Language of document : ECLI:EU:C:2006:476

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

Mme JULIANE Kokott

présentées le 13 juillet 2006 (1)

Affaire C-278/05

Carol Marilyn Robins e.a.

contre

Secretary of State for Work and Pensions

[demande de décision préjudicielle formée par la High Court of Justice (England & Wales), Chancery Division (Royaume-Uni)]

«Protection des travailleurs salariés en cas d’insolvabilité de l’employeur – Protection des droits acquis ou en cours d’acquisition en matière de prestations de vieillesse – Étendue des obligations – Article 8 de la directive 80/987/CEE – Responsabilité des États membres pour violations du droit communautaire – Violation suffisamment caractérisée»





I –    Introduction

1.        Dans cette affaire, la High Court of Justice (England & Wales), Chancery Division (Royaume-Uni), interroge la Cour à propos de l’interprétation de l’article 8 de la directive 80/987/CEE du Conseil, du 20 octobre 1980, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives à la protection des travailleurs salariés en cas d’insolvabilité de l’employeur (2). L’article 8 de la directive 80/987 porte sur la protection des intérêts des travailleurs en ce qui concerne leurs droits à prestations de retraite complémentaire en cas d’insolvabilité de l’employeur.

2.        Les demandeurs au principal sont d’anciens salariés d’une société devenue insolvable. Cette société finançait deux plans de retraite complémentaire. En raison de l’insolvabilité de la société, les plans de retraite ont eux aussi été clos, et il est apparu que les actifs des régimes de retraite ne suffisaient pas à couvrir tous les droits des affiliés. Les demandeurs ont de ce fait été confrontés à une réduction importante des pensions de retraite complémentaire qui leur avaient été contractuellement promises. Dans le cadre du recours qu’ils ont introduit contre le ministère compétent en la matière au Royaume‑Uni, les demandeurs invoquent l’article 8 de la directive 80/987 pour demander des dommages et intérêts en réparation de cette perte de retraite.

3.        C’est dans ce contexte que la juridiction de renvoi s’est tournée vers la Cour, l’interrogeant à propos du contenu des dispositions de l’article 8 de la directive 80/987. Cette juridiction a en outre demandé des précisions sur les conditions exigées pour que la responsabilité d’un État puisse être engagée du fait d’une transposition incorrecte d’une directive.

II – Le cadre juridique

A –    Droit communautaire

1.      La directive 80/987

4.        Le premier considérant de la directive 80/987 est ainsi rédigé:

«considérant que des dispositions sont nécessaires pour protéger les travailleurs salariés en cas d’insolvabilité de l’employeur, en particulier pour garantir le paiement de leurs créances impayées, en tenant compte de la nécessité d’un développement économique et social équilibré dans la Communauté».

5.        Dans sa section II, la directive comporte, sous le titre «Dispositions relatives aux institutions de garantie», des règles concernant la garantie des droits à la retraite des travailleurs salariés.

6.        L’article 4, paragraphe 1, prévoit que les États membres peuvent limiter l’obligation de paiement des institutions de garantie visée à l’article 3. En vertu de l’article 4, paragraphe 3, les États membres peuvent, «afin d’éviter le versement de sommes allant au-delà de la finalité sociale de la présente directive, fixer un plafond pour la garantie de paiement des créances impayées des travailleurs salariés».

7.        Dans la section III, la directive comporte, sous le titre «Dispositions relatives à la sécurité sociale», des dispositions relatives à la protection des droits de prévoyance.

8.        L’article 6 autorise les États membres à prévoir que «les articles 3, 4 et 5 ne s’appliquent pas aux cotisations dues au titre des régimes légaux nationaux de sécurité sociale ou au titre des régimes complémentaires de prévoyance professionnels ou interprofessionnels existant en dehors des régimes légaux nationaux de sécurité sociale».

9.        En vertu de l’article 7, les États membres prennent les mesures nécessaires pour «assurer que le non-paiement à leurs institutions d’assurance de cotisations obligatoires dues par l’employeur, avant la survenance de son insolvabilité, au titre des régimes légaux nationaux de sécurité sociale, n’a pas d’effet préjudiciable sur le droit à prestations du travailleur salarié à l’égard de ces institutions d’assurance […]».

10.      L’article 8 de la directive 80/987 prévoit que:

«Les États membres s’assurent que les mesures nécessaires sont prises pour protéger les intérêts des travailleurs salariés et des personnes ayant déjà quitté l’entreprise ou l’établissement de l’employeur à la date de la survenance de l’insolvabilité de celui-ci, en ce qui concerne leurs droits acquis, ou leurs droit en cours d’acquisition, à des prestations de vieillesse, y compris les prestations de survivants, au titre de régimes complémentaires de prévoyance professionnels ou interprofessionnels existant en dehors des régimes légaux nationaux de sécurité sociale.»

2.       La directive 2002/74/CE modifiant la directive 80/987 (3) (ci-après la «directive modificative 2002/74»)

11.      La directive modificative 2002/74 n’a pas apporté de modification à l’article 8.

12.      Le deuxième considérant de cette directive est ainsi rédigé:

«La directive 80/987/CEE du Conseil vise à assurer aux travailleurs salariés un minimum de protection en cas d’insolvabilité de leur employeur. À cet effet, elle oblige les États membres à mettre en place une institution qui garantisse aux travailleurs concernés le paiement des créances impayées des travailleurs.»

3.       La directive 2003/41/CE concernant les activités et la surveillance des institutions de retraite professionnelle (4)

13.      Le dix-huitième considérant de cette directive indique que: «En cas de faillite d’une entreprise d’affiliation, l’affilié risque de perdre à la fois son emploi et les droits à la retraite qu’il a acquis. Il importe par conséquent de veiller à ce qu’il existe une séparation claire entre cette entreprise et l’institution et de fixer des normes prudentielles minimales pour assurer la protection de l’affilié».

14.      L’insolvabilité de l’entreprise d’affiliation n’est envisagée qu’à l’article 8 de cette directive, qui exige une séparation juridique entre les entreprises d’affiliation et les institutions de retraite professionnelle.

15.      L’article 16, paragraphe 2, de cette directive admet que, de façon provisoire, l’institution de retraite professionnelle ne soit pas intégralement financée et prévoit des règles régissant cette situation.

B –    Droit national

16.      Les règles qui existent au Royaume-Uni pour protéger les droits à la retraite des travailleurs en cas d’insolvabilité de l’employeur prévoient, pour l’essentiel, que le patrimoine de l’institution de retraite professionnelle est soustrait aux réclamations des créanciers et que, sous certaines conditions, les sommes dont le paiement ne peut pas être effectué par l’institution de retraite professionnelle du fait de l’insolvabilité de l’employeur sont versées par le National Insurance Fund.

17.      L’application des règles protectrices des travailleurs en vigueur au Royaume‑Uni n’a cependant pas empêché que les droits à pension ne soient couverts, par suite de l’insolvabilité de l’employeur, qu’à concurrence de 20 % de la totalité de ses droits pour la première demanderesse, et de 49 % pour le deuxième demandeur.

III – Les faits et la procédure

18.      Les demandeurs au principal sont d’anciens salariés de la société ASW Limited (ci-après la «société ASW») qui a fait l’objet d’une procédure d’insolvabilité ouverte le 10 juillet 2002, puis a été mise en liquidation forcée.

19.      La société ASW avait deux régimes de retraite: l’«ASW Pension Plan» et l’«ASW Sheerness Steel Group Pension Fund» (ci-après les «régimes de retraite»). Les deux régimes de retraite fonctionnaient comme des régimes complémentaires privés et présentaient les caractéristiques suivantes:

Le montant des prestations était calculé sur la base d’un taux d’acquisition ainsi que sur le dernier salaire et la durée d’emploi de chaque affilié dans la société. On parle dans ce cas de «prestation basée sur le dernier salaire». Les régimes de retraite étaient financés, conformément aux dispositions qui leur étaient applicables, d’une part, par des cotisations versées par les salariés, correspondant à un pourcentage de leur salaire, et, d’autre part, par des cotisations que l’employeur était tenu de verser, au taux nécessaire pour permettre de maintenir et de servir les prestations. Ces régimes sont qualifiés de régimes «à équilibre des coûts». Ils revêtaient la forme d’une fiducie indépendante de l’employeur.

20.      À la suite de l’ouverture de la procédure d’insolvabilité de la société ASW, les régimes de retraite en cause ont pris fin en juillet 2002 et ont fait l’objet d’une liquidation. Selon les calculs de leurs actuaires, les régimes de retraite présentaient au 31 juillet 2002 des déficits de 99,7 millions de GBP (ASW Pension Plan) et de 41,2 millions de GBP (ASW Sheerness Group Pension Fund). Il n’était plus envisageable que des fonds supplémentaires soient apportés aux régimes de retraite par la société ASW ou par d’autres entreprises.

21.      Les actifs des régimes de retraite ne suffisent donc pas à couvrir tous les droits acquis et en cours d’acquisition des salariés affiliés.

22.      Les dispositions légales qui régissent ces régimes de retraite prévoient, dans un tel cas, que les salariés affiliés sont désintéressés dans l’ordre suivant: les administrateurs des régimes doivent utiliser prioritairement les actifs des régimes de retraite pour couvrir les droits des affiliés qui, à la date de la mise en liquidation, percevaient déjà une pension de retraite; puis viennent en second rang les prestations des affiliés qui, à la date de la mise en liquidation, ne percevaient pas encore de pension de retraite, à condition que les régimes de retraite disposent encore d’actifs.

23.      Appliquée aux faits du litige au principal, cette réglementation a eu pour conséquence que les droits des salariés de la société ASW qui ne percevaient pas encore de pension de retraite ont été réduits. Selon les calculs des actuaires, la première demanderesse ne pourra percevoir que 20 % de droits à pension auxquels elle pouvait initialement prétendre au titre des régimes de retraite privés, tandis que le second demandeur ne percevra que 49 % de ses droits.

24.      Ces chiffres résultent de l’application des mécanismes prévus par le droit interne du Royaume‑Uni pour protéger les droits à retraite complémentaire des travailleurs en cas d’insolvabilité de l’employeur.

25.      Le régime légal de retraite au Royaume‑Uni ne versant aux retraités, en moyenne, que 37 % de leur dernier salaire, les demandeurs font valoir que les retraites complémentaires des régimes de prévoyance privés constituaient l’essentiel de leur assurance vieillesse.

26.      Les demandeurs ont donc intenté une action en responsabilité contre le Royaume‑Uni devant la juridiction de renvoi, visant à obtenir le paiement de la différence entre le montant de la retraite qui leur avait été promis par contrat et le montant qu’ils sont en droit d’attendre à présent du fait de l’insolvabilité de leur employeur. Ils fondent leurs prétentions sur l’article 8 de la directive 80/987.

IV – Les questions préjudicielles et la procédure devant la Cour

27.      Par ordonnance du 22 juin 2005, la juridiction nationale a décidé de surseoir à statuer et a posé à la Cour de justice les questions suivantes:

«1)      L’article 8 de la directive 80/987/CEE doit-il être interprété comme exigeant des États membres qu’ils s’assurent, par tous moyens nécessaires, que les droits acquis par les salariés au titre des régimes complémentaires professionnels ou interprofessionnels basés sur le dernier salaire soient intégralement financés par les États membres en cas d’insolvabilité de l’employeur privé et lorsque les ressources financières des régimes ne suffisent pas à couvrir ces prestations?

2)      Si la réponse à la première question est négative, les exigences de l’article 8 sont-elles suffisamment transposées dans une législation telle que celle en vigueur au Royaume‑Uni, décrite ci‑dessus?

3)      Dans l’hypothèse où les dispositions législatives du Royaume‑Uni ne seraient pas en conformité avec l’article 8, quel critère convient-il que la juridiction nationale applique pour déterminer si le manquement au droit communautaire qui en découle est suffisamment caractérisé pour entraîner une obligation d’indemnisation? En particulier, un simple manquement suffit-il pour établir l’existence d’une violation suffisamment caractérisée ou bien faut-il qu’il y ait également eu méconnaissance manifeste et grave par l’État membre des limites de son pouvoir législatif, ou bien faut-il appliquer un autre critère et dans l’affirmative lequel?»

28.      Des observations écrites ont été présentées à propos de ces questions préjudicielles par les demandeurs au principal, le gouvernement du Royaume‑Uni, l’Irlande ainsi que par la Commission des Communautés européennes. Ont pris part à l’audience du 1er juin 2006 les demandeurs au principal, l’Irlande, les gouvernements néerlandais et du Royaume‑Uni ainsi que la Commission.

V –    Appréciation juridique

A –    Sur les première et deuxième questions

29.      La première question de la juridiction de renvoi vise à déterminer si l’article 8 de la directive 80/987 oblige les États membres à payer eux-mêmes pour compenser des pertes résultant du fait que, à la suite de l’insolvabilité d’un employeur, les actifs d’un régime de retraite ne permettent pas de remplir tous les salariés de leurs droits.

30.      La deuxième question invite la Cour à examiner si des dispositions légales telles que celles qui sont en vigueur au Royaume‑Uni suffisent pour assurer la transposition de l’article 8 de la directive 80/987.

31.      À propos de cette deuxième question, il convient au préalable de rappeler que la Cour de justice n’est pas compétente, lorsqu’elle est saisie en vertu de l’article 234 CE, pour statuer sur la compatibilité de mesures nationales avec le droit communautaire. Elle peut néanmoins fournir à la juridiction nationale tous les éléments d’interprétation relevant du droit communautaire qui peuvent lui permettre d’apprécier une telle compatibilité pour le jugement de l’affaire dont elle est saisie (5).

32.      Ainsi, les première et deuxième questions portent toutes deux, en substance, sur l’interprétation de l’article 8 de la directive 80/987.

33.      Il y a donc lieu d’examiner ces deux questions ensemble, en recherchant tout d’abord quelle est la protection exigée par l’article 8 de la directive 80/987: contre quelles atteintes et dans quelle mesure les droits des travailleurs salariés sont-ils protégés par l’article 8? Il conviendra ensuite de déterminer si l’on peut déduire de l’article 8 l’obligation pour les États membres de garantir cette protection en versant eux-mêmes les prestations financières, par substitution à l’institution défaillante.

34.      En vertu de la jurisprudence constante de la Cour, pour déterminer la portée d’une disposition de droit communautaire, il y a lieu de tenir compte à la fois de ses termes, de son contexte et de ses finalités (6).

1.       L’étendue de la protection offerte par l’article 8 de la directive 80/987

35.      En vertu de l’article 8 de la directive 80/987, les États membres s’assurent «que les mesures nécessaires sont prises pour protéger les intérêts des travailleurs salariés […] en ce qui concerneleurs droits acquis ou … en cours d’acquisition à des prestations de vieillesse […]» (7).

36.      L’étendue de la protection offerte par l’article 8 doit donc se comprendre en fonction de l’interprétation à donner aux termes «protéger les intérêts en ce qui concerne les droits acquis à des prestations de vieillesse». L’étendue de la protection offerte par l’article 8 dépend de surcroît d’un autre élément: l’atteinte aux droits à des prestations de vieillesse doit découler de l’insolvabilité.

a)       Les intérêts protégés par l’article 8 de la directive 80/987

37.      Il apparaît immédiatement que l’article 8 de la directive 80/987 vise à protéger les intérêts, et non les droits ou prétentions des travailleurs. Cette formulation choisie par le législateur tient toutefois simplement compte du fait que ce n’est pas l’existence juridique des droits des travailleurs qui est mise en cause par l’insolvabilité de l’employeur, mais la valeur économique de ces droits. Si l’article 8 avait déclaré protéger les droits des travailleurs, cette protection aurait été inutile, puisque les droits ne sont pas eux-mêmes remis en cause par l’insolvabilité de l’employeur. L’insolvabilité de l’employeur peut cependant porter atteinte à la mise en œuvre des droits des travailleurs. La formulation retenue par l’article 8 prouve donc que, au-delà des droits qui continuent d’exister sans limitation, il convient de protéger l’intérêt économique des travailleurs à obtenir la couverture effective de leurs droits.

38.      Si l’article 8 entend ainsi protéger l’intérêt des travailleurs en ce qui concerne leurs droits à des prestations de retraite, acquis ou en cours d’acquisition, cela revient à dire qu’il cherche à protéger l’intérêt des travailleurs au paiement de leurs droits à la retraite.

39.      À présent, avant de passer à l’étape suivante et de rechercher si cet intérêt des travailleurs est intégralement protégé par l’article 8, il convient d’abord de se demander contre quelles atteintes à cet intérêt l’article 8 confère une protection.

b)       Atteinte découlant de l’insolvabilité

40.      Il résulte de l’objet même de la directive 80/987, qui entend conférer aux travailleurs une protection contre les atteintes à leurs droits en raison précisément de l’insolvabilité de leur employeur, que l’atteinte doit découler de l’insolvabilité.

41.      Le financement insuffisant d’un régime de retraite privé a certainement pour résultat de porter atteinte aux intérêts des travailleurs concernant leurs droits à la retraite. En effet, dans ce cas, les actifs de l’institution de prévoyance ne suffisent pas à couvrir tous les droits.

42.      On peut néanmoins se demander si l’article 8 de la directive 80/987 impose également une protection des travailleurs contre cette forme d’atteinte. Les gouvernements du Royaume-Uni et néerlandais, ainsi que l’Irlande estiment que la protection contre le financement insuffisant d’un régime de retraite ne relève pas du champ d’application de l’article 8, parce que cette atteinte ne découle pas de l’insolvabilité. Pour assurer la protection des intérêts des travailleurs, il suffirait par conséquent que les patrimoines de l’employeur et du régime de prévoyance soient séparés, ce qui empêcherait que les créanciers, en cas d’insolvabilité de l’employeur, puissent agir sur le patrimoine du régime de prévoyance.

43.      Cependant, le financement insuffisant d’un régime de prévoyance peut aussi – en fonction de la forme juridique du régime de retraite privé en question – constituer une atteinte aux intérêts des travailleurs découlant de l’insolvabilité (8).

44.      La stabilité des régimes de retraite privés peut, en fonction de leur forme, être remise en cause par une pluralité de facteurs inhérents au régime. Ainsi, des évolutions imprévues des marchés des capitaux, la non‑réalisation de prévisions démographiques, ou une mauvaise gestion, par exemple, peuvent avoir pour conséquence que la couverture du régime est insuffisante, que les calculs qui ont servi de base aux prestations promises ne tombent pas juste et que, du point de vue des prestations, les pensions de retraite du travailleur au titre du régime de retraite privé ne peuvent pas être versées dans les proportions promises.

45.      La directive 80/987 a toutefois – comme l’indiquent son titre et l’examen de l’ensemble de ses dispositions – exclusivement pour objet de protéger les intérêts des travailleurs contre les atteintes découlant de l’insolvabilité. La protection conférée par son article 8 consiste donc uniquement à exiger des mesures qui garantissent que l’insolvabilité de l’employeur ne portera pas atteinte aux droits à prestations de retraite complémentaire des travailleurs.

46.      Il s’ensuit que, à première vue, un financement insuffisant du régime de retraite privé ne relève pas du champ d’application de l’article 8. En effet, la réalisation des risques généraux précités couverts par un régime de prévoyance n’a en principe rien à voir avec une éventuelle insolvabilité de l’employeur, mais est indépendante de celle‑ci.

47.      La forme particulière que revêt un régime de prévoyance privé peut néanmoins avoir en définitive pour conséquence, par exception au principe général, que, en cas d’insolvabilité de l’employeur, la réalisation de risques inhérents au régime constitue elle aussi une atteinte découlant de l’insolvabilité au sens de l’article 8.

48.      Tel est en particulier le cas lorsque l’employeur promet des prestations de prévoyance indépendantes de l’évolution économique du régime de retraite privé. Cette situation est également à la base du régime à équilibre des coûts de la présente affaire. Dans le cadre d’un régime à équilibre des coûts, où les travailleurs se voient promettre un pourcentage déterminé de leur dernier salaire à titre de pension de retraite et où l’employeur est tenu de verser la différence entre ce qui est couvert par le régime de retraite privé et le montant qui a été promis, le droit du travailleur est exposé au risque d’insolvabilité de l’employeur à concurrence de cette différence. Par conséquent, dans la mesure où l’insolvabilité de l’employeur fait obstacle au paiement complet de la créance consistant en cette différence, il y a, dans ce cas, une atteinte aux intérêts du travailleur découlant de l’insolvabilité.

49.      Le fait que le montant de la différence qui est à la charge de l’employeur ait pour origine la réalisation de risques particuliers qui ne découlent pas de l’insolvabilité ne change rien à ce qui précède. En effet, dans le cadre d’un régime à équilibre des coûts fondé sur le dernier salaire, la réalisation des risques correspondants représente à elle seule une modification des calculs internes de l’employeur, qui doit faire face à des obligations de paiement plus importantes que ce qu’il avait initialement calculé. La question de savoir de quoi résulte le montant des sommes supplémentaires que l’employeur doit verser est cependant sans influence sur la nature d’atteinte aux intérêts du travailleur découlant de l’insolvabilité que l’on peut attribuer au non‑paiement de ces sommes supplémentaires. Si l’insolvabilité n’était pas survenue, l’employeur aurait, en effet, été tenu de verser de telles sommes supplémentaires, indépendamment de la raison qui est à l’origine du montant supplémentaire à verser.

50.      En cas de financement insuffisant du régime de prévoyance à la date de survenance de l’insolvabilité, celle-ci entraîne – pour prendre une image – un gel de l’état de sous-financement. Si les actifs ne suffisent pas à couvrir toutes les prestations promises et si ce déficit ne peut plus être comblé en raison de l’insolvabilité, ce financement insuffisant est alors une conséquence de la survenance de l’insolvabilité de l’employeur. Avec l’insolvabilité se réalise le risque que représente pour les intérêts des travailleurs une insuffisance de financement transitoire, car des versements complémentaires deviennent impossibles. Le risque se traduit par une atteinte irréparable à ces intérêts.

51.      On peut donc affirmer, dans le présent cas, qu’il n’est pas nécessaire de déterminer quelle suite d’événements a conduit à l’insuffisance de financement. En effet, dès lors que celle-ci aurait rendu impossible le paiement des prestations complètes par le fonds, l’employeur aurait eu une obligation de garantie correspondante, laquelle ne peut plus désormais être mise en œuvre en raison de la survenance de l’insolvabilité.

52.      Il y a par conséquent lieu de conclure que l’insuffisance de financement d’un régime de prévoyance ne constitue pas en principe une atteinte contre laquelle l’article 8 protège les travailleurs, en cas d’insolvabilité de leur employeur. L’organisation particulière et la forme d’un régime de prévoyance peuvent cependant conduire à un assouplissement de ce principe, et l’insuffisance de financement peut alors également représenter une atteinte découlant de l’insolvabilité, contre laquelle l’article 8 confère une protection. La formule du «régime à équilibre des coûts» choisie dans le cas d’espèce est un exemple de structure particulière dans laquelle un financement insuffisant du système de prévoyance conduit à une atteinte aux intérêts des travailleurs découlant de l’insolvabilité.

53.      La directive 2003/41 concernant les activités et la surveillance des institutions de retraite professionnelle ne s’oppose pas non plus à une telle conclusion. Il faut tout d’abord préciser que la directive 2003/41 n’est entrée en vigueur qu’après l’ouverture de la procédure d’insolvabilité et après la clôture du régime de prévoyance dans le présent cas. Elle n’a donc pas d’effet juridique direct dans cette affaire; on peut seulement lui attribuer une valeur indicative pour la compréhension de l’article 8. Les gouvernements du Royaume‑Uni et néerlandais ainsi que l’Irlande font observer à juste titre que c’est la directive 2003/41 qui a pour la première fois prévu des dispositions expresses concernant le financement des institutions de retraite privées, et que l’article 16, paragraphe 2, de cette directive admet même une insuffisance de financement temporaire. On ne peut cependant rien en déduire pour l’interprétation de l’article 8 de la directive 80/987. En effet, les deux directives ont des objets différents. La directive 80/987 a pour objet la protection des intérêts des travailleurs en cas d’insolvabilité de l’employeur, tandis que la directive 2003/41 concerne la retraite professionnelle. Le fait que la directive 2003/41 admette une insuffisance de financement temporaire ne répond en rien à la question de savoir de quelle protection les intérêts des travailleurs bénéficient lorsqu’un régime de prévoyance est touché par l’insolvabilité de l’employeur et qu’il est impossible de remédier au financement insuffisant en raison de l’insolvabilité. C’est la directive 80/987 qui régit cette protection, dans le sens que nous avons défini plus haut.

2.       Le degré de protection conféré par l’article 8 de la directive 80/987

54.      Le gouvernement du Royaume‑Uni et l’Irlande sont d’avis que l’article 8 de la directive 80/987 n’exige pas une protection complète des droits à la retraite des travailleurs, acquis ou en cours d’acquisition, mais impose seulement une protection minimale. Ils n’indiquent toutefois pas quel contenu concret cette protection minimale devrait avoir. L’interprétation de l’article 8 montre cependant que celui-ci exige une protection complète.

a)       Le texte de l’article 8 de la directive 80/987

55.      Le texte de l’article 8 parle, en termes généraux, des intérêts des travailleurs en ce qui concerne leurs pensions de retraite, qui doivent être protégés. L’expression «intérêts […] en ce qui concerne les droits» désigne, comme nous l’avons vu, l’intérêt économique, qui se trouve derrière le droit, à en obtenir l’exécution.

56.      L’intérêt qui s’attache à un droit à prestation de retraite professionnelle est l’intérêt économique qu’il y a à obtenir le versement des prestations de retraite professionnelle convenues. Cet intérêt économique vise à obtenir le paiement intégral des pensions promises. Il n’est pas de l’intérêt du travailleur, en effet, de ne se voir payer qu’une partie des prestations de retraite qui ont été convenues. Contrairement à ce que pense le gouvernement du Royaume‑Uni, on ne peut donc pas déduire de l’emploi du terme «intérêts» que l’article 8 n’exige pas une protection complète. Ce terme s’explique plutôt par le fait que les droits des travailleurs ne sont pas formellement mis en cause par l’insolvabilité de l’employeur (9). La formulation de l’article ne contient d’ailleurs aucun autre élément qui plaiderait en faveur d’une protection réduite.

57.      Il convient donc de rechercher si les approches systématique et téléologique confirment l’interprétation littérale, ou si, au contraire, il doit en résulter un niveau de protection limité.

b)       Les arguments tenant à l’économie de la directive 80/987

58.      Il convient d’abord de relever, en ce qui concerne le contexte général de la directive 80/987, que celle-ci ne contient aucune disposition qui prévoirait une limitation expresse de la protection conférée par l’article 8, qui figure dans la section III de la directive.

59.      On trouve, en revanche, dans la section II de ladite directive, qui concerne la protection des droits du travailleur au paiement de ses salaires, des limitations expresses de la protection. Ainsi les paragraphes 1 et 3 combinés de l’article 4 prévoient-ils la possibilité, «afin d’éviter le versement de sommes allant au-delà de la finalité sociale de la présente directive, [de] fixer un plafond pour la garantie de paiement des créances impayées des travailleurs salariés».

60.      Le gouvernement du Royaume‑Uni en déduit qu’une protection inférieure à la protection complète serait en principe compatible avec les objectifs de la directive, et ce également dans le cadre de l’article 8. L’Irlande argumente dans le même sens et plaide en faveur d’une application de l’article 8 par analogie avec l’article 4, paragraphe 3. Une telle interprétation systématique ne peut néanmoins pas faire oublier que l’article 4, paragraphe 3, figure dans une autre section de la directive, laquelle est divisée en sections correspondant strictement à des domaines distincts. La section II concerne les dispositions relatives aux institutions qui garantissent les droits à rémunération des travailleurs en cas d’insolvabilité, tandis que la section III concerne les dispositions relatives à la sécurité sociale.

61.      Les demandeurs au principal soulignent en outre à bon droit que ces différentes réglementations sectorielles se distinguent clairement sur le plan du contenu, et n’ont pas pour origine les mêmes configurations d’intérêts. Les arriérés de salaires sont manifestement, et demeurent la plupart du temps, des créances à court terme pour les travailleurs. Ils peuvent en tout cas y opposer une réaction relativement rapide. Les régimes de retraite sont, au contraire, la plupart du temps, d’une complexité peu accessible, et les conséquences du non‑paiement de droits à pension sont graves, s’exercent sur le long terme et ne peuvent être corrigées que très difficilement, voire pas du tout. Une application de l’article 8 par analogie avec l’article 4, paragraphe 3, se heurte donc d’emblée au fait que les situations appréhendées par ces règles ne sont pas comparables.

62.      L’article 6, qui figure lui aussi dans la section III de la directive 80/987, mais qui, de par son renvoi aux articles 3 et suivants, établit un certain lien avec la section II, ne change rien aux considérations qui précèdent. En effet, avec la question du sort des autres cotisations du travailleur aux régimes de prévoyance en cas d’insolvabilité de l’employeur, il régit seulement un aspect partiel bien délimité des dispositions relatives à la sécurité sociale et, d’ailleurs, ne concerne pas les droits acquis du travailleur.

63.      Par conséquent, l’exégèse systématique permet elle aussi de conclure que l’article 8 exige une protection complète des intérêts des travailleurs.

c)       L’interprétation téléologique de l’article 8 de la directive 80/987

64.      L’interprétation en fonction des objectifs poursuivis par ladite directive conforte également la solution proposée. Le premier considérant définit clairement à cet égard l’objectif de la directive comme étant de protéger les travailleurs en cas d’insolvabilité de l’employeur.

65.      Il a déjà été souligné qu’il existe une nécessité particulière de protéger les droits à retraite des travailleurs en cas d’insolvabilité de leur employeur. En effet, un travailleur est fondé à placer sa confiance légitime dans le fait qu’il disposera, lors de sa vieillesse, outre de sa retraite légale, également des pensions de retraite privées qui lui ont été promises, d’une part, et, en règle générale, seules les deux composantes de sa retraite pourront lui conférer un niveau de vie convenable lors de sa vieillesse, d’autre part. Il est aussi particulièrement nécessaire de protéger le travailleur en ce qui concerne ses droits acquis à pension de retraite en raison du fait que – contrairement aux créances salariales qui, dans le cadre de l’insolvabilité, produisent leurs effets à brève échéance – une réduction de droits à pension de retraite produit ses effets sur toute la durée de la retraite, et qu’il n’existe généralement pas de possibilité de combler a posteriori ces lacunes dans la prévoyance. Si, en outre, le régime légal de retraite n’offre qu’une assurance de base, comme c’est incontestablement le cas en l’espèce, le besoin de protection des travailleurs en ce qui concerne la retraite privée s’en trouve encore accru.

66.      La jurisprudence de la Cour relative à la ratio de la directive 80/987 ne modifie en rien cette conclusion. Il est vrai que la Cour a jugé à plusieurs reprises que la finalité sociale de cette directive est de garantir à tous les travailleurs salariés un minimum communautaire de protection en cas d’insolvabilité de l’employeur (10). Le gouvernement du Royaume‑Uni se fonde sur cette jurisprudence pour soutenir que l’article 8 n’exige qu’une protection minimale des intérêts des travailleurs, et non une protection complète. Il n’indique cependant pas clairement quelle protection minimale devrait concrètement être déduite de l’article 8.

67.      La jurisprudence précitée de la Cour n’avait cependant nullement pour objet l’interprétation de l’article 8 de la directive 80/987, mais concernait pour l’essentiel les dispositions de la directive relatives aux droits à rémunération des travailleurs. Or ces règles contiennent des possibilités expresses de limitation, ou permettent aux États membres d’adopter d’autres voies alternatives visant à conférer un degré de protection différent. Dans le cas de ces dispositions, on peut déjà déduire de leur formulation qu’elles ne garantissent qu’un minimum de protection. On ne peut pas en dire autant, en revanche, de l’article 8. C’est pourquoi l’appréciation générale de la Cour, selon laquelle la directive vise à instituer un minimum de protection, n’implique aucune restriction pour l’étendue de la protection conférée par l’article 8.

68.      Pour les mêmes raisons, il n’est pas possible de suivre l’argumentation du gouvernement du Royaume‑Uni qui voudrait qu’un considérant de la directive modificative 2002/74 (11) justifie un champ d’application restreint de l’article 8 de la directive 80/987. Il convient tout d’abord de relever que la directive modificative n’est entrée en vigueur que postérieurement à l’ouverture de la procédure d’insolvabilité de la société ASW et à la clôture de son régime de retraite (12). Elle n’a donc pas d’effet direct sur l’appréciation juridique de la présente affaire. Elle peut tout au plus avoir une valeur indicative pour la compréhension de l’article 8. Cette directive n’a d’ailleurs apporté aucune modification à l’article 8 de la directive 80/987.

69.      Le gouvernement du Royaume‑Uni invoque le deuxième considérant, dans lequel il est affirmé que la directive vise à «assurer aux travailleurs salariés un minimum de protection en cas d’insolvabilité de leur employeur» et que les États membres ont donc l’obligation de mettre en place une institution qui garantisse les droits des travailleurs n’ayant pu être satisfaits. Il prétend pouvoir déduire de l’emploi de la formule «minimum de protection» que l’article 8, qui est une application plus spécifique relative aux intérêts des travailleurs en ce qui concerne leurs droits de retraite, n’assurerait lui aussi qu’un minimum de protection et non pas une protection complète. Ce raisonnement ne tient cependant pas compte du fait que l’expression «minimum de protection» est employée dans le contexte de l’institution de garantie des créances salariales des travailleurs et non pour l’ensemble des questions régies par la directive 80/987. Cette expression ne permet donc pas de conclure que ce sont tous les droits des travailleurs affectés par l’insolvabilité de l’employeur qui doivent se voir accorder une protection seulement minimale, alors que cette protection est prévue sans limitation dans le texte de la directive 80/987. Au surplus, une directive modificative ne peut pas, au moyen d’un unique considérant, réduire le degré de protection conféré par une directive plus ancienne, alors même qu’elle ne modifie pas l’article concerné (13).

70.      Il convient donc de conclure provisoirement que l’article 8 de la directive 80/987 exige une protection complète des droits des travailleurs en ce qui concerne leurs droits à retraite privée en cas d’insolvabilité de l’employeur.

71.      La question de savoir si une restriction de cette protection complète peut éventuellement se justifier dans des cas exceptionnels n’a pas besoin d’être résolue ici. On pourrait déduire du premier considérant de la directive 80/987 que des exceptions à ce principe de protection complète sont envisageables. Il y est indiqué que la protection des travailleurs doit être garantie en tenant compte de la nécessité d’un développement économique et social équilibré dans la Communauté, et non de manière absolue. Dans ce contexte, les incidences économiques, en particulier, que peut avoir la garantie des droits des travailleurs ont de l’importance. Il est en effet évident que les mesures protectrices génèrent des coûts non négligeables qui, de leur côté, ne sont pas sans répercussion sur l’économie générale. Pour déterminer le degré de protection requis par l’article 8, il convient cependant de considérer prioritairement le besoin particulièrement élevé de protection des travailleurs en ce qui concerne leurs droits à la retraite, de sorte que des dérogations à la règle de la protection complète des droits des travailleurs ne peuvent être envisagées que dans des situations exceptionnelles. Si le travailleur a moins besoin d’être protégé et si, en outre, une garantie complète génère des coûts disproportionnés, on peut envisager l’existence d’un cas exceptionnel dans lequel, après due considération des deux aspects à prendre en compte, il s’avère qu’un moindre degré de protection est approprié. Des restrictions modérées pourraient éventuellement se concevoir pour les droits de travailleurs qui sont encore très loin de l’âge de la retraite et pour lesquels il existe encore des possibilités de compensation, ou pour les droits de retraite qui se situent à un niveau bien plus élevé que la moyenne. Nous ne sommes cependant pas ici en présence de tels cas exceptionnels. Et, pour des raisons de sécurité juridique, un semblable abaissement du degré de protection devrait en outre être prévu par la loi.

72.      Une réglementation nationale telle que celle qui est à l’origine de la présente affaire, qui aboutit en définitive à ce que les travailleurs ne perçoivent, par suite de l’insolvabilité de leur employeur, et indépendamment du montant de la retraite, que 49 %, voire 20 % des prestations escomptées – comme cela a été le cas pour les deux premiers demandeurs au principal – ne peut pas être conforme au degré de protection requis par l’article 8 (y compris si l’on tient compte de l’option envisagée ci‑dessus d’une exception au degré de protection complète de l’article 8).

3.       Au moyen de quel type de mesures les États membres doivent-ils assurer la protection des intérêts des travailleurs?

73.      Il convient à présent de rechercher quelles mesures l’article 8 de la directive 80/987 exige des États membres pour mettre en place le degré de protection requis. Il faut en particulier déterminer, au regard de la première question préjudicielle, si l’article 8 impose également aux États membres l’obligation de combler, au moyen de ressources financières propres, les pertes de retraite résultant de l’insolvabilité.

74.      En vertu de l’article 8 de ladite directive, les États membres s’assurent que les mesures nécessaires sont prises pour protéger les intérêts des travailleurs.

75.      Les demandeurs au principal soutiennent que l’article 8 ne prévoit certes pas d’obligation de garantie pour les États membres, mais ne précise pas non plus qui doit remédier aux pertes de pensions de retraite. Ils considèrent toutefois que, lorsqu’il n’existe pas de mécanisme de garantie suffisant, cette obligation incombe aux États membres.

76.      Il convient cependant d’approuver la thèse défendue par le gouvernement du Royaume‑Uni, l’Irlande et la Commission, selon laquelle la directive 80/987 n’impose directement aucune responsabilité aux États membres en cas de non‑versement de prestations insuffisamment garanties.

77.      Comme l’observent avec justesse les parties à la procédure, le texte de l’article 8 de ladite directive ne prévoit pas que les États membres doivent répondre eux-mêmes des prestations de retraite impayées, ni qu’ils doivent assumer la fonction d’ultime garant, si les mécanismes de protection prévus ne peuvent pas offrir une couverture suffisante. Au contraire, le texte de l’article 8 précise bien, avec l’emploi de l’expression «s’assurent que», que les États membres doivent seulement faire en sorte que la protection des travailleurs soit effectivement garantie aux travailleurs. La façon dont ce résultat est atteint est laissée à leur libre appréciation. Du fait de la formulation retenue, les employeurs peuvent également se voir confier le soin de prendre les mesures nécessaires, une obligation légale pouvant leur être imposée de souscrire une assurance pour le paiement des retraites sur lesquelles ils se sont engagés ou de mettre en place des fonds de garantie communs (14).

78.      Cette interprétation est confirmée par l’interprétation a contrario du texte de l’article 7, qui indique que les États membres «prennent les mesures nécessaires pour assurer que […]». Si l’article 8, qui suit directement l’article 7, ne reprend pas, quant à lui, la formulation de l’article 7, mais exige seulement un engagement différent et moins fort de la part des États membres, cela prouve que l’article 8 ne demande pas à ces derniers de prendre directement des mesures, mais les autorise aussi à les déléguer à des tiers. Les États membres ne doivent donc pas répondre en tant qu’ultimes cautions ou garants, et ne sont pas tenus de verser eux‑mêmes les prestations de retraite.

79.      Il importe également de déterminer, pour l’interprétation de l’article 8 de la directive 80/987, ce qu’il faut entendre par «mesures nécessaires» au sens de cette disposition. Sont nécessaires les mesures qui garantissent la protection complète des intérêts des travailleurs. Il n’est pas possible d’indiquer de façon générale quelles sont ces mesures, cela dépend de la nature et de la structure du régime de retraite professionnel en cause. Contrairement à ce qu’affirment le Royaume‑Uni, l’Irlande et le Royaume des Pays-Bas, une séparation des patrimoines de l’employeur et du régime de retraite n’est donc pas toujours suffisante (15). En cas de régime à équilibre des coûts, comme c’est le cas dans l’affaire au principal, une séparation des patrimoines est insuffisante pour protéger les intérêts des travailleurs. En attestent notamment les pertes de retraite importantes auxquelles les demandeurs au principal se trouvent confrontés.

80.      Contrairement à ce que soutient le Royaume‑Uni, la genèse de la directive 80/987 ne conduit pas non plus à interpréter l’article 8 comme n’exigeant rien d’autre qu’une séparation des patrimoines des institutions de prévoyance et des employeurs. Le procès‑verbal de réunion du «groupe de travail Questions Sociales» du Conseil, produit par le gouvernement du Royaume-Uni, comporte certes une déclaration du représentant de la Commission selon laquelle l’article 8 (16) inclurait la mise en place d’une séparation des patrimoines (17). Cette affirmation n’est cependant pas en soi dépourvue de toute ambiguïté. Le fait que l’article 8 inclue la séparation des patrimoines ne signifie précisément pas que l’article 8 n’exige pas éventuellement aussi d’autres mesures.

81.      En outre, les éléments tirés de l’historique ont une importance moins grande pour l’interprétation (18). Selon la jurisprudence de la Cour, les déclarations faites à l’occasion de l’adoption de l’acte ne peuvent même pas être invoquées pour l’interprétation, dans le cas où le contenu des déclarations n’a pas été repris dans le texte en question (19). La signification objective d’une disposition de droit communautaire ne peut résulter que de la disposition elle‑même, compte tenu de son contexte (20). Cette affirmation de la Cour vaut a fortiori pour une déclaration d’un représentant de la Commission, faite devant un groupe de travail du Conseil. Comme nous l’avons montré, le texte de l’article 8 ne permet nullement de conclure qu’une séparation des patrimoines suffit à sa transposition; et, de ce fait, les éléments d’interprétation historiques ne peuvent conduire à aucune autre conclusion.

82.      L’article 8 de la directive 80/987 n’exige pas obligatoirement que les régimes de retraite soient à tout moment intégralement financés; le gouvernement néerlandais l’a bien montré à l’audience. Il exige néanmoins, que, dans l’hypothèse d’un financement insuffisant portant atteinte aux intérêts des travailleurs en cas d’insolvabilité de l’employeur, les précautions nécessaires – ou en tout cas d’autres précautions – soient prises pour assurer que les travailleurs soient remplis de leurs droits.

4.       Conclusion partielle

83.      Il convient de conclure, à ce stade de l’analyse, que l’article 8 de la directive 80/987 exige en principe une protection complète des intérêts des travailleurs en ce qui concerne leurs droits acquis et en cours d’acquisition à prestations de retraite complémentaire privée. Dans un régime de retraite caractérisé par l’équilibre des coûts, comme c’est le cas dans la présente affaire, cette protection s’entend également aux conséquences que le financement insuffisant du régime a sur les droits à retraite. L’article 8 n’oblige cependant pas les États membres à garantir eux-mêmes cette protection par des paiements propres, dans le cadre d’une garantie contre la défaillance du débiteur.

B –    Sur la troisième question préjudicielle

84.      Par sa troisième question, la juridiction de renvoi souhaite savoir au vu de quels éléments on peut conclure, dans le cadre d’une mise en cause de la responsabilité de l’État en droit communautaire, qu’il y a eu, ou non, une violation suffisamment caractérisée du droit communautaire.

85.      En vertu de la jurisprudence de la Cour, un État membre est tenu de réparer les dommages causés aux particuliers par des violations du droit communautaire à trois conditions (21):

–        d’abord, la règle de droit violée doit avoir pour objet de conférer des droits aux particuliers, dont le contenu doit pouvoir être identifié sur la base de la directive;

–        ensuite, la violation doit être suffisamment caractérisée;

–        et, enfin, il doit exister un lien de causalité direct entre la violation de l’obligation qui incombe à l’État et le dommage subi par la personne lésée.

86.      En vertu de la jurisprudence, c’est, en principe, aux juridictions nationales qu’il appartient de vérifier si les conditions de la responsabilité des États découlant de la violation du droit communautaire sont ou non réunies (22). Lorsqu’elle disposait d’informations suffisantes, la Cour a néanmoins précisé certaines circonstances dont les juridictions nationales sont susceptibles de tenir compte dans leur appréciation (23).

1.       Les droits conférés aux particuliers

87.      En vertu de la jurisprudence de la Cour, la règle méconnue doit comporter l’attribution de droits au profit de particuliers, et le contenu de ces droits doit pouvoir être identifié de manière suffisamment précise sur la base des dispositions de la directive (24).

88.      L’article 8 de la directive 80/987 exige – comme nous l’avons vu – que soit assurée une protection complète des droits acquis par les travailleurs en ce qui concerne le paiement des pensions de retraite. Le cercle des bénéficiaires des droits conférés par l’article 8 de la directive est à cet égard suffisamment précis. La Cour l’a déjà constaté à propos de l’article 3 de la directive, dans l’arrêt Francovich e.a. (25). Le cercle des personnes protégées par l’article 8 de la directive, ici en cause, n’est pas différent de celui des personnes protégées par l’article 3 de la même directive.

89.      Le contenu des droits des travailleurs est lui aussi suffisamment précis. Comme nous l’avons démontré plus haut, l’article 8 requiert une protection complète des intérêts des travailleurs en ce qui concerne leurs droits à la retraite en cas d’insolvabilité de l’employeur.

2.       La violation caractérisée

90.      En vertu de la jurisprudence de la Cour, la violation est suffisamment caractérisée lorsqu’une institution ou un État membre, dans l’exercice de son pouvoir normatif, a méconnu, de manière manifeste et grave, les limites qui s’imposent à l’exercice de ses pouvoirs (26).

91.      La simple infraction au droit communautaire peut suffire à établir l’existence d’une violation suffisamment caractérisée dans l’hypothèse où l’État membre en cause, au moment où il a commis l’infraction, n’était pas confronté à des choix normatifs et disposait d’une marge d’appréciation considérablement réduite, voire inexistante (27).

92.      Étant donné la formulation de l’article 8, qui laisse aux États membres le choix des moyens à utiliser, on ne peut pas considérer ici que l’article 8 laisse aux États membres une marge d’appréciation très réduite, voire nulle. On ne saurait non plus reprocher au Royaume-Uni de n’avoir pas pris de mesures d’aucune sorte pour assurer la transposition de la directive (28). Le gouvernement du Royaume-Uni a expliqué qu’il avait prévu la séparation des patrimoines de l’employeur et de l’institution de prévoyance ainsi que le paiement de cotisations supplémentaires dans certaines proportions afin de transposer l’article 8, et qu’il avait considéré que cela constituait une transposition suffisante des exigences de l’article 8.

93.      La juridiction de renvoi doit donc vérifier, au regard des autres critères énoncés par la Cour, si l’État membre a manifestement et gravement méconnu les limites qui s’imposent à son pouvoir d’appréciation. La juridiction de renvoi doit à cet effet vérifier notamment le degré de clarté et de précision de la règle violée, éventuellement le caractère intentionnel ou involontaire du manquement commis ou du préjudice causé, l’étendue de la marge d’appréciation que la règle enfreinte laisse aux autorités nationales, le caractère excusable ou inexcusable d’une éventuelle erreur de droit et l’éventuelle contribution à l’infraction du comportement d’une institution communautaire (29). Selon la jurisprudence, il convient également de rechercher si l’interprétation des dispositions de la directive, sur laquelle s’est fondé le législateur national lors de sa transposition, était raisonnable ou si elle était manifestement contraire au texte de la directive et à son objectif (30).

94.      Au vu de ces critères, il n’est pas certain que la violation soit suffisamment caractérisée dans le cas d’espèce.

95.      Le problème est en particulier de savoir si l’article 8 de la directive 80/987 décrit avec toute la clarté nécessaire l’étendue et le degré de protection des intérêts des travailleurs qu’il entend imposer. L’élément déduit de l’économie de ladite directive que constitue le critère de l’atteinte aux droits découlant de l’insolvabilité ne semble pas présenter la clarté voulue. L’idée que la réalisation de risques généraux puisse, en cas d’insolvabilité, être qualifiée ou non d’atteinte découlant de l’insolvabilité en fonction de la forme que revêt le régime de retraite professionnelle en cause ne s’impose pas d’elle-même, en tout cas. L’interprétation que le Royaume-Uni a donnée de ce critère, avec pour conséquence que l’insuffisance de financement d’un régime de retraite lui apparaît en principe comme ne découlant pas de l’insolvabilité, ne semble pas déraisonnable. L’interprétation que le gouvernement du Royaume-Uni a retenue du degré de protection requis par l’article 8 n’est pas non plus déraisonnable. C’est ainsi que la Commission a fait valoir à l’audience que le degré de protection exigé par l’article 8 n’était pas aisé à déterminer.

96.      Cette appréciation n’est pas non plus contredite par les propos qu’avait tenus l’avocat général Lenz dès 1988 dans ses conclusions, selon lesquels il ne suffit pas, pour assurer la transposition de l’article 8, d’une protection «qui se limite à l’insaisissabilité des fonds effectivement constitués et qui ne se soucie pas que les fonds soient suffisamment alimentés» (31). Bien que la Cour ne se soit pas penchée plus précisément sur cette question dans son arrêt, on pourrait soutenir que le Royaume-Uni aurait pu déjà se rendre compte, sur la base de l’interprétation donnée dans ces conclusions, que l’article 8 de la directive 80/987 exigeait des mesures plus ambitieuses. Il serait cependant exagéré de déduire de l’observation insuffisamment attentive de conclusions une violation caractérisée de la part du législateur (32). En effet, le législateur ne peut pas, au moyen de questions préjudicielles, demander à la Cour de se prononcer sur une question non encore tranchée mais seulement abordée par un avocat général.

97.      On peut par ailleurs considérer qu’il n’y a pas violation suffisamment caractérisée en raison du caractère excusable de l’erreur de droit ou en raison du fait que le comportement d’une institution communautaire a contribué à autoriser l’adoption ou le maintien de mesures nationales contraires au droit communautaire (33).

98.      Dans ces conditions, il convient de prêter attention à un rapport de la Commission de 1995, dans lequel celle-ci a déclaré, à l’occasion de l’examen des mesures nationales de transposition de la directive 80/987, que les mesures adoptées par le Royaume-Uni «semblaient» répondre aux exigences prévues à l’article 8 (34). Les demandeurs au principal ont raison de souligner que la Commission a choisi une formulation prudente (35), alors qu’elle a retenu des formules plus affirmatives à l’égard de régimes de protection mis en place par d’autres États membres (36). Quoi qu’il en soit, il ne peut être reproché au Royaume-Uni, pour autant qu’il se soit vu conforté dans sa position par le rapport de la Commission, de n’avoir pas satisfait aux prescriptions de l’article 8 de la directive 80/987 avec les mesures de transposition qu’il a adoptées.

99.      En conclusion, les circonstances de la présente affaire tendent à indiquer que la violation n’est pas suffisamment caractérisée.

VI – Conclusion

100. Au vu de ce qui précède, nous proposons à la Cour de répondre ainsi aux questions posées par la High Court of Justice (England & Wales), Chancery Division:

«1)      L’article 8 de la directive 80/987/CEE du Conseil, du 20 octobre 1980, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives à la protection des travailleurs salariés en cas d’insolvabilité de l’employeur, suppose en principe une protection complète des intérêts des travailleurs en ce qui concerne leurs droits acquis et en cours d’acquisition à pensions de retraite complémentaire professionnelle ou privée. La protection conférée par l’article 8 de la directive 80/987 s’étend également aux atteintes aux droits qui résultent de l’insuffisance de financement du régime de retraite, lorsque ces atteintes découlent de l’insolvabilité.

2)      L’article 8 de la directive 80/987 n’oblige pas les États membres à garantir la protection des intérêts des travailleurs par des prestations financières propres.

3)      En vertu de la jurisprudence de la Cour, une infraction au droit communautaire est suffisamment caractérisée si, en légiférant, l’État membre a manifestement et gravement méconnu les limites qui s’imposent à son pouvoir d’appréciation. La simple infraction au droit communautaire peut suffire à établir l’existence d’une violation suffisamment caractérisée dans l’hypothèse où l’État membre en cause, au moment où il a commis l’infraction, n’était pas confronté à des choix normatifs et disposait d’une marge d’appréciation considérablement réduite, voire inexistante.»


1 – Langue originale: l’allemand.


2 – JO L 283, p. 23.


3 –      Directive du Parlement européen et du Conseil, du 23 septembre 2002 (JO L 270, p. 10). Cette directive est entrée en vigueur le 8 octobre 2002 et les États membres étaient tenus de la transposer avant le 8 octobre 2005.


4 –      Directive du Parlement européen et du Conseil, du 3 juin 2003 (JO L 235, p. 10). Elle est entrée en vigueur le 23 septembre 2003, les États membres ayant jusqu’au 23 septembre 2005 pour la transposer.


5 – Voir, par exemple, arrêts du 30 avril 1998, Sodiprem e.a. (C-37/96 et C-38/96, Rec. p. I‑2039, point 22), et du 3 mai 2001, Verdonck e.a. (C-28/99, Rec. p. I-3399, point 28).


6 – Voir, en dernier lieu, arrêts du 8 décembre 2005, Jyske Finans (C-280/04, Rec. p. I‑10721, point 34), et du 9 mars 2006, Commission/Espagne (C‑323/03, Rec. p. I‑2161, point 32).


7 – C’est nous qui mettons en relief.


8 – En ce sens, l’avocat général Lenz avait déjà estimé dans ses conclusions du 15 novembre 1988 dans l’affaire Commission/Italie (arrêt du 2 février 1989, 22/87, Rec. p. I-143, point 49), que les auteurs de la directive 80/987 «ont tout à fait voulu inclure aussi le problème de l’alimentation des fonds dans le contexte de l’article 8». L’arrêt de la Cour dans cette affaire ne fait aucun commentaire sur cette question.


9 – Voir point 37 des présentes conclusions.


10 – Voir arrêts Commission/Italie (précité dans la note 8, point 23); du 19 novembre 1991, Francovich e.a. (C‑6/90 et C-9/90, Rec. p. I-5357, points 3 et 21); du 10 juillet 1997, Maso e.a (C‑373/95, Rec. p. I-4051, point 56); du 14 juillet 1998, Regeling (C-125/97, Rec. p. I-4493, point 20); du 18 octobre 2001, Gharehveran (C-441/99, Rec. p. I-7687, point 26), et du 11 septembre 2003, Walcher (C-201/01, Rec. p. I-8827, point 38).


11 – Qui a modifié la directive 80/987.


12 – La directive est entrée en vigueur le 8 octobre 2002; les régimes de retraite ont été clos en juillet 2002 à la suite de l’ouverture de la procédure d’insolvabilité de la société ASW.


13 – Selon la jurisprudence de la Cour, les considérants formant le préambule d’un acte communautaire n’ont pas de valeur juridique contraignante et ne sauraient être invoqués pour déroger aux dispositions mêmes de l’acte concerné, ni pour interpréter ces dispositions dans un sens manifestement contraire à leur libellé (arrêts du 19 novembre 1998, Nilsson e.a., C-162/97, Rec. p. I-7477, point 54; et du 24 novembre 2005, Deutsches Milch-Kontor, C-136/04, Rec. p. I‑10095, point 32). Cela vaut a fortiori pour le préambule d’une directive modificative qui ne modifie pas l’article concerné lui-même.


14 – Voir, également, en ce sens les conclusions de l’avocat général Lenz dans l’affaire Commission/Italie (précitée note 8, point 50). La Cour n’a pas pris position sur ce point dans l’arrêt qu’elle a rendu dans cette affaire.


15 – Voir, en ce sens, les conclusions de l’avocat général Lenz dans l’affaire précitée note 8 (point 48).


16 – Encore dénommé article 7 dans la procédure législative.


17 – Summary of proceedings of the Working Party on Social Questions, 14 et 15 mars 1979, document du 19 mars 1979, n° 5581/79, p. 13 bis.


18 – Arrêt du 21 janvier 1992, Egle (C‑310/90, Rec. p. I‑177, point 12), dans lequel l’historique n’a été invoqué que pour confirmer l’interprétation dégagée au moyen d’autres méthodes.


19 – Arrêts du 26 février 1991, Antonissen (C‑292/89, Rec. p. I‑745, point 18), et du 10 janvier 2006, Skov et Bilka (C-402/03, Rec. p. I‑199, point 42); dans son arrêt du 23 février 1988, Commission/Italie (429/85, Rec. p. 843, point 9), la Cour avait déjà jugé qu’une interprétation tirée d’une déclaration du Conseil ne peut pas conduire à une autre conclusion que celle résultant du texte même de la directive.


20 – Arrêt du 15 avril 1986, Commission/Belgique (237/84, Rec. p. 1247, point 17).


21 – Voir arrêts du 4 juillet 2000, Haim (C-4242/97, Rec. p. 5123, point 36); du 5 mars 1996, Brasserie du Pêcheur et Factortame (C-46/93 et C-48/93, Rec. p. I‑1029, point 51); et du 2 avril 1998, Norbrook Laboratories (C-12795, Rec. p. I-1531, point 107).


22 – Arrêts du 26 mars 1996, British Telecommunications (C-392/93, Rec. p. I-1631, point 41); du 17 octobre 1996, Denkavit e.a. (C-283/94, C-291/94 et C-292/94, Rec. p. I-5063, point 49), et du 24 septembre 1998, Brinkmann (C-319/96, Rec. p. I‑5255, point 26).


23 – Par exemple, arrêt du 18 janvier 2001, Stockholm Lindöpark (C-150/99, Rec. p. I‑493, point 38).


24 – Arrêts Francovich e.a. (précité note 10, points 40 et 44) et du 15 juin 1999, Rechberger e.a. (C‑140/97, Rec. p. I-3499, points 22 et 23).


25 – Arrêt précité note 10, points 13 et 14.


26 – Arrêts Brasserie du pêcheur et Factortame (précité note 21, point 55); Rechberger e.a. (précité note 24, point 50); British Telecommunications (précité note 22, point 42), et du 8 octobre 1996, Dillenkofer e.a. (C-174/94, C-179/94 et C-188/94 à C‑190/94, Rec. p. I-4845, point 25).


27 – Arrêts du 23 mai 1996, Hedley Lomas (C-5/94, Rec. p. I-2553, point 28), et Dillenkofer e.a. (précité note 26, point 25).


28 – L’absence totale de mesures de transposition pourrait en soi donner à penser que l’État membre a méconnu, de manière manifeste et grave, les limites de ses pouvoirs (voir arrêt Dillenkofer e.a., précité note 26, point 26).


29 – Voir, par exemple, arrêts Brasserie du pêcheur et Factortame (précité note 21, points 55 et 56) et, tout récemment, du 30 septembre 2003, Köbler (C‑224/01, Rec. p. I-10239, point 55). Ces critères devraient être pris en considération pour la juridiction nationale s’il s’avérait en l’espèce que la marge d’appréciation du législateur était très réduite, voire nulle. Il est vrai que, selon la jurisprudence de la Cour, la simple méconnaissance du droit communautaire peut suffire, comme nous l’avons vu, à constituer une violation caractérisée dans cette situation, mais il n’en va pas toujours ainsi. Pour déterminer si la violation est suffisamment caractérisée, la juridiction nationale doit aussi, dans ce cas, tenir compte des critères précités – voir sur ce point arrêts Haim (précité note 21, points 41 et suiv.) et du 28 juin 2001, Larsy (C-118/00, Rec. p. I-5063, point 39).


30 – Arrêt British Telecommunications (précité note 22, point 43).


31 – Voir conclusions de l’avocat général Lenz dans l’affaire Commission/Italie (arrêt du 2 février 1989, précité note 8), point 48.


32 – Il en va peut-être autrement de la question de savoir si le fait, pour une juridiction de dernière instance, de ne pas poser une question préjudicielle à la Cour représente une violation suffisamment caractérisée.


33 – Voir arrêts Brasserie du pêcheur et Factortame (précité note 21, point 56) et Köbler (précité note 29, point 55). L’existence d’actes d’une institution communautaire ayant contribué à la violation pourrait être considérée comme une sous‑catégorie du critère de l’erreur de droit excusable.


34 – Rapport de la Commission concernant le rapprochement des législations des États membres relatives à la protection des travailleurs salariés en cas d’insolvabilité de l’employeur [COM(95) 164 final].


35 – Le rapport conclut l’analyse de la transposition par le Royaume-Uni en indiquant qu’elle «semble être conforme aux exigences de l’article 8».


36 – Voir, par exemple, p. 46 du rapport de la Commission (cité note 34) relative aux mesures de transposition espagnoles: «la loi espagnole respecte les dispositions de l’article 8 de la directive».