Language of document : ECLI:EU:T:2010:384

ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre)

13 septembre 2010 (*)

« Concurrence – Concentrations – Édition francophone – Décision déclarant la concentration compatible avec le marché commun sous condition de rétrocessions d’actifs – Recours en annulation d’un candidat repreneur non retenu – Obligation de motivation – Fraude – Erreur de droit – Erreur manifeste d’appréciation – Règlement (CEE) n° 4064/89 »

Dans l’affaire T‑279/04,

Éditions Odile Jacob SAS, établie à Paris (France), représentée par Mes O. Fréget, W. van Weert, I. de Seze, M. Struys, M. Potel et L. Eskenazi, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée initialement par M. A. Whelan, Mme O. Beynet, MM. A. Bouquet et F. Arbault, puis par M. Bouquet et Mme Beynet, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

Lagardère SCA, établie à Paris, représentée initialement par Mes A. Winckler et I. Girgenson, puis par Mes Winckler, F. de Bure et J.‑B. Pinçon, avocats,

partie intervenante,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision 2004/422/CE de la Commission, du 7 janvier 2004, déclarant une opération de concentration compatible avec le marché commun et le fonctionnement de l’accord sur l’Espace économique européen (Affaire COMP/M.2978 – Lagardère/Natexis/VUP) (JO L 125, p. 54),

LE TRIBUNAL (sixième chambre),

composé de MM. A. W. H. Meij, président, V. Vadapalas et L. Truchot (rapporteur), juges,

greffier : Mme T. Weiler, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 28 janvier 2010,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Les six principaux éditeurs français, Vivendi Universal Publishing SA (ci-après « VUP »), filiale de Vivendi Universal SA (ci-après « VU »), Hachette Livre SA, contrôlée par Lagardère SCA, Gallimard SA, Flammarion SA, Albin Michel SA et Éditions du Seuil SAS (ci-après « Le Seuil »), représentaient, au début de l’année 2004, plus des deux tiers du marché de l’édition francophone en termes de chiffres d’affaires.

2        VUP est la première société de ce marché. Elle est présente dans toutes les activités de la création éditoriale et possède des marques ou des collections reconnues.

3        VUP est également intégrée verticalement dans les services de diffusion des maisons d’édition par l’intermédiaire de Vivendi Universal Publishing Services SA, qui dispose de son propre outil logistique de distribution.

4        Dans le domaine de la communication, des médias et de l’édition, Hachette SA, détenue à 100 % par Lagardère, regroupe les principales activités de cette dernière :

–        l’édition, par l’intermédiaire de Hachette Livre, deuxième éditeur français en termes de chiffres d’affaires ;

–        la presse écrite, par sa filiale Hachette Filipacchi Médias SA ;

–        l’audiovisuel et le multimédia, par Lagardère Active SAS ;

5        Sur le marché de la vente aux revendeurs, Hachette Livre est présente dans le domaine de la vente des livres de littérature générale, des livres pour la jeunesse, des livres pratiques, des beaux livres, des livres scolaires et parascolaires, des ouvrages de référence et des ouvrages professionnels et universitaires. Elle possède des marques renommées dans tous les domaines, de même que des collections renommées. En outre, Hachette Livre est également présente dans le domaine de l’édition au format de poche.

6        Hachette Livre assure la diffusion en France des produits de Lagardère. Sur le marché des services de distribution, Hachette Distribution Services SA dispose de son propre outil logistique.

7        Sur le marché de la vente au détail, Hachette Livre pratique en France la vente à distance, par courtage et en magasins, par le biais du réseau de librairies Le Furet du Nord SA, Virgin Stores SA (Virgin/Extrapole) et Relais H SNC (Relay).

8        Les autres acteurs du secteur de l’édition sont des maisons d’édition de moindre dimension, généralement spécialisées dans une catégorie de livres.

9        Il ressort de ce qui précède que coexistent, dans le secteur de l’édition francophone, trois catégories d’acteurs différents :

–        deux grands groupes (VUP et Hachette Livre), capables d’assurer de façon entièrement autonome leur développement, puisque, outre l’édition, leur activité principale, ils exercent une activité complète de commercialisation (diffusion/distribution) et que, par ailleurs, ils disposent de collections de poche populaires leur permettant de garantir une seconde diffusion aux livres qu’ils éditent ;

–        quatre groupes de dimension moyenne, dont trois (Gallimard, Flammarion et Le Seuil) sont verticalement intégrés (diffusion/distribution et collection de poche), mais dépendent partiellement de VUP et/ou de Hachette Livre pour leur diffusion et leur distribution dans les plus petits points de vente ; quant au quatrième groupe, Albin Michel, ses ouvrages sont diffusés pour une partie significative par Hachette Livre, tandis que leur publication en format de poche est assurée par la Librairie générale française SA, filiale de Hachette Livre ;

–        un ensemble hétéroclite de petits acteurs, très dépendants et, souvent, entièrement dépendants des plus grands éditeurs pour la commercialisation de leurs produits et la publication de leurs ouvrages en format de poche.

10      Le 25 septembre 2002, VU a décidé de céder les actifs d’édition détenus en Europe par sa filiale VUP.

11      Lagardère s’est portée candidate à l’acquisition de ces actifs, constitués de participations et d’actifs de direction de VUP (ci-après les « actifs cibles »).

12      Il est toutefois apparu que le calendrier de cession établi par VU, qui désirait réaliser la vente et en recevoir le prix dans les meilleurs délais, n’était pas compatible avec l’échéancier des formalités nécessaires à l’autorisation préalable par les autorités de concurrence compétentes de ce projet de rachat.

13      Lagardère a donc demandé à Natexis Banques Populaires SA (ci-après « NBP ») de se substituer à elle, par l’intermédiaire d’une de ses filiales créée en vue de l’acquisition des actifs cibles auprès de VUP, leur détention à titre provisoire, puis, une fois obtenue l’autorisation du projet de rachat des actifs cibles par Lagardère, leur revente à celle-ci.

14      À la suite de l’engagement pris par Lagardère à l’égard de NBP de supporter l’intégralité des risques liés aux opérations destinées à permettre la réalisation de l’opération de concentration envisagée et à tenir indemne NBP de tout dommage, cette dernière a accepté la demande de Lagardère, par lettre du 8 octobre 2002.

15      Lagardère et NBP ont présenté les principales conditions d’acquisition des actifs cibles par NBP à la Commission des Communautés européennes, qui les a approuvées.

16      Le 14 octobre 2002, NBP et Lagardère ont signé une convention intitulée « Accords NBP/Groupe Lagardère relatifs à VUP », dont le titre I, « Structures d’acquisition » (« HOLDCO »), comportait les clauses suivantes :

  

Objet exclusif

Acquisition auprès de VU, détention et cession des activités de VUP (ci-après les « actifs »)

  

Financement de HOLDCO par NBP

100 % du prix d’acquisition des actifs, y compris tout ajustement éventuel en application du contrat d’acquisition des actifs auprès de VU

Fonds propres de 38 500 euros

Avance d’actionnaires de NBP pour le solde

  

Cadre juridique de l’opération

Article 3, paragraphe 5, sous a), du règlement (CEE) n° 4064/89 du Conseil, du 21 décembre 1989, relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises (version rectifiée JO 1990, L 257, p. 13), tel que modifié par le règlement (CE) n° 1310/97 du Conseil, du 30 juin 1997 (JO L 180, p. 1) ; objectif de revente de la totalité des titres de HOLDCO à Lagardère


17      Lagardère a ensuite présenté à VU son offre d’acquisition des actifs cibles, laquelle prévoyait la substitution à Lagardère de NBP ou de toute entité de ce groupe.

18      VU a décidé d’engager les négociations avec Lagardère en vue de la cession des actifs cibles.

19      Dans un communiqué commun du 23 octobre 2002, Lagardère et NBP ont déclaré :

« C’est […] en total accord avec [VU] que NBP est intervenue à la demande [de Lagardère] dans le processus de rachat de VUP […]

L’intervention de NBP s’inscrit dans le cadre de l’article 3, paragraphe 5, sous a), du règlement n° 4064/89 […], qui permet à un établissement financier d’acquérir une entreprise en vue de sa revente sans devoir obtenir l’autorisation de la Commission […] (une telle opération n’étant pas considérée comme une concentration). »

20      Le 29 octobre 2002, VU a approuvé la cession à Lagardère des actifs cibles, constitués des activités d’édition de livres de VUP en Europe et en Amérique latine, à l’exception du Brésil.

21      Le 3 décembre 2002, Investima 10 SAS, filiale à 100 % d’Ecrinvest 4 SA, elle‑même filiale à 100 % de Segex Sarl, contrôlée pour sa part à 100 % par NBP, a signé en faveur de VUP une promesse d’acquisition des actifs cibles. Aux termes de cette promesse, Investima 10 s’engageait à conclure avec VUP le contrat d’acquisition des actifs cibles (ci-après le « contrat d’acquisition »), sous réserve de l’exercice de cette promesse par VUP.

22      Le même jour, Segex et Ecrinvest 4 ont conclu avec Lagardère un contrat de cession devant permettre à Lagardère, par le biais d’Ecrinvest 4, d’acquérir la totalité du capital social d’Investima 10 (ci-après le « contrat de cession »).

23      Aux termes du contrat de cession, Segex devait céder à Lagardère, d’une part, l’intégralité des actions d’Ecrinvest 4 détenues par Segex et, d’autre part, deux créances en compte courant de Segex sur Ecrinvest 4, telles qu’elles existeraient à la date du transfert de leur propriété par Segex à Lagardère.

24      L’article 3, paragraphe 2, sous i), du contrat de cession précisait que la date du transfert de propriété à Lagardère des actions d’Ecrinvest 4 et des deux créances de Segex sur Ecrinvest 4 devait être postérieure à l’obtention par Lagardère, auprès des autorités de concurrence compétentes, de l’autorisation d’acquérir Ecrinvest 4.

25      Selon l’article 3, paragraphe 3, premier et deuxième alinéas, du contrat de cession, le transfert à Lagardère de la propriété des actifs cibles, sous la forme du capital d’Investima 10 détentrice de ces actifs cibles, devait intervenir, au plus tard, le trentième jour suivant la date de la décision autorisant l’opération de concentration envisagée ou le premier jour ouvré suivant ce trentième jour, si ce dernier était un jour non ouvré.

26      L’article 1er, paragraphe 1, deuxième alinéa, du contrat de cession spécifiait que le transfert à Lagardère de la propriété des actions d’Ecrinvest 4 interviendrait à la date du transfert, de par l’effet de l’accomplissement par Segex des formalités nécessaires à ce transfert.

27      L’article 1er du contrat de cession précisait, au deuxième et au quatrième alinéa de ses paragraphes 2 et 3, que le transfert de la propriété des deux créances de Segex sur Ecrinvest 4 interviendrait à la date du transfert et que, à compter de cette date, Lagardère serait le créancier d’Ecrinvest 4 en lieu et place de Segex.

28      Aux termes de l’article 3, paragraphe 1, deuxième et troisième alinéas, du contrat de cession :

« […] la cession des actions [et des créances] est ferme, définitive et irrévocable, les décisions des autorités de concurrence compétentes déterminant la date du transfert de propriété desdites actions et créances [à Lagardère].

Les parties reconnaissent qu’aucun transfert de propriété des actions [et des créances] ne peut intervenir avant la date de transfert et que, en conséquence, [Segex] ne peut céder tout ou partie des actions [et des créances] ou consentir des sûretés sur ces dernières ou émettre toute valeur mobilière donnant ou pouvant donner accès immédiatement ou à terme à une quotité du capital ou des droits de vote d’Ecrinvest 4 ni à s’engager à terme ou sous condition à faire l’une quelconque des opérations précitées. »

29      L’annexe 7 du contrat de cession énumère en ces termes les décisions du directoire d’Investima 10 devant être présentées à son conseil de surveillance en vue de l’exercice éventuel de son droit de veto :

« 1. Cession ou transfert par tous moyens ou démembrement de tout ou partie des [a]ctifs à des tiers non contrôlés par [Investima 10], ou octroi de sûretés sur tout ou partie des [a]ctifs ou entrée au capital des [a]ctifs de tels tiers ou engagement à terme ou sous condition de faire l’une quelconque de ces opérations, sauf en exécution d’un accord conclu par [Investima 10] à la date de signature du présent contrat ;

Désignation des organes sociaux des [a]ctifs ;

Mise en œuvre des clauses d’ajustement de prix et de garanties d’actif et de passif du [contrat d’acquisition].

Mise en œuvre de tous droits de préemption, de promesse de vente ou d’achat, de sortie conjointe et similaires relatifs aux [p]articipations, stipulés dans le [contrat d’acquisition].

Distribution d’acomptes sur dividende. »

30      Les parties sont convenues à l’article 2, paragraphes 1 et 2, du contrat de cession d’un prix de cession global des actions et d’un prix de cession des deux créances. Conformément à ces dispositions, Lagardère a payé à Segex, dès le 3 décembre 2002, le prix des actions et des deux créances.

31      Segex a consenti des avances en compte courant au bénéfice d’Ecrinvest 4, à charge pour celle-ci de consentir des avances en compte courant équivalentes à Investima 10, pour permettre à celle-ci d’acquérir les actifs cibles, pour autant que la promesse d’achat des actifs cibles soit levée par VUP.

32      Lagardère s’est engagée à indemniser Segex, Ecrinvest 4 et Investima 10 de tout préjudice susceptible de résulter de la mise en œuvre du contrat de cession, sauf fraude ou faute lourde.

33      Lagardère a donné instruction à Crédit agricole Indosuez SA d’émettre au profit de Segex une garantie à première demande de ses engagements à l’égard de Segex. À ces fins, Lagardère s’est engagée à verser à Crédit agricole Indosuez le montant de tout appel de garantie que cet établissement serait appelé à effectuer.

34      Enfin, Lagardère s’est portée caution solidaire d’Investima 10 pour garantir au bailleur de VUP le paiement par Investima 10 des loyers d’un immeuble destiné à regrouper la plupart des activités éditoriales du pôle VUP.

35      Un projet de notification du rachat des actifs cibles envisagé par Lagardère a été déposé auprès de la Commission, le 10 décembre 2002.

36      Le 20 décembre 2002, VUP a donné suite à la promesse d’acquisition que lui avait faite Investima 10 et celle-ci a conclu le même jour avec VUP le contrat d’acquisition des actifs cibles.

37      Le 14 avril 2003, Lagardère a procédé à la notification auprès de la Commission de son projet de rachat des actifs cibles, en application de l’article 4, paragraphe 1, du règlement n° 4064/89.

38      Conformément à l’article 4, paragraphe 3, de ce règlement, cette notification a donné lieu à la publication de l’avis suivant au Journal officiel de l’Union européenne du 17 avril 2003 (JO C 92, p. 9) :

« 1.  Le 14 avril 2003, la Commission a reçu notification, conformément à l’article 4 du règlement [n° 4064/89], d’un projet de concentration par lequel [Lagardère] acquiert, au sens de l’article 3, paragraphe 1, [sous] b), dudit règlement, le contrôle de l’ensemble de l’entreprise [VUP France], contrôlée par Investima 10, elle-même contrôlée par [NBP], par achat d’actions.

[…] »

39      Par décision du 5 juin 2003, qui a fait l’objet d’un avis publié au Journal officiel du 12 juin 2003 (JO C 137, p. 14, ci-après la « décision du 5 juin 2003 »), la Commission, constatant que le projet de concentration notifié soulevait des doutes sérieux quant à sa compatibilité avec le marché commun, a engagé le contrôle approfondi de cette opération, sur le fondement de l’article 6, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 4064/89.

40      Aux considérants 6 à 8 de la décision du 5 juin 2003, la Commission a relevé ce qui suit :

« 6.      Le schéma retenu par Lagardère pour l’acquisition [des actifs cibles] devait répondre à l’un des souhaits du vendeur qui était de pouvoir, dans les meilleurs délais, réaliser la concentration et de recevoir paiement du prix. C’est donc en vue de répondre à ce souci de rapidité que, à la demande de Lagardère, [NBP] est intervenue dans le processus d’acquisition des [actifs cibles].

7.      Le 3 décembre 2002, [NBP] a conclu avec Lagardère un accord de vente ferme, permettant à Lagardère (via Ecrinvest 4), après autorisation de l’opération par la Commission, de devenir propriétaire de la totalité du capital d’Investima 10, société qui détient les [actifs cibles]. Le prix d’acquisition de ces titres a été immédiatement payé d’avance par Lagardère à Segex, société titulaire de la totalité des actions composant le capital d’Ecrinvest 4, à la même date.

8.      Par conséquent, la concentration est une acquisition de contrôle unique, au sens de l’article 3, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 4064/89 […] »

41      En vertu de l’article 11, paragraphe 1, du règlement n° 4064/89, la Commission a adressé des demandes de renseignements à Lagardère. Tous les renseignements demandés n’ayant pas été fournis dans les délais impartis, la Commission a adopté, le 16 juin et le 8 août 2003, respectivement, deux décisions de demande de renseignements sur le fondement de l’article 11, paragraphe 5, du règlement n° 4064/89.

42      En conséquence, le délai de quatre mois à compter de la date de l’engagement du contrôle approfondi imparti à la Commission par l’article 10, paragraphe 3, du règlement n° 4064/89 pour constater l’incompatibilité éventuelle d’une opération de concentration avec le marché commun, en application de l’article 8, paragraphe 3, de ce règlement, a été suspendu à deux reprises, en vertu de l’article 10, paragraphe 4, de ce même règlement.

43      Il ressort des écritures des parties qu’Investima 10 est devenue Editis SA le 14 octobre 2003.

44      Le 27 octobre 2003, la Commission a adressé à Lagardère une communication des griefs lui exposant les problèmes de concurrence soulevés par l’opération de concentration notifiée, à laquelle Lagardère a répondu le 17 novembre suivant.

45      En conséquence, Lagardère a présenté à la Commission, le 2 décembre 2003, une proposition comportant une série de mesures correctives prenant la forme d’engagements de rétrocession d’actifs cibles.

46      Le 22 décembre 2003, le comité consultatif en matière de concentrations entre entreprises a émis à l’unanimité un avis favorable au projet de décision d’autorisation conditionnelle de l’opération de concentration notifiée qui lui a été soumis par la Commission en application de l’article 19, paragraphe 3, du règlement n° 4064/89.

47      Par la décision 2004/422/CE (affaire COMP/M.2978 – Lagardère/Natexis/VUP) (JO L 125, p. 54), du 7 janvier 2004 (ci-après la « décision du 7 janvier 2004 »), adoptée en vertu de l’article 8, paragraphe 2, du règlement n° 4064/89, la Commission a autorisé l’opération de concentration notifiée (ci-après l’« opération de concentration »), sous réserve du respect intégral par Lagardère de ses engagements, tels que repris à l’annexe II de cette décision.

48      Dans la décision du 7 janvier 2004, la Commission a relevé que VUP et Hachette étaient les deux seuls grands groupes de l’édition francophone en mesure d’assurer leur développement en toute autonomie, dans la mesure où ils exercent, au-delà de l’édition, une activité de commercialisation complète (diffusion et distribution) et disposent, en outre, de collections populaires en format de poche. Tous les autres groupes dépendraient plus ou moins de VUP et/ou de Hachette pour certaines activités et, notamment, pour la commercialisation. En combinant les opérations des deux plus grandes entreprises du marché de l’édition francophone, l’opération notifiée produirait ainsi des effets anticoncurrentiels horizontaux, verticaux et congloméraux.

49      La Commission en a conclu que, en l’absence de mesures correctives, l’opération de concentration conduirait sur plusieurs marchés sectoriels à la création ou au renforcement de positions dominantes ayant comme conséquence une entrave significative à une concurrence effective.

50      Aux termes de ses engagements, Lagardère devait rétrocéder l’intégralité des actifs cibles (ci-après les « actifs rétrocédés »), à l’exclusion des actifs cibles suivants (ci-après les « actifs conservés ») :

–        Éditions Larousse SAS et l’ensemble des activités et fonds éditoriaux de celle-ci ;

–        Grupo Anaya SA et l’ensemble de ses activités et fonds éditoriaux ;

–        Éditions Dalloz SA et l’ensemble des activités et fonds éditoriaux de celle-ci ;

–        Éditions Dunod SA et l’ensemble des activités et fonds éditoriaux de celle‑ci ;

–        les fonds universitaires composés des fonds éditoriaux Nathan Université, Armand Colin et Sedes, diverses revues universitaires et, enfin,

–        le centre de distribution d’Ivry.

51      Les actifs rétrocédés représentaient approximativement 60 à 70 % du chiffre d’affaires mondial de VUP et 70 à 80 % du chiffre d’affaires réalisé par VUP sur les marchés francophones concernés par l’opération de concentration.

52      Dans la décision du 7 janvier 2004, la Commission a considéré que les engagements de Lagardère conduisaient à l’élimination de la quasi-totalité des chevauchements horizontaux des activités des parties à l’opération de concentration sur l’ensemble des marchés francophones où cette opération créait ou renforçait une position dominante, à l’exception du marché des livres de référence pour lequel le désinvestissement consenti par Lagardère était cependant supérieur à la part de marché initiale de Hachette Livre.

53      La Commission a estimé également que les engagements de Lagardère auraient pour effet, dans le cas d’une cession à un repreneur unique, d’éliminer la grande majorité des effets verticaux et congloméraux de l’opération analysée dans la décision du 7 janvier 2004, lesquels résultaient, notamment, du poids global de l’entité issue de la concentration dans le secteur de l’édition francophone et, en particulier, dans la diffusion et la distribution de livres et contribuaient à la création ou au renforcement de positions dominantes sur les marchés en cause.

54      La Commission en a conclu que, eu égard aux engagements de Lagardère, l’opération de concentration ne conduirait pas à la création ni au renforcement d’une position dominante de l’entité fusionnée sur le marché commun.

55      La Commission a donc décidé que, sous réserve du respect intégral de ses engagements par Lagardère en conformité avec l’article 2, paragraphe 2, et l’article 8, paragraphe 2, du règlement n° 4064/89, son acquisition du contrôle unique, au sens de l’article 3, paragraphe 1, sous b), de ce règlement, des actifs d’édition de VUP en Europe et en Amérique latine, à l’exception du Brésil, était compatible avec le marché commun et le fonctionnement de l’accord sur l’Espace économique européen (EEE).

56      La décision du 7 janvier 2004 a été publiée sous forme de résumé au Journal officiel du 28 avril 2004 (JO L 125, p. 54), en application de l’article 20, paragraphe 1, du règlement n° 4064/89.

57      Lagardère s’est rapprochée de plusieurs entreprises, dont la requérante, susceptibles de racheter les actifs rétrocédés. La requérante a manifesté son intérêt pour cette opération.

58      Le 28 mai 2004, Lagardère et Wendel Investissement SA (ci-après « Wendel ») sont convenues d’un projet de reprise des actifs rétrocédés.

59      Par lettre du 4 juin 2004, Lagardère a demandé à la Commission d’agréer Wendel comme acquéreur des actifs rétrocédés.

 Procédure

60      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 8 juillet 2004, la requérante a introduit le présent recours en annulation contre la décision du 7 janvier 2004.

61      Par décision du 30 juillet 2004, communiquée à la requérante, à sa demande, par télécopie du 27 août suivant, la Commission a agréé Wendel comme repreneur des actifs rétrocédés.

62      Le transfert de la propriété à Wendel des actifs rétrocédés, dénommés « Nouvel Editis », est intervenu le 30 septembre 2004.

63      Par requête déposée le 8 novembre 2004, la requérante a introduit un recours en annulation de la décision agréant Wendel comme repreneur de Nouvel Editis (affaire T‑452/04).

64      Par arrêt de ce jour, le Tribunal (sixième chambre) a annulé cette décision.

65      Par acte déposé le 28 juillet 2004, Lagardère a demandé à intervenir au présent litige au soutien des conclusions de la Commission, conformément à l’article 115 du règlement de procédure du Tribunal.

66      Par acte séparé déposé le 26 août 2004, la requérante a sollicité le traitement confidentiel à l’égard de Lagardère de trois annexes à la requête et en a produit à cette fin une version non confidentielle.

67      Par ordonnance du président de la quatrième chambre du 18 février 2005, Lagardère a été admise à intervenir au présent litige, au soutien des conclusions de la Commission, sous réserve de la décision statuant sur le bien-fondé de la demande de traitement confidentiel présentée par la requérante.

68      Par acte déposé le 5 juillet 2005, la requérante a demandé au Tribunal, en vertu de l’article 64, paragraphe 4, du règlement de procédure, d’ordonner à la Commission la production des documents suivants :

–        l’intégralité de la correspondance échangée par la Commission avec, d’une part, NBP et, d’autre part, Lagardère, du mois de septembre 2002 au 14 avril 2003 ;

–        la promesse d’acquisition des actifs cibles consentie à VUP par Investima 10 ;

–        la version intégrale du contrat de cession ;

–        le contrat d’acquisition ;

–        les mémorandums échangés au sein de la direction générale (DG) « Concurrence » de la Commission et entre cette DG et le service juridique de la Commission, ainsi que la correspondance entre la Commission et NBP portant sur l’applicabilité de l’article 3, paragraphe 5, sous a), du règlement n° 4064/89 à l’acquisition des actifs cibles par NBP ;

–        la décision du 5 juin 2003.

69      La requérante a soutenu que ces pièces étaient nécessaires pour vérifier si l’acquisition des actifs cibles par NBP pouvait ne pas être considérée, en vertu de l’article 3, paragraphe 5, sous a), du règlement n° 4064/89, comme une opération de concentration au sens de l’article 3, paragraphe 1, sous b), de ce règlement et si cette acquisition pouvait être, par conséquent, dispensée de l’obligation de notification préalable des projets de concentration exigée par l’article 4, paragraphe 1, de ce même règlement.

70      Par pli déposé au greffe du Tribunal le 9 août 2005, la Commission a produit une version non confidentielle de la décision du 5 juin 2003.

71      Par ordonnance du 19 juin 2007, le président de la quatrième chambre du Tribunal a rejeté la demande de la requérante tendant au traitement confidentiel, à l’égard de Lagardère, des trois annexes à la requête précitées et a ordonné leur signification à Lagardère.

72      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, le juge rapporteur a été affecté à la sixième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée, le 24 octobre 2008.

73      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (sixième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale et a invité les parties à répondre par écrit à certaines questions. Les parties ont déféré dans les délais à cette demande.

74      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 28 janvier 2010.

75      Par arrêt du 9 juin 2010, Éditions Jacob/Commission (T‑237/05, non encore publié au Recueil), le Tribunal a annulé la décision de la Commission du 7 avril 2005 rejetant une demande de la requérante visant à obtenir, en application du règlement (CE) n° 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO L 145, p. 43), l’accès à certains documents concernant la procédure de contrôle de l’opération de concentration.

76      Par lettre déposée le 21 juin 2010, la requérante a demandé la suspension du délibéré dans la présente affaire pendant un délai raisonnable à compter de la communication par la Commission des documents en cause.

 Conclusions des parties

77      La requérante demande à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        ordonner à la Commission de produire les documents visés au point 68 ci‑dessus ;

–        déclarer le recours recevable ;

–        annuler la décision du 7 janvier 2004 ;

–        condamner la Commission et Lagardère aux dépens.

78      La Commission, soutenue, en substance, par Lagardère, demande à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter la demande de production de documents ;

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

79      Lors de l’audience, la Commission a retiré son exception d’irrecevabilité du recours pour cause de tardiveté, ce dont il a été pris acte dans le procès-verbal de l’audience.

 En droit

A –  Sur les conclusions en annulation

80      La requérante invoque, en substance, neuf moyens à l’appui de ses conclusions en annulation.

 Sur le premier moyen, tiré de la qualification juridique erronée de l’acquisition des actifs cibles par NBP, au regard de l’article 3, paragraphe 5, sous a), et de l’article 3, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 4064/89

81      La requérante reproche à la Commission d’avoir qualifié l’acquisition des actifs cibles par NBP d’acquisition de participations dans une entreprise, en vue de leur revente, relevant de l’article 3, paragraphe 5, sous a), du règlement n° 4064/89 et ne constituant pas, en tant que telle, aux termes de cette disposition, une opération de concentration au sens de l’article 3, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 4064/89.

82      La requérante considère au contraire que l’acquisition des actifs cibles par NBP constitue une opération de concentration au sens de cette dernière disposition, car elle aurait permis à Lagardère de prendre dès le mois de décembre 2002 le contrôle des actifs cibles, soit par l’acquisition de leur contrôle unique par l’intermédiaire de NBP, soit par l’acquisition de leur contrôle conjoint, avec NBP.

 Recevabilité du moyen

–       Arguments des parties

83      La Commission estime que le moyen est irrecevable. Elle indique que, en décidant d’engager, le 5 juin 2003, le contrôle approfondi du projet de concentration notifié par Lagardère le 14 avril 2003, elle a définitivement considéré cette opération comme une concentration par acquisition de contrôle unique au sens de l’article 3, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 4064/89. Par là même, elle aurait qualifié, implicitement mais nécessairement, l’acquisition préalable des actifs cibles par NBP d’acquisition de participations dans une entreprise, en vue de leur revente, au sens de l’article 3, paragraphe 5, sous a), de ce règlement.

84      En tant qu’acte définitif et contraignant par lequel la Commission a décidé de l’applicabilité d’un texte de droit communautaire, la décision du 5 juin 2003 aurait été susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation, à l’instar d’une décision engageant le contrôle approfondi des aides d’État, lorsque, par la qualification de l’aide retenue et le choix des règles de procédure applicables, elle produit l’effet juridique définitif de la suspension du versement de l’aide.

85      Par ailleurs, la requérante aurait eu une connaissance certaine et sans équivoque tant de l’existence de la décision du 5 juin 2003, dont l’adoption a fait l’objet d’un avis publié au Journal officiel du 12 juin 2003, que de la qualification donnée par cette décision à la transaction notifiée. En outre, la Commission fait valoir que la structure de cette transaction était déjà, pour l’essentiel, précisée dans l’avis relatif à sa notification publié au Journal officiel du 17 avril 2003, puis rappelée dans la communication des griefs du 27 octobre 2003, dont elle rappelle qu’une copie a été communiquée à la requérante.

86      Les décisions d’engagement du contrôle approfondi des concentrations n’étant pas publiées et n’étant notifiées qu’aux parties, le délai ouvert aux tiers pour en demander l’annulation ne courrait qu’à compter de la date à laquelle ils ont pris une connaissance exacte de leur contenu et de leurs motifs, à condition toutefois d’en demander le texte intégral, dans un délai raisonnable à partir de la date à laquelle ils ont pris connaissance de l’existence de telles décisions.

87      N’ayant pas demandé copie de la décision du 5 juin 2003 ni son annulation dans un délai raisonnable, la requérante ne serait plus recevable à invoquer, au soutien de son recours dirigé contre la décision du 7 janvier 2004, l’erreur censée entacher sa qualification retenue par la décision du 5 juin 2003. À cet égard, la décision du 7 janvier 2004 serait purement confirmative de la décision du 5 juin 2003, car elle n’ajouterait aucune information ni ne procéderait à aucun réexamen de la situation relativement à cette qualification.

88      La requérante conclut au rejet des arguments de la Commission et à la recevabilité du moyen.

–       Appréciation du Tribunal

89      Il convient de relever que la décision du 5 juin 2003 constitue une mesure préparatoire ayant pour seul objet l’ouverture d’une instruction destinée à établir les éléments devant permettre à la Commission de se prononcer par la voie d’une décision finale sur la compatibilité de cette opération avec le marché commun et qu’elle n’est donc pas susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation (ordonnance du Tribunal du 31 janvier 2006, Schneider Electric/Commission, T‑48/03, Rec. p. II‑111, point 79).

90      La décision du 5 juin 2003 ne constituant pas un acte susceptible de recours en annulation, la décision du 7 janvier 2004 ne peut être regardée comme un acte confirmatif de cette décision au regard de la qualification de concentration par acquisition de contrôle unique, au sens de l’article 3, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 4064/89, que la décision du 5 juin 2003 aurait donnée au projet de rachat des actifs cibles notifié par Lagardère.

91      Il convient d’ajouter que la décision du 5 juin 2003 a pour seul objet la constatation préalable, exprimée à son considérant 696, et reproduite dans l’avis relatif à l’engagement du contrôle approfondi de l’opération de concentration, publié au Journal officiel du 12 juin 2003, de l’existence des doutes sérieux soulevés par la compatibilité de cette opération avec le marché commun et justifiant l’engagement de ce contrôle.

92      La décision du 5 juin 2003 constitue, dès lors, l’acte préparatoire d’une décision finale.

93      Il convient donc de rejeter l’exception soulevée par la Commission à l’encontre de la recevabilité du présent moyen.

 Bien-fondé du moyen

–       Arguments des parties

94      La requérante allègue que la décision du 7 janvier 2004 est viciée par l’erreur que la Commission aurait commise en qualifiant l’acquisition des actifs cibles par NBP d’acquisition d’actifs dans une entreprise, en vue de leur revente, au sens de l’article 3, paragraphe 5, sous a), du règlement n° 4064/89, au lieu de la qualifier de concentration par acquisition par Lagardère d’un contrôle unique des actifs cibles, par l’intermédiaire de NBP, ou de concentration par acquisition d’un contrôle conjoint de ces actifs par Lagardère et par NBP.

95      La requérante expose que l’article 3, paragraphe 5, sous a), du règlement n° 4064/89 n’exclut de la notion de concentration au sens de l’article 3, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 4064/89 que les opérations d’établissements financiers, dont l’activité normale inclut la transaction et la négociation de titres pour compte propre ou pour compte d’autrui, détenant à titre temporaire des participations acquises dans une entreprise, en vue de leur revente.

96      Cette disposition exigerait en outre de ces établissements qu’ils n’exercent pas les droits de vote attachés à ces participations en vue de déterminer le comportement concurrentiel de cette entreprise ou qu’ils n’exercent ces droits de vote qu’en vue de préparer la réalisation de tout ou partie de cette entreprise ou de ses actifs, ou la réalisation de ces participations, et que cette réalisation intervienne dans un délai d’un an à compter de la date de l’acquisition.

97      L’acquisition des actifs cibles par Investima 10 ne remplirait aucune des conditions cumulatives posées par la disposition précitée. Cette opération constituerait, au contraire, au sens de l’article 3, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 4064/89, une concentration par acquisition par Lagardère d’un contrôle unique des actifs cibles, par l’intermédiaire de NBP agissant comme son mandataire, son prête-nom, son commanditaire ou son commissionnaire, voire par interposition de personnes, soit une concentration par acquisition d’un contrôle conjoint des actifs cibles avec NBP.

98      En l’espèce, l’interposition de personnes procéderait de la convention de portage stipulant l’acquisition des actifs cibles par NBP au titre d’un service rendu à Lagardère, son donneur d’ordre. En l’espèce, il ne serait pas douteux que Segex ne s’est engagée que pour rendre un service rémunéré à Lagardère.

99      Par ailleurs, le porteur devrait être assuré de pouvoir revendre les titres portés. Pour obtenir le consentement du porteur à l’opération, le donneur d’ordre s’engagerait à racheter les actifs cibles portés, l’acte stipulant un délai suspensif au droit d’option du bénéficiaire.

100    Enfin, la présente convention de portage aménagerait un système épargnant au porteur toute dépréciation des titres. Aussi le dispositif mis en place en l’espèce aurait-il prévu que les risques de l’opération seraient supportés uniquement par Lagardère.

101    La requérante considère que le prêt accordé par Lagardère à Segex/Ecrinvest 4 des sommes nécessaires à l’acquisition et au fonctionnement des actifs cibles, qui représentent leur prix d’acquisition, la trésorerie et la garantie des loyers du site des actifs cibles, est à l’origine de leur contrôle conjoint par Lagardère et NBP, au sens de l’article 3, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 4064/89.

102    La requérante allègue également que le portage des actifs cibles recèle une concentration, au sens de cette dernière disposition, en raison de l’acquisition par Lagardère de leur contrôle unique par l’intermédiaire de NBP.

103    En toute hypothèse, le portage des actifs cibles par NBP aurait donné à Lagardère la possibilité d’exercer sur ces actifs une influence déterminante et d’assurer leur immobilisation du mois de décembre 2002 jusqu’à la prise de contrôle de Nouvel Editis par Wendel, intervenue le 30 septembre 2004.

104    En premier lieu, le contrat de cession, conclu avant même l’acquisition des actifs cibles par NBP, le 20 décembre 2002, aux fins de leur placement dans le véhicule social constitué par Investima 10, aurait constitué un accord de vente ferme des actifs cibles, soumis à la seule condition suspensive de l’autorisation de la Commission.

105    Assumant les risques du portage, Lagardère, en sa qualité d’investisseur unique, aurait financé intégralement l’acquisition des actifs cibles au profit des filiales de NBP, soit Segex, substituée à NBP, et Ecrinvest 4, société destinée à détenir Investima 10, laquelle aurait recueilli les actifs cibles et désintéressé VUP, le 20 décembre 2002, grâce aux fonds apportés par Lagardère à Segex/Ecrinvest 4. Lagardère se serait en outre engagée à fournir à Segex une garantie à première demande de 50 millions d’euros, à accorder à VUP l’ensemble de la trésorerie nécessaire et à cautionner les loyers de son nouveau siège.

106    La dette considérable ainsi contractée par Segex/Ecrinvest 4 à l’égard de Lagardère aurait engendré une contrainte de Lagardère sur Segex et, par conséquent, sur Ecrinvest 4 et, en définitive, sur Investima 10. De ce fait, Segex aurait disposé d’une participation de contrôle sur les actifs cibles sans pouvoir réel d’exercice des droits que lui conférait théoriquement cette participation.

107    Segex et les deux membres du directoire d’Investima 10 auraient été les mandataires de Lagardère, gérant pour son compte les actifs cibles. Segex aurait reçu une rémunération fixe, sans participation aux résultats des actifs cibles et les membres du directoire d’Investima 10 auraient été expressément exclus du champ des clauses limitatives de responsabilité.

108    Le contrat de cession n’aurait pas pour objet une vente, mais matérialiserait une relation entre Lagardère et ses mandataires, Segex et Ecrinvest 4. À l’instar de commissionnaires, celles-ci auraient accepté d’acquérir les actifs cibles en leur nom, mais pour ordre et pour le compte de Lagardère. Les modalités de transfert des actifs cibles illustreraient l’engagement irrévocable de VUP de les vendre à Lagardère et à NBP.

109    Segex et Ecrinvest 4 ne pourraient être qualifiées d’acquéreurs des actifs cibles, car la notion d’acquisition impliquerait un transfert des risques économiques, critère distinguant une opération d’achat suivi d’une revente d’une simple intermédiation.

110    L’opération d’achat suivi d’une revente, alléguée en l’espèce, n’aurait jamais eu un caractère temporaire. L’engagement liant Segex et Lagardère aurait été à durée indéterminée. Dès lors que Lagardère s’attribuait d’emblée tous les produits de la vente, même en cas d’interdiction de la concentration, l’acquisition des actifs cibles, de même que leur contrôle par Lagardère, serait devenue irréversible.

111    Enfin, les établissements visés à l’article 3, paragraphe 5, sous a), du règlement n° 4064/89 devraient exercer les droits de vote attachés à leurs participations, non pas en vue de déterminer le comportement concurrentiel de l’entreprise concernée, mais à seule fin de préparer la réalisation de tout ou partie de cette entreprise ou de ses actifs cibles ou la réalisation de ces participations.

112    Or, le contrat de cession aurait limité la liberté des organes de gestion d’Investima 10, détentrice des actifs cibles, en lui conférant une structure à directoire et à conseil de surveillance doté d’un droit de veto sur une série de décisions.

113    Le droit de veto que l’annexe 7 du contrat de cession reconnaîtrait à Segex/Ecrinvest 4 sur toute décision susceptible d’affecter les actifs cibles irait bien au-delà des prévisions de l’article 3, paragraphe 5, sous a), du règlement n° 4064/89, car il aurait pour effet d’exclure les actifs cibles de tout projet international significatif.

114    L’absence de représentants de Lagardère dans les organes de gestion et de direction d’Investima 10 ne permettrait pas d’exclure son influence sur la stratégie concurrentielle de celle-ci, dès lors que Segex et Ecrinvest 4 auraient agi comme les mandataires de Lagardère.

115    La Commission conteste le bien-fondé des arguments de la requérante.

–       Appréciation du Tribunal

116    Aux fins de statuer sur le bien-fondé du premier moyen, en ce qu’il est tiré de la violation de l’article 3, paragraphe 5, sous a), du règlement n° 4064/89, il convient d’examiner si l’acquisition des actifs cibles par Investima 10 a, comme le soutient la requérante, effectivement permis à Lagardère, dès le mois de décembre 2002, d’acquérir, au sens de l’article 3, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 4064/89, soit le contrôle unique des actifs cibles, par l’intermédiaire de NBP, soit leur contrôle conjoint, avec NBP, et, partant, de disposer de la possibilité d’exercer, dès cette époque, sur l’activité liée aux actifs cibles, une influence déterminante associée à ce contrôle.

117    En effet, à supposer même que l’acquisition des actifs cibles par Investima 10 ne remplisse pas toutes les conditions posées par l’article 3, paragraphe 5, sous a), du règlement n° 4064/89, il ne s’ensuivrait pas nécessairement que cette acquisition doive être qualifiée, au sens de l’article 3, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 4064/89, d’acquisition de contrôle unique de ces actifs par Lagardère ou d’acquisition conjointe de ces actifs par Lagardère et NBP.

118    Pour déterminer si l’acquisition des actifs cibles par Investima 10 a ou non permis à Lagardère d’acquérir leur contrôle unique ou leur contrôle conjoint, avec NBP, il y a lieu de rappeler que la notion de contrôle est définie en ces termes par l’article 3, paragraphes 3 et 4, du règlement n° 4064/89 :

« 3.       Aux fins de l’application du présent règlement, le contrôle découle des droits, contrats ou autres moyens qui confèrent, seuls ou conjointement et compte tenu des circonstances de fait ou de droit, la possibilité d’exercer une influence déterminante sur l’activité d’une entreprise, et notamment :

a)      des droits de propriété ou de jouissance sur tout ou partie des biens d’une entreprise ;

b)      des droits ou des contrats qui confèrent une influence déterminante sur la composition, les délibérations ou les décisions des organes d’une entreprise.

4.      Le contrôle est acquis par la ou les personnes ou entreprises :

a)      qui sont titulaires de ces droits ou bénéficiaires de ces contrats ;

ou

         qui, n’étant pas titulaires de ces droits ou bénéficiaires de ces contrats, ont le pouvoir d’exercer les droits qui en découlent. »

–       Sur la qualification de contrôle unique, par Lagardère, de l’opération de portage des actifs cibles

119    En premier lieu, la requérante se borne à alléguer, sans le démontrer, que le portage des actifs cibles a donné à Lagardère, dès le mois de décembre 2002, la possibilité d’exercer une influence déterminante sur l’activité liée à ces derniers, en ce que ce portage aurait conféré à Lagardère, sur tout ou partie des actifs cibles, des droits de propriété ou de jouissance, au sens de l’article 3, paragraphe 3, sous a), du règlement n° 4064/89.

120    Or, une telle possibilité est exclue par les stipulations du contrat de cession. En vertu de ce contrat, Segex et Ecrinvest 4 ne se sont substituées à Lagardère pour acquérir et détenir les actifs cibles qu’à seule fin de lui en transférer la propriété, sous la forme des actions d’Ecrinvest 4 et des créances de Segex sur Ecrinvest 4, une fois obtenue par Lagardère l’autorisation par la Commission de l’opération de concentration.

121    Ainsi, l’article 3, paragraphe 1, deuxième alinéa, du contrat de cession stipule que la date du transfert de propriété à Lagardère des actions d’Ecrinvest 4 et des créances de Segex sur Ecrinvest 4 est déterminée par l’adoption préalable par les autorités de concurrence compétentes des décisions autorisant cette opération de concentration.

122    L’article 3, paragraphe 2, du contrat de cession précise, à cet égard, que le transfert de propriété à Lagardère des actions d’Ecrinvest 4 et des deux créances de Segex sur Ecrinvest 4 interviendra postérieurement à l’obtention par Lagardère de cette autorisation.

123    Les parties ont en outre spécifié, à l’article 3, paragraphe 1, troisième alinéa, du contrat de cession, qu’aucun transfert de propriété à Lagardère des actions d’Ecrinvest 4 et des créances de Segex sur Ecrinvest 4 ne pourrait intervenir avant la date de ce transfert.

124    Selon cette stipulation, Segex ne pouvait céder tout ou partie des actions, des créances ou consentir de sûretés sur ces dernières ni émettre de valeurs mobilières donnant ou pouvant donner accès immédiatement ou à terme à une quotité du capital ou des droits de vote d’Ecrinvest 4 ni s’engager à terme ou sous condition à faire l’une quelconque des opérations précitées.

125    N’ayant été ainsi titulaire d’aucun droit de propriété ou de jouissance sur tout ou partie des actifs cibles avant l’adoption de la décision du 7 janvier 2004, Lagardère n’a pas pu disposer de la faculté d’exercer, dès la conclusion de l’opération de portage en décembre 2002, une influence déterminante sur l’activité liée à ces derniers, au sens de l’article 3, paragraphe 3, sous a), du règlement n° 4064/89.

126    Il y a lieu de constater, en deuxième lieu, que la requérante se borne à alléguer, sans le démontrer, que le portage des actifs cibles a eu en réalité pour effet de conférer à Lagardère des droits lui donnant, dès le mois de décembre 2002, la possibilité d’exercer, au sens de l’article 3, paragraphe 3, sous b), du règlement n° 4064/89, une influence déterminante sur la composition, les délibérations ou les décisions des organes de Segex, d’Ecrinvest 4 et d’Investima 10.

127    Or, il ressort de l’article 4, paragraphe 1, sous i), b), du contrat de cession que, jusqu’à la date du transfert de propriété à Lagardère des actions d’Ecrinvest 4 et des deux créances de Segex sur Ecrinvest 4, Segex et Ecrinvest 4 étaient convenues avec Lagardère de ne pas désigner de personne issue du groupe de Lagardère en qualité d’administrateur, président et directeur général d’Ecrinvest 4, constituée en société anonyme à conseil d’administration contrôlant Investima 10 à 100 %.

128    Par ailleurs, selon l’article 4, paragraphe 1, sous ii), b) et c), du contrat de cession, Segex s’est portée fort de ce qu’Ecrinvest 4 s’engage à ce qu’Investima 10, constituée sous la forme de société anonyme à directoire et conseil de surveillance, ne désigne pas en qualité de membre de ses organes sociaux de personne issue du groupe de Lagardère. Ecrinvest 4 a contracté cette obligation.

129    En outre, l’article 4, paragraphe 2, sous i), i), du contrat de cession stipule, d’une part, que Segex se porte fort de ce qu’Ecrinvest 4 s’engage à ce que le conseil de surveillance d’Investima 10 s’interdise toute communication à Lagardère et à son groupe d’informations sensibles de nature commerciale, stratégique ou concurrentielle sur Investima 10 ou sur les actifs cibles et, d’autre part, qu’Ecrinvest 4 contracte cette obligation.

130    Cette stipulation ne réserve que l’hypothèse des informations nécessaires à la constitution du dossier de notification de l’opération de concentration et l’hypothèse exceptionnelle, envisagée par l’article 4, paragraphe 2, sous i), d), du contrat de cession, où Ecrinvest 4 serait sollicitée relativement à une décision de gestion opérationnelle imposée par la survenance d’événements majeurs susceptibles d’avoir une incidence sur le fonctionnement normal d’Investima 10 et des actifs cibles, tels que, notamment, une grève générale du personnel, une crise de liquidité des actifs cibles ou la démission de l’ensemble des mandataires sociaux ou des dirigeants.

131    Au surplus, dans cette dernière hypothèse, l’article 4, paragraphe 2, sous i), d), du contrat de cession stipule, d’une part, que Segex se porte fort de ce qu’Ecrinvest 4 s’engage à ne se rapprocher de Lagardère pour déterminer, en accord avec elle, les décisions à prendre par le directoire, en vue notamment de la préservation de la valeur d’Investima 10 et des actifs cibles, qu’après avoir préalablement obtenu l’autorisation de la Commission et, d’autre part, qu’Ecrinvest 4 contracte cette obligation.

132    Par son objet même, limité à l’adoption de mesures conservatoires, ainsi que par son caractère dérogatoire, cette stipulation confirme l’absence de droit pour Lagardère d’exercer, avant l’adoption de la décision du 7 janvier 2004, une influence déterminante sur l’activité liée aux actifs cibles portés par Investima 10, au sens de l’article 4, paragraphe 3, sous b), du règlement n° 4064/89.

133    En troisième lieu, la requérante soutient que le financement intégral du portage et la prise en charge des risques financiers de cette opération par Lagardère révèlent l’absence de pouvoir réel de Segex d’exercer les droits issus du portage et la possibilité corrélative pour Lagardère d’exercer une influence déterminante sur l’activité liée aux actifs cibles.

134    Or, un tel financement est induit par l’opération de portage elle-même. Ainsi qu’il résulte du point 14 ci-dessus, NBP n’a consenti au portage des actifs cibles qu’en raison de l’engagement que Lagardère avait pris à son égard de supporter l’intégralité des risques liés au portage et de la tenir indemne de tout dommage.

135    Dans ces conditions, la requérante n’est pas fondée à soutenir que le financement de l’opération de portage des actifs cibles constitue, à lui seul, la démonstration de l’absence de pouvoir de Segex sur les actifs cibles.

136    Au demeurant, la requérante allègue elle-même que le droit de veto que l’annexe 7 du contrat de cession reconnaît à Segex/Ecrinvest 4 sur toute décision susceptible d’affecter les actifs cibles va bien au-delà des prévisions de l’article 3, paragraphe 5, sous a), du règlement n° 4064/89, en tant qu’il aurait pour effet d’exclure les actifs cibles de tout projet international significatif.

137    Doit être également rejeté, par voie de conséquence, l’argument de la requérante selon lequel la dette considérable qu’aurait contractée Segex/Ecrinvest 4 à l’égard de Lagardère aurait engendré une contrainte ayant pour effet de priver Segex du pouvoir réel d’exercer les droits attachés aux actifs cibles et de transformer cette dernière et les deux membres du directoire d’Investima 10 en mandataires gérant ces actifs cibles pour le compte de Lagardère.

138    La requérante ne saurait déduire la possibilité pour Lagardère d’exercer une influence déterminante sur l’activité liée aux actifs cibles du droit de veto reconnu à Segex/Ecrinvest 4 par le contrat de cession sur toute décision susceptible d’affecter les actifs cibles, en ce que ce droit de veto irait bien au-delà des prévisions de l’article 3, paragraphe 5, sous a), du règlement n° 4064/89.

139    Les stipulations de l’article 4, paragraphe 2, du contrat de cession relatives aux pouvoirs des organes sociaux d’Ecrinvest 4 et d’Investima 10 excluent tout d’abord toute intervention de Lagardère, sous réserve des deux dérogations mentionnées au point 130 ci-dessus, induites par la nature même du portage.

140    Ensuite, ces clauses n’ont pas, en toute hypothèse, pour objectif l’exercice d’une quelconque action sur le comportement concurrentiel ou sur la stratégie commerciale à adopter à l’égard des actifs cibles, mais uniquement le maintien de leur valeur. En effet, elles se rapportent à des droits uniquement destinés à préparer la réalisation de ces participations et, dans cette mesure, satisfont même au libellé et à la finalité de l’article 3, paragraphe 5, sous a), du règlement n° 4064/89, quant à la réalisation des participations.

141    Se rapportent ainsi à ce type de droits les décisions que l’annexe 7 du contrat de cession impose au directoire d’Investima 10 de présenter à son conseil de surveillance, en vue de l’exercice éventuel de son droit de veto. Les stipulations de cette annexe visent uniquement à assurer le transfert à Lagardère, au terme de leur portage financier, de la propriété des actifs cibles détenus par Investima 10, conformément à la nature provisoire du portage, en permettant à ce conseil de surveillance d’interdire, sur ces mêmes actifs cibles, tout acte de disposition ou de nature à en affecter la valeur.

142    La requérante est, en tout état de cause, mal fondée à soutenir que le droit de veto du conseil de surveillance d’Investima 10 a pour effet d’exclure les actifs cibles de tout projet international significatif. L’article 3, paragraphe 5, sous a), du règlement n° 4064/89 exclut en effet ce type de décisions stratégiques, incompatibles avec le caractère provisoire d’une acquisition d’actifs cibles en vue de leur revente, telle qu’envisagée par cette disposition.

143    Enfin, la requérante n’a pas produit d’éléments de preuve permettant de remettre en cause l’indépendance des membres du directoire responsables de la direction et de la gestion d’Investima 10, telle qu’elle est garantie par l’article 4, paragraphe 1, sous ii), b) et c), du contrat de cession.

144    Il n’est donc pas démontré que le portage des actifs cibles ait, comme le soutient la requérante, conféré à Lagardère, dès le mois de décembre 2002, la faculté d’exercer, sur l’activité liée aux actifs cibles, une influence déterminante, que ce soit grâce à l’acquisition, au sens de l’article 3, paragraphe 3, sous a), du règlement n° 4064/89, de droits de propriété ou de jouissance sur tout ou partie des actifs cibles ou d’une influence déterminante sur la composition, les délibérations ou les décisions des organes sociaux compétents, au sens de l’article 3, paragraphe 3, sous b), du règlement n° 4064/89.

–       Sur la qualification de contrôle conjoint, par Lagardère et NBP, de l’opération de portage des actifs cibles

145    Les arguments de la requérante ne permettent pas non plus de retenir que le portage des actifs cibles ait pu donner à Lagardère, dès le mois de décembre 2002, la possibilité d’exercer, conjointement avec NBP, une influence déterminante sur l’activité liée à ces derniers.

146    D’une part, la requérante se borne à alléguer, sans le démontrer, que le contrat d’acquisition a permis pendant treize mois à Lagardère de créer et de maintenir avec NBP sur l’activité liée aux actifs cibles un contrôle conjoint, avec NPB, ou d’exercer sur ladite activité une influence conjointe déterminante.

147    D’autre part, à supposer même que le portage des actifs cibles ait pu permettre à Lagardère d’exercer conjointement avec NBP sur l’activité liée à ces derniers une influence déterminante, il conviendrait, comme le soutient elle-même la requérante, de tenir compte de la puissance économique de NBP aux fins d’apprécier les effets concurrentiels d’une telle influence.

148    En effet, la requérante souligne que l’existence d’un contrôle conjoint des actifs cibles par NBP et Lagardère aurait dû conduire la Commission à considérer que NBP était une entreprise concernée, que son chiffre d’affaires aurait dû être pris en compte dans la détermination des seuils de chiffres d’affaires déterminant l’applicabilité du règlement n° 4064/89, son activité décrite et que certains marchés auraient dû être ajoutés, en raison même de la présence de NBP.

149    La requérante ajoute que, en raison de la qualité de partie notifiante qui aurait dû être ainsi reconnue à NBP en tant que partie à l’opération de concentration induite par le portage des actifs cibles, ses parts de marché éventuelles du secteur de l’édition auraient dû être intégrées dans l’analyse concurrentielle de l’opération de concentration à laquelle la Commission a procédé dans la décision du 7 janvier 2004, NBP ayant détenu et détenant peut-être encore une participation dans le capital de Gallimard et étant, pour Le Seuil et La Martinière Groupe SA, un actionnaire de référence.

150    Il en résulte que, même à supposer que le portage des actifs cibles ait permis à Lagardère d’exercer conjointement avec NBP une influence déterminante sur l’activité liée à ces derniers dès le mois de décembre 2002, l’opération de concentration qui s’en serait suivie constituerait en toute hypothèse une opération distincte de l’opération de concentration notifiée par Lagardère le 14 avril 2003, puis autorisée sous conditions par la décision du 7 janvier 2004.

151    Même si l’on admet encore que l’existence d’un contrôle commun des actifs cibles par Lagardère et NBP dès le mois de décembre 2002 aurait dû, ainsi que le soutient la requérante, conduire la Commission à tenir compte des parts de marché détenues par NBP dans le secteur de l’édition dans l’analyse concurrentielle de l’opération notifiée contenue dans la décision du 7 janvier 2004, la requérante n’a pas, en tout état de cause, contesté l’affirmation de la Commission selon laquelle l’analyse de l’impact de cette opération n’en aurait pas été modifiée, compte tenu de la seule détention, par NBP, de participations minoritaires dans le capital de Gallimard, de La Martinière Groupe, d’Aguesseau Communication SA et de Société française d’édition et de presse (SFEP) SA (Groupe de presse Michel Hommell SA).

152    Dans ces conditions, même à la supposer avérée, la réalisation, dès le mois de décembre 2002, par l’effet du portage des actifs cibles, d’une concentration par acquisition, sur ces actifs cibles, d’un contrôle conjoint de Lagardère et de NBP, au sens de l’article 3, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 4064/89, n’aurait pas pu, en toute hypothèse, avoir d’incidence sur le résultat du contrôle de compatibilité avec le marché commun que la Commission a effectué dans la décision du 7 janvier 2004 sur l’opération de concentration.

153    Il n’est donc pas établi que le portage des actifs cibles ait conféré à Lagardère, dès le mois de décembre 2002, la possibilité d’exercer sur l’activité liée à ces derniers, seule ou conjointement avec NBP, une influence déterminante, au sens de l’article 3, paragraphe 3, du règlement n° 4064/89, susceptible d’affecter la légalité de la décision du 7 janvier 2004, sans qu’il soit besoin de vérifier si ce portage satisfait, par ailleurs, à toutes les conditions posées par l’article 3, paragraphe 5, sous a), de ce règlement.

154    Il convient d’ajouter, à titre surabondant, que, même si le portage des actifs cibles avait permis à Lagardère, comme le soutient la requérante, de réaliser, dès le mois de décembre 2002, une opération de concentration par le biais d’une prise de contrôle des actifs cibles, seule ou avec NBP, au sens de l’article 3, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 4064/89, il en résulterait que l’opération autorisée aurait été mise en œuvre avant même d’avoir été notifiée.

155    Or, une telle circonstance ne pourrait affecter la légalité de la décision du 7 janvier 2004.

156    Certes, l’article 7, paragraphe 1, du règlement n° 4064/89 dispose qu’une opération de concentration ne peut être réalisée ni avant d’être notifiée ni avant d’avoir été déclarée compatible avec le marché commun par une décision d’autorisation prise en vertu de l’article 8, paragraphe 2. Toutefois, aucune disposition de ce règlement ne confère à la Commission le droit de révoquer une telle décision dans l’hypothèse où l’opération de concentration aurait été réalisée avant d’avoir été notifiée et autorisée.

157    En effet, l’article 7, paragraphe 5, du règlement n° 4064/89 dispose que la validité d’une concentration réalisée avant d’avoir été notifiée et déclarée compatible avec le marché commun dépend d’une décision de la Commission statuant sur sa compatibilité avec le marché commun sur le fondement de l’article 6, paragraphe 1, sous b), de l’article 8, paragraphe 2, ou de l’article 8, paragraphe 3, du règlement n° 4064/89.

158    La Commission déclare une opération de concentration notifiée compatible avec le marché commun soit, en vertu de l’article 6, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 4064/89, lorsque cette opération ne soulève pas de doutes sérieux quant à sa compatibilité avec ledit marché, soit au titre de l’article 8, paragraphe 2, de ce même règlement, lorsque l’opération, le cas échéant après modifications apportées par les entreprises concernées, ne crée pas ou ne renforce pas, au sens de l’article 2, paragraphe 2, dudit règlement, une position dominante ayant comme conséquence qu’une concurrence effective serait entravée de manière significative dans le marché commun ou une partie substantielle de celui-ci.

159    Inversement, selon l’article 8, paragraphe 3, du règlement n° 4064/89, la Commission ne prend une décision déclarant l’opération notifiée incompatible avec le marché commun que lorsqu’elle constate qu’elle crée ou renforce, au sens de l’article 2, paragraphe 3, dudit règlement, une position dominante ayant comme conséquence qu’une concurrence effective serait entravée de manière significative dans le marché commun ou une partie substantielle de celui-ci.

160    Il s’ensuit que la Commission ne peut déclarer une opération de concentration incompatible avec le marché commun ni, par voie de conséquence, révoquer une décision déclarant une opération de concentration compatible avec le marché commun, au seul motif qu’elle aurait été réalisée avant d’avoir été notifiée.

161    De plus, l’article 14, paragraphe 2, sous b), du règlement n° 4064/89 ne prévoit d’autre possibilité, pour la Commission, de réprimer un tel comportement que celle consistant à infliger une amende aux entreprises ayant, de propos délibéré ou par négligence, réalisé, en violation de l’article 7, paragraphe 1, dudit règlement, une opération de concentration sans respecter l’obligation de notification.

162    Par conséquent, même à la supposer établie, l’erreur que la Commission aurait commise en qualifiant le portage des actifs cibles d’acquisition de participations dans une entreprise en vue de leur revente, au sens de l’article 3, paragraphe 5, sous a), du règlement n° 4064/89, et non pas d’acquisition d’un contrôle unique ou conjoint, avec NBP, au sens de l’article 3, paragraphe 1, sous b), de ce règlement, serait, en toute hypothèse, sans incidence sur la légalité de la décision du 7 janvier 2004.

163    Dans ces conditions, le premier moyen doit être rejeté comme non fondé en ce qu’il n’est pas établi que l’opération de portage des actifs cibles par Investima 10 ait permis à Lagardère, comme le soutient la requérante, d’acquérir, dès le mois de décembre 2002, leur contrôle unique ou conjoint, avec NBP, au sens de l’article 3, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 4064/89.

164    Le premier moyen doit être, en tout état de cause, rejeté comme inopérant en ce que, à supposer même que cette opération de portage ait permis à Lagardère d’acquérir, dès le mois de décembre 2002, leur contrôle unique ou conjoint, avec NBP, une telle circonstance ne saurait affecter la légalité de la décision du 7 janvier 2004.

 Sur le deuxième moyen, tiré de la méconnaissance par la Commission de l’obligation des parties à une opération de concentration de suspendre la réalisation de l’opération

 Arguments des parties

165    Selon la requérante, la Commission a commis une erreur en qualifiant le portage des actifs cibles d’acquisition de participations dans une entreprise en vue de leur revente, au sens de l’article 3, paragraphe 5, sous a), du règlement n° 4064/89, et non pas d’opération de concentration par acquisition par Lagardère, sur l’activité liée à ces actifs cibles, d’un contrôle unique ou d’un contrôle exercé en commun avec NBP, tels qu’envisagés par l’article 3, paragraphe 1, sous b), de ce règlement.

166    Cette erreur aurait conduit la Commission à adopter la décision du 7 janvier 2004 en méconnaissance de l’interdiction imposée aux parties à une concentration par l’article 7, paragraphe 1, du règlement n° 4064/89 de réaliser leur opération avant qu’elle ne soit notifiée et déclarée compatible avec le marché commun.

167    Même à supposer l’article 3, paragraphe 5, sous a), du règlement n° 4064/89 applicable au portage des actifs cibles, la Commission aurait dû révéler l’existence du mandat confié à NBP par Lagardère et exiger de celle-ci, en sa qualité de véritable acquéreur, la notification sans délai de l’acquisition des actifs cibles.

168    Si la violation par les parties à une concentration de l’obligation de suspendre leur opération n’habilite la Commission qu’à leur infliger une amende afin de les contraindre à la notification, la violation par la Commission de cette obligation en raison de son consentement à la mise en œuvre illégale de l’opération constituerait une irrégularité procédurale et un détournement de pouvoir.

169    La Commission conteste le bien-fondé des arguments avancés par la requérante.

 Appréciation du Tribunal

170    Comme il résulte de l’examen du premier moyen, il n’est pas établi que le portage des actifs cibles ait constitué une opération de concentration par acquisition par Lagardère, sur l’activité liée à ces actifs, d’un contrôle unique ou d’un contrôle conjoint, avec NBP, tels qu’envisagés par l’article 3, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 4064/89.

171    Le portage des actifs cibles ne pouvant être considéré comme une opération de concentration au sens de cette disposition, l’interdiction faite aux parties à une telle opération, par l’article 7, paragraphe 1, du règlement n° 4064/89, de la réaliser avant qu’elle ne soit notifiée et déclarée compatible avec le marché commun n’a donc pas pu être violée.

172    À défaut de violation de cette interdiction par les parties intéressées, le deuxième moyen doit donc être rejeté comme non fondé.

 Sur le troisième moyen, tiré de l’absence d’une notification de nature à fonder la compétence de la Commission pour adopter la décision du 7 janvier 2004

 Arguments des parties

173    La requérante soutient que l’erreur que la Commission a commise en considérant l’acquisition des actifs cibles par Investima 10 comme une acquisition de participations dans une entreprise en vue de leur revente, relevant de l’article 3, paragraphe 5, sous a), du règlement n° 4064/89, et non pas comme une concentration par acquisition, sur l’activité liée aux actifs cibles, par Lagardère, d’un contrôle unique ou d’un contrôle exercé en commun avec NBP, au sens de l’article 3, paragraphe 1, sous b), de ce règlement, a conduit la Commission à accepter de statuer sur le fondement d’une notification qui ne pouvait fonder sa compétence.

174    Le portage des actifs cibles recélerait en réalité un contrat de commissionnaire. Or, un accord de ce type ne pourrait évidemment servir de base à un engagement de la procédure de contrôle, dès lors que la Commission n’avait pas compétence pour analyser l’opération qui lui était frauduleusement présentée.

175    À supposer que NBP ait eu un autre rôle que celui d’intermédiaire/mandataire de Lagardère, son rôle conjoint aux côtés de Lagardère aurait nécessairement dû être décrit dans la notification. C’est en réalité la notification même qui aurait dû être rejetée : dès lors qu’elle a été effectuée uniquement par Lagardère, elle n’aurait pas répondu à la condition posée par l’article 4, paragraphe 2, du règlement n° 4064/89, lequel exige que, en cas d’acquisition d’un contrôle commun, la notification soit conjointe.

176    En sa qualité d’acquéreur du contrôle conjoint des actifs cibles, Segex/Ecrinvest 4 serait devenue une partie notifiante et ses parts du marché de l’édition auraient donc dû être prises en considération dans l’analyse concurrentielle de l’opération examinée.

177    La Commission conteste le bien-fondé des arguments avancés par la requérante.

 Appréciation du Tribunal

178    Le troisième moyen repose sur la prémisse selon laquelle le portage des actifs cibles recèle en réalité une concentration par acquisition, par Lagardère, sur l’activité liée aux actifs cibles, d’un contrôle unique ou d’un contrôle exercé en commun avec NBP, relevant de l’article 3, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 4064/89.

179    Cette prémisse n’a pu toutefois être démontrée par la requérante, ainsi qu’il résulte de l’examen du bien-fondé du premier moyen.

180    Il s’ensuit que la Commission doit être considérée comme ayant été régulièrement saisie par la notification, effectuée par Lagardère le 14 avril 2003, du projet de concentration faisant l’objet du contrôle de compatibilité avec le marché commun opéré par la décision du 7 janvier 2004.

181    En outre, ce contrôle de compatibilité n’a pu porter que sur la puissance économique de l’entité découlant de l’absorption des actifs cibles par Lagardère, à l’exclusion des parts du marché de l’édition éventuellement détenues par NBP.

182    En effet, dès que, comme il résulte des stipulations du contrat de cession, Lagardère devenait, en raison de la notification de la décision du 7 janvier 2004, le propriétaire de la totalité du capital d’Investima 10, détentrice des actifs cibles, cette dernière n’en était plus le propriétaire.

183    Le contrôle de compatibilité avec le marché commun du projet de rachat des actifs cibles notifié par Lagardère n’a donc pu porter que sur la puissance économique de l’entité résultant de l’acquisition des actifs cibles par Lagardère et non de l’opération de portage de ces actifs cibles par NBP.

184    Dans ces conditions, le troisième moyen ne saurait prospérer.

 Sur le quatrième moyen, tiré de l’existence d’une fraude

 Arguments des parties

185    La requérante soutient que l’erreur, dans la qualification juridique du portage des actifs cibles, commise par la Commission au regard de l’article 3, paragraphe 5, sous a), du règlement n° 4064/89 a conduit cette dernière à approuver un montage entaché de fraude, cas de révocation d’une décision autorisant une concentration expressément prévu par l’article 8, paragraphe 5, sous a), dudit règlement.

186    La requérante allègue également que, dès lors que Lagardère a, en réalité, acquis, dès le mois de décembre 2002, les actifs cibles par l’intermédiaire de Segex, l’interposition de personnes instituée par la convention de portage de ces actifs cibles aurait été l’instrument d’une fraude à la loi, visant à détourner de sa finalité l’article 3, paragraphe 5, sous a), du règlement n° 4064/89.

187    La fraude aurait été mise en œuvre par un accord de volontés entre VU, Lagardère et NBP pour violer le principe d’égalité des chances dans le cadre de l’appel d’offres organisé par VU et favoriser délibérément Lagardère.

188    Si l’application de l’article 3, paragraphe 5, sous a), du règlement n° 4064/89 avait été refusée, Lagardère aurait été légitimement écartée du processus de sélection des repreneurs des actifs cibles, au lieu d’être admise et avantagée par la Commission, par le fait d’être dispensée de la charge d’une notification immédiate et autorisée à procéder à un paiement immédiat à VU du prix de la vente des actifs cibles.

189    Enfin, l’accord conclu entre VU et Lagardère, par lequel VU aurait accepté la substitution de NBP au véritable acquéreur des actifs cibles aux seules fins d’un contournement du droit des concentrations, restreindrait la concurrence dans le cadre de l’appel d’offres lancé par VU, ou, si VU devait être considérée comme détenant une position dominante sur le marché de la vente des maisons d’édition, constituerait un abus de cette position.

190    La Commission conteste le bien-fondé des arguments avancés par la requérante.

 Appréciation du Tribunal

191    En alléguant l’existence d’une fraude, la requérante soutient que la qualification d’acquisition à titre temporaire de participations dans une entreprise au sens de l’article 3, paragraphe 5, sous a), du règlement n° 4064/89, telle qu’elle a été appliquée au portage des actifs cibles par NBP, procède d’une fraude à la loi au regard de cette disposition. Ce texte aurait été, en effet, détourné de sa finalité et utilisé pour qualifier d’acquisition à titre temporaire de participations une opération constituant en réalité une concentration, au sens de l’article 3, paragraphe 1, sous b), du règlement.

192    Il s’ensuivrait que la décision du 7 janvier 2004 a été obtenue frauduleusement au sens de l’article 8, paragraphe 5, sous a), du règlement n° 4064/89, lequel habilite la Commission dans une telle hypothèse, à révoquer cette décision.

193    Il apparaît toutefois que, sous ces deux aspects, l’argumentation de la requérante ne saurait être accueillie. En effet, comme il résulte de l’examen du premier moyen, il n’a pas été démontré que l’opération de portage des actifs cibles par NBP ait permis à Lagardère d’acquérir sur l’activité liée à ces derniers un contrôle unique ou un contrôle conjoint, avec NBP, constitutif d’une opération de concentration, au sens de l’article 3, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 4064/89.

194    L’opération de portage des actifs cibles par NBP ne peut donc être considérée comme entachée de fraude, de sorte que la décision du 7 janvier 2004 n’était pas sujette à révocation, au sens de l’article 8, paragraphe 5, sous a), du règlement n° 4064/89.

195    Dans ces conditions, aucune fraude n’étant susceptible d’entacher la légalité de la décision du 7 janvier 2004, il ne peut être fait droit au quatrième moyen.

 Sur le cinquième moyen, tiré de la méconnaissance du délai de notification de l’opération de concentration

 Arguments des parties

196    La requérante fait grief à la Commission d’avoir statué sur la compatibilité avec le marché commun de l’opération de concentration, alors que, selon elle, Lagardère avait méconnu l’obligation de notifier les opérations de concentration de dimension communautaire dans le délai d’une semaine fixé par l’article 4, paragraphe 1, du règlement n° 4064/89.

197    Il se serait écoulé, au mieux, 19 semaines entre le contrat de cession et la notification du 14 avril 2003, si le raisonnement de la Commission selon lequel le contrat du 2 décembre 2002 constitue l’accord irrévocable entre les parties à l’opération de concentration devait être admis.

198    La Commission conteste tant la recevabilité que le bien-fondé du moyen.

 Appréciation du Tribunal

199    Aux termes de l’article 4, paragraphe 1, du règlement n° 4064/89, les opérations de concentration de dimension communautaire doivent être notifiées à la Commission dans un délai d’une semaine à compter de la conclusion de l’accord.

200    Il n’est pas contesté que Lagardère n’a pas notifié dans ce délai l’opération de concentration.

201    Toutefois, il y a lieu de relever que la méconnaissance du délai posé par l’article 4, paragraphe 1, du règlement n° 4064/89 n’est assortie d’aucune autre sanction que l’amende, ce qui exclut l’interdiction de l’opération de concentration. En outre, il ne résulte ni de ce texte ni d’aucune autre disposition du règlement n° 4064/89 que la Commission dispose du pouvoir de sanctionner la méconnaissance du délai de notification par les parties à une opération de concentration en adoptant, sur le fondement de l’article 8, paragraphe 3, de ce règlement, une décision constatant l’incompatibilité de cette opération avec le marché commun.

202    Ainsi qu’il se déduit du point 159 ci-dessus, une telle décision ne peut être adoptée qu’au motif que l’opération de concentration en cause crée ou renforce une position dominante ayant comme conséquence qu’une concurrence effective serait entravée de manière significative dans le marché commun ou une partie substantielle de celui-ci, au sens de l’article 2, paragraphe 3, du règlement n° 4064/89.

203    Il s’ensuit que la circonstance que la Commission n’a pas sanctionné la violation par Lagardère du délai prévu par l’article 4, paragraphe 1, du règlement n° 4064/89 n’est pas de nature à entacher d’illégalité la décision du 7 janvier 2004.

204    Il y a donc lieu de rejeter le cinquième moyen comme non fondé, sans qu’il soit besoin, par conséquent, d’examiner, comme le demandait la Commission, la question de la recevabilité dudit moyen.

 Sur le sixième moyen, tiré de la durée excessive du contrôle de la compatibilité avec le marché commun de l’opération de concentration

 Arguments des parties

205    La requérante reproche à la Commission d’avoir adopté la décision du 7 janvier 2004 au terme d’une procédure d’une durée excessive, pendant laquelle le maintien du contrôle commun de Lagardère et de NBP sur l’activité liée aux actifs cibles aurait nécessairement affecté la préservation et le développement d’une concurrence effective, au sens de l’article 2, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 4064/89.

206    Les actifs cibles n’auraient bénéficié d’aucune autonomie concurrentielle pendant au moins sept mois, du fait, d’une part, du caractère tardif de la notification de l’opération de concentration, intervenue avec un retard de quatre mois, et, d’autre part, de la suspension, pendant près de trois mois, du délai de quatre mois dont la Commission disposait, en vertu de l’article 10, paragraphe 3, du règlement n° 4064/89, à compter de l’engagement du contrôle approfondi de l’opération de concentration.

207    La requérante affirme que, au cours des 18 mois écoulés entre l’immobilisation, en décembre 2002, des actifs cibles, du fait de leur détention par Segex/Ecrinvest 4, pour le compte de Lagardère, et l’agrément de Wendel en qualité de repreneur des actifs rétrocédés, intervenu le 30 juillet 2004, aucun autre candidat ne pouvait prétendre au rachat des actifs cibles et aucune décision stratégique ne pouvait être prise pour le développement de ces actifs cibles.

208    De plus, Lagardère aurait détenu sur Ecrinvest 4 une créance importante, lui donnant tous les moyens d’influencer de façon déterminante la conduite de ses affaires, ou tout au moins d’empêcher que les organes de VUP prennent une décision contraire aux intérêts de Lagardère.

209    Pendant près d’un an, Lagardère aurait pu accéder sans aucun contrôle à des informations confidentielles concernant VUP et ses dirigeants. L’interdiction d’accéder aux informations relatives aux actifs cibles, imposée à Lagardère par la décision du 7 janvier 2004, aurait été ainsi privée de tout effet.

210    Dans ces conditions, la Commission ne pouvait, selon la requérante, autoriser l’opération de concentration en se fondant sur l’article 2, paragraphe 2, du règlement n° 4064/89, mais aurait dû l’interdire purement et simplement.

211    La Commission conteste aussi bien la recevabilité du moyen que son bien-fondé.

 Appréciation du Tribunal

212    Le sixième moyen, par lequel la requérante invoque la durée excessive de la procédure de contrôle en ce qu’elle aurait permis à Lagardère, au moyen de l’opération de portage des actifs cibles, d’acquérir, au sens de l’article 3, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 4064/89, le contrôle unique de l’activité liée aux actifs cibles, par l’intermédiaire de NBP, ou son contrôle conjoint, avec NBP, ne peut prospérer.

213    En effet, ledit moyen repose sur l’assertion, non démontrée, comme il résulte de l’examen du bien-fondé du premier moyen, de l’exercice, par Lagardère, sur l’activité liée aux actifs cibles, d’un contrôle unique ou conjoint, avec NBP, au sens de l’article 3, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 4064/89, lequel aurait permis à Lagardère d’immobiliser durablement les actifs cibles.

214    S’agissant de l’allégation de la requérante selon laquelle Lagardère aurait eu libre accès à des informations confidentielles concernant VUP et ses dirigeants, il convient de souligner qu’il résulte de l’article 4, paragraphe 2 , sous ii), i), du contrat de cession que, à l’exception, visée par l’article 4, paragraphe 2, sous i), d), de ce contrat, de l’hypothèse relative à la survenance d’événements majeurs, mentionnés au point 130 ci-dessus, survenance qui n’a, au demeurant, nullement été alléguée par la requérante, et de celle relative à la collecte des informations nécessaires à la constitution du dossier de notification, aux autorités de concurrence compétentes, du projet de rachat des actifs cibles par Lagardère, Ecrinvest 4 s’engageait à ne pas communiquer à Lagardère ni au groupe auquel cette dernière appartenait d’informations sensibles de nature commerciale, stratégique ou concurrentielle sur Investima 10 et Segex se portait fort du respect de cette obligation par Ecrinvest 4.

215    En tout état de cause, la requérante se borne à alléguer, sans le démontrer, le libre accès de Lagardère aux informations confidentielles en cause.

216    Dans ces conditions, il convient de rejeter le sixième moyen comme non fondé, sans qu’il soit besoin d’examiner, comme le demandait la Commission, la question de la recevabilité dudit moyen.

 Sur le septième moyen, tiré de la violation de l’obligation de motivation

 Arguments des parties

217    La requérante soutient que la décision du 7 janvier 2004 n’est pas suffisamment motivée. Elle ne contiendrait aucune motivation sur les points suivants :

–        l’application de l’article 3, paragraphe 5, sous a), du règlement n° 4064/89, malgré le non-respect de ses conditions d’application ;

–        la qualification du contrôle acquis par Lagardère sur VUP de contrôle unique, au sens de l’article 3, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 4064/89 ;

–        le défaut d’examen du rôle d’Albin Michel et de la soustraction d’Éditions Larousse, d’Éditions Dalloz et d’Éditions Dunod du nombre des clients de l’unité de distribution d’Editis ;

–        l’adoption d’une autorisation de l’opération notifiée sous conditions, de préférence à une interdiction, malgré le renforcement de la position de Lagardère sur plusieurs marchés.

218    Par ailleurs, selon la requérante, les positions de départ occupées sur les marchés concernés par les parties à l’opération de concentration, que la Commission prétend avoir prises en compte pour conclure à l’existence ou non d’une création ou d’un renforcement de positions dominantes, n’apparaissent pas à la lecture de la décision du 7 janvier 2004.

219    Alors que la Commission consacrerait près de 234 des 275 pages de la décision du 7 janvier 2004 à l’analyse de l’opération de concentration, qui n’aurait pas eu lieu en l’état, elle limiterait à quatre pages l’analyse des engagements de Lagardère de rétrocéder des actifs cibles correspondant à environ 80 % du chiffre d’affaires réalisé par VUP sur les marchés de l’édition francophone.

220    De plus, le considérant 995 de la décision du 7 janvier 2004 serait incompréhensible, tant sur les positions de départ occupées par les parties sur les marchés concernés que sur la présence du nouvel ensemble après les rétrocessions d’actifs cibles. La seule indication de part de marché contenue dans ce considérant porterait sur la part du nouvel ensemble après l’opération, mais avant ces rétrocessions.

221    La requérante ajoute que l’ambiguïté, voire le caractère sibyllin, de la partie de la décision du 7 janvier 2004 consacrée à l’analyse des effets « postengagements » de la concentration sur le marché des dictionnaires est telle qu’elle ne permet pas de cerner avec précision le raisonnement qui a conduit la Commission à valider les engagements de Lagardère sur ce marché et à autoriser l’opération sous réserve du respect de ces engagements. La décision du 7 janvier 2004 ne comporterait aucune analyse de l’acquisition d’Éditions Larousse par Lagardère.

222    Enfin, la décision du 7 janvier 2004 ne permettrait pas de comprendre quel serait l’impact financier de la perte pour Editis de 40 % de ses actifs cibles et, réciproquement, de l’impact de ces actifs sur la force de Lagardère, dès lors que celle-ci demeurerait le seul groupe ayant une dimension conglomérale.

223    La Commission conteste le bien-fondé des arguments avancés par la requérante.

 Appréciation du Tribunal

224    Selon une jurisprudence constante, la portée de l’obligation de motivation dépend de la nature de l’acte en cause et du contexte dans lequel il a été adopté. La motivation doit faire apparaître de manière claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, de façon, d’une part, à fournir aux intéressés une indication suffisante pour savoir si l’acte est fondé ou s’il est éventuellement entaché d’un vice permettant d’en contester la validité et, d’autre part, à permettre au Tribunal d’exercer son contrôle de légalité (arrêt de la Cour du 14 février 1990, Delacre e.a./Commission, C‑350/88, Rec. p. I‑395, point 15, et arrêt du Tribunal du 20 novembre 2002, Lagardère et Canal +/Commission, T‑251/00, Rec. p. II‑4825, point 155).

225    Il ne saurait toutefois être exigé que la motivation d’un acte spécifie tous les différents éléments de fait et de droit pertinents. En effet, la question de savoir si cette motivation est suffisante doit être appréciée au regard non seulement du libellé de l’acte, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (arrêt de la Cour du 22 avril 2008, Commission/Salzgitter, C‑408/04 P, Rec. p. I‑2767, point 56, et arrêt du Tribunal du 27 septembre 2005, Common Market Fertilizers/Commission, T‑134/03 et T‑135/03, Rec. p. II‑3923, point 156).

226    Lorsqu’elle exerce son pouvoir de contrôle des opérations de concentration, la Commission ne viole pas son obligation de motivation si elle n’assortit pas sa décision d’une motivation précise quant à l’appréciation d’aspects de la concentration qui lui semblent manifestement hors de propos, dépourvus de signification ou clairement secondaires pour l’appréciation de cette dernière. Une telle exigence serait en effet difficilement compatible avec l’impératif de célérité et les brefs délais de procédure qui s’imposent à la Commission lorsqu’elle exerce son pouvoir de contrôle des opérations de concentration et qui font partie des circonstances particulières d’une procédure de contrôle de ces opérations (arrêt de la Cour du 10 juillet 2008, Bertelsmann et Sony Corporation of America/Impala, C‑413/06 P, Rec. p. I‑4951, point 167).

227    Il en résulte que, lorsque la Commission déclare une opération de concentration compatible avec le marché commun, sur le fondement de l’article 8, paragraphe 2, du règlement nº 4064/89, cette décision est suffisamment motivée si elle expose clairement les raisons pour lesquelles la Commission considère que la concentration, le cas échéant, après les modifications apportées, comme en l’espèce, par les entreprises concernées, ne crée pas ou ne renforce pas une position dominante ayant comme conséquence qu’une concurrence effective serait entravée de manière significative dans le marché commun ou une partie substantielle de celui-ci (arrêt Bertelsmann et Sony Corporation of America/Impala, précité, point 168).

228    À cet égard, s’il est vrai que la Commission n’est pas tenue, dans la motivation des décisions adoptées en application du règlement n° 4064/89, de prendre position sur tous les éléments et arguments invoqués devant elle, y compris ceux de ces éléments qui sont clairement secondaires pour l’appréciation à livrer, il n’en demeure pas moins qu’elle doit exposer les faits et les considérations juridiques revêtant une importance essentielle dans l’économie de la décision. En outre, la motivation doit être logique et, notamment, ne pas présenter de contradiction interne (arrêt Bertelsmann et Sony Corporation of America/Impala, précité, point 169).

229    Enfin, le défaut ou l’insuffisance de motivation constitue un moyen tiré de la violation des formes substantielles, distinct, en tant que tel, du moyen pris de l’inexactitude des motifs de la décision, dont le contrôle relève de l’examen du bien-fondé de cette décision (arrêts de la Cour du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, Rec. p. I‑1719, point 67, et du Tribunal du 12 décembre 2006, Asociación de Estaciones de Servicio de Madrid et Federación Catalana de Estaciones de Servicio/Commission, T‑95/03, Rec. p. II‑4739, point 107).

230    C’est au vu de ces principes qu’il convient d’examiner les griefs formulés par la requérante dans le cadre de son septième moyen.

231    En premier lieu, il y a lieu de relever que la Commission est compétente pour constater la compatibilité avec le marché commun des opérations de concentration de dimension communautaire, au sens de l’article 1er, paragraphe 1, du règlement n° 4064/89, qui lui sont notifiées ou qui auraient dû lui être notifiées conformément à l’article 4, paragraphe 1, de ce même règlement.

232    Dès lors que l’opération de portage des actifs cibles par Investima 10 ne constituait pas une opération de concentration, ainsi qu’il résulte de l’examen du premier moyen, aucune notification auprès de la Commission n’était prescrite.

233    L’opération de portage des actifs cibles n’étant pas l’opération de concentration sur laquelle a porté le contrôle de compatibilité avec le marché commun opéré par la Commission dans la décision du 7 janvier 2004, cette institution n’était pas tenue de motiver la qualification qu’elle a appliquée au portage des actifs cibles d’acquisition de participations dans une entreprise en vue de leur revente, au sens de l’article 3, paragraphe 5, sous a), du règlement n° 4064/89.

234    En deuxième lieu, les raisons pour lesquelles la Commission a exclu d’interdire l’opération de concentration se déduisent des considérants 989 à 1003 de la décision du 7 janvier 2004, lesquels expliquent à suffisance de droit les raisons qui ont conduit la Commission à décider l’autorisation conditionnelle de cette opération en vertu de l’article 2, paragraphe 2, et de l’article 8, paragraphe 2, du règlement n° 4064/89.

235    La Commission expose, en substance, dans les considérants précités, que la rétrocession d’une part des actifs cibles représentant 60 à 70 % du chiffre d’affaires mondial de VUP et 70 à 80 % du chiffre d’affaires réalisé par VUP sur les marchés francophones concernés par l’opération de concentration aura pour effet d’éliminer les chevauchements horizontaux, entre les activités des parties à l’opération, sur l’ensemble des marchés francophones sur lesquels l’opération de concentration crée ou renforce une position dominante.

236    La Commission ajoute que, dans l’hypothèse, ultérieurement avérée, de la cession à un repreneur unique de tous les actifs rétrocédés, la grande majorité des effets verticaux et congloméraux de l’opération seront éliminés par les rétrocessions consenties.

237    En troisième lieu, les considérants 6 et 7 de la décision du 7 janvier 2004 exposent à suffisance de droit les raisons pour lesquelles la qualification d’acquisition de contrôle unique, au sens de l’article 3, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 4064/89, a été donnée par la Commission à l’opération de concentration : ces deux considérants relèvent que, après l’autorisation par la Commission de l’opération de concentration, Lagardère deviendra propriétaire de la totalité du capital d’Investima 10, détentrice à titre provisoire des actifs cibles pendant la durée du contrôle approfondi de l’opération de concentration.

238    En quatrième lieu, les allégations de la requérante concernant le défaut de mention de l’examen du rôle d’Albin Michel sont contredites par les nombreux passages de la décision du 7 janvier 2004 consacrés à l’exposé de la position spécifique que cette société occupe dans le secteur de l’édition francophone, ainsi qu’il résulte des points 265 à 268 ci-après.

239    La même conclusion s’impose à l’égard des positions de départ occupées par les parties à l’opération de concentration sur les différents marchés concernés par cette opération, sur lesquelles la décision du 7 janvier 2004 comporte des explications suffisantes, comme il apparaît à la lecture des points 250 et 251 ci‑après.

240    Enfin et en cinquième lieu, le grief tiré de l’insuffisance de motivation de la soustraction d’Éditions Larousse, d’Éditions Dalloz et d’Éditions Dunod du nombre des clients de l’unité de distribution d’Editis, de la rétrocession par Lagardère des actifs cibles d’Editis représentant 70 à 80 % du chiffre d’affaires réalisé par VUP sur les marchés francophones de l’édition, de l’impact financier de la perte pour Editis d’actifs cibles représentant 40 % du chiffre d’affaires mondial de VUP et, enfin, de l’acquisition d’Éditions Larousse par Lagardère vise en réalité la contestation du bien-fondé de la décision du 7 janvier 2004 et, sera par conséquent examiné dans le cadre des huitième et neuvième moyens.

241    Il s’ensuit que le septième moyen, tiré d’une violation de l’obligation de motivation, doit être rejeté.

 Sur le huitième moyen, tiré de l’existence d’erreurs manifestes dans l’appréciation de la puissance économique réelle des parties à l’opération de concentration

242    La requérante reproche à la Commission d’avoir commis des erreurs manifestes d’appréciation en omettant :

–        d’analyser les pouvoirs de marché individuels des parties à l’opération de concentration ;

–        d’additionner les parts de marché d’Albin Michel à celles de Lagardère ;

–        d’apprécier les conséquences du démantèlement d’Editis ;

–        d’évaluer à suffisance de droit les effets de gammes et les effets congloméraux induits par l’opération de concentration.

 Défaut d’analyse des pouvoirs de marché individuels des parties à l’opération de concentration

–       Arguments des parties

243    La requérante reproche à la Commission de ne pas avoir analysé les pouvoirs de marché individuels de Lagardère et de VUP. La prise en compte de leurs positions de départ respectives aux fins de la détermination de l’existence d’une position dominante ou de son renforcement ne résulterait pas de la lecture de la décision du 7 janvier 2004.

244    En particulier, la décision du 7 janvier 2004 ne comporterait aucune analyse de la situation individuelle de Hachette au-delà de ses parts de marché et la Commission paraîtrait faire dépendre l’existence d’une position dominante des seules parts de marché détenues par la future entité à l’issue de l’opération, sans se prononcer clairement sur le point de savoir si VUP ou Lagardère étaient individuellement en position dominante.

245    De plus, le considérant 995 de la décision du 7 janvier 2004 serait incompréhensible, tant sur les positions des parties à l’opération de concentration que sur la position du nouvel ensemble après les rétrocessions d’actifs cibles. La seule indication de parts de marché contenue dans ce considérant se rapporterait à la position du nouvel ensemble après l’opération, mais avant lesdites rétrocessions.

246    En particulier, l’ambiguïté, relevée au point 221 ci-dessus, de l’analyse opérée par la Commission, dans la décision du 7 janvier 2004, des effets produits par l’opération de concentration sur le marché des dictionnaires, postérieurement aux engagements consentis par Lagardère, ne permettrait pas de cerner avec précision le raisonnement qui a conduit la Commission à les valider et à autoriser l’opération sous réserve de leur respect.

247    La Commission conteste le bien-fondé des arguments avancés par la requérante.

–       Appréciation du Tribunal

248    Il convient de rappeler, à titre liminaire, que les règles de fond du règlement nº 4064/89 et, en particulier, son article 2, confèrent à la Commission un certain pouvoir discrétionnaire, notamment pour ce qui est des appréciations d’ordre économique. Le contrôle par le Tribunal de l’exercice d’un tel pouvoir, qui est essentiel dans la définition des règles en matière de concentrations, doit donc être effectué compte tenu de la marge d’appréciation que sous-tendent les normes de nature économique du régime des concentrations (arrêts de la Cour du 31 mars 1998, France e.a./Commission, C‑68/94 et C‑30/95, Rec. p. I‑1375, points 223 et 224 ; du 15 février 2005, Commission/Tetra Laval, C‑12/03 P, Rec. p. I‑987, point 38, et du 18 décembre 2007, Cementbouw Handel & Industrie/Commission, C‑202/06 P, Rec. p. I‑12129, point 53).

249    Si le Tribunal reconnaît à la Commission une marge d’appréciation en matière économique, cela n’implique pas qu’il doive s’abstenir de contrôler l’interprétation, par la Commission, des données de nature économique. En effet, il doit non seulement vérifier l’exactitude matérielle des éléments de preuve invoqués, leur fiabilité et leur cohérence, mais également contrôler si ces éléments constituent l’ensemble des données pertinentes devant être prises en considération pour apprécier une situation complexe et s’ils sont de nature à étayer les conclusions qui en sont tirées. Un tel contrôle est d’autant plus nécessaire s’agissant d’une analyse prospective requise par l’examen d’un projet de concentration produisant un effet de conglomérat (arrêt Commission/Tetra Laval, précité, point 39).

250    En l’espèce, il convient d’abord de relever que c’est à tort que la requérante allègue que la Commission, dans la décision du 7 janvier 2004, n’a pas procédé à l’analyse des positions initiales que les parties à l’opération de concentration occupaient respectivement sur les marchés concernés, aux fins de vérifier si cette opération y créait ou y renforçait une position dominante.

251    L’analyse concurrentielle de l’opération de concentration, figurant aux considérants 404 à 992, constituant la section VI de la décision du 7 janvier 2004, révèle que la Commission a déterminé les parts de marché détenues par Hachette et VUP antérieurement à l’opération de concentration sur les marchés sectoriels concernés.

252    Dans cette analyse, la Commission a également tenu compte des effets horizontaux de l’opération de concentration, de ses effets verticaux et congloméraux, et des contre-pouvoirs susceptibles de contenir la puissance de l’entité fusionnée.

253    C’est à tort, ensuite, que la requérante soutient que le considérant 995 de la décision du 7 janvier 2004 ne permet pas de comprendre les positions de départ occupées sur le marché des dictionnaires par les parties à l’opération de concentration et qu’il ne comporte pas d’indications sur la position de l’entité fusionnée après les rétrocessions d’actifs.

254    D’une part, le considérant 995 de la décision du 7 janvier 2004 n’a pas pour objet de définir les positions initiales de Lagardère et de VUP, dont la détermination ressort, notamment, des considérants 897 à 899 de ladite décision.

255    D’autre part, la Commission relève, au même considérant, que l’opération de concentration aurait conduit, à défaut de mesures correctives, au renforcement, sur l’ensemble des marchés de la vente de dictionnaires, de la position dominante de VUP par l’adjonction de la position de Hachette Livre, créant ainsi un quasi‑monopole avec une part de marché comprise entre [90 et 100 %].

256    Mais, poursuit la Commission, en raison de la rétrocession à un tiers, par Lagardère, des actifs cibles, à l’exception d’Éditions Larousse, et du maintien de Hachette Livre auprès de Lagardère, l’entité fusionnée, comprenant Hachette Livre et Éditions Larousse, aura en définitive une part de marché inférieure à celle que VUP détenait avant l’opération de concentration et qui était susceptible de caractériser une position dominante.

257    Comme le relève la Commission, au considérant 995 de la décision du 7 janvier 2004, l’engagement proposé par Lagardère permettra donc bien « l’émergence d’un concurrent dont les parts de marché seront supérieures à celle de Hachette Livre avant la concentration ».

258    Il n’apparaît donc pas que la décision du 7 janvier 2004 soit entachée de l’erreur manifeste d’appréciation visée par le premier grief.

259    Il convient donc de rejeter ce grief.

 Absence d’addition des parts de marché d’Albin Michel et de Lagardère

–       Arguments des parties

260    La requérante considère que la Commission aurait dû ajouter la part de marché d’Albin Michel à celle de Lagardère pour pouvoir apprécier de manière exacte le pouvoir de marché de Lagardère avant et après l’opération de concentration. Toute la décision du 7 janvier 2004 décrirait une situation de dépendance économique d’Albin Michel à l’égard de Lagardère/Hachette. Associée à l’existence de liens capitalistiques entre les deux entreprises, cette situation serait susceptible de caractériser l’existence d’une influence déterminante de Lagardère sur Albin Michel.

261    En ne retenant pas l’existence d’un véritable contrôle de Lagardère sur Albin Michel, la Commission aurait fait une appréciation erronée de la situation, alors que tous les éléments permettaient de retenir l’existence d’un tel contrôle et d’additionner ainsi leurs parts de marché respectives. Si la Commission avait tenu compte de cette situation, elle aurait apprécié différemment les effets de l’opération non seulement sur le plan horizontal, mais également sur les plans vertical et congloméral.

262    Ainsi, la suppression quasi totale des chevauchements d’activités des parties à l’opération de concentration, en vertu des engagements de Lagardère, n’aurait pas été susceptible de régler tous les problèmes verticaux et congloméraux créés par l’opération de concentration. Ceux-ci n’auraient pu être que renforcés par l’intégration des parts de marché d’Albin Michel et de Lagardère/Hachette.

263    La Commission conteste le bien-fondé des arguments avancés par la requérante.

–       Appréciation du Tribunal

264    Il ressort, certes, de la décision du 7 janvier 2004 que, d’une part, la diffusion des ouvrages d’Albin Michel est réalisée pour une partie significative par Hachette Livre et, d’autre part, Albin Michel détient une participation de 20 % dans le capital de la filiale d’édition au format de poche contrôlée par Hachette Livre, Librairie générale française, ce qui fait de cette dernière l’éditeur au format de poche privilégié des livres en grand format édités par Albin Michel.

265    Toutefois, la décision du 7 janvier 2004 contient une série d’éléments factuels, non contestés par la requérante, de nature à établir qu’Albin Michel conserve une indépendance de comportement significative vis-à-vis de Hachette Livre.

266    La Commission relève ainsi, au considérant 55 de la décision du 7 janvier 2004, qu’Albin Michel procède à sa propre diffusion, sur le marché des services de diffusion, s’agissant des librairies les plus importantes et assure, par l’intermédiaire de sa filiale Dilisco SA la distribution, en particulier, pour les livres scolaires, de ses propres ouvrages, ainsi que celle des ouvrages d’éditeurs tiers. Albin Michel, relève encore la Commission au considérant 57 de la décision du 7 janvier 2004, détient une participation de 54 % dans le capital de Le grand livre du mois SA, sur le marché de la vente en clubs de livres. La Commission précise enfin, au considérant 116 de la décision du 7 janvier 2004, qu’Albin Michel diffuse ses livres auprès des plus grandes librairies et diffuse et distribue elle-même une grande partie de ses livres scolaires.

267    Ainsi qu’il ressort du considérant 583 de la décision du 7 janvier 2004, Albin Michel a pu, en sa qualité de « plus grand éditeur client des services de diffusion et de distribution pour le compte de tiers, jouer sur la rivalité entre Hachette Livre et VUP ».

268    Enfin, comme il ressort du considérant 480 de la décision du 7 janvier 2004, dont la teneur n’est pas contestée par la requérante, Albin Michel détient sur le marché primaire des droits étrangers de livres de littérature générale une part de marché comprise entre 40 et 50 %, contre une part de marché cumulée de VUP et de Hachette Livre de 25 à 35 %.

269    C’est donc à tort que la requérante soutient que tous les éléments devaient conduire la Commission à retenir l’existence d’un contrôle d’Albin Michel par Hachette, imposant l’addition de leurs parts de marché respectives.

270    À supposer même que la Commission ait été tenue d’additionner les parts de marché d’Albin Michel et de Hachette Livre définies dans la décision du 7 janvier 2004, la requérante n’a pas établi que l’analyse économique de l’impact de la concentration notifiée sur les marchés affectés aurait pu en être modifiée.

271    D’une part, les actifs conservés, conformément au considérant 989 de la décision du 7 janvier 2004, sont présents sur un marché sectoriel dont Albin Michel est absent. Ainsi, Grupo Anaya n’a aucune activité sur les marchés francophones de l’édition. Éditions Larousse exerce ses activités sur le marché de la vente de dictionnaires par les éditeurs aux revendeurs et Éditions Dalloz et Éditions Dunod, ainsi que les fonds universitaires, sont des actifs cibles dans l’édition des livres universitaires et professionnels.

272    Or, comme il ressort du considérant 52 de la décision du 7 janvier 2004, Albin Michel est principalement actif sur les marchés francophones des droits d’édition, de la vente de livres aux revendeurs, de la diffusion, de la distribution de livres scolaires et de la vente en clubs de livres.

273    D’autre part, l’ampleur des rétrocessions d’actifs cibles exigées de Lagardère neutralise l’incidence de la présence d’Albin Michel sur les marchés affectés par l’opération de concentration. Ainsi, Lagardère a dû rétrocéder les actifs cibles sur le marché primaire des droits français de livres de littérature générale, où les parts de marché cumulées de Hachette Livre (30 à 35 %) et de VUP (15 à 20 %) étaient comprises dans une fourchette allant de 45 à 55 %.

274    Du fait de ces rétrocessions d’actifs cibles, il n’apparaît pas que l’opération de concentration emporte sur ce marché sectoriel la création d’une position dominante ayant pour effet une entrave significative à la concurrence au sens de l’article 2, paragraphe 3, du règlement n° 4064/89, que la part de 10 à 15 % détenue sur ce marché par Albin Michel, selon le considérant 442 de la décision du 7 janvier 2004, ait été ou non préalablement intégrée à celle de Hachette Livre aux fins de la constatation préalable de la création d’une position dominante sur ce marché.

275    Il y a donc lieu de rejeter le deuxième grief en tout état de cause.

 Absence d’appréciation des conséquences du démantèlement d’Editis

–       Arguments des parties

276    La requérante soutient que l’analyse des engagements de Lagardère obligeait la Commission à vérifier, plus généralement, que la préservation et le développement d’une concurrence effective ne risquaient pas d’être compromis par la mise en œuvre de ces engagements. Or, la Commission se serait abstenue d’analyser les conséquences du démantèlement de VUP en deux entités inégales, du fait de l’achat des actifs assorti d’une revente de 60 % de ces derniers.

277    La communication de la Commission concernant les mesures correctives recevables conformément au règlement n° 4064/89 et au règlement (CE) n° 447/98 de la Commission (JO 2001, C 68, p. 3) (ci‑après la « communication concernant les mesures correctives ») ne viserait pas l’hypothèse du démantèlement d’un concurrent existant comme constituant un remède à la création d’une position dominante, mais n’évoquerait l’hypothèse d’une cession d’actifs qu’en vue de la création d’une nouvelle entité concurrentielle ou du renforcement de concurrents existants.

278    En considérant que les engagements de Lagardère conduisent à l’élimination de la quasi-totalité des chevauchements horizontaux entre les activités des parties à l’opération de concentration sur l’ensemble des marchés francophones où l’opération crée ou renforce une position dominante, la Commission aurait omis d’intégrer dans son raisonnement la supériorité de la part de marché détenue par la nouvelle entité Hachette sur celle que possédait Lagardère ou VUP antérieurement à l’opération de concentration. Celle-ci permettrait en effet à Lagardère d’acquérir 40 % de son principal concurrent et renforcerait donc automatiquement sa position globale sur les marchés concernés. Il ne serait pas acquis que le cessionnaire des 60 % restants d’Editis serait en mesure d’exercer une pression concurrentielle semblable à celle qui prévalait avant l’opération de concentration.

279    La Commission ne pourrait affirmer que Nouvel Editis sera dotée des ressources managériales, éditoriales et de support nécessaires pour concurrencer efficacement Lagardère. Le démantèlement d’Editis aurait creusé un fossé entre les deux groupes d’édition : alors que VUP et Lagardère réalisaient respectivement des chiffres d’affaires de 958 millions et 928 millions d’euros en 2003, Hachette Livre aurait réalisé en 2004, à la suite de l’opération de concentration, un chiffre d’affaires de 1 550 millions d’euros, contre 696 millions d’euros pour l’ensemble après rétrocession.

280    L’avantage ainsi pris par Lagardère sur son principal concurrent en termes de volume d’activité et de puissance financière n’aurait pas pu être considéré comme sans importance. Selon le point 36 des lignes directrices sur l’appréciation des concentrations horizontales (JO 2004, C 31, p. 5), la Commission pourrait « tenir compte, entre autres, de la puissance financière de la nouvelle entité par rapport à ses concurrents ».

281    En outre, Éditions Larousse, Armand Colin, Éditions Dunod et Éditions Dalloz, qui devaient rejoindre Lagardère dans le secteur de la distribution en 2006, représenteraient 13 % de l’activité logistique de distribution et le manque à gagner représenté par leur départ serait de 122 millions d’euros de chiffre d’affaires sur les 714 millions actuellement dégagés par l’activité logistique. Il faudrait attendre plusieurs années pour que Nouvel Editis puisse espérer sortir de la crise causée par cette perte. La décision du 7 janvier 2004 aurait ainsi infligé à Nouvel Editis un handicap concurrentiel majeur, en lui laissant un outil de distribution en situation de grave sous-exploitation, génératrice de surcoûts et d’une grave distorsion de concurrence.

282    En permettant l’émergence d’une telle situation, la Commission aurait ignoré que la rivalité entre deux concurrents de taille égale tels que Lagardère et Hachette, d’une part, et VUP, d’autre part, constituait le principal moteur de la concurrence sur le marché. Si deux concurrents animent un marché donné, voire l’ensemble d’un secteur, la Commission ne saurait légitimement diminuer la capacité concurrentielle d’un concurrent au profit d’un autre, en prenant les risques d’affecter une concurrence qui s’avère effective.

283    La Commission conteste le bien-fondé des arguments avancés par la requérante.

–       Appréciation du Tribunal

284    Il convient de rappeler que l’article 8, paragraphe 3, du règlement n° 4064/89 ne permet à la Commission de déclarer une opération de concentration incompatible avec le marché commun que pour autant que cette opération crée ou renforce, au sens de l’article 2, paragraphe 3, de ce règlement, une position dominante ayant comme conséquence qu’une concurrence effective serait entravée de manière significative dans le marché commun ou une partie substantielle de celui-ci.

285    La Commission ne pouvait donc constater l’incompatibilité de l’opération de concentration au seul motif qu’elle avait pour conséquence de modifier la position initiale des parties en cause sur les différents marchés sectoriels affectés par la réalisation de ladite opération.

286    En outre, la question de savoir si la rétrocession à un repreneur des actifs cibles à l’origine de 60 % du chiffre d’affaires global de VUP et la conservation par Lagardère des actifs cibles résiduels constitue ou non un démantèlement de cette entreprise est inopérante, car cette notion ne constitue pas, en elle-même, un critère susceptible de permettre d’identifier la création ou le renforcement de positions dominantes ayant pour conséquence qu’une concurrence effective serait entravée de manière significative dans le marché commun ou une partie substantielle de celui-ci.

287    Les arguments tirés par la requérante de l’écart qui s’est prétendument accru entre les chiffres d’affaires de Lagardère et de son principal concurrent ne sont pas davantage de nature à démontrer que l’émergence de l’entité fusionnée issue de la décision du 7 janvier 2004 ait eu pour effet de créer ou de renforcer sur les marchés concernés une position dominante entraînant, sur ces marchés, une entrave significative à la concurrence au sens de l’article 2, paragraphe 3, du règlement n° 4064/89.

288    À eux seuls, les chiffres d’affaires globaux des deux entités en présence ne peuvent servir d’indications pertinentes, dès lors que la création ou le renforcement d’une position dominante ne peut s’apprécier que par rapport à un marché sectoriel bien défini (arrêt de la Cour du 21 février 1973, Europemballage et Continental Can/Commission, 6/72, Rec. p. 215, point 32). Or, la requérante n’a pas défini au préalable les marchés sectoriels sur lesquels les deux entités en présence ont réalisé leurs chiffres d’affaires respectifs.

289    Par ailleurs, ces derniers sont postérieurs à la décision du 7 janvier 2004 et ne peuvent donc constituer les critères à l’aune desquels il est possible d’apprécier la légalité de celle-ci. En effet, selon une jurisprudence constante, la légalité d’un acte individuel doit être appréciée en fonction des éléments de fait et de droit existant à la date de son adoption (arrêt du Tribunal du 4 juillet 2006, easyJet/Commission, T‑177/04, Rec. p. II‑1931, point 204).

290    Au demeurant, l’allégation de démantèlement d’Editis n’est nullement étayée. Elle est même implicitement démentie par la requérante elle-même, qui a soutenu que les rétrocessions d’actifs cibles proposées par Lagardère et acceptées par la Commission portaient sur la quasi-totalité des actifs cibles faisant l’objet de l’opération de concentration et que la renonciation par Lagardère à 80 % des actifs francophones qu’elle prétendait acquérir équivalait à une interdiction de l’opération de concentration.

291    Ainsi que le relève la Commission, la séparation en deux entreprises concurrentes de l’entité résultant de cette opération apparaît plutôt comme la création, à côté de Lagardère, même renforcée à raison de 40 % des actifs cibles d’Editis, d’une nouvelle entité concurrentielle adossée à la puissance du repreneur.

292    C’est également à tort que la requérante reproche à la Commission de ne pas avoir tenu compte de ce que la part de marché de la nouvelle entité Hachette serait supérieure à celle que possédait Lagardère ou VUP antérieurement à l’opération de concentration. Comme le soutient à juste titre la Commission, la requérante ne peut utilement développer un tel argument sans se référer aux différents marchés sectoriels affectés par l’opération de concentration, dans le cadre desquels les possibilités de concurrence doivent être mesurées (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 9 novembre 1983, Nederlandsche Banden-Industrie-Michelin/Commission, 322/81, Rec. p. 3461, point 37).

293    En tout état de cause, la requérante ne peut reprocher à la Commission d’avoir omis, dans la décision du 7 janvier 2004, d’apprécier les conséquences du prétendu démantèlement d’Editis sur la capacité de celle-ci à exercer une pression concurrentielle semblable à celle qui prévalait avant l’opération de concentration, dès lors qu’une telle appréciation dépend de la capacité du repreneur des actifs rétrocédés à maintenir ou à développer une concurrence effective, conformément au paragraphe 10, sous b), des engagements de Lagardère, repris à l’annexe II de la décision du 7 janvier 2004.

294    Le Tribunal n’a pas été, dans le cadre du présent recours, destinataire des informations relatives aux ressources managériales, éditoriales et de support nécessaires pour concurrencer efficacement Lagardère. Il lui est donc impossible de considérer le présent grief comme dissociable de la critique que la requérante dirige contre la décision du 30 juillet 2004, par laquelle la Commission a ultérieurement agréé Wendel comme repreneur de Nouvel Editis et qui fait l’objet du recours en annulation introduit par la requérante contre cette dernière décision, sous la référence T‑452/04. Ainsi que la requérante le soutient elle-même dans l’exposé du neuvième moyen reproduit au point 334 ci-après, l’identité du repreneur conditionne substantiellement l’efficacité des rétrocessions d’actifs cibles consenties par Lagardère.

295    Dans ces conditions, le troisième grief doit être rejeté.

 Analyse insuffisante des effets de gamme et des effets congloméraux

–       Arguments des parties

296    La requérante rappelle que, au-delà de l’analyse concurrentielle marché par marché fondée sur l’examen de la position des parties à l’opération de concentration, la Commission doit également examiner la situation concurrentielle globale en tenant compte du portefeuille de marques du nouvel ensemble et des parts de marché importantes que cet ensemble détient sur de nombreux marchés des produits concernés.

297    La Commission, dans la décision du 7 janvier 2004, n’aurait pas analysé les effets qu’aurait pu entraîner sur la concurrence le regroupement au sein d’une seule entreprise d’un portefeuille de marques sans équivalent. Associée à Éditions Dunod, à Éditions Dalloz et aux autres marques prestigieuses de Lagardère, l’adjonction d’Éditions Larousse au portefeuille du nouvel ensemble aurait pourtant nécessité, à elle seule, une analyse concurrentielle approfondie.

298    Les remèdes envisagés par la Commission dans la décision du 7 janvier 2004 ne résoudraient pas tous les problèmes de chevauchement ou de concurrence. Ainsi, Lagardère aurait été autorisée à conserver les dictionnaires édités par Éditions Larousse, malgré l’adjonction des parts de marché de VUP (90 à 100 %) et de Hachette (5 à 10 %), renforçant une position déjà largement dominante.

299    Nouvel Editis se trouverait exclue, du fait de son détachement de VU, de l’accès à toutes les ressources conglomérales de Lagardère, caractérisée par sa présence sur tous les marchés des médias. Or, Lagardère/Hachette aurait toujours misé sur la puissance exceptionnelle que lui confère cette présence sur de multiples marchés dans le domaine de la culture et de la communication pour asseoir et renforcer sa position unique et très privilégiée dans ce secteur.

300    Avec la perte de l’espagnol Grupo Anaya, Nouvel Editis serait devenue un concurrent purement français. Seule Lagardère pourrait désormais prétendre opérer sur les marchés internationaux non francophones, lesquels constituent des sources de revenus majeures permettant une diversification géographique essentielle pour limiter l’impact des conjonctures économiques nationales sur le chiffre d’affaires et les bénéfices d’un groupe d’édition.

301    La Commission conteste le bien-fondé des arguments avancés par la requérante.

–       Appréciation du Tribunal

302    Il convient de rappeler que, tant dans l’appréciation d’une position dominante que dans celle des conséquences d’une concentration, la délimitation des marchés sectoriels affectés présente une importance essentielle, les possibilités de concurrence ne pouvant être appréciées qu’en fonction des caractéristiques des produits ou des services en cause (arrêt Europemballage et Continental Can/Commission, précité, point 32).

303    À cette fin, les possibilités de concurrence doivent être mesurées dans le cadre du marché regroupant l’ensemble des produits ou des services qui, en fonction de leurs caractéristiques, sont particulièrement aptes à satisfaire des besoins constants et sont peu interchangeables avec d’autres produits ou services (arrêt Nederlandsche Banden-Industrie-Michelin/Commission, précité, point 37).

304    En outre, étant donné que la détermination des marchés sectoriels affectés sert à évaluer la capacité de l’entreprise concernée à faire obstacle au maintien d’une concurrence effective sur ces marchés, il convient de prendre également en considération les conditions de la concurrence et la structure de la demande et de l’offre sur le ou les marchés sectoriels pertinents (arrêt Nederlandsche Banden-Industrie-Michelin/Commission, précité, point 37).

305    Il convient également d’observer que les indices de puissance économique retenus pour appréhender la création ou le renforcement d’une position dominante sur des marchés sectoriels peuvent être complétés par la prise en compte d’effets transversaux susceptibles de renforcer l’impact d’une opération de concentration sur chacun des marchés sectoriels retenus comme pertinents.

306    En effet, il peut s’avérer nécessaire de pondérer l’appréciation relative à un marché particulier à la lumière de la situation concurrentielle existant sur l’ensemble des autres marchés sectoriels de l’État membre concerné (arrêt du Tribunal du 3 avril 2003, BaByliss/Commission, T‑114/02, Rec. p. II‑1279, point 342).

307    En l’espèce, il ne ressort ni de l’analyse de l’impact de l’opération de concentration sur les marchés sectoriels affectés ni des rétrocessions d’actifs cibles exigées de Lagardère que la Commission ait, ainsi que le soutient la requérante, négligé les effets de gamme de l’opération de concentration, en ce compris la panoplie de marques des parties ou les effets congloméraux induits par cette opération.

308    La Commission constate au contraire, dans la décision du 7 janvier 2004, que la forte présence ou la position dominante de l’entité fusionnée sur les différents marchés de la chaîne du livre et son intégration verticale aux différents niveaux de celle-ci vont contribuer à la création de positions dominantes sur les marchés sectoriels affectés.

309    En outre, dans la décision du 7 janvier 2004, la Commission relève à plusieurs reprises le caractère très étendu du portefeuille de marques dont disposera l’entité fusionnée et précise qu’il lui revient d’analyser également les effets congloméraux dans son examen des effets de la concentration notifiée.

310    Par ailleurs, les remèdes apportés par les engagements de rétrocession d’actifs cibles, auxquels la Commission a subordonné l’autorisation de l’opération de concentration, ont pour effet, ainsi qu’il résulte des considérants 993 et suivants de la décision du 7 janvier 2004, de supprimer tout chevauchement de parts de marché des parties à l’opération de concentration, sur l’ensemble des marchés sectoriels affectés par celle-ci, à l’exception du marché des dictionnaires.

311    S’il est exact que Lagardère a été autorisée, sur ce marché, à conserver Éditions Larousse, la requérante ne démontre cependant pas le caractère manifestement inapproprié du remède exposé au considérant 995 de la décision du 7 janvier 2004, tel qu’évoqué aux points 255 et suivants ci-dessus.

312    La requérante ne saurait sérieusement soutenir que l’autorisation de conserver les dictionnaires édités par Éditions Larousse a été accordée à Lagardère malgré l’adjonction de parts de marché de VUP et de Hachette, renforçant une position déjà largement dominante. Ainsi qu’il ressort du considérant 896 de la décision du 7 janvier 2004, VUP détenait Éditions Larousse, Dictionnaires Le Robert SA, SEJER SA (maisons d’édition Bordas et Nathan) et Chambers Harrap Publishers Ltd (dictionnaires Harrap’s) sur le marché français de la vente des dictionnaires aux revendeurs. Du fait des rétrocessions d’actifs cibles exigées de Lagardère, l’entité fusionnée, même renforcée par l’apport d’Éditions Larousse, disposerait en tout état de cause d’une part de marché inférieure à celle de VUP antérieurement à l’opération de concentration.

313    Il n’apparaît donc pas que la Commission ait commis une erreur manifeste d’appréciation en considérant que les engagements de rétrocession de Lagardère, définis au considérant 989 de la décision du 7 janvier 2004 et repris en son annexe II, auraient pour effet, comme l’énonce le considérant 995, in fine, de ladite décision, de permettre au concurrent de l’entité fusionnée de contrôler une part de marché supérieure à celle que contrôlait Hachette Livre avant l’opération de concentration.

314    En outre, il n’apparaît pas erroné de considérer, à l’instar de la Commission, que les effets congloméraux identifiés de l’opération de concentration ne pouvaient apparaître que sur l’assiette très réduite des actifs conservés. De tels effets, parce qu’ils sont liés aux ressources conglomérales de Lagardère, ne peuvent être associés aux actifs rétrocédés.

315    À cet égard, la Commission relève, au considérant 996 de la décision du 7 janvier 2004, que la rétrocession par Lagardère, à un repreneur unique, de 70 à 80 % du chiffre d’affaires de VUP sur les marchés francophones aura pour effet de supprimer la grande majorité des effets verticaux et congloméraux de l’opération de concentration, qui résulte du poids global de l’entité issue de cette opération dans le secteur de l’édition francophone.

316    De même, l’élimination de la quasi-totalité des chevauchements horizontaux entre les activités de Lagardère et de Nouvel Editis sur l’ensemble des marchés francophones affectés par l’opération de concentration conduit à la suppression corrélative des effets de gammes et de cumul de marques auprès de l’entité résultant de l’opération de concentration telle qu’autorisée.

317    Il y a lieu d’ajouter que la requérante n’établit pas en quoi l’absence d’accès de Nouvel Editis aux ressources conglomérales de Lagardère serait de nature à créer ou à renforcer sur les marchés sectoriels concernés, au profit de l’entité constituée par Hachette Livre et les actifs conservés, une position dominante ayant comme conséquence qu’une concurrence effective serait entravée de manière significative dans le marché commun ou une partie substantielle de celui-ci, au sens de l’article 2, paragraphe 3, du règlement n° 4064/89.

318    Il convient, enfin, de rejeter comme dépourvu de pertinence l’argument de la requérante selon lequel, du fait de la perte de Grupo Anaya par Nouvel Editis, seule Lagardère pourrait désormais prétendre opérer sur les marchés internationaux non francophones. En l’absence de toute synergie significative entre les activités éditoriales dans les différents bassins linguistiques, la conservation de ces actifs par Lagardère n’a pas d’effet sur la concurrence sur les marchés francophones.

319    En effet, ainsi que la Commission l’a relevé sans être contredite sur ce point par la requérante, les marchés pertinents sont de dimension géographique nationale ou correspondent à un bassin linguistique tant en raison des barrières linguistiques que des particularités du secteur de l’édition francophone.

320    Il n’est donc pas établi que la Commission ait commis l’erreur manifeste d’appréciation qui lui est reprochée par le présent grief.

321    Il s’ensuit que le quatrième grief doit être rejeté, de même que, par voie de conséquence, le huitième moyen dans son ensemble.

 Sur le neuvième moyen, tiré de l’existence d’erreurs manifestes d’appréciation affectant l’autorisation conditionnelle de l’opération de concentration

322    La requérante reproche à la Commission d’avoir omis de prendre en considération, d’une part, le risque d’une collusion entre Lagardère et le repreneur de Nouvel Editis et, d’autre part, l’éventualité de la sélection d’un acquéreur dépourvu des compétences nécessaires.

 Sur l’omission de prendre en considération le risque de collusion entre Lagardère et le repreneur de Nouvel Editis

–       Arguments des parties

323    La requérante fait grief à la Commission d’avoir omis d’inclure dans la définition des conditions et des charges de l’opération de concentration le risque d’une collusion entre le vendeur et le repreneur des actifs rétrocédés.

324    La possibilité offerte à la deuxième entreprise la plus importante d’un secteur d’influencer le choix de son concurrent constituerait une opportunité pouvant, à elle seule, justifier toutes les opérations et tous les risques pour la concurrence. Il serait ainsi fondamental que le remède approuvé par la Commission soit élaboré de telle sorte que les deux parties ne puissent être incitées à une coopération future.

325    La Commission conteste le bien-fondé des arguments avancés par la requérante.

–       Appréciation du Tribunal

326    Il convient de relever que l’appréciation par la Commission de la compatibilité avec le marché commun d’une opération de concentration qui lui a été notifiée n’implique pas qu’elle tienne compte du risque que les parties à la concentration puissent être amenées à conclure des accords restrictifs de concurrence à la suite de cette concentration, lorsqu’un tel risque est, comme en l’espèce, purement hypothétique.

327    En effet, l’appréciation par la Commission de la compatibilité avec le marché commun d’une opération de concentration entre entreprises doit être effectuée uniquement sur la base des circonstances de fait et de droit existant au moment de la notification de cette opération et non sur la base d’éléments hypothétiques dont la portée économique ne peut être évaluée au moment où intervient la décision d’autorisation (arrêts du Tribunal du 19 mai 1994, Air France/Commission, T‑2/93, Rec. p. II‑323, point 70, et du 8 juillet 2003, Verband der freien Rohrwerke e.a./Commission, T‑374/00, Rec. p. II‑2275, point 170).

328    Le premier grief doit donc être écarté.

 Sur l’omission de prendre en considération l’éventualité du choix d’un repreneur dépourvu des compétences requises

–       Arguments des parties

329    La requérante reproche à la Commission de ne pas avoir tenu compte du risque que la sélection des candidats au rachat des actifs rétrocédés débouche sur le choix d’un acquéreur dépourvu des compétences requises pour conduire efficacement l’activité liée à ces actifs cibles.

330    L’acceptation d’un prix élevé par un repreneur conduirait à s’interroger sur la compétence de l’intéressé par rapport à l’activité qu’il entendrait exercer et sur son efficacité concurrentielle. Imposer un prix élevé aux repreneurs limiterait leur audace concurrentielle et figurerait sans doute parmi les mécanismes les plus efficaces pour obtenir un concurrent docile. Dans certains cas, il serait préférable d’imposer au préalable un prix pour éviter les surenchères réelles ou simulées.

331    La comparaison des conditions d’acceptation du repreneur des actifs rétrocédés, définies au paragraphe 10 de l’annexe II de la décision du 7 janvier 2004, et le texte du point 49 de la communication concernant les mesures correctives révéleraient d’étonnantes lacunes affectant les engagements de Lagardère.

332    Il n’aurait pas été exigé du repreneur qu’il « soit un concurrent actuel ou potentiel », ni qu’il possède « des compétences confirmées et la motivation nécessaire pour pouvoir préserver et développer la capacité de l’activité de concurrencer activement les parties », au sens dudit point 49. À cet égard, l’engagement de Lagardère prévoirait, bien au contraire, qu’un repreneur financier, donc sans expérience, puisse être sélectionné par Lagardère.

333    En outre, l’engagement n’exigerait pas de l’acquéreur potentiel qu’il soit « indépendant des parties et sans aucun lien avec elles », au sens du point 49 de la communication concernant les mesures correctives, mais seulement que « Lagardère ne pourra pas avoir d’intérêts significatifs directs ou indirects dans le ou les cessionnaires », condition beaucoup moins stricte selon la requérante.

334    De plus, il ne serait pas contestable que l’identité du repreneur conditionnerait largement l’efficacité des rétrocessions. Or, dans ce cas, le paragraphe 20 de la communication concernant les mesures correctives recommanderait ce qui suit :

« Dans certains cas, la viabilité de l’ensemble à céder dépend dans une large mesure, compte tenu des actifs qui en font partie, de l’identité de l’acquéreur. La Commission n’autorisera alors la concentration que si les parties s’engagent à ne pas réaliser l’opération notifiée avant d’avoir signé un accord contraignant sur la cession avec un acquéreur (dit ‘acquéreur initial’) approuvé par la Commission. »

335    D’ailleurs, les déclarations de Lagardère confirmeraient que l’engagement est dépourvu des effets contraignants recherchés dans le cadre d’autres décisions de la Commission pour des opérations soulevant moins de problèmes. Lagardère aurait déclaré qu’elle se considérait libre de sélectionner son candidat sur la base du prix auquel celui-ci serait prêt à acheter et à choisir une entreprise française.

336    La situation aurait été sans doute substantiellement modifiée et simplifiée si la Commission avait exigé que NBP soit chargée, à la place de Lagardère, de la vente des actifs rétrocédés à un prix audité par des tiers.

337    La Commission conteste le bien-fondé des arguments avancés par la requérante.

–       Appréciation du Tribunal

338    Ainsi qu’il ressort de l’examen du grief précédent, l’appréciation par la Commission de la compatibilité avec le marché commun d’une opération de concentration entre entreprises doit être effectuée uniquement sur la base des circonstances de fait et de droit existant au moment de la notification de cette opération et non sur la base d’éléments hypothétiques dont la portée économique ne peut être évaluée au moment où intervient la décision d’autorisation (arrêts Air France/Commission, précité, point 70, et Verband der freien Rohrwerke e.a./Commission, précité, point 170).

339    Dans ces conditions, le risque relatif au prix de rachat élevé des actifs rétrocédés ne saurait être pris en considération par le Tribunal pour apprécier la légalité de la décision du 7 janvier 2004.

340    Il convient, en outre, de rappeler que, aux termes du point 49, deuxième phrase, de la communication concernant les mesures correctives, « [l]’acquéreur doit normalement être un concurrent actuel ou potentiel viable, indépendant des parties et sans aucun lien avec elles, qui possède des ressources financières, des compétences confirmées et la motivation nécessaire pour pouvoir préserver et développer la capacité de l’activité de concurrencer activement les parties ».

341    Il n’apparaît pas que les conditions de sélection du repreneur définies au paragraphe 10 des engagements de Lagardère soient, ainsi que le soutient la requérante, incompatibles avec les critères de sélection de l’acquéreur établis au point 49, deuxième phrase, de la communication concernant les mesures correctives.

342    Bien que le paragraphe 10 des engagements de Lagardère n’utilise pas les termes spécifiques de « concurrent actuel ou potentiel » figurant au point 49 de la communication concernant les mesures correctives, il se déduit du paragraphe 10, sous b), de ces engagements, aux termes duquel « [le] ou les cessionnaires devront être des opérateurs […] ayant les incitations économiques de maintenir ou de développer une concurrence effective », que le cessionnaire doit en réalité satisfaire au premier critère.

343    En effet, il résulte dudit paragraphe 10, sous b), que le cessionnaire doit être en mesure de préserver, voire d’augmenter, le niveau de concurrence existant au jour de la cession sur les marchés concernés, ce qui suppose que, à cette date, il soit un concurrent de la partie notifiante ou soit susceptible de le devenir. La condition fixée par le point 49 de la communication concernant les mesures correctives apparaît donc respectée.

344    S’agissant de la possibilité que le cessionnaire puisse être un repreneur financier, en méconnaissance, soutient la requérante, de la règle posée au point 49 de la communication concernant les mesures correctives, selon laquelle l’acquéreur doit posséder « des compétences confirmées et la motivation nécessaire pour pouvoir préserver et développer la capacité de l’activité de concurrencer activement les parties », il convient de relever que la notion de « compétences confirmées » n’est rattachée à aucun secteur d’activité spécifique. En l’absence de précision quant au domaine dans lequel ces compétences doivent présenter un certain degré d’exigence, la condition de l’existence de « compétences confirmées » doit être entendue comme visant à obtenir du candidat à la reprise la garantie qu’il possède une capacité réelle à exercer, dans des conditions de concurrence effective, une activité économique même étrangère au domaine couvert par les activités rétrocédées. Cette interprétation est confirmée par la lettre dudit point 49, dont il ressort que les compétences confirmées doivent permettre « de préserver et de développer la capacité de l’activité de concurrencer activement les parties ».

345    À cet égard, rien ne permet de considérer qu’un repreneur financier soit nécessairement dépourvu de l’expérience requise, alors même que, par ailleurs, ce repreneur a vocation à conserver les dirigeants responsables de la gestion d’actifs représentant 80 % du chiffre d’affaires réalisé sur les marchés concernés.

346    La simple absence d’intérêts significatifs directs ou indirects dans le ou les cessionnaires, telle qu’elle figure au paragraphe 10 des engagements de Lagardère, apparaît compatible avec la condition relative à l’absence de lien entre le repreneur et les parties, posée au point 49 de la communication concernant les mesures correctives, puisque, selon le paragraphe 10 des engagements de Lagardère, la cession ne pourra être réalisée qu’« à un ou plusieurs cessionnaires indépendants de la partie notifiante » et que l’acquisition d’un ou de plusieurs actifs rétrocédés « ne peut être de nature à créer de nouveaux problèmes de concurrence. »

347    En outre, la requérante se borne à avancer, sans le démontrer, que la solution de l’acquéreur initial s’imposait dans le cas d’espèce.

348    L’argument tiré par la requérante des déclarations supposées de Lagardère apparaît inopérant, car ces déclarations ne sauraient remettre en cause les conditions de sélection et d’agrément du repreneur de Nouvel Editis, définies par les paragraphes 10 à 13 des engagements de Lagardère.

349    Enfin, la Commission n’était pas en droit d’imposer que NBP se substitue à Lagardère aux fins de la vente des actifs rétrocédés, dès lors que, en vertu des stipulations du contrat de cession, la propriété en avait été transférée à Lagardère postérieurement à la décision du 7 janvier 2004.

350    Il n’apparaît donc pas que la Commission ait commis les erreurs d’appréciation qui lui sont reprochées.

351    Il y a donc lieu de rejeter le deuxième grief et, par conséquent, le neuvième moyen dans son ensemble.

352    Il résulte de l’ensemble des développements qui précèdent que les conclusions en annulation du présent recours doivent être rejetées dans leur intégralité.

 A ‑ Sur la demande de production de documents et la demande de suspension du délibéré

353    Il apparaît, au vu de l’ensemble des développements qui précèdent, que le Tribunal a pu utilement statuer sur le recours sur la base des conclusions, moyens et arguments que les parties ont développés au cours de la procédure tant écrite qu’orale.

354    Il y a donc lieu de rejeter la demande de la requérante tendant à ce que le Tribunal ordonne à la Commission de produire les documents visés au point 68 ci-dessus et, par voie de conséquence, la demande de suspension du délibéré évoquée au point 76 ci-dessus.

 Sur les dépens

355    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

356    La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens de la Commission et de Lagardère, conformément aux conclusions de ces dernières.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Éditions Odile Jacob SAS est condamnée à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission européenne et par Lagardère SCA.

Meij

Vadapalas

Truchot

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 13 septembre 2010.

 

Signatures      

 

Table des matières


Antécédents du litige

Procédure

Conclusions des parties

En droit

A –  Sur les conclusions en annulation

Sur le premier moyen, tiré de la qualification juridique erronée de l’acquisition des actifs cibles par NBP, au regard de l’article 3, paragraphe 5, sous a), et de l’article 3, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 4064/89

Recevabilité du moyen

– Arguments des parties

– Appréciation du Tribunal

Bien-fondé du moyen

– Arguments des parties

– Appréciation du Tribunal

– Sur la qualification de contrôle unique, par Lagardère, de l’opération de portage des actifs cibles

– Sur la qualification de contrôle conjoint, par Lagardère et NBP, de l’opération de portage des actifs cibles

Sur le deuxième moyen, tiré de la méconnaissance par la Commission de l’obligation des parties à une opération de concentration de suspendre la réalisation de l’opération

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur le troisième moyen, tiré de l’absence d’une notification de nature à fonder la compétence de la Commission pour adopter la décision du 7 janvier 2004

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur le quatrième moyen, tiré de l’existence d’une fraude

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur le cinquième moyen, tiré de la méconnaissance du délai de notification de l’opération de concentration

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur le sixième moyen, tiré de la durée excessive du contrôle de la compatibilité avec le marché commun de l’opération de concentration

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur le septième moyen, tiré de la violation de l’obligation de motivation

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur le huitième moyen, tiré de l’existence d’erreurs manifestes dans l’appréciation de la puissance économique réelle des parties à l’opération de concentration

Défaut d’analyse des pouvoirs de marché individuels des parties à l’opération de concentration

– Arguments des parties

– Appréciation du Tribunal

Absence d’addition des parts de marché d’Albin Michel et de Lagardère

– Arguments des parties

– Appréciation du Tribunal

Absence d’appréciation des conséquences du démantèlement d’Editis

– Arguments des parties

– Appréciation du Tribunal

Analyse insuffisante des effets de gamme et des effets congloméraux

– Arguments des parties

– Appréciation du Tribunal

Sur le neuvième moyen, tiré de l’existence d’erreurs manifestes d’appréciation affectant l’autorisation conditionnelle de l’opération de concentration

Sur l’omission de prendre en considération le risque de collusion entre Lagardère et le repreneur de Nouvel Editis

– Arguments des parties

– Appréciation du Tribunal

Sur l’omission de prendre en considération l’éventualité du choix d’un repreneur dépourvu des compétences requises

– Arguments des parties

– Appréciation du Tribunal

A ‑ Sur la demande de production de documents et la demande de suspension du délibéré

Sur les dépens


** Langue de procédure : le français.