Language of document : ECLI:EU:C:2011:113

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. JÁN Mazák

présentées le 3 mars 2011 (1)

Affaire C‑439/09

Pierre Fabre Dermo-Cosmétique SAS

contre

Président de l’Autorité de la concurrence

contre

Ministre de l’Économie, de l’Industrie et de l’Emploi

[demande de décision préjudicielle formée par la cour d’appel de Paris (France)]

«Article 81, paragraphe 1, CE – Concurrence – Distribution sélective – Interdiction générale et absolue de vendre sur Internet des produits cosmétiques et d’hygiène corporelle aux utilisateurs finals – Restriction de la concurrence par objet – Règlement (CE) n° 2790/1999 – Article 4, sous c) – Restriction des ventes actives et passives -Restriction caractérisée – Exemption individuelle – Article 81, paragraphe 3, CE»





I –    Introduction

1.        La présente demande de décision préjudicielle a pour origine une action intentée par Pierre Fabre Dermo-Cosmétique SAS (ci-après «PFDC») visant à obtenir l’annulation ou, subsidiairement, la réformation de la décision n° 08-D-25, du 29 octobre 2008 (ci-après la «décision»), rendue par le Conseil de la concurrence français (ci-après le «Conseil de la concurrence»). La décision a estimé que PFDC avait enfreint l’article L.420-1 du code de commerce ainsi que l’article 81 CE (devenu article 101 TFUE) en imposant, en pratique, à ses distributeurs choisis (agréés), dans ses accords de distribution sélective, une interdiction générale et absolue de vendre les produits cosmétiques et d’hygiène corporelle à des utilisateurs finals sur Internet. Le Conseil de la concurrence a jugé que cette interdiction de vendre sur Internet était le résultat de la condition insérée dans les accords de distribution de PFDC prévoyant que la vente des produits en cause doit s’effectuer dans le cadre d’un espace physique et en présence d’un pharmacien diplômé.

II – Litige au principal et question préjudicielle

2.        Le groupe Pierre Fabre commercialise des gammes de produits variés en pharmacie, en homéopathie et en parapharmacie. PFDC, pour sa part, fabrique et commercialise des produits cosmétiques et d’hygiène corporelle, et compte plusieurs filiales, dont les laboratoires de cosmétiques Avène, Klorane, Galénic et Ducray. En 2007, les groupes Pierre Fabre et Cosmétiques Active France, filiale de L’Oréal, représentaient, avec des parts de marché respectives de 20 % et de 18,6 %, les principaux acteurs établis sur le marché, avec leur «portefeuille» de marques.

3.        Les contrats proposés par PFDC pour la distribution des produits cosmétiques et d’hygiène corporelle des marques Avène, Klorane, Galénic et Ducray prévoient que les ventes doivent être réalisées dans le cadre d’un espace physique et en présence d’un diplômé en pharmacie (2). La juridiction de renvoi indique que les parties considèrent unanimement que ces conditions excluent de facto toute forme de vente par Internet.

4.        Par décision du 27 juin 2006, le Conseil de la concurrence a décidé d’ouvrir d’office une enquête sur certaines pratiques de distribution en vigueur dans le secteur des produits cosmétiques et d’hygiène corporelle. Par décision n° 07-D-07, du 8 mars 2007, il a accepté et rendu obligatoires les engagements proposés par les entreprises mises en cause – à l’exception du groupe Pierre Fabre – de modifier leurs contrats de distribution sélective afin de permettre aux membres de leurs réseaux de vendre leurs produits sur Internet. Le rapporteur général a décidé, le 30 octobre 2006, que les pratiques du groupe Pierre Fabre feraient l’objet d’un examen séparé.

5.        Les biens sur lesquels portait l’enquête sont des produits cosmétiques et d’hygiène corporelle qui sont distribués dans le cadre de systèmes de distribution sélective et sont proposés à la vente avec l’avis d’un pharmacien. Ces biens, qui font partie du secteur plus large des produits cosmétiques et d’hygiène corporelle, sont soumis à diverses exigences en ce qui concerne leur composition et leur étiquetage. Néanmoins, de tels produits n’étant pas répertoriés comme des médicaments et ne relevant pas, par conséquent, du monopole des pharmaciens, rien ne s’oppose à ce qu’ils soient librement commercialisés en dehors du circuit officinal.

6.        La concurrence entre fabricants sur le marché des produits cosmétiques et d’hygiène corporelle est vive, notamment en raison de la nature des produits, à l’égard desquels l’innovation joue un rôle majeur. La distribution est assurée pour l’essentiel par le biais de pharmacies, de parapharmacies indépendantes et de parapharmacies faisant partie de grandes surfaces alimentaires, ainsi que par les parfumeries. Les pharmacies continuent cependant de représenter le principal canal de distribution avec plus de deux tiers des ventes, en raison du monopole de distribution que celles-ci détenaient jusqu’à la fin des années 1980, de leur couverture géographique et de l’image positive apportée par la présence d’un pharmacien et la proximité de la vente de médicaments sur ordonnance. On observe, parallèlement à cela, une augmentation significative des ventes sur Internet dans tous les secteurs de produits. Le Conseil de la concurrence indique ainsi que, bien qu’il soit encore trop tôt pour mesurer l’évolution des ventes en ligne de produits cosmétiques et d’hygiène corporelle, les marques les plus luxueuses ont récemment développé leurs propres sites de vente en ligne, en France comme à l’étranger.

7.        Au cours de leur audition par le rapporteur, le 11 mars 2008, les représentants de PFDC, notamment, ont exposé les raisons qui ont conduit le groupe Pierre Fabre à interdire la vente de ses produits par Internet: «La conception de ces produits nécessite le conseil d’un spécialiste pharmacien du fait de l’activité de ces produits développés dans une optique de soin. [….] Nos produits répondent à des problématiques de peau particulières, comme des peaux intolérantes, avec un risque de réaction allergique. Nous considérons de ce fait que la vente sur Internet ne répondrait pas aux attentes des consommateurs et des professionnels de santé sur nos produits et par conséquent aux exigences que nous fixons dans nos conditions générales de vente. Ces produits sont aussi recommandés par le corps médical […]».

8.        Le commerce intracommunautaire étant susceptible d’être affecté de manière sensible (3), le Conseil de la concurrence a examiné lesdites pratiques au regard des dispositions de l’article L.420-1 du code de commerce ainsi que de l’article 81 CE. Dans sa décision, il a estimé que, du fait de l’interdiction faite à ses distributeurs agréés de vendre les produits sur Internet, la société PFDC limitait la liberté commerciale de ses distributeurs en excluant un moyen de commercialisation de ses produits cosmétiques et d’hygiène corporelle, et restreignait également le choix des consommateurs souhaitant acheter via Internet. Il a également relevé que l’interdiction faite aux distributeurs agréés les privait de la possibilité de prospecter les clients par l’envoi de messages ou de satisfaire à des demandes non sollicitées adressées sur leur site, et que cette pratique revenait donc à limiter les ventes actives et passives des distributeurs.

9.        Le Conseil de la concurrence a jugé que l’interdiction avait nécessairement un objet restrictif de la concurrence, venant s’ajouter à la limitation de la concurrence inhérente au choix même d’un système de distribution sélective par le fabricant, choix qui limite le nombre de distributeurs habilités à distribuer le produit et empêche ceux-ci de vendre les biens à des distributeurs non agréés. Puisque la part de marché de Pierre Fabre est inférieure à 30 %, le Conseil de la concurrence a recherché si la pratique restrictive pouvait relever du règlement (CE) n° 2790/1999 de la Commission, du 22 décembre 1999, concernant l’application de l’article 81, paragraphe 3, du traité à des catégories d’accords verticaux et de pratiques concertées (4), ce qui supposerait qu’elle ne constitue pas une restriction caractérisée. Le Conseil de la concurrence a considéré que, bien que n’étant pas expressément mentionnée dans le règlement communautaire, la pratique consistant à interdire les ventes sur Internet équivalait à une interdiction des ventes actives et passives. C’est pourquoi l’interdiction, si elle est mise en œuvre au sein d’un réseau de distribution sélective, représenterait une restriction caractérisée au sens de l’article 4, sous c), du règlement n° 2790/1999 et ne pourrait pas bénéficier d’une exemption automatique au titre de ce règlement.

10.      PFDC a objecté, notamment, qu’elle était en droit d’interdire les ventes sur Internet dès lors que l’animateur d’un réseau conserve le droit d’interdire à un distributeur agréé de vendre «à partir d’un lieu d’établissement non autorisé». Elle a soutenu que, même si l’interdiction de vendre sur Internet devait constituer une restriction caractérisée, l’autorité de la concurrence aurait la charge de démontrer l’objet ou l’effet de cette pratique au moyen d’un examen individuel de celle-ci, ce que le rapporteur n’a pas fait en l’espèce. PFDC fait aussi valoir que, grâce à la couverture territoriale exceptionnelle et homogène que représentent les points de vente physiques des distributeurs, tous les consommateurs ont accès à des revendeurs PFDC et que la pratique est donc dépourvue de tout effet sur la concurrence intramarque.

11.      Le Conseil de la concurrence a estimé qu’un site Internet n’était pas un lieu où des produits sont commercialisés, mais un moyen de vente alternatif. Il a jugé, notamment, que les pratiques caractérisées au sens du règlement n° 2790/1999 forment des restrictions de concurrence par objet, et qu’il n’était pas nécessaire de démontrer plus en détail en quoi cet objet est restrictif de la concurrence, ni d’analyser les effets des pratiques.

12.      Sur la question de l’exemption individuelle au titre de l’article 81, paragraphe 3, CE (devenu article 101, paragraphe 3, TFUE) et de l’article L.420-4 du code de commerce, le Conseil de la concurrence a considéré que PFDC n’avait démontré ni le progrès économique ni le caractère indispensable de la restriction de concurrence de nature à ouvrir droit à une exemption individuelle, observant en particulier que PFDC n’établissait pas que la pratique litigieuse contribuerait à améliorer la distribution des produits dermo‑cosmétiques tout en prévenant les risques de contrefaçon et de parasitisme entre officines agréées, ni qu’elle garantirait le bien-être du consommateur grâce à la présence physique du pharmacien lors de la délivrance du produit sur le point de vente.

13.      Après avoir conclu que PFDC avait enfreint l’article L.420-1 du code de commerce et l’article 81 CE, la décision a enjoint à PFDC de supprimer de ses contrats de distribution sélective toutes les mentions équivalant à une interdiction de vendre sur Internet ses produits cosmétiques et d’hygiène corporelle, et de prévoir expressément la possibilité pour ses distributeurs de recourir à un tel mode de distribution, dans un délai de trois mois à compter de la notification de la décision. Elle a également fait injonction à PFDC de transmettre à l’ensemble de ses points de vente, dans un délai de trois mois à compter de la notification de la décision, une lettre leur annonçant les modifications apportées à leurs contrats de distribution sélective et, si elle le juge opportun, d’encadrer la construction des sites Internet de son réseau de distribution en prévoyant des critères de présentation ou de configuration des sites, et d’en informer le Conseil de la concurrence dans un délai de trois mois à compter de la notification de la décision. Une amende de 17 000 euros a été infligée à PFDC.

14.      Le 24 décembre 2008, PFDC a introduit un recours devant la juridiction de renvoi pour obtenir l’annulation, ou subsidiairement la réformation, de la décision. Au soutien de son recours, PFDC affirme, en premier lieu, que la décision n’est pas correctement motivée en ce qui concerne la conclusion relative à l’objet anticoncurrentiel. PFDC fait notamment valoir que le Conseil de la concurrence aurait omis d’analyser le contexte juridique et économique dans lequel s’inscrit la pratique, analyse qui est indispensable pour établir l’existence d’une infraction par objet. En second lieu, PFDC soutient que la décision est entachée d’une erreur de droit dans la mesure où elle se réfère à un objet «nécessairement» anticoncurrentiel. PFDC fait observer que l’objectif de ses accords de distribution sélective n’est pas de restreindre la concurrence, mais, au contraire, de garantir au consommateur un niveau de service satisfaisant. Les accords visent seulement à permettre au client de demander et d’obtenir à tout moment l’avis d’un spécialiste quant au choix le plus adéquat parmi les produits Pierre Fabre. Elle ajoute qu’il est contraire à l’orientation générale du droit de la concurrence de qualifier la pratique incriminée d’infraction par objet per se. Selon elle, la décision lui a refusé la possibilité de prouver que la pratique anticoncurrentielle en cause était licite en avançant des justifications objectives. En troisième lieu, la décision serait entachée d’une erreur de droit et d’une erreur manifeste d’appréciation en ce qu’elle a refusé à la pratique en cause le bénéfice de l’exemption catégorielle prévue par le règlement n° 2790/1999. Enfin, PFDC soutient que la décision comporte une erreur de droit en ce qu’elle a considéré que la pratique incriminée n’était pas susceptible de faire l’objet d’une exemption individuelle au titre de l’article 81, paragraphe 3, CE, alors que l’interdiction de vendre sur Internet garantirait le bien-être du consommateur grâce à la présence physique d’un pharmacien diplômé au moment de la vente du produit, tout en prévenant les risques de contrefaçon et de parasitisme. Par ailleurs, la suppression de cette interdiction n’engendrerait pas une concurrence plus intense ni, en particulier, une réduction des prix.

15.      Par document daté du 11 juin 2009, la Commission européenne a déposé des observations écrites devant la cour d’appel de Paris, en application de l’article 15, paragraphe 3, du règlement (CE) n° 1/2003 (5). Selon la juridiction de renvoi, la Commission a fait valoir que toute interdiction générale et absolue de vendre en ligne des produits contractuels à des utilisateurs finals, imposée par un fournisseur à ses distributeurs agréés dans le cadre d’un réseau de distribution sélective, constitue une restriction caractérisée de la concurrence par objet, au sens de l’article 81, paragraphe 1, CE, quelle que soit la part de marché détenue par ce fournisseur. Pour la Commission, peu importe que la vente en ligne soit qualifiée de vente active ou passive dans le contexte de la distribution sélective, puisque toute restriction à la revente, qu’il s’agisse d’une vente active ou passive, représente une restriction caractérisée. Au demeurant, la Commission estime que, lorsque la distribution des produits contractuels n’est pas réglementée, ce n’est que dans des cas exceptionnels que l’on peut invoquer une justification objective d’une restriction caractérisée. S’agissant de l’exemption par catégorie prévue par le règlement n° 2790/1999, la Commission a considéré qu’un contrat de distribution sélective contenant une restriction caractérisée de la concurrence telle que l’interdiction faite aux distributeurs de vendre en ligne des produits contractuels ne peut pas relever d’une exemption par catégorie au titre de ce règlement, car l’utilisation d’Internet ne peut pas être assimilée à l’ouverture par un vendeur d’un point de vente physique dans une zone non autorisée par le fournisseur. On ne pourrait cependant pas exclure automatiquement l’éventualité que la restriction remplisse les quatre conditions cumulativement exigées au titre de l’exemption individuelle au sens de l’article 81, paragraphe 3, CE et puisse ainsi être couverte par une telle exemption. Conformément à l’article 2 du règlement n° 1/2003, c’est l’entreprise qui revendique le bénéfice de l’exemption qui aurait la charge de prouver que les quatre conditions sont remplies.

16.      Telles sont les circonstances dans lesquelles la cour d’appel de Paris a décidé, par arrêt du 29 octobre 2009, de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:

«L’interdiction générale et absolue de vendre sur Internet les produits contractuels aux utilisateurs finals imposée aux distributeurs agréés dans le cadre d’un réseau de distribution sélective constitue-t-elle effectivement une restriction caractérisée de la concurrence par objet au sens de l’article 81, paragraphe 1, du traité CE échappant à l’exemption par catégorie prévue par le règlement n° 2790/1999, mais pouvant éventuellement bénéficier d’une exemption individuelle en application de l’article 81, paragraphe 3, du traité CE?»

III – Procédure devant la Cour

17.      Des observations écrites ont été déposées par PFDC, l’Autorité de la concurrence française (6) (ci-après l’«Autorité de la concurrence»), les gouvernements français, polonais et italien, la Commission ainsi que l’Autorité de surveillance AELE. L’audience a eu lieu le 11 novembre 2010.

IV – Remarques préliminaires

18.      À mon avis, la question de la cour d’appel de Paris peut, comme le suggèrent l’Autorité de la concurrence et la Commission, se subdiviser sur le plan pratique en trois questions. D’une part, une interdiction générale et absolue de vendre sur Internet des produits contractuels aux utilisateurs finals, imposée à des distributeurs agréés dans le cadre d’un réseau de distribution sélective, a-t-elle pour objet de restreindre la concurrence au sens de l’article 81, paragraphe 1, CE? D’autre part, pareille restriction peut-elle bénéficier de l’exemption par catégorie prévue par le règlement n° 2790/1999? Enfin, dans l’hypothèse où elle ne peut pas bénéficier d’une exemption par catégorie, la restriction en question peut-elle faire l’objet d’une exemption individuelle au titre de l’article 81, paragraphe 3, CE?

V –    Première question – Objet anticoncurrentiel

19.      PFDC affirme qu’une restriction caractérisée au sens du règlement n° 2790/1999 ne constitue pas en soi une infraction par objet au regard de l’article 81, paragraphe 1, CE et ne saurait donc dispenser l’autorité ou la juridiction compétente de prouver dans le cas concret l’existence d’une telle infraction. Conformément à la jurisprudence de la Cour, les autorités de concurrence doivent analyser in concreto l’accord ou la pratique concernés, à la lumière de leur contexte économique et juridique. PFDC estime qu’une telle analyse n’a pas été effectuée dans la décision, qui s’est contentée de conclure qu’une restriction caractérisée constituait une infraction par objet. PFDC fait également valoir que l’objet de l’accord est pro-concurrentiel, visant à garantir que les consommateurs obtiennent le meilleur avis possible lorsqu’ils achètent l’un de ses produits. Pour donner le meilleur avis possible, le pharmacien doit observer directement la peau, les cheveux et le cuir chevelu du client. Les ventes via Internet ne peuvent pas procurer un avis de qualité équivalente. PFDC estime en outre que, si elle autorisait les ventes sur Internet, l’exigence tenant à la présence d’un pharmacien sur le point de vente pourrait être considérée comme discriminatoire. Elle observe aussi que les accords de distribution sélective ne doivent pas être examinés seulement du point de vue des prix, mais également au regard des services fournis aux consommateurs. Par ailleurs, étant donné l’intensité de la concurrence intramarque résultant de l’existence de 23 000 points de vente en France, un examen in concreto montrerait que l’objet de l’accord n’est pas de restreindre la concurrence.

20.      Pour sa part, l’Autorité de la concurrence estime que l’interdiction constitue, du fait de son objet anticoncurrentiel, une restriction caractérisée au sens de l’article 4, sous c), du règlement n° 2790/1999, et est prohibée par l’article 81, paragraphe 1, CE. Une telle interdiction limite les ventes actives et passives au sens de l’article 4, sous c), du règlement n° 2790/1999. L’Autorité de la concurrence observe qu’Internet représente un nouveau canal de distribution et un outil important d’accroissement de la concurrence qui doit être concilié avec les canaux plus traditionnels tels que la distribution sélective, ce qui justifie que l’on impose certaines conditions. Néanmoins, interdire de façon générale et absolue les ventes sur Internet et éliminer totalement les avantages évidents de celles-ci d’un point de vue concurrentiel est disproportionné. L’interdiction nuit à la concurrence et aux consommateurs et fait obstacle à l’intégration du marché intérieur, contrevenant ainsi aux objectifs les plus essentiels du traité. Le contexte économique et juridique de la procédure au principal ne modifierait en rien cette conclusion. Un système de distribution sélective est certes acceptable lorsqu’il se conforme à la jurisprudence y afférente, mais il aboutit à une réduction de la concurrence, ce qui implique que la concurrence qui subsiste est d’autant plus importante.

21.      Le gouvernement français est, quant à lui, d’avis que deux interprétations de l’article 81, paragraphe 1, CE sont envisageables dans la présente affaire. Dans la première hypothèse, l’interdiction peut être considérée comme une restriction par objet de la concurrence qui non seulement produit un effet dommageable sur la structure de la concurrence en raison de l’imposition effective de restrictions territoriales aux distributeurs, mais va aussi à l’encontre de l’intérêt des consommateurs et n’est pas objectivement justifiée. Dans le second cas, on ne dispose pas en l’état, selon le gouvernement français, d’un recul suffisant pour déterminer si l’interdiction en cause a par nature pour objet de restreindre la concurrence. Une étude des effets positifs et négatifs de l’interdiction en cause est donc indispensable. Le gouvernement français relève que l’interdiction pourrait contribuer à améliorer l’image de marque du produit, pour le bénéfice de la concurrence intermarques. Les gouvernements italien et polonais estiment, pour leur part, que l’interdiction générale et absolue de vendre sur Internet constitue une infraction par objet à l’article 81, paragraphe 1, CE.

22.      La Commission considère que l’interdiction est une infraction par objet, car elle est, par nature, susceptible d’entraver considérablement la possibilité pour un distributeur de vendre à des clients situés en dehors de son territoire contractuel ou de sa zone d’activité. Tel est particulièrement le cas dans le contexte de la distribution sélective qui crée un risque de segmentation du marché. La Commission note toutefois que cette interprétation laisse intact le droit pour le fournisseur des produits de choisir ses distributeurs sur le fondement de critères spécifiques et d’imposer des conditions qualitatives en ce qui concerne la publicité, la présentation et la vente des produits en question. L’Autorité de surveillance AELE estime, quant à elle, qu’une interdiction générale et absolue de vendre via Internet les produits contractuels aux utilisateurs finals, imposée aux distributeurs agréés dans le cadre d’un réseau de distribution sélective, d’une part, ne peut être tenue pour proportionnée au regard de la jurisprudence existant en matière de distribution sélective, et donc pour compatible avec l’article 101, paragraphe 1, TFUE, qu’à la condition que les exigences légitimes sur lesquelles le système de distribution sélective est fondé ne puissent pas être remplies en cas de ventes via Internet et, d’autre part, équivaut à une restriction de la concurrence par objet au sens de l’article 81, paragraphe 1, CE si, au vu de son contexte économique et juridique, elle vise à compartimenter les marchés nationaux ou à rendre l’interpénétration des marchés nationaux plus difficile, en particulier en empêchant ou en restreignant le commerce parallèle.

A –    Restriction caractérisée/restriction par objet

23.      La juridiction de renvoi indique que la décision a conclu, notamment, que la condition formulée dans les contrats de distribution de PFDC, prévoyant que les ventes des produits en question doivent être réalisées au sein d’un espace physique, en présence d’un diplômé en pharmacie constituait de facto une interdiction de vendre sur Internet, équivalant à une restriction des ventes actives ou passives pour les distributeurs agréés et avait nécessairement pour objet de restreindre la concurrence. La décision a en outre jugé que l’interdiction limitait la liberté commerciale des distributeurs de PFDC en excluant un moyen de commercialisation de ses produits, ce qui restreignait aussi le choix pour les consommateurs désireux d’acheter en ligne. La juridiction de renvoi demande si, en l’absence de mention de l’interdiction des ventes en ligne dans le règlement n° 2790/1999, une interdiction générale et absolue de vendre des produits contractuels à des utilisateurs finals via Internet, imposée à des distributeurs agréés dans le cadre d’un réseau de distribution sélective, constitue ou non une restriction caractérisée de la concurrence par objet aux fins de l’article 81, paragraphe 1, CE.

24.      J’estime qu’une certaine confusion ressort du dossier soumis à la Cour en ce qui concerne les deux notions distinctes de restriction de la concurrence par objet et de restriction caractérisée. PFDC s’est, elle aussi, longuement arrêtée sur cette confusion dans son argumentation devant la Cour. Il semblerait (7) en effet, à la lecture des observations écrites que la Commission a déposées devant la juridiction de renvoi en application de l’article 15, paragraphe 3, du règlement n° 1/2003, que la Commission ait considéré que l’interdiction en question «constitue une restriction caractérisée de la concurrence par objet aux fins de l’article 81, paragraphe 1, CE» (8). La Commission a toutefois clarifié sa position sur ce point dans le cadre de son argumentation devant la Cour, expliquant que, s’il existe des liens entre elles, la restriction par objet et la restriction caractérisée sont deux notions distinctes sur le plan juridique.

25.      La jurisprudence de la Cour indique clairement que les accords verticaux peuvent, dans certaines circonstances, avoir pour objet de restreindre la concurrence (9). La notion de restriction par objet provient, comme le souligne PFDC, du libellé de l’article 81, paragraphe 1, CE (10). Lorsque l’objet anticoncurrentiel de l’accord est établi, il n’y a pas lieu de rechercher ses effets sur la concurrence (11). En revanche, s’il est vrai qu’il n’est pas nécessaire, lorsqu’il est conclu à l’existence d’une infraction par objet en ce qui concerne un accord, de prouver ses effets anticoncurrentiels pour établir sa nature anticoncurrentielle, la Cour a jugé qu’il faut tenir compte, notamment, de la teneur des dispositions de l’accord, des objectifs qu’il cherche à atteindre et du contexte économique et juridique dans lequel il s’inscrit (12).

26.      L’objet anticoncurrentiel d’un accord ne peut donc pas être établi simplement au moyen d’une formule abstraite.

27.      Ainsi, si certaines formes d’accord semblent, au vu de l’expérience passée, devoir constituer prima facie des infractions par objet, cela ne dispense pas la Commission ou l’autorité nationale de la concurrence (13) de l’obligation de procéder à un examen individuel de l’accord. Je considère qu’une telle évaluation peut être assez limitée dans certains cas, par exemple lorsqu’il est manifeste qu’il existe une entente horizontale visant à contrôler la production afin de maintenir les prix, mais on ne saurait s’en dispenser totalement.

28.      Quant à la notion de «restriction caractérisée», elle n’est pas issue du traité CE, ni même de la législation communautaire, mais figure dans les lignes directrices de la Commission sur les restrictions verticales (14) (ci-après les «lignes directrices»), qui énoncent au point 46 que «l’article 4 [du règlement n° 2790/1999] [(15)] énumère une liste de restrictions caractérisées qui entraînent l’exclusion de l’intégralité de l’accord vertical du champ d’application dudit règlement» (16). De telles restrictions caractérisées incluent les restrictions apportées à la faculté pour le vendeur de déterminer son prix de vente, les restrictions relatives au territoire dans lequel, ou les clients auxquels, le vendeur peut vendre les produits ou services contractuels, la restriction des ventes actives ou passives (17 (18) aux utilisateurs finals par les membres d’un système de distribution sélective opérant au niveau de la vente au détail, ainsi que la restriction des livraisons croisées entre distributeurs au sein d’un système de distribution sélective. À mon avis, si l’inclusion de telles pratiques dans un accord peut amener à douter de la conformité de cet accord avec l’article 81, paragraphe 1, CE (19) et s’il peut s’avérer effectivement, après examen notamment de l’accord concerné et du contexte économique et juridique dans lequel il s’insère, qu’il y a lieu de conclure à l’existence d’une restriction par objet, on ne saurait néanmoins présumer légalement que l’accord viole l’article 81, paragraphe 1, CE.

29.      À ce propos, la Cour a récemment rappelé, dans l’arrêt Pedro IV Servicios (20), comment les différents paragraphes de l’article 81 CE fonctionnent. Ainsi, «lorsqu’un accord ne remplit pas toutes les conditions prévues par un règlement d’exemption, il ne tombe sous l’interdiction prévue à l’article 81, paragraphe 1, CE que s’il a pour objet ou pour effet de restreindre de manière sensible la concurrence à l’intérieur du marché commun et s’il est de nature à affecter le commerce entre les États membres. Dans ce dernier cas, et à défaut d’exemption individuelle en vertu de l’article 81, paragraphe 3, CE, l’accord sur le prix serait nul de plein droit conformément au paragraphe 2 de ce même article». Je suis d’avis que le passage cité indique qu’un accord qui ne remplit pas toutes les conditions prévues par un règlement d’exemption (21) n’a pas nécessairement pour objet ou effet de restreindre la concurrence au sens de l’article 81 CE.

30.      Un examen individuel est, par conséquent, nécessaire pour déterminer si un accord a un objet anticoncurrentiel, même dans le cas où il contient une restriction tombant sous le coup de l’article 4, sous c), du règlement n° 2790/1999 avec pour effet de rendre la clause insusceptible de faire l’objet d’une exemption au titre de ce règlement.

B –    Justification objective

31.      PFDC estime que l’interdiction litigieuse se justifie objectivement du fait de la nature des produits et de leur usage. Elle soutient qu’un usage impropre de ses produits peut être préjudiciable aux consommateurs, ce qui justifierait la nécessité d’un service offrant des conseils de qualité. Seule la présence d’un pharmacien pourrait garantir le meilleur niveau de conseil aux consommateurs. Contrairement à la Commission et à l’Autorité de la concurrence, PFDC estime que la notion de justification objective est plus large que les considérations de sécurité et de santé publique. Elle est d’avis que la conception restrictive de l’Autorité de la concurrence et de la Commission est contraire à la jurisprudence de la Cour qui a admis, dans d’autres domaines du droit, que la validité de certaines pratiques doit être examinée au regard d’impératifs autres que la sécurité et la santé publique. PFDC a invoqué, à ce propos, le point 37 de l’arrêt Copad (22) de la Cour, qui énonce que «le titulaire de la marque peut invoquer les droits conférés par cette dernière à l’encontre d’un licencié qui enfreint une clause du contrat de licence interdisant, pour des raisons de prestige de la marque, la vente à des soldeurs […], pour autant qu’il soit établi que cette violation […] porte atteinte à l’allure et à l’image de prestige qui confèrent auxdits produits une sensation de luxe».

32.      PFDC soutient que, en tout état de cause, l’interdiction de vendre sur Internet se justifie pour des raisons de sécurité et de santé publique. À l’audience, en réponse à une question de la Cour, PFDC a déclaré que l’interdiction en cause visait à garantir l’usage correct de ses produits par les consommateurs.

33.      L’Autorité de la concurrence estime que la notion de justification objective doit être interprétée de façon stricte et s’applique seulement dans deux cas de figure: d’abord, lorsque la pratique résulte directement du droit national ou communautaire visant à protéger l’ordre public, ensuite, lorsque la pratique est objectivement nécessaire à l’existence de ce type d’accord. Par conséquent, seules peuvent être invoquées des justifications objectives extérieures à l’entreprise concernée et à ses choix commerciaux. Or, les deux cas de figure décrits ne s’appliquent pas aux accords de distribution sélective de PFDC. Quant à la Commission, elle soutient que, comme l’indique le point 51 des lignes directrices, une restriction des ventes sur Internet ne relèvera pas de la prohibition de l’article 81, paragraphe 1, CE si elle est objectivement justifiée. Dans des cas exceptionnels, une restriction ne tombera pas sous le coup de cette disposition si elle est objectivement nécessaire à l’existence d’un accord de ce type. La Commission estime que, lorsque la commercialisation des produits ne fait pas l’objet d’une réglementation, il ne peut en général exister de justification objective à la restriction caractérisée. Les entreprises ne peuvent pas, en principe, se substituer aux autorités publiques compétentes pour fixer et imposer des exigences en matière de sécurité des produits et de protection de la santé publique. La Commission relève aussi que, selon l’enquête du Conseil de la concurrence, d’autres entreprises placées dans une situation analogue à celle de PFDC ont été en mesure d’organiser leurs systèmes de distribution sélective sans recourir à une interdiction absolue de vendre sur Internet.

34.      Il ressort clairement du dossier en possession de la Cour que les produits en cause ne sont pas des médicaments (23) et qu’il n’existe aucune prescription légale ou réglementaire, ni au niveau national ni au niveau de l’Union, qui imposerait de les vendre dans un espace physique et seulement en présence d’un pharmacien diplômé (24), de nature à justifier l’interdiction litigieuse, générale et absolue de vendre sur Internet (25). Les arguments de PFDC tenant à la santé et à la sécurité publique paraissent donc objectivement sans fondement.

35.      Je n’exclus pas que, dans certaines circonstances exceptionnelles, des mesures volontaires d’ordre privé (26) limitant la vente de biens ou de services via Internet puissent se justifier objectivement en raison de la nature de ces biens ou services ou des consommateurs à qui ils sont vendus. Je suis donc d’accord avec l’argument du gouvernement polonais selon lequel il peut se trouver des situations dans lesquelles l’interdiction de vendre sur Internet est objectivement justifiée, même en l’absence de réglementation nationale ou de l’Union. Des mesures volontaires privées, si elles sont incluses dans un accord, peuvent échapper au champ d’application de l’article 81, paragraphe 1, CE (27), pour autant que les limitations imposées soient appropriées au regard de l’objectif légitime poursuivi et n’excèdent pas ce qui est nécessaire, conformément au principe de proportionnalité. À mon avis, l’objectif légitime poursuivi doit relever de la sphère du droit public (28), et donc viser à protéger un intérêt général, allant au-delà de la protection de l’image des produits concernés ou des modalités de commercialisation qu’une entreprise souhaite pour ses produits.

36.      Les restrictions visant à protéger l’image des produits ou les modalités de commercialisation de ceux-ci doivent, à mon avis, être examinées à la lumière de la jurisprudence de la Cour relative à la distribution sélective (29).

37.      Je considère, par conséquent, que les arguments de PFDC tenant à l’usage correct de ses produits et à la nécessité de l’avis d’un pharmacien ne forment pas une justification objective de l’interdiction générale et absolue de vendre sur Internet.

38.      PFDC soutient également que l’interdiction est objectivement justifiée en raison du risque accru de contrefaçons de produits en cas de vente sur Internet, avec les dangers que cela implique pour la santé des consommateurs (30) et le risque d’agissements parasitaires pouvant aboutir à la disparition des services et des conseils offerts en pharmacie, les propriétaires de sites Internet pouvant alors tirer profit des investissements réalisés par les distributeurs ne disposant pas de tels sites.

39.      Mon opinion est que la menace de contrefaçon et le risque de parasitisme constituent des préoccupations légitimes dans le contexte de la distribution sélective.

40.      Toutefois, je ne suis pas persuadé que la distribution via Internet de produits contractuels d’un fabricant par un distributeur sélectionné puisse, à elle seule, aboutir à accroître la contrefaçon, ni que les effets négatifs de telles ventes ne puissent pas être contrecarrés par des mesures appropriées. S’agissant du parasitisme, étant donné que la création et l’exploitation d’un site Internet de qualité impliquent de toute évidence des coûts, l’existence même de parasitisme de la part de distributeurs sur Internet profitant des investissements réalisés par les distributeurs opérant à partir d’un point de vente physique ne peut pas se présumer. J’estime, en outre, qu’un fabricant peut imposer des conditions proportionnées et non discriminatoires à ses distributeurs agréés afin de faire échec à de tels phénomènes parasitaires, garantissant que le réseau du fabricant fonctionne de façon équilibrée et «équitable». Au vu de telles considérations, il apparaît qu’une interdiction générale et absolue est excessive et disproportionnée par rapport aux risques en cause.

41.      Les arguments de PFDC tirés de la contrefaçon et du parasitisme semblent donc, sous réserve d’une vérification par la juridiction de renvoi, infondés.

C –    Restriction des ventes actives et passives

42.      La décision semble partir du principe que l’interdiction de facto de vendre sur Internet (31) équivaut à restreindre les ventes actives et passives des distributeurs et, dans le cadre d’un système de distribution sélective, est nécessairement contraire à l’article 81, paragraphe 1, CE (32). Si, comme l’a indiqué à juste titre la Commission, la Cour a jugé que, en principe (33), les accords qui visent à interdire ou à limiter le commerce parallèle (34) ont pour objet de prévenir la concurrence (35), à mon avis, le simple fait que les accords de distribution sélective en cause dans l’affaire au principal puissent restreindre le commerce parallèle (36) ne saurait en soi suffire à établir que l’accord a pour objet de restreindre la concurrence au sens de l’article 81, paragraphe 1, CE (37). En effet, il est de jurisprudence constante que les systèmes de distribution sélective affectent nécessairement la concurrence (38), car ils ne se bornent pas à limiter la concurrence par les prix (39), mais affectent aussi le commerce parallèle (40), car les distributeurs ne peuvent vendre qu’à d’autres distributeurs agréés ou aux utilisateurs finals. Cependant, malgré ces restrictions, la Cour a jugé que, dans certaines circonstances, les accords de distribution sélective n’ont pas pour objet de restreindre la concurrence.

43.      De surcroît, même si l’interdiction de vendre sur Internet semble restreindre le commerce parallèle plus intensément que les restrictions inhérentes à tout accord de distribution sélective et doit ainsi être prise en considération par la juridiction de renvoi, l’examen visant à déterminer si des clauses du système de distribution sélective en question dans l’affaire au principal ont pour objet de restreindre la concurrence doit, à mon avis, s’effectuer au regard de la nature des accords de distribution sélective et de la jurisprudence y afférente, qui fait partie du contexte économique et juridique dans lequel les accords ont été conclus et s’appliquent.

D –    Distribution sélective

44.      Il semble, au vu du dossier soumis à la Cour, que la présence d’un pharmacien sur le point de vente renforce l’image du produit en cause (41). Dans son arrêt Copad (42), la Cour a jugé que les caractéristiques des produits ne découlent pas seulement de leurs qualités matérielles, mais aussi de l’aura qui émane d’eux. La Cour a réaffirmé que les caractéristiques et les modalités propres d’un système de distribution sélective sont susceptibles, en elles-mêmes, de préserver la qualité et d’assurer le bon usage de produits (43), en l’occurrence de produits de luxe (44).

45.      Lorsqu’un fabricant souhaite imposer des conditions relatives aux modalités de vente de ses produits, telles qu’une obligation pour les distributeurs et leur personnel d’être spécialisés dans la vente de tels produits et de fournir des conseils de vente appropriés aux consommateurs ou l’obligation de présenter les produits d’une manière qui renforce leur image, il peut constituer et gérer un système de distribution sélective afin de choisir ses distributeurs en accord avec ces spécifications.

46.      Dans l’arrêt Metro I (45), la Cour a jugé que la nature et l’intensité de la concurrence peuvent varier en fonction, en particulier, des produits ou des services en cause. Un fabricant peut, par conséquent, adapter son mode de distribution pour satisfaire les exigences de ses clients et les systèmes de distribution sélective peuvent, dans certaines circonstances, constituer un aspect de la concurrence compatible avec l’article 81, paragraphe 1, CE. Ainsi, dans l’arrêt AEG/Commission (46), la Cour a jugé que le maintien d’un commerce spécialisé capable de fournir des prestations de haute qualité et technicité (47) pouvait justifier une réduction de la concurrence par les prix au bénéfice d’une concurrence portant sur d’autres éléments que les prix. Une réduction de la concurrence par les prix ne se justifiera cependant qu’à la condition que la concurrence fondée sur d’autres éléments soit améliorée (48).

47.      Il est de jurisprudence constante que les systèmes de distribution sélective sont admissibles à la condition que le choix des revendeurs s’opère en fonction de critères objectifs à caractère qualitatif, relatifs à la qualification professionnelle du revendeur, de son personnel et de ses installations, que ces conditions soient fixées d’une manière uniforme à l’égard de tous les revendeurs potentiels et appliquées de façon non discriminatoire (49). Un fabricant ne pourrait refuser l’admission de distributeurs qui remplissent les conditions qualitatives du système de distribution (50).

48.      Une grande partie de la jurisprudence de la Cour est consacrée à la question de savoir si les distributeurs sont sélectionnés de manière uniforme et non discriminatoire. La question de l’admission dans le système de distribution sélective du groupe Pierre Fabre n’est pas posée en soi dans la procédure au principal et rien n’indique que le système de sélection appliqué par le groupe fonctionne de façon discriminatoire. La question est plutôt celle de la légalité au regard de l’article 81, paragraphe 1, CE des critères de sélection retenus. J’observe, à ce propos, que les critères de sélection cités dans la décision comme étant contraires à l’article 81, paragraphe 1, CE portent en réalité sur les qualifications techniques des distributeurs agréés du groupe Pierre Fabre et de leur personnel (51) et sur le fait que les produits doivent être vendus dans un espace physique.

49.      La Cour a jugé que, en principe, lorsque l’accès à un réseau de distribution sélective est subordonné à des conditions allant au-delà d’une simple sélection objective de caractère qualitatif, en particulier lorsqu’il est fondé sur des critères de sélection quantitatifs (52), ces conditions (53) tombent sous l’interdiction de l’article 81, paragraphe 1, CE. À cet égard, la jurisprudence établit une distinction nette entre critères qualitatifs et critères quantitatifs.

50.      Cependant, tous les critères qualitatifs de sélection des distributeurs ne sont pas admissibles au regard de l’article 81, paragraphe 1, CE (54).

51.      Un fournisseur qui est à la tête d’un système de distribution sélective doit donc, conformément à la jurisprudence, imposer des critères qualitatifs allant au-delà des règles nationales ou de l’Union régissant ces produits (55), les caractéristiques des produits en question doivent nécessiter un système de distribution sélective pour préserver la qualité et assurer leur usage correct (56), et les critères ne doivent pas excéder ce qui est objectivement nécessaire (57) pour distribuer ces produits d’une manière appropriée, au regard non seulement de leurs qualités matérielles, mais aussi de leur aura ou image (58).

52.      À mon avis, les critères qualitatifs figurant dans un accord de distribution sélective qui respectent les conditions susmentionnées, mais conduisent à une restriction du commerce parallèle plus extensive que la restriction inhérente à tout accord de distribution sélective n’a pas pour objet de restreindre la concurrence au sens de l’article 81, paragraphe 1, CE.

53.      J’estime, sous réserve de vérification par la juridiction de renvoi, que les produits en cause dans la procédure au principal sont adaptés à une distribution par le biais d’un système de distribution sélective. J’estime, en outre, toujours sous réserve de vérification par la juridiction de renvoi, que les conditions imposées par le groupe Pierre Fabre dans ses accords de distribution sélective, exigeant que ses produits soient vendus dans un espace physique et en présence d’un pharmacien, ne visent pas à restreindre le commerce parallèle, mais plutôt à préserver l’image que ses produits ont acquise en raison des services particuliers directement et immédiatement accessibles au consommateur sur le point de vente (59).

54.      La juridiction de renvoi ayant relevé l’image positive apportée par la présence d’un pharmacien et par la proximité de la vente de médicaments soumis à prescription, elle doit, à mon sens, rechercher si une interdiction générale et absolue de vendre sur Internet est proportionnée. On peut imaginer qu’il existe des circonstances dans lesquelles la vente de certains produits par Internet peut porter préjudice notamment à l’image et donc à la qualité de ces produits, justifiant ainsi une interdiction générale et absolue de vendre sur Internet. Cependant, étant donné qu’un fabricant peut, selon moi, imposer des conditions appropriées, raisonnables et non discriminatoires en ce qui concerne les ventes sur Internet (60), et ainsi protéger l’image de son produit, une interdiction générale et absolue de vendre sur Internet imposée par un fabricant à un distributeur ne sera, à mon avis, proportionnée que dans des cas très exceptionnels.

55.      Dans l’affaire au principal, la juridiction de renvoi devrait rechercher, par exemple, si une information et un avis individualisés sur les produits en cause peuvent être fournis de façon adéquate à distance via Internet aux utilisateurs finals, avec la possibilité pour les utilisateurs de soumettre des questions pertinentes sur les produits sans qu’il soit nécessaire de se rendre dans une pharmacie. Les distributeurs du groupe Pierre Fabre pourraient aussi indiquer, dans de tels cas, qu’un avis individuel et direct est à la disposition des utilisateurs dans certains points de vente physiques (61).

56.      Qui plus est, s’il semble, à la lecture du dossier soumis à la Cour, que la concurrence intramarque soit déjà forte, étant donné que les produits sont vendus dans un grand nombre de points de vente physiques en France, une interdiction générale et absolue de vendre sur Internet élimine un moyen moderne de distribution qui permettrait aux clients de réaliser l’achat de ces produits en dehors de la zone de chalandise de ces points de vente et renforcerait ainsi potentiellement la concurrence intramarque. Les ventes sur Internet peuvent aussi renforcer la concurrence intramarque dans la mesure où de telles ventes peuvent accroître la transparence des prix, en rendant possible une comparaison entre les prix des produits en question (62).

57.      Je considère donc qu’une interdiction générale et absolue de vendre sur Internet des biens aux utilisateurs finals, imposée aux distributeurs agréés dans le cadre d’un réseau de distribution sélective, qui prévient ou restreint le commerce parallèle de façon plus extensive que les restrictions inhérentes à tout accord de distribution sélective et qui va au-delà de ce qui est objectivement nécessaire pour distribuer ces produits d’une manière appropriée au regard non seulement de leurs qualités matérielles, mais aussi de leur aura ou image, a pour objet de restreindre la concurrence aux fins de l’article 81, paragraphe 1, CE.

VI – Deuxième question – Règlement n° 2790/1999

58.      L’article 2 du règlement n° 2790/1999 prévoit que l’article 81, paragraphe 1, CE ne s’applique pas à certaines catégories d’accords verticaux et de pratiques concertées adoptés entre deux entreprises ou plus et portant sur les conditions dans lesquelles les parties peuvent acheter, vendre ou revendre certains produits ou services (63). L’exemption prévue à l’article 2 du règlement n° 2790/1999 ne s’applique pas, conformément à l’article 4, sous c), de ce même règlement, aux accords de distribution sélective qui restreignent les ventes actives ou passives aux consommateurs finals par les membres d’un système de distribution sélective opérant en tant que détaillants sur le marché. Toutefois, l’article 4, sous c), s’applique «sans préjudice de la possibilité d’interdire à un membre du système d’opérer à partir d’un lieu d’établissement non autorisé».

59.      À mon avis, l’interdiction générale et absolue de vendre sur Internet restreint tant les ventes actives que passives (64), rendant ainsi les clauses litigieuses des accords de distribution sélective de PFDC insusceptibles de bénéficier de l’exemption prévue par le règlement n° 2790/1999, à moins que les ventes sur Internet ne puissent être considérées comme opérant à partir d’un lieu d’établissement non autorisé.

60.      PFDC estime que les ventes sur Internet ne correspondent pas à des ventes réalisées à partir d’un établissement physique autorisé; elles doivent donc être considérées comme des ventes réalisées à partir d’un autre établissement (virtuel). La nature même de ces ventes est également différente et les ventes effectuées en présence d’un pharmacien ne sont pas assimilables aux ventes réalisées via Internet. En outre, l’article 4, sous c), du règlement n° 2790/1999 ne fait pas référence aux ventes sur Internet, ce qui permettrait à un fabricant de s’opposer à ce qu’un distributeur vende les produits contractuels à partir d’un établissement non autorisé, qu’il s’agisse d’un point de vente physique ou d’un site Internet.

61.      L’article 4, sous c), du règlement n° 2790/1999 ne cite pas les ventes sur Internet (65). Cependant, à mon avis, Internet ne doit pas être considéré dans ce contexte comme un établissement (virtuel), mais plutôt comme un moyen moderne de communication et de commercialisation de produits et de services. Ainsi, si un distributeur agréé peut se voir interdire, conformément à l’article 4, sous c), du règlement n° 2790/1999 de déplacer ses locaux/points de vente sans l’autorisation préalable du fabricant, ce qui permet à ce dernier notamment de contrôler la qualité et la présentation de ce point de vente/local, j’estime qu’une interdiction générale et absolue de vendre sur Internet insérée dans un accord de distribution sélective sera exclue du bénéfice de l’exemption au titre de l’article 4, sous c), du règlement n° 2790/1999. Comme je l’ai indiqué au point 54 ci-dessus, un fabricant peut, à mon avis, imposer des conditions appropriées, raisonnables et non discriminatoires en ce qui concerne les ventes sur Internet, garantissant ainsi la qualité de la présentation et de la distribution des produits et des services dont la promotion et la commercialisation sont assurées par ce moyen.

62.      J’estime donc qu’un accord de distribution sélective qui contient une interdiction générale et absolue de vendre sur Internet ne peut pas bénéficier de l’exemption par catégorie prévue par le règlement n° 2790/1999, car une telle interdiction agit comme une limitation des ventes actives et passives au sens de l’article 4, sous c), dudit règlement. La vente sur Internet de produits contractuels par un revendeur ne représente pas une opération réalisée hors d’un lieu d’établissement autorisé au sens de l’article 4, sous c), du règlement n° 2790/1999.

VII – Troisième question – Exemption individuelle au titre de l’article 81, paragraphe 3, CE

63.      La juridiction de renvoi a demandé à la Cour d’indiquer si, dans l’hypothèse où elle ne pourrait pas bénéficier de l’exemption par catégorie au titre du règlement n° 2790/1999, l’interdiction générale et absolue de vendre sur Internet peut bénéficier d’une exemption individuelle au titre de l’article 81, paragraphe 3, CE.

64.      Ce n’est que dans le cas où la juridiction de renvoi conclut que l’interdiction en cause restreint la concurrence au sens de l’article 81, paragraphe 1, CE et ne bénéficie pas de l’exemption par catégorie au titre du règlement n° 2790/1999 qu’il y a lieu pour elle de procéder à une analyse au regard de l’article 81, paragraphe 3, CE. De plus, tout accord qui restreint la concurrence peut, en principe, bénéficier d’une exemption au titre de l’article 81, paragraphe 3, CE. Ainsi, comme la Commission l’a indiqué avec raison dans son argumentation, même dans le cas où il est conclu qu’un accord a pour objet de restreindre la concurrence au sens de l’article 81, paragraphe 1, CE, cet accord n’est pas automatiquement exclu du bénéfice de l’article 81, paragraphe 3, CE.

65.      L’applicabilité de l’exemption prévue à l’article 81, paragraphe 3, CE est subordonnée aux quatre conditions cumulatives énoncées dans cette disposition. Il faut, premièrement, que l’accord concerné contribue à améliorer la production ou la distribution des produits en cause, ou à promouvoir le progrès technique ou économique, deuxièmement qu’une partie équitable du profit qui en résulte soit réservée aux utilisateurs, troisièmement qu’il n’impose aucune restriction non indispensable aux entreprises participantes et, quatrièmement, qu’il ne leur donne pas la possibilité d’éliminer la concurrence pour une partie substantielle des produits en cause (66).

66.      En outre, conformément à l’article 2 du règlement n° 1/2003, intitulé «Charge de la preuve», l’entreprise qui invoque le bénéfice des dispositions de l’article 81, paragraphe 3, CE a la charge d’apporter la preuve que les conditions visées dans ce paragraphe sont remplies. Toutefois, les éléments factuels invoqués par ladite entreprise peuvent être de nature à obliger l’autre partie à fournir une explication ou une justification, faute de quoi il est permis de conclure qu’il a été satisfait à la charge de la preuve (67).

67.      Puisqu’il n’existe pas à cet égard de preuves suffisantes dans le dossier soumis à la Cour, j’estime que la Cour n’est pas en mesure de donner à la juridiction de renvoi des indications concernant l’application spécifique de l’article 81, paragraphe 3, CE aux faits de l’affaire au principal.

68.      J’estime donc qu’un accord de distribution sélective qui contient une interdiction générale et absolue de vendre sur Internet peut bénéficier d’une exemption individuelle au titre de l’article 81, paragraphe 3, CE à condition que les quatre conditions cumulatives définies dans cette disposition soient remplies.

VIII – Conclusion

69.      Au vu des considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre de la manière suivante aux questions posées par la cour d’appel de Paris:

«1)      Une interdiction générale et absolue de vendre sur Internet des produits aux utilisateurs finals, imposée aux distributeurs agréés dans le cadre d’un réseau de distribution sélective qui prévient ou restreint le commerce parallèle de façon plus extensive que les restrictions inhérentes à tout accord de distribution sélective et qui va au-delà de ce qui est objectivement nécessaire pour distribuer ces produits d’une manière appropriée au regard non seulement de leurs qualités matérielles, mais aussi de leur aura ou image, a pour objet de restreindre la concurrence aux fins de l’article 81, paragraphe 1, CE.

2)      Un accord de distribution sélective qui contient une interdiction générale et absolue de vendre sur Internet ne peut pas bénéficier de l’exemption par catégorie prévue le règlement (CE) n° 2790/1999 de la Commission, du 22 décembre 1999, concernant l’application de l’article 81, paragraphe 3, du traité à des catégories d’accords verticaux et de pratiques concertées, car une telle interdiction agit comme une limitation des ventes actives et passives au sens de l’article 4, sous c), dudit règlement. La vente sur Internet de produits contractuels par un revendeur ne représente pas une opération réalisée hors d’un lieu d’établissement autorisé au sens de l’article 4, sous c), du règlement n° 2790/1999.

3)      Un accord de distribution sélective qui contient une interdiction générale et absolue de vendre sur Internet peut bénéficier d’une exemption individuelle au titre de l’article 81, paragraphe 3, CE à condition que les quatre conditions cumulatives définies dans cette disposition soient remplies.»


1 – Langue originale: l’anglais.


2 – L’article 1.1 des conditions générales de ces contrats oblige tous les distributeurs à «justifier de la présence physique et permanente dans son point de vente, et pendant toute l’amplitude horaire d’ouverture de celui-ci, d’au moins une personne spécialement qualifiée par sa formation pour conseiller instantanément et sur le point de vente, le produit [de PFDC] le plus adapté au problème spécifique d’hygiène ou de soin, notamment de la peau et des phanères, qui lui est soumis. Cette personne qualifiée doit être titulaire, pour ce faire, du diplôme de pharmacien délivré ou reconnu en France». L’article 1.2 énonce que les produits en cause ne peuvent être vendus que «dans un point de vente matérialisé et individualisé».


3 – Il ressort de la demande de décision préjudicielle que l’effet sur le commerce intracommunautaire n’est pas contesté par les parties et est considéré par la juridiction de renvoi comme établi.


4 – JO L 336, p. 21.


5 – Règlement du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 et 82 du traité (JO L 1, p. 1).


6 – Il semble que l’Autorité de la concurrence ait succédé au Conseil de la concurrence en vertu de la loi n° 2008-776, du 4 août 2008, sur la modernisation de l’économie (JORF n° 181, du 5 août 2008, p. 12471).


7 – Sous réserve de vérification par la juridiction de renvoi.


8 – Voir points 11, 19 et 21 desdites observations.


9 – Arrêts du 30 juin 1966, LTM (56/65, Rec. p. 337), et du 13 juillet 1966, Consten et Grundig/Commission (56/64 et 58/64, Rec. p. 429).


10 – Qui se réfère aux accords ayant pour objet ou effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence. La distinction entre «infractions par objet» et «infractions par effet» tient à la circonstance que certaines formes de collusion entre entreprises, à savoir les «infractions par objet», peuvent être considérées, par leur nature même, comme nuisibles au bon fonctionnement du jeu normal de la concurrence. Voir arrêt du 20 novembre 2008, Beef Industry Development Society et Barry Brothers (C‑209/07, Rec. p. I-8637, point 17, voir aussi point 16).


11 – Dans son arrêt du 6 octobre 2009, GlaxoSmithKline Services e.a./Commission (C‑501/06 P, C‑513/06 P, C-515/06 P et C-519/06 P, Rec. p. I-9291, point 55), la Cour a confirmé que l’objet et l’effet anticoncurrentiel d’un accord sont des conditions non pas cumulatives, mais alternatives pour apprécier si un tel accord relève de l’interdiction énoncée à l’article 81, paragraphe 1, CE. Le caractère alternatif de cette condition, marqué par la conjonction «ou», conduit à la nécessité de considérer en premier lieu l’objet même de l’accord, compte tenu du contexte économique dans lequel il doit être appliqué. Au cas cependant où l’analyse de la teneur de l’accord ne révélerait pas un degré suffisant de nocivité à l’égard de la concurrence, il conviendrait alors d’en examiner les effets et, pour le frapper d’interdiction, d’exiger la réunion des éléments établissant que le jeu de la concurrence a été, en fait, soit restreint, soit empêché, soit faussé de façon sensible.


12 – Voir arrêts GlaxoSmithKline Services e.a./Commission, précité note 11, point 58, ainsi que du 6 avril 2006, General Motors/Commission (C-551/03 P, Rec. p. I-3173, point 66). Voir aussi arrêt du 4 juin 2009, T-Mobile Netherlands e.a. (C‑8/08, Rec. p. I-4529, point 31), où la Cour se réfère au «contexte juridique et économique dans lequel [la pratique] s’inscrit». La liste des facteurs énumérés par la Cour ne semble pas avoir un caractère exhaustif.


13 – Pour l’application de l’article 81, paragraphe 1, CE.


14 – JO 2000, C 291, p. 1.


15 – Comme l’indique son titre, le règlement n° 2790/1999 concerne l’application de l’article 81, paragraphe 3, CE plutôt que de l’article 81, paragraphe 1, CE. Il a pour base légale le règlement n° 19/65/CEE du Conseil, du 2 mars 1965, concernant l’application de l’article [81], paragraphe 3, du traité à des catégories d’accords et de pratiques concertées (JO 1965, 36, p. 533).


16 – Je note que l’article 4, lui-même, du règlement sur l’exemption par catégorie n’utilise pas le terme de «restriction caractérisée».


17 – Les expressions «ventes actives» et «ventes passives» ne sont pas définies dans le règlement n° 2790/1999. Cependant, les lignes directrices, qui n’ont pas de caractère contraignant vis-à-vis de la Cour (voir leur point 4), indiquent au point 50 que les ventes «actives» correspondent au fait de prospecter des clients individuels à l’intérieur du territoire exclusif ou parmi la clientèle exclusive d’un autre distributeur, par exemple par publipostage ou au moyen de visites, au fait de prospecter une clientèle déterminée ou des clients à l’intérieur d’un territoire donné concédés exclusivement à un autre distributeur, par le biais d’annonces publicitaires dans les médias ou d’autres actions de promotion ciblées sur cette clientèle ou sur les clients situés dans ce territoire, ou encore l’établissement d’un entrepôt ou d’un point de vente à l’intérieur du territoire exclusif d’un autre distributeur. Les «ventes passives» désignent le fait de satisfaire à des demandes non sollicitées, émanant de clients individuels, en assurant la livraison des biens ou la prestation des services demandés par ces clients. Toute publicité ou action de promotion générale, soit dans les médias, soit sur Internet, qui atteint des clients établis sur les territoires exclusifs d’autres distributeurs, ou faisant partie d’une clientèle allouée à d’autres, mais qui est un moyen raisonnable d’atteindre des clients situés en dehors de ces territoires ou d’une telle clientèle, par exemple pour toucher des clients situés sur des territoires non exclusifs ou sur son propre territoire, est considérée comme une vente passive.


18 – J’estime qu’une interdiction générale et absolue de vendre sur Internet restreint effectivement tant les ventes actives que passives, puisque cela limite les possibilités pour un distributeur agréé de vendre aux utilisateurs finals dans d’autres États membres. L’interdiction en question rend l’interpénétration des marchés nationaux plus difficile et constitue donc une restriction au regard de l’article 4, sous c), du règlement n° 2790/1999, ce qui fait obstacle à l’application de l’exemption prévue à l’article 2 de ce règlement. L’absence de toute mention expresse des ventes sur Internet à l’article 4, sous c), du règlement n° 2790/1999 ne s’oppose nullement à une telle conclusion.


19 – À condition qu’il puisse avoir un effet sensible sur les échanges entre les États membres.


20 – Arrêt du 2 avril 2009 (C‑260/07, Rec. p. I‑2437, point 68).


21 – Comme le règlement n° 2790/1999.


22 – Arrêt du 23 avril 2009 (C‑59/08, Rec. p. I‑3421).


23 – La Cour a souligné le caractère très particulier des médicaments, les effets thérapeutiques de ceux-ci les distinguant substantiellement des autres marchandises. Ces effets thérapeutiques ont pour conséquence que, si les médicaments sont consommés sans nécessité ou de manière incorrecte, ils peuvent gravement nuire à la santé, sans que le patient soit en mesure d’en prendre conscience lors de leur administration. Voir arrêt du 19 mai 2009, Apothekerkammer des Saarlandes e.a. (C-171/07 et C‑172/07, Rec. p. I-4171, points 31 et 32).


24 – Voir point 5 ci-dessus.


25 – J’estime que, par analogie avec l’arrêt du 11 décembre 2003, Deutscher Apothekerverband (C‑322/01, Rec. p. I-14887), une telle interdiction générale et absolue de vendre sur Internet, si elle était imposée par le droit national, contreviendrait en principe aux règles de la libre circulation des marchandises. Dans cette affaire, la Cour a jugé qu’une interdiction nationale de vendre par correspondance des médicaments dont la vente est réservée aux pharmacies dans l’État membre concerné constitue à cet égard une mesure d’effet équivalant à une restriction quantitative. L’article 30 CE peut cependant être invoqué pour justifier une telle interdiction nationale de la vente par correspondance de médicaments, dans la mesure où l’interdiction couvre les médicaments soumis à prescription. En revanche, l’article 30 CE ne peut pas être invoqué pour justifier une interdiction absolue de vendre par correspondance des médicaments non soumis à prescription dans l’État membre concerné. Voir aussi, par analogie, l’arrêt récent du 2 décembre 2010, Ker-Optika (C‑108/09, non encore publié au Recueil), en ce qui concerne la vente de lentilles de contact par Internet.


26 – Par opposition aux limitations imposées par le droit national ou par le droit de l’Union.


27 – Certains biens ou services peuvent en effet être par nature impropres à la vente via Internet.


28 – Voir, par analogie, arrêt du 19 février 2002, Wouters e.a. (C-309/99, Rec. p. I-1577).


29 – Voir points 44 et suiv. ci-après.


30 – PFDC soutient en effet que, du fait de l’interdiction, les consommateurs savent que tout produit vendu sous la marque de PFDC via Internet constitue une contrefaçon.


31 – La décision se réfère notamment au point 51 des lignes directrices, qui dispose que «[c]haque distributeur doit être libre de recourir à Internet pour faire de la publicité ou pour vendre ses produits». La Commission reconnaît toutefois, dans le même point, que «le fournisseur peut imposer des normes de qualité pour l’utilisation du site Internet à des fins de vente de ses produits, comme il le ferait pour un magasin, une annonce publicitaire ou une action de promotion en général. Cette remarque pourrait s’appliquer en particulier à la distribution sélective. L’interdiction catégorique de vendre sur Internet ou sur catalogue n’est admissible que si elle est objectivement justifiée».


32 – Voir points 8 et 9 ci-dessus.


33 – La Cour a eu l’occasion de juger que certains accords restreignant directement ou indirectement le commerce parallèle étaient compatibles avec l’article 81, paragraphe 1, CE. Les affaires en question ont, à mon avis, un caractère exceptionnel par leur nature, et se limitent peut-être aux situations de fait qui leur sont propres. Cependant, elles suffisent pour énoncer le principe selon lequel les accords qui restreignent directement ou indirectement les ventes parallèles n’ont pas automatiquement pour objet de restreindre la concurrence au sens de l’article 81, paragraphe 1, CE. Un simple examen des dispositions d’un accord, sans analyse, par exemple, du contexte économique et juridique dans lequel il a été rédigé et s’applique ensuite ne suffira pas, à mon avis. Voir, par exemple, arrêts du 19 avril 1988, Erauw-Jacquery (27/87, Rec. p. 1919), et du 28 avril 1998, Javico (C‑306/96, Rec. p. I‑1983). Voir aussi arrêt du 6 octobre 1982, Coditel e.a. (262/81, Rec. p. 3381), qui doit, à mon avis, être lu ensemble avec l’arrêt Coditel I (arrêt du 18 mars 1980, Coditel e.a., 62/79, Rec. p. 880). À propos des arrêts Coditel, voir cependant conclusions récentes de l’avocat général Kokott dans l’affaire Football Association Premier League e.a. (C-403/08, pendante devant la Cour), points 193 à 202; voir aussi points 243 à 251.


34 – Je relève que la décision, sous réserve de vérification par la juridiction nationale, ne paraît pas se référer spécifiquement au «commerce parallèle». Il me semble néanmoins qu’une restriction des ventes actives ou passives est susceptible de restreindre le commerce parallèle entre les États membres.


35 – Voir arrêt GlaxoSmithKline Services e.a./Commission, précité note 11, point 59. Un accord entre producteur et distributeur qui tendrait à reconstituer les cloisonnements nationaux dans le commerce entre États membres pourrait être de nature à contrarier l’objectif du traité visant à réaliser l’intégration des marchés nationaux par l’établissement d’un marché unique. Ainsi, la Cour a jugé à plusieurs reprises que les accords visant à cloisonner les marchés nationaux selon les frontières nationales ou rendant plus difficile l’interpénétration des marchés nationaux, notamment ceux visant à interdire ou à restreindre les exportations parallèles, ont été qualifiés par le juge communautaire d’accords ayant pour objet de restreindre la concurrence au sens dudit article du traité. Voir arrêt du 16 septembre 2008, Sot. Lélos kai Sia e.a. (C‑468/06 à C‑478/06, Rec. p. I‑7139, point 65 et jurisprudence citée). Dans l’arrêt General Motors/Commission (précité note 12), la Cour a jugé, au point 67, qu’un accord en matière de distribution a un objet restrictif au sens de l’article 81 CE s’il manifeste clairement la volonté de traiter les ventes à l’exportation d’une manière moins favorable que les ventes nationales et conduit ainsi à un cloisonnement du marché en cause.


36 – En limitant les ventes actives et passives au moyen d’une interdiction des ventes sur Internet.


37 – Cela ne veut pas dire que la question de l’affectation du commerce parallèle n’est pas pertinente dans le contexte d’accords de distribution sélective. En effet, la Cour a jugé que les accords de distribution sélective peuvent, dans certaines circonstances, enfreindre l’article 81, paragraphe 1, CE en raison de la restriction qu’ils apportent au commerce parallèle. Voir arrêt du 24 octobre 1995, Bayerische Motorenwerke (C‑70/93, Rec. p. I‑3439). La Cour a jugé que l’octroi d’une protection territoriale absolue aux revendeurs BMW était exclu par l’article 81, paragraphe 1, CE. Voir aussi arrêt du 21 février 1984, Hasselblad/Commission (86/82, Rec. p. 883).


38 – Arrêt du 25 octobre 1983, AEG/Commission (107/82, Rec. p. 3151, point 33).


39 – Dans l’arrêt du 22 octobre 1986, Metro/Commission (75/84, Rec. p. 3021, ci‑après l’«arrêt Metro II»), la Cour a jugé qu’une certaine limitation de la concurrence sur le plan des prix doit être considérée comme inhérente à tout système de distribution sélective, étant donné que les prix pratiqués par des commerçants spécialisés restent nécessairement à l’intérieur d’une fourchette beaucoup moins large que celle que l’on pourrait envisager dans le cas d’une concurrence entre commerçants spécialisés et commerçants non spécialisés. Cette limitation est contrebalancée par une concurrence sur la qualité des prestations fournies aux clients, qui ne serait normalement pas possible en l’absence d’une marge bénéficiaire adéquate permettant de supporter les frais plus élevés entraînés par ces prestations. Dans l’arrêt du 25 octobre 1977, Metro/Commission (26/76, Rec. p. 1875, ci-après l’«arrêt Metro I»), au point 21, la Cour a admis que, dans les systèmes de distribution sélective, l’accent n’est généralement pas mis de façon exclusive ni même principale sur la concurrence par les prix. Ainsi, si elle ne peut jamais être éliminée, la concurrence par les prix ne constitue toutefois pas la seule forme efficace de concurrence ni celle à laquelle doit, en toutes circonstances, être accordée une priorité absolue. Dans l’arrêt AEG/Commission (précité note 38), au point 42, la Cour s’est référée au fait que la concurrence par les prix et la concurrence autre que par les prix peuvent se contrebalancer.


40 – Voir, en ce sens, arrêt du 13 janvier 1994, Cartier (C‑376/92, Rec. p. I‑15, points 26 à 29, ci‑après l’«arrêt Metro III»). L’effet de facto sur le commerce parallèle peut varier en fonction, par exemple, du degré d’«étanchéité» du système de distribution sélective. Le degré d’étanchéité dans ce contexte se réfère à la mesure dans laquelle les produits soumis à un accord de distribution sélective n’atteignent les consommateurs que par le biais de revendeurs agréés.


41 – Voir point 6 ci-dessus.


42 – Cet arrêt (précité note 22) montre notamment que, lorsqu’un distributeur agréé vend des marchandises soumises à un accord de distribution sélective à un distributeur non agréé, le titulaire de la marque peut introduire une action sur le fondement du droit des marques – en plus de l’action en droit des contrats – contre le distributeur agréé si la vente par le distributeur non agréé porte atteinte à l’allure et à l’image de prestige qui confère aux biens une aura de luxe. De surcroît, dans de telles circonstances, le droit de marque n’est pas épuisé.


43 – Il ressort de l’arrêt Copad (précité note 22) que la façon dont certains produits de marque sont commercialisés peut porter atteinte à leur image et finalement à leur qualité aux yeux du consommateur. Dans cet arrêt, la Cour a jugé, à l’égard de produits de luxe, que leur qualité résulte non pas uniquement de leurs caractéristiques matérielles, mais également de l’allure et de l’image de prestige qui leur confèrent une sensation de luxe. Puisqu’ils constituent des articles haut de gamme, la sensation de luxe qui émane de ceux-ci est un élément essentiel pour qu’ils soient distingués, par les consommateurs, des autres produits semblables. Dès lors, une atteinte à ladite sensation de luxe est susceptible d’affecter la qualité même de ces produits. Voir aussi arrêt du 12 décembre 1996, Leclerc/Commission (T-88/92, Rec. p. II-1961, point 109), où le Tribunal a dit pour droit que la notion de propriété des cosmétiques de luxe ne peut être limitée à leurs caractéristiques matérielles, mais englobe également la perception spécifique qu’en ont les consommateurs, et plus particulièrement leur «aura de luxe».


44 – Si cette affaire concernait des produits de marque, j’estime néanmoins que ce principe pourrait être étendu dans certaines circonstances à des produits non marqués et à des services, lorsque la manière dont les biens et services sont présentés affecte la perception de leur qualité par les consommateurs. Il est cependant clair que, pour que des droits de marque puissent être invoqués, il faut qu’une marque ait été enregistrée pour les produits et services. C’est ainsi que la Cour a jugé, au point 35 de l’arrêt Copad (précité note 22), que, si aucune raison impérative tirée de la directive ou des principes généraux du droit communautaire ne s’oppose à ce que des services fournis dans le cadre du commerce de détail de produits relèvent de la notion de «services» au sens de la première directive 89/104/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des États membres sur les marques (JO 1989, L 40, p. 1), telle que modifiée par l’accord sur l’Espace économique européen du 2 mai 1992 (JO 1994, L 1, p. 3), encore faut-il que la marque ait été enregistrée pour ces services.


45 – Précité note 39.


46 – Précité note 38.


47 – Le Tribunal a jugé à juste titre, à mon avis, dans l’arrêt Leclerc/Commission (précité note 43), au point 107, que des systèmes de distribution sélective peuvent être mis en place dans d’autres secteurs économiques que ceux des biens de consommation durables de haute qualité ou technicité sans violer l’article 81, paragraphe 1, CE.


48 – Voir point 33.


49 – Arrêt du 10 juillet 1980, Lancôme et Cosparfrance Nederland (99/79, Rec. p. 2511, point 20).


50 – Arrêt AEG/Commission, précité note 38, point 45.


51 – La condition prévoyant que le produit en cause doit être vendu en présence d’un pharmacien diplômé.


52 – Par exemple, la réalisation d’un certain chiffre d’affaires ou des obligations tenant à un minimum de ventes ou de stocks.


53 – Voir arrêt du 11 décembre 1980, L’Oréal (31/80, Rec. p. 3775, point 17).


54 – Je note l’utilisation des termes «en particulier» par la Cour au point 17 de l’arrêt Metro I (précité note 39).


55 – Dans l’arrêt L’Oréal (précité note 53), la Cour a jugé qu’un système de distribution sélective n’est pas indispensable pour préserver la qualité et l’usage correct d’un produit si ces objectifs sont déjà remplis du fait des règles nationales régissant l’accès au commerce de revente ainsi que les conditions de vente des produits en cause.


56 – Arrêt L’Oréal (précité note 53), point 16. Dans l’arrêt du 27 février 1992, Vichy/Commission (T‑19/91, p. II-415), le Tribunal a relevé que les caractéristiques de certains produits sont telles qu’il ne convient pas de les proposer au public sans l’intervention de distributeurs spécialisés (point 65).


57 – Voir, par analogie, arrêt L’Oréal, précité note 53, point 16.


58 – Dans l’arrêt Leclerc/Commission (précité note 43), le Tribunal a jugé qu’il est dans l’intérêt des consommateurs recherchant de tels produits que ceux-ci soient présentés dans de bonnes conditions dans les points de vente, et que soit ainsi préservée leur image de luxe. Il s’ensuit que, dans le secteur des cosmétiques de luxe, et notamment des parfums de luxe, des critères qualitatifs de sélection des détaillants qui ne vont pas au-delà de ce qui est nécessaire pour assurer la vente de ces produits dans de bonnes conditions de présentation ne sont pas, en principe, visés par l’article 81, paragraphe 1, CE, pour autant que ces critères soient objectifs, fixés d’une manière uniforme à l’égard de tous les revendeurs potentiels et appliqués d’une façon non discriminatoire.


59 – L’Autorité de surveillance AELE indique que «rien dans l’ordonnance de renvoi ne laisse suggérer que l’interdiction vise le commerce parallèle ou les autres formes de ventes transfrontalières. Au contraire, il semblerait que l’interdiction soit basée sur la nature des produits et sur la manière dont la société Pierre Fabre envisage de les commercialiser».


60 – Une possibilité évoquée au point 51 des lignes directrices de la Commission. Voir aussi les lignes directrices sur les restrictions verticales récemment adoptées par la Commission (JO 2010, C 130, p. 1). Si elles ne s’appliquent pas aux faits de l’affaire au principal et ne lient pas la Cour, les nouvelles lignes directrices fournissent des indications à propos de certaines clauses d’accords de distribution que la Commission juge acceptables en ce qui concerne les ventes sur Internet. Voir, par exemple, points 52, sous c), et 54 de ces nouvelles lignes directrices.


61 – Voir, en ce sens, en ce qui concerne la vente de médicaments via Internet, arrêt Deutscher Apothekerverband, précité note 25, point 113, et pour la vente de lentilles de contact via Internet, arrêt Ker-Optika, précité note 25, point 73.


62 – Et entre les produits en question et ceux d’autres marques (concurrence intermarques).


63 – Conformément à l’article 3, paragraphe 1, l’exemption prévue dans ce règlement s’applique à condition que la part du marché détenue par le fournisseur ne dépasse pas 30 % du marché pertinent sur lequel il vend les biens ou services contractuels. La juridiction de renvoi a constaté que le groupe Pierre Fabre détenait une part de marché de 20 %.


64 – Voir note 18 ci-dessus.


65 – Voir note 18 ci-dessus. Voir aussi article 4, sous c), du règlement (UE) n° 330/2010 de la Commission, du 20 avril 2010, concernant l’application de l’article 101, paragraphe 3, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne à des catégories d’accords verticaux et de pratiques concertées (JO L 102, p. 1), qui ne mentionne pas les ventes sur Internet. Le règlement n° 330/2010 est entré en vigueur le 1er juin 2010 et a effectivement remplacé le règlement n° 2790/1999, qui a expiré le 31 mars 2010. Voir, cependant, article 9 du règlement n° 330/2010 en ce qui concerne la période transitoire. Le règlement n° 330/2010 n’est pas applicable dans le temps à l’affaire au principal.


66 – Voir, en ce sens, arrêt du 17 janvier 1984, VBVB et VBBB/Commission (43/82 et 63/82, Rec. p. 19).


67 – Voir arrêt GSK, cité note 11, point 83.