Language of document : ECLI:EU:C:2011:698

ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)

27 octobre 2011 (*)

«Pourvoi – Aides d’État – Articles 87 CE et 88, paragraphes 2 et 3, CE – Règlement (CE) n° 659/1999 – Décision de ne pas soulever d’objections – Recours en annulation – Conditions de recevabilité – Moyens d’annulation invocables – Notion de ‘partie intéressée’ – Motivation des arrêts – Charge de la preuve – Mesures d’organisation de la procédure devant le Tribunal – Articles 64 et 81 du règlement de procédure du Tribunal»

Dans l’affaire C‑47/10 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 27 janvier 2010,

République d’Autriche, représentée par M. E. Riedl, en qualité d’agent, assisté de Mes M. Núñez Müller et J. Dammann, Rechtsanwälte,

partie requérante,

les autres parties à la procédure étant:

Scheucher-Fleisch GmbH, établie à Ungerdorf (Autriche),

Tauernfleisch Vertriebs GmbH, établie à Flattach (Autriche),

Wech-Kärntner Truthahnverarbeitung GmbH, établie à Glanegg (Autriche),

Wech-Geflügel GmbH, établie à Sankt Andrä (Autriche),

Johann Zsifkovics, demeurant à Vienne (Autriche),

représentés par Mes J. Hofer et T. Humer, Rechtsanwälte,

parties demanderesses en première instance,

Commission européenne, représentée par M. V. Kreuschitz et Mme A. Stobiecka-Kuik, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse en première instance,

LA COUR (troisième chambre),

composée de M. K. Lenaerts, président de chambre, M. J. Malenovský, Mme R. Silva de Lapuerta (rapporteur), MM. G. Arestis et T. von Danwitz, juges,

avocat général: M. Y. Bot,

greffier: M. K. Malacek, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 14 avril 2011,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 9 juin 2011,

rend le présent

Arrêt

1        Par son pourvoi, la République d’Autriche demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de première instance des Communautés européennes du 18 novembre 2009, Scheucher-Fleisch e.a./Commission (T‑375/04, Rec. p. II‑4155, ci-après l’«arrêt attaqué»), par lequel celui-ci a annulé la décision C(2004) 2037 fin de la Commission, du 30 juin 2004, relative aux aides d’État NN 34A/2000 concernant les programmes de qualité et labels «AMA-Biozeichen» et «AMA-Gütesiegel» (ci-après la «décision litigieuse»), octroyées par la République d’Autriche au profit du secteur agroalimentaire.

 Le cadre juridique

2        Les premier à troisième et huitième considérants du règlement (CE) n° 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article [88] du traité CE (JO L 83, p. 1), énoncent:

«(1)      considérant que, sans préjudice des règles de procédure spéciales fixées par des règlements dans certains secteurs, le présent règlement devrait s’appliquer aux aides dans tous les secteurs; que, aux fins de l’application des articles [73] et [87] du traité, la Commission se voit conférer par l’article [88] du traité le pouvoir spécifique de se prononcer sur la compatibilité des aides d’État avec le marché commun lorsqu’elle examine les aides existantes, lorsqu’elle arrête des décisions concernant les aides nouvelles ou modifiées et lorsqu’elle prend des mesures en cas de non-respect de ses décisions ou de l’obligation de notification;

(2)      considérant que la Commission, en conformité avec la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes, a développé et établi une pratique constante dans l’application de l’article [88] du traité et a fixé certains principes et règles de procédure dans un certain nombre de communications; qu’il convient, afin d’assurer le bon fonctionnement et l’efficacité des procédures prévues à l’article [88] du traité, de codifier et d’étayer cette pratique au moyen d’un règlement;

(3)      considérant qu’un règlement de procédure relatif à l’application de l’article [88] du traité accroîtra la transparence et la sécurité juridique;

[...]

(8)      considérant que, dans tous les cas où la Commission, à l’issue de son examen préliminaire, ne peut conclure à la compatibilité d’une aide avec le marché commun, la procédure formelle d’examen doit être ouverte, afin de permettre à la Commission de recueillir toutes les informations dont elle a besoin pour évaluer la compatibilité de l’aide, et aux parties intéressées de présenter leurs observations; que la procédure formelle d’examen prévue à l’article [88, paragraphe 2,] du traité offre le meilleur moyen de garantir les droits des parties intéressées».

3        L’article 1er du règlement n° 659/1999 énonce:

«Aux fins du présent règlement, on entend par:

[...]

h)      ‘parties intéressées’: tout État membre et toute personne, entreprise ou association d’entreprises dont les intérêts pourraient être affectés par l’octroi d’une aide, en particulier le bénéficiaire de celle-ci, les entreprises concurrentes et les associations professionnelles.»

4        Sous le chapitre II de ce règlement, intitulé «Procédure concernant les aides notifiées», l’article 4 de celui-ci, intitulé «Examen préliminaire de la notification et décisions de la Commission», dispose:

«1.      La Commission procède à l’examen de la notification dès sa réception. Sans préjudice de l’article 8, elle prend une décision en application des paragraphes 2, 3 ou 4.

2.      Si la Commission constate, après un examen préliminaire, que la mesure notifiée ne constitue pas une aide, elle le fait savoir par voie de décision.

3.      Si la Commission constate, après un examen préliminaire, que la mesure notifiée, pour autant qu’elle entre dans le champ de l’article [87, paragraphe 1, CE], ne suscite pas de doutes quant à sa compatibilité avec le marché commun, elle décide que cette mesure est compatible avec le marché commun [...]. Cette décision précise quelle dérogation prévue par le traité a été appliquée.

4.      Si la Commission constate, après un examen préliminaire, que la mesure notifiée suscite des doutes quant à sa compatibilité avec le marché commun, elle décide d’ouvrir la procédure prévue à l’article [88, paragraphe 2, CE] [...].

5.      Les décisions visées aux paragraphes 2, 3 et 4 sont prises dans un délai de deux mois. Celui-ci court à compter du jour suivant celui de la réception d’une notification complète. La notification est considérée comme complète si, dans les deux mois de sa réception ou de la réception de toute information additionnelle réclamée, la Commission ne réclame pas d’autres informations. Le délai peut être prorogé par accord mutuel entre la Commission et l’État membre concerné. Le cas échéant, la Commission peut fixer des délais plus courts.

6.      Lorsque la Commission n’a pas pris de décision en application des paragraphes 2, 3 ou 4 dans le délai prévu au paragraphe 5, l’aide est réputée avoir été autorisée par la Commission. L’État membre concerné peut alors mettre à exécution les mesures en cause après en avoir avisé préalablement la Commission, sauf si celle-ci prend une décision en application du présent article dans un délai de quinze jours ouvrables suivant la réception de cet avis.»

5        Sous le même chapitre II, l’article 6 dudit règlement, intitulé «Procédure formelle d’examen», prévoit, à son paragraphe 1:

«La décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen récapitule les éléments pertinents de fait et de droit, inclut une évaluation préliminaire, par la Commission, de la mesure proposée visant à déterminer si elle présente le caractère d’une aide, et expose les raisons qui incitent à douter de sa compatibilité avec le marché commun. La décision invite l’État membre concerné et les autres parties intéressées à présenter leurs observations dans un délai déterminé, qui ne dépasse normalement pas un mois. Dans certains cas dûment justifiés, la Commission peut proroger ce délai.»

6        Sous le chapitre III, intitulé «Procédure en matière d’aides illégales», l’article 13 du règlement n° 659/1999 dispose, sous le titre «Décisions de la Commission»:

«1.      L’examen d’une éventuelle aide illégale débouche sur l’adoption d’une décision au titre de l’article 4, paragraphes 2, 3 ou 4. Dans le cas d’une décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen, la procédure est clôturée par voie de décision au titre de l’article 7. Au cas où un État membre omet de se conformer à une injonction de fournir des informations, cette décision est prise sur la base des renseignements disponibles.

2.      Dans le cas d’une éventuelle aide illégale et sans préjudice de l’article 11, paragraphe 2, la Commission n’est pas liée par le délai fixé à l’article 4, paragraphe 5, à l’article 7, paragraphe 6, et à l’article 7, paragraphe 7.

3.      L’article 9 s’applique mutatis mutandis.»

7        Sous le chapitre VI, intitulé «Parties intéressées», l’article 20 de ce règlement énonce, sous le titre «Droits des parties intéressées»:

«1.      Toute partie intéressée peut présenter des observations conformément à l’article 6 suite à une décision de la Commission d’ouvrir la procédure formelle d’examen. Toute partie intéressée qui a présenté de telles observations et tout bénéficiaire d’une aide individuelle reçoivent une copie de la décision prise par la Commission conformément à l’article 7.

2.      Toute partie intéressée peut informer la Commission de toute aide illégale prétendue et de toute application prétendue abusive de l’aide. Lorsque la Commission estime, sur la base des informations dont elle dispose, qu’il n’y a pas de motifs suffisants pour se prononcer sur le cas, elle en informe la partie intéressée. Lorsque la Commission prend une décision sur un cas concernant la teneur des informations fournies, elle envoie une copie de cette décision à la partie intéressée.

3.      À sa demande, toute partie intéressée obtient une copie de toute décision prise dans le cadre de l’article 4, de l’article 7, de l’article 10, paragraphe 3, et de l’article 11.»

8        L’article 64 du règlement de procédure du Tribunal vise les mesures d’organisation de la procédure devant le Tribunal et l’article 81 du même règlement vise le contenu des arrêts du Tribunal.

 Les antécédents du litige

9        Les faits à l’origine du litige ont été exposés aux points 1 à 12 de l’arrêt attaqué. Aux fins du présent pourvoi, il convient de relever les antécédents suivants.

10      En 1992, la République d’Autriche a adopté la loi fédérale sur l’établissement de l’organisme régulateur du marché «Agrarmarkt Austria» (Bundesgesetz über die Errichtung der Marktordnungsstelle «Agrarmarkt Austria») (BGBl. 376/1992, ci-après l’«AMA-Gesetz 1992»).

11      Ladite loi institue une personne morale de droit public, dénommée «Agrarmarkt Austria» (ci-après l’«AMA»), qui a pour fonction de promouvoir le marketing agricole. Les activités opérationnelles de l’AMA incombent à Agrarmarkt Austria Marketing GmbH (ci-après l’«AMA Marketing»), filiale à 100 % de l’AMA. L’une de ces activités consiste à encourager la production, le traitement, la transformation et la commercialisation de produits agricoles en Autriche, par l’attribution, à certains produits agricoles, du label bio «AMA» et du label de qualité «AMA» (ci-après les «labels ‘AMA’»).

12      Afin de promouvoir son activité, l’AMA perçoit des contributions devant être versées, notamment, pour l’abattage de bœufs, de veaux, de porcs, d’agneaux, de moutons et de volailles.

13      Scheucher-Fleisch GmbH, Tauernfleisch Vertriebs GmbH, Wech-Kärntner Truthahnverarbeitung GmbH et Wech-Geflügel GmbH, ainsi que le commerçant, à titre individuel, M. Zsifkovics (ci-après, ensemble, «Scheucher-Fleisch e.a.»), sont des entreprises spécialisées dans l’abattage et la découpe d’animaux de boucherie et, de ce fait, sont assujetties au versement de contributions à l’AMA. Il en va de même de Grandits GmbH. Les produits desdites entreprises ne bénéficient cependant pas des labels «AMA».

14      À la suite de la réception des plaintes de Scheucher-Fleisch e.a. ainsi que de Grandits GmbH, la Commission a décidé, le 15 février 2000, d’inviter les autorités autrichiennes à lui soumettre des informations concernant les activités de marketing de l’AMA Marketing et de l’AMA. Au vu des réponses desdites autorités, la Commission a décidé d’ouvrir la procédure prévue à l’article 88, paragraphe 3, CE, et de qualifier les mesures en question d’«aides d’État non notifiées», ce dont elle a informé les autorités autrichiennes par lettre du 19 juin 2000. À la suite d’une demande de la République d’Autriche parvenue à la Commission le 8 mars 2003, celle-ci a décidé de diviser la procédure en deux, selon qu’il s’agissait de mesures antérieures ou postérieures au 26 septembre 2002. Comme cela ressort de la décision litigieuse, les mesures d’aide postérieures à cette date on été traitées comme des aides d’État notifiées. Ce sont ces aides notifiées qui font l’objet de la procédure ayant abouti à l’adoption de la décision litigieuse.

15      Par la décision litigieuse, la Commission a décidé de ne pas soulever d’objection contre les mesures prises par l’AMA ou l’AMA Marketing à partir du 26 septembre 2002, concernant des programmes de qualité et de labels «AMA», considérant qu’elles étaient des aides compatibles avec le droit de l’Union, au sens de l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE.

 La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

16      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 17 septembre 2004, Scheucher-Fleisch e.a. ainsi que Grandits GmbH ont introduit un recours en annulation de la décision litigieuse. Par ordonnance du président de la sixième chambre du Tribunal du 4 février 2009, le désistement de Grandits GmbH a été acté.

17      Le recours en annulation introduit par Scheucher-Fleisch e.a. s’appuyait, en substance, sur trois moyens, à savoir la violation des règles de procédure, la violation de l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE et la violation de la clause de suspension fixée à l’article 88, paragraphe 3, CE ainsi qu’à l’article 3 du règlement n° 659/1999.

18      Le premier moyen de Scheucher-Fleisch e.a. se subdivisait en quatre branches tirées, respectivement, de l’absence de notification à la Commission des aides en cause, de la violation des garanties procédurales prévues à l’article 88, paragraphe 2, CE, de la violation de l’obligation de motivation et de la violation du principe du délai raisonnable. Dans le cadre de la deuxième branche du premier moyen, Scheucher-Fleisch e.a. soutenaient que la Commission aurait dû ouvrir la procédure formelle d’examen, au titre de l’article 4, paragraphe 4, du règlement n° 659/1999, en raison des doutes existant quant à la compatibilité des mesures en cause avec le marché commun.

19      La Commission s’est opposée au recours en concluant à son irrecevabilité et, à titre subsidiaire, à son défaut de fondement.

20      Afin de qualifier l’irrecevabilité soulevée par la Commission, le Tribunal a analysé, en premier lieu, dans quelle mesure Scheucher-Fleisch e.a. étaient directement concernées par la décision litigieuse. À cet égard, le Tribunal a constaté, au point 37 de l’arrêt attaqué, que les labels «AMA» avaient été délivrés antérieurement à la décision litigieuse et que la sommation à payer adressée par l’AMA à Grandits GmbH concernait des contributions dues pour une période couvrant, au moins partiellement, celle de l’application des mesures visées par la décision litigieuse. Par conséquent, le Tribunal a conclu que la possibilité que les autorités autrichiennes aient décidé de ne pas accorder les aides en cause apparaissait comme étant purement théorique, et que Scheucher-Fleisch e.a. étaient donc directement concernées, au sens de l’article 230, quatrième alinéa, CE, par la décision litigieuse.

21      En second lieu, le Tribunal a vérifié si Scheucher-Fleisch e.a. étaient individuellement concernées par la décision litigieuse. À cet égard, il a considéré que, en raison des moyens invoqués, il y avait lieu d’analyser séparément leur qualité pour agir en vue d’obtenir le respect de leurs droits procéduraux, d’une part, et leur qualité pour agir aux fins de contester le bien-fondé de la décision litigieuse, d’autre part.

22      S’agissant de la qualité pour agir de Scheucher-Fleisch e.a. en vue d’obtenir le respect de leurs droits procéduraux, le Tribunal a constaté, au point 53 de l’arrêt attaqué, que les bénéficiaires des aides en cause n’étaient pas uniquement les détaillants, mais aussi l’ensemble des entreprises appartenant à la chaîne de production et de distribution spécifique aux labels «AMA». En l’espèce, le Tribunal a constaté que Scheucher-Fleisch e.a. étaient des entreprises d’abattage et de découpe d’animaux concurrentes de celles bénéficiant desdits labels et qu’elles opéraient également sur le même marché géographique. Le Tribunal en a déduit que Scheucher-Fleisch e.a. avaient la qualité pour agir dans la mesure où elles visaient à obtenir le respect de leurs droits procéduraux dérivés de l’article 88, paragraphe 2, CE et a déclaré recevable la deuxième branche du premier moyen de celles-ci.

23      En revanche, s’agissant de la qualité pour agir de Scheucher-Fleisch e.a. pour contester le bien-fondé de la décision litigieuse, le Tribunal a conclu, aux points 60 et 61 de l’arrêt attaqué, que celles-ci n’avaient pas démontré que leur position sur le marché pouvait être substantiellement affectée par les aides faisant l’objet de la décision litigieuse et a, partant, jugé irrecevables les première et quatrième branches du premier moyen ainsi que le troisième moyen.

24      Enfin, le Tribunal a également déclaré recevables, aux points 63 et 64 de l’arrêt attaqué, la troisième branche du premier moyen et le deuxième moyen, dans la seule mesure où ils visaient à obtenir le respect des droits procéduraux que Scheucher-Fleisch e.a. tiraient de l’article 88, paragraphe 2, CE. En effet, selon le Tribunal, d’une part, ces dernières soutenaient, par leur deuxième moyen, que les droits procéduraux qu’elles tiraient de cette disposition avaient été violés à l’occasion de l’adoption de la décision litigieuse. D’autre part, la troisième branche de leur premier moyen venait également à l’appui de la deuxième branche de ce moyen, dans la mesure où le défaut de motivation suffisante ne permettait ni aux intéressées de connaître les justifications de la conclusion de la Commission relative à l’absence de difficultés sérieuses, ni au juge d’exercer son contrôle.

25      Concernant le fond, le Tribunal a constaté, au point 84 de l’arrêt attaqué, que, au moment où la Commission a examiné la compatibilité des aides en cause avec le marché commun, les principales dispositions de l’article 21 a de l’AMA-Gesetz 1992 visaient uniquement les produits nationaux. De même, le Tribunal a constaté, au point 85 de l’arrêt attaqué, que la Commission était informée de cette question, dans la mesure où des négociations avaient eu lieu à ce sujet entre ladite institution et les autorités autrichiennes.

26      Au vu des constatations qui précèdent, le Tribunal a considéré, aux points 85 et 86 de son arrêt, que, même si les directives de l’AMA ne prévoyaient pas de condition d’origine des produits, il n’en demeurait pas moins que la limitation aux produits nationaux énoncée à l’article 21 a, point 1), de l’AMA-Gesetz 1992 suscitait des doutes quant à la compatibilité des aides en cause avec les lignes directrices communautaires applicables aux aides d’État à la publicité des produits relevant de l’annexe I du traité CE et de certains produits ne relevant pas de l’annexe I (JO 2001, C 252, p. 5), dans la mesure où ces dernières ne permettaient pas une telle limitation.

27      Par conséquent, le Tribunal a conclu, aux points 86 à 88 de l’arrêt attaqué, que l’appréciation de la compatibilité des aides en cause avec le marché commun soulevait des difficultés sérieuses qui auraient dû conduire la Commission, en application de l’article 4, paragraphe 4, du règlement n° 659/1999, à ouvrir la procédure visée à l’article 88, paragraphe 2, CE et que, partant, il y avait lieu d’annuler la décision litigieuse, sans qu’il fût besoin d’examiner la troisième branche du premier moyen et le deuxième moyen.

 La procédure devant la Cour et les conclusions des parties

28      Par son pourvoi, la République d’Autriche conclut à ce que la Cour:

–        annule l’arrêt attaqué dans son intégralité,

–        tranche le litige en rejetant la demande tendant à l’annulation de la décision litigieuse, soit comme irrecevable, soit comme non fondée, et

–        condamne Scheucher-Fleisch e.a. aux dépens tant du recours en annulation que du pourvoi.

29      La Commission se rallie aux conclusions de la République d’Autriche et conclut à ce que la Cour:

–        annule l’arrêt attaqué dans son intégralité,

–        statue définitivement sur le fond et rejette le recours en annulation comme irrecevable ou, à tout le moins, comme dépourvu de fondement, et

–        condamne Scheucher-Fleisch e.a. aux dépens afférents tant au pourvoi qu’au recours en annulation.

30      Scheucher-Fleisch e.a. maintiennent l’intégralité des moyens qu’elles développaient dans leurs conclusions déposées devant le Tribunal et concluent à ce que la Cour:

–        rejette le pourvoi dans son intégralité, et

–        condamne la République d’Autriche aux dépens.

 Sur le pourvoi principal

31      La République d’Autriche invoque cinq moyens à l’appui de son pourvoi, à savoir la violation de l’article 230, quatrième alinéa, CE, la violation de l’article 88, paragraphe 2, CE, la violation des règles régissant la charge de la preuve résultant des articles 88, paragraphe 2, CE et 230, quatrième alinéa, CE, la violation de l’article 81 du règlement de procédure du Tribunal, concernant la motivation des arrêts, et, enfin, la violation de l’article 64 de ce même règlement, concernant les mesures d’organisation de la procédure. La Commission soutient sans réserve le pourvoi et adhère à tous les moyens présentés par la République d’Autriche, en invoquant des moyens complémentaires.

32      Scheucher-Fleisch e.a. s’opposent à tous les moyens du pourvoi.

 Sur le premier moyen

33      Par son premier moyen, la République d’Autriche, soutenue par la Commission, invoque une prétendue violation par l’arrêt attaqué de l’article 230, quatrième alinéa, CE, au motif que Scheucher-Fleisch e.a. n’étaient ni directement ni individuellement concernées par la décision litigieuse, de sorte que le recours en annulation de celle-ci aurait dû être déclaré irrecevable.

34      Scheucher-Fleisch e.a. s’opposent à ce moyen du pourvoi en affirmant que c’est à bon droit que le Tribunal a déclaré leur recours en annulation recevable.

 Sur la première branche du premier moyen

–       Argumentation des parties

35      Par la première branche du premier moyen, la République d’Autriche considère, en premier lieu, en ce qui concerne la nécessité, pour les requérantes, d’être individuellement concernées par la décision litigieuse, que le fait d’être qualifié de «partie intéressée», au sens de l’article 1er, sous h), du règlement n° 659/1999, n’entraîne pas nécessairement l’existence, dans le chef du requérant, d’un intérêt pour agir, l’article 230, quatrième alinéa, CE exigeant, à cet égard, que le requérant soit affecté de manière substantielle par cette mesure. Selon cet État membre, l’arrêt attaqué recèle une contradiction sur ce point, dans la mesure où il reconnaît que Scheucher-Fleisch e.a. n’étaient pas substantiellement affectées par les aides faisant l’objet de la décision litigieuse, tout en déclarant recevables certains des moyens invoqués par ces entreprises, y compris des moyens liés au bien-fondé de cette décision.

36      Selon ledit État membre, étant donné que Scheucher-Fleisch e.a. invoquaient des moyens visant tant à sauvegarder les droits procéduraux qui leur auraient été conférés dans le cadre d’une procédure formelle d’examen des aides en cause qu’à contester le bien-fondé de la décision litigieuse, elles devaient, conformément à la jurisprudence de la Cour, démontrer une situation particulière face à ces aides, voire démontrer que l’octroi de celles-ci les affectait de manière substantielle. Cependant, une fois cette situation ou affectation exclue par le Tribunal, celui-ci devait déclarer irrecevable le recours dans son ensemble.

37      La Commission ajoute que la jurisprudence sur laquelle repose l’arrêt attaqué, à savoir les arrêts du 19 mai 1993, Cook/Commission (C‑198/91, Rec. p. I‑2487, point 23), et du 15 juin 1993, Matra/Commission (C‑225/91, Rec. p. I‑3203, point 17), est incompatible avec l’article 230, quatrième alinéa, CE. Elle relève, de plus, les éléments du droit de l’Union qui, selon elle, s’opposent à cette jurisprudence, notamment le rôle des intéressés dans le cadre de la procédure prévue à l’article 88, paragraphes 2 et 3, CE, l’économie des articles 230, 241 et 234, CE, qui supposerait un système complet de voies de recours, les limites à l’ouverture de la procédure formelle d’examen découlant de l’article 87 CE, ou encore les contradictions de cette jurisprudence, aggravées, selon la Commission, par l’interprétation erronée de ladite jurisprudence par l’arrêt attaqué.

38      En second lieu, en ce qui concerne l’obligation, pour Scheucher-Fleisch e.a., d’être directement concernées par la décision litigieuse, la République d’Autriche relève que cette décision ne signifiait pas nécessairement que l’AMA Marketing accorderait les demandes de mesures de promotion en cause et que ces dernières n’étaient accordées qu’en vertu d’une décision individuelle. Par conséquent, Scheucher-Fleisch e.a. n’étaient directement concernées ni par les mesures de portée générale qui composent l’AMA-Gesetz 1992, ni par la décision litigieuse. Par ailleurs, selon ledit État membre, Scheucher-Fleisch e.a. ont librement décidé de renoncer aux mesures en cause.

39      Scheucher-Fleisch e.a. s’opposent à la première branche du premier moyen du pourvoi.

–       Appréciation de la Cour

40      Ainsi que la Cour l’a relevé dans son arrêt du 24 mai 2011, Commission/Kronoply et Kronotex (C-83/09 P, non encore publié au Recueil), l’article 4 du règlement n° 659/1999 instaure une phase préliminaire d’examen des mesures d’aide notifiées qui a pour objet de permettre à la Commission de se former une première opinion sur la compatibilité avec le marché commun de l’aide en cause. À l’issue de cette phase, la Commission constate que cette mesure soit ne constitue pas une aide, soit entre dans le champ d’application de l’article 87, paragraphe 1, CE. Dans cette dernière hypothèse, ladite mesure peut ne pas susciter de doutes quant à sa compatibilité avec le marché commun ou, au contraire, en susciter (arrêt Commission/Kronoply et Kronotex, précité, point 43).

41      Si la Commission constate, après l’examen préliminaire, que la mesure notifiée, pour autant qu’elle entre dans le champ de l’article 87, paragraphe 1, CE, ne suscite pas de doutes quant à sa compatibilité avec le marché commun, elle adopte une décision de ne pas soulever d’objections au titre de l’article 4, paragraphe 3, du règlement n° 659/1999 (arrêt Commission/Kronoply et Kronotex, précité, point 44).

42      Lorsque la Commission adopte une telle décision, elle déclare non seulement la mesure compatible avec le marché commun, mais elle refuse également implicitement d’ouvrir la procédure formelle d’examen prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE et à l’article 6, paragraphe 1, du règlement n° 659/1999 (arrêt Commission/Kronoply et Kronotex, précité, point 45).

43      Or, la légalité d’une décision de ne pas soulever d’objections fondée sur l’article 4, paragraphe 3, du règlement n° 659/1999 dépend du point de savoir s’il existe des doutes quant à la compatibilité de l’aide avec le marché commun. Dès lors que de tels doutes doivent donner lieu à l’ouverture d’une procédure formelle d’examen à laquelle peuvent participer les parties intéressées visées à l’article 1er, sous h), du règlement n° 659/1999, il doit être considéré que toute partie intéressée au sens de cette dernière disposition est directement et individuellement concernée par une telle décision (arrêt Commission/Kronoply et Kronotex, précité, point 47).

44      En effet, les bénéficiaires des garanties de procédure prévues à l’article 88, paragraphe 2, CE et à l’article 6, paragraphe 1, du règlement n° 659/1999 ne peuvent en obtenir le respect que s’ils ont la possibilité de contester la décision de ne pas soulever d’objections devant le juge de l’Union et, par conséquent, la qualité particulière de «partie intéressée» au sens de l’article 1er, sous h), du règlement n° 659/1999, liée à l’objet spécifique du recours, suffit pour individualiser, selon l’article 230, quatrième alinéa, CE, le requérant qui conteste une décision de ne pas soulever d’objections (arrêt Commission/Kronoply et Kronotex, précité, points 47 et 48).

45      En l’espèce, d’une part, il ressort du point 10 de l’arrêt attaqué que, par leur recours, Scheucher-Fleisch e.a. cherchaient à obtenir l’annulation d’une décision de ne pas soulever d’objections au titre de l’article 4, paragraphe 3, du règlement n° 659/1999. D’autre part, au point 53 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a constaté, en substance, que ces requérantes devaient être considérées comme des parties intéressées au sens de l’article 1er, sous h), du règlement n° 659/1999.

46      Il s’ensuit que, contrairement à ce que soutiennent la République d’Autriche et la Commission, le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit en déclarant recevable le recours en annulation de la décision litigieuse.

47      Il est exact que, ainsi qu’il ressort des points 47 à 49, 60 et 61 de l’arrêt attaqué, outre le moyen visant à sauvegarder leurs droits procéduraux tirés de l’article 88, paragraphe 2, CE, Scheucher-Fleisch e.a. invoquaient également des moyens liés au bien-fondé de la décision litigieuse et que le Tribunal a constaté que ces parties n’avaient pas démontré que leur position sur le marché pouvait être substantiellement affectée par les aides faisant l’objet de la décision litigieuse.

48      Toutefois, il ressort du point 64 de l’arrêt attaqué que le Tribunal n’a examiné ces moyens qu’en vue de déterminer si les droits procéduraux que Scheucher-Fleisch e.a. tirent de l’article 88, paragraphe 2, CE avaient été violés. Dans ce but, le Tribunal a examiné les arguments de fond présentés par ces parties, afin de vérifier, en fait, si ces arguments étaient de nature à conforter le moyen expressément formé par Scheucher-Fleisch e.a. concernant l’existence de difficultés sérieuses justifiant l’ouverture de la procédure visée à cette disposition.

49      À cet égard, en dépit de ce que lesdits arguments de fond n’ont finalement pas été utilisés, comme cela ressort du point 88 de l’arrêt attaqué, il ne saurait être valablement soutenu que, ce faisant, le Tribunal a modifié l’objet du recours en annulation.

50      En effet, lorsqu’un requérant demande l’annulation d’une décision de ne pas soulever d’objections, il met en cause essentiellement le fait que la décision prise par la Commission à l’égard de l’aide en cause a été adoptée sans que cette institution ouvre la procédure formelle d’examen, violant ce faisant ses droits procéduraux. Afin qu’il soit fait droit à sa demande d’annulation, le requérant peut invoquer tout moyen de nature à démontrer que l’appréciation des informations et des éléments dont la Commission dispose, lors de la phase préliminaire d’examen de la mesure notifiée, aurait dû susciter des doutes quant à sa compatibilité avec le marché commun. L’utilisation de tels arguments ne saurait pour autant avoir pour conséquence de transformer l’objet du recours ni d’en modifier les conditions de recevabilité. Au contraire, l’existence de doutes sur cette compatibilité est précisément la preuve qui doit être apportée pour démontrer que la Commission était tenue d’ouvrir la procédure formelle d’examen visée à l’article 88, paragraphe 2, CE, ainsi qu’à l’article 6, paragraphe 1, du règlement n° 659/1999 (arrêt Commission/Kronoply et Kronotex, précité, point 59).

51      Par conséquent, la première branche du premier moyen du pourvoi doit être rejetée comme non fondée.

 Sur la seconde branche du premier moyen

–       Argumentation des parties

52      La République d’Autriche soutient que Scheucher-Fleisch e.a. n’étaient pas des parties intéressées au sens de l’article 88, paragraphe 2, CE et de l’article 1er, sous h), du règlement n° 659/1999. Selon cet État membre, Scheucher-Fleisch e.a. n’ont été que potentiellement et indirectement affectées par les aides en cause, ce qu’elles ont, par ailleurs, reconnu.

53      À cet égard, la Commission relève que Scheucher-Fleisch e.a. ont affirmé, dans leur requête, que seuls les détaillants bénéficiaient des activités de l’AMA, ce qui suppose, selon elle, qu’elles n’étaient pas directement affectées par la décision litigieuse, dans la mesure où les aides autorisées par celle-ci entraînaient non pas d’effets directs sur leur situation juridique, mais plutôt de simples répercussions économiques.

54      En outre, suivant la Commission, l’affirmation figurant dans l’arrêt attaqué selon laquelle les bénéficiaires des aides en cause sont l’ensemble des entreprises appartenant à la chaîne de production et de distribution spécifique aux labels «AMA» est inexacte, étant donné que les activités de l’AMA bénéficient également aux entreprises non labellisées, y compris donc à Scheucher-Fleisch e.a.

55      Scheucher-Fleisch e.a. s’opposent également à la seconde branche du premier moyen du pourvoi.

–       Appréciation de la Cour

56      La seconde branche du premier moyen selon laquelle Scheucher-Fleisch e.a. ne peuvent être considérées comme des parties intéressées au sens de l’article 1er, sous h), du règlement n° 659/1999 revient, en substance, à discuter l’appréciation des faits à laquelle le Tribunal s’est livré, ainsi que la valeur probante des éléments qui lui ont été soumis.

57      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, il résulte des articles 225 CE et 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice que le Tribunal est seul compétent, d’une part, pour constater les faits, sauf dans le cas où l’inexactitude matérielle de ses constatations résulterait des pièces du dossier qui lui ont été soumises, et, d’autre part, pour apprécier ces faits. Lorsque le Tribunal a constaté ou apprécié les faits, la Cour est compétente pour exercer, en vertu de l’article 225 CE, un contrôle sur la qualification juridique de ces faits et les conséquences de droit qui en ont été tirées par le Tribunal (voir arrêt du 22 décembre 2008, British Aggregates/Commission, C‑487/06 P, Rec. p. I‑10515, point 96 et jurisprudence citée).

58      Toutefois, la Cour n’est pas compétente pour constater les faits ni, en principe, pour examiner les preuves que le Tribunal a retenues à l’appui de ces faits. Dès lors que ces preuves ont été obtenues régulièrement, que les principes généraux du droit ainsi que les règles de procédure applicables en matière de charge et d’administration de la preuve ont été respectés, il appartient au seul Tribunal d’apprécier la valeur qu’il convient d’attribuer aux éléments qui lui ont été soumis. Cette appréciation ne constitue donc pas, sous réserve du cas de la dénaturation de ces éléments, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour (voir arrêt British Aggregates/Commission, précité, point 97).

59      Par ailleurs, il importe de rappeler qu’une dénaturation doit apparaître de façon manifeste des pièces du dossier, sans qu’il soit nécessaire de procéder à une nouvelle appréciation des faits et des preuves (voir arrêt du 2 septembre 2010, Commission/Deutsche Post, C‑399/08 P, non encore publié au Recueil, point 64 et jurisprudence citée).

60      En l’espèce, d’une part, la République d’Autriche et la Commission n’ont pas expressément invoqué la dénaturation des éléments de preuve concernant la constatation, figurant au point 53 de l’arrêt attaqué, selon laquelle Scheucher-Fleisch e.a. étaient des entreprises d’abattage et de découpe d’animaux concurrentes de celles bénéficiant de l’aide en cause et opérant sur le même marché géographique, et qu’elles étaient, partant, des «parties intéressées», au sens de l’article 1er, sous h), du règlement n° 659/1999.

61      D’autre part, il ressort des points 51 à 53 de l’arrêt attaqué que le Tribunal a fondé cette constatation, tout d’abord, sur les considérants de la décision litigieuse, ensuite, sur l’analyse de l’aide en cause et, enfin, sur les précisions fournies par réponse écrite dans le cadre du recours en annulation.

62      Par conséquent, à supposer même que Scheucher-Fleisch e.a. aient affirmé dans leur requête que seuls les détaillants, à l’exclusion des entreprises d’abattage, bénéficiaient de l’aide en cause, il y a lieu de relever, en premier lieu, qu’elles ont rectifié cette affirmation en cours de procédure et, en second lieu, que la constatation du Tribunal se fonde non seulement sur la déclaration de Scheucher-Fleisch e.a., mais aussi sur la décision litigieuse, ainsi que sur l’analyse de l’aide en cause, éléments de preuve que ni la République d’Autriche ni la Commission n’ont contestés.

63      Dans ces conditions, il ne saurait être valablement reproché au Tribunal d’avoir dénaturé les faits de l’espèce, en ce qui concerne la qualification de Scheucher-Fleisch e.a. en tant que «parties intéressées», au sens de l’article 1er, sous h), du règlement n° 659/1999.

64      Par conséquent, la seconde branche du premier moyen doit être rejetée comme étant en partie irrecevable et en partie non fondée.

65      Il s’ensuit que le premier moyen du pourvoi doit être rejeté dans son intégralité.

 Sur le deuxième moyen

 Argumentation des parties

66      Par son deuxième moyen, la République d’Autriche, soutenue par la Commission, estime que l’arrêt attaqué a violé l’article 88, paragraphe 2, CE, en considérant que l’appréciation de la compatibilité des aides en cause avec le marché commun soulevait des difficultés sérieuses qui auraient dû décider la Commission à ouvrir la procédure formelle d’examen prévue à cette disposition.

67      Ledit État membre reproche au Tribunal de s’être exclusivement fondé sur l’article 21 a, point 1), de l’AMA-Gesetz 1992, et d’avoir fait abstraction des autres éléments de fait et de droit pris en considération par la Commission, notamment le fait que la décision litigieuse ne portait que sur les mesures postérieures au 26 septembre 2002 et que les directives AMA en vigueur à cette époque permettaient l’application de ces mesures à tous les produits originaires de l’Union européenne.

68      La Commission ajoute que l’arrêt attaqué revient à lui faire grief de ne pas avoir vérifié la légalité des directives AMA modifiées par la République d’Autriche et entrées en vigueur à partir du 26 septembre 2002. Or, cette institution soutient avoir adopté la décision litigieuse dans le cadre du large pouvoir d’appréciation dont elle dispose dans ce domaine et sur la base de la promesse des autorités autrichiennes que seules ces directives modifiées seraient appliquées aux aides en cause, et non l’article 21 a, point 1), de l’AMA-Gesetz 1992. Par ailleurs, la tâche de la Commission est, selon elle, de nature principalement économique et sociale et elle ne dispose pas du pouvoir d’examiner la légalité des mesures notifiées par rapport aux lois nationales.

69      Scheucher-Fleisch e.a. s’opposent à ce moyen en affirmant qu’il existait des difficultés sérieuses en l’espèce pour l’appréciation de la compatibilité des aides en cause avec le marché commun qui obligeaient la Commission à ouvrir la procédure formelle prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE.

 Appréciation de la Cour

70      À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la procédure prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE revêt un caractère indispensable dès lors que la Commission éprouve des difficultés sérieuses pour apprécier si une aide est compatible avec le marché commun. La Commission ne peut donc s’en tenir à la phase préliminaire d’examen visée à l’article 88, paragraphe 3, CE pour prendre une décision favorable à une aide que si elle est en mesure d’acquérir la conviction, au terme d’un premier examen, que cette aide est compatible avec le marché commun. En revanche, si ce premier examen a conduit la Commission à acquérir la conviction contraire, ou même n’a pas permis de surmonter toutes les difficultés soulevées par l’appréciation de la compatibilité de cette aide avec le marché commun, la Commission a le devoir de s’entourer de tous les avis nécessaires et d’ouvrir, à cet effet, la procédure prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE (voir arrêt du 2 avril 2009, Bouygues et Bouygues Télécom/Commission, C‑431/07 P, Rec. p. I‑2665, point 61 et jurisprudence citée).

71      La notion de difficultés sérieuses revêtant un caractère objectif, l’existence de telles difficultés doit être recherchée non seulement dans les circonstances de l’adoption de l’acte attaqué, mais également dans les appréciations sur lesquelles s’est fondée la Commission (voir arrêt Bouygues et Bouygues Télécom/Commission, précité, point 63).

72      Il s’ensuit que, ainsi qu’il a été rappelé aux points 43 et 50 du présent arrêt, la légalité d’une décision de ne pas soulever d’objections, fondée sur l’article 4, paragraphe 3, du règlement n° 659/1999, dépend du point de savoir si l’appréciation des informations et des éléments dont la Commission disposait, lors de la phase préliminaire d’examen de la mesure notifiée, aurait dû objectivement susciter des doutes quant à sa compatibilité avec le marché commun, étant donné que de tels doutes doivent donner lieu à l’ouverture d’une procédure formelle d’examen à laquelle peuvent participer les parties intéressées visées à l’article 1er, sous h), dudit règlement.

73      En l’espèce, il convient de relever, tout d’abord, que, contrairement à ce que soutient la République d’Autriche, l’arrêt attaqué n’a pas omis de prendre en considération le fait que la décision litigieuse ne portait que sur les mesures postérieures au 26 septembre 2002 et que les directives AMA, en vigueur à cette époque, permettaient l’application de ces mesures à tous les produits originaires de l’Union.

74      En effet, il ressort des points 79 à 83 de l’arrêt attaqué que le Tribunal a pris en considération non seulement ces deux éléments, mais aussi le fait que les autorités autrichiennes avaient promis à la Commission d’adapter l’article 21 a, point 1), de l’AMA-Gesetz 1992, adaptation qui a pris effet le 1er juillet 2007, ou encore le fait que cette loi prévoyait d’autres mesures de marketing, sans les restreindre aux seuls produits nationaux.

75      Toutefois, ainsi qu’il ressort des points 84 à 87 de l’arrêt attaqué, l’ensemble de ces éléments n’ont pas été considérés comme suffisants par le Tribunal pour juger que la limitation aux produits nationaux énoncée à l’article 21 a, point 1), de l’AMA-Gesetz 1992 ne suscitait aucun doute quant à la compatibilité des aides en cause avec le marché commun et que, par conséquent, la Commission pouvait être exonérée de son obligation d’ouvrir la procédure visée à l’article 88, paragraphe 2, CE, en application de l’article 4, paragraphe 4, du règlement n° 659/1999.

76      Ce faisant, le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit.

77      À cet égard, il ne saurait être valablement soutenu que les doutes que suscitait cette limitation, contenue dans l’AMA-Gesetz 1992, devaient être écartés compte tenu de l’entrée en vigueur des directives AMA à partir du 26 septembre 2002 et de la promesse des autorités autrichiennes que seules ces directives seraient appliquées aux aides en cause.

78      En effet, il est constant que, lors de la phase préliminaire d’examen de la mesure en cause, une discordance existait entre, d’une part, la loi de base réglementant cette mesure, soit l’AMA-Gesetz 1992, et, d’autre part, son règlement d’application, c’est-à-dire les directives AMA. Si la première comportait une limitation qui soulevait des doutes quant à la compatibilité des aides en cause avec le marché commun, à savoir la restriction de la mesure aux produits nationaux, la seconde en était exempte.

79      Ainsi, la compatibilité ou l’incompatibilité de l’aide en cause était susceptible d’être directement affectée par cette discordance au niveau du droit national, la portée de la mesure en cause étant apparemment radicalement différente selon qu’il était fait application soit de l’AMA-Gesetz 1992, soit des directives AMA.

80      Dans ces conditions, ladite discordance aurait dû objectivement susciter des doutes quant à la compatibilité de l’aide en cause avec le marché commun, et ce malgré la promesse des autorités autrichiennes que seules ces directives seraient appliquées aux aides en cause.

81      En effet, une telle promesse n’était pas de nature à rendre juridiquement impossible l’application de l’AMA-Gesetz 1992 et donc la limitation susceptible d’impliquer l’incompatibilité de l’aide en cause avec le marché commun. S’agissant de la loi de base, les labels «AMA» accordés par les autorités autrichiennes en violation de la limitation contenue dans cette loi auraient pu être contestés, a priori avec succès, devant les juridictions nationales, en vertu du principe de hiérarchie normative.

82      D’ailleurs, il convient de rappeler que, conformément à ce que la Cour a jugé de manière constante dans des contextes analogues dans le cadre des procédures en manquement, l’incompatibilité d’une législation nationale avec les dispositions du droit de l’Union ne peut être définitivement éliminée qu’au moyen de dispositions internes à caractère contraignant ayant la même valeur juridique que celles qui doivent être modifiées et de simples directives administratives ne sauraient être considérées comme constituant une exécution valable des obligations qui découlent du droit de l’Union (voir, en ce sens, arrêts du 13 mars 1997, Commission/France, C‑197/96, Rec. p. I‑1489, point 14, et du 9 mars 2000, Commission/Italie, C‑358/98, Rec. p. I‑1255, point 17).

83      Il s’ensuit que l’affirmation de la Commission selon laquelle sa décision a été adoptée dans le cadre du large pouvoir d’appréciation dont elle dispose dans ce domaine, ou encore selon laquelle sa tâche est de nature principalement économique et sociale, de sorte qu’il ne lui est pas permis d’examiner la légalité des mesures notifiées par rapport aux lois nationales, est dénuée de fondement.

84      À cet égard, il y a lieu de rappeler, en premier lieu, que, s’agissant du domaine des aides d’État, si la Commission jouit d’un large pouvoir d’appréciation dont l’exercice implique des évaluations d’ordre économique devant être effectuées dans le contexte de l’Union, cela n’implique pas que le juge de l’Union doit s’abstenir de contrôler l’interprétation effectuée par la Commission de données de nature économique (voir arrêt du 2 septembre 2010, Commission/Scott, C‑290/07 P, non encore publié au Recueil, point 64) et, a fortiori, de contrôler l’interprétation d’une question concernant les effets de la discordance entre une loi de base et sa réglementation d’exécution, pareil contrôle revêtant un caractère strictement juridique.

85      En second lieu, s’il n’appartient pas à la Commission de se prononcer sur l’articulation, en droit national, entre les directives AMA et l’AMA-Gesetz 1992, elle est néanmoins tenue de prendre en compte une éventuelle discordance apparente entre deux textes nationaux, notamment s’il appert qu’un régime d’aides inclut une limitation, telle que celle énoncée à l’article 21 a, point 1), de cette loi, qui suscite des doutes sérieux concernant sa compatibilité avec le marché commun.

86      Par ailleurs, ni la discordance entre l’AMA-Gesezt 1992 et les directives AMA ni la promesse des autorités autrichiennes visant à confirmer l’inapplication de la limitation de cette loi ne figurent dans la décision litigieuse, laquelle se bornait, aux points 46, 52 et 66, à affirmer l’absence de limitation concernant l’origine depuis le 26 septembre 2002.

87      Il s’ensuit que le deuxième moyen du pourvoi doit être rejeté comme non fondé.

 Sur les troisième à cinquième moyens

 Argumentation des parties

88      Par son troisième moyen, la République d’Autriche, soutenue par la Commission, reproche à l’arrêt attaqué d’avoir violé les règles régissant la charge de la preuve, telles qu’elles découlent de l’article 88, paragraphe 2, CE et de l’article 230, quatrième alinéa, CE, au motif que ledit arrêt n’a pas pris en considération le fait que Scheucher-Fleisch e.a. n’ont prouvé ni leur qualité de parties intéressées ni l’existence de difficultés sérieuses pour apprécier la compatibilité des aides en cause avec le marché commun.

89      Selon la Commission, le Tribunal non seulement a ignoré l’affirmation de Scheucher-Fleisch e.a. selon laquelle seuls les détaillants bénéficiaient des activités de l’AMA, ce qui signifie, a contrario, que ces parties étaient, quant à elles, exclues de ce bénéfice, mais il a aussi donné la possibilité à Scheucher-Fleisch e.a. de justifier leur qualité de parties intéressées au moyen des questions qui leur ont été adressées. Ce faisant, le Tribunal aurait influencé le résultat de son instruction.

90      Dans le cadre de son quatrième moyen, ledit État membre, soutenu également par la Commission, considère que l’arrêt attaqué manque à l’obligation de motivation qui incombe au Tribunal en vertu de l’article 81 de son règlement de procédure. Selon la République d’Autriche, un tel manquement résulte notamment des motifs contradictoires que recèle l’arrêt attaqué et du défaut d’analyse des directives AMA, relevés au premier et au deuxième moyen du pourvoi. La Commission, pour sa part, soutient que, si l’annulation de la décision litigieuse par l’arrêt attaqué prétendait se fonder sur la contradiction entre l’AMA-Gesetz 1992 et les directives AMA, cet arrêt aurait dû examiner si cette contradiction pouvait effectivement entraîner l’annulation de la décision litigieuse. Selon cette institution, il est évident que son appréciation concernant les aides en cause aurait été la même si elle avait ouvert la procédure formelle d’examen. En outre, la Commission relève que, suivant la jurisprudence de la Cour, il lui incombe de faire diligence et de tenir compte de l’intérêt des États membres à être fixés rapidement dans ce domaine.

91      Par son cinquième moyen, la République d’Autriche, soutenue par la Commission, reproche à l’arrêt attaqué d’avoir violé l’article 64 du règlement de procédure du Tribunal en raison du fait que ce dernier n’a pas collecté d’office des données décisives relatives à la qualité d’agir de Scheucher-Fleisch e.a. et au défaut d’incidence de l’article 21 a, point 1), de l’AMA-Gesetz 1992.

92      Scheucher-Fleisch e.a. s’opposent à tous ces moyens. En particulier, en ce qui concerne le cinquième moyen, elles relèvent qu’elles ne partagent pas la conclusion de l’arrêt attaqué selon laquelle elles n’auraient pas démontré qu’elles étaient substantiellement affectées par les aides faisant l’objet de la décision litigieuse. En effet, selon ces parties, les bénéficiaires des labels «AMA» étaient des concurrents dont l’offre était ainsi encouragée, tandis qu’elles-mêmes et leurs clients devaient financer leur publicité par leurs propres moyens. Scheucher-Fleisch e.a. soutiennent qu’il en découlait qu’elles étaient doublement affectées par la décision litigieuse, dans la mesure où elles supportaient, d’une part, la charge du financement de ces aides et, d’autre part, un désavantage concurrentiel. En somme, selon Scheucher-Fleisch e.a., elles ne pouvaient pas bénéficier de la mesure de soutien, tout en devant y contribuer et tout en devant financer elles-mêmes leur propre publicité.

 Appréciation de la Cour

93      Par ces troisième à cinquième moyens, qu’il convient de traiter ensemble, la République d’Autriche et la Commission reprochent au Tribunal, d’une part, de ne pas avoir respecté la charge de la preuve et de ne pas avoir collecté d’office des données décisives dans l’affaire ou encore d’avoir influencé son instruction et, d’autre part, de ne pas avoir motivé l’arrêt attaqué. En outre, Scheucher-Fleisch e.a. critiquent l’arrêt attaqué dans la mesure où il n’a pas considéré qu’elles étaient substantiellement affectées par la décision litigieuse.

94      Au préalable, il convient de relever que, si Scheucher-Fleisch e.a. critiquent une partie de l’arrêt attaqué dans le cadre de leur réponse au cinquième moyen, elles n’ont conclu ni à l’annulation partielle de cet arrêt ni à ce que la Cour soit statue elle-même définitivement sur cette partie, soit renvoie l’affaire devant le Tribunal pour qu’il statue lui-même sur ce point.

95      Par conséquent, ladite critique n’étant pas avancée au soutien des conclusions du mémoire en réponse de Scheucher-Fleisch e.a., il n’y a pas lieu de la considérer comme constitutive d’un pourvoi reconventionnel.

96      En ce qui concerne les troisième et cinquième moyens, dans la mesure où il est fait valoir que le Tribunal n’aurait pas dû adopter des mesures d’organisation de la procédure ni poser des questions aux parties par rapport à la qualité de parties intéressées de Scheucher-Fleisch e.a., il convient d’observer que, conformément à ce qui a été rappelé au point 43 du présent arrêt, l’existence de cette qualité dans le chef d’une personne peut être déterminante, comme c’est le cas en l’espèce, en ce qui concerne la recevabilité de son recours en annulation.

97      Or, selon une jurisprudence constante, le critère qui subordonne la recevabilité d’un recours introduit par une personne physique ou morale contre une décision dont elle n’est pas le destinataire à la condition qu’elle soit directement et individuellement concernée par cette décision, fixé à l’article 230, quatrième alinéa, CE, constitue une fin de non-recevoir d’ordre public que les juridictions communautaires peuvent à tout moment examiner, même d’office (arrêt du 23 avril 2009, Sahlstedt e.a./Commission, C‑362/06 P, Rec. p. I‑2903, point 22 et jurisprudence citée).

98      Par conséquent, il ne saurait être reproché au Tribunal d’avoir pris d’office des mesures en vue de se renseigner sur la qualité de parties intéressées de Scheucher-Fleisch e.a., car il l’a fait dans le cadre de son examen d’une fin de non-recevoir d’ordre public.

99      Pour le surplus, il y a lieu de rappeler que le Tribunal est seul juge de la nécessité éventuelle de compléter les éléments d’information dont il dispose sur les affaires dont il est saisi. Le caractère probant ou non des pièces de la procédure relève de son appréciation souveraine des faits, qui échappe au contrôle de la Cour dans le cadre du pourvoi, sauf en cas de dénaturation des éléments de preuve présentés au Tribunal ou lorsque l’inexactitude matérielle des constatations effectuées par ce dernier ressort des documents versés au dossier (voir arrêt du 16 juillet 2009, Der Grüne Punkt – Duales System Deutschland/Commission, C‑385/07 P, Rec. p. I‑6155, point 163 et jurisprudence citée).

100    Dès lors, il ne saurait être reproché au Tribunal d’avoir adressé aux parties, avant la tenue de l’audience et lors de cette dernière, une série de questions détaillées aux fins de compléter les éléments d’information dont il disposait déjà et d’avoir tiré certaines conclusions des réponses données par les parties à ces questions dans le cadre de moyens valablement soulevés par celles-ci. De même, la République d’Autriche et la Commission ne sauraient lui reprocher, au stade du pourvoi, de ne pas avoir adopté d’autres mesures d’organisation qu’elles ne lui ont pas demandé d’adopter au stade de la procédure devant le Tribunal, la République d’Autriche n’ayant pas participé à celle-ci, et qu’elles ne décrivent pas de manière précise dans le cadre de la présente procédure devant la Cour.

101    Il s’ensuit que la République d’Autriche et la Commission ne sauraient valablement reprocher au Tribunal d’avoir violé les règles régissant la charge de la preuve, ni d’avoir influencé indûment l’instruction, ni encore de ne pas avoir complété des éléments d’information dont il disposait de manière adéquate.

102    En substance, ces arguments reviennent à discuter l’appréciation des faits par le Tribunal concernant la qualité de «partie intéressée», au sens de l’article 88, paragraphe 2, CE, de Scheucher-Fleisch e.a., ou encore l’existence de difficultés sérieuses pour apprécier la compatibilité des aides en cause avec le marché commun.

103    Or, les troisième et cinquième moyens soulevant de telles questions sont irrecevables dans le cadre du présent pourvoi. En tout état de cause, ils sont dénués de fondement pour les raisons exposées dans la réponse apportée au premier et au deuxième moyen.

104    Quant au quatrième moyen, il y a lieu de rappeler que l’obligation de motiver les arrêts, qui incombe au Tribunal en vertu des articles 36 et 53, premier alinéa, du statut de la Cour de justice, n’impose pas à celui-ci de fournir un exposé qui suivrait, exhaustivement et un par un, tous les raisonnements articulés par les parties au litige. La motivation peut donc être implicite, à condition qu’elle permette aux intéressés de connaître les raisons pour lesquelles les mesures en question ont été prises et à la Cour de disposer des éléments suffisants pour exercer son contrôle juridictionnel (voir arrêt Bouygues et Bouygues Télécom/Commission, précité, point 42 et jurisprudence citée).

105    En l’espèce, les arguments présentés par la République d’Autriche reviennent à discuter des questions faisant l’objet du premier et du deuxième moyen du pourvoi et doivent, par conséquent, être rejetés pour les motifs exposés dans la réponse apportée à ces moyens.

106    En particulier, s’agissant de l’argument tenant au caractère prétendument contradictoire de la motivation de l’arrêt attaqué, il convient de souligner que, conformément à la jurisprudence citée au point 50 du présent arrêt, un requérant qui est directement et individuellement concerné par une décision de la Commission en raison de sa qualité de «partie intéressée» au sens de l’article 88, paragraphe 2, CE peut invoquer tout moyen de nature à démontrer que cette institution aurait dû avoir des doutes sérieux quant à la compatibilité d’une mesure d’aide avec le marché commun et, partant, qu’elle aurait dû ouvrir la procédure formelle d’examen prévue à ladite disposition. Ainsi, le fait pour le Tribunal d’avoir examiné des moyens liés au bien-fondé de la décision litigieuse en vue de déterminer si les droits procéduraux de Scheucher-Fleisch e.a. avaient été violés n’est pas incompatible avec sa constatation, aux points 60 et 61 de l’arrêt attaqué, selon laquelle celles-ci n’avaient pas démontré que leur position sur le marché pouvait être substantiellement affectée par les aides faisant l’objet de la décision litigieuse.

107    Doit également être rejeté l’argument, soulevé par la Commission, tiré du défaut de motivation de l’arrêt attaqué parce que le Tribunal, d’une part, n’aurait pas examiné si la contradiction entre l’AMA-Gesetz 1992 et les directives AMA devait entraîner l’annulation de la décision litigieuse et, d’autre part, n’aurait pas constaté que l’appréciation de cette décision par la Commission aurait été la même si elle avait ouvert la procédure formelle d’examen.

108    En effet, il convient de rappeler que l’objet du recours en annulation était une décision de ne pas soulever d’objections au titre de l’article 88, paragraphe 3, CE.

109    Or, ainsi que cela a été rappelé aux points 40 à 42 du présent arrêt, la procédure préliminaire donnant lieu à une telle décision a seulement pour objet de permettre à la Commission de se former une première opinion sur la compatibilité de l’aide en cause avec le marché commun. Dès lors, le Tribunal ne saurait empiéter sur les compétences de la Commission en jugeant que l’appréciation de celle-ci aurait été la même si elle avait ouvert la procédure formelle d’examen.

110    De plus, étant donné que l’existence de doutes sérieux quant à la compatibilité d’une mesure avec le marché commun suffit pour que la Commission soit tenue d’ouvrir ladite procédure formelle d’examen, le Tribunal n’avait pas besoin d’expliquer, dans l’arrêt attaqué, les raisons pour lesquelles la contradiction qu’il avait relevée entre l’AMA-Gesetz 1992 et les directives AMA devait entraîner l’annulation de la décision litigieuse.

111    En effet, la Cour a déjà eu l’occasion de constater que la décision de ne pas soulever d’objections au titre de l’article 88, paragraphe 3, CE, qui est prise dans des délais brefs, doit uniquement contenir les raisons pour lesquelles la Commission estime ne pas être en présence de difficultés sérieuses d’appréciation de la compatibilité de l’aide concernée avec le marché commun et que même une motivation succincte de cette décision doit être considérée comme suffisante au regard de l’exigence de motivation que prévoit l’article 253 TFUE si elle fait néanmoins apparaître de façon claire et non équivoque les raisons pour lesquelles la Commission a estimé ne pas être en présence de telles difficultés, la question du bien-fondé de cette motivation étant étrangère à cette exigence (voir arrêt du 22 décembre 2008, Régie Networks, C‑333/07, Rec. p. I‑10807, points 65, 70 et 71).

112    Par conséquent, il ne saurait être reproché à l’arrêt attaqué un défaut de motivation à cet égard, la question de savoir si l’appréciation concernant la compatibilité aurait été la même ou non une fois ouverte la procédure formelle d’examen étant étrangère à cette exigence de motivation.

113    Par conséquent, les troisième à cinquième moyens doivent être rejetés comme étant en partie irrecevables et en partie non fondés.

114    Il s’ensuit que le pourvoi principal doit être rejeté dans son intégralité.

 Sur le pourvoi incident

 Argumentation des parties

115    Dans son mémoire en réponse, la Commission soulève, à l’appui de l’argument selon lequel Scheucher-Fleisch e.a. n’étaient pas directement et individuellement concernées par la décision litigieuse, le fait que les contributions en cause n’étaient pas une composante de l’aide autorisée par cette décision.

116    À cet égard, la Commission relève que l’arrêt attaqué a justifié le fait que Scheucher-Fleisch e.a. étaient directement affectées par la décision litigieuse compte tenu de leur obligation de verser une contribution à l’AMA. Or, selon la Commission, il ressort de la jurisprudence de la Cour, notamment de l’arrêt du 27 octobre 2005, Distribution Casino France e.a. (C‑266/04 à C‑270/04, C‑276/04 et C‑321/04 à C‑325/04, Rec. p. I‑9481), que les taxes n’entrent pas dans le champ d’application des dispositions du droit de l’Union concernant les aides d’État, à moins qu’elles constituent le mode de financement d’une mesure d’aide, de sorte qu’elles font partie intégrante de cette mesure en raison de l’existence d’un lien d’affectation contraignant entre la taxe et l’aide, en ce sens que le produit de la première est nécessairement affecté au financement de la seconde.

117    Selon la Commission, l’arrêt attaqué est, sur ce point, entaché d’une erreur de droit, dans la mesure où, dans le système AMA, il n’existe aucun lien entre les contributions et le montant des aides octroyées, comme le Verwaltungsgerichtshof l’a déjà constaté à plusieurs reprises.

118    Par conséquent, la Commission considère que le recours intenté par Scheucher-Fleisch e.a. aurait dû être jugé irrecevable.

119    La République d’Autriche adhère au raisonnement de la Commission et relève que le manque de lien d’affectation contraignant en l’espèce est confirmé par le fait que les mesures financées par l’AMA ne sont pas chiffrables en fonction des différents bénéficiaires et que les mesures sont appliquées indépendamment du produit des contributions.

120    À cet égard, ledit État membre souligne que, aux termes de l’article 21 j, paragraphe 1, de l’AMA-Gesetz 1992, les contributions servent à couvrir les frais administratifs de l’AMA liés à sa perception et doivent également être affectés aux mesures énumérées à l’article 21 a de cette loi.

121    Scheucher-Fleisch e.a. relèvent que ce moyen est nouveau et qu’il n’a été soulevé ni devant le Tribunal ni dans le pourvoi. Selon ces parties, dans le système de marketing agricole de l’AMA, il existe un lien d’affectation contraignant, au sens de la jurisprudence citée par la Commission à l’appui de son moyen, entre les contributions et les aides en cause, étant donné que les contributions à l’AMA étaient le seul moyen dont cette dernière disposait pour la promotion du marketing agricole. En ce qui concerne l’arrêt n° 2005/17/0230 du Verwaltungsgerichtshof, du 20 mars 2006, Scheucher-Fleisch e.a. considèrent qu’il est dû à une interprétation erronée de la jurisprudence de la Cour et relèvent que ce dernier n’a jamais effectué de renvoi préjudiciel devant la Cour sur ce point.

 Appréciation de la Cour

122    À titre liminaire, il convient d’analyser si, comme Scheucher-Fleisch e.a. le soutiennent, le moyen soulevé dans le cadre du pourvoi incident est nouveau.

123    En effet, permettre à une partie de soulever pour la première fois devant la Cour un moyen concernant l’acte attaqué devant le Tribunal qu’elle n’a pas invoqué devant ce dernier reviendrait à lui permettre de saisir la Cour d’un litige plus étendu que celui dont a eu à connaître le Tribunal alors que, dans le cadre d’un pourvoi, la compétence de la Cour est limitée à l’appréciation de la solution légale qui a été donnée aux moyens débattus devant les premiers juges (voir, en ce sens, arrêt du 1er février 2007, Sison/Conseil, C‑266/05 P, Rec. p. I‑1233, point 95 et jurisprudence citée).

124    En l’espèce, ce moyen se rapporte au moyen d’irrecevabilité, qu’il complète, dont le Tribunal a été expressément saisi par la Commission, suivant lequel le recours en annulation dirigé à l’encontre de la décision litigieuse était irrecevable dans la mesure où Scheucher-Fleisch e.a. n’étaient pas directement et individuellement concernées par cette décision.

125    Par conséquent, le pourvoi incident est recevable.

126    Concernant le moyen invoqué par la Commission, il y a lieu de relever que, contrairement à ce qu’elle soutient, l’arrêt attaqué n’a pas justifié le fait que Scheucher-Fleisch e.a. étaient directement concernées par la décision litigieuse sur le seul fondement de leur obligation de verser une contribution à l’AMA.

127    En effet, il ressort du point 37 de l’arrêt attaqué que le Tribunal s’est fondé, d’une part, sur la sommation de payer adressée à l’une de ces parties et, d’autre part, sur des pages Internet de l’AMA et d’un détaillant desquelles il ressortait que les labels «AMA» avaient été délivrés antérieurement à la décision litigieuse.

128    En outre, ainsi qu’il ressort du point 44 du présent arrêt, toute partie intéressée, au sens de l’article 1er, sous h), du règlement n° 659/1999, est directement et individuellement concernée par une décision de ne pas soulever d’objections, dans la mesure où elle soulève des moyens d’annulation à l’encontre de celle-ci en vue de la protection de ses droits procéduraux.

129    Il s’ensuit que le moyen unique soulevé dans le cadre du pourvoi incident revient, une nouvelle fois, à discuter de la qualité de «partie intéressée», au sens de cette disposition, de Scheucher-Fleisch e.a.

130    À cet égard, il convient, d’une part, de se référer à la réponse apportée à la seconde branche du premier moyen.

131    D’autre part, il y a lieu de relever que, dans le cadre de leur mémoire en réponse et lors de l’audience, Scheucher-Fleisch e.a. se sont plaintes d’être obligées non seulement de contribuer au financement du système mis en place, mais aussi de subir le désavantage lié au fait que seuls leurs concurrents bénéficient des mesures publicitaires dispensées par l’AMA Marketing.

132    Or, il convient de relever que, aux termes de l’article 1er, sous h), du règlement n° 659/1999, il faut entendre par «partie intéressée» notamment toute personne, entreprise ou association d’entreprises dont les intérêts pourraient être affectés par l’octroi d’une aide, c’est-à-dire en particulier les entreprises concurrentes du bénéficiaire de cette aide. Il s’agit, en d’autres termes, d’un ensemble indéterminé de destinataires, ce qui n’exclut pas qu’un concurrent indirect du bénéficiaire de l’aide puisse être qualifié de «partie intéressée», pour autant qu’il fait valoir que ses intérêts pourraient être affectés par l’octroi de l’aide et qu’il démontre, à suffisance de droit, que l’aide risque d’avoir une incidence concrète sur sa situation (voir, en ce sens, arrêt Commission/Kronoply et Kronotex, précité, points 63 à 65 et jurisprudence citée).

133    En l’espèce, l’arrêt attaqué ayant constaté que Scheucher-Fleisch e.a. devaient être considérées en tant que «parties intéressées» au sens de l’article 1er, sous h), dudit règlement, le moyen soulevé par la Commission dans le cadre du pourvoi incident doit être rejeté comme non fondé.

134    Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que le pourvoi incident doit être rejeté dans son intégralité.

 Sur les dépens

135    Aux termes de l’article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 118 du même règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Scheucher-Fleisch e.a. ayant conclu à la condamnation de la République d’Autriche et cette dernière ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.

136    Scheucher-Fleisch e.a. n’ayant pas conclu à la condamnation de la Commission, cette dernière supportera ses propres dépens.

Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) déclare et arrête:

1)      Les pourvois principal et incident sont rejetés.

2)      La République d’Autriche est condamnée aux dépens.

3)      La Commission européenne supporte ses propres dépens.

Signatures


* Langue de procédure: l’allemand.