Language of document : ECLI:EU:T:2015:250

ARRÊT DU TRIBUNAL (neuvième chambre)

30 avril 2015 (*)

« FEOGA – Section ‘Garantie’ – FEAGA et Feader – Dépenses exclues du financement – Mesures de soutien au développement rural – Zones de handicaps naturels – Correction financière forfaitaire – Dépenses effectuées par la France – Critère de chargement – Contrôles sur place – Garanties procédurales »

Dans l’affaire T‑259/13,

République française, représentée par Mme E. Belliard, M. D. Colas, Mme C. Candat et M. G. de Bergues, en qualité d’agents,

partie requérante,

soutenue par

Royaume d’Espagne, représenté initialement par Mme N. Díaz Abad puis par M. M.  Sampol Pucurull, abogados del Estado,

partie intervenante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. D. Bianchi et G. von Rintelen, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation partielle de la décision d’exécution 2013/123/UE de la Commission, du 26 février 2013, écartant du financement de l’Union européenne certaines dépenses effectuées par les États membres au titre du Fonds européen d’orientation et de garantie agricole (FEOGA), section « Garantie », du Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) (JO L 67, p. 20),

LE TRIBUNAL (neuvième chambre),

composé de MM. G. Berardis, président, O. Czúcz et A. Popescu (rapporteur), juges,

greffier : Mme S. Bukšek Tomac, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 14 janvier 2015,

rend le présent

Arrêt

 Cadre juridique

 Droit de l’Union

1        La réglementation de base relative au financement de la politique agricole commune est constituée, en ce qui concerne les dépenses effectuées à partir du 1er janvier 2000, par le règlement (CE) n° 1258/1999 du Conseil, du 17 mai 1999, relatif au financement de la politique agricole commune (JO L 160, p. 103), qui a remplacé le règlement (CEE) n° 729/70 du Conseil, du 21 avril 1970, relatif au financement de la politique agricole commune (JO L 94, p. 13), qui était applicable aux dépenses effectuées avant cette date.

2        En vertu de l’article 1er, paragraphe 2, sous b), et de l’article 2, paragraphe 2, du règlement n° 1258/1999, la section « Garantie » du Fonds européen d’orientation et de garantie agricole (FEOGA) finance les interventions destinées à la régularisation des marchés agricoles entreprises selon les règles de l’Union européenne dans le cadre de l’organisation commune des marchés agricoles.

3        L’article 7, paragraphe 4, du règlement n° 1258/1999 dispose :


« La Commission décide des dépenses à écarter du financement communautaire visé aux articles 2 et 3 lorsqu’elle constate que des dépenses n’ont pas été effectuées conformément aux règles communautaires.

Préalablement à toute décision de refus de financement, les résultats des vérifications de la Commission ainsi que les réponses de l’État membre concerné font l’objet de notifications écrites, à l’issue desquelles les deux parties tentent de parvenir à un accord sur les mesures à prendre.

À défaut d’accord, l’État membre peut demander l’ouverture d’une procédure visant à concilier les positions respectives dans un délai de quatre mois, dont les résultats font l’objet d’un rapport communiqué à la Commission et examiné par elle avant qu’elle ne se prononce sur un éventuel refus de financement.

La Commission évalue les montants à écarter au vu, notamment, de l’importance de la non-conformité constatée. La Commission tient compte de la nature et de la gravité de l’infraction, ainsi que du préjudice financier causé à la Communauté.

Un refus de financement ne peut porter sur :

a)      les dépenses visées à l’article 2 qui ont été effectuées plus de vingt-quatre mois avant que la Commission n’ait notifié par écrit à l’État membre concerné les résultats des vérifications ;

b)      les dépenses relatives à une mesure ou action visée à l’article 3 pour laquelle le paiement final a été effectué plus de vingt-quatre mois avant que la Commission n’ait notifié par écrit à l’État membre concerné le résultat des vérifications.

Toutefois, les dispositions du cinquième alinéa ne s’appliquent pas aux conséquences financières :

a)      des irrégularités au sens de l’article 8, paragraphe 2 ;

b)      liées à des aides nationales ou à des infractions pour lesquelles des procédures visées aux articles 88 [CE] et 226 [CE] ont été engagées. »

4        L’article 8 du règlement n° 1258/1999 prévoit ce qui suit :


« 1.      Les États membres prennent, conformément aux dispositions législatives, réglementaires et administratives nationales, les mesures nécessaires pour :

a)      s’assurer de la réalité et de la régularité des opérations financées par le [FEOGA] ;

b)      prévenir et poursuivre les irrégularités ;

c)      récupérer les sommes perdues à la suite d’irrégularités ou de négligences.

Les États membres informent la Commission des mesures prises à ces fins, et notamment de l’état des procédures administratives et judiciaires.

2.      À défaut de récupération totale, les conséquences financières des irrégularités ou des négligences sont supportées par la Communauté, sauf celles résultant d’irrégularités ou de négligences imputables aux administrations ou autres organismes des États membres.

Les sommes récupérées sont versées aux organismes payeurs agréés et portées par ceux-ci en déduction des dépenses financées par le [FEOGA]. Les intérêts afférents aux sommes récupérées ou payées tardivement sont versés au [FEOGA].

3.      Le Conseil, statuant à la majorité qualifiée sur proposition de la Commission, arrête les règles générales d’application du présent article. »

5        L’article 9 du règlement n° 1258/1999 précise ce qui suit :

« 1.      Les États membres mettent à la disposition de la Commission toutes les informations nécessaires au bon fonctionnement du [FEOGA] et prennent toutes les mesures susceptibles de faciliter les contrôles que la Commission estimerait utile d’entreprendre dans le cadre de la gestion du financement communautaire, y compris des contrôles sur place.

Les États membres communiquent à la Commission les dispositions législatives, réglementaires et administratives qu’ils ont adoptées pour l’application des actes communautaires ayant trait à la politique agricole commune, lorsque ces actes comportent une incidence financière pour le [FEOGA].

2.      Sans préjudice des contrôles effectués par les États membres conformément aux dispositions législatives, réglementaires et administratives nationales, des dispositions de l’article 248 [CE], ainsi que de tout contrôle organisé sur la base de l’article 279, [sous] c), [CE], les agents mandatés par la Commission pour les contrôles sur place ont accès aux livres et à tous autres documents, y compris les données établies ou conservées sur support informatisé, ayant trait aux dépenses financées par le [FEOGA].

Ils peuvent notamment vérifier :

a)      la conformité des pratiques administratives avec les règles communautaires ;

b)      l’existence des pièces justificatives nécessaires et leur concordance avec les opérations financées par le [FEOGA] ;

c)      les conditions dans lesquelles sont réalisées et vérifiées les opérations financées par le [FEOGA].

La Commission avise, en temps utile avant le contrôle, l’État membre concerné ou l’État membre sur le territoire duquel le contrôle doit avoir lieu. Des agents de l’État membre concerné peuvent participer à ce contrôle.

À la demande de la Commission et avec l’accord de l’État membre, des contrôles ou enquêtes concernant les opérations visées par le présent règlement sont effectués par les instances compétentes de cet État membre. Des agents de la Commission peuvent y participer.

Afin d’améliorer les vérifications, la Commission peut, avec l’accord des États membres concernés, associer des administrations de ces États membres à certains contrôles ou certaines enquêtes.

3.      Le Conseil, statuant à la majorité qualifiée sur proposition de la Commission arrête, en tant que de besoin, les règles générales d’application du présent article. »

6        Le règlement n° 1258/1999 a été abrogé par le règlement (CE) n° 1290/2005 du Conseil, du 21 juin 2005, relatif au financement de la politique agricole commune (JO L 209, p. 1), qui est entré en vigueur, selon son article 49, le septième jour suivant celui de sa publication au Journal officiel de l’Union européenne, soit le 18 août 2005.

7        Toutefois, l’article 47 du règlement n° 1290/2005 a précisé que « le règlement […] n° 1258/1999 demeur[ait] applicable jusqu’au 15 octobre 2006 pour les dépenses effectuées par les États membres, et jusqu’au 31 décembre 2006 pour celles effectuées par la Commission ». À compter du 16 octobre 2006, les dispositions de l’article 7, paragraphe 4, du règlement n° 1258/1999 ont ainsi été remplacées par les dispositions équivalentes de l’article 31, paragraphes 1 à 5 du règlement n° 1290/2005.

8        Le règlement (CE) n° 1663/95 de la Commission, du 7 juillet 1995, établissant les modalités d’application du règlement n° 729/70 en ce qui concerne la procédure d’apurement des comptes du FEOGA, section « Garantie » (JO L 158, p. 6), tel que modifié notamment par le règlement (CE) n° 2245/1999 de la Commission, du 22 octobre 1999 (JO L 273, p. 5), prévoit, en son article 8, paragraphe 1 :

« Si, à l’issue d’une enquête, la Commission considère que les dépenses n’ont pas été effectuées conformément aux règles communautaires, elle communique les résultats de ses vérifications à l’État membre concerné et indique les mesures correctives à prendre pour garantir à l’avenir le respect des règles précitées.

La communication fait référence au présent règlement. L’État membre répond dans un délai de deux mois et la Commission peut modifier sa position en conséquence. Dans des cas justifiés, la Commission peut accorder une prorogation de ce délai.

Après l’expiration du délai accordé pour la réponse, la Commission convoque une discussion bilatérale et les deux parties essayent d’arriver à un accord sur les mesures à prendre, ainsi que sur l’évaluation de la gravité de l’infraction et du préjudice financier causé à la Communauté européenne. Après cette discussion et après toute date fixée par la Commission, en consultation avec l’État membre, après la discussion bilatérale pour la communication d’informations supplémentaires ou, si l’État membre n’accepte pas la convocation dans un délai fixé par la Commission, après l’échéance de ce délai, cette dernière communique formellement ses conclusions à l’État membre en faisant référence à la décision 94/442/CE de la Commission. Sans préjudice des dispositions du quatrième alinéa du présent paragraphe, cette communication évaluera les dépenses qu’elle envisage d’exclure au titre de l’article 5, paragraphe 2, [sous] c), du règlement […] n° 729/70.

L’État membre informe la Commission dans les meilleurs délais des mesures correctives prises pour assurer le respect des règles communautaires et de la date effective de leur mise en œuvre. La Commission adopte, le cas échéant, une ou plusieurs décisions en application de l’article 5, paragraphe 2, [sous] c), du règlement […] n° 729/70 pour exclure jusqu’à la date effective de mise en œuvre des mesures correctives les dépenses affectées par le non-respect des règles communautaires. »

9        Le règlement (CE) n° 885/2006 de la Commission, du 21 juin 2006, portant modalités d’application du règlement n° 1290/2005 en ce qui concerne l’agrément des organismes payeurs et autres entités ainsi que l’apurement des comptes du FEAGA et du Feader (JO L 171, p. 90), dispose, en son article 11 :

« 1.      Si, à la suite d’une enquête, la Commission considère que des dépenses n’ont pas été effectuées conformément à la réglementation communautaire, elle communique ses constatations à l’État membre concerné et lui indique les mesures correctives qui s’imposent afin d’assurer à l’avenir le respect de ladite réglementation.

La communication fait référence au présent article. L’État membre répond dans un délai de deux mois à compter de la réception de la communication et la Commission peut modifier sa position en conséquence. Dans des cas justifiés, la Commission peut accorder une prorogation du délai de réponse.

À l’expiration du délai de réponse, la Commission convoque une réunion bilatérale et les deux parties s’efforcent de parvenir à un accord sur les mesures à prendre ainsi que sur l’évaluation de la gravité de l’infraction et du préjudice financier causé à la Communauté.

2.      Dans les deux mois suivant la réception du procès-verbal de la réunion bilatérale visée au paragraphe 1, troisième alinéa, l’État membre communique les informations éventuellement demandées au cours de la réunion ainsi que toute information complémentaire qu’il juge utile au traitement du dossier.

Dans des cas justifiés et sur demande motivée de l’État membre, la Commission peut accorder une prolongation de la période visée au premier alinéa. La demande en est adressée à la Commission avant le terme de ladite période.

Au terme de la période visée au premier alinéa, la Commission communique officiellement à l’État membre les conclusions auxquelles elle est parvenue sur la base des informations reçues dans le cadre de la procédure d’apurement de conformité. Cette communication présente l’évaluation des dépenses que la Commission envisage d’exclure du financement communautaire en vertu de l’article 31 du règlement […] n° 1290/2005 et fait référence à l’article 16, paragraphe 1, du présent règlement.

3.      L’État membre informe la Commission des mesures correctives qu’il a prises en vue d’assurer le respect de la réglementation communautaire, en précisant la date de leur mise en œuvre effective.

Après avoir examiné tout rapport éventuellement établi par l’organe de conciliation conformément au chapitre 3 du présent règlement, la Commission adopte, le cas échéant, une ou plusieurs décisions au titre de l’article 31 du règlement […] n° 1290/2005, visant à exclure du financement communautaire les dépenses concernées par le non-respect de la réglementation communautaire jusqu’à la mise en œuvre effective par l’État membre des mesures correctives.

Lors de l’évaluation des dépenses à exclure du financement communautaire, la Commission peut prendre en compte toute information transmise par l’État membre après le terme de la période visée au paragraphe 2 si cela est nécessaire pour mieux estimer le préjudice financier causé au budget communautaire, dès lors que le retard dans la transmission desdites informations est justifié par des circonstances exceptionnelles.

4.      En ce qui concerne le FEAGA, les montants à déduire du financement communautaire sont soustraits par la Commission des paiements mensuels correspondant aux dépenses effectuées au cours du deuxième mois suivant la décision au titre de l’article 31 du règlement […] n° 1290/2005.

En ce qui concerne le Feader, les montants à déduire du financement communautaire sont soustraits par la Commission du paiement intermédiaire suivant ou du paiement final.

Toutefois, à la demande de l’État membre, lorsque l’importance des montants à déduire le justifie, et après consultation du comité des Fonds agricoles, la Commission peut décider d’appliquer les déductions à une autre date.

5.      Le présent article s’applique, mutatis mutandis, aux recettes affectées au sens de l’article 34 du règlement […] n° 1290/2005. »

 Règlement (CE) n° 1698/2005

10      Il ressort de l’article 4 du règlement (CE) n° 1698/2005 du Conseil, du 20 septembre 2005, concernant le soutien au développement rural par le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) (JO L 277, p. 1), que le soutien en faveur d’un développement rural contribue à la réalisation de trois objectifs, parmi lesquels figure celui visant à l’amélioration de l’environnement et de l’espace rural par un soutien à la gestion des terres.

11      Cet objectif est mis en œuvre par le biais de l’axe 2, défini aux articles 36 à 51 figurant dans la section 2 du titre IV dudit règlement.

12      L’article 36, sous a), i) et ii), du règlement n° 1698/2005, lequel prévoit une liste des mesures contribuant à cet objectif, est ainsi libellé :

« L’aide prévue au titre de la présente section concerne :

a) les mesures axées sur l’utilisation durable des terres agricoles grâce à :

i)       des paiements destinés aux agriculteurs situés dans des zones de montagne qui visent à compenser les handicaps naturels,

ii)       des paiements destinés aux agriculteurs situés dans des zones qui présentent des handicaps autres que ceux des zones de montagne. »

 Règlement (CE) n° 1975/2006

13      Les considérants 1, 2, 5 et 11 du règlement (CE) n° 1975/2006 de la Commission, du 7 décembre 2006, portant modalités d’application du règlement n° 1698/2005 en ce qui concerne l’application de procédures de contrôle et de conditionnalité pour les mesures de soutien au développement rural (JO L 368, p. 74), sont libellés comme suit :

« (1)      L’expérience montre que le système intégré de gestion et de contrôle (ci-après dénommé ‘SIGC’), […] s’est révélé un moyen efficace et efficient pour la mise en œuvre des régimes de paiements directs. En ce qui concerne les mesures liées aux surfaces ou aux animaux au titre du titre IV, chapitre I, section 2, axe 2, du règlement […] n° 1698/2005, les règles en matière de gestion et de contrôle et les dispositions relatives aux réductions et aux exclusions en cas de fausse déclaration liées aux dites mesures doivent par conséquent suivre les principes énoncés dans le SIGC, et notamment dans le règlement (CE) n° 796/2004 de la Commission du 21 avril 2004 portant modalités d’application de la conditionnalité, de la modulation et du système intégré de gestion et de contrôle prévus par le règlement (CE) n° 1782/2003 du Conseil établissant des règles communes pour les régimes de soutien direct dans le cadre de la politique agricole commune et établissant certains régimes de soutien en faveur des agriculteurs.

(2)      Les règles en matière de gestion et de contrôle doivent cependant être adaptées, pour certains régimes de soutien énoncés dans l’axe 2 et de leur équivalent dans l’axe 4 prévu au titre IV, chapitre I, section 2, du règlement […] n° 1698/2005, aux caractéristiques particulières de ces derniers […] Il convient donc de fixer des dispositions spécifiques pour ces régimes de soutien.

[…]

(5)      Les règles prévues au présent règlement en matière de contrôle doivent tenir compte des caractéristiques particulières des mesures relevant de l’axe 2 en question. Il y a donc lieu de fixer des règles spécifiques.

[…]

(11)      Les États membres peuvent utiliser les éléments de preuve transmis par d’autres services ou organisations pour veiller au respect des critères d’admissibilité. Ils doivent cependant s’assurer que le fonctionnement du service ou de l’organisation en question est d’une qualité suffisante pour veiller au respect des critères d’admissibilité. »

14      L’article 10 du règlement n° 1975/2006, intitulé « Principes généraux », dispose :

« 1. Les demandes d’aide et les demandes de paiement sont contrôlées de façon à garantir la vérification efficace du respect des conditions d’octroi de l’aide.

2. Les États membres définissent les méthodes et les moyens adéquats pour vérifier les conditions d’octroi de l’aide pour chaque mesure d’aide.

3. Les États membres utilisent le système intégré de gestion et de contrôle [...] prévu au titre II, chapitre 4, du règlement (CE) n° 1782/2003.

4. Les critères d’admissibilité sont vérifiés au moyen de contrôles administratifs et de contrôles sur place.

[…] »

15      L’article 11 du règlement n° 1975/2006, intitulé « Contrôles administratifs », dispose à son paragraphe 2 :

« Les contrôles administratifs comportent des contrôles croisés avec, entre autres, dans tous les cas appropriés, les données du [système intégré de gestion et de contrôle]. Ces contrôles portent au moins sur les parcelles et les animaux faisant l’objet d’une mesure d’aide afin d’éviter tout paiement d’aide indu. »


16      L’article 12 du même règlement, intitulé « Contrôles sur place », énonce à son paragraphe 1 :

« Le nombre total de contrôles sur place effectués chaque année couvre au moins 5 % de l’ensemble des bénéficiaires assujettis à un engagement pour une ou plusieurs des mesures tombant dans le champ d’application de ce titre. »

17      Aux termes de l’article 13 du règlement n° 1975/2006, intitulé « Rapport de contrôle », « [l]es contrôles sur place au titre de la présente sous-section font l’objet d’un rapport de contrôle qui doit être établi conformément à l’article 28 du règlement […] n° 796/2004 ».

18      L’article 14 du règlement n° 1975/2006, intitulé « Principes généraux concernant les contrôles sur place », est ainsi libellé :

« 1. Les contrôles sur place sont répartis sur l’année en fonction d’une analyse des risques présentés par les différents engagements pris au titre de chaque mesure de développement rural.

2. Les contrôles portent sur la totalité des engagements et des obligations d’un bénéficiaire qu’il est possible de contrôler au moment de la visite. »

19      L’article 15 du même règlement, intitulé « Éléments des contrôles sur place et détermination des superficies », énonce à son paragraphe 3 :

« En ce qui concerne les contrôles des mesures ‘animaux’, les contrôles sur place sont effectués conformément à l’article 35 du règlement […] n° 796/2004. »

 Règlement (CE) n° 796/2004

20      Aux termes de l’article 28 du règlement (CE) n° 796/2004 de la Commission, du 21 avril 2004, portant modalités d’application de la conditionnalité, de la modulation et du système intégré de gestion et de contrôle prévus par le règlement (CE) n° 1782/2003 du Conseil établissant des règles communes pour les régimes de soutien direct dans le cadre de la politique agricole commune et établissant certains régimes de soutien en faveur des agriculteurs (JO L 141, p. 18), intitulé « Rapport de contrôle » :

« 1. Chaque contrôle sur place […] fait l’objet d’un rapport de contrôle rendant compte avec précision des différents éléments du contrôle. Ce rapport indique notamment :

[…]

d)      le nombre d’animaux de chaque espèce relevé et, le cas échéant, les numéros des marques auriculaires, les inscriptions dans le registre et dans la base de données informatique relative aux bovins et les documents justificatifs vérifiés, ainsi que les résultats des contrôles et, le cas échéant, les observations particulières concernant les animaux et/ou leur code d’identification ;

[…] »

21      L’article 35 du règlement n° 796/2004, intitulé « Éléments des contrôles sur place », dispose :

« 1.  Les contrôles sur place portent sur tous les animaux pour lesquels des demandes d’aide ont été introduites au titre des régimes à contrôler et, pour ce qui concerne les régimes d’aide aux bovins, sur les bovins ne faisant pas l’objet d’une demande d’aide.

2.       Les contrôles sur place comportent notamment :

a)       des vérifications visant à déterminer si le nombre d’animaux présents dans l’exploitation, pour lesquels des demandes d’aide ont été introduites, et le nombre de bovins ne faisant pas l’objet d’une demande d’aide correspondent au nombre d’animaux inscrits dans les registres et, dans le cas des bovins, au nombre d’animaux enregistrés dans la base de données informatique ;

b)       en ce qui concerne les régimes d’aides aux bovins,

–        des vérifications concernant l’exactitude des inscriptions du registre et des notifications dans la base de données informatique relative aux bovins […]

–        des vérifications effectuées par échantillonnage dans le but de s’assurer que les informations contenues dans la base de données informatique relative aux bovins correspondent à celles figurant dans le registre, en ce qui concerne les animaux ayant fait l’objet d’une demande d’aide au cours des douze mois précédant la date du contrôle sur place [...],

–        des vérifications visant à s’assurer que tous les animaux présents dans l’exploitation et concernés par l’obligation de détention sont effectivement éligibles à l’aide demandée,

–        des vérifications visant à déterminer si tous les bovins présents dans l’exploitation sont identifiés par des marques auriculaires et accompagnés, le cas échéant, de passeports pour animaux, s’ils figurent bien dans le registre et ont été correctement inscrits dans la base de données informatique relative aux bovins.

Les vérifications visées au quatrième tiret sont effectuées individuellement pour tous les bovins mâles qui sont encore soumis à l’obligation de détention et pour lesquels une demande, à l’exception des demandes introduites au titre de l’article 123, paragraphe 6, du règlement CE n° 1782/2003, a été présentée en vue de l’octroi de la prime spéciale aux bovins. Dans tous les autres cas, il est possible de procéder par échantillonnage pour vérifier que les informations ont été correctement inscrites dans les passeports pour animaux, dans le registre et dans la base de données ;

c) en ce qui concerne le régime d’aide aux ovins et caprins :

i)      un contrôle visant à déterminer, sur la base du registre, si tous les animaux ayant fait l’objet d’une demande d’aide au cours des douze mois précédant le contrôle sur place ont été détenus dans l’exploitation durant toute la période de détention ;

ii)      la vérification de l’exactitude des inscriptions du registre, effectuée par échantillonnage de documents justificatifs tels que les factures d’achat et de vente et les certificats vétérinaires. »

 Droit français

22      La circulaire DGPAAT/SDEA/C2008-3016, du 5 septembre 2008, expose les conditions réglementaires des indemnités compensatoires de handicaps naturels (ci-après les « ICHN ») au titre de l’année 2008.

23      Le point 7.2 de cette circulaire, intitulé « Les contrôles sur place », énonce ce qui suit :

« […]

Le contrôle sur place porte sur :

[…]

–        le comptage des animaux :

L’effectif bovin utilisé pour le calcul du chargement ICHN est l’effectif bovin moyen annuel de l’année précédant le dépôt du dossier ICHN issu de la [base de données]. En application du système intégré de gestion et de contrôle des aides, les bovins sont contrôlés au titre des aides animales et ne sont pas contrôlés spécifiquement pour l’ICHN.

Lorsque l’exploitant a déposé une demande de prime à la brebis […], les ovins utilisés pour le calcul du chargement sont ceux déclarés à la [prime à la brebis] par une demande de [prime à la brebis] déposée l’année du dépôt du dossier ICHN. Pour les nouveaux demandeurs, les ovins utilisés seront ceux présents 30 jours consécutifs incluant le 31 mars 2008 ou à défaut à la date limite de dépôt de la demande pour le cas où l’exploitant s’est installé après le 31 mars 2008.

Les animaux déclarés sur le formulaire ICHN, c’est-à-dire les ovins des nouveaux demandeurs, […] sont contrôlés par comptage des animaux présents le jour du contrôle. Si un écart est constaté par rapport à l’effectif déclaré, l’exploitant doit pouvoir justifier de cette variation de l’effectif par rapport aux dates précitées par des mouvements tracés d’entrée et/ou de sortie d’animaux (registre et/ou autres pièces justificatives). Si le contrôle conclut à un écart non justifié par rapport à l’effectif déclaré, le chargement doit être calculé sur la base de l’effectif constaté. »

 Antécédents du litige

24      En vertu de l’article 36, sous a), i) et ii), du règlement n° 1698/2005, les autorités françaises ont adopté un programme de développement rural hexagonal pour la période 2007-2013 (ci-après le « programme »), qui prévoit, notamment, l’octroi aux agriculteurs situés dans des zones de handicaps naturels d’ICHN.

25      Par décision C (2007) 3446, du 19 juillet 2007, la Commission des Communautés européennes a approuvé le programme, lequel contient, notamment, des mesures au sens de l’article 36, sous a), i) et ii), du règlement n° 1698/2005, à savoir les mesures 211 et 212. La mesure 211 du programme permet d’assurer que les agriculteurs situés dans des zones de handicaps naturels respectent des pratiques favorables à la bonne utilisation des terres en subordonnant le versement d’une indemnité pour des surfaces fourragères au respect d’un critère de chargement. Ce critère de chargement, exprimé en unité de gros bétail/ha (ci-après « UGB »), permet d’encadrer la densité de bétail présente sur des surfaces fourragères afin d’éviter les phénomènes de sous-pâturage ou de surpâturage. Conformément à l’article 71, paragraphe 3, du règlement n° 1698/2005, le programme définit une série de conditions d’éligibilité pour ces mesures parmi lesquelles figure notamment celle du respect du chargement défini au niveau départemental et compris entre des seuils définis par zone ou sous-zone.

26      Du 15 au 19 septembre 2008, les services de la Commission ont réalisé en France une mission d’audit concernant les paiements effectués par les autorités nationales lors des campagnes 2007 et 2008 dans le cadre de l’axe 2 du programme.

27      Par lettre du 23 février 2009, la Commission a communiqué à la République française, sur le fondement de l’article 11, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement (CE) n° 885/2006 de la Commission, du 21 juin 2006, portant modalités d’application du règlement n° 1290/2005 en ce qui concerne l’agrément des organismes payeurs et autres entités ainsi que l’apurement des comptes du FEAGA et du Feader (JO L 171, p. 90), les résultats de la mission (ci-après la « communication des résultats »).

28      Au point 4.3 de l’annexe de la communication des résultats, intitulé « Contrôle des animaux », la Commission a indiqué ce qui suit :

« Pendant la mission, il a été constaté que le taux de chargement (un des critères d’éligibilité de la mesure PHAE [‘prime herbagère agro-environnementale’]) n’était pas vérifié sur place, lorsqu’il s’agit des ovins pour lesquels une ‘prime à la brebis’ a été demandée, ou lorsqu’il s’agit des bovins.

Il est recommandé aux autorités françaises de se conformer à l’article 10, [paragraphe 1,] du règlement n° 1975/2006 qui stipule que les ‘États membres définissent les méthodes et les moyens adéquats pour vérifier les conditions d’octroi de l’aide’ ainsi que le paragraphe 4 [qui prévoit que] ‘les critères d’admissibilité sont vérifiés au moyen de contrôles administratifs et de contrôles sur place’. Il est demandé aux autorités françaises de préciser quels sont les moyens utilisés par les inspecteurs, lors des contrôles sur place, pour s’assurer du respect du taux de chargement minimum et maximum. »

29      Par lettre du 28 avril 2009, la République française a fait part à la Commission de ses observations sur la communication des résultats et a précisé les modalités de contrôle du taux de chargement.

30      Le point 4.3 de ces observations, intitulé « Contrôle des animaux », est libellé comme suit :

« Concernant le contrôle des animaux au titre de la vérification du taux de changement […], les autorités françaises précisent que les ovins et bovins sont contrôlés sur place au titre de l’identification animale :

–        Dans le cadre de la prime à la brebis […], pour les élevages ovins. Les éleveurs déposent leur demande d’aide au mois de janvier de l’année N et 10 % des ovins engagés font l’objet d’un contrôle en cours d’année, comprenant notamment un comptage des animaux. Ce sont les effectifs ovins déterminés au titre de la [prime à la brebis] qui sont retenus pour le calcul du changement de l’ICHN et des MAE [mesures agro-environnementales] pour l’année concernée.

–        Dans le cadre de la base de données nationale informatisée pour les élevages bovins. Cette base de données, reconnue par la Commission, enregistre en continu les mouvements des animaux. Un contrôle de cohérence est réalisé par le biais des contrôles sur place au titre de l’identification bovine.

Lors des contrôles sur place au titre des [mesures agro-environnementales], ces animaux ne font donc pas l’objet d’un nouveau comptage. En revanche, le contrôleur vérifie systématiquement le registre d’élevage pour ce qui concerne les autres espèces et vérifie également les surfaces de l’exploitation. »

31      La Commission a convoqué une réunion bilatérale, au sens de l’article 8, paragraphe 1, deuxième alinéa, du règlement n° 1663/95. Les représentants de la République française et de la Commission se sont rencontrés le 15 octobre 2009 à Bruxelles (Belgique).

32      Le point 4.2 du procès-verbal de cette réunion, établi le 14 décembre 2009, est libellé comme suit :

« Pendant la mission, il a été constaté que le taux de chargement (un des critères d’éligibilité de la mesure PHAE [‘prime herbagère agro-environnementale’]) n’était pas vérifié sur place, lorsqu’il s’agit des ovins pour lesquels une ‘prime à la brebis’ a été demandée, ou lorsqu’il s’agit des bovins.

Les autorités françaises avaient été invitées à présenter, au plus tard lors de la [réunion] bilatérale, les documents de référence permettant de s’assurer que le calcul du taux de chargement est effectivement contrôlé pour tous les bénéficiaires qui avaient fait l’objet d’un contrôle sur place.

Pendant la [réunion] bilatérale, les autorités françaises ont insisté sur le fait qu’il revient aux services déconcentrés de contrôler les mouvements des animaux, que 10 % des dossiers font l’objet d’un contrôle d’identification chaque année, et qu’ainsi il s’agit d’une base de données fiable de référence. En conséquence, le chargement est recalculé à partir de l’outil informatique et une procédure contradictoire avec conséquence financière est envoyée en cas d’écart.

Les services de la [direction générale ‘Agriculture’] prennent note des explications fournies. Avant de prendre une position finale sur ce point, les autorités françaises sont invitées à fournir 10 exemples de lettres contradictoires avec changement de plage pour l’UGB, ainsi que le report 2008 sur le contrôle d’identification bovine démontrant la fiabilité des données. »

33      Par lettre du 22 mars 2010, les autorités françaises ont répondu qu’elles n’étaient pas en mesure de présenter dans les délais impartis les dix exemples de lettres contradictoires demandées par la Commission et ont joint la décision 2004/315/CE de la Commission, du 26 mars 2004, reconnaissant le système de réseaux de surveillance des exploitations bovines mis en œuvre dans les États membres ou régions d’États membres conformément à la directive 64/432/CEE (JO L 100, p. 43).

34      Le 22 décembre 2010, la Commission a adressé aux autorités françaises une communication formelle, établie sur la base de l’article 11, paragraphe 2, troisième alinéa, et de l’article 16, paragraphe 1, du règlement n° 885/2006. La Commission mentionnait à nouveau que « [p]endant la mission, il a été constaté que le taux de chargement (un des critères d’éligibilité de la mesure ‘prime herbagère agro-environnementale’) n’était pas vérifié sur place, lorsqu’il s’agit des ovins pour lesquels une ‘prime à la brebis’ a été demandée, ou lorsqu’il s’agit des bovins ». En outre, elle indiquait qu’elle maintenait sa position selon laquelle le versement de l’aide au titre de cette mesure du développement rural financée par le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) en France n’avait pas été effectué en pleine conformité avec les règles de l’Union pour les exercices 2008 et 2009 et, ainsi, qu’elle proposait d’exclure du financement des dépenses déclarées au Feader un montant de 34 995 481 euros. D’une part, elle a en particulier souligné que les « autorités françaises n’[avaient] pas été en mesure de présenter les 10 exemples de lettres contradictoires concernant des cas de modification de plage UGB en matière de respect du taux de chargement ». D’autre part, elle a indiqué qu’elle considérait qu’il « exist[ait] un risque pour le Fonds, car le calcul du taux de chargement n’était pas vérifié lors des contrôles sur place » et qu’il s’agissait d’un cas de non-respect de l’article 14, paragraphe 2, du règlement n° 1975/2006. Enfin, sur la base du document n° VI/5330/97 de la Commission, du 23 décembre 1997, intitulé « Orientations concernant le calcul des conséquences financières lors de la préparation de la décision d’apurement des comptes du FEOGA-Garantie », elle a estimé qu’il s’agissait d’une faiblesse d’un contrôle clé pour lequel une correction forfaitaire de 5 % était prévue.

35      Par lettre du 8 février 2011, la République française a demandé l’ouverture d’une procédure de conciliation.

36      Dans son rapport final du 16 juin 2011, l’organe de conciliation a tout d’abord indiqué que, en ce qui concerne la mesure ICHN, la correction était fondée sur le fait que « l’audit des services de la Commission [avait] révélé des insuffisances en matière de contrôle de la densité du bétail dans les secteurs bovin et ovin [et que ces] services [étaient] d’avis que la densité [devait] être vérifiée sur place alors que les autorités françaises [soutenaient] que cette vérification [pouvait] être faite grâce [à la base de données], donc de manière administrative ». Ensuite, l’organe a mentionné que, dans la demande de conciliation, en ce qui concerne le comptage sur place des bovins et ovins présents sur l’exploitation agricole, les autorités françaises renvoyaient à leur base de données et considéraient que le contrôle administratif complet des bovins sur le fondement de ce registre ne rendrait plus nécessaire de procéder à un comptage distinct sur place. Enfin, après avoir résumé les positions des parties exprimées lors de la procédure de conciliation, l’organe a fait part de son appréciation. Il a notamment indiqué ce qui suit :

« L’organe de conciliation ne peut se prononcer sur la question juridique de savoir si la densité des animaux est un critère d’éligibilité à l’aide en cause ; il ne peut pas non plus déterminer si la [base de données] est suffisamment adéquate et mise à jour pour fournir les informations précises exigées au sujet des bovins aux fins d’une demande d’aide ICHN. Toutefois, l’organe de conciliation considère qu’un examen de l’utilité de la [base de données] pour faire des demandes d’ICHN pourrait être digne d’intérêt en l’espèce. S’il peut être conclu que les informations sur le nombre de bovins qui proviennent de la [base de données] sont fiables et que l’aide est calculée automatiquement sur ce fondement, un comptage des bovins sur place semble superflu. L’organe de conciliation estime qu’une approche d’audit cohérente concernant l’usage de diverses bases de données établies dans le cadre de la politique agricole commune, simplifiant les contrôles administratifs, serait souhaitable. Il invite donc les parties à poursuivre leur dialogue à ce sujet. »

37      Par lettre du 27 février 2012, la Commission a adressé au gouvernement français sa position finale, élaborée en tenant compte du rapport de l’organe de conciliation. La Commission a indiqué notamment qu’elle maintenait sa « position en ce qui concerne le contrôle des animaux et la vérification du taux de chargement lors des contrôles sur place » dans la mesure où « le calcul du taux de chargement n’était pas vérifié lors du contrôle sur place, ni même sa plausibilité, alors qu’il s’agit d’un critère d’éligibilité pour les mesures ICHN et [agro-environnementales] ».

38      Le 15 octobre 2012, la Commission a établi le rapport de synthèse, qui mentionnait notamment les résultats des contrôles effectués, ses griefs, les réponses des autorités françaises ainsi que l’opinion de l’organe de conciliation et, enfin, sa position finale.

39      Le 26 février 2013, la Commission a adopté la décision d’exécution 2013/123/UE écartant du financement de l’Union européenne certaines dépenses effectuées par les États membres au titre du FEOGA, section « Garantie », du Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et du Feader (JO L 67, p. 20, ci‑après la « décision attaquée »). Par la décision attaquée, la Commission a notamment appliqué une correction financière à la République française concernant l’ensemble des ovins, à savoir ceux éligibles aux primes ovines et ceux qui ne le sont pas.

 Procédure et conclusions des parties

40      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 7 mai 2013, la République française a introduit le présent recours.

41      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 30 octobre 2013, le Royaume d’Espagne a présenté une demande d’intervention au soutien des conclusions de la République française. Par ordonnance du 2 décembre 2013, le président de la neuvième chambre du Tribunal a admis cette intervention.

42      Par lettre du 17 novembre 2014, la République française a déposé des observations sur le rapport d’audience, lesquelles ont été versées au dossier par décision du président de la neuvième chambre du Tribunal du 25 novembre 2014.

43      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (neuvième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale sans procéder à des mesures d’instruction préalable. Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 14 janvier 2015.

44      La République française, soutenue par le Royaume d’Espagne, conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler partiellement la décision attaquée en tant qu’elle exclut les dépenses effectuées par la République française dans le cadre de l’aide ICHN du programme au titre des exercices financiers de 2008 et de 2009 ;

–        à titre subsidiaire, annuler partiellement la décision attaquée, en tant qu’elle écarte du financement de l’Union la partie des dépenses effectuées par la République française dans le cadre de l’aide ICHN pour des ovins qui ne sont pas déclarés à l’aide ovine, d’une part, et pour des bovins ayant fait l’objet de contrôles sur place au titre des contrôles de l’identification animale ou des contrôles aux primes bovines, d’autre part ;

–        condamner la Commission aux dépens.

45      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        à titre subsidiaire, le rejeter partiellement ;

–        condamner la République française aux dépens.

 En droit

46      À l’appui de son recours, la République française invoque trois moyens.

47      Le premier moyen est tiré d’une violation de l’article 10, paragraphes 2 et 4, et de l’article 14, paragraphe 2, du règlement n° 1975/2006.

48      Le deuxième moyen est tiré d’une violation de l’article 2, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 1082/2003 de la Commission, du 23 juin 2003, fixant les modalités d’application du règlement (CE) n° 1760/2000 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les contrôles minimaux à effectuer dans le cadre du système d’identification et d’enregistrement des bovins (JO L 156, p. 9), et de l’article 26, paragraphe 2, sous b), du règlement n° 796/2004.

49      Le troisième moyen, invoqué à titre subsidiaire, est tiré d’une extension illégale par la Commission de l’application de la correction forfaitaire aux exploitations ovines non éligibles à la prime à la brebis et aux exploitations bovines contrôlées dans le cadre de l’identification bovine ou des primes bovines.

 Observations liminaires

50      Il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, seules sont financées par le FEOGA les interventions entreprises selon les règles de l’Union, dans le cadre de l’organisation commune des marchés agricoles. À cet égard, il appartient à la Commission, lorsqu’elle refuse de mettre à la charge du budget de l’Union certaines dépenses pour cause de violations des dispositions du droit de l’Union imputables à un État membre, de prouver l’existence desdites violations (voir, en ce sens, arrêt du 28 octobre 1999, Italie/Commission, C‑253/97, Rec, EU:C:1999:527, point 6 et jurisprudence citée). En d’autres termes, la Commission est obligée de justifier la décision par laquelle elle constate l’absence ou la défaillance des contrôles mis en œuvre par l’État membre concerné (voir arrêt du 8 mai 2003, Espagne/Commission, C‑349/97, Rec, EU:C:2003:251, point 46 et jurisprudence citée).

51      Toutefois, la Commission est tenue non de démontrer de façon exhaustive l’insuffisance des contrôles effectués par les autorités nationales ou l’irrégularité des données transmises, mais de présenter un élément de preuve du doute sérieux et raisonnable qu’elle éprouve à l’égard de ces contrôles ou de ces chiffres (arrêts du 20 septembre 2001, Belgique/Commission, C‑263/98, Rec, EU:C:2001:455, point 36, et Espagne/Commission, point 50 supra, EU:C:2003:251, point 47).

52      Il appartient ensuite à l’État membre concerné de démontrer que les conditions sont réunies pour obtenir le financement refusé par la Commission (arrêt Belgique/Commission, point 51 supra, EU:C:2001:455, point 36). En d’autres termes, l’État membre concerné ne saurait infirmer les constatations de la Commission sans étayer ses propres allégations par des éléments établissant l’existence d’un système fiable et opérationnel de contrôle. Dès lors qu’il ne parvient pas à démontrer que les constatations de la Commission sont inexactes, celles‑ci constituent des éléments susceptibles de faire naître des doutes sérieux quant à la mise en place d’un ensemble adéquat et efficace de mesures de surveillance et de contrôle (arrêts du 6 octobre 1993, Italie/Commission, C‑55/91, Rec, EU:C:1993:832, point 35, et Espagne/Commission, point 50 supra, EU:C:2003:251, point 48).

53      Cet allégement de l’exigence de la preuve à la charge de la Commission s’explique par le fait que c’est l’État membre qui est le mieux placé pour recueillir et vérifier les données nécessaires à l’apurement des comptes du FEOGA et auquel il incombe, en conséquence, de présenter la preuve la plus détaillée et complète des contrôles effectués, de la réalité de ses chiffres et, le cas échéant, de l’inexactitude des calculs de la Commission (arrêts Belgique/Commission, point 51 supra, EU:C:2001:455, point 37 ; du 24 janvier 2002, France/Commission, C‑118/99, Rec, EU:C:2002:39, point 37, et Espagne/Commission, point 50 supra, EU:C:2003:251, point 49).

54      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner les moyens invoqués par la République française.

 Sur le premier moyen

55      Par son premier moyen, la République française, soutenue par le Royaume d’Espagne lors de l’audience, fait valoir que la Commission a violé l’article 10, paragraphes 2 et 4, et l’article 14, paragraphe 2, du règlement n° 1975/2006, en considérant que la République française avait manqué à ses obligations en matière de contrôles au motif qu’elle n’avait pas procédé, s’agissant des bovins et des ovins pour lesquels une prime à la brebis avait été demandée, au comptage de ces animaux lors des contrôles effectués sur place au titre de l’aide ICHN.

56      La République française divise ce moyen en deux branches.

57      Par la première branche, la République française fait valoir que l’interprétation de la Commission selon laquelle l’article 10, paragraphes 2 et 4, et l’article 14, paragraphe 2, du règlement n° 1975/2006 imposent comme moyen adéquat pour vérifier le critère du taux de chargement de compter les animaux lors d’un contrôle sur place est contraire au caractère de continuité du critère de taux de chargement et au principe d’égalité de traitement. Par la seconde branche, la République française soutient que la Commission a mal interprété l’article 10, paragraphes 2 et 4, et l’article 14, paragraphe 2, du règlement n° 1975/2006 en considérant que le système de contrôle français n’était pas adéquat pour vérifier le respect du critère de chargement.

58      La Commission conteste le bien-fondé du premier moyen.

59      Il y a lieu de relever que les deux branches du premier moyen, lesquelles peuvent être examinées ensemble, tendent à ce que le Tribunal constate que la Commission a violé l’article 10, paragraphes 2 et 4, et l’article 14, paragraphe 2, du règlement n° 1975/2006.

60      L’argumentation de la République française revient en substance à soutenir que les montants écartés du financement de l’Union par la décision attaquée ont été dépensés de manière conforme aux dispositions du droit de l’Union et que les prétendus manquements auraient été établis sur la base d’une interprétation erronée des dispositions du droit de l’Union susmentionnées.

61      Selon elle, pour se conformer aux articles 10 et 14 du règlement n° 1975/2006, il n’était pas nécessaire de procéder à des contrôles sur place et de compter les animaux présents sur l’exploitation agricole. Elle invoque notamment à cet égard la circonstance que des contrôles sur place avaient déjà été effectués dans le cadre de l’identification animale ou des primes bovines et que, lors de ces contrôles, les autorités françaises ont procédé au comptage des animaux et vérifié la concordance entre le nombre total d’animaux présents sur l’exploitation et le nombre d’animaux inscrits dans la base de données. Dès lors que les informations concernant le nombre d’animaux venaient directement de la base de données et que ces données étaient suffisamment fiables pour vérifier le critère de chargement, un comptage des animaux n’était pas utile au titre du règlement n° 1975/2006.

62      En d’autres termes, il y a lieu de constater que la République française opère un renvoi à sa base de données et considère, en substance, qu’un contrôle administratif complet des animaux sur le fondement de cette base de données rendait superflu un comptage des animaux distinct sur place au titre du règlement n° 1975/2006. En l’espèce, se pose par conséquent la question de savoir si les dispositions du règlement n° 1975/2006, susmentionnées, imposaient à la République française de procéder au comptage des animaux lors de contrôles sur place ou, au contraire, si les contrôles administratifs mis en œuvre par les autorités françaises, sur le fondement de la base de données pour l’établissement de laquelle des contrôles sur place ont été effectués, constituaient des méthodes et des moyens adéquats pour vérifier les conditions d’octroi de l’aide.

63      Afin de répondre à cette question, il y a lieu d’analyser le système de contrôle établit par les articles 10 et suivants du règlement n° 1975/2006.

64      D’emblée, il importe de relever, à l’instar de la République française, que les articles 10 et 14 du règlement n° 1975/2006 ne prévoient pas expressément l’obligation de procéder au comptage des animaux lors des contrôles sur place pour vérifier le critère de chargement pour l’octroi des aides ICHN. Il est également vrai que l’article 10 dudit règlement, en particulier ses paragraphes 1 et 2, laisse une certaine marge d’appréciation aux États membres concernant les méthodes et les moyens adéquats pour vérifier les conditions d’octroi de l’aide pour chaque mesure d’aide.

65      Toutefois, force est de constater que le libellé des articles 10 et suivants dudit règlement ainsi que celui de l’article 35 du règlement n° 796/2004 limitent clairement cette marge d’appréciation en apportant des précisions quant à la nature et la fréquence des contrôles et des vérifications sur place à effectuer par les États membres, ainsi que les modalités de leur exécution.

66      En effet, l’article 10, paragraphe 4, du règlement n° 1975/2006 prévoit expressément que les « critères d’admissibilité sont vérifiés au moyen de contrôles administratifs et de contrôles sur place ». S’agissant des contrôles administratifs, il ressort de l’article 11, paragraphe 2, du même règlement que ces contrôles « comportent des contrôles croisés avec, entre autres, dans tous les cas appropriés, les données du [système intégré de gestion et de contrôle] ». S’agissant des contrôles sur place, les États membres doivent respecter les dispositions des articles 12 à 15 dudit règlement. L’article 12, paragraphe 1, de ce règlement stipule que le « nombre total de contrôles sur place effectués chaque année couvre au moins 5 % de l’ensemble des bénéficiaires assujettis à un engagement pour une ou plusieurs des mesures tombant dans le champ d’application de ce titre ». Quant à l’article 15, paragraphe 3, du même règlement, il dispose que, « [e]n ce qui concerne les contrôles des mesures ‘animaux’, les contrôles sur place sont effectués conformément à l’article 35 du règlement [...] n° 796/2004 ».

67      Il ressort dudit article 35, d’une part, que les « contrôles sur place portent sur tous les animaux pour lesquels des demandes d’aide ont été introduites au titre des régimes à contrôler et, pour ce qui concerne les régimes d’aide aux bovins, sur les bovins ne faisant pas l’objet d’une demande d’aide ».

68      Il en ressort, d’autre part, que ces contrôles comportent un certain nombre de vérifications (voir point 21 ci-dessus).

69      Il y a donc lieu de considérer qu’il découle clairement des dispositions susmentionnées des règlements nos 1975/2006 et 796/2004, que, tout en reconnaissant l’utilité d’une base de données telle que celle utilisée par la République française, le système de contrôle établi par le règlement n° 1975/2006 repose sur plusieurs types de contrôles dont chacun doit être effectué, sauf disposition contraire. Ainsi, ni les contrôles administratifs ni les contrôles sur place ne sauraient constituer, à eux seuls, l’unique élément du système de contrôle. Il apparaît, en effet, que les États membres sont assujettis à l’obligation d’effectuer à la fois des contrôles administratifs et des contrôles sur place et que ces deux types de contrôles sont autonomes.

70      À cet égard, il importe de souligner qu’aucune disposition du règlement n° 1975/2006 ne saurait être interprétée en ce sens que, dans l’hypothèse où des contrôles administratifs sont effectués en utilisant des informations issues d’une base de données fiable, les contrôles sur place au titre de ce même règlement ne sont plus nécessaires. Le libellé de plusieurs dispositions du règlement n° 1975/2006 laissent clairement entendre le contraire. En effet, bien que l’article 11, paragraphe 2, de ce règlement prévoie des contrôles croisés avec les données du système intégré de gestion et de contrôle, des contrôles sur place sont exigés au titre des articles 12 et suivants du même règlement. En outre, il y a lieu de souligner que le contenu des contrôles sur place à effectuer conformément à l’article 35 du règlement n° 796/2004 démontre que l’objectif des contrôles sur place est notamment de vérifier la conformité des informations contenues dans les bases de données après qu’elles ont été établies par l’État membre. Or, si des contrôles administratifs sur le fondement d’une base de données permettaient de se dispenser des contrôles sur place prévus spécifiquement par le règlement n° 1975/2006, ainsi que le prétend la République française, le renvoi de l’article 15, paragraphe 3, de ce règlement à l’article 35 du règlement n° 796/2004 n’aurait aucune raison d’être.

71      Par conséquent, le Tribunal considère que c’est à juste titre que la Commission a estimé que les articles 10 et 14 du règlement n° 1975/2006 imposaient à la République française de procéder au comptage des animaux lors de contrôles sur place. En particulier, il résulte des dispositions du règlement n° 1975/2006 que, quand bien même des contrôles administratifs ont été effectués en utilisant des bases de données fiables, des contrôles sur place étaient également nécessaires conformément aux articles 12 et suivants de ce même règlement, ne serait-ce que pour vérifier l’exactitude des informations contenues dans ces bases, conformément à l’article 15, paragraphe 3, du règlement n° 1975/2006 et à l’article 35 du règlement n° 796/2004, lesquelles sont utilisées notamment pour calculer le taux de chargement.

72      Aucun des arguments invoqués par la République française lors de la procédure écrite et de l’audience ne saurait remettre en cause cette conclusion.

73      Premièrement, il ne saurait être soutenu que les contrôles sur place déjà effectués aux fins de l’établissement de la base de données dispensaient les autorités françaises de procéder à des contrôles sur place au titre des articles 12 et suivants du règlement n° 1975/2006. Une telle hypothèse ne trouve aucun fondement dans le règlement n° 1975/2006 (voir point 70 ci-dessus). Au contraire, il y a lieu de relever que les dispositions figurant sous le titre I de la partie II du règlement n° 1975/2006 constituent des mesures spécifiques de gestion et de contrôle au sens de ce règlement. Ce caractère spécifique ressort au demeurant des considérants 1, 2 et 5 dudit règlement. En effet, s’il est indiqué, au premier considérant, que les règles en matière de gestion et de contrôle doivent suivre les principes énoncés dans le système intégré de gestion et de contrôle, il est mentionné, au deuxième considérant, que « [l]es règles en matière de gestion et de contrôle doivent cependant être adaptées, pour certains régimes de soutien énoncés dans l’axe 2 […], aux caractéristiques particulières de ces derniers ». Il est en outre indiqué, au cinquième considérant du règlement n° 1975/2006, que les règles prévues dans ce règlement en matière de contrôle doivent tenir compte des caractéristiques particulières des mesures relevant de l’axe 2 en question et qu’il y a donc lieu de fixer des règles spécifiques.

74      Ainsi que le relève à juste titre la Commission, les arguments de la République française concernant la fiabilité de sa base de données, fiabilité par ailleurs non contestée par la Commission, ne sont donc pas pertinents, car les vérifications sur le bétail menées sur place dans le cadre de l’établissement et de la gestion de la base de données ne constituent pas des contrôles sur place conformément aux articles 12 et suivants du règlement n° 1975/2006. Le système de contrôles sur place à effectuer en vertu de ces dispositions est un système autonome, indépendant des contrôles sur place effectués dans le cadre de la gestion de l’identification bovine ou des primes bovines. Les vérifications effectuées à ce dernier égard ne sont pas destinées à évaluer les conditions particulières des mesures au soutien du développement rural et en particulier de la densité du bétail au moment de l’inspection. En effet, elles sont uniquement destinées à contrôler l’ensemble des animaux de l’exploitation pour lesquels l’identification est prévue et ne sauraient être considérées comme répondant aux spécificités décrites par le règlement n° 1975/2006. Ce constat est au demeurant corroboré notamment par le trente-cinquième considérant du règlement (CE) n° 1760/2000 du Parlement européen et du Conseil, du 17 juillet 2000, établissant un système d’identification et d’enregistrement des bovins et concernant l’étiquetage de la viande bovine et des produits à base de viande bovine, et abrogeant le règlement (CE) n° 820/97 du Conseil (JO L 204 p. 1).

75      En effet, il ressort du trente-cinquième considérant du règlement n° 1760/2000 que, « [a]fin de garantir la fiabilité des mesures prévues par le […] règlement [n° 1760/2000], il est nécessaire d’obliger les États membres à mettre en œuvre des mesures de contrôle appropriées et efficaces [ ; i]l y a lieu que ces contrôles soient effectués sans préjudice des contrôles auxquels la Commission peut procéder par analogie avec l’article 9 du règlement (CE, Euratom) n° 2988/95 du Conseil, du 18 décembre 1995, relatif à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes ». Or, il ressort de l’article 8 du règlement (CE, Euratom) n° 2988/95 du Conseil, du 18 décembre 1995, relatif à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes (JO L 312, p. 1), d’une part, que les mesures de contrôle sont adaptées aux spécificités de chaque secteur et proportionnées aux objectifs poursuivis et, d’autre part, que la nature et la fréquence des contrôles et des vérifications sur place à effectuer par les États membres, ainsi que les modalités de leur exécution, sont déterminées, en tant que de besoin, par les réglementations sectorielles en vue d’assurer une application uniforme et efficace des réglementations en question.

76      Par conséquent, l’argument de la République française selon lequel les contrôles sur place déjà effectués aux fins de l’établissement de la base de données dispensaient les autorités françaises de procéder à des contrôles sur place au titre des articles 12 et suivants du règlement n° 1975/2006 ne saurait prospérer.

77      Deuxièmement, il convient de rejeter l’argument selon lequel il ressortirait tant de l’article 32 du règlement (CE) n° 2342/1999 de la Commission, du 28 octobre 1999, établissant les modalités d’application du règlement (CE) n° 1254/1999 du Conseil portant organisation commune des marchés dans le secteur de la viande bovine en ce qui concerne le régime des primes (JO L 281 p. 30), que de la jurisprudence de la Cour et du Tribunal que l’utilisation des informations issues de la base de données est un moyen adéquat pour vérifier le respect d’une condition de densité de bétail, dès lors qu’il est établi qu’une telle base est fiable. En effet, il convient de relever que ledit article 32 n’est aucunement applicable aux mesures de soutien au développement rural ainsi que l’a d’ailleurs reconnu la République française lors de l’audience, ce dont il a été pris acte au procès-verbal de l’audience. Dès lors, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les modalités de contrôle prévues par cette disposition, il convient de considérer que de telles modalités ne sauraient servir de fondement pour déterminer si le système de contrôle mis en place par la République française était adéquat pour se conformer au règlement n° 1975/2006.

78      Quant à la jurisprudence mentionnée par la République française, à savoir l’arrêt du 21 juillet 2011, Nagy (C‑21/10, Rec, EU:C:2011:505), et l’arrêt du 22 janvier 2013, Grèce/Commission, (T‑46/09, Rec, EU:T:2013:32), force est de constater que la République française affirme en substance que ladite jurisprudence confirme son point de vue sans démontrer en quoi les circonstances propres aux arrêts mentionnés et les régimes de contrôles en cause dans ces arrêts, dont certains étaient des régimes de contrôles simplifiés, sont transposables aux circonstances de la présente affaire. En tout état de cause, indépendamment du caractère peu étayé de l’affirmation de la République française, il y a lieu de souligner que ces arrêts ne permettent pas de confirmer le bien-fondé de la thèse de la République française.

79      En particulier, il convient de relever que l’arrêt Nagy, point 78 supra (EU:C:2011:505), ne confirme nullement qu’une obligation de comptage des animaux lors des contrôles sur place n’était pas nécessaire. La Cour a jugé que les autorités compétentes pouvaient vérifier uniquement les données d’un système d’identification et d’enregistrement individuels des espèces bovines national pour refuser une aide au soutien du développement rural, sans nécessairement devoir procéder à d’autres vérifications. Toutefois, la Cour ne s’est aucunement prononcée sur l’étendue des obligations d’effectuer des contrôles sur place au cas où le contrôle administratif aboutit à un résultat positif. Par conséquent, il découle de cet arrêt que des contrôles sur place ne sont pas nécessaires si, après avoir consulté la base de données, il s’avère d’ores et déjà que les conditions d’éligibilité au bénéfice d’une aide au soutien du développement rural ne sont pas remplies. Cependant, contrairement à ce que prétend la République française, il ne peut être déduit de cet arrêt qu’un contrôle sur place n’est pas nécessaire si le contrôle administratif, quand bien même ce dernier a été effectué sur le fondement d’une base de données, permet de conclure que les conditions d’éligibilité sont remplies. Ainsi que le relève à juste titre la Commission, cela semble d’ailleurs conforme à l’objectif d’un contrôle sur place, qui est de vérifier si les conclusions positives tirées d’un contrôle administratif correspondent bien à la réalité.

80      Troisièmement, il convient de rejeter l’argument selon lequel, dans son rapport final, l’organe de conciliation avait expressément considéré que l’utilité de la base de données aux fins du contrôle de l’aide ICHN mériterait d’être examinée et que, s’il pouvait être conclu que les données concernant le nombre de bovins issues de cette base étaient fiables et que l’aide était calculée automatiquement sur cette base, un comptage des bovins dans le cadre du contrôle sur place semblait superflu. À cet égard, il suffit de rappeler que, aux termes de l’article 1er, paragraphe 2, sous a), de la décision 94/442/CE de la Commission, du 1er juillet 1994, relative à la création d’une procédure de conciliation dans le cadre de l’apurement des comptes du FEOGA, section « Garantie » (JO L 182, p. 45), « la position prise par l’organe de conciliation ne préjuge pas la décision définitive de la Commission en matière d’apurement des comptes ». Il en résulte que la Commission n’est pas liée par les conclusions de l’organe de conciliation (voir arrêt du 16 septembre 2013, Pologne/Commission, T‑486/09, EU:T:2013:465, point 45 et jurisprudence citée).

81      Quatrièmement, l’argument, réitéré lors de l’audience, selon lequel l’interprétation de la Commission serait contraire au caractère de continuité du critère de taux de chargement doit être rejeté. En effet, il est, certes, vrai que la Cour a jugé dans l’arrêt du 1er mars 1977, Collic (84/76, Rec, EU:C:1977:35), que ce qui importe n’est pas la présence occasionnelle sur l’exploitation du nombre d’unités de gros bovins requis, mais la présence du nombre requis pendant toute l’année de référence. Il n’en découle pas pour autant que les contrôles sur place prévus par le règlement n° 1975/2006 ne doivent pas être effectués. En effet, il y a lieu de rappeler que l’objectif desdits contrôles sur place est notamment de vérifier que les informations contenues dans les bases de données servant pour effectuer les contrôles administratifs sont correctes (voir points 70 et 71 ci-dessus). Les contrôles sur place et le comptage des animaux permettent donc de s’assurer de l’exactitude des informations contenues dans les bases de données et d’éviter que le calcul du taux de chargement, effectué par le biais de ces bases, ne soit faussé par d’éventuelles erreurs ou irrégularités.

82      Quant à l’argument de la République française et du Royaume d’Espagne selon lequel le comptage des bovins ne permet pas de prendre en compte le paramètre relatif au temps de présence des animaux sur une exploitation ni de prendre en compte de manière exacte le paramètre relatif à l’âge des bovins, il y a lieu de relever que cela ne fait pas pour autant obstacle à ce que le comptage des animaux ait lieu lors du contrôle sur place pour effectuer les vérifications exigées au titre du règlement n° 1975/2006 et pour s’assurer de la conformité des bases de données utilisées pour calculer le taux de chargement. Ainsi que le souligne à juste titre la Commission, cela signifie tout au plus que le comptage visuel n’est qu’une mesure de contrôle à effectuer lors du contrôle sur place qui doit être accompagné de mesures de contrôle aptes à prendre en compte ces paramètres.

83      Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le premier moyen.

 Sur le deuxième moyen

84      La République française, soutenue par le Royaume d’Espagne lors de l’audience, considère que l’interprétation de la Commission selon laquelle l’article 10, paragraphes 2 et 4, et l’article 14, paragraphe 2, du règlement n° 1975/2006 imposeraient le comptage des animaux lors d’un contrôle sur place pour vérifier le critère du taux de chargement est contraire à l’article 2, paragraphe 2, du règlement n° 1082/2003 et à l’article 26, paragraphe 2, sous b), du règlement n° 796/2004. En effet, elle soutient, en substance, que, en application de ces deux dernières dispositions, 5 % du cheptel bovin total fait déjà l’objet de contrôles sur place obligatoires dans le cadre desquels les autorités nationales sont tenues de procéder au comptage des bovins présents dans chaque exploitation.

85      Selon la République française, l’interprétation de la Commission a donc pour effet d’obliger les autorités nationales à compter sur place les bovins dans un nombre d’exploitations supérieur au taux de 5 % requis par l’article 2, paragraphe 2, du règlement n° 1082/2003 et l’article 26, paragraphe 2, sous b), du règlement n° 796/2004, alors qu’une telle obligation n’est pas prévue par le droit de l’Union.

86      La Commission conteste le bien-fondé du deuxième moyen.

87      À cet égard, il convient de rappeler que, indépendamment de la circonstance qu’aucune de ces dispositions n’est applicable aux faits de la présente affaire, il ressort de l’examen du premier moyen que le système de contrôles sur place à effectuer en vertu des articles 12 et suivants du règlement n° 1975/2006 est un système autonome, indépendant des contrôles sur place effectués dans le cadre de la gestion de l’identification bovine ou des primes bovines et que, par conséquent, les contrôles sur place déjà effectués aux fins de l’identification animale ou des primes bovines ne sauraient dispenser les autorités françaises de procéder à des contrôles sur place au titre des articles 12 et suivants du règlement n° 1975/2006 (voir points 73 à 76 ci-dessus).

88      Dès lors, il ne saurait être valablement soutenu que l’article 2, paragraphe 2, du règlement n° 1082/2003 et l’article 26, paragraphe 2, sous b), du règlement n° 796/2004 font obstacle à ce que les obligations prévues par le règlement n° 1975/2006, dans le secteur du soutien au développement rural, soient appliquées.

89      Il convient, par conséquent, de rejeter le deuxième moyen.

 Sur le troisième moyen

90      Par son troisième moyen, invoqué à titre subsidiaire, la République française fait valoir que la décision attaquée doit être annulée en tant qu’elle exclut du financement de l’Union les dépenses effectuées par la République française à l’égard d’exploitations pour lesquelles aucune insuffisance de contrôle ne peut être relevée.

91      La République française divise ce moyen en deux branches.

 Sur la première branche

92      La République française soutient que l’application de la correction forfaitaire aux ovins qui ne sont pas éligibles aux primes ovines est dénuée de tout fondement dans la mesure où les prétendues insuffisances du système de contrôle sur place de ces animaux pour l’octroi de l’aide ICHN ne portent, s’agissant des ovins, que sur les ovins ayant fait l’objet d’une demande de prime ovine (prime à la brebis).

93      Selon elle, la Commission était donc tenue d’exclure les paiements effectués aux agriculteurs qui n’avaient pas sollicité de prime ovine dans la mesure où les contrôles sur place réalisés dans ces exploitations avaient donné lieu au comptage des animaux. Elle fait observer que, au demeurant, lors de la procédure d’apurement des comptes, la Commission n’a pas contesté que les contrôles des autorités françaises étaient réalisés de manière différente selon que les ovins étaient « primés » ou non ni que les autorités nationales de contrôle procédaient au comptage des ovins qui ne faisaient pas l’objet de demandes de primes ovines. Selon elle, les dépenses effectuées à l’égard de ces agriculteurs n’ont entraîné aucun risque pour le Feader et devaient être exclues de l’assiette de la correction financière.

94      En outre, la République française relève que, tout au long de la procédure d’apurement des comptes, la Commission a reproché aux autorités françaises de ne pas avoir vérifié le critère du taux de chargement lorsqu’il s’agissait des bovins ou lorsqu’il s’agissait des ovins « pour lesquels une prime à la brebis a été demandée ». Or, elle ne comprend pas pourquoi la Commission aurait systématiquement limité son grief aux seuls ovins pour lesquels une prime à la brebis avait été demandée si elle considérait que c’était à tort que les autorités françaises n’avaient pas procédé davantage, lors des contrôles sur place, au comptage des ovins qui n’ont pas fait l’objet de demande de primes ovines.

95      La Commission conteste le bien-fondé de cette branche. Elle soutient que la République française n’a apporté aucune preuve tangible qui aurait permis de réduire, le cas échéant, l’assiette devant servir de base à la correction financière. La Commission indique, en outre, que le choix de cette assiette de correction forfaitaire, sans avoir exclu a priori les ovins qui n’ont pas fait l’objet d’une demande de prime ovine, est justifié par le fait que les mesures 211 et 212 du programme ne font pas de distinction entre les ovins qui sont éligibles aux primes ovines et ceux qui ne le sont pas. Ces mesures exigent d’un point de vue plus général que le taux de chargement de bétail soit respecté, indépendamment de l’éligibilité des animaux pour les primes ovines.

96      À cet égard, il y a lieu de relever qu’il ressort sans ambiguïté des arguments invoqués par la République française que cette dernière fait notamment grief à la Commission d’avoir appliqué une correction financière fondée sur un grief relatif aux ovins qui n’ont pas fait l’objet de demande de primes ovines, alors qu’elle n’aurait pas fait état de ce grief lors de la procédure d’apurement. En effet, elle soutient que la Commission aurait systématiquement limité son grief aux bovins ou aux ovins « pour lesquels une prime à la brebis a été demandée ».

97      Bien qu’au soutien de cette branche la République française ne cite pas expressément l’article 7, paragraphe 4, du règlement n° 1258/1999, ni l’article 31 du règlement n° 1290/2005, ni l’article 11 du règlement n° 885/2006, le Tribunal considère que, par cette branche, la République française tend clairement à faire constater qu’elle a été privée de la garantie procédurale visée par ces dispositions, ainsi qu’elle l’a au demeurant confirmé lors de l’audience. Il ne saurait, par conséquent et en tout état de cause, valablement être soutenu, comme l’a fait la Commission lors de l’audience, que la République française a soulevé un moyen tiré des droits de la défense lors de l’audience ni, a fortiori, que ce moyen est nouveau.

98      Il convient de rappeler qu’il résulte de la jurisprudence que la décision finale et définitive relative à l’apurement des comptes doit être prise à l’issue d’une procédure contradictoire spécifique au cours de laquelle les États membres concernés doivent disposer de toutes les garanties requises pour présenter leur point de vue (arrêts du 29 janvier 1998, Grèce/Commission, C‑61/95, Rec, EU:C:1998:27, point 39, et du 14 décembre 2000, Allemagne/Commission, C‑245/97, Rec, EU:C:2000:687, point 47).

99      Par ailleurs, il y a lieu également de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la Commission est tenue de respecter, dans les relations avec les États membres, les conditions qu’elle s’est imposées à par des règlements d’application. En effet, le non-respect de ces conditions peut, selon son importance, vider de sa substance la garantie procédurale accordée aux États membres par l’article 7, paragraphe 4, du règlement n° 1258/1999 (voir, par analogie, arrêt du 17 juin 2009, Portugal/Commission, T‑50/07, EU:T:2009:206, point 27).

100    En outre, l’article 7, paragraphe 4, cinquième alinéa, du règlement n° 1258/1999 ainsi que l’article 31 du règlement n° 1290/2005, d’une part, et l’article 8, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement n° 1663/95 et l’article 11 du règlement n° 885/2006, d’autre part, visent la même étape de la procédure d’apurement des comptes du FEOGA, à savoir l’envoi de la première communication par la Commission à l’État membre, à l’issue des contrôles qu’elle a effectués (voir, par analogie, arrêt du 24 janvier 2002, Finlande/Commission, C‑170/00, Rec, EU:C:2002:51, point 27, et arrêt Portugal/Commission, point 99 supra, EU:T:2009:206, point 28 et jurisprudence citée).

101    L’article 11 du règlement n° 885/2006 définit les différentes étapes à respecter lors de la procédure d’apurement des comptes du FEOGA. En particulier, l’article 11, paragraphe 1, premier alinéa, de ce règlement précise le contenu de la première communication écrite par laquelle la Commission communique le résultat de ses vérifications aux États membres, avant l’organisation de la discussion bilatérale (voir, par analogie, arrêts du 24 février 2005, Grèce/Commission, C‑300/02, Rec, EU:C:2005:103, point 68, et du 24 mars 2011, Grèce/Commission, T‑184/09, EU:T:2011:120, point 40). Aux termes de cette disposition, la première communication doit préciser le résultat des vérifications de la Commission à l’État membre concerné et indiquer les mesures correctives à prendre pour garantir à l’avenir le respect des règles de l’Union en cause. Quant à l’article 8, paragraphe 1, deuxième et troisième alinéas, du règlement n° 1663/95, il prévoit que la Commission et l’État membre concerné aient une discussion bilatérale portant sur la base des dépenses que la Commission propose d’exclure du financement et essaient d’arriver à un accord.

102    Il convient de rappeler, par ailleurs, qu’il a d’ores et déjà été jugé que la communication écrite visée à l’article 8, paragraphe 1, du règlement n° 1663/95 doit être de nature à donner à l’État membre une parfaite connaissance des réserves de la Commission, de sorte qu’elle puisse alors remplir la fonction d’avertissement qui lui est impartie par le premier alinéa de cette disposition et par l’article 7, paragraphe 4, du règlement n° 1258/1999 (voir, en ce sens, arrêts du 7 octobre 2004, Espagne/Commission, C‑153/01, Rec, EU:C:2004:589, point 93, et du 3 mai 2012, Espagne/Commission, C‑24/11 P, Rec, EU:C:2012:266, point 27 ; voir également, par analogie, arrêt Portugal/Commission, point 99 supra, EU:T:2009:206, point 39).

103    Il s’ensuit que, dans la première communication visée par l’article 8, paragraphe 1, du règlement n° 1663/95, la Commission doit indiquer, de manière suffisamment précise, l’objet de l’enquête menée par ses services et les carences constatées lors de cette enquête, celles-ci étant susceptibles d’être invoquées ultérieurement comme élément de preuve du doute sérieux et raisonnable qu’elle éprouve à l’égard des contrôles effectués par les administrations nationales ou des chiffres transmis par ces dernières et, ainsi, de justifier les corrections financières retenues dans la décision finale écartant du financement de l’Union certaines dépenses effectuées par l’État membre concerné au titre du FEOGA (arrêt Portugal/Commission, point 99 supra, EU:T:2009:206, point 40).

104    En outre, le non-respect de ladite condition imposée à l’article 8, paragraphe 1, du règlement n° 1663/95 et à l’article 11 du règlement n° 885/2006 vide de sa substance la garantie procédurale accordée aux États membres par l’article 7, paragraphe 4, cinquième alinéa, du règlement nº 1258/1999, qui limite dans le temps les dépenses sur lesquelles peut porter un refus de financement par le FEOGA (voir arrêt Espagne/Commission, point 102 supra, EU:C:2012:266, point 29 et jurisprudence citée).

105    L’article 8, paragraphe 1, du règlement nº 1663/95 et l’article 11 du règlement n° 885/2006 doivent ainsi être lus en combinaison avec l’article 7, paragraphe 4, cinquième alinéa, du règlement nº 1258/1999 ainsi que l’article 31 du règlement n° 1290/2005. Selon cette disposition, la Commission ne peut pas exclure les dépenses qui ont été effectuées plus de 24 mois avant qu’elle n’ait notifié par écrit à l’État membre concerné les résultats des vérifications. Il en résulte que la communication écrite prévue à l’article 8, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement nº 1663/95 et à l’article 11 du règlement n° 885/2006 a pour objet d’avertir son destinataire que les dépenses effectuées pendant la période de 24 mois qui précède la notification de cette communication peuvent être exclues du financement par le FEOGA et que, partant, celle-ci constitue l’élément de référence pour le décompte du délai de 24 mois ainsi prévu (arrêt Espagne/Commission, point 102 supra, EU:C:2012:266, point 30).

106    En conséquence, afin de remplir sa fonction d’avertissement, notamment à la lumière de l’article 7, paragraphe 4, cinquième alinéa, du règlement n° 1258/1999, la communication visée à l’article 8, paragraphe 1, du règlement n° 1663/95 et à l’article 11 du règlement n° 885/2006 doit d’emblée identifier de manière suffisamment précise toutes les irrégularités reprochées à l’État membre concerné qui ont, en définitive, fondé la correction financière effectuée. Seule une telle communication est en mesure de garantir une parfaite connaissance des réserves de la Commission et peut constituer l’élément de référence pour le décompte du délai de 24 mois prévu à l’article 7, paragraphe 4, cinquième alinéa, du règlement n° 1258/1999 et à l’article 31 du règlement n° 1290/2005 (arrêt Espagne/Commission, point 102 supra, EU:C:2012:266, point 31).

107    Conformément à la jurisprudence citée aux points 98 à 106 ci-dessus, il convient d’examiner si la communication des résultats satisfait aux exigences de l’article 11 du règlement n° 885/2006, lu en combinaison avec l’article 7, paragraphe 4, cinquième alinéa, du règlement n° 1258/1999 ainsi que l’article 31 du règlement n° 1290/2005, et constituait, par conséquent, une communication régulière en application desdites dispositions.

108    Or, force est de constater que tel n’est pas le cas. En effet, ainsi que le soutient la République française, la Commission a, lors de toutes les étapes de la procédure d’apurement, et en tout état de cause dans la communication des résultats, mentionné que « [p]endant la mission, il a été constaté que le taux de chargement […] n’était pas vérifié sur place, lorsqu’il s’agit des ovins pour lesquels une ‘prime à la brebis’ a été demandée, ou lorsqu’il s’agit des bovins ». La Commission n’a jamais mentionné que le taux de chargement n’était pas vérifié sur place, lorsqu’il s’agissait des ovins qui n’avaient pas fait l’objet de demande de primes ovines.

109    Par conséquent, indépendamment du bien-fondé des raisons invoquées par la Commission pour justifier l’exclusion de l’assiette de la correction forfaitaire des ovins qui n’ont pas fait l’objet d’une demande de prime ovine (voir point 95 ci-dessus), il y a lieu de constater que la communication des résultats n’identifie pas, au sens de la jurisprudence mentionnée aux points 98 à 106 ci-dessus, les irrégularités reprochées à l’État membre ayant fondé la correction financière en l’espèce s’agissant des ovins qui n’ont pas fait l’objet de demande de primes ovines. Ainsi, ladite communication ne saurait être invoquée au soutien de la correction financière imposée à la République française par la décision attaquée au titre des exercices financiers 2008 et 2009 et à l’égard desquels cette communication ne pouvait, en particulier, pas permettre à l’État membre concerné de remédier, au sens de la jurisprudence susmentionnée, aux irrégularités constatées lors de la mission d’audit. Dès lors, la procédure administrative aurait pu aboutir à un résultat différent si la République française avait eu connaissance des irrégularités et si elle avait eu l’occasion d’y remédier (voir, par analogie, arrêts du 7 juin 2013, Portugal/Commission, T‑2/11, Rec, EU:T:2013:307, point 93, et du 3 juillet 2014, Pays-Bas/Commission, T‑16/11, EU:T:2014:603, point 96).

110    Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a donc lieu d’accueillir la première branche du troisième moyen, de sorte qu’il convient d’annuler la décision attaquée en ce que la Commission a procédé à une correction financière fondée sur un grief relatif aux ovins qui n’ont pas fait l’objet de demande de primes ovines, alors que les autorités françaises n’ont pas bénéficié de la garantie procédurale qui leur était accordée par l’article 7, paragraphe 4, du règlement n° 1258/1999, par l’article 31 du règlement n° 1290/2005 et par l’article 11 du règlement n° 885/2006.

 Sur la seconde branche

111    Par la seconde branche du troisième moyen, la République française fait valoir que, en incluant dans l’assiette de la correction forfaitaire la partie des dépenses effectuées dans des exploitations bovines ayant fait l’objet de contrôles sur place dans le cadre de l’identification bovine ou des primes bovines, la Commission n’a pas tiré les conséquences nécessaires du fait que, lors de ces contrôles sur place, un comptage des animaux avait eu lieu.

112    Selon la République française, la circonstance que le système de contrôle prévu par le règlement n° 1975/2006 soit un système de contrôle autonome ne s’oppose pas à ce que le comptage des animaux réalisé au cours de contrôles sur place effectués dans le cadre de l’identification bovine ou des primes bovines puisse constituer un comptage valable de ces animaux au titre de l’aide ICHN. En se référant au onzième considérant du règlement n° 1975/2006, elle soutient que le fait que les contrôles sur place effectués dans le cadre de l’identification bovine ou des primes bovines n’étaient pas « destinés » à vérifier les conditions d’octroi des mesures de soutien au développement rural et, en particulier, le critère de taux de chargement ne s’oppose pas à ce que les informations recueillies à l’occasion de tels contrôles sur place soient utilisées afin de calculer le critère de taux de chargement au titre de l’aide ICHN. Toute interprétation contraire aboutirait, selon elle, à imposer aux autorités nationales de dupliquer inutilement des contrôles qui portent sur les mêmes critères d’éligibilité selon que l’engagement qui doit être contrôlé relève du premier ou du deuxième pilier de la politique agricole commune. Elle en conclut que, en l’espèce, les autorités françaises pouvaient utiliser les rapports des contrôles sur place réalisés dans le cadre de l’identification bovine ou des primes bovines, qui fournissaient le nombre de bovins présents sur l’exploitation au moment du contrôle, pour veiller au respect du critère de chargement dans le cadre de l’aide ICHN.

113    À cet égard, le Tribunal considère que, pour les raisons invoquées aux points 73 à 76 ci-dessus, cette branche ne peut qu’être rejetée. En effet, il a été démontré que le système de contrôles sur place à effectuer en vertu des articles 12 et suivants du règlement n° 1975/2006 est un système autonome, indépendant des contrôles sur place effectués dans le cadre de la gestion de l’identification bovine ou des primes bovines et que, par conséquent, les contrôles sur place déjà effectués aux fins de l’identification animale ou des primes bovines ne sauraient dispenser les autorités françaises de procéder aux contrôles sur place prévus par les articles 12 et suivants du règlement n° 1975/2006.

114    Il y a donc lieu de rejeter la seconde branche du troisième moyen.

115    Il résulte de l’ensemble de ce qui précède qu’il y a lieu de faire droit au recours et d’annuler la décision attaquée en ce que la Commission a appliqué à la République française une correction financière dans le cadre des mesures de soutien au développement rural pour les ovins qui n’ont pas fait l’objet de demande de primes ovines pour les exercices financiers 2008 et 2009 et de rejeter le recours pour le surplus.

 Sur les dépens

116    Aux termes de l’article 87, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, ce dernier peut répartir les dépens ou décider que chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs. Le recours ayant été partiellement accueilli, il sera fait une juste appréciation des circonstances de la cause en décidant que la République française supportera les trois quarts de ses propres dépens et les trois quarts des dépens exposés par la Commission, cette dernière supportant le quart de ses propres dépens et le quart des dépens exposés par la République française.

117    Conformément à l’article 87, paragraphe 4, premier alinéa, du règlement de procédure, le Royaume d’Espagne supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision d’exécution 2013/123/UE de la Commission, du 26 février 2013, écartant du financement de l’Union européenne certaines dépenses effectuées par les États membres au titre du Fonds européen d’orientation et de garantie agricole (FEOGA), section « Garantie », du Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader), est annulée en ce qu’elle applique une correction financière à la République française dans le cadre des mesures de soutien au développement rural pour les ovins qui n’ont pas fait l’objet de demande de primes ovines pour les exercices financiers 2008 et 2009.

2)      Le recours est rejeté pour le surplus.

3)      La République française est condamnée à supporter les trois quarts de ses propres dépens et les trois quarts des dépens exposés par la Commission européenne.

4)      Le Royaume d’Espagne supportera ses propres dépens.

Berardis

Czúcz

Popescu

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 30 avril 2015.

Signatures

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Cadre juridique

Droit de l’Union

Règlement (CE) n° 1698/2005

Règlement (CE) n° 1975/2006

Règlement (CE) n° 796/2004

Droit français

Antécédents du litige

Procédure et conclusions des parties

En droit

Observations liminaires

Sur le premier moyen

Sur le deuxième moyen

Sur le troisième moyen

Sur la première branche

Sur la seconde branche

Sur les dépens


* Langue de procédure : le français.