Language of document : ECLI:EU:T:2007:383

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre élargie)

12 décembre 2007 (*)

« Aides d’État – Directive 92/81/CEE – Droit d’accise sur les huiles minérales – Huiles minérales utilisées comme combustible pour la production d’alumine – Exonération accordée par les autorités françaises, irlandaises et italiennes – Aides nouvelles – Aides existantes – Obligation de motivation – Relevé d’office »

Dans les affaires jointes T‑50/06, T‑56/06, T‑60/06, T‑62/06 et T‑69/06,

Irlande, représentée par M. D. O’Hagan, en qualité d’agent, assisté de M. P. McGarry, barrister,

partie requérante dans l’affaire T‑50/06,

République française, représentée par M. G. de Bergues et Mme S. Ramet, en qualité d’agents,

partie requérante dans l’affaire T‑56/06,

République italienne, représentée par M. G. Aiello, avvocato dello Stato,

partie requérante dans l’affaire T‑60/06,

Eurallumina SpA, établie à Portoscuso (Italie), représentée par Mme L. Martin Alegi, M. R. Denton et Mme M. Garcia, solicitors,

partie requérante dans l’affaire T-62/06,

Aughinish Alumina Ltd, établie à Askeaton (Irlande), représentée par M. J. Handoll et Mme C. Waterson, solicitors,

partie requérante dans l’affaire T‑69/06,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. V. Di Bucci, N. Khan, P. Stancanelli et Mme K. Walkerová, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet des demandes d’annulation de la décision 2006/323/CE de la Commission, du 7 décembre 2005, concernant l’exonération du droit d’accise sur les huiles minérales utilisées comme combustible pour la production d’alumine dans la région de Gardanne, dans la région du Shannon et en Sardaigne, mise en oeuvre respectivement par la France, l’Irlande et l’Italie (JO 2006, L 119, p. 12),

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (deuxième chambre élargie),

composé de MM. A. W. H. Meij, faisant fonction de président, N. J. Forwood et S. Papasavvas, juges,

greffier : M. J. Palacio González, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 13 juin 2007,

rend le présent

Arrêt

 Cadre juridique et factuel

 Dispositions communautaires relatives aux aides d’État

1        Aux termes de l’article 87, paragraphe 1, CE, « [s]auf dérogations prévues par le présent traité, sont incompatibles avec le marché commun, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d’État sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions ».

2        Les règles de procédure que le traité établit en matière d’aides d’État varient selon que les aides sont existantes ou nouvelles. Tandis que les premières sont soumises à l’article 88, paragraphes 1 et 2, CE, les secondes sont régies, chronologiquement, par les paragraphes 3 et 2 du même article.

3        En ce qui concerne les aides existantes, l’article 88, paragraphe 1, CE, donne compétence à la Commission pour procéder à leur examen permanent avec les États membres. Dans le cadre de cet examen, la Commission propose à ceux-ci les mesures utiles exigées par le développement progressif ou le fonctionnement du marché commun. L’article 88, paragraphe 2, CE dispose ensuite que, si, après avoir mis les intéressés en demeure de présenter leurs observations, la Commission constate qu’une aide n’est pas compatible avec le marché commun en vertu de l’article 87 CE, ou que cette aide est appliquée de manière abusive, elle décide que l’État intéressé doit la supprimer ou la modifier dans le délai qu’elle détermine.

4        L’article 1er du règlement (CE) n° 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article [88 CE] (JO L 83, p. 1), comporte notamment les définitions suivantes :

« a)      aide : toute mesure remplissant tous les critères fixés à l’article [87], paragraphe 1, [CE] ;

b)      aide existante :

i)      [...] toute aide existant avant l’entrée en vigueur du traité dans l’État membre concerné [...] ;

ii)      toute aide autorisée, c’est-à-dire les régimes d’aides et les aides individuelles autorisés par la Commission ou le Conseil ;

iii)      toute aide qui est réputée avoir été autorisée conformément à l’article 4, paragraphe 6, du présent règlement, ou avant le présent règlement, mais conformément à la présente procédure ;

iv)      toute aide réputée existante conformément à l’article 15 ;

v)      toute aide qui est réputée existante parce qu’il peut être établi qu’elle ne constituait pas une aide au moment de sa mise en vigueur, mais qui est devenue une aide par la suite en raison de l’évolution du marché commun et sans avoir été modifiée par l’État membre. Les mesures qui deviennent une aide suite à la libéralisation d’une activité par le droit communautaire ne sont pas considérées comme une aide existante après la date fixée pour la libéralisation ;

[...] »

 Alumine

5        L’alumine (ou oxyde d’aluminium) est une poudre blanche principalement utilisée dans les fonderies pour produire de l’aluminium. Elle est extraite de la bauxite par un procédé de raffinage dont la dernière étape est la calcination. L’alumine calcinée est utilisée à plus de 90 % pour la fusion de l’aluminium. Le reste est soumis à de nouvelles transformations et est utilisé dans des applications chimiques. Il existe deux marchés de produits distincts, à savoir celui de l’alumine métallurgique et celui de l’alumine chimique. Des huiles minérales (dont le fioul lourd) peuvent être utilisées comme combustible pour la production d’alumine.

6        Il n’y a qu’un seul producteur d’alumine en Irlande, en Italie et en France. Il s’agit, respectivement, d’Aughinish Alumina Ltd, établie dans la région du Shannon, d’Eurallumina SpA, établie en Sardaigne, et d’Alcan Inc., établie dans la région de Gardanne. Des producteurs d’alumine sont également présents en Allemagne, en Espagne, en Grèce, en Hongrie et au Royaume-Uni.

 Directives relatives aux droits d’accises sur les huiles minérales

7        La directive 92/81/CEE du Conseil, du 19 octobre 1992, concernant l’harmonisation des structures des droits d’accises sur les huiles minérales (JO L 316, p. 12) définit les règles relatives aux droits d’accises sur les huiles minérales.

8        Selon l’article 1er, paragraphes 1 et 2, de la directive 92/81, les États membres appliquent aux huiles minérales une accise harmonisée conformément à cette directive et ils fixent les taux d’accises conformément à la directive 92/82/CEE du Conseil, du 19 octobre 1992, concernant le rapprochement des taux d’accises sur les huiles minérales (JO L 316, p. 19).

9        L’article 8, paragraphe 4, de la directive 92/81 permet au Conseil d’autoriser un État membre à introduire des exonérations ou des réductions de taux d’accise, autres que celles explicitement prévues par cette directive. Il énonce :

« Le Conseil, statuant à l’unanimité sur proposition de la Commission, peut autoriser un État membre à introduire des exonérations ou des réductions supplémentaires pour des raisons de politiques spécifiques.

Tout État membre souhaitant introduire une telle mesure en informe la Commission et lui communique également toutes les informations pertinentes ou nécessaires. La Commission informe les autres États membres de la mesure proposée dans un délai d’un mois.

Le Conseil est réputé avoir autorisé l’exonération ou la réduction proposée si, dans un délai de deux mois à compter de la date à laquelle les autres États membres ont été informés conformément au deuxième alinéa, ni la Commission ni aucun État membre n’a demandé que cette question soit examinée par le Conseil. »

10      Aux termes de l’article 8, paragraphe 5, de la directive 92/81, « [s]i la Commission considère que les exonérations ou réductions visées au paragraphe 4 ne peuvent plus être maintenues, notamment pour des raisons de concurrence déloyale ou de distorsion dans le fonctionnement du marché intérieur ou pour des motifs liés à la politique communautaire de protection de l’environnement, elle présente au Conseil des propositions appropriées. Le Conseil statue à l’unanimité sur ces propositions ».

11      L’article 6 de la directive 92/82 a fixé le taux minimal d’accise sur le fioul lourd que les États devaient appliquer, à partir du 1er janvier 1993, à 13 euros par tonne.

12      La directive 2003/96/CE du Conseil, du 27 octobre 2003, restructurant le cadre communautaire de taxation des produits énergétiques et de l’électricité (JO L 283, p. 51), a abrogé les directives 92/81 et 92/82 avec effet au 31 décembre 2003.

13      Conformément à son article 2, paragraphe 4, sous b), deuxième tiret, la directive 2003/96 ne s’applique pas aux utilisations de produits énergétiques à double usage. Selon cette même disposition, un produit énergétique est à double usage lorsqu’il est destiné à être utilisé à la fois comme combustible et pour des usages autres que ceux de carburant ou de combustible. L’utilisation de produits énergétiques pour la réduction chimique et l’électrolyse ainsi que dans les procédés métallurgiques est considérée comme un double usage. Aussi, depuis le 1er janvier 2004, il n’y a plus de taux minimal d’accise sur le fioul lourd utilisé pour la production d’alumine.

14      En outre, l’article 18, paragraphe 1, de la directive 2003/96 prévoit que, sous réserve d’un examen préalable du Conseil, sur la base d’une proposition de la Commission, les États membres sont autorisés à continuer d’appliquer les niveaux réduits de taxation ou les exonérations énumérés à l’annexe II jusqu’au 31 décembre 2006. Les points 6, 7 et 8 de cette annexe II visent, notamment, l’exonération de droits d’accise du fioul lourd utilisé comme combustible dans la production d’alumine respectivement dans les régions de Gardanne et du Shannon et en Sardaigne.

 Décisions du Conseil adoptées sur la base de l’article 8, paragraphe 4, de la directive 92/81

15      Depuis 1983, l’Irlande exonère de droit d’accise les huiles minérales utilisées pour la production d’alumine dans la région du Shannon. Cette exonération (ci‑après l’« exonération irlandaise ») a été autorisée par la décision 92/510/CEE du Conseil, du 19 octobre 1992, autorisant les États membres à continuer à appliquer à certaines huiles minérales utilisées à des fins spécifiques les réductions de taux d’accise ou les exonérations d’accises existantes, conformément à la procédure prévue à l’article 8, paragraphe 4, de la directive 92/81 (JO L 316, p. 16). L’autorisation a, ensuite, été prorogée par le Conseil par la décision 97/425/CE, du 30 juin 1997, autorisant les États membres à appliquer ou à continuer à appliquer à certaines huiles minérales utilisées à des fins spécifiques les réductions de taux d’accise ou les exonérations d’accises existantes, conformément à la procédure prévue à la directive 92/81 (JO L 182, p. 22), par la décision 1999/880/CE, du 17 décembre 1999, autorisant les États membres à appliquer ou à continuer à appliquer à certaines huiles minérales utilisées à des fins spécifiques les réductions de taux d’accise ou les exonérations d’accises existantes, conformément à la procédure prévue à la directive 92/81 (JO L 331, p. 73), et, enfin, par la décision 2001/224/CE, du 12 mars 2001, relative aux taux réduits et aux exonérations de droits d’accise sur certaines huiles minérales utilisées à des fins spécifiques (JO L 84, p. 23).

16      Depuis 1993, la République italienne exonère de droit d’accise les huiles minérales utilisées comme combustible pour la production d’alumine en Sardaigne. Cette exonération (ci‑après l’« exonération italienne ») a été autorisée par la décision 93/697/CE du Conseil, du 13 décembre 1993, autorisant certains États membres à appliquer ou à continuer à appliquer à certaines huiles minérales utilisées à des fins spécifiques des réductions ou des exonérations d’accise conformément à la procédure prévue à l’article 8, paragraphe 4, de la directive 92/81 (JO L 321, p. 29). L’autorisation a ensuite été prorogée par le Conseil par la décision 96/273/CE, du 22 avril 1996, autorisant certains États membres à appliquer ou à continuer à appliquer à certaines huiles minérales utilisées à des fins spécifiques des réductions ou des exonérations d’accise selon la procédure prévue à l’article 8, paragraphe 4, de la directive 92/81 (JO L 102, p. 40), puis, par la décision 97/425, par la décision 1999/255/CE, du 30 mars 1999, autorisant certains États membres, conformément à la directive 92/81, à appliquer ou à continuer à appliquer à certaines huiles minérales des réductions de taux d’accise ou des exonérations d’accises, et portant modification de la décision 97/425 (JO L 99, p. 26), et, enfin, par les décisions 1999/880 et 2001/224.

17      Depuis 1997, la République française exonère de droit d’accise les huiles minérales utilisées comme combustible pour la production d’alumine dans la région de Gardanne. Cette exonération (ci‑après l’« exonération française ») a été autorisée par la décision 97/425 et, ensuite, a été prorogée par les décisions 1999/255, 1999/880 et 2001/224.

18      La décision 2001/224, la dernière concernant les exonérations irlandaise, italienne et française (ci-après les « exonérations litigieuses »), proroge celles-ci jusqu’au 31 décembre 2006. Aux termes de son considérant 5, cette décision « ne préjuge pas de l’issue d’éventuelles procédures relatives aux distorsions de fonctionnement du marché unique qui pourraient être intentées notamment en vertu des articles 87 [CE] et 88 [CE]. Elle ne dispense pas les États membres, conformément à l’article 88 [CE], de l’obligation de notifier à la Commission les aides d’État susceptibles d’être instituées ».

 Procédure administrative

19      Par lettre du 28 janvier 1983, les autorités irlandaises ont informé la Commission qu’elles s’apprêtaient à mettre en œuvre un engagement qu’elles avaient pris envers Aughinish Alumina, en avril 1970, portant sur une exonération de droit d’accise sur le fioul lourd utilisé pour la production d’alumine. Par lettre du 22 mars 1983, la Commission a indiqué que cette exonération constituait une aide d’État devant être notifiée. Elle précisait également que si l’aide ne devait être mise en œuvre que maintenant, la Commission pourrait considérer la lettre du 28 janvier 1983 comme une notification au sens de l’article 88, paragraphe 3, CE. Par lettre du 6 mai 1983, l’Irlande a demandé à la Commission de la considérer comme telle. La Commission n’a adopté aucune décision à la suite de cette correspondance.

20      Par lettres des 29 mai et 2 juin 1998, la Commission a demandé des renseignements aux autorités italiennes et françaises afin de vérifier si les exonérations italienne et française relevaient du champ d’application des articles 87 [CE] et 88 CE. À la suite d’un rappel de la Commission du 16 juin 1998, la République italienne a répondu le 20 juillet 1998. Après avoir demandé une prolongation du délai de réponse le 10 juillet 1998, qui fut accordée le 24 juillet 1998, la République française a répondu par lettre du 7 août 1998.

21      Par lettres du 17 juillet 2000, la Commission a demandé à la République française, à l’Irlande et à la République italienne de lui notifier les exonérations litigieuses. Les autorités françaises ont répondu par lettre du 4 septembre 2000. La Commission a rappelé sa demande à l’Irlande et à la République italienne, qu’elle a invitées, ainsi que la République française, à lui fournir un complément d’information par lettres du 27 septembre 2000. Les autorités irlandaises ont répondu par lettre du 18 octobre 2000. À la suite d’un rappel de la Commission du 20 novembre 2000, les autorités italiennes et françaises ont répondu respectivement les 7 et 8 décembre 2000.

22      Par les décisions C (2001) 3296, C (2001) 3300 et C (2001) 3295, du 30 octobre 2001, la Commission a ouvert la procédure prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE respectivement à l’égard des exonérations irlandaise, italienne et française (ci-après la « procédure d’enquête »). Ces décisions ont été notifiées à l’Irlande, à la République italienne et à la République française par lettres du 5 novembre 2001 et ont été publiées, le 2 février 2002, au Journal officiel des Communautés européennes (JO C 30, p. 17, p. 21 et 25).

23      La Commission a reçu des observations d’Aughinish Alumina, d’Eurallumina, d’Alcan et de l’Association européenne de l’aluminium. Celles-ci ont été communiquées à l’Irlande, à la République italienne et à la République française le 26 mars 2002.

24      Après avoir demandé une prolongation du délai par télécopie du 1er décembre 2001, accordée le 7 décembre 2001, l’Irlande a présenté ses observations par lettre du 8 janvier 2002. Par lettre du 18 février 2002, la Commission a demandé à l’Irlande de lui communiquer la preuve qu’un engagement contraignant avait été souscrit à l’égard d’Aughinish Alumina avant l’adhésion de l’Irlande à la Communauté. L’Irlande a fait suite à cette demande par lettre du 26 avril 2002. La République italienne a présenté ses observations par lettre du 6 février 2002. Après avoir demandé une prolongation du délai de réponse par lettre du 21 novembre 2001, qui fut accordée le 29 novembre 2001, la République française a présenté ses observations par lettre du 12 février 2002.

 Décision attaquée

25      Le 7 décembre 2005, la Commission a adopté la décision 2006/323/CE, concernant l’exonération du droit d’accise sur les huiles minérales utilisées comme combustible pour la production d’alumine dans la région de Gardanne, dans la région du Shannon et en Sardaigne, mise en oeuvre respectivement par la France, l’Irlande et l’Italie (JO 2006, L 119, p. 12, ci‑après la « décision attaquée»).

26      La décision attaquée porte sur la période antérieure au 1er janvier 2004, date à laquelle la directive 2003/96 est devenue applicable (considérant 57). Elle étend néanmoins la procédure d’enquête à l’égard des exonérations litigieuses à la période postérieure au 1er janvier 2004 (considérant 92).

27      Le dispositif de la décision attaquée énonce notamment :

« Article premier

Les exonérations [litigieuses] accordées […] jusqu’au 31 décembre 2003 constituent des aides d’État au sens de l’article 87, paragraphe 1, [CE].

Article 2

L’aide accordée entre le 17 juillet 1990 et le 2 février 2002, dans la mesure où elle est incompatible avec le marché commun, n’est pas récupérée parce que cette récupération serait contraire aux principes généraux du droit communautaire.

Article 3

L’aide, visée à l’article 1er, accordée entre le 3 février 2002 et le 31 décembre 2003 est compatible avec le marché commun au sens de l’article 87, paragraphe 3, [CE] dans la mesure où les bénéficiaires acquittent un droit d’au moins 13,01 euros par 1 000 kg d’huile minérale lourde.

Article 4

L’aide […] accordée entre le 3 février 2002 et le 31 décembre 2003 est incompatible avec le marché commun au sens de l’article 87, paragraphe 3, [CE] dans la mesure où les bénéficiaires ne se sont pas acquittés d’un droit d’au moins 13,01 euros par 1 000 kg d’huile minérale lourde.

Article 5

1.      La France, l’Irlande et l’Italie prennent toutes les mesures nécessaires pour récupérer l’aide incompatible visée à l’article 4 auprès de ses bénéficiaires.

[…]

5.      La France, l’Irlande et l’Italie ordonnent aux bénéficiaires de l’aide incompatible visée à l’article 4, dans les deux mois de la date de notification de la présente décision, de rembourser l’aide illégale majorée des intérêts. »

 Procédure

28      Par requêtes déposées au greffe du Tribunal le 16 février 2006 (affaire T‑60/06), le 17 février 2006 (affaires T‑50/06 et T‑56/06) et le 23 février 2006 (affaires T‑62/06 et T‑69/06), les parties requérantes ont introduit les présents recours en vue d’obtenir l’annulation totale ou partielle de la décision attaquée.

29      Par acte séparé, parvenu au greffe du Tribunal le 22 mars 2006, Aughinish Alumina a déposé une demande en référé, en vertu de l’article 242 CE, visant à ce qu’il soit sursis à l’exécution de la décision attaquée dans la mesure où elle la concerne. Par ordonnance du 2 août 2006, le président du Tribunal a rejeté cette demande et a réservé les dépens.

30      En application de l’article 14 du règlement de procédure du Tribunal et sur proposition de la deuxième chambre, le Tribunal a décidé, les parties entendues conformément à l’article 51 dudit règlement, de renvoyer les présentes affaires devant une formation de jugement élargie.

31      Par ordonnance du 24 mai 2007, le président de la deuxième chambre élargie du Tribunal a, les parties entendues, joint les affaires T‑50/06, T‑56/06, T‑60/06, T‑62/06 et T‑69/06 aux fins de la procédure orale, conformément à l’article 50 du règlement de procédure.

32      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (deuxième chambre élargie) a décidé d’ouvrir la procédure orale.

33      Lors de l’audience, qui s’est déroulée le 13 juin 2007, les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal, deuxième chambre élargie, composée de MM. J. Pirrung, président, A. W. H. Meij, N. J. Forwood, Mme I. Pelikánová, et M. S. Papasavvas, juges.

34      La procédure orale a été close à l’issue de l’audience du 13 juin 2007. Conformément à l’article 32 du règlement de procédure, un membre de la chambre étant empêché d’assister au délibéré après l’expiration de son mandat le 17 septembre 2007 et le juge le moins ancien au sens de l’article 6 du règlement de procédure étant le juge rapporteur, le juge précédant immédiatement ce dernier dans le rang s’est en conséquence abstenu de participer au délibéré et les délibérations du Tribunal ont été poursuivies par les trois juges dont le présent arrêt porte la signature.

35      Les parties ayant été entendues sur ce point lors de l’audience, le Tribunal estime qu’il y a lieu de joindre les présentes affaires aux fins de l’arrêt, conformément à l’article 50 du règlement de procédure.

 Conclusions des parties

36      Dans l’affaire T‑50/06, l’Irlande conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler partiellement la décision attaquée, dans la mesure où elle concerne l’exonération irlandaise ;

–        condamner la Commission aux dépens.

37      Dans l’affaire T‑56/06, la République française conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        à titre principal, annuler la décision attaquée dans son entier ;

–        à titre subsidiaire, annuler l’article 5 de la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

38      Dans l’affaire T‑60/06, la République italienne conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

39      Dans l’affaire T‑62/06, Eurallumina conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        soit :

–        annuler la totalité de la décision attaquée ; ou

–        déclarer que l’exonération autorisée par la décision 2001/224 est légale jusqu’au 31 décembre 2006 et que toutes les sommes versées ou devant être versées par la République italienne ne devraient pas être considérées comme une aide d’État illégale ou au moins ne devraient pas être récupérées ; ou

–        annuler la totalité de la décision attaquée et déclarer que l’exonération autorisée par la décision 2001/224 est légale jusqu’au 31 décembre 2006 et que toutes sommes versées ou devant être versées par la République italienne ne devraient pas être considérées comme une aide d’État illégale ou au moins ne devraient pas être récupérées ;

–        soit :

–        annuler les articles 1er, 4, 5 et 6 de la décision attaquée dans la mesure où ils la concernent ; ou

–        déclarer que l’exonération autorisée par la décision 2001/224 est légale jusqu’au 31 décembre 2006 et que toutes les sommes versées ou devant être versées par la République italienne ne devraient pas être considérées comme une aide d’État illégale ou au moins ne devraient pas être récupérées ; ou

–        annuler les articles 1er, 4, 5 et 6 de la décision attaquée dans la mesure où ils la concernent et déclarer que l’exonération autorisée par la décision 2001/224 est légale jusqu’au 31 décembre 2006 et que toutes les sommes versées ou devant être versées par la République italienne ne devraient pas être considérées comme une aide d’État illégale ou au moins ne devraient pas être récupérées ;

–        à titre subsidiaire, modifier les articles 5 et 6 de la décision attaquée dans la mesure où ils la concernent avec pour conséquence qu’en application de l’exonération autorisée par la décision 2001/224, toutes sommes versées ou à verser par la République italienne jusqu’au 31 décembre 2006 ou au moins jusqu’au 31 décembre 2003 ne devraient pas être recouvrées ;

–        condamner la Commission aux dépens.

40      Dans l’affaire T‑69/06, Aughinish Alumina conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée, dans la mesure où elle la concerne ;

–        condamner la Commission aux dépens.

41      Dans les affaires T‑50/06, T‑56/06, T‑60/06, T‑62/06 et T‑69/06, la Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter les recours ;

–        condamner les requérantes aux dépens.

 En droit

 Sur la recevabilité de certains chefs de conclusions dans l’affaire T‑62/06

42      Dans l’affaire T‑62/06, la Commission conteste la recevabilité des chefs de conclusions avancés par Eurallumina visant à demander autre chose que l’annulation totale ou partielle de la décision attaquée.

43      À cet égard, il y a lieu de rappeler d’emblée que, selon une jurisprudence constante, dans le cadre du contrôle de légalité fondé sur l’article 230 CE, la juridiction communautaire n’est pas compétente pour adresser des injonctions aux institutions communautaires (voir arrêt de la Cour du 8 juillet 1999, DSM/Commission, C‑5/93 P, Rec. p. I‑4695, point 36, et la jurisprudence citée). En outre, cette juridiction ne saurait non plus se substituer à ces mêmes institutions, étant précisé qu’il incombe à l’institution concernée, en vertu de l’article 233 CE, de prendre les mesures que comporte l’exécution d’un arrêt rendu dans le cadre d’un recours en annulation (arrêts du Tribunal du 27 janvier 1998, Ladbroke Racing/Commission, T‑67/94, Rec. p. II‑1, point 200, et du 16 septembre 1998, IECC/Commission, T‑110/95, Rec. p. II‑3605, point 33).

44      Par conséquent, malgré l’explication fournie par Eurallumina dans sa réplique, selon laquelle ces chefs de conclusions visaient à inviter le Tribunal à énoncer des règles claires concernant la compétence de la Commission pour ordonner la récupération des sommes en cause, il y a lieu de constater l’irrecevabilité, dans l’affaire T‑62/06, des chefs de conclusions énoncés au point 39 ci‑dessus qui ne visent pas à l’annulation totale ou partielle de la décision attaquée, à savoir ceux par lesquels Eurallumina demande au Tribunal soit de déclarer que l’exonération autorisée par la décision 2001/224 est légale jusqu’au 31 décembre 2006 et que toutes les sommes versées ou devant être versées par la République italienne ne devraient pas être considérées comme une aide d’État illégale ou, au moins, ne devraient pas être récupérées, soit de modifier les articles 5 et 6 de la décision attaquée.

 Sur le fond

45      Aux fins de l’annulation, totale ou partielle, de la décision attaquée, les parties requérantes invoquent, en substance, un ensemble de 23 moyens. Ceux-ci sont tirés notamment de la qualification erronée des exonérations litigieuses comme étant des aides nouvelles alors qu’il s’agirait d’aides existantes, de la violation des principes de protection de la confiance légitime, de sécurité juridique, de respect d’un délai raisonnable, de présomption de validité, lex specialis derogat legi generali, d’effet utile et de bonne administration. Sont également invoquées des violations de l’article 87 CE, ainsi que de l’obligation de motivation s’agissant de l’application de cet article.

46      Nonobstant l’invocation de ces moyens par les parties requérantes, le Tribunal estime opportun, en l’espèce, de relever d’office un moyen tiré du défaut de motivation de la décision attaquée, s’agissant de la non-application de l’article 1er, sous b), v), du règlement n° 659/1999.

47      À cet égard, il convient de rappeler, tout d’abord, que le défaut ou l’insuffisance de motivation relève de la violation des formes substantielles au sens de l’article 230 CE et constitue un moyen d’ordre public qui doit être soulevé d’office par le juge communautaire (voir arrêt du Tribunal du 19 septembre 2006, Lucchini/Commission, T‑166/01, Rec. p. II‑2875, point 144, et la jurisprudence citée).

48      Il y a lieu, ensuite, de relever que, selon une jurisprudence constante, la portée de l’obligation de motivation dépend de la nature de l’acte en cause et du contexte dans lequel il a été adopté. La motivation doit faire apparaître de manière claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, de façon, d’une part, à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de pouvoir défendre leurs droits et de vérifier si la décision est ou non bien fondée et, d’autre part, à permettre au juge communautaire d’exercer son contrôle de légalité (voir arrêt du Tribunal du 15 juin 2005, Corsica Ferries France/Commission, T‑349/03, Rec. p. II‑2197, point 62, et la jurisprudence citée).

49      Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 253 CE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée. En particulier, la Commission n’est pas tenue de prendre position sur tous les arguments invoqués devant elle par les intéressés, mais il lui suffit d’exposer les faits et les considérations juridiques revêtant une importance essentielle dans l’économie de la décision (voir arrêt Corsica Ferries France/Commission, précité, points 63 et 64, et la jurisprudence citée).

50      Il n’en demeure pas moins que l’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications (voir arrêt du Tribunal du 12 décembre 2006, Organisation des Modjahedines du peuple d’Iran/Conseil, T‑228/02, non encore publié au Recueil, point 141, et la jurisprudence citée).

51      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner le moyen, soulevé d’office par le Tribunal, relatif à la motivation de la décision attaquée s’agissant de la non-application de l’article 1er, sous b), v), du règlement n° 659/1999.

52      En l’espèce, il y a lieu de relever que la Commission examine, au point 6.2 de la décision attaquée, si les exonérations litigieuses constituent des aides nouvelles ou des aides existantes. À cette fin, elle apprécie, aux considérants 65 à 69 de la décision attaquée, si les situations visées à l’article 1er, sous b), du règlement n° 659/1999 sont applicables et conclut, au considérant 70, comme suit :

« [A]ucune de [ces] situations [...] n’est applicable aux exonérations française et italienne, et ces mesures doivent être considérées comme des aides nouvelles. L’exonération irlandaise ne doit être considérée comme une aide nouvelle qu’à partir du 17 juillet 1990. La Commission a donc l’obligation et la compétence d’apprécier la compatibilité de l’aide nouvelle avec le marché commun en vertu de l’article 88 [CE]. Les décisions du Conseil [...] et les directives 92/81[...] et 2003/96 [...], qui n’ont pour objet que l’harmonisation fiscale, n’enlèvent rien à cette obligation et à cette compétence. Ces actes ne sauraient préjuger l’appréciation de la compatibilité sur la base des critères fixés à l’article 87, paragraphes 2 et 3, [CE]. »

53      En ce qui concerne plus particulièrement l’application de l’article 1er, sous b), v), du règlement n° 659/1999, la décision attaquée se borne à énoncer, au considérant 69, que cette disposition « n’est pas applicable au cas d’espèce ». Il échet de constater que les raisons justifiant l’inapplicabilité de cette disposition ne ressortent ni de la décision attaquée ni du dossier.

54      Certes, il résulte, notamment, des principes énoncés au point 49 ci‑dessus que la Commission ne saurait être tenue, de manière générale, d’examiner, dans chaque cas, l’application éventuelle de toutes les hypothèses visées à l’article 1er, sous b), du règlement n° 659/1999, permettant de qualifier une mesure d’aide d’existante, et de motiver de manière exhaustive ses décisions à cet égard, notamment lorsqu’au cours de la procédure administrative les parties n’ont pas invoqué l’applicabilité de l’une ou de plusieurs de ces hypothèses spécifiques.

55      Toutefois, il convient de vérifier si, en l’espèce, il existait des circonstances particulières concernant les exonérations litigieuses de nature à imposer à la Commission l’obligation de motiver spécifiquement la non-application de l’article 1er, sous b), v), du règlement n° 659/1999.

56      À cet égard, il convient, premièrement, de rappeler que le quatrième considérant de la décision 92/510 énonce que « la Commission et tous les États membres admettent que toutes ces exonérations [...] n’entraînent pas de distorsions de concurrence et qu’elles n’entravent pas le bon fonctionnement du marché intérieur ». Cette déclaration a été réitérée dans les quatrièmes considérants des décisions 93/697 et 96/273, dans des termes quasi identiques. De plus, le cinquième considérant de la décision 97/425 ainsi que les quatrièmes considérants des décisions 1999/255 et 1999/880 disposent que « la Commission examinera régulièrement [...] les exonérations aux fins de garantir leur compatibilité avec le fonctionnement du marché intérieur et avec d’autres objectifs du traité ».

57      S’agissant de la circonstance que ces déclarations figurent dans le préambule de décisions du Conseil qui, de surcroît, relèvent du domaine de l’harmonisation fiscale et non de celui des aides d’État, il y a lieu de constater, tout d’abord, que ces déclarations, énoncées sur un mode affirmatif, se réfèrent explicitement à la position de la Commission vis-à-vis des exonérations litigieuses et n’apparaissent donc pas comme étant une appréciation portée par le Conseil, mais par l’institution qui a proposé ces décisions. En outre, s’agissant de l’absence de distorsion de concurrence évoquée dans les décisions 92/510, 93/697 et 96/273, aucune indication dans la décision attaquée ne permet de comprendre en quoi cette notion aurait une portée différente dans le domaine de l’harmonisation fiscale et dans celui des aides d’État.

58      Il convient de relever, deuxièmement, que c’est en se fondant sur le libellé des considérants des décisions du Conseil visés au point 56 ci‑dessus que la Commission constate, au considérant 97 de la décision attaquée, qu’« il semble [...] que l’un des éléments de la définition des aides d’État de l’article 87 [CE], à savoir qu’elles faussent la concurrence, soit absent ». Ce passage du considérant 97 pourrait apparaître comme étant une constatation factuelle de la Commission, relative aux effets des exonérations litigieuses sur la concurrence. Il pourrait en particulier suggérer que, lors de l’adoption desdites décisions, la Commission considérait que les exonérations litigieuses ne pouvaient être qualifiées d’aides d’État, au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE, la condition relative à la distorsion de concurrence faisant défaut.

59      Quoiqu’il en soit, dans cette phrase du considérant 97, la Commission reconnaît que les décisions antérieures du Conseil, adoptées à la suite de ses propres propositions, ont pu laisser penser que les exonérations ne pouvaient pas être qualifiées d’aides d’État au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE lors de leur mise en vigueur, ce que la Commission devait, en tout état de cause, prendre en compte dans le cadre de la motivation concernant l’application de l’article 1er, sous b), v), du règlement n° 659/1999.

60      En ce qui concerne la circonstance, évoquée par la Commission dans le cadre de son argumentation relative à l’affaire T‑56/06, selon laquelle le constat énoncé au considérant 97 figure dans une partie de la décision relative à la récupération des aides, qui est une question distincte de celle de l’existence d’une distorsion de concurrence, il y a lieu de rappeler qu’une décision constituant un tout, chacune de ses parties doit être lue à la lumière des autres (voir arrêts du Tribunal du 6 avril 1995, Martinelli/Commission, T‑150/89, Rec. p. II‑1165, point 66 ; du 11 décembre 1996, Van Megen Sports/Commission, T‑49/95, Rec. p. II‑1799, point 51, et du 17 juillet 1998, ITT Promedia/Commission, T‑111/96, Rec. p. II‑2937, point 128). Il ne saurait donc être pris appui sur le fait que le considérant 97 ne figure pas dans le point 6.1 de la décision attaquée relatif à la qualification des exonérations litigieuses comme des aides d’État au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE, ou dans le point 6.2 relatif à la qualification de celles-ci comme étant des aides nouvelles, pour en limiter la portée.

61      Il convient d’ajouter, troisièmement, que les exonérations litigieuses ont été autorisées et prorogées, de manière successive, par des décisions adoptées à l’unanimité par le Conseil, sur proposition de la Commission, conformément à l’article 8, paragraphe 4, de la directive 92/81 (voir points 15 à 17 ci‑dessus). À l’exception de la décision 2001/224 et en particulier de son considérant 5 (voir point 18 ci‑dessus), aucune de ces décisions ne mentionnait, comme le constate la Commission au considérant 97 de la décision attaquée, de contradiction possible avec les règles en matière d’aides d’État ni d’obligation de notification.

62      Dans ce contexte, il convient de relever que la Commission souligne, au considérant 96 de la décision attaquée, d’une part, que l’« on ne s’attendrait normalement pas à ce qu[‘elle] soumette au Conseil des propositions incompatibles avec d’autres dispositions du traité sans mentionner cette possibilité, notamment lorsque [...] ces dispositions visent à éviter les distorsions de la concurrence dans la Communauté » et, d’autre part, que l’« on ne s’attendrait certainement pas à ce qu[‘elle] propose au Conseil d’autoriser la prorogation d’une exonération existante si elle devait trouver dans cette dernière une aide incompatible avec le marché commun ».

63      Compte tenu des circonstances énumérées aux points 56 à 62 ci‑dessus, la Commission se devait, en l’espèce, d’examiner la question de savoir si les exonérations litigieuses pouvaient être considérées comme des aides existantes en raison du fait qu’elles n’auraient pas constitué des aides au moment de leur mise en vigueur, mais qu’elles le seraient devenues par la suite en raison de l’évolution du marché commun et sans avoir été modifiées par les États membres concernés, conformément à l’article 1er, sous b), v), du règlement n° 659/1999. Il s’ensuit que la Commission se devait de motiver à suffisance de droit la décision attaquée s’agissant de l’applicabilité en l’espèce de cet article et ne pouvait donc se limiter au constat figurant au considérant 69 de ladite décision, selon lequel « [il] n’est pas applicable au cas d’espèce » (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 17 janvier 1995, Publishers Association/Commission, C‑360/92 P, Rec. p. I‑23, points 39 à 44).

64      Il découle de l’ensemble de ce qui précède que la Commission a violé l’obligation de motivation que lui impose l’article 253 CE, s’agissant de la non-application en l’espèce de l’article 1er, sous b), v), du règlement n° 659/1999.

65      Par conséquent, la décision attaquée doit être annulée, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les moyens soulevés par les parties.

 Sur les dépens

66      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, la partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux des requérantes. Dans l’affaire T‑69/06, il y a également lieu de condamner la Commission à supporter les dépens afférents à la procédure de référé.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre élargie)

déclare et arrête :

1)      Les affaires T‑50/06, T‑56/06, T‑60/06, T‑62/06 et T-69/06 sont jointes aux fins de l’arrêt.

2)      La décision 2006/323/CE de la Commission, du 7 décembre 2005, concernant l’exonération du droit d’accise sur les huiles minérales utilisées comme combustible pour la production d’alumine dans la région de Gardanne, dans la région du Shannon et en Sardaigne, mise en oeuvre respectivement par la France, l’Irlande et l’Italie, est annulée.

3)      Le recours dans l’affaire T‑62/06 est rejeté pour le surplus.

4)      La Commission supportera ses propres dépens et ceux exposés par les requérantes, y compris ceux afférents à la procédure de référé dans l’affaire T‑69/06 R.

Meij

Forwood

Papasavvas

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 12 décembre 2007.

Le greffier

 

       Le président faisant fonction

E. Coulon

 

       A. W. H. Meij


* Langues de procédure : l’anglais, le français et l’italien