Language of document : ECLI:EU:C:2017:205





ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)

14 mars 2017 (*)

« Pourvoi – Concurrence – Articles 101 et 102 TFUE – Règlement (CE) n° 1/2003 – Article 30 – Décision de la Commission constatant une entente illégale sur le marché européen du peroxyde d’hydrogène et du perborate – Publication d’une version non confidentielle élargie de cette décision – Rejet d’une demande de traitement confidentiel de certaines informations – Mandat du conseiller-auditeur – Décision 2011/695/UE – Article 8 – Confidentialité – Protection du secret professionnel – Article 339 TFUE – Notion de ‟secrets d’affaires ou autres informations confidentielles” – Informations provenant d’une demande de clémence – Rejet de la demande de traitement confidentiel – Confiance légitime »

Dans l’affaire C‑162/15 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 8 avril 2015,

Evonik Degussa GmbH, établie à Essen (Allemagne), représentée par Mes C. Steinle, C. von Köckritz et A. Richter, Rechtsanwälte,

partie requérante,

l’autre partie à la procédure étant :

Commission européenne, représentée par MM. G. Meessen et M. Kellerbauer ainsi que par Mme F. van Schaik, en qualité d’agents,

partie défenderesse en première instance,

LA COUR (grande chambre),

composée de M. K. Lenaerts, président, M. A. Tizzano, vice-président, MM. M. Ilešič, L. Bay Larsen, T. von Danwitz et E. Regan (rapporteur), présidents de chambre, MM. E. Levits, J.‑C. Bonichot, A. Arabadjiev, Mme C. Toader, MM. M. Safjan, C. G. Fernlund, C. Vajda, S. Rodin et F. Biltgen, juges,

avocat général : M. M. Szpunar,

greffier : M. I. Illéssy, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 4 avril 2016,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 21 juillet 2016,

rend le présent

Arrêt

1        Par son pourvoi, Evonik Degussa GmbH demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 28 janvier 2015, Evonik Degussa/Commission (T‑341/12, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2015:51), par lequel celui-ci a rejeté son recours tendant à l’annulation de la décision C(2012) 3534 final de la Commission, du 24 mai 2012, portant rejet d’une demande de traitement confidentiel introduite par la requérante (affaire COMP/F/38.620 – Peroxyde d’hydrogène et perborate) (ci-après la « décision litigieuse »), en application de l’article 8 de la décision 2011/695/UE du président de la Commission européenne, du 13 octobre 2011, relative à la fonction et au mandat du conseiller‑auditeur dans certaines procédures de concurrence (JO 2011, L 275, p. 29).

 Le cadre juridique

 Le règlement (CE) n° 1/2003

2        Aux termes de l’article 28 du règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles [101] et [102 TFUE] (JO 2003, L 1, p. 1), intitulé « Secret Professionnel » :

« 1.      Sans préjudice des articles 12 et 15, les informations recueillies en application des articles 17 à 22 ne peuvent être utilisées qu’aux fins auxquelles elles ont été recueillies.

2.      Sans préjudice de l’échange et de l’utilisation des informations prévus aux articles 11, 12, 14, 15 et 27, la Commission et les autorités de concurrence des États membres, leurs fonctionnaires, agents et les autres personnes travaillant sous la supervision de ces autorités, ainsi que les agents et fonctionnaires d’autres autorités des États membres sont tenus de ne pas divulguer les informations qu’ils ont recueillies ou échangées en application du présent règlement et qui, par leur nature, sont couvertes par le secret professionnel. Cette obligation s’applique également à tous les représentants et experts des États membres assistant aux réunions du comité consultatif en application de l’article 14. »

3        L’article 30 dudit règlement, intitulé « Publication des décisions », dispose :

« 1.      La Commission publie les décisions qu’elle prend en vertu des articles 7 à 10 et des articles 23 et 24.

2.      La publication mentionne le nom des parties intéressées et l’essentiel de la décision, y compris les sanctions imposées. Elle doit tenir compte de l’intérêt légitime des entreprises à ce que leurs secrets d’affaires ne soient pas divulgués. »

 La décision 2011/695

4        Aux termes du considérant 8 de la décision 2011/695 :

« Il convient que le conseiller-auditeur agisse en tant qu’arbitre indépendant qui cherche à résoudre les problèmes entravant l’exercice effectif des droits procéduraux des parties concernées, [...] lorsque ces problèmes n’ont pu être résolus au moyen de contacts préalables avec les services de la Commission chargés de mener les procédures de concurrence, lesquels sont tenus de respecter ces droits procéduraux. »

5        Le considérant 9 de cette décision énonce que « [l]e mandat du conseiller-auditeur dans les procédures de concurrence doit être défini de manière à garantir un exercice effectif des droits procéduraux tout au long de la procédure devant la Commission fondée sur les articles 101 et 102 [TFUE], et notamment le droit d’être entendu ».

6        Selon l’article 1er, paragraphe 1, de la décision 2011/695, les compétences et les fonctions des conseillers-auditeurs désignés dans les procédures de concurrence sont définies par cette décision.

7        L’article 1er, paragraphe 2, de ladite décision définit le rôle de ce conseiller-auditeur comme consistant à garantir « l’exercice effectif des droits procéduraux tout au long des procédures de concurrence devant la Commission aux fins de l’application des articles 101 et 102 [TFUE] ».

8        L’article 8 de cette même décision, qui figure au chapitre 4 de celle-ci, ce chapitre étant intitulé « Accès au dossier, confidentialité et secrets d’affaires », prévoit :

« 1.  Lorsque la Commission envisage de divulguer des informations susceptibles de constituer un secret d’affaires ou d’autres informations confidentielles d’une entreprise ou d’une personne, cette entreprise ou cette personne est informée par écrit de cette intention, ainsi que de sa motivation, par la direction générale de la concurrence. Un délai est imparti à l’entreprise ou à la personne concernée pour présenter par écrit d’éventuelles observations.

2.       Lorsque l’entreprise ou la personne concernée s’oppose à la divulgation de l’information, elle peut en référer au conseiller-auditeur. Si le conseiller-auditeur estime que l’information en question peut être divulguée, parce qu’elle ne constitue pas un secret d’affaires ou une autre information confidentielle ou que sa divulgation présente un intérêt majeur, cette constatation est exposée dans une décision motivée qui est notifiée à l’entreprise ou à la personne concernée. La décision précise le délai à l’expiration duquel l’information sera divulguée. Ce délai ne peut être inférieur à une semaine à compter de la date de la notification.

3.       Les paragraphes 1 et 2 s’appliquent mutatis mutandis à la divulgation d’informations par leur publication au Journal officiel de l’Union européenne.

[...] »

 Le règlement (CE) n° 1049/2001

9        L’article 4, paragraphes 2, 3 et 7, du règlement (CE) n° 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO 2001, L 145, p. 43), prévoit :

« 2.      Les institutions refusent l’accès à un document dans le cas où sa divulgation porterait atteinte à la protection :

–        des intérêts commerciaux d’une personne physique ou morale déterminée, y compris en ce qui concerne la propriété intellectuelle,

–        des procédures juridictionnelles et des avis juridiques,

–        des objectifs des activités d’inspection, d’enquête et d’audit,

à moins qu’un intérêt public supérieur ne justifie la divulgation du document visé. 

3.      L’accès à un document établi par une institution pour son usage interne ou reçu par une institution et qui a trait à une question sur laquelle celle-ci n’a pas encore pris de décision est refusé dans le cas où sa divulgation porterait gravement atteinte au processus décisionnel de cette institution, à moins qu’un intérêt public supérieur ne justifie la divulgation du document visé.

L’accès à un document contenant des avis destinés à l’utilisation interne dans le cadre de délibérations et de consultations préliminaires au sein de l’institution concernée est refusé même après que la décision a été prise, dans le cas où la divulgation du document porterait gravement atteinte au processus décisionnel de l’institution, à moins qu’un intérêt public supérieur ne justifie la divulgation du document visé.

[...]

7.      Les exceptions visées aux paragraphes 1, 2 et 3 s’appliquent uniquement au cours de la période durant laquelle la protection se justifie eu égard au contenu du document. Les exceptions peuvent s’appliquer pendant une période maximale de trente ans. Dans le cas de documents relevant des exceptions concernant la vie privée ou les intérêts commerciaux et de documents sensibles, les exceptions peuvent, si nécessaire, continuer de s’appliquer au-delà de cette période. »

 La communication de la Commission de 2002 sur l’immunité d’amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes

10      Le point 4 de la communication de la Commission sur l’immunité d’amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 2002, C 45, p. 3, ci‑après la « communication sur la clémence de 2002 ») dispose :

« La Commission estime qu’il est de l’intérêt de [l’Union] de faire bénéficier d’un traitement favorable les entreprises qui coopèrent avec elle. Le bénéfice que tirent les consommateurs et les citoyens de l’assurance de voir les ententes secrètes révélées et interdites est plus important que l’intérêt qu’il peut y avoir à sanctionner pécuniairement des entreprises qui lui permettent de découvrir et de sanctionner de telles pratiques. »

11      Le point 6 de cette communication énonce :

« La Commission considère que la collaboration d’une entreprise à la découverte d’une entente a une valeur intrinsèque. Une contribution déterminante à l’ouverture d’une enquête peut justifier l’octroi d’une immunité d’amendes à l’entreprise en question, sous réserve que certaines conditions supplémentaires soient réunies. »

12      Aux termes du point 21 de la communication sur la clémence de 2002 :

« Afin de pouvoir prétendre à une telle réduction, une entreprise doit fournir à la Commission des éléments de preuve de l’infraction présumée qui apportent une valeur ajoutée significative par rapport aux éléments de preuve déjà en possession de la Commission, et doit mettre fin à sa participation à l’activité illégale présumée au plus tard au moment où elle fournit ces éléments de preuve. »

13      Le point 29 de cette communication est libellé comme suit :

« La Commission est consciente du fait que la présente communication crée des attentes légitimes sur lesquelles se fonderont les entreprises souhaitant l’informer de l’existence d’une entente. »

14      Les points 31 à 33 de ladite communication énoncent :

« 31. Conformément à la pratique de la Commission, le fait qu’une entreprise a coopéré avec elle pendant la procédure administrative sera indiqué dans toute décision, afin d’expliquer la raison de l’immunité d’amende ou la réduction de son montant. Le fait qu’une entreprise bénéficie d’une immunité d’amende ou d’une réduction de son montant ne la protège pas des conséquences en droit civil de sa participation à une infraction à l’article [101 TFUE].

32.       La Commission considère d’une manière générale que la divulgation, à un moment quelconque, de documents reçus conformément à la présente communication porterait atteinte à la protection des objectifs des activités d’inspection et d’enquête au sens de l’article 4, paragraphe 2, du règlement [n° 1049/2001]. 

33.      Toute déclaration écrite faite à la Commission en rapport avec la présente communication fait partie intégrante de son dossier. Elle ne peut être divulguée ou utilisée à d’autres fins que l’application de l’article [101 TFUE]. »

 La communication de la Commission de 2006 sur l’immunité d’amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes

15      Le point 40 de la communication de la Commission sur l’immunité d’amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 2006, C 298, p. 17, ci-après la « communication sur la clémence de 2006 ») prévoit :

« La Commission considère d’une manière générale que la divulgation publique de documents et de déclarations écrites ou enregistrées reçus conformément à la présente communication porterait atteinte à certains intérêts publics ou privés, par exemple la protection des objectifs des activités d’inspection et d’enquête, au sens de l’article 4 du règlement [n° 1049/2001], même après l’adoption de la décision. »

 Les antécédents du litige

16      Les antécédents du litige, tels qu’ils ressortent des points 1 à 13 de l’arrêt attaqué, peuvent se résumer comme suit.

17      Le 3 mai 2006, la Commission européenne a adopté la décision C(2006) 1766 final, relative à une procédure d’application de l’article 81 [CE] et de l’article 53 de l’accord EEE à l’encontre d’Akzo Nobel NV, Akzo Nobel Chemicals Holding AB, Eka Chemicals AB, Degussa AG, Edison SpA, FMC Corporation, FMC Foret SA, Kemira OYJ, L’Air Liquide SA, Chemoxal SA, Snia SpA, Caffaro Srl, Solvay SA/NV, Solvay Solexis SpA, Total SA, Elf Aquitaine SA et Arkema SA (affaire COMP/F/38.620 – Peroxyde d’hydrogène et perborate) (ci‑après la « décision PHP »), dont un résumé a été publié au Journal officiel de l’Union européenne (JO 2006, L 353, p. 54).

18      Dans la décision PHP, la Commission a, notamment, constaté que Degussa AG, devenue Evonik Degussa, avait participé à une infraction à l’article 81 CE sur le territoire de l’Espace économique européen (EEE), avec seize autres sociétés actives dans le secteur du peroxyde d’hydrogène et du perborate. La requérante ayant été la première société à prendre contact avec la Commission, au cours du mois de décembre 2002, en application de la communication sur la clémence de 2002, et ayant, à cette occasion, pleinement coopéré en fournissant à la Commission toutes les informations qu’elle possédait au sujet de l’infraction, elle s’est vu accorder le bénéfice d’une immunité complète d’amende.

19      Au cours de l’année 2007, une première version non confidentielle de la décision PHP a été publiée sur le site Internet de la direction générale (DG) « Concurrence » de la Commission.

20      Dans un courrier adressé à la requérante le 28 novembre 2011, la Commission a informé celle-ci de son intention de publier une nouvelle version non confidentielle plus détaillée de la décision PHP (ci-après la « version élargie de la décision PHP »), reprenant l’intégralité du contenu de ladite décision, à l’exception des informations confidentielles. À cette occasion, la Commission a demandé à la requérante qu’elle identifie, dans la décision PHP, les informations dont elle entendait solliciter le traitement confidentiel.

21      Estimant que cette version élargie de la décision PHP contenait des informations confidentielles ou des secrets d’affaires, la requérante a informé la Commission, dans un courrier du 23 décembre 2011, qu’elle s’opposait à la publication envisagée. À l’appui de cette opposition, elle faisait valoir, plus particulièrement, que ladite version contenait de nombreuses informations qu’elle avait transmises à la Commission au titre de la communication sur la clémence de 2002, de même que le nom de plusieurs de ses collaborateurs, ainsi que des indications relatives à ses relations commerciales. Selon la requérante, la publication envisagée méconnaîtrait ainsi, notamment, les principes de protection de la confiance légitime et d’égalité de traitement et serait de nature à porter préjudice aux activités d’enquête de la Commission.

22      Par lettre du 15 mars 2012, la Commission a informé la requérante qu’elle acceptait de supprimer, de la version élargie de la décision PHP destinée à être publiée, toutes les informations permettant directement ou indirectement d’identifier la source des informations communiquées au titre de la communication sur la clémence de 2002, de même que les noms de collaborateurs de la requérante. En revanche, la Commission a estimé qu’il n’était pas justifié d’accorder le bénéfice de la confidentialité aux autres informations pour lesquelles la requérante avait sollicité un tel traitement confidentiel (ci-après les « informations litigieuses »).

23      Mettant en œuvre la possibilité prévue par la décision 2011/695, la requérante a saisi le conseiller‑auditeur afin que ce dernier exclue de la version élargie de la décision PHP toute information fournie par elle au titre de la communication sur la clémence de 2002.

24      Par la décision litigieuse, le conseiller-auditeur a, au nom de la Commission, rejeté les demandes de traitement confidentiel introduites par la requérante.

25      Le conseiller-auditeur a, tout d’abord, souligné les limites de son mandat, expliquant que celui‑ci lui permettait seulement d’examiner si une information doit être considérée comme confidentielle et non de remédier à une violation alléguée des attentes légitimes de la requérante envers la Commission.

26      Il a, par ailleurs, relevé que la requérante s’opposait à la publication de la nouvelle version élargie de la décision PHP au seul motif que celle-ci comportait des informations fournies en application de la communication sur la clémence de 2002 et que la divulgation de ces informations à des tiers serait susceptible de lui porter préjudice dans le cas de recours en dommages et intérêts intentés devant des juridictions nationales. Or, selon le conseiller‑auditeur, la Commission dispose d’une large marge d’appréciation pour décider de publier davantage que l’essentiel de ses décisions. De surcroît, des références à des documents contenus dans le dossier administratif ne constitueraient pas, en elles-mêmes, des secrets d’affaires ou d’autres informations confidentielles.

27      Selon le conseiller-auditeur, la requérante n’a pas démontré que la publication des informations qu’elle avait communiquées à la Commission, en vue de bénéficier du programme de clémence régi par la communication sur la clémence de 2002, était susceptible de lui causer un préjudice grave. L’intérêt d’une entreprise à laquelle la Commission a infligé une amende pour violation du droit de la concurrence à ce que les détails du comportement infractionnel qui lui est reproché ne soient pas divulgués au public ne mériterait, en tout état de cause, aucune protection particulière. Le conseiller-auditeur a rappelé, sur ce point, que les recours en indemnité faisaient partie intégrante de la politique de l’Union européenne en matière de concurrence et que, dès lors, la requérante ne pouvait faire valoir un intérêt légitime à être protégée contre le risque de faire l’objet de tels recours, en raison de sa participation à l’infraction visée par la décision PHP.

28      Le conseiller-auditeur a également estimé qu’il n’était pas compétent pour répondre à l’argument de la requérante selon lequel la divulgation à des tiers des informations qu’elle avait communiquées à la Commission dans le cadre du programme de clémence porterait atteinte audit programme, une telle question dépassant les limites de son mandat. Il a rappelé, à cet égard, que, conformément à la jurisprudence, il appartient à la Commission seule d’apprécier dans quelle mesure le contexte factuel et historique dans lequel s’insère le comportement incriminé doit être porté à la connaissance du public, pour autant qu’il ne contienne pas d’informations confidentielles.

29      Enfin, le conseiller-auditeur a fait observer que, dès lors que le mandat qui lui est confié en vertu de l’article 8 de la décision 2011/695 est limité à l’appréciation de la question de savoir dans quelle mesure des informations relèvent du secret professionnel ou doivent bénéficier d’un traitement confidentiel à un autre titre, il n’était pas compétent pour se prononcer sur l’argument de la requérante selon lequel la publication des informations communiquées au titre du programme de clémence emporterait une différence de traitement injustifiée par rapport aux autres participants à l’infraction constatée dans la décision PHP.

 L’arrêt attaqué

30      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 2 août 2012, la requérante a introduit un recours tendant à l’annulation de la décision litigieuse.

31      À l’appui de son recours, la requérante a avancé cinq moyens, tirés, premièrement, d’une violation de l’article 8, paragraphes 2 et 3, de la décision 2011/695, deuxièmement, d’un défaut de motivation de la décision litigieuse, troisièmement, d’une violation du secret professionnel ainsi que du caractère confidentiel d’informations dont la Commission envisage la publication, quatrièmement, d’une violation des principes de protection de la confiance légitime, de sécurité juridique et d’égalité de traitement et, cinquièmement, d’une violation du principe de finalité inscrit à l’article 28 du règlement n° 1/2003, ainsi que d’une violation du point 48 de la communication de la Commission relative aux règles d’accès au dossier de la Commission dans les affaires relevant des articles [101] et [102 TFUE], des articles 53, 54 et 57 de l’Accord EEE et du règlement (CE) n° 139/2004 du Conseil (JO 2005, C 325, p. 7).

32      Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté le recours comme étant non fondé.

 Les conclusions des parties au pourvoi

33      Par son pourvoi, la requérante demande à la Cour :

–        d’annuler l’arrêt attaqué ;

–        d’annuler la décision litigieuse, et

–        de condamner la Commission aux dépens.

34      La Commission demande à la Cour de rejeter le pourvoi dans son intégralité et de condamner la requérante aux dépens.

 Sur le pourvoi

35      À l’appui de son pourvoi, la requérante soulève trois moyens, tirés, pour le premier, d’une violation de l’article 8, paragraphes 2 et 3, de la décision 2011/695, pour le deuxième, d’une violation de l’article 339 TFUE, de l’article 30 du règlement n° 1/2003, de l’article 4, paragraphe 2, du règlement n° 1049/2001, de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la « CEDH »), ainsi que de l’article 7 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après « la Charte ») et, pour le troisième, d’une violation des principes de protection de la confiance légitime et de sécurité juridique.

 Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 8, paragraphes 2 et 3, de la décision 2011/695

36      Le premier moyen se subdivise, en substance, en deux branches, tirées, d’une part, de ce que le Tribunal a méconnu la compétence attribuée au conseiller‑auditeur pour décider de la publication d’informations en vertu de l’article 8, paragraphes 2 et 3, de la décision 2011/695 et, d’autre part, de ce que le Tribunal a rejeté le grief de la requérante tiré d’une dénaturation des faits et de la décision litigieuse.

 Sur la première branche du premier moyen

–       Argumentation des parties

37      Par la première branche de son premier moyen, la requérante reproche au Tribunal d’avoir commis une erreur de droit aux points 42 à 44 de l’arrêt attaqué, en jugeant que le conseiller‑auditeur n’était pas compétent pour examiner ses arguments tirés de ce que la publication de la version élargie de la décision PHP violerait les principes de protection de la confiance légitime et d’égalité de traitement.

38      La Commission conclut au rejet de la première branche du premier moyen, en faisant valoir que le conseiller-auditeur n’était pas compétent pour examiner de tels arguments puisque lesdits principes n’ont pas spécifiquement pour objectif de protéger la confidentialité d’informations ou de documents.

–       Appréciation de la Cour

39      Les compétences et les fonctions du conseiller‑auditeur désigné dans les procédures de concurrence sont, selon l’article 1er, paragraphe 1, de la décision 2011/695, définies par cette dernière.

40      Aux termes de l’article 1er, paragraphe 2, de ladite décision, tel qu’éclairé par le considérant 9 de cette même décision, le mandat du conseiller‑auditeur doit être défini de manière à garantir un exercice effectif des droits procéduraux tout au long de la procédure devant la Commission, fondée sur les articles 101 et 102 TFUE, et notamment le droit d’être entendu.

41      À cet égard, il ressort de l’article 8, paragraphe 1, de la décision 2011/695 que, lorsque la Commission envisage de divulguer des informations susceptibles de constituer un secret d’affaires ou d’autres informations confidentielles d’une entreprise ou d’une personne, cette entreprise ou cette personne est informée par écrit de cette intention et un délai est imparti à l’entreprise ou à la personne concernée pour présenter par écrit d’éventuelles observations.

42      L’intéressé peut alors, conformément à l’article 8, paragraphe 2, de cette décision, lorsqu’il s’agit d’informations susceptibles, selon lui, de constituer un secret d’affaires ou d’autres informations confidentielles, s’opposer à leur divulgation en saisissant le conseiller‑auditeur. Lorsque ce dernier estime que l’information en cause peut être divulguée soit parce qu’elle ne constitue pas un secret d’affaires ou une autre information confidentielle, soit parce que sa divulgation présente un intérêt majeur, il doit adopter une décision motivée précisant le délai à l’expiration duquel l’information sera divulguée, lequel ne peut être inférieur à une semaine à compter de la date de la notification.

43      Enfin, l’article 8, paragraphe 3, de ladite décision prévoit que ces dispositions s’appliquent mutatis mutandis à la divulgation d’informations par leur publication au Journal officiel de l’Union européenne.

44      L’article 8 de cette même décision vise donc, comme le Tribunal l’a jugé au point 41 de l’arrêt attaqué, à mettre en œuvre, sur le plan procédural, la protection qu’offre le droit de l’Union aux informations dont la Commission a eu connaissance dans le cadre des procédures d’application des règles de concurrence, désormais prévue à l’article 28, paragraphe 2, du règlement no 1/2003.

45      En particulier, l’article 8, paragraphe 2, de la décision 2011/695 a pour objectif de préciser les raisons qui permettent au conseiller‑auditeur de considérer que les informations dont l’intéressé sollicite le traitement confidentiel peuvent être divulguées. Il ressort, en effet, de cette disposition que ledit conseiller-auditeur peut estimer que l’information peut être divulguée lorsqu’elle ne constitue pas, en réalité, un secret d’affaires ou une autre information confidentielle ou que sa divulgation présente un intérêt majeur.

46      Toutefois, si ladite disposition précise les raisons qui permettent au conseiller‑auditeur de considérer qu’il estime qu’une information peut être divulguée, cette même disposition ne limite pas, en revanche, les motifs tirés de règles ou de principes du droit de l’Union que l’intéressé peut faire valoir pour s’opposer à la publication envisagée.

47      En l’espèce, la requérante a fait valoir devant le Tribunal, en substance, que le respect des principes de protection de la confiance légitime et d’égalité de traitement constitue un motif légitime qui pourrait justifier que les informations litigieuses bénéficient de la protection du droit de l’Union contre une divulgation et que le conseiller‑auditeur, en s’abstenant de statuer sur les objections fondées sur ces principes, a commis une erreur de droit.

48      À cet égard, le Tribunal a, tout d’abord, constaté, au point 33 de l’arrêt attaqué, que, lorsque le conseiller‑auditeur prend une décision au titre de l’article 8 de la décision 2011/695, il est tenu non seulement d’examiner si la version d’une décision sanctionnant une infraction à l’article 101 TFUE portée à son examen contient des secrets d’affaires ou d’autres informations confidentielles jouissant d’une protection similaire, mais encore de vérifier si cette version contient d’autres informations qui ne peuvent être divulguées au public soit en raison de règles de droit de l’Union les protégeant spécifiquement, soit du fait qu’elles relèvent de celles qui, par leur nature, sont couvertes par le secret professionnel.

49      Le Tribunal a ensuite considéré, en substance, aux points 42 et 43 de l’arrêt attaqué, que les principes du respect de la confiance légitime et d’égalité de traitement, invoqués par la requérante devant le conseiller‑auditeur, ne constituent pas des règles visant à protéger spécifiquement contre une divulgation au public des informations telles que celles qui avaient été communiquées à la Commission par la requérante en vue d’obtenir la clémence de celle-ci et que, partant, ces principes ne relèvent pas, comme tels, de la protection prévue par le droit de l’Union des informations dont la Commission a eu connaissance dans le cadre des procédures d’application de l’article 101 TFUE.

50      Le Tribunal a, dès lors, conclu, au point 43 de l’arrêt attaqué, que ces principes dépassent le cadre de la mission dont le conseiller-auditeur est investi en vertu de l’article 8 de la décision 2011/695.

51      Toutefois, ainsi qu’il a été rappelé au point 44 du présent arrêt, l’article 8 de la décision 2011/695 vise à mettre en œuvre, sur le plan procédural, la protection qu’offre le droit de l’Union aux informations dont la Commission a eu connaissance dans le cadre des procédures d’application des règles de concurrence. Cette protection doit être comprise comme se rapportant à tout motif qui pourrait justifier la protection de la confidentialité des informations en cause.

52      Cette interprétation est corroborée, d’une part, par la première phrase de l’article 8, paragraphe 2, de la décision 2011/695, qui dispose, sans autre restriction, que, lorsque l’entreprise ou la personne concernée s’oppose à la divulgation de l’information, elle peut en référer au conseiller‑auditeur.

53      D’autre part, il irait à l’encontre de l’objectif du mandat du conseiller‑auditeur, tel que défini à l’article 1er, paragraphe 2, de la décision 2011/695, ainsi qu’au considérant 9 de celle-ci, de garantir un exercice effectif des droits procéduraux, si celui-ci ne pouvait se prononcer que sur une partie des motifs susceptibles de s’opposer à la divulgation d’une information donnée.

54      La portée de l’article 8, paragraphe 2, de la décision 2011/695 serait considérablement réduite si cette disposition devait être interprétée comme ne permettant, ainsi que le Tribunal l’a jugé au point 42 de l’arrêt attaqué, la prise en considération par le conseiller‑auditeur que des seules règles visant spécifiquement à protéger des informations contre une divulgation au public, telles que celles contenues dans le règlement (CE) n° 45/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 18 décembre 2000, relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel par les institutions et organes communautaires et à la libre circulation de ces données (JO 2001, L 8, p. 1), ou dans le règlement n° 1049/2001.

55      Il s’ensuit que les motifs susceptibles de restreindre la divulgation d’informations, telles que celles qui ont été communiquées par la requérante à la Commission en vue d’obtenir la clémence de celle-ci, ne se limitent pas à ceux tirés des seules règles visant à protéger spécifiquement ces informations contre une divulgation au public et que le conseiller‑auditeur doit donc examiner toute objection fondée sur un motif, tiré de règles ou de principes du droit de l’Union, invoqué par l’intéressé pour revendiquer la protection de la confidentialité des informations en cause.

56      Dès lors, en jugeant, au point 44 de l’arrêt attaqué, que le conseiller‑auditeur avait, en l’espèce, décliné à bon droit sa compétence pour répondre aux objections à la publication envisagée soulevées par la requérante sur le fondement du respect des principes de protection de la confiance légitime et d’égalité de traitement, le Tribunal a commis une erreur de droit.

57      Par conséquent, il y a lieu d’accueillir la première branche du premier moyen du pourvoi, sans qu’il soit besoin d’examiner la seconde branche de celui-ci.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation de l’article 339 TFUE, de l’article 30 du règlement n° 1/2003, de l’article 4, paragraphe 2, du règlement n° 1049/2001, de l’article 8 de la CEDH ainsi que de l’article 7 de la Charte

58      Par les quatre branches du deuxième moyen, la requérante reproche au Tribunal d’avoir commis une erreur de droit en considérant que les informations litigieuses ne sont ni confidentielles ni protégées contre une éventuelle publication en vertu d’autres raisons que leur caractère confidentiel.

 Sur la première branche du deuxième moyen

–       Argumentation des parties

59      Par la première branche de son deuxième moyen, la requérante fait valoir que le Tribunal a constaté à tort, aux points 84 à 86 et 162 de l’arrêt attaqué, que les informations litigieuses avaient perdu leur caractère confidentiel du seul fait qu’elles dataient de plus de cinq ans. Selon la requérante, ces informations sont et restent des éléments essentiels de sa position commerciale, dans la mesure où, ainsi que l’a d’ailleurs relevé le Tribunal, leur publication pourrait lui causer un préjudice sérieux.

60      La jurisprudence citée par le Tribunal au point 84 de l’arrêt attaqué et sur laquelle celui-ci s’est fondé pour étayer cette constatation ne serait pas transposable à la présente affaire, puisque cette jurisprudence porterait non pas sur la publication sur Internet d’informations communiquées par les demandeurs de clémence, mais sur la divulgation d’informations secrètes ou confidentielles relatives à d’autres parties dans le cadre de procédures pendantes devant les juridictions de l’Union.

61      De surcroît, il ressortirait de l’article 4, paragraphe 7, du règlement n° 1049/2001 que les intérêts économiques peuvent faire obstacle à la publication d’informations même au-delà d’une période de 30 ans.

62      Enfin, admettre une présomption de perte du caractère confidentiel des informations fournies par les candidats à la clémence au terme d’un délai de cinq ans aurait pour effet d’anéantir la protection des déclarations effectuées par ces candidats, puisque, de manière générale, les procédures de la Commission en matière d’entente durent plus de cinq ans.

63      La Commission conclut au rejet de la première branche du deuxième moyen du pourvoi.

–       Appréciation de la Cour

64      S’agissant, en premier lieu, de l’argumentation par laquelle la requérante reproche au Tribunal d’avoir appliqué à la publication d’informations communiquées aux fins d’obtenir la clémence une règle qui n’est pas transposable à ce contexte, il importe de relever que des informations qui ont été secrètes ou confidentielles, mais qui datent de cinq ans ou plus, doivent, du fait de l’écoulement du temps, être considérées, en principe, comme historiques et comme ayant perdu, de ce fait, leur caractère secret ou confidentiel, à moins que, exceptionnellement, la partie qui se prévaut de ce caractère ne démontre que, en dépit de leur ancienneté, ces informations constituent encore des éléments essentiels de sa position commerciale ou de celles de tiers concernés. Ces considérations, qui conduisent à une présomption réfragable, sont valables tant dans le contexte de demandes de traitement confidentiel à l’égard de parties intervenantes dans le cadre de recours devant les juridictions de l’Union que dans le contexte de demandes de confidentialité en vue de la publication par la Commission d’une décision constatant une infraction au droit de la concurrence.

65      En l’espèce, après avoir exposé cette règle au point 84 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a relevé, au point 85 de cet arrêt, que, alors que les informations litigieuses dataient toutes de plus de cinq ans et que la plupart d’entre elles datait même de plus de dix ans, la requérante n’avait avancé aucune argumentation spécifique en vue de démontrer que, en dépit de leur ancienneté, lesdites informations constituaient encore des éléments essentiels de sa position commerciale ou de celle d’un tiers. La requérante se serait contentée d’affirmer qu’un grand nombre de passages de la version élargie de la décision PHP, tout en décrivant les faits constitutifs de l’infraction, contenaient des informations relatives à ses relations d’affaires et à sa politique de prix.

66      Enfin, le Tribunal a conclu, au point 86 de l’arrêt attaqué, que, à supposer même que certaines des informations litigieuses aient pu constituer des secrets d’affaires à une certaine époque, elles devaient en tout état de cause être tenues pour historiques. De surcroît, la requérante n’aurait pas démontré en quoi il serait encore justifié de leur accorder, à titre exceptionnel, la protection offerte à ce titre par l’article 30, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003.

67      Il s’ensuit que le raisonnement du Tribunal aux points 84 à 86 de l’arrêt attaqué n’est entaché d’aucune erreur de droit.

68      En deuxième lieu, il convient de constater que la requérante invoque, dans le cadre de cette première branche du deuxième moyen du pourvoi, une contradiction entre l’appréciation, au point 85 de l’arrêt attaqué, du caractère non confidentiel des informations concernées au motif de leur caractère historique et l’appréciation, au point 105 dudit arrêt, selon laquelle la publication de ces informations pourrait lui causer un préjudice sérieux.

69      À cet égard, il convient toutefois de relever que cet argument repose sur une lecture erronée de l’arrêt attaqué. En effet, au point 85 de cet arrêt, le Tribunal s’est borné à constater le caractère historique des informations litigieuses aux fins d’écarter la demande de la requérante visant à obtenir la protection de ces informations au titre de secrets d’affaires ou d’informations commerciales de nature confidentielle, tandis que l’affirmation du Tribunal, au point 105 dudit arrêt, selon laquelle la divulgation des informations litigieuses serait de nature à causer à la requérante un préjudice sérieux, s’inscrit dans l’examen de la deuxième des trois conditions auxquelles est subordonnée la protection de la confidentialité d’informations, en l’espèce, communiquées à la Commission au titre du programme de clémence.

70      En troisième lieu, l’argumentation de la requérante selon laquelle le Tribunal aurait admis une présomption générale de perte de confidentialité des informations fournies par les demandeurs de clémence au terme d’une durée de cinq ans, présomption qui aurait pour effet d’anéantir la protection des déclarations effectuées dans le cadre du programme de clémence, procède, là encore, d’une lecture erronée de l’arrêt attaqué. Ainsi que M. l’avocat général l’a relevé aux points 136 à 139 de ses conclusions, une telle argumentation méconnaît le fait que le Tribunal, aux points 84 à 86 de l’arrêt attaqué, s’est borné à faire application de cette présomption pour rejeter l’affirmation de la requérante selon laquelle la publication envisagée contenait des informations commerciales sensibles, et que l’application de ladite présomption était, partant, sans préjudice de l’examen par le Tribunal, aux points 88 à 122 de l’arrêt attaqué, du grief distinct de la requérante tiré du fait que les informations litigieuses provenaient d’une déclaration de clémence. Cette argumentation doit, dès lors, être également rejetée comme non fondée.

71      Au vu de ce qui précède, la première branche du deuxième moyen doit être écartée.

 Sur la deuxième branche du deuxième moyen

–       Argumentation des parties

72      Par la deuxième branche du deuxième moyen, la requérante fait valoir, premièrement, que le Tribunal a méconnu, aux points 92 et 93 de l’arrêt attaqué, la portée du règlement n° 1049/2001 et la jurisprudence y afférente. Une présomption générale de mise en péril de l’objectif des activités d’enquête de la Commission et des intérêts commerciaux des parties à une procédure en matière d’entente, telle que celle dégagée par la Cour dans l’arrêt du 27 février 2014, Commission/EnBW (C‑365/12 P, EU:C:2014:112), devrait s’appliquer également à la publication de passages tirés de déclarations effectuées par les candidats à la clémence dans des versions non confidentielles de décisions de la Commission.

73      Deuxièmement, la requérante soutient que les constatations figurant aux points 93 et 117 de l’arrêt attaqué sont entachées d’une erreur de droit, dans la mesure où le Tribunal y a opéré une distinction entre la publication de documents communiqués par les candidats à la clémence, qui serait illicite par principe, et la publication d’informations tirées de ces documents, tels des extraits de déclarations effectuées par ces candidats, qui serait licite.

74      Troisièmement, la requérante fait valoir que la publication des informations litigieuses serait contraire aux assurances que la Commission a données, respectivement, aux points 32 de la communication sur la clémence de 2002 et 40 de la communication sur la clémence de 2006.

75      Quatrièmement, la requérante soutient que, contrairement à ce que le Tribunal a constaté au point 119 de l’arrêt attaqué, elle justifie, en tant que candidat à la clémence, d’un intérêt propre et spécifique à la protection de l’efficacité du programme de clémence.

76      La Commission conclut au rejet de la deuxième branche du deuxième moyen du pourvoi.

–       Appréciation de la Cour

77      En premier lieu, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel les règles jurisprudentielles restreignant les conditions dans lesquelles la Commission peut, au titre du règlement n° 1049/2001, divulguer à des tiers des documents contenus dans le dossier administratif relatif à une procédure d’application des articles 101 et 102 TFUE, il convient de souligner, d’emblée, que le règlement n° 1049/2001 est inapplicable dans le contexte de la présente affaire, qui a trait à la publication d’informations dans une décision de la Commission constatant une infraction à l’article 101 TFUE. La question se pose donc de savoir si, en dépit de l’inapplicabilité de ce règlement en l’espèce, il convient néanmoins de transposer à la publication des décisions d’infractions aux articles 101 et 102 TFUE la jurisprudence, rendue sur la base dudit règlement, par laquelle la Cour a reconnu l’existence d’une présomption générale de nature à justifier le refus de divulgation des documents figurant dans un dossier relatif à l’application de l’article 101 TFUE (voir, en ce sens, arrêt du 27 février 2014, Commission/EnBW, C‑365/12 P, EU:C:2014:112, points 92 et 93).

78      À cet égard, il convient de relever que la publication d’une version non confidentielle d’une décision constatant une infraction à l’article 101 TFUE est prévue à l’article 30 du règlement n° 1/2003. Cette disposition répond à des considérations tenant à l’effectivité de l’application du droit de la concurrence de l’Union dans la mesure où, notamment, une telle publication permet de fournir aux victimes d’infractions à l’article 101 TFUE un appui dans leurs actions en réparation à l’encontre des auteurs de ces infractions. Ces divers intérêts doivent toutefois être mis en balance avec la protection de droits que le droit de l’Union confère, notamment, aux entreprises concernées, tels que le droit à la protection du secret professionnel ou du secret des affaires, ou aux particuliers concernés, tels que le droit à la protection des données personnelles.

79      Compte tenu de ces différences entre le régime d’accès des tiers au dossier de la Commission et celui relatif à la publication des décisions en matière d’infractions, la jurisprudence issue de l’interprétation du règlement n° 1049/2001 invoquée par la requérante ne saurait être transposée au contexte de la publication des décisions d’infractions.

80      En deuxième lieu, la requérante fait valoir que la publication des informations litigieuses comporte celle d’informations tirées de déclarations effectuées par un candidat à la clémence. Selon elle, une telle publication revient à publier des « citations littérales » et des « extraits » tirés desdites déclarations, ce qui ne saurait être permis.

81      À cet égard, il est constant, ainsi que le Tribunal l’a indiqué aux points 5 et 6 de l’arrêt attaqué, que la requérante a transmis à la Commission, au titre du programme de clémence, de nombreuses informations en vue de se voir accorder le bénéfice d’une immunité complète d’amende. La Commission a accepté, par lettre du 15 mars 2012, de supprimer de la version non confidentielle plus détaillée de la décision PHP, qu’elle envisage de publier, les informations permettant directement ou indirectement d’identifier la source des informations communiquées au titre de la communication sur la clémence de 2002, ainsi que les noms des collaborateurs de la requérante.

82      Devant le Tribunal, la requérante a soutenu, ainsi qu’il ressort du point 88 de l’arrêt attaqué, que les informations litigieuses devaient bénéficier d’un traitement confidentiel du seul fait qu’elles avaient été volontairement communiquées par elle à la Commission dans le but de bénéficier du programme de clémence.

83      En réponse à cet argument, le Tribunal a, notamment, jugé, au point 93 de l’arrêt attaqué, que la publication des informations relatives aux faits constitutifs de l’infraction, qui ne figuraient pas dans la version non confidentielle de la décision PHP publiée au cours de l’année 2007, si elle devait avoir lieu, n’aurait pas pour résultat la communication à des tiers de demandes de clémence formées par la requérante auprès de la Commission, de procès-verbaux consignant des déclarations orales de la requérante effectuées au titre du programme de clémence, ou de documents que cette dernière aurait volontairement soumis à la Commission lors de l’enquête.

84      Enfin, au point 139 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a rappelé que la Commission avait décidé de supprimer, dans la version élargie de la décision PHP, toutes les informations de nature à permettre d’identifier directement ou indirectement la source des informations qui lui avaient été communiquées par la requérante en vue de bénéficier du programme de clémence.

85      Il découle de ces différents passages de l’arrêt attaqué que l’argumentation développée par la requérante devant le Tribunal quant à la confidentialité des informations litigieuses a visé, de manière générale, l’ensemble de ces informations au motif que celles-ci avaient été communiquées volontairement à la Commission dans le cadre du programme de clémence. Il ressort de ces mêmes passages que le Tribunal n’a, à aucun moment, jugé que la Commission était en droit, par la publication de la version élargie de la décision PHP, de publier des citations littérales extraites des déclarations effectuées par la requérante en vue d’obtenir la clémence.

86      Dans ces conditions, l’argumentation avancée par la requérante dans le cadre de cette deuxième branche du deuxième moyen, selon laquelle le Tribunal aurait admis que la Commission publie une version élargie de la décision PHP comportant des citations littérales de sa déclaration effectuée aux fins d’obtenir la clémence de la Commission, est fondée sur une lecture erronée de l’arrêt attaqué et doit être rejetée.

87      À cet égard, il importe de souligner que la publication, sous forme de citations littérales, d’éléments d’information tirés des documents fournis par une entreprise à la Commission au soutien d’une déclaration effectuée en vue d’obtenir la clémence se distingue de la publication de citations littérales de cette déclaration elle-même. Tandis que la première doit être autorisée dans le respect de la protection due, notamment, aux secrets d’affaires, au secret professionnel ou aux autres informations confidentielles, la seconde n’est en aucun cas permise.

88      En troisième lieu, la requérante soutient que la Commission n’est pas en droit de publier les informations litigieuses, lesquelles proviennent des déclarations qu’elle a effectuées en vue d’obtenir la clémence, dès lors qu’une telle publication serait contraire aux assurances données par la Commission dans les communications sur la clémence de 2002 et de 2006, et mettrait en péril l’efficacité du programme de clémence.

89      À cet égard, il ressort des points 3 à 7 de la communication sur la clémence de 2002, en vigueur lorsque la requérante a introduit sa demande de clémence, que cette communication a pour seul objet d’établir les conditions dans lesquelles une entreprise peut obtenir soit une immunité d’amende, soit une réduction du montant de celle-ci.

90      Ainsi, le point 4 de cette communication indique qu’il est de l’intérêt de l’Union de faire bénéficier d’un traitement favorable les entreprises qui coopèrent avec elle. En outre, le point 6 de ladite communication précise qu’une contribution déterminante à l’ouverture d’une enquête peut justifier l’octroi d’une immunité d’amende à l’entreprise qui demande l’immunité.

91      Par ailleurs, les règles énoncées aux points 8 à 27 de la communication sur la clémence de 2002 concernent exclusivement l’imposition d’amendes et la fixation de leur montant.

92      Une telle interprétation est expressément confirmée par le titre de cette communication ainsi que par son point 31, aux termes duquel le fait qu’une entreprise bénéficie d’une immunité d’amende ou d’une réduction de son montant ne la protège pas des conséquences en droit civil de sa participation à une infraction à l’article 101 TFUE.

93      En ce qui concerne le traitement, par la Commission, des informations fournies par une entreprise participant au programme de clémence, il est vrai que, au point 29 de ladite communication, la Commission admet être consciente du fait que cette même communication crée des attentes légitimes sur lesquelles se fonderont les entreprises souhaitant l’informer de l’existence d’une entente.

94      À cet égard, la communication sur la clémence de 2002 prévoit, d’une part, à son point 32, que, d’une manière générale, la divulgation, à un moment quelconque, de documents reçus conformément à cette communication porterait atteinte à la protection des objectifs des activités d’inspection et d’enquête au sens de l’article 4, paragraphe 2, du règlement n° 1049/2001 et, d’autre part, à son point 33, que toute déclaration écrite qui lui est faite en rapport avec cette même communication fait partie intégrante de son dossier et ne peut être divulguée ou utilisée à d’autres fins que l’application de l’article 101 TFUE.

95      C’est donc dans le but de protéger les déclarations effectuées en vue d’obtenir la clémence que la Commission, en adoptant la communication sur la clémence de 2002, s’est imposé des règles en ce qui concerne les déclarations écrites reçues par elle, conformément à cette communication, et dont la divulgation est, en général, considérée par la Commission comme portant atteinte à la protection des objectifs des activités d’inspection et d’enquête, au sens de l’article 4, paragraphe 2, du règlement no 1049/2001, comme il est indiqué aux points 32 et 33 de ladite communication.

96      Toutefois, lesdites règles n’ont ni pour objet ni pour effet d’interdire à la Commission de publier les informations relatives aux éléments constitutifs de l’infraction à l’article 101 TFUE qui lui ont été soumises dans le cadre du programme de clémence et qui ne bénéficient pas d’une protection contre une publication à un autre titre.

97      Partant, la seule protection à laquelle peut prétendre une entreprise ayant coopéré avec la Commission dans le cadre d’une procédure en application de l’article 101 TFUE est celle concernant, d’une part, l’immunité ou la réduction de l’amende en contrepartie de la fourniture à la Commission d’éléments de preuve de l’infraction présumée qui apportent une valeur ajoutée significative par rapport aux éléments déjà en possession de celle-ci et, d’autre part, la non‑divulgation, par la Commission, des documents et des déclarations écrites reçus par celle-ci conformément à la communication sur la clémence de 2002.

98      Ainsi, contrairement à ce qu’allègue la requérante, une publication telle que celle envisagée, effectuée en application de l’article 30 du règlement n° 1/2003 dans le respect du secret professionnel, ne porte pas atteinte à la protection à laquelle peut prétendre la requérante en vertu de la communication sur la clémence de 2002, puisque, ainsi qu’il a été constaté au point précédent du présent arrêt, cette protection ne peut concerner que la détermination de l’amende et le traitement des documents et des déclarations spécialement visés par cette communication.

99      Il en découle que le Tribunal n’a, aux points 93 et 117 de l’arrêt attaqué, commis aucune erreur de droit lors de son analyse du traitement à réserver aux informations communiquées par la requérante à la Commission dans le cadre du programme de clémence. L’argumentation avancée par la requérante à ce titre doit ainsi être rejetée.

100    Enfin, en quatrième lieu, l’argumentation de la requérante selon laquelle celle-ci justifie d’un intérêt propre et spécifique à la protection de l’efficacité du programme de clémence n’est pas non plus susceptible de remettre en cause les considérations qui précèdent.

101    À cet égard, il suffit de constater que, ainsi que le Tribunal l’a, à juste titre, jugé au point 119 de l’arrêt attaqué, la protection de l’efficacité du programme de clémence ne constitue pas un intérêt propre et spécifique à la requérante.

102    Eu égard aux considérations qui précèdent, la deuxième branche du deuxième moyen doit être rejetée.

 Sur la troisième branche du deuxième moyen

–       Argumentation des parties

103    Par la troisième branche de ce deuxième moyen, la requérante soutient, à titre subsidiaire, que, contrairement à ce que le Tribunal a affirmé aux points 107 à 111 de l’arrêt attaqué, les informations litigieuses devraient être protégées contre la publication envisagée, dans la mesure où les conditions posées par l’arrêt du Tribunal du 30 mai 2006, Bank Austria Creditanstalt/Commission (T‑198/03, EU:T:2006:136), sont satisfaites. Dès lors, le Tribunal aurait dû constater que ses intérêts étaient dignes de protection.

104    Selon la requérante, son intérêt serait non pas d’éviter une condamnation au paiement de dommages et intérêts ou la divulgation des constatations de la Commission sur le déroulement de l’infraction en cause, mais plutôt de dissuader la Commission de réduire à néant la protection, prévue par les communications sur la clémence de 2002 et de 2006, réservée aux déclarations établies aux seules fins du programme de clémence, dans la confiance que leur confidentialité serait préservée.

105    De plus, contrairement à ce que le Tribunal a constaté au point 149 de l’arrêt attaqué, la publication envisagée désavantagerait de façon manifeste la requérante par rapport à d’autres participants à l’entente qui n’ont pas coopéré avec la Commission au titre du programme de clémence. Dans la mesure où les passages pertinents de la décision PHP constitueraient non pas des constatations propres de la Commission, mais uniquement la reproduction littérale de déclarations des candidats à la clémence, la divulgation de ces passages affecterait de manière considérablement plus importante les demandeurs de clémence que les participants à l’entente qui n’ont pas coopéré avec la Commission. Le Tribunal aurait donc, au point 164 de l’arrêt attaqué, violé le principe d’égalité de traitement.

106    La Commission conclut au rejet de la troisième branche du deuxième moyen du pourvoi.

–       Appréciation de la Cour

107    Il convient de constater, d’emblée, que la requérante ne remet pas en cause les considérations énoncées par le Tribunal au point 94 de l’arrêt attaqué, selon lesquelles trois conditions doivent être cumulativement remplies pour que des informations, telles que celles en litige, tombent sous la protection du secret professionnel et bénéficient ainsi d’une protection à ce titre.

108    En revanche, la requérante conteste, dans le cadre de cette branche, l’application au cas d’espèce faite par le Tribunal de la dernière de ces conditions et, partant, la constatation, énoncée au point 110 de l’arrêt attaqué, que ses intérêts ne sont pas dignes de protection.

109    À cet égard, ainsi qu’il a été relevé aux points 82 et 85 du présent arrêt, l’argumentation développée par la requérante devant le Tribunal pour faire valoir que son intérêt à la non-divulgation des informations litigeuses était digne de protection a visé l’ensemble des informations au motif que celles-ci avaient été communiquées à la Commission dans le cadre d’une demande de clémence. Cette argumentation n’était aucunement ciblée sur d’éventuelles citations littérales directement extraites de sa déclaration effectuée aux fins d’obtenir une telle clémence.

110    Dans ces conditions, l’appréciation portée par le Tribunal aux points 107 à 111 de l’arrêt attaqué, en particulier au point 110 de celui-ci, quant à l’absence, dans le chef de la requérante, d’un intérêt digne de protection en rapport avec les informations qu’elle avait communiquées à la Commission, doit nécessairement être comprise comme ne concernant pas de telles citations et comme visant uniquement les informations, tirées de documents produits par la requérante au soutien de sa demande de clémence, fournissant des détails sur les éléments constitutifs de l’infraction et la participation de la requérante à celle-ci.

111    Cette lecture de l’appréciation du Tribunal est corroborée par le point 107 de l’arrêt attaqué, dans lequel le Tribunal a souligné que l’intérêt d’une entreprise sanctionnée par une amende à ce que « les détails du comportement infractionnel qui lui est reproché » ne soient pas communiqués au public ne mérite aucune protection particulière, ainsi que par le point 108 de cet arrêt, dans lequel le Tribunal a indiqué que la requérante ne saurait légitimement s’opposer à la publication, par la Commission, « d’informations révélant de manière détaillée sa participation à l’infraction sanctionnée dans la décision PHP ».

112    Il s’ensuit que l’argument de la requérante, visé au point 108 du présent arrêt, repose sur une lecture erronée des points 107 à 111 de l’arrêt attaqué. Cet argument doit, partant, être rejeté.

113    Quant à l’argumentation de la requérante tirée d’une violation du principe d’égalité de traitement, son examen conduirait la Cour à préjuger celui, qu’il appartiendra au conseiller-auditeur d’effectuer, de l’argumentation similaire qui a été développée par la requérante au cours de la procédure administrative et sur laquelle le conseiller-auditeur s’est, à tort, ainsi qu’il ressort de l’examen de la première branche du premier moyen du pourvoi, abstenu de statuer. Dans ces conditions, il n’y a pas lieu pour la Cour de se prononcer sur cette argumentation dans le cadre du présent pourvoi.

114    Eu égard aux considérations qui précèdent, la troisième branche du deuxième moyen doit être rejetée.

 Sur la quatrième branche du deuxième moyen

–       Argumentation des parties

115    Par la quatrième branche de ce moyen, la requérante soutient que les passages tirés de déclarations des demandeurs de clémence sont protégés par l’article 8 de la CEDH et par l’article 7 de la Charte, et elle en déduit que le Tribunal a erronément rejeté, aux points 121 à 126 de l’arrêt attaqué, son argumentation tirée d’une violation de ces dispositions. À cet égard, la requérante souligne que les déclarations dont sont tirées les informations litigieuses que la Commission projette de divulguer ont été effectuées au titre du programme de clémence et n’existeraient pas sans sa participation à ce programme. La divulgation de telles déclarations, en méconnaissance des communications sur la clémence de 2002 et de 2006 ainsi que de la pratique établie de la Commission, ne pourrait, contrairement à ce que le Tribunal a jugé aux points 125 et suivants de l’arrêt attaqué, être considérée comme une conséquence prévisible de la participation à l’entente.

116    La Commission conclut au rejet de la quatrième branche du deuxième moyen du pourvoi.

–       Appréciation de la Cour

117    Il convient de relever que le Tribunal a jugé, aux points 125 et 126 de l’arrêt attaqué, que le droit à la protection de la vie privée garanti à l’article 8 de la CEDH et à l’article 7 de la Charte ne saurait faire obstacle à la divulgation d’informations qui, comme celles dont la publication est envisagée en l’espèce, ont trait à la participation d’une entreprise à une infraction au droit de l’Union en matière d’ententes, constatée dans une décision de la Commission adoptée sur le fondement de l’article 23 du règlement no 1/2003 et destinée à être publiée en conformité avec l’article 30 de ce règlement, puisqu’une personne ne peut, selon une jurisprudence bien établie de la Cour européenne des droits de l’homme, invoquer l’article 8 de la CEDH pour se plaindre d’une atteinte à sa réputation qui résulterait de manière prévisible de ses propres actions.

118    Or, si la requérante fait valoir, dans le cadre du présent pourvoi, que la divulgation des informations litigieuses ne pourrait être considérée comme une conséquence prévisible de sa participation à l’entente en cause, elle n’avance aucun élément de nature à étayer une telle affirmation. Ainsi que la Commission l’a soutenu, si les informations litigieuses présentent une pertinence directe quant aux éléments constitutifs de l’infraction et à la participation de la requérante à cette infraction, celle-ci devait s’attendre, dans un cas tel que celui en cause en l’espèce, à ce que ces informations puissent faire l’objet d’une décision publique, à moins que de telles informations ne soient protégées à un autre titre.

119    En outre, la requérante n’indique pas, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé au point 172 de ses conclusions, dans quelle mesure la divulgation des informations litigieuses aurait des conséquences sur son droit au respect de la vie privée.

120    La quatrième branche du deuxième moyen étant non fondée, il y a lieu de la rejeter.

121    Il en résulte que le deuxième moyen du pourvoi doit être rejeté dans son ensemble.

 Sur le troisième moyen, tiré d’une violation des principes de protection de la confiance légitime et de sécurité juridique

122    L’examen de ce troisième moyen conduirait la Cour à préjuger celui, qu’il appartiendra au conseiller-auditeur d’effectuer, de l’argumentation tirée de la violation des principes de protection de la confiance légitime et de sécurité juridique, que la requérante a développée au cours de la procédure administrative et sur laquelle le conseiller-auditeur s’est, à tort, ainsi qu’il ressort de l’examen de la première branche du premier moyen du pourvoi, abstenu de statuer. Dans ces conditions, il n’y a pas lieu pour la Cour de se prononcer sur cette argumentation dans le cadre du présent pourvoi

123    Il ressort de l’ensemble des considérations qui précèdent que, la première branche du premier moyen du pourvoi étant fondée, il y a lieu d’annuler l’arrêt attaqué en ce que le Tribunal a jugé que le conseiller‑auditeur a décliné à bon droit sa compétence pour répondre aux objections à la publication envisagée soulevées par la requérante sur le fondement du respect des principes de protection de la confiance légitime et d’égalité de traitement.

124    Le pourvoi doit être rejeté pour le surplus.

 Sur le recours devant le Tribunal

125    Conformément à l’article 61, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, lorsque le pourvoi est fondé, cette dernière, en cas d’annulation de la décision du Tribunal, peut alors soit statuer elle-même définitivement sur le litige, lorsque celui-ci est en état d’être jugé, soit renvoyer l’affaire devant le Tribunal pour qu’il statue.

126    En l’occurrence, l’affaire est en état d’être jugée.

127    Eu égard aux considérations exposées aux points 39 à 57 du présent arrêt, il y a lieu d’annuler la décision litigieuse en ce que, dans celle-ci, le conseiller-auditeur a décliné sa compétence pour répondre aux objections de la requérante à la publication envisagée par la Commission de la version élargie de la décision PHP, qui étaient fondées sur le respect des principes de protection de la confiance légitime et d’égalité de traitement.

 Sur les dépens

128    Aux termes de l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, lorsque le pourvoi est fondé et que la Cour juge elle-même définitivement le litige, elle statue sur les dépens.

129    En vertu de l’article 138, paragraphe 3, de ce règlement, rendu applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de celui-ci, si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs, chaque partie supporte ses propres dépens.

130    Tel étant le cas en l’espèce, Evonik Degussa et la Commission supporteront leurs propres dépens.

Par ces motifs, la Cour (grande chambre) déclare et arrête :

1)      L’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 28 janvier 2015, Evonik Degussa/Commission (T‑341/12, EU:T:2015:51) est annulé en ce que, par celui-ci, le Tribunal a jugé que le conseiller‑auditeur a décliné à bon droit sa compétence pour répondre aux objections, soulevées par Evonik Degussa GmbH sur le fondement du respect des principes de protection de la confiance légitime et d’égalité de traitement, à la publication envisagée d’une version non confidentielle détaillée de la décision C(2006) 1766 final de la Commission, du 3 mai 2006, relative à une procédure d’application de l’article 81 [CE] et de l’article 53 de l’accord EEE à l’encontre d’Akzo Nobel NV, Akzo Nobel Chemicals Holding AB, Eka Chemicals AB, Degussa AG, Edison SpA, FMC Corporation, FMC Foret SA, Kemira OYJ, L’Air Liquide SA, Chemoxal SA, Snia SpA, Caffaro Srl, Solvay SA/NV, Solvay Solexis SpA, Total SA, Elf Aquitaine SA et Arkema SA (affaire COMP/F/38.620 – Peroxyde d’hydrogène et perborate).

2)      Le pourvoi est rejeté pour le surplus.

3)      La décision C(2012) 3534 final de la Commission, du 24 mai 2012, portant rejet d’une demande de traitement confidentiel introduite par Evonik Degussa GmbH, est annulée en ce que, par celle-ci, le conseiller‑auditeur a décliné sa compétence pour répondre aux objections visées au point 1 du dispositif du présent arrêt.

4)      Evonik Degussa GmbH et la Commission européenne supportent leurs propres dépens.

Signatures


* Langue de procédure: l’allemand.