deuxième question.

74.      Par sa deuxième question préjudicielle, la juridiction de renvoi souhaite savoir si une ressortissante turque qui voudrait rendre visite à un membre de sa famille en Allemagne et qui, à cette occasion, a la possibilité d’y bénéficier de services, peut invoquer la libre prestation de services passive dans le cadre de l’article 41, paragraphe 1, du protocole additionnel. Le tribunal administratif allemand avait directement estimé que tel n’était pas le cas sans aborder la problématique de la première question préjudicielle et avait rejeté le recours de la requérante. Celle-ci estime que, au contraire, il conviendrait d’y répondre par l’affirmative. Toutes les autres parties ayant participé à la procédure préjudicielle et ayant présenté des observations sur cette question proposent de refuser à une telle personne le droit de se prévaloir de la libre prestation de services passive. Elles estiment que le but déclaré du voyage – selon la Commission, le but principal du voyage – doit être de bénéficier d’un service précis, déjà déterminé avant l’entrée dans le pays. Elles font valoir que, en revanche, la simple possibilité de recourir à certains services ne suffit pas. Certaines parties ont exigé en plus une certaine importance économique du service ou ont exposé que la libre prestation de services passive ne peut être concernée que dans la mesure où les dispositions relatives à la libre circulation des marchandises et des capitaux et à la libre circulation des personnes ne seraient pas applicables.

75.      La libre prestation de services passive protège le destinataire d’un service qui se rend dans le pays du prestataire (56). La notion de services est la même pour la libre prestation de services active et la libre prestation de services passive (57) et se détermine en fonction de l’article 57 TFUE (58). Or, aux termes de cette disposition, sont considérées comme services les prestations fournies normalement contre rémunération, dans la mesure où elles ne sont pas régies par les dispositions relatives à la libre circulation des marchandises, des capitaux et des personnes. Conformément à cette définition large de la notion de services, la jurisprudence a appliqué la libre prestation de services passive dans des secteurs aussi variés que le tourisme (59), les prestations médicales (60), les cours financés par des fonds privés (61) et le crédit-bail (62). Par ailleurs, dans le domaine de protection de la libre prestation des services, on ne distingue pas entre les services importants et les services minimes pour autant que les services en cause soient des travaux réels et non pas de nature telle qu’ils se présentent comme purement marginaux et accessoires (63).

76.      Si l’on applique cette définition de la notion de service aux faits formant la base de la deuxième question préjudicielle, force est de constater que Mlle Demirkan n’invoque aucun service dont elle serait destinataire, mais se contente de déclarer qu’il est possible qu’elle bénéficie de services en Allemagne même si elle s’y déplace pour rendre visite à des membres de sa famille.

77.      Certes, les services obtenus, dès lors qu’ils ne sont pas de nature telle qu’ils se présentent comme purement marginaux et accessoires, relèvent de la protection de la libre prestation de services passive (64). Peu importe d’ailleurs à cet égard que ces services soient obtenus à l’occasion d’une visite familiale ou non. Cependant, si aucun service n’est en cause ou si les services obtenus ont une importance purement marginale, la libre prestation de services passive n’entre pas en jeu.

78.      Dès lors, c’est nécessairement le but du voyage qui s’impose comme le critère permettant de faire la distinction entre les voyages transfrontaliers couverts par la libre prestation de services passive et ceux qui ne le sont pas. Si le but du voyage inclut également, à tout le moins, la recherche de certains services, la libre prestation de services passive a alors vocation à s’appliquer (65). Peu importe à cet égard si le voyage en cause est également l’occasion pour l’intéressé de rendre visite à un membre de sa famille. Si, en revanche, le service est accessoire au point que la visite de famille apparaît comme le seul but significatif du voyage, la libre prestation de services passive ne s’applique pas. Le cas échéant, il appartient aux juridictions nationales de vérifier ce point.

79.      Il résulte du critère de la finalité que le seul fait de faire valoir l’obtention hypothétique de services non précisés ne suffit pas à bénéficier de la protection offerte par la libre prestation de services passive.

V –    Conclusion

80.      Par ces motifs, je propose à la Cour de répondre comme suit aux questions préjudicielles posées par l’Oberverwaltungsgericht Berlin-Brandenburg:

La notion de libre prestation des services au sens de l’article 41, paragraphe 1, du protocole additionnel du 23 novembre 1970, annexé à l’accord créant une association entre la Communauté économique européenne et la Turquie, n’englobe pas la libre prestation de services passive.

81.      Subsidiairement, dans l’hypothèse où la Cour estimerait que la notion de libre prestation des services au sens de l’article 41, paragraphe 1, du protocole additionnel englobe la libre prestation de services passive:

La protection de la libre prestation de services passive résultant de l’article 41, paragraphe 1, du protocole additionnel du 23 novembre 1970, annexé à l’accord créant une association entre la Communauté économique européenne et la Turquie, ne s’étend pas aux ressortissants turcs qui ont l’intention de séjourner trois mois au plus dans un État membre pour y rendre visite à des membres de leur famille et qui invoquent la simple possibilité d’y bénéficier de prestations de services.


1 – Langue originale: l’allemand.


2 –      Arrêt du 19 février 2009 (C‑228/06, Rec. p. I‑1031).


3 –      Arrêt du 31 janvier 1984 (286/82 et 26/83, Rec. p. 377, points 10 et 16); s’inscrivent également dans cette ligne jurisprudentielle notamment les arrêts du 2 février 1989, Cowan (186/87, Rec. p. 195, point 15); du 24 novembre 1998, Bickel et Franz (C‑274/96, Rec. p. I‑7637, point 15); du 19 janvier 1999, Calfa (C‑348/96, Rec. p. I‑11, point 16); du 26 octobre 1999, Eurowings Luftverkehr (C‑294/97, Rec. p. I‑7447, point 34); du 6 novembre 2003, Gambelli e.a. (C‑243/01, Rec. p. I‑13031, point 55); du 17 novembre 2009, Presidente del Consiglio dei Ministri (C‑169/08, Rec. p. I‑10821, point 25); du 20 mai 2010, Zanotti (C-56/09, Rec. p. I‑4517, point 26), et du 27 janvier 2011, Commission/Luxembourg (C‑490/09, Rec. p. I‑247, point 35).


4 –      La classification de cet accord dans la catégorie du droit de l’Union est conforme aux usages. En effet, si les accords d’association sont des conventions internationales relevant du droit international public, elles font cependant, en vertu d’une jurisprudence constante de la Cour, partie intégrante du droit de l’Union: voir arrêts du 30 avril 1974, Haegeman (181/73, Rec. p. 449) concernant l’accord d’association avec la République hellénique, et du 30 septembre 1987, et Demirel (12/86, Rec. p. 3719, point 7) concernant l’accord d’association avec la République de Turquie.


5 –      JO 1964, 217, p. 3685.


6 –      JO L 293, p. 1.


7 –      Décision du Conseil d’association CE-Turquie du 11 avril 2000 sur l’ouverture de négociations visant à réaliser la libéralisation des services et l’ouverture réciproque des marchés publics entre la Communauté et la Turquie (JO L 138, p. 27).


8 –      Règlement du Parlement européen et du Conseil du 15 mars 2006 établissant un code communautaire relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen) (JO L 105, p. 1).


9 –      La note de bas de page figurant dans la disposition citée a été enlevée.


10 –      Règlement du Conseil du 15 mars 2001 fixant la liste des pays tiers dont les ressortissants sont soumis à l’obligation de visa pour franchir les frontières extérieures des États membres et la liste de ceux dont les ressortissants sont exemptés de cette obligation (JO L 81, p. 1). Ce règlement a été modifié à plusieurs reprises.


11 – BGBl. 1965 I, p. 1341.


12 – BGBl. 1972 I, p. 1743.


13 – BGBl. 1980 I, p. 782.


14 –      Arrêts du 11 mai 2000, Savas (C‑37/98, Rec. p. I‑2927, points 46 à 54); du 21 octobre 2003, Abatay e.a. (C‑317/01 et C‑369/01, Rec. p. I‑12301, points 58 et 59); du 20 septembre 2007, Tum et Dari (C‑16/05, Rec. p. I‑7415, point 46); Soysal et Savatli (précité à la note 2, point 45); du 21 juillet 2011, Oguz (C‑186/10, Rec. p. I‑6957, point 23), et du 15 novembre 2011, Dereci e.a. (C‑256/11, Rec. p. I‑11315, point 87).


15 –      Un tel droit ne résulte pas non plus de l’accord européen sur le régime de la circulation des personnes entre les pays membres du Conseil de l’Europe, eu égard à la déclaration allemande notifiée conformément à l’article 7 dudit accord.


16 –      Arrêts Savas (précité à la note 14, point 71); Abatay e.a. (précité à la note 14, points 62 à 67); Tum et Dari (précité à la note 14, points 47 à 55); Soysal et Savatli (précité à la note 14, points 47 à 49); du 17 septembre 2009, Sahin (C‑242/06, Rec. p. I‑8465, point 64); du 29 avril 2010, Commission/Pays-Bas (C‑92/07, Rec. p. I‑3683, point 47), et Dereci e.a. (précité note 14, points 89 à 94).


17 –      Arrêt Soysal et Savatli (précité à la note 2, points 55, 57 et 63). 


18 –      Arrêt Soysal et Savatli (précité à la note 2, point 59).


19 –      Voir, aujourd’hui, article 30 du règlement (CE) n° 810/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 13 juillet 2009, établissant un code communautaire des visas (code des visas) (JO L 243, p. 1).


20 –      COM(2011) 290 final, p. 9 et 19.


21 –      La notion de libre prestation de services «passive» est employée au moins depuis 1972. Voir, par exemple, Völker, S., Passive Dienstleistungsfreiheit im Europäischen Gemeinschaftsrecht, Duncker & Humblot, Berlin, 1990, p. 54 et suiv. Dans le cadre du droit de l’Organisation mondiale du commerce, l’article 1er, paragraphe 2, de l’AGCS définit quatre types de prestations transfrontalières de services. Ils correspondent aux trois catégories susmentionnées, auxquelles s’ajoute la fourniture d’un service «grâce à une présence commerciale», qui relève, dans le cadre européen, de la liberté d’établissement.


22 –      C’est ce que montre également l’AGCS, dans le cadre duquel les pays peuvent choisir les types de prestations de services qu’ils souhaitent libéraliser.


23 – Calliess, C., et Korte, S., Dienstleistungsrecht in der EU, C.H. Beck, Munich, 2011, p. 55 et 56.


24 –      Arrêt du 26 avril 1988, Bond van Adverteerders e.a. (352/85, Rec. p. 2085, point 16).


25 –      C’est ce que reconnaît la Cour dans les motifs de son arrêt Bickel et Franz, précité (point 15), lorsqu’elle constate que les ressortissants des États membres peuvent, en tant que destinataires de services, se rendre dans d’autres États membres et s’y déplacer librement avant d’enchaîner en faisant référence «[a]u demeurant» à la liberté de circulation des citoyens de l’Union.


26 –      Arrêt Luisi et Carbone (précité à la note 3). La Cour a confirmé plusieurs fois cet arrêt fondamental. Voir note 3.


27 –      Arrêt Luisi et Carbone (précité à la note 3, point 10).


28 –      Recueil des traités des Nations unies, vol. 1155, p. 331.


29 –      En ce qui concerne ledit article 31, voir, notamment, arrêt de la Cour internationale de justice du 3 février 1994, Différend territorial (Jamahiriya arabe libyenne/Tchad), CIJ Recueil 1994, p. 6 (point 41).


30 –      Arrêt du 2 mars 1999, Eddline El-Yassini (C-416/96, Rec. p. I‑1209, point 47); voir, également, point 43 des conclusions de l’avocat général Bot dans l’affaire Ziebell (anciennement Örnek) (arrêt du 8 décembre 2011, C‑371/08, Rec. p. I‑12735).


31 –      En français: «libre prestation des services»; en italien: «libera prestazione dei servizi», et en néerlandais: «het vrij verrichten van diensten».


32 –      Arrêt Luisi et Carbone (précité à la note 3, points 10 et 16).


33 –      JO 1962, 2, p. 32. Son titre III évoque une levée des restrictions «qu’elles atteignent le prestataire soit directement soit indirectement par le biais du destinataire ou par celui de la prestation».


34 –      JO 1964, 56, p. 845. Remplacée par la directive 73/148/CEE du Conseil, du 21 mai 1973, relative à la suppression des restrictions au déplacement et au séjour des ressortissants des États membres à l’intérieur de la Communauté en matière d’établissement et de prestation de services (JO L 172, p. 14).


35 –      Conclusions de l’avocat général Trabucchi dans l’affaire Watson et Belmann (arrêt du 7 juillet 1976, 118/75, Rec. p. 1185). Voir, également, dans la même ligne, conclusions de l’avocat général Capotorti dans l’affaire Kuyken (arrêt du 1er décembre 1977, 66/77, Rec. p. 2311).


36 – Völker S., Passive Dienstleistungsfreiheit im Europäischen Gemeinschaftsrecht, Duncker & Humblot, Berlin, p. 64 et suiv.


37 –      Voir article 5, paragraphe 3, dudit accord, signé le 21 juin 1999 et approuvé, au nom de la Communauté européenne, par la décision 2002/309/CE, Euratom, du Conseil et de la Commission concernant l’Accord de coopération scientifique et technologique du 4 avril 2002 relative à la conclusion de sept accords avec la Confédération suisse (JO L 114, p. 1).


38 –      Voir arrêt Demirel (précité à la note 4), fondamental pour la question de la portée programmatique de l’accord (relativement à son article 12, comparable à son article 14 sur ce point).


39 –      Arrêt Abatay e.a. (précité à la note 14, point 112) (c’est nous qui mettons en exergue). Voir, également, arrêt du 6 juin 1995, Bozkurt (C‑434/93, Rec. p. I‑1475, point 20).


40 –      Jurisprudence constante: voir arrêts du 9 février 1982, Polydor et RSO Records (270/80, Rec. p. 329, points 14 à 19); du 26 octobre 1982, Kupferberg (104/81, Rec. p. 3641, point 30); du 1er juillet 1993, Metalsa (C‑312/91, Rec. p. I‑3751, points 10 à 12); du 29 janvier 2002, Pokrzeptowicz-Meyer (C‑162/00, Rec. p. I‑1049, points 32 et 33); du 12 novembre 2009, Grimme (C‑351/08, Rec. p. I‑10777, points 27 et 29); du 11 février 2010, Fokus Invest (C‑541/08, Rec. p. I‑1025, points 28 et 29), et du 15 juillet 2010, Hengartner et Gasser (C‑70/09, Rec. p. I‑7233, points 41 et 42).


41 –      Arrêts du 29 avril 1982, Pabst & Richarz (17/81, Rec. p. 1331, points 26 et 27) et du 27 septembre 2001, Gloszczuk (C‑63/99, Rec. p. I‑6369, points 49 à 52).


42 –      Accord européen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs États membres, d’une part, et la république de Pologne, d’autre part (JO 1993, L 348, p. 2).


43 –      Voir arrêt Gloszczuk (précité à la note 41, points 49 à 52) et, implicitement pour l’accord, arrêt Ziebell (anciennement Örnek), précité (points 58 à 74).


44 –      Arrêt Pabst & Richarz (précité à la note 41, points 26 et 27). Voir également arrêt du 16 juillet 1992, Legros e.a. (C‑163/90, Rec. p. I‑4625, points 23 à 27).


45 – Schmalenbach, K., «Art. 217», EUV/AEUV, C.H. Beck, Munich, 4e éd., Calliess C., et Ruffert, M., 2011, nos 35 et 36.


46 –      Points 44 à 46 des conclusions de l’avocat général Bot dans l’affaire Ziebell (anciennement Örnek) (précitée à la note 43).


47 –      Arrêt Ziebell (anciennement Örnek) (précité à la note 43, points 64 à 72).


48 – Can, H., Das Assoziationsverhältnis zwischen der Europäischen Gemeinschaft und der Türkei, Peter Lang, Francfort-sur-le-Main, 2002, p. 54; voir aussi, pour une vue d’ensemble des différents domaines, Lenski, E., «Turkey and the EU: On the Road to Nowhere?», ZaöRV 63 (2003), pp. 77 à 102.


49 –      Article 6 de l’accord.


50 –      Article 41, paragraphe 2, du protocole additionnel.


51 –      Décision n° 1/95 du Conseil d’association CE-Turquie, du 22 décembre 1995, relative à la mise en place de la phase définitive de l’union douanière (JO 1996, L 35, p. 1).


52 –      Arrêts du 5 mai 1982, Schul Douane Expediteur (15/81, Rec. p. 1409, point 33); du 25 février 1988, Drexl (299/86, Rec. p. 1213, point 24); Metalsa (précité à la note 40, point 15), et Gloszczuk (précité à la note 41, point 50).


53 –      Articles 20 TFUE et 21 TFUE.


54 –      C’est ce que montre également le caractère atypique des grands arrêts relatifs à la libre prestation de services passive. Ainsi, dans l’affaire Luisi et Carbone, le litige portait sur des amendes infligées en raison de l’acquisition de devises étrangères (voir arrêt Luisi et Carbone, précité à la note 3), tandis que M. Cowan invoquait, en qualité de touriste, le principe de non‑discrimination énoncé à l’article 7 du traité CEE (voir arrêt Cowan, précité à la note 3).


55 –      Article 31, paragraphe 3, sous b), de la convention de Vienne sur le droit des traités.


56 – Lenaerts, K., et Van Nuffel, P., European Union Law, Sweet & Maxwell, Londres, 3e éd., 2011, p. 273.


57 –      Voir Calliess, C., et Korte, S., Dienstleistungsrecht in der EU, C.H. Beck, Munich, 2011, p. 55 et 56, qui en parlent comme étant un «pendant» de la libre prestation de services active.


58 – Arrêt Eurowings Luftverkehr (précité à la note 3, points 33 et 34).


59 –      Arrêts Luisi et Carbone (précité à la note 3, point 16) et Cowan (précité à la note 3, point 15).


60 –      Arrêts Luisi et Carbone (précité à la note 3, point 16) et Commission/Luxembourg (précité à la note 3, points 34 et 35).


61 –      Arrêts Luisi et Carbone (précité note 3, point 16) et Zanotti (précité à la note 3, points 26 à 35).


62 –      Arrêt Eurowings Luftverkehr (précité à la note 3, point 34).


63 –      Arrêt du 5 octobre 1988, Steymann (196/87, Rec. p. 6159, point 13).


64 –      Voir point 75 des présentes conclusions.


65 –      En ce qui concerne la finalité en tant que l’un des éléments de la libre prestation de services passive au regard du droit de séjourner à l’étranger, voir Völker, S., Passive Dienstleistungsfreiheit im Europäischen Gemeinschaftsrecht, Duncker & Humblot, Berlin, 1990, p. 168 et suiv. Sur les difficultés pratiques considérables de mise en œuvre d’un tel critère, voir Tomuschat, C., «Le principe de proportionnalité: Quis iudicabit?», Cahiers de droit européen, 1977, p. 97 à 102.