Language of document : ECLI:EU:T:2010:172

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

30 avril 2010 (*)

« Référé – Règlement (CE) n° 1007/2009 – Commerce des produits dérivés du phoque – Interdiction d’importation et de vente – Exception au profit des communautés inuit – Demande de sursis à exécution – Recevabilité – Fumus boni juris – Défaut d’urgence »

Dans l’affaire T‑18/10 R,

Inuit Tapiriit Kanatami, établie à Ottawa (Canada),

Nativak Hunters and Trappers Association, établie à Qikiqtarjuaq (Canada),

Pangnirtung Hunters’ and Trappers’ Association, établie à Pangnirtung (Canada),

Jaypootie Moesesie, demeurant à Qikiqtarjuaq,

Allen Kooneeliusie, demeurant à Qikiqtarjuaq,

Toomasie Newkingnak, demeurant à Qikiqtarjuaq,

David Kuptana, demeurant à Ulukhaktok (Canada),

Karliin Aariak, demeurant à Iqaluit (Canada),

Efstathios Andreas Agathos, demeurant à Athènes (Grèce),

Canadian Seal Marketing Group, établi à Québec (Canada),

Ta Ma Su Seal Products, établi à Cap‑aux‑Meules (Canada),

Fur Institute of Canada, établi à Ottawa,

NuTan Furs, Inc., établie à Catalina (Canada),

GC Rieber Skinn AS, établie à Bergen (Norvège),

Inuit Circumpolar Conference Greenland (ICC), établi à Nuuk, Groenland (Danemark),

Johannes Egede, demeurant à Nuuk,

Kalaallit Nunaanni Aalisartut Piniartullu Kattuffiat (KNAPK), établie à Nuuk,

représentés par Mes J. Bouckaert, M. van der Woude et H. Viaene, avocats,

parties requérantes,

contre

Parlement européen, représenté par Mme I. Anagnostopoulou et M. L. Visaggio, en qualité d’agents,

et

Conseil de l’Union européenne, représenté par M. M. Moore et Mme K. Michoel, en qualité d’agents,

parties défenderesses,

ayant pour objet une demande de sursis à l’exécution du règlement (CE) n° 1007/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 16 septembre 2009, sur le commerce des produits dérivés du phoque (JO L 286, p. 36),

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

rend la présente

Ordonnance

 Cadre juridique

1        Le règlement (CE) n° 1007/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 16 septembre 2009, sur le commerce des produits dérivés du phoque (JO L 286, p. 36), a pour objet, selon son article 1er, l’établissement de règles harmonisées concernant la mise sur le marché des produits dérivés du phoque. La base juridique dudit règlement est l’article 95 CE.

2        Ainsi qu’il ressort des considérants du règlement n° 1007/2009, en réponse aux préoccupations des citoyens et des consommateurs liées à la question du bien-être animal en rapport avec la mise à mort et l’écorchage des phoques et à la possible présence sur le marché de produits provenant d’animaux tués et écorchés dans des conditions de douleur, de détresse, de peur et d’autres formes de souffrance, plusieurs États membres ont adopté, ou ont l’intention d’adopter, des mesures législatives réglementant le commerce des produits dérivés du phoque, en interdisant leur importation et leur production, alors que dans d’autres États membres le commerce de ces produits ne fait l’objet d’aucune restriction (considérant 5 du règlement n° 1007/2009).

3        Dès lors, il existerait des différences entre les dispositions nationales régissant le commerce, l’importation, la production et la commercialisation des produits dérivés du phoque, lesquelles perturberaient le fonctionnement du marché intérieur des produits qui contiennent ou sont susceptibles de contenir des produits dérivés du phoque et constitueraient des obstacles au commerce de ces produits (considérant 6 du règlement n° 1007/2009).

4        Ces dispositions divergentes pourraient dissuader davantage les consommateurs d’acheter des produits qui ne sont pas dérivés du phoque, mais qui ne pourraient pas être aisément distingués de marchandises similaires dérivées du phoque, ou des produits pouvant inclure des éléments ou des ingrédients dérivés du phoque, sans que cela soit évident, comme les fourrures, les gélules et huiles oméga-3 et les produits en cuir (considérant 7 du règlement n° 1007/2009).

5        Afin d’éviter une perturbation du marché intérieur des produits concernés tout en tenant compte de la question du bien-être animal (considérants 8 à 10 du règlement n° 1007/2009), l’article 3, paragraphe 1, du règlement n° 1007/2009 prévoit ce qui suit :

« La mise sur le marché de produits dérivés du phoque est autorisée uniquement pour les produits dérivés du phoque provenant de formes de chasse traditionnellement pratiquées par les communautés [inuit] et d’autres communautés indigènes à des fins de subsistance. Ces conditions s’appliquent au moment ou au point d’importation pour les produits importés. »

6        Le considérant 14 du règlement n° 1007/2009 précise à cet égard qu’il importe que les intérêts économiques et sociaux fondamentaux des communautés inuit pratiquant la chasse aux phoques à des fins de subsistance ne soient pas compromis. En effet, cette chasse ferait partie intégrante de la culture et de l’identité des membres de la société inuit et, en tant que telle, elle serait reconnue par la déclaration des Nations unies relative aux droits des peuples indigènes. C’est pourquoi, la mise sur le marché des produits dérivés du phoque provenant de ces formes de chasse traditionnellement pratiquées par les communautés inuit et d’autres communautés indigènes à des fins de subsistance devrait être autorisée.

7        Il ressort de l’article 3, paragraphe 4, et de l’article 5, paragraphe 3, du règlement n° 1007/2009 que des mesures relatives, notamment, à la mise en œuvre de l’autorisation au bénéfice des communautés inuit doivent être arrêtées par la Commission des Communautés européennes selon la procédure de réglementation avec contrôle prévue à l’article 5 bis de la décision 1999/468/CE du Conseil, du 28 juin 1999, fixant les modalités de l’exercice des compétences d’exécution conférées à la Commission (JO L 184, p. 23).

8        Enfin, selon l’article 8 du règlement n° 1007/2009, bien que ce dernier entre en vigueur le vingtième jour suivant celui de sa publication au Journal officiel de l’Union européenne, son article 3 est applicable à partir du 20 août 2010.

 Procédure et conclusions des parties

9        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 11 janvier 2010, les requérants, Inuit Tapiriit Kanatami, Nativak Hunters and Trappers Association, Pangnirtung Hunters’ and Trappers’ Association, MM. Jaypootie Moesesie, Allen Kooneeliusie, Toomasie Newkingnak, David Kuptana, Mme Karliin Aariak, M. Efstathios Andreas Agathos, Canadian Seal Marketing Group, Ta Ma Su Seal Products, Fur Institute of Canada, NuTan Furs, Inc., GC Rieber Skinn AS, Inuit Circumpolar Conference Greenland (ICC), M. Johannes Egede et Kalaallit Nunaanni Aalisartut Piniartullu Kattuffiat (KNAPK), ont introduit un recours visant à l’annulation du règlement n° 1007/2009.

10      Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 11 février 2010, les requérants ont introduit la présente demande en référé, dans laquelle ils concluent à ce qu’il plaise au président du Tribunal :

–        déclarer la demande en référé recevable ;

–        ordonner le sursis à l’exécution du règlement n° 1007/2009 jusqu’à ce que le Tribunal ait statué sur le recours en annulation formé contre ce même règlement ;

–        condamner le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne aux dépens.

11      Dans leurs observations écrites, déposées au greffe du Tribunal le 8 mars 2010, le Parlement et le Conseil concluent à ce qu’il plaise au président du Tribunal :

–        rejeter la demande en référé ;

–        condamner les requérants aux dépens.

12      Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 8 mars 2010, le Conseil a introduit une demande tendant à ce que l’annexe A 4 de la demande en référé, constituée de l’avis du service juridique du Conseil du 18 février 2009 (ci-après l’« avis en cause »), relatif à la proposition de règlement du Parlement et du Conseil concernant le commerce de produits dérivés du phoque, présentée par la Commission [COM (2008) 469 final, du 23 juillet 2008] (ci-après la « proposition de règlement »), soit retirée du dossier, tout comme la citation d’une partie de l’avis en cause figurant au point 16 de la demande en référé.

13      Les requérants et le Parlement ont présenté leurs observations sur cette demande du Conseil dans les délais impartis.

14      Conformément à l’article 24, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, la Commission a été invitée à informer le président du Tribunal du calendrier envisagé pour l’adoption des mesures d’exécution du règlement n° 1007/2009 prévues à l’article 3, paragraphe 4, de celui-ci ainsi qu’à produire tout document utile relatif à ces mesures. La Commission a déféré à cette invitation dans le délai imparti.

 En droit

 Sur la demande de retrait du dossier de l’annexe A 4 de la demande en référé et de la citation dans cette dernière d’un extrait de cette pièce

 Arguments des parties

15      Le Conseil, soutenu par le Parlement, fait valoir que l’avis en cause doit être retiré du dossier, puisque les requérants n’ont pas été autorisés à avoir accès audit document et encore moins à s’en servir dans le cadre d’une procédure juridictionnelle. Il précise que les requérants ont introduit, le 4 mars 2009, une demande d’accès à l’avis en cause au titre du règlement (CE) n° 1049/2001 du Parlement et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement, du Conseil et de la Commission (JO L 145, p. 43), et que cette demande n’a été accueillie que partiellement, sans que les requérants aient introduit une demande confirmative au titre de l’article 7, paragraphe 2, de ce même règlement.

16      En premier lieu, les requérants affirment que, puisqu’ils disposent déjà de l’avis en cause et qu’ils ne demandent dès lors pas à y avoir accès, la question de savoir si ledit document doit être retiré du dossier de l’affaire ne devrait pas être résolue sur la base du règlement n° 1049/2001, ni sur la base de la décision 2006/683/CE, Euratom du Conseil, du 15 septembre 2006, portant adoption de son règlement intérieur (JO L 285, p. 47).

17      À cet égard, ils précisent que, en tout état de cause, l’avis en cause ne serait pas couvert par les exceptions, visées à l’article 4, paragraphes 1 à 3, du règlement n° 1049/2001, au principe, énoncé par ledit règlement, selon lequel les documents des institutions devraient être accessibles au public, ce qui correspondrait, de manière plus générale, au principe de transparence qui devrait guider les actions des institutions.

18      En second lieu, les requérants font valoir que le caractère confidentiel de l’avis en cause devrait être apprécié à la lumière de la jurisprudence relative à la confidentialité des communications entre les avocats et leurs clients. Or, les agents du service juridique d’une institution devraient être considérés comme des juristes d’entreprise au sens de l’arrêt du Tribunal du 17 septembre 2007, Akzo Nobel Chemicals et Akcros Chemicals/Commission (T‑125/03 et T‑253/03, Rec. p. II‑3523), avec la conséquence que les avis qu’ils rédigent ne seraient pas confidentiels.

 Appréciation du juge des référés

19      Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, il serait contraire à l’intérêt public qui veut que les institutions puissent bénéficier des avis de leur service juridique, donnés en toute indépendance, d’admettre que de tels documents internes puissent être produits par des personnes autres que les services à la demande desquels ils ont été établis dans un litige devant le Tribunal sans que leur production ait été autorisée par l’institution concernée ou ordonnée par la juridiction (ordonnance de la Cour du 23 octobre 2002, Autriche/Conseil, C‑445/00, Rec. p. I‑9151, point 12 ; arrêt du Tribunal du 8 novembre 2000, Ghignone e.a./Conseil, T‑44/97, RecFP p. I‑A‑223 et II‑1023, point 48, et ordonnance du Tribunal du 10 janvier 2005, Gollnisch e.a./Parlement, T‑357/03, Rec. p. II‑1, point 34).

20      Par ailleurs, le juge des référés observe qu’il ressort de la jurisprudence que, lorsqu’un requérant n’a pas obtenu par une institution de l’Union un avis de son service juridique et qu’il le joint à un acte qu’il adresse au juge de l’Union après se l’être procuré sans l’autorisation de l’institution défenderesse, l’article 4, paragraphe 2, du règlement n° 1049/2001, relatif à la possibilité de refuser l’accès à un document lorsque sa divulgation porterait notamment atteinte à la protection des procédures juridictionnelles et des avis juridiques, n’est pas directement applicable. Toutefois, le règlement n° 1049/2001 et, plus particulièrement, son article 4, paragraphe 2, revêt une certaine valeur indicative en vue de la pondération des intérêts requise pour statuer sur la demande de retrait de cet avis juridique. En effet, il convient de tenir compte de l’objectif de transparence du processus décisionnel de l’Union, reconnu à l’article 1er, deuxième alinéa, TUE, permettant notamment de garantir une plus grande légitimité, une plus grande efficacité et une plus grande responsabilité de l’administration à l’égard des citoyens dans un système démocratique (voir, en ce sens, ordonnance de la Cour du 29 janvier 2009, Donnici/Parlement, C‑9/08, non publiée au Recueil, point 17, et la jurisprudence citée).

21      Cependant, en l’espèce, par la production au dossier de l’avis en cause sans l’autorisation du Conseil, les requérants confrontent ce dernier, dans le cadre d’une procédure mettant en question la validité du règlement n° 1007/2009, avec un avis rendu par son propre service juridique lors de l’élaboration de ce même règlement. Dans ces circonstances, le juge des référés considère qu’autoriser les requérants à maintenir dans le dossier un avis juridique du Conseil dont la divulgation n’a pas été autorisée par ce dernier heurterait les exigences d’un procès équitable et reviendrait à contourner la procédure de demande d’accès à un tel document, mise en place par le règlement n° 1049/2001 (voir, en ce sens, ordonnance Donnici/Parlement, précitée, point 18).

22      En ce qui concerne l’analogie que les requérants cherchent à établir avec la jurisprudence niant le caractère confidentiel des avis rédigés par les juristes d’entreprise, le juge des référés estime qu’il n’est pas nécessaire de se prononcer sur ce point, dans la mesure où le raisonnement exposé ci-dessus permet de conclure que la question litigieuse en l’espèce doit être appréciée en s’inspirant des critères applicables dans le cadre du règlement n° 1049/2001.

23      Dans ces conditions, il convient de faire droit à la demande du Conseil d’écarter l’avis en cause du dossier et de ne pas tenir compte de sa citation figurant au point 16 de la demande en référé.

 Sur la demande en référé

24      Il ressort d’une lecture combinée des articles 278 TFUE et 279 TFUE, d’une part, et de l’article 256, paragraphe 1, TFUE, d’autre part, que le juge des référés peut, s’il estime que les circonstances l’exigent, ordonner le sursis à l’exécution d’un acte attaqué devant le Tribunal ou prescrire les mesures provisoires nécessaires.

25      L’article 104, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal dispose que les demandes en référé doivent spécifier l’objet du litige, les circonstances établissant l’urgence ainsi que les moyens de fait et de droit justifiant à première vue l’octroi de la mesure provisoire à laquelle elles concluent. Ainsi, le sursis à exécution et les mesures provisoires peuvent être accordés par le juge des référés s’il est établi que leur octroi est justifié à première vue en fait et en droit (fumus boni juris) et qu’ils sont urgents en ce sens qu’il est nécessaire, pour éviter un préjudice grave et irréparable aux intérêts du requérant, qu’ils soient édictés et produisent leurs effets dès avant la décision sur le recours principal. Ces conditions sont cumulatives, de sorte que les demandes en référé doivent être rejetées dès lors que l’une d’elles fait défaut [ordonnance du président de la Cour du 14 octobre 1996, SCK et FNK/Commission, C‑268/96 P(R), Rec. p. I‑4971, point 30].

26      En outre, dans le cadre de cet examen d’ensemble, le juge des référés dispose d’un large pouvoir d’appréciation et reste libre de déterminer, au regard des particularités de l’espèce, la manière dont ces différentes conditions doivent être vérifiées ainsi que l’ordre de cet examen, dès lors qu’aucune règle de droit ne lui impose un schéma d’analyse préétabli pour apprécier la nécessité de statuer provisoirement [ordonnances du président de la Cour du 19 juillet 1995, Commission/Atlantic Container Line e.a., C‑149/95 P(R), Rec. p. I‑2165, point 23, et du 3 avril 2007, Vischim/Commission, C‑459/06 P(R), non publiée au Recueil, point 25]. Le juge des référés procède également, le cas échéant, à la mise en balance des intérêts en présence (ordonnance du président de la Cour du 23 février 2001, Autriche/Conseil, C‑445/00 R, Rec. p. I‑1461, point 73).

27      Compte tenu des éléments du dossier, le juge des référés estime qu’il dispose de tous les éléments nécessaires pour statuer sur la présente demande de mesures provisoires, sans qu’il soit utile d’entendre, au préalable, les parties en leurs explications orales.

 Sur la recevabilité

–       Arguments des parties

28      Au soutien de la recevabilité de la demande en référé, les requérants développent un certain nombre d’arguments relatifs à la recevabilité du recours principal.

29      Les requérants font valoir que l’article 263, quatrième alinéa, TFUE permet à toute personne physique ou morale de former un recours contre les actes réglementaires qui la concernent directement et qui ne comportent pas de mesures d’exécution.

30      Ces conditions seraient réunies en l’espèce, dans la mesure où il existerait un lien de causalité directe entre le règlement n° 1007/2009 et la situation de chacun des requérants, sans que les États membres disposent d’un pouvoir d’appréciation en ce qui concerne sa mise en œuvre et sans qu’il soit nécessaire d’adopter de mesures d’exécution pour que l’interdiction prévue à l’article 3, paragraphe 1, de ce règlement soit applicable.

31      Dans l’hypothèse où le Tribunal estimerait que le règlement n° 1007/2009 est un acte réglementaire nécessitant des mesures d’exécution, les requérants affirment qu’ils sont directement et individuellement concernés par cet acte, en raison notamment de leur qualité d’Inuit ou d’association d’Inuit et du fait que le « cercle des Inuit » serait un cercle fermé, expressément visé par ledit règlement.

32      Le Parlement et le Conseil soutiennent quant à eux, en réponse aux arguments développés par les requérants, que le recours principal est irrecevable, puisque, d’abord, le règlement n° 1007/2009 serait un acte législatif, dans la mesure où il a été adopté selon la procédure de codécision visée à l’article 251 CE. Il devrait donc être considéré comme relevant de la même catégorie que les actes adoptés conformément à l’article 294 TFUE, lesquels, aux termes de l’article 289, paragraphes 1 et 3, TFUE, seraient précisément des actes législatifs.

33      Or, selon le Parlement et le Conseil, les actes réglementaires visés à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, ne sauraient inclure les actes législatifs.

34      En outre, le Parlement et le Conseil font valoir que cette dernière disposition ne pourrait justifier la recevabilité du recours principal également au motif que le règlement n° 1007/2009 nécessite des mesures d’exécution, notamment en ce qui concerne la définition des conditions dans lesquelles est autorisée la mise sur le marché des produits dérivés du phoque provenant de formes de chasse traditionnelles pratiquées par les Inuit.

35      En tout état de cause, le Parlement et le Conseil soutiennent que les requérants ne sont pas individuellement concernés par le règlement n° 1007/2009.

36      Par ailleurs, le Parlement fait valoir que, selon la jurisprudence, dans le cadre de la procédure de référé, il y a lieu d’apprécier la recevabilité du recours principal à l’égard de chacun des requérants afin d’éviter que des requérants n’étant pas individuellement concernés par l’acte attaqué puissent néanmoins tirer profit des mesures provisoires en participant à l’action introduite par d’autres requérants remplissant les conditions requises.

–       Appréciation du juge des référés

37      En vertu des dispositions de l’article 104, paragraphe 1, du règlement de procédure, une demande de mesures provisoires n’est recevable que si elle émane d’une partie à une affaire dont le Tribunal est saisi. Cette règle implique que le recours principal, sur lequel se greffe la demande en référé, puisse être effectivement examiné par le Tribunal.

38      Selon une jurisprudence constante, la recevabilité du recours principal ne doit pas, en principe, être examinée dans le cadre d’une procédure de référé, sous peine de préjuger l’affaire principale. Il peut, néanmoins, s’avérer nécessaire, lorsque l’irrecevabilité manifeste du recours principal sur lequel se greffe la demande en référé est soulevée, d’établir l’existence de certains éléments permettant de conclure, à première vue, à la recevabilité d’un tel recours [ordonnance du président de la Cour du 12 octobre 2000, Federación de Cofradías de Pescadores de Guipúzcoa e.a./Conseil, C‑300/00 P(R), Rec. p. I‑8797, point 34 ; ordonnances du président du Tribunal du 15 janvier 2001, Stauner e.a./Parlement et Commission, T‑236/00 R, Rec. p. II‑15, point 42, et du 27 janvier 2009, Intel/Commission, T‑457/08 R, non publiée au Recueil, point 46].

39      Un tel examen de la recevabilité du recours principal est nécessairement sommaire, compte tenu des caractéristiques, et notamment du caractère urgent, de la procédure de référé, et il ne peut s’effectuer qu’à partir des éléments avancés par les parties dans le cadre de la procédure en référé. La conclusion à laquelle parvient le juge des référés ne préjuge d’ailleurs pas la décision que le Tribunal sera appelé à prendre lors de l’examen du recours principal (ordonnances Federación de Cofradías de Pescadores de Guipúzcoa e.a./Conseil, précitée, point 35, et Intel/Commission, précitée, point 47).

40      En effet, dans le cadre d’une demande en référé, la recevabilité du recours principal ne peut être appréciée que de prime abord, la finalité étant d’examiner si le requérant produit des éléments suffisants qui justifient a priori de conclure que la recevabilité du recours principal ne saurait être exclue. Le juge des référés ne doit déclarer cette demande irrecevable que si la recevabilité du recours principal peut être totalement exclue. En effet, statuer sur la recevabilité du recours principal au stade du référé lorsque celle-ci n’est pas, prima facie, totalement exclue reviendrait à préjuger la décision du Tribunal (ordonnances du président du Tribunal du 17 janvier 2001, Petrolessence et SG2R/Commission, T‑342/00 R, Rec. p. II‑67, point 17, et Intel/Commission, précitée, point 48).

41      Par ailleurs, si c’est l’irrecevabilité manifeste du recours qui est soulevée, il appartient au juge des référés d’établir que, à première vue, le recours présente des éléments permettant de conclure, avec une certaine probabilité, à sa recevabilité (ordonnances du président de la Cour du 13 juillet 1988, Fedesa e.a./Conseil, 160/88 R, Rec. p. 4121, point 22, et du 27 juin 1991, Bosman/Commission, C‑117/91 R, Rec. p. I‑3353, point 7).

42      En l’occurrence, il résulte de plusieurs éléments que le juge des référés ne saurait exclure la recevabilité du recours principal, sans préjuger l’examen qui doit être effectué par le Tribunal.

43      Premièrement, bien que ni les requérants ni les institutions défenderesses n’aient soulevé la problématique, il convient de noter d’office que la présente affaire pose la question de savoir à la lumière de quelle disposition la recevabilité du recours principal doit être appréciée. En effet, le règlement n° 1007/2009 a été adopté avant l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, le 1er décembre 2009, tandis que le recours a été introduit après cette date. Dès lors, il ne saurait être exclu que, quand bien même l’ensemble des parties semble considérer que la seule disposition pertinente est l’article 263 TFUE, l’examen de la recevabilité doive se faire en l’espèce encore sur la base de l’article 230 CE.

44      Deuxièmement, dans l’hypothèse où l’article 263 TFUE serait applicable à la présente affaire, la recevabilité du recours principal pourrait dépendre de l’interprétation de la notion d’ « actes réglementaires » figurant au quatrième alinéa de cette disposition. À cet égard, ainsi que le Parlement et le Conseil le font observer, il y aurait probablement lieu de définir cette catégorie d’actes par rapport à celle d’« actes législatifs », avec la particularité, en l’espèce, que le règlement n° 1007/2009 n’a pas été adopté selon la procédure législative visée à l’article 294 TFUE.

45      Troisièmement, dans le contexte de l’interprétation du quatrième alinéa de l’article 263 TFUE se poserait la question de savoir dans quelles conditions un acte réglementaire ne nécessite pas de mesure d’exécution.

46      Or, force est de constater que le juge de l’Union n’a, jusqu’à présent, eu l’occasion de se prononcer sur aucune des trois questions visées ci-dessus, lesquelles sont, en outre, d’une certaine complexité juridique.

47      Puisque l’application éventuelle de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE au cas d’espèce ne saurait, à ce stade, être exclue et qu’elle rendrait inutile l’appréciation de la question de savoir si les requérants sont individuellement concernés par le règlement n° 1007/2009, il n’y a pas lieu de procéder à une telle appréciation à ce stade.

48      Dans ces circonstances, il y a lieu de conclure que, le juge des référés ne pouvant exclure que le recours principal est recevable, il lui revient d’examiner si les conditions de fond nécessaires pour ordonner le sursis à l’exécution du règlement n° 1007/2009 sont réunies.

 Sur le fumus boni juris

–       Arguments des parties

49      Au soutien de l’existence d’un fumus boni juris justifiant l’octroi de la mesure provisoire sollicitée, en premier lieu, les requérants font valoir que l’article 95 CE, disposition sur le fondement de laquelle le règlement n° 1007/2009 a été adopté, ne constitue pas une base juridique valide pour un tel acte.

50      En effet, la simple constatation de disparités entre les réglementations nationales ne serait pas suffisante pour justifier le recours à ladite disposition. Ce ne serait que lorsque les divergences entre les dispositions législatives, réglementaires ou administratives des États membres sont de nature à entraver les libertés fondamentales et à avoir ainsi une incidence directe sur le fonctionnement du marché intérieur que l’article 95 CE pourrait être utilisé. En l’espèce, les requérants soulignent que seuls le Royaume de Belgique et le Royaume des Pays-Bas auraient adopté une législation interdisant le commerce des produits dérivés du phoque et que la République fédérale d’Allemagne s’apprêterait à en faire de même.

51      Tout en admettant que le recours à l’article 95 CE comme base juridique est possible en vue de prévenir des obstacles futurs aux échanges résultant de l’évolution hétérogène des législations nationales, les requérants soutiennent que la survenance de tels obstacles doit être vraisemblable et la mesure en cause doit avoir pour objet leur prévention.

52      Or, en l’occurrence, il résulterait de l’exposé des motifs de la proposition de règlement et des considérants du règlement n° 1007/2009 que l’objectif principal de celui-ci est la protection du bien-être animal et non le fonctionnement du marché intérieur.

53      À titre subsidiaire, les requérants soutiennent que l’article 95 CE ne constitue pas une base juridique suffisante pour l’adoption du règlement n° 1007/2009, puisque, l’interdiction prévue affectant essentiellement le commerce avec les pays tiers, il aurait été nécessaire d’avoir recours également à l’article 133 CE. Cette nécessité serait confirmée par le fait que la proposition de règlement faisait référence aux deux dispositions, sans que les différences entre la proposition de règlement et le texte finalement approuvé justifient le recours au seul article 95 CE.

54      Les requérants font valoir en outre que le règlement n° 1007/2009 viole le principe de proportionnalité, en ce que, d’une part, il constituerait une mesure ne permettant pas d’atteindre l’objectif poursuivi par son adoption, à savoir la protection du bien-être des animaux. En effet, puisque la plupart des produits dérivés du phoque présents sur le territoire de l’Union seraient originaires de pays tiers, l’interdiction prévue à l’article 3, paragraphe 1, du règlement n° 1007/2009 n’entraînerait pas d’amélioration du bien-être animal.

55      D’autre part, cette interdiction aurait des effets disproportionnés sur les populations inuit, et ce alors même qu’il aurait existé, selon les requérants, une mesure moins restrictive et plus efficace pour protéger les animaux tout en respectant les traditions inuit, à savoir l’étiquetage des produits dérivés du phoque afin d’informer l’acheteur potentiel du fait que ceux-ci proviennent d’animaux chassés par les Inuit. Cette possibilité, envisagée dans la proposition de règlement, aurait été à tort écartée comme l’ont fait le Parlement et le Conseil au considérant 12 du règlement n° 1007/2009.

56      En second lieu, les requérants soutiennent que le règlement n° 1007/2009 viole les articles 8 à 10 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la « CEDH »), ainsi que l’article 1er du premier protocole additionnel à la CEDH.

57      Premièrement, puisque le règlement n° 1007/2009 affecterait considérablement les conditions de vie des requérants, il devrait être examiné à la lumière de l’article 8 de la CEDH, qui consacre le droit au respect de la vie privée. À cet égard, les requérants font observer que les mesures politiques adoptées par les États membres qui ont une incidence importante sur les conditions de vie des individus doivent être considérées comme relevant du champ dudit article.

58      Deuxièmement, la chasse pratiquée par les Inuit ferait partie de leurs « convictions morales » et de leurs croyances relatives à la relation entre l’homme et la nature, plus particulièrement, les animaux sauvages. Ces convictions et croyances relèveraient de la protection de la liberté de pensée, de conscience et de religion ainsi que de la liberté d’expression prévues aux articles 9 et 10 de la CEDH.

59      Troisièmement, le règlement n° 1007/2009 ne tiendrait pas compte du droit à la propriété consacré à l’article 1er du premier protocole additionnel à la CEDH, qui serait également un principe général du droit de l’Union. L’interdiction prévue à l’article 3, paragraphe 1, dudit règlement aurait de « sérieuses incidences » sur la santé et le bien-être des populations inuit, et plus particulièrement sur le droit des requérants d’exploiter commercialement les produits dérivés du phoque, qui constitueraient une source importante de leurs revenus dans l’Union. Une telle restriction à l’usage du droit de propriété des requérants ne serait justifiée que lorsqu’elle est proportionnée par rapport à l’objectif poursuivi.

60      Tel ne serait pas le cas en l’espèce, puisque, selon les requérants, en adoptant le règlement n° 1007/2009, le Parlement et le Conseil n’auraient ont pas trouvé de juste équilibre mettant en balance les intérêts des Inuit et ceux poursuivis par ce règlement.

61      Par ailleurs, les populations inuit ne se seraient pas vu offrir une occasion adéquate d’exposer leur cause au législateur de l’Union avant l’adoption du règlement n° 1007/2009, en dépit du fait que leurs droits de propriété seraient restreints de manière significative par celui-ci.

62      Enfin, les requérants précisent que les droits reconnus par la CEDH et son premier protocole additionnel doivent être interprétés à la lumière des dispositions relatives à la protection des peuples autochtones en droit international.

63      En réponse aux arguments invoqués en premier lieu par les requérants, le Parlement et, en substance, le Conseil, font, d’abord, observer qu’il n’est pas nécessaire qu’un nombre minimal d’États membres ait adopté une législation dans une matière donnée, ou s’apprête à l’adopter, pour que l’article 95 CE puisse être utilisé comme base juridique d’un règlement. En effet, l’essentiel serait que, à la suite d’une appréciation globale de la situation, les institutions de l’Union concluent qu’une fragmentation du marché se soit produite ou puisse se produire en raison des disparités entre les législations nationales. Le cas d’espèce serait comparable à ceux dans lesquels la Cour aurait jugé que, lorsque le public devient de plus en plus conscient des dangers pour la santé dus à la consommation de certains produits contenant du tabac, il est probable que plusieurs États membres adoptent des mesures décourageant la consommation desdits produits (arrêts de la Cour du 14 décembre 2004, Arnold André, C‑434/02, Rec. p. I‑11825, point 38, et Swedish Match, C‑210/03, Rec. p. I‑11893, point 37).

64      Ensuite, le Parlement soutient que l’existence d’un faible commerce entre les États membres des produits dérivés du phoque ne préjuge pas la possibilité d’avoir recours à l’article 95 CE. Il en serait d’autant plus ainsi que, en l’espèce, d’autres produits seraient également concernés, dans la mesure où, comme le précise le considérant 7 du règlement n° 1007/2009, l’existence de dispositions nationales divergentes pourrait dissuader davantage les consommateurs d’acheter des produits qui ne sont pas dérivés du phoque, mais qui ne pourraient pas être aisément distingués de marchandises similaires dérivées du phoque, ou des produits qui peuvent inclure des éléments ou des ingrédients dérivés du phoque, sans que cela soit évident.

65      Le Parlement et le Conseil contestent, en outre, l’affirmation des requérants selon laquelle le but principal du règlement n° 1007/2009 serait de protéger le bien-être des animaux et font valoir que celui-ci vise, en revanche, à assurer le bon fonctionnement du marché intérieur tout en tenant compte du bien-être animal. Ainsi qu’il ressortirait du considérant 9 du règlement n° 1007/2009, la référence à ce dernier élément serait conforme au protocole sur la protection et le bien-être des animaux (ci-après le « protocole »), annexé au traité CE, en vertu duquel l’Union est tenue de prendre pleinement en compte les exigences du bien-être animal dans la formulation et la mise en œuvre de la politique du marché intérieur, notamment.

66      À cet égard, le Conseil rappelle que l’article 4 du règlement n° 1007/2009, intitulé « Libre circulation », prévoit que les États membres n’entravent pas la mise sur le marché des produits dérivés du phoque respectant ledit règlement. Dès lors, par analogie avec l’arrêt de la Cour du 10 décembre 2002, British American Tobacco (Investments) et Imperial Tobacco (C‑491/01, Rec. p. I‑11453, point 74), il devrait être considéré qu’un tel acte a pour objectif l’amélioration des conditions de fonctionnement du marché intérieur.

67      En ce qui concerne l’argument des requérants selon lequel le règlement n° 1007/2009 aurait dû également avoir pour base juridique l’article 133 CE, le Parlement et le Conseil estiment que le recours à cette seconde base juridique n’était pas nécessaire, puisque la restriction des importations des produits dérivés du phoque ne serait pas le but dudit règlement, mais une conséquence purement secondaire de celui-ci. Le Conseil précise, d’une part, qu’aucune conclusion ne saurait être tirée du fait que la proposition de règlement était fondée également sur l’article 133 CE, dans la mesure où celle-ci, à la différence de la version du règlement finalement approuvée, se référait explicitement aux importations, au transit et aux exportations et, d’autre part, que l’article 133 CE ne saurait être utilisé lorsqu’il s’agit de situations purement internes. En tout état de cause, selon le Conseil, l’omission de mentionner ledit article ne serait qu’un vice de pure forme.

68      S’agissant de la prétendue violation du principe de proportionnalité, le Parlement et le Conseil font valoir que les choix normatifs effectués par le législateur dans des domaines dans lesquels il jouit d’un large pouvoir d’appréciation, tels que celui du marché intérieur, ne peuvent être remis en cause que lorsqu’ils apparaissent manifestement erronés. À cet égard, ils font observer que, selon le protocole, le législateur devait tenir compte du bien-être des animaux et qu’il était en droit d’interdire la mise sur le marché des produits dérivés du phoque au motif qu’une telle mesure était la plus appropriée pour supprimer les entraves à la libre circulation des produits concernés tout en réduisant indirectement la demande à l’origine de la chasse des phoques à des fins commerciales.

69      En ce qui concerne la prétendue alternative représentée par l’étiquetage, le Parlement et le Conseil soutiennent qu’il n’était, et qu’il n’est toujours pas, certain qu’elle aurait été une solution praticable, au vu notamment des difficultés qu’elle aurait impliquées pour les opérateurs économiques concernés. À cet égard, le Parlement précise que l’étiquetage pourrait néanmoins être choisi par la Commission comme permettant la commercialisation de produits dérivés du phoque provenant notamment de la chasse pratiquée par les Inuit, dans la mesure où il s’agirait d’attester l’origine inuit des produits et non le respect d’un niveau donné de bien-être des animaux.

70      S’agissant du caractère prétendument disproportionné des effets du règlement n° 1007/2009 sur les Inuit, le Parlement et le Conseil font remarquer que l’exception prévue par celui-ci au profit de ces populations répond précisément aux soucis des requérants, sans que ces derniers aient démontré que tel ne serait pas le cas.

71      S’agissant des arguments avancés en second lieu par les requérants, le Parlement et le Conseil mettent en exergue, d’abord, que, à supposer même que ceux-ci soient individuellement concernés par le règlement n° 1007/2009, cela ne signifierait pas pour autant que le législateur aurait dû les entendre avant d’adopter ledit acte, la base juridique de ce dernier ne prévoyant pas de telle obligation. En tout état de cause, les Inuit auraient eu l’occasion de s’exprimer au cours du processus législatif.

72      Ensuite, le Parlement et le Conseil soutiennent que les requérants n’ont même pas cherché à démontrer que le règlement n° 1007/2009 porterait atteinte au respect de leur vie privée, à leurs croyances religieuses ainsi qu’à leur liberté d’expression et qu’un tel effet doit, en tout état de cause, être exclu, puisque ledit règlement prévoit que l’interdiction qu’il entraîne ne concerne pas les produits dérivés du phoque provenant de la chasse pratiquée par les Inuit.

73      Enfin, le Parlement et le Conseil font valoir que les phoques ne sauraient être considérés comme une propriété des Inuit. Dès lors, il n’existerait aucun droit de propriété auquel le règlement n° 1007/2009 apporterait une restriction.

–       Appréciation du juge des référés

74      Selon une jurisprudence constante, si la simple constatation de disparités entre les réglementations nationales ne suffit pas pour justifier le recours à l’article 95 CE, il en va différemment en cas de divergences entre les dispositions législatives, réglementaires ou administratives des États membres qui sont de nature à entraver les libertés fondamentales et à avoir ainsi une incidence directe sur le fonctionnement du marché intérieur (voir arrêt de la Cour du 12 décembre 2006, Allemagne/Parlement et Conseil, C‑380/03, Rec. p. I‑11573, point 37, et la jurisprudence citée).

75      Il résulte également d’une jurisprudence constante que, si le recours à l’article 95 CE comme base juridique est possible en vue de prévenir des obstacles futurs aux échanges résultant de l’évolution hétérogène des législations nationales, l’apparition de tels obstacles doit être vraisemblable et la mesure en cause doit avoir pour objet leur prévention (voir arrêt Allemagne/Parlement et Conseil, précité, point 38, et la jurisprudence citée).

76      Il a par ailleurs déjà été jugé que, dès lors que les conditions du recours à l’article 95 CE comme base juridique se trouvent remplies, le législateur ne saurait être empêché de se fonder sur cette base juridique du fait que d’autres considérations, telles que celles relatives à la protection de la santé publique, sont déterminantes dans les choix à faire (voir, en ce sens, arrêt Allemagne/Parlement et Conseil, précité, point 39, et la jurisprudence citée).

77      Ce même raisonnement vaut, prima facie, à l’égard de la protection et du bien-être des animaux, dans la mesure où il ressort du protocole que, lorsqu’ils formulent et mettent en œuvre la politique de l’Union, notamment dans le domaines du marché intérieur, l’Union et les États membres doivent pleinement tenir compte des exigences du bien-être des animaux en tant qu’êtres sensibles, tout en respectant les dispositions législatives ou administratives et les usages des États membres en matière notamment de rites religieux, de traditions culturelles et de patrimoines régionaux.

78      Il découle, à première vue, de ce qui précède que, lorsqu’il existe des obstacles aux échanges ou qu’il est vraisemblable que de tels obstacles vont surgir dans le futur, en raison du fait que les États membres ont pris, ou sont en train de prendre, à l’égard d’un produit ou d’une catégorie de produits, des mesures divergentes de nature à assurer un niveau de protection différent et à empêcher de ce fait le ou les produits concernés de circuler librement dans l’Union, l’article 95 CE habilite le législateur à intervenir en arrêtant les mesures appropriées dans le respect, d’une part, du paragraphe 3 dudit article et, d’autre part, des principes juridiques mentionnés dans le traité ou dégagés par la jurisprudence, notamment du principe de proportionnalité (voir arrêt Allemagne/Parlement et Conseil, précité, point 41, et la jurisprudence citée).

79      Il convient néanmoins de rappeler que le recours à l’article 95 CE n’est pas justifié lorsque l’acte à adopter n’a qu’accessoirement pour effet d’harmoniser les conditions du marché intérieur (voir arrêt de la Cour du 18 novembre 1999, Commission/Conseil, C‑209/97, Rec. p. I‑8067, point 35, et la jurisprudence citée).

80      Ensuite, il y a lieu de relever que, par l’expression « mesures relatives au rapprochement » figurant à l’article 95 CE, les auteurs du traité ont voulu conférer au législateur, en fonction du contexte général et des circonstances spécifiques de la matière à harmoniser, une marge d’appréciation quant à la technique de rapprochement la plus appropriée afin d’aboutir au résultat souhaité, notamment dans des domaines qui se caractérisent par des particularités techniques complexes (voir arrêt Allemagne/Parlement et Conseil, précité, point 42, et la jurisprudence citée).

81      En fonction des circonstances, ces mesures peuvent consister à obliger l’ensemble des États membres à autoriser la commercialisation du ou des produits concernés, à assortir une telle obligation d’autorisation de certaines conditions, voire à interdire, provisoirement ou définitivement, la commercialisation d’un ou de certains produits (voir arrêt Allemagne/Parlement et Conseil, précité, point 43, et la jurisprudence citée).

82      C’est à la lumière de ces principes qu’il convient de vérifier si les arguments invoqués par les requérants relatifs à la base juridique du règlement n° 1007/2009 permettent au juge des référés de considérer que la condition relative au fumus boni juris est satisfaite.

83      À cet égard, le juge des référés considère que le fait que le législateur ait tenu compte du bien-être des animaux ne représente pas, en soi, une circonstance permettant de conclure, prima facie, que l’article 95 CE ne saurait constituer une base juridique valide pour le règlement n° 1007/2009.

84      Il convient toutefois d’examiner la question de savoir si le règlement n° 1007/2009 a, ainsi que le soutiennent les requérants, comme objectif principal le bien-être des animaux et si, de ce fait, l’harmonisation du marché intérieur n’est qu’un effet accessoire de ce règlement.

85      Le juge des référés constate que les principes rappelés ci-dessus ont été énoncés principalement dans le cadre d’affaires relatives au commerce et à la publicité de produits contenant du tabac et que les actes litigieux concernaient tant la fabrication au sein de l’Union que l’importation dans celle-ci des produits en cause [arrêt British American Tobacco (Investments) et Imperial Tobacco, précité, point 16]. C’est ainsi que la Cour a pu relever que les mesures d’interdiction ou de limitation de la publicité en faveur des produits du tabac étaient susceptibles de gêner davantage l’accès au marché des produits originaires d’autres États membres que celui des produits nationaux (arrêt Allemagne/Parlement et Conseil, précité, point 56) et que la publicité en faveur du tabac effectuée par des émissions radiodiffusées et par les services de la société de l’information avait un caractère transfrontalier qui permettait aux entreprises de fabrication et de commercialisation du tabac de développer des stratégies de marketing visant à l’élargissement de la clientèle en dehors de l’État membre dont celles-ci émanent (arrêt Allemagne/Parlement et Conseil, précité, point 63).

86      Par ailleurs, lorsque la Cour a jugé que des mesures nationales d’interdiction de commercialisation des produits du tabac contribuaient à une évolution hétérogène de ce marché et étaient ainsi de nature à constituer des obstacles à la libre circulation des marchandises, elle a notamment relevé la circonstance que le marché desdits produits était un marché sur lequel les échanges entre États membres étaient relativement importants (arrêt Swedish Match, précité, point 38).

87      Il convient de rappeler, toutefois, que la Cour a également jugé que le recours à la base juridique de l’article 95 CE ne présupposait pas l’existence d’un lien effectif avec la libre circulation entre les États membres dans chacune des situations visées par l’acte fondé sur une telle base. En effet, ce qui semble importer, pour justifier le recours à la base juridique de l’article 95 CE, c’est que l’acte adopté sur ce fondement ait effectivement pour objet l’amélioration des conditions d’établissement et de fonctionnement du marché intérieur (arrêt Allemagne/Parlement et Conseil, précité, point 80).

88      En l’espèce, il est constant que la fabrication des produits dérivés du phoque dans l’Union est rare. Dès lors, il ne saurait être totalement exclu, prima facie, que l’objectif du règlement n° 1007/2009 soit celui d’interdire l’importation desdits produits de pays tiers, à l’exception de certains, dont ceux provenant de la chasse Inuit. L’harmonisation du marché intérieur ne concerne, en effet, que ces produits.

89      Certes, selon les considérants 7 et 8 du règlement n° 1007/2009, l’existence de dispositions nationales divergentes peut dissuader davantage les consommateurs d’acheter des produits qui ne sont pas dérivés du phoque, mais qui ne pourraient pas être aisément distingués de marchandises similaires dérivées du phoque, ou des produits qui peuvent inclure des éléments ou des ingrédients dérivés du phoque, sans que cela soit évident, comme les fourrures, les gélules et huiles oméga-3 ainsi que les produits en cuir. Dès lors, les mesures d’harmonisation prévues par ledit règlement éviteraient une perturbation du marché intérieur des produits concernés, y compris les produits équivalents ou substituables aux produits dérivés du phoque. Toutefois, la question de savoir dans quelle mesure les produits dérivés du phoque et les autres produits visés par ces considérants sont susceptibles d’être confondus semble mériter une analyse approfondie dans le cadre de l’examen du recours principal.

90      Par ailleurs, contrairement à ce que soutient le Conseil, il ne paraît, à première vue, pas certain que le règlement n° 1007/2009 comporte des mesures purement internes, avec la conséquence que le recours à l’article 133 CE en tant que base juridique ne serait pas envisageable (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 12 décembre 2002, Commission/Conseil, C‑281/01, Rec. p. I‑12049, point 46).

91      Dans ces circonstances, le juge des référés ne saurait totalement écarter, a priori, l’hypothèse selon laquelle, lors de l’examen du recours principal, le Tribunal considère que les éléments développés aux considérants 7 et 8 du règlement n° 1007/2009 ne suffisent pas pour justifier l’adoption dudit règlement sur la base de l’article 95 CE.

92      Tout en admettant qu’une simple pratique du Conseil n’est pas susceptible de déroger à des règles du traité et qu’elle ne peut, par conséquent, créer un précédent liant les institutions de l’Union quant au choix de la base juridique correcte (avis de la Cour 1/08, du 30 novembre 2009, non encore publié au Recueil, point 172 ; arrêt de la Cour du 28 novembre 2006, Parlement/Conseil, C‑414/04, Rec. p. I‑11279, point 37), le juge des référés observe que, à première vue, l’hypothèse visée au point 91 ci-dessus pourrait être corroborée par le fait que la directive 83/129/CEE du Conseil, du 28 mars 1983, concernant l’importation dans les États membres de peaux de certains bébés-phoques et de produits dérivés (JO L 91, p. 30), citée au considérant 2 du règlement n° 1007/2009, n’a pas été adoptée sur le fondement d’une disposition du traité relative au marché intérieur, mais sur la base de l’article 235 du traité CEE. Cette directive prévoit que les États membres prennent ou maintiennent toutes les mesures nécessaires pour assurer que les peaux de certains bébés-phoques et les produits dérivés ne soient pas importés à des fins commerciales sur leur territoire, tout en précisant qu’elle ne s’applique qu’aux produits ne provenant pas de la chasse traditionnelle pratiquée par les populations inuit.

93      En ce qui concerne l’argument du Conseil selon lequel, à supposer même que le règlement n° 1007/2009 ait dû avoir pour base juridique également l’article 133 CE, l’erreur commise serait de pure forme, le juge des référés observe que, certes, aux termes de l’arrêt British American Tobacco (Investments) et Imperial Tobacco, précité (point 98), une référence erronée à l’article 133 CE comme seconde base juridique d’un acte fondé également sur l’article 95 CE n’entraîne pas par elle-même l’invalidité de celle-ci. Toutefois, la Cour a précisé à cette même occasion qu’une telle erreur devait être considérée comme un vice purement formel, sauf si elle a entaché d’irrégularité la procédure applicable pour l’adoption de cet acte.

94      Or, puisque, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt British American Tobacco (Investments) et Imperial Tobacco, précité, l’acte en cause avait pour base juridique tant l’article 95 CE que l’article 133 CE et que la Cour est parvenue à la conclusion que seul le premier article aurait dû être utilisé, elle a pu se limiter à constater que, en tout état de cause, la procédure de codécision requise par l’article 95 CE avait été suivie, sans qu’il ait été nécessaire de se prononcer sur l’argument selon lequel l’application de la procédure de codécision lors de l’adoption d’une mesure concernant la politique commerciale commune était contraire à la répartition des compétences entre institutions voulue par le traité (point 110). En l’espèce, dans la mesure où la controverse relative aux bases juridiques se pose dans des termes différents, il ne saurait être a priori exclu que, dans le cadre du recours principal, le Tribunal parvienne à une solution différente.

95      Il résulte de ce qui précède que les moyens invoqués par les requérants révèlent l’existence d’une controverse juridique importante dont la solution ne s’impose pas d’emblée, de sorte que, à première vue, le recours n’est pas dépourvu de fondement sérieux (voir ordonnance du président de la Cour du 8 mai 2003, Commission/Artegodan e.a., C‑39/03 P‑R, Rec. p. I‑4485 point 40, et la jurisprudence citée). En effet, le recours principal soulève a priori des questions complexes et délicates méritant un examen approfondi, qui ne saurait être effectué par le juge des référés, mais doit faire l’objet de la procédure principale. Dès lors, sans nullement préjuger la position du Tribunal sur le recours principal, le juge des référés ne saurait donc, à ce stade, considérer les griefs invoqués par la requérante comme manifestement dépourvus de tout fondement. Par conséquent, ces griefs apparaissent, à première vue, suffisamment pertinents et sérieux pour constituer un fumus boni juris de nature à justifier l’octroi des mesures provisoires demandées [voir, en ce sens, ordonnance du président de la Cour du 16 juillet 1993, France/Commission, C‑296/93 R, Rec. p. I‑4181, point 17 ; ordonnance de la Cour du 29 juin 1994, Commission/Grèce, C‑120/94 R, Rec. p. I‑3037, points 69 et 70 ; ordonnances du président du Tribunal du 12 mai 1995, SNCF et British Railways/Commission, T‑79/95 R et T‑80/95 R, Rec. p. II‑1433, point 35, et du 28 avril 2009, United Phosphorus/Commission, T‑95/09 R, non publiée au Recueil, point 31], sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur les autres moyens des requérants.

 Sur l’urgence

–       Arguments des parties

96      Les requérants font valoir que, en raison de l’interdiction prévue à l’article 3, paragraphe 1, du règlement n° 1007/2009, ils subiront un préjudice grave et irréparable.

97      En effet, premièrement, la chasse aux phoques, indispensable aux Inuit pour se fournir en viande desdits animaux, laquelle constitue un élément fondamental de leur alimentation et de leur culture, entraînerait des coûts très élevés qui pourraient être supportés seulement grâce à la vente des peaux de phoques, sous-produits de la chasse. Avec peu de sources de revenus, un taux de chômage très élevé et un grand nombre de foyers vivant sous le seuil de pauvreté, la chasse serait une source essentielle de nourriture pour les familles inuit.

98      Deuxièmement, si la chasse n’était plus rentable, les Inuit seraient confrontés à une situation très difficile étant donné non seulement la pénurie d’autres activités économiques, mais également le fait que les aspects sociaux et culturels de la chasse aux phoques seraient essentiels à leur santé et à leur bien-être. Ces aspects auraient trait au lien étroit des Inuit avec la terre, la mer et la glace, lien qui aurait traditionnellement contribué, et contribuerait toujours, à la préservation de la culture, de l’identité et de l’autonomie des Inuit. L’utilisation et le partage des phoques après la chasse, fondés sur des pratiques ancestrales, seraient très importants pour la préservation des relations sociales, familiales et communautaires des Inuit.

99      Troisièmement, selon les requérants, le marché de l’Union a toujours été très important pour l’économie inuit et l’industrie de transformation du phoque en général. En effet, il ressortirait de l’analyse d’impact annexée à la proposition de règlement que les importations dans l’Union en 2006 en provenance du Canada se sont élevées à 720 039 euros et en provenance du Groenland à 1 419 042 euros et que les Inuit gagnent approximativement un million de dollars canadiens (CAD) (soit près de 650 000 euros) grâce aux exportations, lesquelles ne se feraient toutefois pas exclusivement à destination des États membres. Selon une estimation faite en 2005 par le département de l’Environnement de la province inuit du Nunavut, la chasse aux phoques dans son ensemble contribuait annuellement à l’économie de celle-ci à hauteur de 800 000 CAD. Il s’ensuivrait que l’application du règlement n° 1007/2009 entraînerait un préjudice grave et irréparable étant donné que, même selon les hypothèses les plus prudentes, il éliminerait au moins la moitié du revenu des Inuit.

100    Quatrièmement, les requérants soulignent qu’il serait improbable que les relations commerciales actuelles avec l’Union puissent être restaurées si le règlement n° 1007/2009 était annulé par le Tribunal. En effet, les consommateurs de produits dérivés du phoque auraient entre-temps probablement recours à des produits alternatifs.

101    Cinquièmement, selon les requérants, la mise en application du règlement n° 1007/2009 entraînerait pour les Inuit un grand nombre de nouveaux problèmes sociaux, environnementaux et de santé, comparables, mais à une échelle plus importante, à ceux constatés après l’interdiction du commerce des bébés-phoques prévue par la directive 83/129.

102    Sixièmement, le règlement n° 1007/2009 provoquerait probablement la disparition notamment du marché des infrastructures telles que les établissements de vente aux enchères et les tanneries, qui appartiendraient majoritairement à des sociétés commerciales non inuit. La perte de ce marché entraînerait découragement et perte de confiance dans l’avenir de la chasse aux phoques.

103    Enfin, les requérants soutiennent que, les populations inuit n’exportant pas elles-mêmes les produits dérivés du phoque, la dérogation que le règlement n° 1007/2009 prévoit au bénéfice des Inuit restera une « boîte vide ». À cet égard, il ressortirait de l’analyse d’impact accompagnant la proposition de règlement que l’interdiction relative à l’importation, dans les États membres, de peaux de bébés-phoques prévue par la directive 83/129 n’aurait pas empêché que, dans les années 80, les Inuit aient souffert des effets préjudiciables que cette directive aurait entraînés sur l’image des produits dérivés du phoque en général.

104    Le Parlement et le Conseil contestent les arguments des requérants.

–       Appréciation du juge des référés

105    Selon une jurisprudence constante, le caractère urgent d’une demande en référé doit s’apprécier par rapport à la nécessité qu’il y a de statuer provisoirement afin d’éviter qu’un préjudice grave et irréparable ne soit occasionné à la partie qui sollicite les mesures provisoires. C’est à cette dernière partie qu’il appartient d’établir qu’elle ne saurait attendre l’issue de la procédure principale sans avoir à subir un préjudice de cette nature (ordonnances du président du Tribunal du 15 novembre 2001, Duales System Deutschland/Commission, T‑151/01 R, Rec. p. II‑3295, point 187, et du 25 avril 2008, Vakakis/Commission, T‑41/08 R, non publiée au Recueil, point 52), ce qui suppose qu’elle fournisse des indications concrètes permettant au juge des référés d’apprécier les conséquences précises qui résulteraient, vraisemblablement, de l’absence des mesures demandées (ordonnance du président de la Cour du 22 janvier 1988, Top Hit Holzvertrieb/Commission, 378/87 R, Rec. p. 161, point 18, et ordonnance du président du Tribunal du 18 octobre 2001, Aristoteleio Panepistimio Thessalonikis/Commission, T‑196/01 R, Rec. p. II‑3107, point 32).

106    En outre, le préjudice allégué doit être certain ou, à tout le moins, établi avec une probabilité suffisante, étant précisé que la partie requérante demeure tenue de prouver les faits qui sont censés fonder la perspective de ce préjudice. Un préjudice de nature purement hypothétique, en ce qu’il est fondé sur la survenance d’événements futurs et incertains, ne saurait justifier l’octroi des mesures provisoires [voir, en ce sens, ordonnance du président de la Cour du 14 décembre 1999, HFB e.a./Commission, C‑335/99 P(R), Rec. p. I‑8705, point 67 ; ordonnances du président du Tribunal du 19 décembre 2001, Government of Gibraltar/Commission, T‑195/01 R et T‑207/01 R, Rec. p. II‑3915, point 101, et du 10 juillet 2009, TerreStar Europe/Commission, T‑196/09 R, non publiée au Recueil, point 54].

107    Il est également de jurisprudence constante qu’un préjudice d’ordre financier, ne peut, sauf circonstances exceptionnelles, être regardé comme irréparable ou même difficilement réparable, dès lors qu’il peut normalement faire l’objet d’une compensation financière ultérieure [ordonnance du président de la Cour du 11 avril 2001, Commission/Cambridge Healthcare Supplies, C‑471/00 P(R), Rec. p. I‑2865, point 113, et ordonnance du président du Tribunal du 15 juin 2001, Bactria/Commission, T‑339/00 R, Rec. p. II‑1721, point 94].

108    En l’espèce, s’agissant du préjudice financier invoqué, le juge des référés observe que, en ce qui concerne les requérants personnes physiques, le caractère grave et irréparable ne saurait être exclu et qu’il conviendrait de s’assurer, eu égard aux circonstances propres à la situation de chacun de ces requérants, qu’il dispose d’une somme devant normalement lui permettre de faire face à l’ensemble des dépenses indispensables pour assurer la satisfaction de ses besoins élémentaires et de ceux de sa famille jusqu’au moment où il sera statué sur le recours principal (voir, en ce sens, ordonnance du président du Tribunal du 7 mai 2002, Aden e.a./Conseil et Commission, T‑306/01 R, Rec. p. II‑2387, point 94).

109    Toutefois, l’analyse nécessaire pour reconnaître l’existence d’un tel préjudice coïncide largement avec celle relative à l’autre préjudice invoqué par les requérants, à savoir la prétendue impossibilité de continuer à vivre selon leur culture et leurs traditions en raison de l’interdiction prévue par le règlement n° 1007/2009. Un tel préjudice, s’il était prouvé, pourrait être considéré comme susceptible de justifier l’octroi de la mesure provisoire sollicitée.

110    À cet égard, il convient d’observer que, s’il était prouvé qu’un tel préjudice découlait du règlement n° 1007/2009, le juge des référés devrait apprécier si l’abandon des activités économiques visées par ce règlement dans le cadre du recours principal pourrait déjà se produire avant qu’il ne soit statué sur ce dernier, sans qu’il soit possible de reprendre ces activités dans l’hypothèse où l’acte en cause serait annulé (voir, en ce sens, ordonnance du président de la Cour du 28 février 2008, France/Conseil, C‑479/07 R, non publiée au Recueil, point 28).

111    En l’espèce, il ressort clairement des considérants 14 et 17 ainsi que de l’article 3, paragraphes 1 et 4, et de l’article 5 du règlement n° 1007/2009 que le législateur, ne souhaitant pas compromettre les intérêts économiques et sociaux fondamentaux des communautés inuit pratiquant la chasse aux phoques à des fins de subsistance, a admis la mise sur le marché des produits dérivés du phoque provenant de ces formes de chasse et que, à cette fin, il a chargé la Commission de définir, notamment, les conditions dans lesquelles cette mise sur le marché pourra se faire. Selon la réponse de la Commission à la question que le juge des référés lui a posée, l’adoption des mesures d’exécution du règlement n° 1007/2009 concernant, notamment, cette question pourrait intervenir au cours du mois de mai 2010.

112    Dès lors, le juge des référés considère que l’argument des requérants selon lequel l’exception en leur faveur prévue à l’article 3, paragraphe 1, du règlement n° 1007/2009 serait une « boîte vide » ne saurait, à ce stade, être retenu, dans la mesure où, la Commission n’ayant pas encore adopté, ni même formulé une proposition concernant les mesures d’exécution relatives à ladite exception, la portée et les effets de celle-ci ne peuvent être appréciés.

113    Cette conclusion s’applique également à la crainte exprimée par les requérants quant au fait que les chasseurs inuit n’exportent pas eux-mêmes les produits dérivés du phoque, mais ont recours à des intermédiaires qui ne sont pas forcément inuit. En effet, l’article 3, paragraphe 1, du règlement n° 1007/2009 autorisant la mise sur le marché des produits « provenant » notamment de la chasse pratiquée par les Inuit, rien n’oblige la Commission à définir les mesures d’exécution de manière à exclure les produits d’origine inuit importés dans l’Union par des intermédiaires non inuit.

114    En ce qui concerne l’argument des requérants selon lequel l’exception au profit des Inuit prévue par la directive 83/129 n’aurait pas produit d’effets, il y a lieu de noter, d’une part, que, avant l’adoption des mesures d’exécution relatives à l’exception à l’interdiction prévue par le règlement n° 1007/2009, il n’est pas possible d’effectuer de comparaison et, d’autre part, que les requérants eux-mêmes admettent que les effets négatifs que ladite directive a entraînés à l’égard des Inuit ne découlaient pas de l’interdiction qu’elle avait introduite, en tant que telle, mais de l’effet psychologique qu’elle avait engendré auprès des acheteurs potentiels quant à la nécessité de respecter les animaux.

115    De telles réactions négatives de la part des acheteurs potentiels ne peuvent être considérées comme des conséquences du règlement n° 1007/2009, parce que celui-ci ne fournit aucune nouvelle information sur le fait que les phoques sont des animaux sensibles pouvant ressentir de la douleur, de la détresse, de la peur et d’autres formes de souffrance. Ainsi, lesdites réactions négatives, à les supposer avérées, constitueraient un choix autonome fait par les acheteurs potentiels, lequel constituerait la cause déterminante du préjudice allégué (voir, en ce sens, ordonnance du président du Tribunal du 26 mars 2010, SNF/ECHA, T‑1/10 R, non publié au Recueil, point 66).

116    Il ressort de ce qui précède que les requérants n’ont pas démontré l’existence de circonstances créant une urgence de nature à justifier l’octroi de mesures provisoires.

117    L’existence de l’urgence n’étant pas établie, il y a lieu de rejeter la présente demande, sans qu’il soit nécessaire d’examiner si la condition relative à la mise en balance des intérêts est remplie.

Par ces motifs,

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

ordonne :

1)      L’avis du service juridique du Conseil de l’Union européenne, du 18 février 2009, relatif à la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant le commerce de produits dérivés du phoque, présentée par la Commission des Communautés européennes [COM (2008) 469 final, du 23 juillet 2008], figurant en annexe A 4 à la demande en référé, et l’extrait dudit avis contenu au point 16 de cette même demande sont retirés du dossier de l’affaire T‑18/10 R.

2)      La demande en référé est rejetée.

3)      Les dépens sont réservés.

Fait à Luxembourg, le 30 avril 2010.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       M. Jaeger


* Langue de procédure : l’anglais.