Language of document : ECLI:EU:T:2012:27

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

25 janvier 2012 (*)

« Recours en annulation – Accès aux documents – Règlement (CE) n° 1049/2001 – Documents relatifs à une étude sur les coûts et avantages liés pour les commerçants d’accepter différents moyens de paiement – Documents émanant d’un tiers – Refus implicite d’accès – Intérêt à agir – Décision explicite adoptée après l’introduction du recours – Non-lieu à statuer »

Dans l’affaire T‑330/11,

MasterCard, Inc., établie à Wilmington, Delaware (États‑Unis),

MasterCard International, Inc., établie à Wilmington,

MasterCard Europe, établie à Waterloo (Belgique),

représentées par Mes B. Amory, V. Brophy et S. McInnes, avocats,

parties requérantes,

contre

Commission européenne, représentée par Mme F. Clotuche-Duvieusart et M. V. Bottka, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision implicite de la Commission refusant d’accorder aux requérantes l’accès à certains documents établis par un tiers relatifs à une étude sur les « coûts et avantages liés pour les commerçants d’accepter différents moyens de paiement »,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

composé de MM. S. Papasavvas, président, V. Vadapalas (rapporteur) et K. O’Higgins, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Faits à l’origine du litige

1        Par courriel du 17 décembre 2010, les requérantes, MasterCard, Inc., MasterCard International, Inc. et MasterCard Europe, ont demandé à la direction générale (DG) de la concurrence de la Commission européenne, sur le fondement du règlement (CE) n° 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO L 145, p. 43), l’accès à un certain nombre de documents qui auraient été fournis à la Commission par EIM Business and Policy Research (ci-après « \/EIM »), dans le cadre d’une étude lancée en 2008 sur les « coûts et avantages pour les commerçants d’accepter différents moyens de paiement ».

2        La demande d’accès portait plus précisément sur les documents suivants :

–        tous les documents, au sens du règlement n° 1049/2001, s’ils existent et si la Commission en dispose, qui sont énumérés au point 4.1 (« Produits à livrer ») du cahier des charges de l’appel d’offres COMP/2008/D1/020, ou du moins une version non confidentielle de ces documents ;

–        le rapport d’EIM sur les résultats du premier test (étude pilote), ou du moins une version non confidentielle de ce document ;

–        l’avis final d’EIM sur la méthode générale de l’étude, ou du moins une version non confidentielle de ce document ;

–        tout autre document, au sens du règlement n° 1049/2001, fourni par EIM à la Commission à l’issue de l’étude pilote, ou du moins une version non confidentielle de ces documents.

3        Par lettre du 18 janvier 2011, la DG de la concurrence a refusé l’accès aux documents fournis à la Commission par EIM (ci-après les « documents EIM »), conformément à l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement n° 1049/2001.

4        Le 7 février 2011, les requérantes ont présenté une demande confirmative auprès du secrétariat général de la Commission, conformément à l’article 7, paragraphe 2, du règlement n° 1049/2001, tendant à ce que cette dernière révise sa position.

5        Par courriel en date du 8 février 2011, le secrétariat général de la Commission a accusé réception de la demande confirmative des requérantes et a confirmé qu’elles recevraient une réponse dans un délai de quinze jours ouvrables.

6        Le 21 février 2011, le secrétariat général de la Commission a demandé aux requérantes de clarifier leur demande et de préciser si elles sollicitaient que les documents EIM soient rendus publics ou non.

7        Le 23 février 2011, les requérantes ont confirmé que leur demande avait pour but une divulgation publique des documents EIM et ont demandé confirmation de la date à laquelle elles recevraient une réponse à leur demande confirmative.

8        Le 3 mars 2011, le secrétariat général de la Commission a déclaré qu’il avait commencé à traiter la demande en cause comme une demande confirmative à partir du 24 février 2011, conformément à l’article 2, troisième alinéa, de la décision 2001/937/CE, CECA, Euratom de la Commission, du 5 décembre 2001, modifiant son règlement intérieur (JO L 345, p. 94).

9        Le secrétariat général de la Commission a, par conséquent, fixé l’échéance du délai de traitement de la demande au 16 mars 2011. Par lettre du 7 mars 2011, les requérantes ont contesté l’interprétation donnée par le secrétariat général de la Commission du délai de réponse.

10      Le 14 mars 2011, le secrétariat général de la Commission a confirmé sa position selon laquelle le délai de quinze jours ouvrables n’avait commencé à courir que le 24 février 2011 et a ajouté que, vu la sensibilité du sujet, il pourrait ne pas être en mesure de fournir une réponse finale à la date du 16 mars 2011. Il a, par conséquent, prorogé le délai de quinze jours ouvrables, conformément à l’article 8, paragraphe 2, du règlement n° 1049/2001.

11      Par lettre du 15 mars 2011, les requérantes ont indiqué qu’elles n’admettaient toujours pas l’interprétation faite par le secrétariat général de la Commission du délai d’examen de leur demande confirmative et qu’elles contestaient la justification avancée pour la prorogation de ce délai.

12      Le 7 avril 2011, le secrétariat général de la Commission a fait savoir aux requérantes que le délai prorogé de réponse avait expiré le 6 avril 2011, mais qu’il n’était pas en mesure de fournir une réponse définitive dans les limites de ce délai. Il a néanmoins ajouté qu’un projet de décision était en cours d’approbation et qu’il espérait en communiquer une version définitive aux requérantes rapidement.

13      Les requérantes ont, dès lors, considéré que cette absence de réponse, dans le délai prorogé, constituait une décision implicite rejetant leur demande confirmative d’accès aux documents (ci-après la « décision implicite »).

14      Le 12 juillet 2011, le secrétariat général de la Commission a adopté une décision confirmative de son refus d’accorder aux requérantes l’accès aux documents EIM (ci-après la « décision explicite »). La décision explicite a été transmise, par courriel, le jour même aux requérantes.

 Procédure et conclusions des parties

15      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 15 juin 2011, les requérantes ont introduit le présent recours.

16      Les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer le recours recevable ;

–        annuler la décision implicite ;

–        déclarer que l’interprétation par la Commission de l’article 8 du règlement n° 1049/2001 n’est pas juridiquement fondée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

17      Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 29 juillet 2011, la Commission a présenté une demande de non-lieu à statuer, au titre de l’article 113 du règlement de procédure du Tribunal, en raison de l’adoption de sa décision explicite. Les requérantes ont déposé leurs observations sur cette demande le 20 septembre 2011.

18      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours formé à l’encontre de la décision implicite comme étant sans objet ;

–        condamner les requérantes aux dépens.

19      Dans leurs observations sur la demande de non-lieu à statuer, les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        juger que le recours n’est pas devenu sans objet et qu’il est donc nécessaire pour le Tribunal de statuer sur celui-ci ;

–        condamner la Commission aux dépens.

 En droit

20      En vertu de l’article 113 du règlement de procédure, le Tribunal peut à tout moment, d’office, les parties entendues, statuer sur les fins de non-recevoir d’ordre public. En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces produites et les explications fournies par les parties pendant la procédure écrite, de sorte qu’il n’y a pas lieu d’ouvrir la procédure orale.

21      Les requérantes considèrent, à juste titre, qu’une décision implicite s’est formée, conformément à l’article 8, paragraphe 3, du règlement n° 1049/2001, à la suite de l’écoulement du délai de réponse à leur demande confirmative, introduite auprès de la Commission le 8 février 2011, date de sa réception par les services de l’institution. La Commission disposait donc, en application de l’article 8, paragraphe 1, du règlement n° 1049/2001, de quinze jours ouvrables pour octroyer ou refuser l’accès aux documents EIM.

22      La Commission a fait courir ce délai initial à compter du 24 février, date à laquelle elle a reçu les précisions quant à l’objectif de la demande confirmative des requérantes, à savoir si ces dernières demandaient ou non une divulgation publique des documents EIM, conformément à l’article 2, troisième alinéa, de son règlement intérieur.

23      La Commission a également fait usage de la possibilité qui lui était offerte, conformément à l’article 8, paragraphe 2, du règlement n° 1049/2001, de proroger de quinze jours ouvrables le délai de réponse.

24      Sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur la possibilité qu’avait la Commission de faire courir le délai initial de réponse à la demande confirmative à compter de la date de réception des précisions demandées sur cette demande, conformément à l’article 2, troisième alinéa, de son règlement intérieur, il y a lieu de considérer que les conclusions tendant à l’annulation de la décision implicite sont, en tout état de cause, irrecevables (voir, par analogie, ordonnance du Tribunal du 17 juin 2010, Jurašinović/Conseil, T‑359/09, non publiée au Recueil, point 33).

25      En effet, il convient de souligner que, selon une jurisprudence constante, un recours en annulation intenté par une personne physique ou morale n’est recevable que dans la mesure où la partie requérante a un intérêt à voir annuler l’acte attaqué (ordonnance Jurašinović/Conseil, précitée, point 35).

26      L’intérêt à agir d’une partie requérante doit, au vu de l’objet du recours, exister au stade de l’introduction de celui-ci sous peine d’irrecevabilité (ordonnance Jurašinović/Conseil, précitée, point 36).

27      La Commission a adopté sa décision explicite le 12 juillet 2011. Cette décision a donc été adoptée postérieurement à la date d’introduction du présent recours. Dès lors, les requérantes avaient un intérêt à agir à la date d’introduction du recours et celui-ci était recevable.

28      Cependant, l’intérêt à agir doit perdurer jusqu’au prononcé de la décision juridictionnelle sous peine de non-lieu à statuer, ce qui suppose que le recours soit susceptible, par son résultat, de procurer un bénéfice à la partie qui l’a intenté (ordonnance Jurašinović/Conseil, précitée, point 38).

29      Si l’intérêt à agir du requérant disparaît au cours de la procédure, une décision du Tribunal sur le fond ne saurait procurer aucun bénéfice à celui-ci (ordonnance Jurašinović/Conseil, précitée, point 39).

30      En l’espèce, il convient de considérer qu’il n’y a plus lieu de statuer sur le présent recours en ce qu’il est dirigé contre la décision implicite, dans la mesure où les requérantes n’ont plus d’intérêt à agir contre celle-ci, du fait de l’adoption de la décision explicite, dont elles demandent l’annulation dans le cadre de l’affaire T‑516/11, MasterCard e.a./Commission, pendante devant le Tribunal. En effet, par l’adoption de la décision explicite, la Commission a, de fait, procédé au retrait de la décision implicite (voir, par analogie, ordonnance Jurašinović/Conseil, précitée, point 40).

31      À cet égard, l’argument des requérantes tiré de ce que la décision explicite serait dénuée de tout fondement juridique et devrait être considérée comme inexistante ne saurait prospérer. En effet, il convient de rappeler que la qualification d’acte inexistant doit être réservée à ceux affectés de vices particulièrement graves et évidents. La gravité des conséquences qui se rattachent à la constatation de l’inexistence d’un acte des institutions postule que, pour des raisons de sécurité juridique, cette constatation soit réservée à des hypothèses tout à fait extrêmes (voir arrêt du Tribunal du 10 décembre 2010, Ryanair/Commission, T‑494/08 à T‑500/08 et T‑509/08, non encore publié au Recueil, point 49, et la jurisprudence citée).

32      Or, en l’espèce, le seul fait que la décision explicite ait été adoptée après l’expiration du délai prévu à l’article 8 du règlement n° 1049/2001 n’a pas pour effet de priver la Commission du pouvoir d’adopter une décision (voir arrêt Ryanair/Commission, précité, point 50, et la jurisprudence citée).

33      Il convient également de rejeter l’argument des requérantes tiré de ce que la Commission aurait perdu le pouvoir d’adopter valablement une réponse écrite à la demande confirmative.

34      En effet, aucun principe juridique ne fait perdre à l’administration sa compétence pour répondre à une demande, même en dehors des délais impartis à cet effet. Le mécanisme d’une décision implicite de rejet a été établi afin de pallier le risque que l’administration choisisse de ne pas répondre à une demande d’accès à des documents et échappe à tout contrôle juridictionnel, et non pour rendre illégale toute décision tardive. Au contraire, l’administration a, en principe, l’obligation de fournir, même tardivement, une réponse motivée à toute demande d’un administré. Une telle solution est conforme à la fonction du mécanisme de la décision implicite de rejet qui consiste à permettre aux administrés d’attaquer l’inaction de l’administration en vue d’obtenir une réponse motivée de celle-ci (arrêt du Tribunal du 19 janvier 2010, Co-Frutta/Commission, T‑355/04 et T‑446/04, Rec. p. II‑1, point 59).

35      À cet égard, l’argument des requérantes tiré du fait que la Commission aurait pu s’inspirer du recours des requérantes dans la rédaction de sa décision, qui n’est d’ailleurs étayé par aucun élément, ne saurait remettre en cause cette conclusion.

36      Les requérantes soutiennent, par ailleurs, que permettre à la Commission d’adopter une décision explicite après l’expiration du délai de réponse l’encouragerait à méconnaître le délai légal fixé dans le règlement n° 1049/2001, irait à l’encontre du principe de sécurité juridique et obligerait les requérantes à introduire deux recours en annulation devant le Tribunal.

37      Ces arguments ne sauraient être retenus. En effet, d’une part, il y a lieu de rappeler que l’examen des recours introduits contre les décisions implicites ne peut se justifier par l’objectif d’éviter que se reproduise l’illégalité reprochée (arrêt Ryanair/Commission, précité, point 46).

38      D’autre part, une telle solution n’affecte pas l’objectif de la protection des droits des administrés poursuivi par l’article 296 du traité FUE et ne permet pas à la Commission d’ignorer les délais impératifs fixés par le règlement n° 1049/2001. En effet, la réparation d’un éventuel préjudice causé par le non-respect des délais de réponse pourra être recherchée devant le Tribunal, saisi d’un recours en indemnité (arrêt Co-Frutta/Commission, précité, point 60).

39      Par suite, il n’y a plus lieu de statuer sur le recours.

 Sur les dépens

40      Aux termes de l’article 87, paragraphe 6, du règlement de procédure, en cas de non-lieu à statuer, le Tribunal règle librement les dépens.

41      Il convient de constater que c’est l’absence de réponse de la Commission dans les délais à la demande confirmative des requérantes qui ont conduit ces dernières à introduire le présent recours. L’attitude de la Commission justifie par conséquent qu’elle soit condamnée à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par les requérantes.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

ordonne :

1)      Il n’y a plus lieu de statuer sur le recours.

2)      La Commission européenne est condamnée aux dépens.

Fait à Luxembourg, le 25 janvier 2012.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       S. Papasavvas


* Langue de procédure : l’anglais.